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MÉTAMORPHISME ET GÉODYNAMIQUE Cours et exercices corrigés Christian Nicollet Professeur à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand Préface de Jacques Kornprobst
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Illustration de couverture : Microphotographie en LPA d’un agrégat de chlorite remplaçant un grenat au cours de l’évolution rétrograde. Remarquez les teintes de polarisation violettes anormales de la chlorite. Des reliques du grenat (qui sont noires car le minéral est isotrope) sont encore visibles. Même échantillon que celui de la photo 5, planche 1. Source : Christian Nicollet.
© Dunod, Paris, 2010 ISBN 978-2-10-054821-7
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
PRÉFACE
Pour qui a le goût de la pétrographie, toutes les roches sont intéressantes. Mais les roches métamorphiques et les processus qui sont à leur origine – le métamorphisme – présentent des attraits tout particuliers. Les séries sédimentaires offrent incontestablement de grandes joies aux géologues : leurs structures stratifiées, tabulaires, fracturées ou plissées, sont souvent impressionnantes ; les fins détails des microfaciès et des laminites, agréables à l’œil, sont révélateurs des milieux de sédimentation ; les figures sédimentaires, spécialement développées dans les turbidites, sont des éléments de premier choix pour définir des critères de polarité tandis que la découverte de fossiles conduit généralement à une excitation proche de la jubilation. Toutefois, sauf cas particuliers (des cristaux de gypses par exemple, vus au microscope polarisant dans des dolomites évaporitiques !), la composition minéralogique des roches sédimentaires, généralement pauvre et monotone, peut être à l’origine de graves frustrations. De ce point de vue, les roches ignées apportent en revanche beaucoup de satisfaction ! Les très gros grains des roches plutoniques, en particulier dans les pegmatites, et la diversité des espèces minérales, comblent les aspirations des amateurs de minéralogie. Les textures graphiques, le moirage des perthites et des antiperthites, les phénocristaux zonés et maclés tout comme les mésostases finement enchevêtrées des roches volcaniques sont autant d’éléments qui enchantent l’œil et dont l’étude détaillée aux différentes échelles d’observation conduit à une foule d’informations utiles à la compréhension des mécanismes éruptifs. Toutefois, sur le terrain, faute de lignes directrices sur lesquelles l’observateur puisse s’appuyer avec confiance, la structure des ensembles magmatiques est généralement difficile à décortiquer. Ceci est particulièrement vrai pour les édifices volcaniques dont l’évolution est dominée par des phases de construction et de destruction, souvent simultanées, dont la superposition rend souvent obscure la chronologie exacte des événements. Les volcanologues sont bien forts, qui sont capables de débrouiller la complexité de ces ensembles ! Les unités métamorphiques ont l’avantage d’être généralement solidement structurées. Elles présentent des schistosités, des foliations, des crénulations qui laissent parfois encore transparaître la stratification initiale. Elles montrent des linéations variées, d’intersection ou d’allongement et des figures de cisaillement. Pour qui sait les distinguer et les interpréter, ces structures sont autant de guides qui permettent V
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Préface
d’échafauder une géométrie cohérente et une chronologie des déformations. Les minéraux participent à cette enquête puisqu’il est possible d’en distinguer différentes générations développées avant, pendant et après telle ou telle structure caractéristique. Le nombre d’espèces est très grand puisque les assemblages minéralogiques dépendent à la fois de la composition chimique globale des matériaux initiaux et des conditions – température, pression, pression de fluide – des recristallisations. Ces conditions évoluent au cours du temps, en liaison avec le déroulement des processus géodynamiques, et chaque roche peut recéler une superposition d’assemblages qui traduit plus ou moins fidèlement – car la diffusion des éléments n’est pas un phénomène instantané ! – les trajectoires parcourues par les unités métamorphiques à l’intérieur de la Terre. Cette variation des conditions des recristallisations peut même s’observer au microscope sous la forme de réactions minéralogiques, en cours ou inachevées, parmi lesquelles les coronites sont particulièrement fascinantes. L’étude et l’interprétation des roches et des séries métamorphiques est donc un processus compliqué qui fait appel à de nombreuses techniques, naturalistes, physiques, chimiques et thermodynamiques. L’acquisition de l’expérience nécessaire passe par un apprentissage, rude mais passionnant, sur le terrain et au laboratoire. Cet apprentissage peut être grandement facilité et raccourci en consultant les ouvrages pertinents. Celui de Christian Nicollet, que le lecteur a entre les mains, est certainement l’un des plus agréable à lire et à étudier. Sa présentation très pédagogique et les illustrations, nettes et convaincantes, ont tout pour séduire les étudiants comme les géologues plus chevronnés, et les conduire à une compréhension approfondie des mécanismes complexes des recristallisations métamorphiques dans leurs contextes géodynamiques. Jacques KORNPROBST Ancien président de la Société géologique de France Ancien président de la Société française de minéralogie et cristallographie Directeur honoraire de l’observatoire de physique du globe de Clermont-Ferrand
VI
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TABLE
DES MATIÈRES
Préface
V
Avant-propos
XIII
PARTIE I MÉTAMORPHISME
ET PROCESSUS MÉTAMORPHIQUES
Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
3
1.1 Définition du métamorphisme
3 3 5
1.1.1 Recristallisation et équilibre 1.1.2 Préservation des roches métamorphiques et métastabilité 1.2 Les limites du métamorphisme
1.2.1 Diagenèse et métamorphisme 1.2.2 La limite à hautes températures et anatexie 1.3 La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre
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1.3.1 Température et chaleur 1.3.2 Pression et profondeur 1.3.3 Les fluides
6 6 7 7 7 12 13
Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : des marqueurs des perturbations thermiques et mécaniques dans la lithosphère
17
2.1 Évolution PT, trajet PTt et géothermes
18
2.2 Pourquoi les roches recristallisent-elles ?
19
2.3 Le trajet PTt et le gradient métamorphique
22
2.4 Trajets PTt et contextes géodynamiques
24
Chapitre 3 • Les roches métamorphiques : localisation, textures, structures et classification
27
3.1 Localisation géographique des roches métamorphiques
3.1.1 Les différents types de métamorphismes 3.1.2 Répartition des roches métamorphiques à la surface du globe 3.1.3 Répartition des roches métamorphiques sur un profil de la croûte
27 27 28 29 VII
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Table des matières
3.2 Cartographie du métamorphisme - Minéraux index et isogrades du métamorphisme 3.3 Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T
3.3.1 Les limites du métamorphisme et les faciès métamorphiques 3.3.2 Les principaux gradients métamorphiques 3.4 Structures et textures
3.4.1 La recristallisation dynamique 3.4.2 La recristallisation statique 3.5 Structures et contraintes
3.5.1 Schistosité et foliation 3.5.2 Les linéations
32 32 35 37 37 38 38 39 39
3.6 Les principales textures des roches métamorphiques
41
3.7 Nomenclature des roches métamorphiques
43
Chapitre 4 • Relations chronologiques entre déformation et recristallisation métamorphique
45
4.1 Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation
4.1.1 La chronologie des phases de déformation 4.1.2 Relations chronologiques cristallisation-déformation 4.1.3 La dimension des structures
45 45 47 50
4.2 Un exemple de relation cristallisation-déformation : le métamorphisme hercynien au Cap Creus (Espagne)
51
4.3 Trajets PTt et chronologie
54
Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique sur la minéralogie des roches métamorphiques
58
5.1 Les différentes séquences métamorphiques
58
5.2 La règle des phases
60
5.3 La représentation graphique des paragenèses
61 61 62
5.3.1 Système à 2 constituants 5.3.2 Système à 3 constituants 5.3.3 Système à n constituants – le diagramme ACF pour les roches de la séquence basique 5.3.4 Système à n constituants – les diagrammes A’KF et AFM pour les roches de la séquence pélitique 5.3.5 Représentation graphique des paragenèses des faciès métamorphiques
63 67 70
Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
78
6.1 Interprétation thermodynamique sommaire d’une réaction minéralogique
79
6.2 Réactions solide-solide entre minéraux anhydres
80 80
6.2.1 Réactions de transition polymorphique : les silicates d’alumine VIII
31
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Table des matières
6.2.2 Réactions d’exsolution 6.2.3 Réactions interminérales solide-solide entre minéraux anhydres 6.3 Réactions entre solide-solide hydraté ou réactions de dévolatilisation et libération de fluides
6.3.1 Eau, pente des réactions métamorphiques et rétromorphose 6.3.2 Pression partielle de fluide et champ de stabilité des phases hydratées et carbonatées 6.3.3 Infiltration de la phase vapeur ou système fermé aux fluides extérieurs 6.4 Le métamorphisme est-il isochimique ?
6.4.1 Le quartz d’exsudation 6.4.2 Réactions de lessivage
84 84 85 88 88 88 89
Chapitre 7 • Analyse géométrique des réactions métamorphiques et élaboration d’une grille pétrogénétique
94
7.1 Système à un constituant indépendant
95
7.2 Système à deux constituants indépendants
96
7.3 Système à trois constituants indépendants et élaboration d’une grille pétrogénétique
98
7.4 Système à plus de trois constituants indépendants
101
Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes : thermométrie et barométrie géologiques
105
8.1 Réaction continue et réaction discontinue
8.1.1 La réaction continue Chl + Ms = St + Bt + Qtz + V 8.1.2 La réaction continue Bt + Sil + Qtz = Grt + Kfs + V
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82 83
106 106 109
8.2 Le principe de la géothermobarométrie
111
8.3 Un thermomètre basé sur la réaction d’échange fer-magnésium entre biotite et grenat
112
8.4 Un exemple de géothermobaromètre basé sur l’équilibre cordiérite = grenat + sillimanite + quartz + H2O
114
8.5 Les logiciels de calculs thermodynamiques multi-équilibres
116
8.6 Précautions d’utilisation de la géothermobarométrie
119
8.7 Étude des inclusions fluides : caractérisation de la phase fluide et géothermobarométrie
8.7.1 Composition des inclusions fluides 8.7.2 Caractérisation des isochores et thermobarométrie
120 122 122
Chapitre 9 • Cinétique des réactions et préservation des roches métamorphiques
124
9.1 Qu’est-ce que la vitesse de réaction ?
124 IX
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Table des matières
9.2 Quels sont les facteurs qui contrôlent une réaction ?
9.2.1 La vitesse de diffusion 9.2.2 L’influence de la phase vapeur 9.2.3 L’influence de la déformation
125 125 125 126
9.3 Métastabilité des paragenèses : l’exemple des silicates d’alumine
127
9.4 Cinétique de réaction et préservation des roches métamorphiques
130
Chapitre 10 • Migmatisation et anatexie
132
10.1 Définition des migmatites et de l’anatexie
132
10.2 Origines des migmatites
133
10.3 Fusion partielle des métapélites
134
10.4 Migmatites, granites, charnockites et faciès granulite
135
10.4.1 Influence de l’eau sur la transition faciès amphibolite-faciès granulite et anatexie 10.4.2 Migmatites et granites 10.4.3 Charnockites et gneiss charnockitiques
136 138 139
PARTIE II MÉTAMORPHISME
ET GÉODYNAMIQUE
Chapitre 11 • Le métamorphisme de contact
145
11.1 L’auréole de contact de l’intrusion de Ballachulish
145
11.2 Diffusion de la chaleur dans l’encaissant et modélisation du métamorphisme de contact
148
Chapitre 12 • Les métamorphismes de haute pression et ultra-haute pression-basse température : l’exemple alpin
152
12.1 Les Alpes : de la subduction à la collision
153
12.2 La carte métamorphique des Alpes occidentales
154
12.3 Lithologies et associations minéralogiques types
156
12.4 Le métamorphisme sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira dans les Alpes occidentales
161
12.5 Le métamorphisme d’ultra-haute pression (UHP) dans le monde
163
12.6 Exhumation des unités de HP-UHP
165 166 169
12.6.1 L’évolution rétrograde sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira 12.6.2 Des modèles d’exhumation 12.7 Les reliques de HP dans le dôme Lépontin, Alpes centrales X
173
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Table des matières
Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température 177 13.1 La série métamorphique de moyenne pression-haute température du massif du Lévezou 13.2 Le gradient métamorphique de moyenne pression : un coup de frein à l’enfouissement
13.2.1 Les reliques de HP et leur évolution rétrograde 13.2.2 De la subduction à la collision 13.2.3 Rareté et préservation du faciès des Schistes bleus dans les chaînes anciennes
177 181 182 188 189
13.3 Sous-charriage et métamorphisme inverse
190
Chapitre 14 • Le métamorphisme de basse pression-haute température dans les zones de convergence
200
14.1 Arrière-subduction et ceintures métamorphiques doubles
201
14.2 Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale médiane – la chaîne hercynienne d’Europe occidentale
14.2.1 14.2.2 14.2.3 14.2.4
203 Le massif hercynien nord-pyrénéen de l’Agly 204 Le massif du Pilat et le dôme anatectique du Velay 207 La Montagne Noire : dôme gneissique extensif ou anticlinal post-nappe ? 210 Vitesses d’exhumation et gradients métamorphiques 211
14.3 Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de moyenne pression de la croûte inférieure – la zone d’Ivrée 213
14.3.1 Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de moyenne pression 14.3.2 Zone d’Ivrée et différenciation de la croûte 14.4 Métamorphisme d’ultra-haute température (UHT)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
14.4.1 Les granulites de UHT de la formation d’Andriamena (Madagascar)
213 213 216 218
Chapitre 15 • Métamorphisme de basse pression-haute température dans les zones d’extension
223
15.1 Amincissement lithosphérique et déchirure crustale : le métamorphisme de la zone nord-pyrénéenne
223
15.1.1 La zone nord-pyrénéenne (ZNP) : couloir d’amincissement lithosphérique au Crétacé 15.1.2 Le métamorphisme de basse pression dans la ZNP 15.1.3 La ZNP : métamorphisme et «transtension » senestre intracontinentale
223 225 228
15.2 Métamorphisme océanique et hydrothermalisme dans la lithosphère océanique et dans les ophiolites
15.2.1 15.2.2 15.2.3 15.2.4
Le métamorphisme océanique au niveau des dorsales rapides Le métamorphisme océanique au niveau des dorsales lentes La semelle métamorphique des ophiolites En conclusion
228 231 235 244 244 XI
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Table des matières
Chapitre 16 • Les granulites et éclogites dans le manteau : magmatisme intra-mantellique et recyclage de la lithosphère océanique
249
16.1 Mode de gisement des roches du manteau
249
16.2 Les xénolithes du plateau océanique des îles Kerguelen : magmatisme et métamorphisme intra-mantellique
250
16.3 Les éclogites du manteau supérieur : cristallisation à haute pression d’un magma basaltique ou témoins des océans engloutis dans le manteau ?
252
Chapitre 17 • En guise de conclusion : évolution du métamorphisme dans le temps
255
17.1 Un modèle simplifié d’évolution thermique d’une chaîne de montagnes
256
17.2 Évolution du métamorphisme au cours du temps
260
Annexe
265
1. 2. 3. 4.
XII
Diagrammes ACF-A’KF Abréviations des minéraux d’après Kretz (1983) et Fettes et Desmons (2007) Formules structurales des principaux minéraux Quelques assemblages minéralogiques caractéristiques des principaux faciès métamorphiques
265 268 269 271
Références des articles et ouvrages cités dans le texte
272
Légendes complètes des planches couleurs
280
Index
285
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AVANT-PROPOS La dynamique de la Terre est conditionnée, depuis sa genèse, par son évolution thermique. C’est la dissipation de l’énergie thermique qui fait fonctionner la machine Terre. Volcanisme et flux de chaleur sont des exemples manifestes de l’énergie thermique interne du globe : ils résultent des transferts de la chaleur, des profondeurs du globe vers la surface, associés au lent refroidissement de notre planète. De même, la tectonique des plaques est liée à de vastes mouvements de convection dans le manteau dont le moteur est l’énergie thermique. Pour nous renseigner sur la situation thermique à l’intérieur de la lithosphère, à différents moments de son histoire, il nous faut trouver des « fossiles », des traceurs qui ont enregistré cette situation thermique et les perturbations éventuelles. Les roches métamorphiques représentent de tels témoins. Elles ont subi des transformations minéralogiques, à l’état solide, lorsque la température et la pression, c’est-à-dire la profondeur changeaient. Ainsi, les roches métamorphiques nous informent sur les variations de la T en fonction de la profondeur. L’objectif de cet ouvrage est de faire le lien entre les processus métamorphiques et l’évolution géodynamique de la Terre. Dans ce but, ce précis est divisé en deux parties. La première concerne la définition du métamorphisme, les causes qui en sont responsables et les processus pétrogénétiques qui en permettent la réalisation. Nous tenterons de répondre à des questions telles que : Quelles variables interviennent, en dehors des seules P et T ? Pourquoi et comment les roches recristallisent-elles ? Comment interpréter un assemblage de minéraux en fonction de ces variables ? En terme de trajet P-T-temps ? Quelles relations existent entre ce trajet P-T-temps et le contexte géodynamique ? Comment fabrique-t-on les outils de mesure des roches métamorphiques : diagrammes de phases, grilles pétrogénétiques, géothermobaromètres ? Cette première partie comprend dix chapitres de difficultés variables. Certains chapitres sont incontournables. Les chapitres 1 à 4 introduisent les définitions et nomenclatures des roches métamorphiques ; ils mettent en place le vocabulaire du pétrologue du métamorphisme. Le chapitre 2 est important, car il présente, avant de les détailler dans les chapitres suivants, les processus métamorphiques et la méthodologie qui nous permet de faire le lien entre métamorphisme et géodynamique interne. Le chapitre 9 donne une approche qualitative de la cinétique des processus métamorphiques : celle-ci permet de comprendre dans quelles mesures une roche qui est portée dans de nouvelles conditions P et T enregistre minéralogiquement ou non (ou partiellement) ces nouvelles conditions. Selon le niveau d’approfondissement souhaité, le lecteur peut reporter à plus tard la lecture de certains chapitres. Il en est ainsi pour le chapitre 7 traitant de l’élaboration des grilles pétrogénétiques ou bien du chapitre 8 présentant la thermobarométrie. Dans la deuxième partie, en appliquant les outils présentés dans la première partie, nous discutons, à l’aide d’exemples régionaux, principalement français, des interprétations géodynamiques – c’est-àXIII
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Avant-propos
dire les processus évolutifs à l’intérieur de la Terre et l’analyse des forces dont ils résultent – qui peuvent être faites à partir de l’étude des roches métamorphiques. Le plan de cette deuxième partie s’organise autour des trois gradients métamorphiques principaux : HP-BT, MP-HT et BP-HT. La majorité des formations métamorphiques a évolué selon ces trois gradients métamorphiques dont aucun ne coïncide avec le géotherme d’une lithosphère stable. Ainsi, les roches métamorphiques enregistrent les perturbations qu’a subies la lithosphère dans différents contextes géodynamiques. Pour conclure, nous présentons un modèle simplifié de l’évolution du métamorphisme au cours d’un cycle orogénique et discutons de l’évolution du métamorphisme au cours du temps, depuis le début de l’histoire de notre globe. Le lecteur aura tout intérêt à compléter la lecture de cet ouvrage en visitant le site : http://christian.nicollet.free.fr/ dédié à la pétrologie. Les deux sont complémentaires : le livre privilégie le discours ; le site web privilégie l’image. La page http://christian .nicollet.free.fr/page/LivreMetam/MetamGeodyn.html fait le lien entre cet ouvrage et ce site. Elle a pour but de diriger le lecteur vers les photos nombreuses sur ce site susceptibles d’illustrer le texte du livre. Des animations et illustrations en 3D sont également disponibles. Certains processus non métamorphiques ne sont pas toujours développés dans l’ouvrage, mais nécessitent parfois des explications qui peuvent être disponibles sur le site. Dans le texte qui suit, les nombreux minéraux sont souvent cités par leurs abréviations. Ces abréviations, proposées par Kretz (1983), sont listées dans l’annexe à la fin de cet ouvrage.
REMERCIEMENTS Il y a dix ans, je commençais un site Web dédié au métamorphisme. Il s’agissait alors de rendre accessibles à mes étudiants les illustrations de mon cours. L’idée de doubler ce travail d’un manuel sur le métamorphisme était assez logique. Jacques Kornprobst m’en a donné l’opportunité en me proposant aimablement de prendre le relais de son ouvrage classique Métamorphisme et roches métamorphiques. Jacques m’a donné carte blanche pour utiliser son texte et ses figures. Au fil des pages, on retrouvera une vingtaine de figures et quelques pages que je lui ai empruntées. Jacques est indéniablement l’instigateur de ce manuel et je l’en remercie ! Mes remerciements iront également à tous ceux avec qui j’ai eu l’occasion d’étudier le métamorphisme, à tous ceux qui ont bien voulu lire complètement ou en partie cet ouvrage : R.-P. Ménot, F. Cariou, L. France, S. Guillot, S. Schwartz, M. Fagot-Barraly, P. Goncalves, C. Laverne, V. Bosse, S. Duchêne, J.-M. Lardeaux, J.-E. Martelat, F. Faure, A. Leyreloup, D. Vielzeuf, J. Bouloton, T. Hammouda, Y. Rolland, J.-M. Montel, J.-C. Gehan, J. Barbosa, G. Gosso, I. Spalla, S. Harley, E. Grew, R. Rakotondrazafy, R. Rambeloson, les étudiants de Toliary, d’Antanarivo, de Clermont-Ferrand, de Lyon et tous les autres… La Société suisse de minéralogie et pétrographie, les revues Géologie de la France, Journal of metamorphic geology et Tectonophysics, la CCGM et S. Schwartz sont remerciés pour avoir permis l’utilisation de quelques figures et des portions des cartes des Alpes (planches 4 et 5). XIV
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Partie I
Métamorphisme et processus métamorphiques
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MÉTAMORPHISME : DÉFINITION, LIMITES ET VARIABLES
PLAN
LE
1.1 Définition du métamorphisme 1.2 Les limites du métamorphisme 1.3 La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre
1.1 DÉFINITION
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1
DU MÉTAMORPHISME
Le métamorphisme regroupe l’ensemble de transformations que subissent les roches lorsque la température, la pression, la nature des fluides et éventuellement la composition chimique de la roche changent. Ces transformations entraînent une réorganisation des éléments dans les roches et, de ce fait, un changement des minéraux de ces roches : on dit qu’il y a recristallisation. Ces transformations peuvent aussi se limiter aux relations texturales entre les différents minéraux, sans changement de ceux-ci. Par opposition aux roches magmatiques, cette recristallisation se fait à l’état solide, c’est-à-dire sans l’intervention du magma. On considère, en première approximation, que le processus est isochimique, c’est-à-dire qu’il se fait sans changement de la composition chimique, à l’exception, toutefois, des fluides. Lorsqu’il y a modification significative de la composition chimique de la roche initiale, dite aussi protolithe, on parle de métasomatose ou métasomatisme. Une autre définition du métamorphisme met l’accent sur le rôle important des fluides : le métamorphisme est un processus de dévolatilisation ou volatilisation, c’est-à-dire un processus qui entraîne la perte ou le gain des éléments volatils par libération ou mobilisation d’une phase vapeur. Lorsque l’étude se limite à la croûte dans laquelle la phase vapeur est principalement la vapeur d’eau, on parle de processus de déshydratation/hydratation.
1.1.1 Recristallisation et équilibre Le processus de recristallisation métamorphique peut être illustré par la figure 1.1. Celle-ci montre la transformation, à l’échelle microscopique, de la roche constituée 3
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
À P0-T0 la roche contient les minéraux A + B
À P1-T1, la réaction A + B = C intervient…
… jusqu’à disparition de B.
A C
B
A
A+ B
A+B
C
.
T
A+C
P0T0
c1
A
P1T1
C B
c2
R1 R2
P Figure 1.1 – La recristallisation métamorphique. Les trois échantillons montrent la recristallisation métamorphique lorsqu’une roche passe de conditions P0T0 à P1T1. À P0T0, la roche contient les deux minéraux à l’équilibre A + B. Lorsque la roche est portée à P1T1, la texture coronitique, avec le minéral C autour de B, témoigne de la réaction A + B Æ C. Lorsque la phase réactive la moins abondante B est épuisée, la paragenèse de la roche est A + C. Notons également que les cristaux A ont recristallisé en gros cristaux qui ont une énergie libre plus faible (voir paragraphe 3.4.2). Le diagramme P-T montre les champs de stabilité respectifs des paragenèses (domaines gris) et la réaction (ligne entre les deux domaines gris). Le segment c1-c2 en bas de ce diagramme est un diagramme de composition binaire (constituants chimiques c1 et c2) dont l’utilité est discutée au paragraphe 5.3.a. Il matérialise les compositions respectives des minéraux A, B et C et de deux roches R1 et R2. Reportés dans les champs gris, ces segments indiquent, en fonction des minéraux présents, les paragenèses possibles pour les roches dans cette gamme de composition entre c1 et c2.
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1.1 • Définition du métamorphisme
des minéraux A et B aux conditions de P0-T0 en une roche constituée des minéraux A et C lorsqu’elle est portée dans de nouvelles conditions P1-T1. Le diagramme pression-température matérialise le « déplacement » de la roche dans l’espace pressiontempérature. À P0-T0, les minéraux A + B sont à l’équilibre chimique et minéralogique. Dans les nouvelles conditions P1-T1, A et B ne sont plus stables ensemble et ne peuvent plus coexister. Il en résulte une réaction interminérale (et chimique) entre A et B pour donner une nouvelle phase C : A+B=C Dans un stade transitoire, il existe un assemblage temporaire dans lequel les trois minéraux ne sont pas à l’équilibre entre eux. Le nouvel état d’équilibre est atteint lorsqu’un minéral réactant a disparu. On appelle paragenèse, l’assemblage de minéraux à l’équilibre thermodynamique dans la roche. À l’observation pétrographique (macroscopique ou microscopique), cet état d’équilibre est démontré lorsque toutes les espèces minérales présentes dans une roche sont en contact entre elles, sans réaction. C’est le cas des deux assemblages A + B et A + C de la figure 1.1 (figure 2, planche I). Au contraire, l’assemblage minéralogique A + B + C sur cette même figure n’est pas une paragenèse : les deux minéraux A et B sont séparés systématiquement pas le minéral C et ne sont plus stables ensemble. Le minéral C en couronne autour du minéral B permet de définir ce que l’on appelle une texture coronitique (dessin du milieu sur la figure 1.1, figures 3 et 4, planche 1). Dans le diagramme PT, le champ (ou domaine) de stabilité d’un minéral ou d’un assemblage minéralogique (paragenèse) est l’intervalle DP – DT dans lequel ce minéral ou cette paragenèse est stable, c’est-à-dire peut exister (champs gris sur la figure 1.1).
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1.1.2 Préservation des roches métamorphiques et métastabilité Le pétrologue peut trouver sur le terrain les trois roches représentées sur la figure 1.1. Pourtant, celles-ci ne sont plus dans les conditions de leur formation, à P0-T0 et P1-T1, mais à pression et température ambiantes, puisqu’elles ont été recueillies à la surface du globe. Elles sont en dehors de leur domaine de stabilité et auraient dû se transformer en un assemblage stable aux conditions de surface. On dit que ces roches, ces associations de minéraux, ces phases (minéraux) qui sont hors de leur domaine de stabilité, sont métastables. Cette métastabilité n’est pas une situation exceptionnelle dans la nature, bien au contraire ; il s’agit de la situation la plus commune. Pour l’illustrer, on peut choisir un exemple spectaculaire comme celui du diamant dont la présence à la surface du globe est « anormale » d’un point de vue thermodynamique. En effet, cette forme minérale du carbone cristallise et est stable à haute pression (P > 3GPa), c’est-à-dire à grandes profondeurs (> 90 km), tandis que la forme stable en surface est le graphite. Pourtant, ces deux minéraux coexistent à la surface pour la plus grande joie des bijoutiers et des dessinateurs. Le diamant est métastable. 5
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
Nous pouvons également prendre l’exemple de la coexistence eau-glace. Si l’on sort du congélateur un cube de glace que l’on plonge dans un verre d’eau, celui-ci, hors de son champ de stabilité, coexiste avec l’eau liquide. La glace met un certain temps pour se transformer complètement en eau, au cours de la réaction glace Æ eau. À noter que cette réaction est une réaction de fusion, produisant un changement d’état, qui est différente des réactions métamorphiques, produisant des changements de phases. Cependant, la comparaison reste valable. La glace est métastable et met un certain temps pour fondre. Ce temps de réalisation de la réaction dépend de la vitesse de réaction ou cinétique de réaction. Celle-ci est variable. Dans le cas présent, la vitesse de fusion est d’autant plus grande (et le temps de fusion d’autant plus court) que la température est élevée. La cinétique des réactions métamorphiques est également très variable : elle dépend, entre autres, de la température, de la déformation, de la présence d’une phase fluide (et tout spécialement, la vapeur d’eau). La persistance, à la surface, de ces roches formées en profondeur et qui ont préservé leur passé métamorphique à l’état métastable depuis des millions d’années, indique que les vitesses de transformation ou vitesses de réaction sont infiniment lentes, proches de zéro dans les conditions de surface où nous pouvons les observer. C’est ainsi que des roches métamorphiques sont préservées depuis 3,8 Ga (pourvu qu’elles échappent à l’altération superficielle hydratée). Ceci sous-entend aussi que le temps de réalisation des réactions rétrogrades, pendant le refroidissement (et décompression) jusqu’aux conditions de surface, n’a pas été suffisant pour que celles-ci aboutissent : il y a compétition entre la vitesse de réaction et la vitesse d’évolution des paramètres (essentiellement) P et T. Points clefs
= En conclusion, les transformations métamorphiques que subissent les roches dépendent de la température, de la pression, de la présence de fluides et de leur nature, de la variation éventuelle de la composition chimique, de la cinétique des réactions et de la vitesse d’évolution des paramètres du métamorphisme.
1.2 LES
LIMITES DU MÉTAMORPHISME
1.2.1 Diagenèse et métamorphisme À basses températures et basses pressions, la limite est arbitraire entre les processus d’altération superficielle, la diagenèse et le métamorphisme. La diagenèse consiste en une compaction de sédiments, mais s’accompagne aussi de transformations chimiques qui peuvent être apparentées à des réactions métamorphiques : dissolution, précipitation, recristallisation. À la base d’une série sédimentaire épaisse, on passe progressivement de la diagenèse au métamorphisme d’enfouissement. Ce métamorphisme ne s’accompagne pas de perturbation thermique, mais se fait dans les conditions du 6
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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre
géotherme stable d’un bassin sédimentaire : les conditions PT sont toujours faibles. Ce métamorphisme est à distinguer du métamorphisme régional associé à des perturbations thermiques et tectoniques. Un critère de distinction basé sur la cristallinité de l’illite a été souvent utilisé pour délimiter les champs respectifs du métamorphisme et de la diagenèse. Ce critère mesure l’évolution cristallographique progressive des phyllites, depuis les phases argileuses (typiques du domaine de la diagenèse) jusqu’aux phases micacées (typiques du métamorphisme).
1.2.2 La limite à hautes températures et anatexie Processus de recristallisation à l’état solide, le métamorphisme est en principe distinct des phénomènes magmatiques qui impliquent la participation d’un liquide silicaté et qui se réalisent à plus hautes températures. La zone de transition entre processus métamorphiques et magmatiques est large et peut atteindre plusieurs centaines de degrés. Dans les domaines du métamorphisme de haut degré, la température élevée permet la fusion partielle des matériaux et la production de liquides, généralement de composition granitique : on parle d’anatexie. Si ces liquides n’ont pas été extraits et ont cristallisé au sein même des roches qui leur ont donné naissance, il en résulte des formations mixtes, ou migmatites, qui appartiennent bien au domaine du métamorphisme. Les migmatites et l’anatexie seront donc étudiées dans le cadre de cet ouvrage (chapitre 10).
1.3 LA
TEMPÉRATURE, LA PRESSION
ET LES FLUIDES DANS LE GLOBE TERRESTRE
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1.3.1 Température et chaleur Pour que la température d’une roche change, il faut qu’il y ait addition ou perte de chaleur. Les sources de chaleur peuvent être des roches magmatiques intrusives : c’est le cas dans le métamorphisme de contact. Elles peuvent être plus régionales dans le cas du métamorphisme régional et proviennent alors de la croûte et du manteau. De manière générale, on sait que la température augmente avec la profondeur selon une courbe que l’on appelle le géotherme (figure 1.4). Les deux unités de température utilisées en géologie, de dimension équivalente, sont le degré Celsius (° C) et le Kelvin (K), avec T (K) = T (° C) + 273.
a) Flux de chaleur et production de chaleur La première loi de Fourier indique que la chaleur se déplace des zones chaudes vers les zones froides. Sur Terre, cela signifie que le gradient de chaleur est dirigé vers l’extérieur du globe. Ceci est exprimé par le flux de chaleur qui représente la quantité de chaleur qui traverse une surface en un intervalle de temps. L’unité de mesure du 7
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
flux de chaleur est le HFU (Heat Flow Unit), avec 1 HFU = 42 mW/m2. La figure 1.2a montre que ce flux n’est pas réparti équitablement sur le globe. Dans la croûte océanique, le flux de chaleur est élevé à la ride, avec des valeurs atteignant plus de 150 mW/m2. Cette valeur diminue et se stabilise à 60 mW/m2 à l’intérieur de la plaque océanique stable. Elle est de 40 W/m2 dans les zones de subduction. Cette diminution progressive entre les limites des plaques océaniques, témoigne de la convection rapide du manteau sous-océanique, mécanisme efficace d’évacuation de la chaleur, c’est-à-dire de refroidissement du globe. Ainsi, 70 à 80 % de la perte de chaleur du globe se fait par la lithosphère océanique. Dans la croûte continentale, le flux de chaleur est élevé, car les roches qui la constituent sont riches en éléments radioactifs, qui, par leur désintégration, produisent une quantité de chaleur considérable. Le flux de chaleur dans la croûte continentale est variable en fonction de la nature et de l’âge des roches, qui sont plus ou moins riches en éléments radioactifs. Les cratons précambriens, appauvris en éléments radioactifs qui se sont désintégrés au cours du temps, ont les plus faibles valeurs dans la croûte (jusqu’à 40 mW/m2). Dans ces croûtes continentales stables, le transfert de la chaleur se fait essentiellement par conduction. Ainsi, la variabilité du flux de chaleur résulte de la diversité des sources de chaleur d’une part et des deux modes de transferts de la chaleur, convection et conduction, d’autre part.
40
F
Flux de chaleur à la surface du globe (mW/m2)
Fh
Fv surface du globe
50-70 ; 40 e
isotherm
60
50
T4
de x flu
T3
au
te
an
M
N au oy
a
ne lig
-1
T2
b T1
Figure 1.2 – Flux de chaleur à la surface du globe, ligne de flux et isotherme. a : La variation du flux de chaleur est régulière à la surface de la lithosphère océanique, avec une décroissance depuis la ride chaude vers les zones froides de subduction ; la répartition de ce flux à la surface de la lithosphère continentale est aléatoire en fonction de la diversité lithologique et l’âge des formations. Les nombres indiquent les valeurs de flux exprimées en milliwatt par m2. b : Ce flux est globalement perpendiculaire à la surface de la Terre, mais ses variations impliquent l’existence d’une (faible) composante horizontale (Fh).
8
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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre
b) Isothermes et géothermes Si le flux de chaleur est inégalement réparti sur le globe, celui-ci ne peut être strictement perpendiculaire à la surface : une composante horizontale du flux de chaleur (Fh) va des points chauds vers les points froids (figure 1.2 b). Les lignes de flux, le long desquelles la température augmente vers le bas, s’incurvent. Perpendiculaires à ces lignes, on peut tracer des lignes d’égales températures, les isothermes. Les courbes isothermes sont resserrées dans les régions de flux élevé telle que la dorsale océanique où l’asthénosphère chaude monte. À l’intérieur de la plaque océanique, la lithosphère se refroidit et les isothermes s’espacent. Dans la zone de subduction où s’enfoncent des roches froides, les isothermes s’étirent dans le manteau (figure 1.3).
Figure 1.3 – Répartition des isothermes (en °C)
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dans la lithosphère et manteau supérieur. Ce schéma est une situation idéalisée de la partie supérieure du globe, dans le cadre de la tectonique des plaques. Do, la dorsale océanique, se situe à la verticale des parties ascendantes des cellules convectives du manteau (flèches). La montée du manteau chaud et le transfert de magmas basiques qui lui est associé, à l’origine de la lithosphère océanique, engendrent un transfert de chaleur considérable vers la surface : les courbes isothermes y sont resserrées. À l'intérieur des plaques stables, en s’éloignant de la ride, la lithosphère nouvellement formée se refroidit et les courbes isothermes s’espacent. Dans une zone de subduction (Zs), à la verticale des parties descendantes des cellules convectives, la lithosphère océanique froide s’enfonce dans le manteau chaud : les isothermes s’invaginent. Aux limites des plaques (zones instables), le transfert de chaleur est essentiellement convectif ; il est essentiellement conductif à l’intérieur (zones stables).
Sur un diagramme pression-température, une courbe matérialise les variations de la température en fonction de la profondeur à la verticale d’un point. Cette courbe est le géotherme. Il varie en fonction du site géodynamique : les géothermes dans les différentes situations géodynamiques de la figure 1.3 sont représentés sur la figure 1.4. À la verticale de la ride, la température augmente rapidement en fonction de la profondeur : la courbe Do est proche de l’axe des T. En s’éloignant de la ride, à l’intérieur de la plaque lithosphérique, les isothermes s’espacent et le géotherme s’éloigne de l’axe de T. Le refroidissement des roches se fait sans (ou peu de) déplacement 9
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
Figure 1.4 – Représentation de différents types de géothermes dans un diagramme température-profondeur. Tirets : modèles conductifs de Clark et Ringwood (1964), basés sur la diffusion de la chaleur dans les matériaux du globe terrestre. GO et GC : géothermes océanique et continental. À la base de la croûte continentale (à 30-35 km), la température est d’environ 500 °C. En trait plein : différents géothermes basés sur le modèle de la figure 1.3. DO et FO : dorsales et fosses océaniques. AS : forme possible des géothermes situés en arrière des zones de subduction ; une inversion du géotherme apparaît en s, au niveau où le profil température-profondeur recoupe le plan de subduction. (Kornprobst, 2001)
vertical des roches : le transfert vertical de chaleur se fait par conduction. Au niveau de la zone de subduction, la lithosphère océanique froide s’enfonce dans le manteau chaud. Cependant, elle ne se réchauffe que lentement, car les roches ont une mauvaise conductivité thermique. La majorité des roches ont des conductivités thermiques inférieures à 5 W.m–1.K–1. À titre de comparaison, notons que les valeurs sont nettement plus élevées pour les métaux les plus mauvais conducteurs (entre 20 et 40 pour Ti et Pb) et atteignent plusieurs milliers de W.m–1.K–1 pour les métaux les plus conducteurs (390 pour le Cu ; 4 000 pour Ag). En conséquence, les isothermes s’enfoncent dans le manteau et le géotherme se rapproche de l’axe des pressions.
c) Équation du géotherme La loi de Fourier permet décrire l’équation de la chaleur dans la lithosphère en fonction de la profondeur. Elle indique les variations de la température en un point, en fonction du temps : ∂T / ∂t = A / r . Cp + k —2T – u —T
(1)
k est la diffusivité thermique, A la production de chaleur et u la vitesse de déplacement. —2 est l’opérateur Laplacien : il indique la dérivée seconde de T dans l’espace à trois dimensions. — est le gradient (de T). r est la masse volumique, Cp la capacité
thermique qui mesure la chaleur nécessaire pour faire augmenter d’un degré la température d’un volume unitaire de roche. Dans le globe, les transferts de chaleur se font dans les trois dimensions. 10
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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre
Cette expression se simplifie en : ∂T / ∂t = A / r . Cp + k ∂2T / ∂z2 – u ∂T / ∂z
(2)
si l’on ne considère que les transferts verticaux (à la vitesse u), en fonction de la profondeur z. Cette équation fait apparaître les principaux modes de transfert et de production (ou perte) de chaleur. Dans la croûte continentale, la production de chaleur (A dans le premier terme de l’équation) est essentiellement liée à la désintégration des éléments radioactifs ; il faut y ajouter/soustraire la chaleur latente de cristallisation des magmas/de fusion des roches. Les réactions métamorphiques sont également sources ou pertes de chaleur selon qu’elles sont exo- ou endothermiques. Le deuxième terme des équations 1 et 2 quantifie le mode de transfert de chaleur par conduction : il est fonction de la diffusivité thermique des roches κ, c’est-à-dire de la capacité de ces roches à laisser circuler la chaleur. Le transfert de chaleur par advection (ou convectif pour employer un vocabulaire plus commun, mais moins approprié ; troisième terme de l’équation) est fonction de la vitesse de déplacement du milieu (u) et du gradient thermique. On remarque qu’advection/convection et conduction sont de signes contraires et, donc, s’opposent. L’un ou l’autre de ces deux mécanismes domine dans un contexte géodynamique donné (figure 1.3). À l’intérieur des plaques, zones stables de la lithosphère, les variations de T en fonction du temps (∂T/∂t) et la vitesse de déplacement vertical (u) sont (presque) nulles. Le transfert de chaleur se fait alors uniquement par conduction et l’équation 2 se simplifie pour s’écrire alors : k ∂2T / ∂z2 = – A / r . Cp
ou
∂2T / ∂z2 = – A /k
avec k = k/ r . Cp où k est la conductivité thermique. La solution de cette expression est l’équation d’une parabole :
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T(z) = – A/k . z2 + Q0/k ◊ z + T0 Ceci est l’équation du géotherme (conductif) dans une plaque stable. Q 0 et T0 sont le flux de chaleur et la température à la surface. Cette équation mathématique est simple. Dans la nature, les coefficients de cette équation (A, k) varient en fonction de la nature des roches, mais aussi en fonction de la température et de la pression. Dans la lithosphère océanique, pauvre en éléments radioactifs, la production de chaleur A est bien plus faible que dans la lithosphère continentale. Ainsi, le géotherme varie d’une région à l’autre et peut s’écarter significative d’une courbe que l’on appelle le géotherme moyen ou géotherme dans la lithosphère stable (GO et GC de la figure 1.4 et GLs, figures 2.1, 2.4, etc.). Dans cet ouvrage, nous nous référons souvent à ce GLs, mais il ne faudra pas oublier les écarts possibles par rapport à ce géotherme moyen ! En dessous de la lithosphère, où les transferts de chaleur sont convectifs, la température augmente peu avec la profondeur. L’augmentation de température n’est plus que 0,3 °C/km (valeur qui contraste avec la valeur de 30 °C/km observée à la surface de la croûte continentale). Le géotherme est qualifié d’adiabatique parce que les roches qui se déplacent n’échangent pas de chaleur avec leur environnement. 11
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
1.3.2 Pression et profondeur On distingue la pression lithostatique et le déviateur des contraintes.
a) La pression lithostatique La pression lithostatique (PL) ou contrainte lithostatique est la force exercée, sur une unité de surface, par la masse des roches (poids des roches) qui se trouvent audessus du point considéré. Elle est fonction de la profondeur, de la masse volumique (ou densité) et de g, l’accélération de la pesanteur. L’unité officielle, le Pascal, est bien petite pour la géologie. En effet, le bar vaut 105 pascals. On utilise souvent le kilobar (kb) ou le mégapascal (1 MPa = 10 bars) ou encore le Gigapascal (1 GPa = 10 kb). La valeur de la masse volumique r dépend de la nature des matériaux. Dans la croûte continentale, r est proche de 2 600 kg.m– 3 et PL = 260 MPa vers 10 km de profondeur. La pression est de l’ordre de 1 GPa (10 kbar) au niveau du Moho. Dans le manteau supérieur ultrabasique, r est de l’ordre de 3 300 kg.m–3 ; des pressions de l’ordre de 3 GPa sont atteintes vers 100 km de profondeur, à la base de la lithosphère, au voisinage de la zone à moindre vitesse (ZMV). Une estimation grossière de la pression lithostatique (en kb) est obtenue en multipliant la profondeur en kilomètres par 0,27-0,3.
b) Le déviateur des contraintes La pression lithostatique est isotrope, c’est-à-dire équivalente dans toutes les directions. Dans les zones déformées, orogéniques où s’exercent des forces tectoniques, la pression n’est plus isotrope. En effet, les forces tectoniques ou contraintes produisent une composante anisotrope que l’on appelle le déviateur des contraintes. Si les contraintes ne sont pas équivalentes, on peut définir un ellipsoïde des contraintes avec trois axes : un axe maximum, un axe intermédiaire et un axe minimum. La contrainte moyenne correspond à la partie isotrope, la pression lithostatique. La différence entre la contrainte dans une direction et cette contrainte moyenne définit le déviateur des contraintes de cette direction. C’est ce déviateur des contraintes qui est responsable de la déformation des roches. On conçoit assez facilement que ce déviateur des contraintes est fonction de la rhéologie des matériaux, de la « plasticité » des matériaux. Plus une roche est ductile, « déformable », plus faible est le déviateur des contraintes. Dans les roches métamorphiques qui sont ductiles, le déviateur des contraintes ne dépasse pas quelques centaines de bars et reste faible par rapport à la pression lithostatique au-delà d’une dizaine de kilomètres de profondeur. En conséquence, lorsque la pression est quantifiée à partir d’un assemblage minéralogique d’une roche métamorphique, c’est essentiellement la pression lithostatique, donc la profondeur, qui est estimée. C’est pourquoi nous représentons, en règle générale, dans cet ouvrage, les diagrammes P-T avec les deux paramètres pression et profondeur sur le même axe, lequel est dirigé vers le bas (par exemple figure 3.3). Cependant, il faut noter que la déformation produite par le déviateur des contraintes a un rôle majeur pour la recristallisation des roches : en effet, cette déformation 12
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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre
favorise la réalisation des réactions métamorphiques, en activant la cinétique des réactions. Nous reviendrons aux paragraphes 4.2 et 9.2.3 sur cette influence de la déformation sur la cinétique des réactions.
1.3.3 Les fluides Les fluides sont des phases physiquement distinctes, au même titre que les minéraux, qui se présentent à l’état de vapeur supercritique : on les appelle phases vapeur (V) Ils sont constitués d’éléments chimiques qui sont principalement H2O et CO2 auxquels s’ajoutent CH4, N2, O2, H2, etc., qui contiennent en solution des ions tels que Na+, K+, Cl–. Ils existent en relative abondance dans la croûte et leur proportion diminue rapidement avec la profondeur ; ils sont en quantité faible dans le manteau. Leur rôle est majeur pour la cinétique des réactions et la stabilité des assemblages minéralogiques (voir paragraphes 6.3.2 et 6.4).
a) Situation des fluides dans une roche Les fluides occupent des situations différentes au sein des roches, puisqu’ils peuvent être libres, adsorbés, liés, ou dissous (figure 1.5). Ces situations ont des conséquences pétrologiques importantes.
Figure 1.5 – Représentation très schématique de la localisation des © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
« fluides » dans les assemblages minéralogiques. Les « fluides liés » font partie de la structure des silicates et des carbonates (ici H2O entre sous forme de groupements oxhydriles (OH–) dans la structure de l’amphibole). Ce terme est impropre, puisque ces « fluides » ne constituent pas une « phase V ». Les fluides « adsorbés » (tirets) constituent une très fine pellicule (épaisseur de l’ordre de quelques Å) de molécules « rangées » dans un ordre approximatif le long des surfaces cristallines. Les fluides « libres » apparaissent sous forme d’une phase vapeur (pointillé) individualisée dans les pores intergranulaires ou dans les inclusions fluides des minéraux. La porosité (dimension des pores intergranulaires) et la perméabilité sont très faibles à partir de 15 km de profondeur. (Kornprobst, 2001)
• Fluides libres La phase fluide est dite « libre », ou « mobile », lorsqu’elle est identifiée en tant que telle, à l’état de vapeur supercritique dans les conditions du métamorphisme, dans les 13
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
pores de l’assemblage minéralogique ou en inclusions dans les minéraux. La roche est alors « saturée en fluide » : on définit une phase vapeur (V) qui est une phase de la paragenèse de la roche au même titre que les minéraux, même si elle est peu visible en lame mince. La présence d’une phase fluide libre dans une roche permet de définir une pression de fluide, paramètre important pour l’extension des champs de stabilité des phases hydratées (micas, amphiboles) et carbonatées (calcite, dolomite ; voir paragraphe 6.3.2). Des déplacements de la phase fluide à travers le système (en fonction de la perméabilité et à la faveur de gradients de pression) sont très variables et peuvent être importants (du m. au km). Ils sont très difficiles à évaluer. Ils entraînent naturellement le transport des ions en solution et le fluide représente alors le vecteur principal de la métasomatose, transport ionique à différentes échelles dans les unités métamorphiques (paragraphe 6.4). • Fluides adsorbés sur les surfaces cristallines
Les fluides se localisent le long des surfaces des cristaux de la roche, sur une épaisseur de quelques Å, constituant ainsi une phase fluide non mobile ou faiblement mobile. Son volume est variable et il n’existe pas de limite nette entre elle et les fluides libres. Citons le cas extrême d’un minéral argileux, la montmorillonite, dont les très fines paillettes sont capables de retenir par adsorption près de 2 fois leur volume d’eau. Dans les conditions du métamorphisme, les quantités de fluide adsorbées sont très faibles. Mais, bien que non mobile, ce stock d’eau ou de gaz carbonique a un rôle important dans le déroulement des réactions minéralogiques : il constitue en effet un milieu de diffusion intergranulaire qui permet le déplacement rapide des ions, favorisant ainsi la déformation et la recristallisation. • « Fluides liés »
Les molécules de H2O et CO2 font partie de la structure cristalline des minéraux hydroxylés ou carbonatés, sous forme de groupements (OH)– ou (CO3)2–. Il est donc impropre de les appeler « fluides » dans ce cas. Ces molécules sont libérées sous la forme d’une phase fluide par des réactions de déshydratation ou de décarbonatation ou, plus généralement, de dévolatilisation, de la forme : H (ou C) = A + V où H est un minéral (ou un ensemble de minéraux) hydraté(s), C, un carbonate (ou un ensemble de carbonates), A est un minéral (ou un ensemble de minéraux) anhydre(s) et V, la phase vapeur d’eau ou de dioxyde de carbone. En voici deux exemples : CaCO3 + SiO2 = CaSiO3 + CO2 Calcite + Quartz = Wollastonite + Vapeur de CO2 K[Si3AlO10]Al2(OH)2 + SiO2 = Al2SiO5 + K[Si3AlO8] + H2O Muscovite + Quartz = Sillimanite + Feldspath K + Vapeur d’eau 14
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1.3 • La température, la pression et les fluides dans le globe terrestre
Ces « fluides » liés alimentent la phase vapeur en fonction du déplacement des équilibres précédents vers la droite ou la gauche. Il est prudent d’écrire dans une réaction libellée avec les noms des phases (deuxième ligne), V(H2O) ou V(CO2) au lieu de H2O ou CO2, pour bien faire la distinction entre la phase « physiquement distincte » et le constituant chimique. • « Fluides dissous » dans les liquides silicatés À la limite à hautes températures du métamorphisme, interviennent des magmas silicatés par fusion partielle des roches métamorphiques. L’eau libérée par la fusion partielle des minéraux hydroxylés entre en solution en quantité importante dans le liquide silicaté (jusqu’à 10 % en poids). Cette eau n’est pas en quantité suffisante pour saturer le magma : elle constitue un facteur limitant la fusion hydratée des roches. Un apport extérieur est nécessaire pour que la fusion se poursuive. La fusion partielle des roches métamorphiques s’avère être un moyen efficace pour en extraire l’eau qui est facilement dissoute dans le liquide silicaté, en quantité d’autant plus forte que la pression est plus élevée. Les résidus solides de la fusion partielle sont donc généralement très pauvres en eau, ce qui explique qu’ils présentent souvent des assemblages minéralogiques appartenant au faciès Granulite (cf. paragraphe 10.4).
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b) Pression des fluides La pression de la phase fluide dans une roche s’exprime par comparaison avec la pression qui règne dans le solide environnant. Deux cas distincts peuvent se présenter : Dans les domaines superficiels fissurés, l’eau est le fluide essentiel et elle est en communication avec l’eau phréatique par l’intermédiaire de fissures ; sa pression est donnée par l’expression Pf = rf gz, où rf est la masse volumique du fluide (1000 kg.m–3 pour l’eau superficielle), g l’accélération de la pesanteur et z la hauteur de la tranche d’eau. La pression d’eau est donc, dans ce cas, très inférieure à la pression du matériel solide environnant, PS (PL) = rS gz, où rS est la masse volumique moyenne des roches superficielles (> 2 000 kg.m–3). Ce domaine fissuré à perméabilité élevée occupe la partie supérieure de la croûte, de 6 à 15 km de profondeur. Dans les domaines profonds, isolés de la surface, la perméabilité est faible et la phase fluide interstitielle n’est pas connectée avec la surface. Un raisonnement simple montre que dans ces domaines ductiles, la pression des fluides Pf est, en général, égale à la pression des solides environnants. Une situation avec Pf différent de Ps ne peut être que temporaire. En effet, une situation dans laquelle Pf < Ps implique l’existence d’un gradient de pression à l’échelle microstructurale ; ce gradient doit rapidement s’équilibrer par réduction du volume des pores, jusqu’à l’égalité Pf = Ps. Inversement, si Pf > Ps, soit le volume des pores augmente, soit la fracturation hydraulique provoquée par le fluide en surpression permet le retour à l’égalité Pf = Ps (voir paragraphe 6.3). Ainsi, à l’équilibre, la pression des fluides est-elle considérée, sauf cas particulier, comme égale à la pression solide. Le plus souvent, dans les conditions du métamorphisme, le fluide est mixte, constitué par un mélange de deux ou plusieurs phases fluides. Dans ce cas, la pression d’une 15
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Chapitre 1 • Le métamorphisme : définition, limites et variables
espèce déterminée, ou pression partielle de fluide (Ppf), peut être exprimée approximativement en fonction de la pression totale Ps et de la fraction molaire de l’espèce considérée dans la phase fluide. Par exemple : H2 O ⎞ = P ⋅X P H2 O = P S ⎛ --------------------------------------------------------S H2 O ⎝ H 2 O + CO 2 + CH 4 + …⎠ La pression des fluides est égale à la somme des pressions partielles des différentes espèces de fluides présents dans la roche ; elle est égale à la pression solide ou lithologique : PS = Ptotale = ∑ Ppf = P H2 O + P CO2 + P CH4 … Cette expression de la pression partielle d’un fluide en fonction de sa concentration dans la phase fluide n’est rigoureuse que si le fluide constitue un mélange idéal de gaz parfaits, ce qui n’est généralement pas le cas. Le paramètre thermodynamique pertinent pour décrire la pression partielle d’un fluide dans un mélange est la fugacité ou pression partielle effective f, qui s’exprime à partir du potentiel chimique mi de l’espèce i dans la phase fluide. Cette « non-idéalité des gaz parfaits » est particulièrement sensible pour des espèces en très faibles proportions dans la phase fluide comme l’oxygène, l’hydrogène, etc.
Points clefs
= En évaluant la pression, c’est approximativement la pression lithostatique que l’on évalue, c’est-à-dire la profondeur. P et T nous informent sur la situation thermique dans le globe. = Le déviateur des contraintes, responsable de la déformation des roches, contribue à la cinétique de réactions. = La nature des fluides, leur pression partielle interviennent sur les évaluations thermodynamiques. Mais leur importance est difficile à appréhender, car la phase vapeur est peu ou pas visible dans une roche. Il faut bien faire la distinction entre la phase vapeur (fluides libres) et les « fluides liés ». Ainsi, un gneiss à biotite ou autres minéraux hydratés peut contenir ou non une phase V(H 2O) ; il en est de même pour une roche ne contenant que des minéraux anhydres. Le gneiss à biotite sans phase vapeur contient de l’eau en tant que constituant chimique. = La phase V (spécialement VH2O) constitue un milieu de diffusion et de transport très favorable aux échanges ioniques et au déroulement des mécanismes réactionnels : elle influence donc la cinétique des processus métamorphiques.
16
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LES
ROCHES MÉTAMORPHIQUES : DES MARQUEURS DES PERTURBATIONS THERMIQUES ET MÉCANIQUES DANS LA LITHOSPHÈRE
2
PLAN
2.1 Évolution PT, trajet PTt et géothermes 2.2 Pourquoi les roches recristallisent-elles ? 2.3 Le trajet PTt et le gradient métamorphique
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2.4 Trajets PTt et contextes géodynamiques
Dans la lithosphère stable, les roches ne subissent ni déplacements verticaux, ni perturbations thermiques. Aucune modification de P et T ne les affecte. De ce fait, le géotherme n’est pas perturbé. Dans un tel quel contexte, ces roches ne sont pas affectées par le métamorphisme. Lorsque cette situation stable est modifiée dans une zone d’instabilité tectonique, la P et/ou la T exercées sur des roches changent en fonction de l’enfoncement ou de l’exhumation de la roche et de la perturbation du géotherme. La roche « suit », au cours du temps (t) une évolution en P et T que l’on appelle le chemin ou le trajet ou encore la trajectoire P-T-t (figure 2.1 b). Nous devons comprendre quelle est la relation entre ce trajet PTt et l’évolution du géotherme au cours du temps. Au cours de ce trajet PTt, les roches sont susceptibles de recristalliser et d’enregistrer ainsi des portions de ce trajet. Mais qu’est ce qui va être effectivement enregistré de cette évolution thermique et comment ? Pour répondre à cette question, il nous faut comprendre pourquoi les roches recristallisent lorsque P et T changent. 17
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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…
2.1 ÉVOLUTION PT,
TRAJET
PTt
ET GÉOTHERMES
...
T
R3 R2 R1 Tr. ré
tro
d gra pro
e
R1 PM
a
...
t0
R2
b
e
A+V H
jet Tra
.. .
.. . . .
gra d
TM1 TM2
TM3
R3
GLs
t1
t2
t3
P
Figure 2.1 – Relations géothermes, gradient métamorphique et trajets PTt. Le schéma (a) montre l’épaississement et l’amincissement d’une unité géologique sans dimension. Sur le diagramme P-T (b) est matérialisée l’évolution du géotherme (lignes pointillées) au cours de cet épisode tectonique : GLs est le géotherme dans la lithosphère stable, c’est-à-dire au début et à la fin de l’événement tectonique ; t0 est le géotherme au début de l’enfouissement (temps t0) qui évolue au cours du temps vers t1, t2, t3, durant l’exhumation – amincissement. Les boucles matérialisent les trajets P-T suivis par trois roches (R1…) au cours du temps. Les points noirs nommés respectivement TM1, TM2 et TM3 correspondent aux températures maximales atteintes par les 3 roches durant leur trajet PTt au temps t1, t2 et t3. Ils sont appelés les pics en température ou pics thermiques. La ligne en pointillés épais est le gradient métamorphique qui relie ces pics en température. Ce sont eux qui sont enregistrés grâce à la paragenèse des roches. Les points gris marquent la position des roches R1 et R3 sur leur trajet respectif au temps t2. Un exemple de réaction interminérale est indiqué ; elle s’écrit H = A + V où H est un minéral (ou un ensemble de minéraux) hydraté(s), A est un minéral (ou un ensemble de minéraux) anhydre(s) et V, la phase vapeur d’eau. PM est la pression maximale atteinte au cours d’un trajet PTt. Il est encore appelé le pic en pression.
La figure 2.1 montre un exemple simple de l’épaississement d’une unité géologique soumise à une compression. Cette unité géologique est sans dimension. Nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une portion de croûte continentale dans une lithosphère stable. L’épaisseur de cette croûte est en moyenne de 30 km. Soumise à des forces aux limites compressives, cette portion de croûte s’épaissit par déformation continue (épaississement) et discontinue (chevauchement) créant un relief positif et une racine. Lorsque les forces aux limites compressives ne s’exercent plus, cette croûte épaissie est en déséquilibre gravitaire et s’amincit pour retrouver les conditions d’équilibre qui sont celles du début de la simulation. Suivons le parcours de trois roches situées initialement à la surface de la croûte. Nous observons l’évolution P-T de ces roches sur le diagramme PT de la figure 2.1. 18
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2.2 • Pourquoi les roches recristallisent-elles ?
Au cours de l’épaississement, ces roches, appartenant à l’unité inférieure souscharriée, s’enfoncent rapidement à des profondeurs variables. La pression qui s’exerce sur elles augmente régulièrement et instantanément en fonction de la profondeur Z. La température augmentant à l’intérieur du globe, les roches se réchauffent. Comme les matériaux terrestres ont une mauvaise conductivité thermique, ce réchauffement se fait lentement au cours de l’enfouissement. Le trajet dans l’espace PT ne suit donc pas le géotherme de la lithosphère stable (GLs), mais s’en écarte en se rapprochant de l’axe des pressions. Durant ce stade d’enfouissement et d’épaississement, le géotherme s’écarte de GLs vers les basses températures (courbe pointillé t0 sur la figure 2.1). Lorsque la convergence s’interrompt, les roches ont atteint leurs maxima de profondeur respectifs, matérialisés sur le trajet dans le diagramme PT par les pics en pression (PM). Lors de l’amincissement qui suit, la pression exercée sur les roches R diminue ; cependant, leur température continue d’augmenter pour se rééquilibrer thermiquement avec l’environnement. En effet, la chaleur produite par désintégration des éléments radioactifs, abondants dans la croûte continentale, est plus importante dans cette croûte épaissie que dans la croûte d’épaisseur normale d’une lithosphère stable. Cette évolution s’accompagne d’un déplacement du géotherme vers les hautes températures. Celui-ci va dépasser le géotherme « moyen » (GLs) qui est celui d’une croûte continentale d’une lithosphère stable. Le géotherme évolue vers les hautes températures (t1, t2, t3). Le trajet PTt passe par un pic en température (TM) au-delà duquel, l’exhumation se poursuivant, P et T diminuent ensemble jusqu’au retour à la surface des roches R. On qualifie de trajet prograde, la portion du trajet où P et T augmentent (jusqu’au pic en P). Au-delà du pic en température, P et T diminuent simultanément et on parle de trajet rétrograde. Entre le pic en P et celui en température, il faut préciser que le trajet est rétrograde en P tandis qu’il est encore prograde en T. En conclusion, une roche située dans une zone d’instabilité tectonique est soumise à des variations de la température et de la profondeur, donc de la pression. Cette roche suit une évolution P-T au cours du temps que l’on peut tracer dans l’espace P-T : on l’appelle le trajet (ou chemin ou trajectoire) P-T-t (figure 2.1). Cette instabilité tectonique s’accompagne de perturbations du géotherme et, en conséquence, l’évolution PTt suivie par la roche est très probablement différente au cours de l’enfouissement et au cours de l’exhumation, comme on peut le constater sur la figure 2.1. Notons que les pics thermiques TM des différentes roches ne sont pas atteints au même temps t.
2.2 POURQUOI
LES ROCHES RECRISTALLISENT-ELLES ?
Tout le long de ce trajet PTt, les roches se trouvent dans des conditions où P et T changent. Elles sont alors susceptibles d’être métamorphisées, c’est-à-dire de recristalliser à l’état solide. Mais pourquoi les roches recristallisent-elles lorsque la pression et/ou la température varient ? 19
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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…
Lorsque P varie Pour comprendre pourquoi les roches recristallisent lorsque la pression varie, nous allons nous intéresser à une quartzite de Dora Maira (Alpes Italiennes) dans laquelle C. Chopin a découvert, en 1984, un minéral exceptionnel : la coésite (figure 2.2). L’association minéralogique de cette roche est : quartz en abondance, disthène, phengite (un mica blanc), talc et grenat très magnésien ; la coésite est présente sous forme de minuscules inclusions dans le grenat ou le disthène. La présence dans cette roche de petits cristaux de coésite, forme cristalline de très hautes pressions de la silice, prouve que cette roche sédimentaire (donc formée en surface) a été enfouie jusqu’à, au moins, 90 km de profondeur avant d’être exhumée.
Figure 2.2 – Transformation polymorphique coésite = quartz en inclusion dans un grenat. La coésite, minéral incolore très réfringent (à « fort relief ») est partiellement transformée en quartz (qtz : minéral incolore peu réfringent, à « faible relief »). La fracturation radiale du grenat (grt) autour de l’inclusion témoigne de l’augmentation de volume de la cavité provoquée par la réaction. Métaquartzite de Dora Maira, Alpes. Microphotographie en lumière polarisée non analysée ; le segment blanc mesure 0,5 mm.
Quartz et coésite sont deux minéraux qui ont la même composition chimique, SiO2, mais qui cristallisent dans des systèmes cristallographiques différents, ce qui leur confére des propriétés physiques différentes, tel que le volume molaire. De tels minéraux sont appelés des polymorphes (voir paragraphe 6.2.1). Le quartz a un volume molaire de 2,27 cm3 et est stable à la surface du globe jusqu’à environ 90 km. La coésite, avec un volume molaire de seulement 2,06 cm3, est stable à des profondeurs supérieures à 90 km. Au-delà de cette profondeur, le quartz se transforme en coésite, par le biais de la réaction quartz Æ coésite. La transformation est réversible et peut se réaliser dans l’autre sens au cours de la remontée. C’est précisément ce que l’on observe sur la figure 2.2. En remontant des grandes profondeurs, la coésite, 20
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2.2 • Pourquoi les roches recristallisent-elles ?
qui constituait la majorité de la minéralogie de la roche, s’est transformée en quartz, à l’exception de minuscules inclusions blindées dans le grenat et le disthène. Dans ces inclusions, la transformation coésite Æ quartz a débuté, mais s’est interrompue, car la transformation implique une variation de volume considérable comme l’indiquent les volumes molaires respectifs : la fracturation radiale du grenat témoigne de l’augmentation de volume de la cavité contenant la coésite ; mais cette augmentation de volume n’a pas été suffisante pour permettre la transformation complète. Pourquoi cette transformation de coésite (minéral de faible volume) en quartz (minéral au gros volume) se réalise-t-elle lorsque la roche revient vers la surface ? Nous savons que la masse volumique (ou la densité) des roches augmente depuis la surface vers le centre du globe (à l’exception de la zone faible vitesse, sous la lithosphère). Cette augmentation de la densité implique que le volume d’une roche diminue lors de son enfouissement en profondeur (P augmente) et inversement lors de son exhumation. La roche, composée de cristaux d’une ou plusieurs espèces minérales, est comprimée. Or, les minéraux sont très peu compressibles. En conséquence, la diminution de volume imposée par une augmentation conséquente de la pression ne peut être que partiellement accommodée en comprimant les minéraux. Ainsi, les minéraux peu denses, de gros volumes, stables en surface, sont remplacés par des minéraux plus denses, de petits volumes, en profondeur. En règle générale, les roches sont polyminérales et les réactions permettant aux roches ce changement de volume en fonction de la profondeur (pression) font intervenir plusieurs minéraux (A, B, C, D…). Ces réactions sont de la forme : A + B = C + D. Chaque minéral a un volume molaire : VA, VB, etc. VA+VB est la somme des volumes des phases A et B de la réaction ; VC + VD est la somme des volumes des phases C et D. On peut calculer la variation de volume de la réaction DV. DV de la réaction est négatif si l’assemblage des minéraux A + B est remplacé par l’assemblage C + D au cours d’une augmentation de la pression (diagramme de gauche sur la figure 2.3). Dans ce cas, le volume des phases produites C et D est plus petit que celui des phases réactantes A et B : VC + VD < VA + VB.
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Lorsque T varie Le même raisonnement que précédemment peut être tenu pour comprendre le rôle de la température sur la recristallisation métamorphique. Lorsqu’une roche de surface, froide, s’enfonce dans le globe chaud, un transfert de chaleur Q se produit entre cette roche qui se réchauffe et son environnement. Dans la roche, Q et T augmentent de DQ et DT et par voie de conséquence le rapport DQ/ DT est positif. Ce rapport mesure la variation d’entropie DS de la roche au cours de son réchauffement, c’est-à-dire la différence entre l’entropie de la roche « chaude » et celle de la roche « froide ». Ce rapport est positif lorsque T augmente, ce qui signifie que l’entropie de la roche chaude est plus grande que l’entropie de la roche froide. Remarquons que l’entropie n’est pas simplement un rapport mathématique ; c’est aussi une caractéristique intrinsèque des roches et des minéraux constitutifs. L’entropie est le nombre de façons dont les constituants atomiques et moléculaires peuvent se répartir dans un minéral (on dit encore que l’entropie mesure le désordre). Mais ce nombre 21
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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…
de combinaisons possibles dans un minéral n’est pas infini. En fait, l’entropie des minéraux varie peu. Ainsi, lorsqu’une roche équilibrée à basse température est portée à haute température, son entropie augmente. Puisque l’entropie des minéraux qui la constituent varie peu, les minéraux de basses températures sont remplacés par des minéraux de hautes températures à l’entropie plus élevée. Ces transformations se font au cours de réactions interminérales telles que : A + B = C + D avec SC + SD > SA + SB. La variation d’entropie de la réaction est positive lorsque l’assemblage de minéraux C-D remplace l’assemblage A-B et s’accompagne d’une augmentation de la T (diagramme du milieu sur la figure 2.3).
+
D +
A C
A C + + B D
A+B C+D
B
T
P Figure 2.3 – La pente des réactions. Ces trois diagrammes montrent l’allure d’une réaction interminérale A + B = C + D dans laquelle les phases produites C + D ont : un volume inférieur à celui des phases réactantes A + B (diagramme de gauche) ; une entropie supérieure à celui des phases réactantes A + B (diagramme du milieu) ; un volume inférieur et une entropie supérieure à celui des phases réactantes A + B (diagramme de droite).
Lorsque P et T varient simultanément Prenons en considération, d’une manière plus générale, les deux paramètres P et T (V et S). Considérons que les phases A et B sont remplacées par les phases C et D par le biais de la réaction : A + B = C + D au cours d’une augmentation de P et de T. Dans ce cas, le DV de la réaction est négatif et le DS est positif. La pente de cette réaction est exprimée par le rapport DS/DV. En conséquence, sa pente est négative (diagramme de droite de la figure 2.3).
2.3 LE
TRAJET
PTt
ET LE GRADIENT MÉTAMORPHIQUE
Qu’enregistrent les roches métamorphiques des trajets PTt de la figure 2.1 ? Tout au long de cette évolution P-T-t, l’association minéralogique de la roche change afin que celle-ci soit en équilibre (paragenèse) avec les conditions P-T du moment. Ce rééquilibrage se fait par le biais d’une succession de réactions minéralogiques telles que celle décrite dans la figure 1.1 (A + B = C) ou la réaction quartz = coésite dans le précédent paragraphe ou encore la réaction H = A + V de la figure 2.1. Si ce rééquilibrage était complet, nous ne trouverions pas de roches métamorphiques à la surface du globe, mais seulement des roches équilibrées dans les conditions superficielles, avec des assemblages de basses pressions et températures ! En fait, ce 22
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2.3 • Le trajet PTt et le gradient métamorphique
rééquilibrage est plus ou moins complet et les réactions minéralogiques ne se réalisent pas spontanément et complètement dès que la courbe d’équilibre, telle que A + B Æ C de la figure 2.1 est franchie. Nous avons défini, au paragraphe 1.1.2, une vitesse de réalisation de la réaction ou cinétique de réaction qui explique que l’on puisse recueillir, à la surface de la planète, des roches métamorphiques très anciennes, préservées à l’état métastable. Au cours de l’évolution prograde en T (jusqu’au pic thermique) des roches R de la figure 2.1, la température augmente, la déformation est intense et l’eau, libérée par les réactions de déshydratation, est disponible. Ce sont des conditions favorables à la réalisation des réactions. En conséquence, les processus de la recristallisation sont plus rapides que la vitesse de l’évolution métamorphique, c’est-à-dire que la vitesse de variation de P et/ou T. Les associations minérales des roches sont constamment réajustées et les réactions sont complètes. À la fin du trajet prograde en température, la paragenèse témoigne des conditions optimales (TM sur la figure 2.1) et ne conserve qu’exceptionnellement des indices de l’évolution progressive depuis les conditions de basses températures et basses pressions (BT-BP) vers les hautes températures et hautes pressions (HT-HP). Seules de rares zones préservées de la déformation, sous la forme de boudins tectoniques de taille variable, métrique à hectométrique (figure 13.6, figure 3, planche 6), ou bien sous la forme de phases précoces, à l’échelle microscopique, en inclusions dans les phases du pic du métamorphisme, isolées de la circulation des fluides, peuvent montrer des indices du trajet prograde (figure 2.2 planche 1). Par contre, au cours de l’évolution rétrograde (en T et P), lorsque l’échantillon est ramené vers la surface, la température diminue ; généralement la déformation est limitée et localisée et l’eau n’est plus disponible pour la cristallisation de minéraux hydratés de basses températures. La cinétique des réactions est faible et les processus de la recristallisation sont plus lents que les réajustements de la P et de la T. En conséquence, les réactions sont partielles ou ne se produisent pas et les roches métamorphiques conservent généralement le témoignage des conditions maximales en températures (pic en T : Tmax) qu’elles ont atteintes (figure 2.1). Dans la croûte continentale, la majorité des réactions sont des réactions de déshydratation du type :
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H=A+V dans laquelle H est un assemblage de minéraux hydratés, A de minéraux anhydres et V la phase vapeur d’eau (H2O). Comme représenté sur la figure 2.1, les courbes représentatives de ces réactions, dans un diagramme PT, ont une pente positive et la phase V est du côté haute température de la réaction. Au cours du trajet prograde en T et P des roches R, cette vapeur est libérée par la roche et favorise la réalisation des réactions. De faible densité, elle remonte vers la surface et la roche est ainsi déshydratée. Au cours du trajet rétrograde, lorsque T diminue, les réactions qui sont réversibles sont franchies en sens inverse, dans le sens A + V Æ H, mais la vapeur nécessaire à leurs réalisations, n’est plus disponible. La recristallisation, à ce stade rétrograde, n’est possible que dans les zones très perméables, comme les limites lithologiques et discontinuités tectoniques (fissures et zones de cisaillement) le long 23
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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…
desquelles circulent les fluides. Or, les nouveaux minéraux hydratés ont des volumes plus importants que les minéraux précédents et les fissures sont rapidement colmatées, ce qui limite la circulation des fluides. De ce fait, la rétromorphose reste localisée. En conséquence, sauf cas exceptionnel, c’est la paragenèse acquise au pic en T qui est généralement préservée lorsque les roches métamorphiques atteignent la surface. C’est ce que le géologue observe principalement sur le terrain : à l’aide d’une simple loupe, il identifie des minéraux index. Ceux-ci, lorsqu’ils apparaissent dans une roche, indiquent une augmentation du degré du métamorphisme : ils servent à cartographier des surfaces d’égale intensité métamorphique appelées isogrades (voir chapitre suivant). Depuis la roche R1 jusqu’à la roche R3, les minéraux index observés témoignent d’un accroissement de l’intensité du métamorphisme qui caractérise le gradient métamorphique. Les Anglo-Saxons parlent plus précisément de gradient métamorphique de terrain (metamorphic field gradient) pour insister sur le fait qu’il s’agit d’observations faites à l’échelle du terrain, cartographique, à l’inverse du trajet PTt qui peut être obtenu à partir d’un seul échantillon ou bien de quelques échantillons d’un même affleurement. Sur la figure 2.1, ce gradient métamorphique est indiqué par la courbe en tirets qui relient les pics thermiques atteints par les roches. Ce pic est à l’intersection du trajet de la roche et du géotherme à tn. De ce fait, on note que les pics en T des différentes roches n’ont pas été atteints au même moment. Lorsque R2 atteint son pic en température à t2 (point noir TM2), la roche R1 a déjà dépassé le sien et suit une évolution rétrograde en T et P, tandis que R3 n’a pas encore atteint le sien. Ceci est indiqué sur la figure 2.1b par les 2 points gris à l’intersection du géotherme t2 et les 2 trajets des roches R1 et R3. Ainsi le gradient métamorphique (défini à partir de ces pics en T), n’a pas une existence à un temps donné. En conséquence, le gradient métamorphique ne peut, en aucun cas, être assimilé à un paléo-géotherme, même anormal !
2.4 TRAJETS PTt ET
CONTEXTES GÉODYNAMIQUES
Les trajets que nous avons représentés sur la figure 2.1 sont caractéristiques de l’évolution thermique dans une zone de convergence de type collision. Chaque contexte géodynamique s’accompagne d’une modification du régime thermique par rapport à la situation de la lithosphère stable. Cette perturbation est matérialisée par un (ou des) trajet(s) PTt spécifique(s). La figure 2.4 en montre quelques exemples. Cette figure montre une coupe simplifiée de la croûte terrestre. La croûte océanique présente une ride (5) ; elle est épaissie au niveau d’un plateau océanique (4). La croûte continentale est séparée de la croûte océanique par une marge passive et une marge active (6). Elle est épaissie au niveau de cette marge active et dans une zone de chaîne de montagnes (1, 2, 3). Les trajets PTt de six roches dans des contextes géodynamiques différents sont dessinés sur le diagramme PT. Nous avons noté précédemment que le stade rétrograde 24
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2.4 • Trajets PTt et contextes géodynamiques
T 5
2
1
6 4 Solidus Gabbro
3
P GLs
5
4
1 2
6
4
3
Figure 2.4 – Exemples de trajets PTt caractéristiques de contextes géodynamiques variés.
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La croûte continentale est représentée en pointillés et la croûte océanique en noir. Notez que la position des roches 1, 2, 3 et 6 sur la coupe correspond au pic en pression de leurs trajets respectifs dans le diagramme PT. Les portions en trait plein de ces trajets sont les plus susceptibles d’être préservées par les paragenèses des roches. GLs : géotherme moyen de la lithosphère stable.
en T (portion en trait plein sur la figure) est le plus susceptible d’être préservé. Les roches 1 et 2 sont dans une situation similaire à celle des roches de la figure 2.1. Il s’agit de roches de la partie superficielle de la croûte chevauchée dans une convergence continent-continent. Leur trajet dessine une boucle. Mais après un trajet prograde en P identique, les deux roches atteignent des températures maximales différentes durant l’exhumation. Plusieurs solutions permettent d’expliquer ces trajets rétrogrades différents. Une vitesse d’exhumation variable est une des solutions possibles. La roche 1 remonte rapidement et a peu de temps pour s’équilibrer thermiquement avec son environnement : son trajet rétrograde se fait sans variation significative de la température. La roche 2 remonte lentement et, comme sur la figure 2.1, elle se réchauffe au début de son exhumation. La roche 3 se situe à la base de la même croûte chevauchée que les échantillons 1 et 2. Son trajet PTt est à peu près semblable aux deux précédents avec la différence qu’il débute en profondeur et 25
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Chapitre 2 • Les roches métamorphiques : marqueurs des perturbations…
qu’il atteint des conditions de ultra haute température (chapitre 14.4). Le trajet 4 est celui d’une roche magmatique mise en place à la base de la croûte continentale par sous placage magmatique ou dans la partie inférieure d’un plateau océanique ou encore dans le manteau supérieur (paragraphes 14.3 et 16.2). En refroidissant à une profondeur fixée, la roche magmatique recristallise et peut acquérir une paragenèse métamorphique. Un gabbro de la croûte océanique mis en place au niveau d’une ride océanique suit un trajet isobare parallèle à celui de la roche 4, à basses pressions (trajet 5 ; paragraphe 15.2). En effet, dans une croûte océanique de moins de huit kilomètres d’épaisseur, la pression ne dépasse pas deux kilobars. Dans une zone de convergence océan-continent, la croûte continentale s’épaissit tectoniquement et par sous placage magmatique. Le sous-placage magmatique fournit un apport thermique conséquent. La roche 6 est réchauffée par cet apport magmatique qui est associé à un épaississement responsable d’une augmentation de la pression. Cet exemple, un peu théorique, montre un cas particulier ou le sens de la boucle du trajet PTt est l’inverse de la boucle classique des roches 1, 2 et 3. On note qu’à la fin du trajet, certaines roches (3, 4 et 6) sont inaccessibles à l’observation : un nouvel événement orogénique (et métamorphique) est nécessaire pour ramener ces roches à la surface ; plus rarement, ces roches peuvent être ramenées à la surface en enclaves dans les volcans.
En conclusion : que préservent les roches métamorphiques ?
= La finalité la plus intéressante pour le pétrologue qui cherche à comprendre l’évolution géodynamique d’une région serait la reconstitution des paléogéothermes, objectif difficilement atteint. Le trajet PTt témoigne clairement de la perturbation du géotherme au cours d’un événement tectonique. = Malheureusement, nous venons de voir que les roches métamorphiques préservent essentiellement les conditions maximales en températures (TM sur la figure 2.1) matérialisées par le gradient métamorphique. Celui-ci est caractéristique du contexte géodynamique, mais il ne nous informe que sur un seul point du trajet PTt de chacune de ces roches (figure 2.1). Ce qui est limité ! = Les roches contiennent parfois des indices du trajet PTt rétrograde et, plus rarement encore, des indices du trajet PTt prograde. Ces reliques du trajet PTt ont préservé une étape (rarement plusieurs) de leur évolution PT parce que, à ce moment précis, la vitesse de réaction est devenue trop faible (boudin tectonique préservé de la déformation, absence de fluides, diminution de la température, etc.). = Ce sont ces roches « rescapées » qui ont enregistré une portion de l’évolution thermique qu’elles ont suivie que nous devons étudier. En reliant les bribes d’histoire thermique dont témoigne chacune de ces roches, nous traçons la trajectoire P-T-t que l’on confronte au gradient métamorphique.
26
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LES
ROCHES MÉTAMORPHIQUES : LOCALISATION, TEXTURES, STRUCTURES ET CLASSIFICATION
3
3.1 Localisation géographique des roches métamorphiques
PLAN
3.2 Cartographie du métamorphisme - Minéraux index et isogrades du métamorphisme 3.3 Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T 3.4 Structures et textures 3.5 Structures et contraintes 3.6 Les principales textures des roches métamorphiques 3.7 Nomenclature des roches métamorphiques
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3.1 LOCALISATION
GÉOGRAPHIQUE DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
3.1.1 Les différents types de métamorphismes Les roches métamorphiques sont classées en trois catégories selon leur contexte géologique de formation. On distingue des roches du métamorphisme de contact, des roches du métamorphisme dynamique et des roches du métamorphisme régional. Les deux premiers types de métamorphisme sont catalogués de métamorphismes locaux, car ils couvrent des régions de dimensions moyennes dans lesquelles l’échelle est kilométrique (figure 11.1). Les métamorphismes régionaux s’étendent sur des surfaces qui peuvent être considérables, pour lesquelles l’échelle est déca à hecto-kilométrique (figures 12.8, 13.2, 14.3, 14.5). 27
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
La cause des variations des paramètres P et/ou T est explicite dans le cas des métamorphismes locaux. Le métamorphisme de contact se développe à proximité immédiate d’une intrusion magmatique : la cause majeure de la recristallisation métamorphique est la chaleur fournie par l’intrusion qui diffuse dans les roches encaissantes. Ce métamorphisme est aussi qualifié de métamorphisme thermique. Nous l’étudierons au chapitre 11. Le métamorphisme dynamique se localise dans des zones étroites de failles et de base de nappes de charriages où la déformation est très intense ainsi que les sites d’impact de météorites. On parle, dans ce dernier cas, de métamorphisme de choc ou d’impact. L’impact de grosses météorites à la surface du globe provoque une augmentation considérable de P et T pendant un temps très bref. S’il est, fort heureusement, rare à l’heure actuelle, le métamorphisme de choc a joué un rôle important sur l’origine de la croûte terrestre primitive à l’Hadéen, pendant la période de l’intense bombardement météorique qui a conclu l’accrétion du système solaire (3,9 milliards d’années). Nous n’étudierons pas le métamorphisme dynamique dans le cadre de cet ouvrage. Signalons toutefois, en France, le site d’impact de Rochechouart, en Haute-Vienne : la chute d’une météorite de 2 km de diamètre, il y a 200 Ma, est responsable d’un cratère d’environ 20 km de diamètre. Dans le cas du métamorphisme régional, les variations de la T et P sont dues aux sources de chaleur interne du globe. Toutes les régions du globe montrant des perturbations du géotherme sont favorables à la recristallisation métamorphique : les zones orogéniques, la lithosphère océanique, mais aussi le manteau convectif. L’étude du métamorphisme régional permet de déchiffrer ces perturbations thermiques dans le globe, ce qui constitue un préalable indispensable pour faire l’interprétation géodynamique d’une région. Comme l’indique le titre de cet ouvrage, nous nous intéressons à la signification géodynamique du métamorphisme : c’est pourquoi nous traiterons principalement des métamorphismes régionaux affectant la lithosphère. Toutefois, le métamorphisme d’enfouissement, qui est également un métamorphisme d’extension régionale, n’est pas traité dans cet ouvrage.
3.1.2 Répartition des roches métamorphiques à la surface du globe Pour se faire une idée de la répartition des roches métamorphiques à la surface de la Terre, observons la répartition des affleurements de ces roches en France (figure 3.1). Celles-ci se répartissent sur une surface non négligeable de notre pays et sont localisées dans le Massif central, en Bretagne-Vendée, dans les Pyrénées, dans les Alpes, dans les Vosges, en Corse. Elles sont souvent associées à des granites. Elles sont associées à deux orogenèses principales : l’orogenèse hercynienne paléozoïque et l’orogenèse alpine cénozoïque. D’autre part, elles se retrouvent sous les quelques centaines à quelques milliers de mètres d’épaisseur de la couverture des grands bassins sédimentaires. Une telle répartition est en accord avec le fait que les zones orogéniques sont des sites où les P et T sont perturbées (anomalies thermiques) et sont donc favorables à la formation des roches métamorphiques. De plus, l’exhumation de ces roches profondes est favorisée dans les zones crustales épaisses, en déséquilibre gravitaire, 28
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3.1 • Localisation géographique des roches métamorphiques
Figure 3.1 – Répartition des séries métamorphiques sur le territoire français, en fonction de leur âge et du type de gradient métamorphique (d’après Kornprobst et al., 1981).
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BP : gradient de BP-HT ; P int : gradient MP (ou pressions intermédiaires) -HT ; HP : gradient HP-BT. p1 : Protérozoïque inf - Icartien ; p2 : Protérozoïque supérieur (Cadomien) ; ca : Calédonien ; v1 : éohercynien ; v2 : hercynien ; a1 : éoalpin ; a2 : Lépontin. M : massif des Maures ; mn : Montagne Noire ; Lim : Limousin. Les boudins noirs représentent les principales formations à métaophiolites et roches de haute pression (éclogites et granulites) qui apparaissent en reliques dans les séries hercyniennes. BA : bassin Aquitain. (Kornprobst, 2001)
que sont les chaînes de montagnes. Une répartition équivalente peut être observée, sur une surface variable et des âges différents, ailleurs à la surface du globe. Il n’empêche que le métamorphisme se réalise également dans de nombreux autres contextes géodynamiques comme nous l’avons vu sur la figure 2.4.
3.1.3 Répartition des roches métamorphiques sur un profil de la croûte Il est difficile de proposer une coupe synthétique de la croûte continentale, car celle-ci est extrêmement diversifiée, autant verticalement que latéralement. Cette diversité 29
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
chimique et minéralogique est due à l’origine ancienne de la croûte continentale qui, contrairement à la croûte océanique, s’est formée et a été remaniée continuellement depuis plus de 3,8 Ga. On peut cependant proposer un schéma synthétique (figure 3.2) qui montre que la croûte continentale est constituée d’une partie superficielle comprenant des roches sédimentaires sur une épaisseur de quelques centaines de mètres, exceptionnellement et localement de 8 à 10 km et des roches volcaniques. En dessous, dans la croûte supérieure, c’est le domaine des roches métamorphiques de faible à moyen degré, fortement plissées et déformées. Elles sont traversées par des granites intrusifs. La partie inférieure de cette croûte supérieure est le domaine des granites d’anatexie, produits de la fusion hydratée de métasédiments, au-delà du métamorphisme de moyen degré. Parfois, croûte supérieure et inférieure sont séparées par la discontinuité de Conrad. Croûte superficielle
Croûte supérieure (R. métamorphiques et granitoïdes)
z = 16 km
Discon. de Conrad Croûte inférieure (R. ultra métamorphiques et magmatiques)
z = 30 km
Discon. de Moho Manteau supérieur (R. ultrabasiques)
Figure 3.2 – Coupe synthétique de la croûte continentale constituée principalement de roches métamorphiques.
La croûte inférieure est constituée de roches ultra-métamorphiques du faciès Granulite montrant un litage métamorphique généralement horizontal. Des métasédiments granulitiques sont associés à des roches magmatiques basiques (d’origine mantellique) métamorphisées. Les conditions thermiques à l’origine des granulites en base de croûte continentale sont bien supérieures aux conditions du géotherme de la lithosphère stable (GLs sur la figure 3.3). Dans une lithosphère stable la température est voisine de 500 °C à la profondeur de la discontinuité de Mohorovicic (30 km), ce qui correspond aux températures de la transition des faciès Schistes verts-Amphibolite. En conclusion, on constate que les roches métamorphiques sont des constituants majeurs de la croûte continentale, tant en surface qu’en profondeur. Nous montrerons 30
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3.2 • Cartographie du métamorphisme
que le métamorphisme est également présent dans la croûte océanique et dans le manteau, puisque ce sont également des sites géodynamiques où existent des variations de températures, de pressions, de la nature des fluides.
3.2 CARTOGRAPHIE
DU MÉTAMORPHISME - MINÉRAUX
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INDEX ET ISOGRADES DU MÉTAMORPHISME Pour évaluer l’évolution métamorphique dans une région, on cartographie les lignes d’égal degré du métamorphisme ou isogrades, caractérisées par l’apparition ou la disparition de minéraux index. Un isograde sur une carte est une ligne résultant de l’intersection d’une surface isograde avec la topographie. Ces isogrades indiquent la première apparition, marquée par un signe + (ou disparition, marquée par un signe –) d’un minéral, mais ne reflètent pas toujours une réaction spécifique : plusieurs réactions sont responsables de l’apparition de ce minéral et l’intervention de l’une ou l’autre de ces réactions peut dépendre du trajet PTt parcouru ou bien de la paragenèse initiale de la roche. Ainsi, dans les métasédiments argileux, le grenat peut se former grâce aux réactions suivantes : Chl + Ms + Qtz = Bt + Grt + V H2 O, Chl + Qtz = Grt + V H2 O , Chl = Grt + Mag + V H2 O , Chl + Cld + Qtz = Grt + V H2 O ; ces quatre réactions se réalisent dans la gamme de températures 500-550 °C. Un autre exemple, à plus hautes températures, est celui de la sillimanite produite par la réaction polymorphique And/Ky = Sil ou bien par le biais de réactions de déshydratation faisant intervenir des micas, telle la réaction classique : Ms + Qtz = Kfs + Sil + V. Il est plus judicieux d’appeler ces « isogrades » d’apparition ou de disparition de « minéraux index » des « limites d’apparition ou de disparition de minéraux index » qui séparent des « zones métamorphiques » portant le nom du minéral index et de réserver le terme d’isogrades à des limites dont on a identifié les réactions métamorphiques. La figure 13.2 présente la carte des zones métamorphiques dans le dôme hercynien du Lévezou, dans le Massif central. Cette succession de zones métamorphiques indique un gradient métamorphique croissant vers le centre du dôme. La carte de la figure 11.1 de l’auréole métamorphique de Ballachulish en Écosse est une véritable carte d’isogrades, établis à partir de réactions métamorphiques. Sur la carte de la figure 11.8, la distinction est faite entre les isogrades et les limites d’apparition d’un minéral. Il faut remarquer que l’apparition ou la disparition d’un minéral ne dépend pas seulement des conditions du métamorphisme, mais aussi de la composition des roches (chapitre 5). Ainsi, dans la zone métamorphique Biot de la figure 13.2, ce minéral n’est pas présent dans toutes les roches. D’autre part, le passage dans la zone métamorphique voisine Grt n’implique pas la disparition de la biotite. Au contraire, ce minéral persiste jusque dans les conditions ultimes du métamorphisme, l’anatexie. Il est difficile de donner une valeur absolue en T et/ou P à un isograde, car les pentes des réactions sont variables. Pour prendre un exemple, la courbe P-T de la réaction Ky-Sil (figure 6.2) indique une pente P/T d’environ 20 bars/°C : en conséquence, la température de l’isograde d’apparition de la sillimanite dépend de la pression. D’autre part, la position des courbes des réactions de déshydratation (largement 31
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
utilisées dans la cartographie des isogrades) dans l’espace P-T est très dépendante de la pression partielle des fluides (voir 6.7). Enfin, la position des courbes de réaction est également fonction de la composition des roches. La cartographie précise des isogrades (et, a fortiori, celle des limites d’apparition de minéraux) est une évaluation qualitative, imprécise des conditions de P et T, mais cependant bien utile. Facile à mettre en œuvre sur le terrain, elle nécessite l’étude pétrographique d’un très grand nombre d’échantillons.
3.3 LOCALISATION DES ROCHES DANS L’ESPACE P-T
MÉTAMORPHIQUES
3.3.1 Les limites du métamorphisme et les faciès métamorphiques Le métamorphisme intéresse la majorité de l’espace PT de la figure 3.3. Seul, le domaine à gauche de la figure, à HP, très BT (limité par une droite de gradient 6°/km), n’est pas réalisé sur Terre. Nous avons noté précédemment (paragraphe 1.2) que la diagenèse marque la limite progressive, à BT, BP, avec le métamorphisme. La courbe d’anatexie (A) marque la limite entre le domaine des transformations à l’état solide du métamorphisme et celui du magmatisme. Cette courbe d’anatexie indique les conditions au-delà desquelles les roches commencent à fondre en produisant un magma de composition granitique : les roches subissent une fusion partielle. Cette limite n’est pas fixe et peut se déplacer de plusieurs centaines de degrés (à une pression donnée). Le géotherme GLs matérialise l’augmentation de la T en fonction de la profondeur à l’intérieur d’une plaque lithosphérique continentale stable. On remarque que les roches métamorphiques enregistrent des conditions thermiques différentes de celles de ce géotherme GLs. Pour raisonner dans ce vaste espace P-T, il est nécessaire de faire des subdivisions. On peut parler de métamorphisme de très faible degré, de faible degré, de degré moyen et de degré élevé (Winkler, 1979). Les termes d’anchizone, épizone, mésozone et catazone qui indiquent une augmentation du degré du métamorphisme sont également utilisés. Le découpage en faciès métamorphiques, proposé par Eskola au début du siècle dernier est plus précis. Le domaine P-T est découpé en portions DT-DP appelées faciès métamorphiques. Cette notion de faciès métamorphique est bien pratique, car elle permet de regrouper des roches soumises à des intervalles de P et T données, indépendamment de leur composition chimique. Une amphibolite (de composition basaltique) et un micaschiste (de composition de sédiments argileux) à sillimanite appartiennent au même faciès métamorphique, le faciès Amphibolite. Ainsi, un faciès métamorphique regroupe toutes les paragenèses ayant cristallisé dans le même intervalle P-T, quelle que soit la composition chimique de la roche. Ces paragenèses sont caractéristiques d’un faciès métamorphique et permettent, par conséquent, d’estimer qualitativement les conditions de formation. 32
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3.3 • Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T
400
200 di ag en ès e
nne
bl
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e
amphibolit
A K S
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0,2
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600 cor
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Figure 3.3 – Faciès et gradients métamorphiques dans l’espace P-T.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Le domaine à gauche de la figure, à HP, très BT n’est pas réalisé sur Terre. La transition est progressive entre la diagenèse et le faciès métamorphique Zéolite. La courbe d’anatexie (A) indique la limite entre le domaine des transformations à l’état solide du métamorphisme et celui du magmatisme. Cette limite est mouvante, ce qui explique la présence de faciès métamorphiques à plus HT. Le champ de stabilité des silicates d’alumine (A = andalousite ; K = disthène ; S = sillimanite) et le géotherme de la lithosphère continentale stable (GLs) sont donnés à titre de repères. La T à la base de la croûte continentale (à 30-35 km) se situe à la transition des faciès Schistes verts – Amphibolite. Les faciès du métamorphisme de contact (ou métamorphisme thermique) sont Corn Ab-Ep : Cornéenne à albite et épidote, Corn Hbl : Cornéenne à hornblende, Corn Prxs : Cornéenne à pyroxènes et Sanidinite.
Les noms des faciès proviennent des noms des roches de composition basique (basaltiques et gabbroïques), métamorphisées dans les intervalles PT définis pour ces faciès. Cette nomenclature peut prêter à confusion si l’on n’a pas une utilisation rigoureuse du vocabulaire : le terme Schiste bleu ne doit pas être utilisé comme une abréviation pour « une roche du faciès Schistes bleus » ou « une roche dans les conditions du faciès Schistes bleus », mais seulement pour le cas bien spécifique d’une roche magmatique basique métamorphisée (métabasite) dans les conditions du « faciès Schistes bleus ». Le métamorphisme des roches basiques fait intervenir un nombre limité de minéraux dont le plus commun est l’amphibole qui montre une large gamme de compositions chimiques. Ces roches sont caractérisées par un nombre limité d’assemblages minéralogiques diagnostiques. Dans l’intervalle P-T d’un faciès métamorphique, l’assemblage minéralogique des roches basiques ne change pas beaucoup et peut donc servir d’assemblage diagnostique de ce faciès. C’est ce qui a justifié le choix du nom de ces roches comme nom des faciès. Ainsi, dans le faciès Schistes verts, la paragenèse la plus commune des métabasites est à actinote + chlorite + épidote + albite + quartz ; 33
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
dans le faciès Amphibolite, ces mêmes roches sont à hornblende + plagioclase + grenat + quartz. L’isograde d’apparition du grenat, dans les métabasites, marque la limite des faciès Schistes verts et Amphibolite ; cette limite coïncide également avec un changement relativement rapide de composition de l’amphibole (actinote – hornblende) et de celle du plagioclase. Dans ces mêmes intervalles P-T, des métasédiments présentent d’importantes modifications minéralogiques. La figure 3.4 montre un choix de réactions isogrades délimitant les différents faciès métamorphiques. Notons que les limites des faciès sont approximatives, car la position des réactions dépend de la composition des roches et de celle de la phase fluide, comme nous le verrons dans les chapitres suivants. Ce diagramme est établi avec PH2O = PL (pression lithostatique) jusqu’aux conditions de la courbe d’anatexie ; au-delà de l’anatexie, la condition PH2O < PL est nécessaire pour que les roches ne fondent pas, mais soient métamorphisées dans le faciès Granulite.
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prh pum + chl +ac t+q+ V
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cor
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pl +g rt + qtz
Figure 3.4 – Faciès métamorphiques et réactions limites (traits pleins) de ces faciès Cette figure montre un choix de réactions isogrades délimitant les différents faciès métamorphiques. Quelques réactions supplémentaires (en tirets) permettent de faire des subdivisions dans ces faciès. En tirets : la réaction lws (+) sépare un domaine Schistes bleus à lawsonite d’un domaine à épidote, à plus hautes températures ; la réaction gln (+) sépare le faciès Éclogite en un domaine de BT (à glaucophane) et un domaine de HT (à hornblende ou barroisite) ; la réaction ep (+) délimite un sous-faciès Amphibolite à épidote ; la réaction Ol + Pl = Opx + Cpx + Spl permet de définir des sous-faciès dans le faciès Granulite.
34
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3.3 • Localisation des roches métamorphiques dans l’espace P-T
Les faciès du métamorphisme de contact (ou métamorphisme thermique) se développant à la périphérie d’un massif plutonique sont proches de l’axe des températures, indiquant par là que le paramètre P ne change pas. Les faciès Zéolite, PrehnitePumpellyite, Schistes bleus, Éclogite, Schistes verts, Amphibolite, Granulite sont des faciès du métamorphisme régional.
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3.3.2 Les principaux gradients métamorphiques La plupart des terrains métamorphiques montrent des variations géographiques progressives des conditions métamorphiques depuis les faibles degrés jusque, parfois, aux conditions de l’anatexie. Ces conditions variables dont témoignent ces roches permettent de tracer une évolution régulière dans le diagramme P-T : c’est le gradient métamorphique. Les trois domaines grisés (HP-BT, MP-HT et HT-BP) sur la figure 3.3 matérialisent les évolutions métamorphiques régionales les plus souvent enregistrées par les roches du métamorphisme régional, à travers le monde. Le gradient métamorphique de hautes pressions-basses températures (HP-BT) indique que lorsque la pression (c’est-à-dire la profondeur) augmente, la température reste faible. C’est l’inverse dans le cas du gradient métamorphique de hautes températures-basses pressions (HT-BP). L’augmentation de pression est modérée dans le cas du gradient métamorphique de moyennes pressions-hautes températures (MP-HT, parfois appelé de pressions intermédiaires-hautes températures : PI-HT). Les conditions de l’anatexie (courbe A) constituent normalement le stade ultime des métamorphismes de gradient de BP et de MP. Par contre, la figure 3.3 montre que le domaine de l’anatexie n’est que difficilement atteint (à très grandes profondeurs) au cours d’un métamorphisme de HP. Notez également que la succession des silicates d’alumine est différente dans le cas d’un gradient de MP, avec disthène, puis sillimanite lorsque la température augmente et dans le cas d’un gradient de BP avec andalousite, puis sillimanite. Dans un gradient de HP, seul le disthène est stable. Enfin, il faut remarquer qu’aucun de ces gradients ne coïncide avec le géotherme de la lithosphère stable. Cela signifie que ces gradients ne se sont pas formés dans les conditions de la lithosphère stable. Chaque gradient métamorphique est caractérisé par une succession de minéraux index. Le gradient de HP montre la succession des zones métamorphiques caractérisées par les minéraux index suivants : lawsonite, carpholite, glaucophane, chloritoïde. Les minéraux index du gradient métamorphique de MP-HT sont : chlorite, muscovite, biotite, chloritoïde, grenat, staurotide, disthène, sillimanite, « anatexie », muscovite (–). Ceux du gradient métamorphique de BP-HT sont : chlorite, muscovite, biotite, cordiérite, andalousite, sillimanite, muscovite (–), « anatexie », orthopyroxène. Ces listes amènent quelques remarques. Ces successions, non exhaustives, peuvent varier d’une région à l’autre et les minéraux apparaissent dans les lithologies appropriées, c’est-à-dire, principalement des sédiments argileux (voir chapitre 5). La liste est brève en ce qui concerne le métamorphisme de HP. Les limites de la majorité des zones métamorphiques correspondent à l’apparition des minéraux, à l’exception de la limite musc (–) qui est au contraire une limite de disparition de ce minéral en présence de quartz. La limite isograde anatexie n’est pas une limite minéralogique. 35
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
Notons que la succession musc (–)-anatexie est inversée pour les gradients MP-HT et HT-BP. Enfin, l’orthopyroxène se forme à des températures supérieures à celles du début de l’anatexie.
a) Le gradient de HP-BT Il est aussi appelé gradient franciscain, défini dans la région de San Francisco en Californie, dans les séries métamorphiques cénozoïques. Dans le diagramme P-T, il traverse les faciès Schistes bleus et Éclogites (figure 3.3). Il est typique des chaînes récentes et des convergences océan – continent actuelles ; rare avant 1 Ga, il est vraisemblablement absent à l’Archéen. Les formations métamorphiques correspondantes sont largement présentes sur tout le rivage de l’océan Pacifique, ainsi que dans les zones internes de la chaîne alpine. C’est le cas, en particulier, dans les zones liguropiémontaises des Alpes occidentales (chapitre 12 et planche 4). Les métabasites (schistes à glaucophane et lawsonite et éclogites), serpentinites et péridotites sont abondantes dans les séries affectées par le gradient de HP et représentent des portions de la lithosphère océanique. Ce gradient est caractéristique du contexte géodynamique de subduction et du début de la collision.
b) Le gradient de MP-HT Il a été décrit, par Barrow, dans les séries éo-calédoniennes d’Écosse : il est également appelé gradient dalradien ou barrovien. Dans l’espace P-T, il traverse les faciès Schistes verts et Amphibolite et atteint le domaine de l’anatexie (figure 3.3). Il est relativement rare dans les chaînes récentes cénozoïques, mais constitue de vastes domaines dans les chaînes paléozoïques, (par exemple, la chaîne hercynienne : figure 3.1) et plus anciennes. Il affecte des séries essentiellement continentales, mais contient parfois des éclogites de hautes températures. Il est caractéristique de la collision dans les chaînes de montagnes (chapitre 13).
c) Le gradient de BP-HT Il est proche des gradients thermiques du métamorphisme de contact. Défini au Japon, dans les chaînes d’Abukuma et de Ryocke, il porte le nom de gradient Abukuma. Il est caractérisé par les conditions des faciès Schistes verts et Amphibolite, l’anatexie généralisée et souvent le faciès Granulite. Ces localités types correspondent à des chaînes récentes (Crétacé supérieur) ; mais les gradients de basse pression sont également bien représentés dans la chaîne hercynienne, spécialement au cours des derniers stades de cette orogenèse (vers 300 Ma) : en France, le massif du Pilat, la Montagne Noire dans le Massif central, les massifs nord-pyrénéens (dont celui de l’Agly) et la zone axiale des Pyrénées sont caractérisés par ce type de gradient (figure 3.1 et chapitre 14). Le métamorphisme de la zone nord-pyrénéenne, d’âge Crétacé supérieur (98-81 Ma) correspond également à ces conditions de basse pression (paragraphe 15.1). Ce gradient est généralisé à l’Archéen. Le gradient BP-HT est associé à différents contextes géodynamiques : il est associé au début de la convergence, dans les ceintures doubles métamorphiques (paragraphe 14.1), 36
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3.4 • Structures et textures
à des mécanismes d’amincissement lithosphérique tardi-orogéniques, à la divergence des plaques dans le rifting continental et surtout océanique (chapitre 15), et enfin à un état thermique spécifique de la jeune Terre encore chaude à l’Archéen (paragraphe 17.2). Ces différents types de gradients métamorphiques sont souvent superposés dans une même région et parfois dans une même unité, comme cela peut être en particulier déduit de la figure 3.1. Ainsi, d’importantes reliques d’éclogites sont connues dans les domaines de moyenne pression des chaînes calédoniennes et hercyniennes, et même dans des unités de basse pression. Des unités de gradient de moyenne pression évoluent souvent régionalement vers les basses pressions et hautes températures. Les différents gradients métamorphiques apparaissent donc comme autant d’étapes successives au cours d’une même évolution orogénique, à l’échelle de la chaîne de montagnes (paragraphe 17.1).
3.4 STRUCTURES
ET TEXTURES
Ces deux mots sont parfois utilisés l’un pour l’autre : il faut reconnaître que la différence entre ces deux synonymes n’est pas grande ! La définition étymologique du mot texture est : état d’une chose tissée tandis que celle de structure est : manière dont un édifice est bâti. En pétrologie, la texture correspond à l’agencement des minéraux à petite échelle au microscope, tandis que la structure est l’organisation géométrique à plus grande échelle (échelle de l’échantillon ou de l’affleurement par exemple). Dans les roches magmatiques, la texture est qualifiée de grenue ou microlitique, mais on parle de la structure litée d’un gabbro. Les roches métamorphiques présentent aussi une texture, mais les géométries, telles que la schistosité ou la foliation, ont une origine « tectonique » : ces roches ont une (micro)structure foliée. La texture d’une roche métamorphique résulte de recristallisations liées aux réactions minéralogiques, mais aussi à de simples réarrangements texturaux, sans modification de l’assemblage minéralogique.
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3.4.1 La recristallisation dynamique Ce type de recristallisation concerne les matériaux soumis à des contraintes anisotropes ; elle est le résultat de déformations tectoniques et s’accompagne, en général, d’une diminution de la taille moyenne des cristaux (figure 3.5a). La déformation affecte, en effet, les réseaux cristallographiques des grains (cristaux) qui accumulent ainsi une énergie de déformation élastique par la multiplication de défauts (dislocations) au sein des cristaux. La minimisation de cette énergie de déformation passe par l’élimination des dislocations, qui se fait par migration et regroupement de celles-ci le long de plans pour former des sous-grains, puis de néoblastes (nouveaux cristaux à faible énergie élastique), aux dépens des cristaux déformés. Néanmoins, ces derniers subsistent souvent partiellement ; ils constituent des clastes, ou porphyroclastes lorsqu’ils conservent des dimensions importantes par rapport à celles des néoblastes (figure 3.5a). 37
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
3.4.2 La recristallisation statique Il s’agit d’un processus principalement statique, éventuellement postdynamique, affectant une roche maintenue à températures élevées. Il est contrôlé principalement par la minimisation de l’énergie de surface intergranulaire. Les joints de grain (ou interfaces) correspondent en effet à des domaines structuraux désordonnés dans lesquels les atomes ne présentent pas l’arrangement régulier qui les caractérise au sein des cristaux. Les joints de grain mobilisent donc une énergie de désordre, d’autant plus importante que les interfaces sont plus étendues, et à laquelle il faut ajouter un effet de tension de surface. La minimisation de cette énergie de surface exige une diminution de la surface intergranulaire, c’est-à-dire une augmentation de la dimension des grains par migration des joints de grain (figure 3.5b). En conséquence, le nombre de grains de la roche diminue. Dans un système monominéral placé sous contraintes isotropes et à température convenable, la surface intergranulaire minimum correspond au développement de grains équidimensionnels dont les faces font entre elles des angles de 120°. Ce cas idéal est approximativement réalisé dans les roches presque exclusivement constituées de calcite (marbres), de quartz (quartzites), de plagioclase (anorthosites) ou d’olivine (dunites).
Figure 3.5 – Recristallisation à l’état solide a) Recristallisation dynamique : les grains soumis à la déformation se divisent en sous-grains (sg) et recristallisent en néoblastes (n) ; il en résulte une minimisation de l’énergie de dislocation. Les reliques déformées des grains initiaux constituent les porphyroclastes. b) Recristallisation statique tardi- et postcinématique : les grains initiaux (limites en pointillé) se réorganisent, se réorientent et croissent en dimension par migration des joints de grain ; il en résulte une minimisation de l’énergie de surface intercristalline. Échelle de la figure : 2 mm environ. (Kornprobst, 2001)
3.5 STRUCTURES
ET CONTRAINTES
Certaines structures des roches métamorphiques sont héritées de la roche initiale (le protolithe). C’est souvent le cas pour les roches du métamorphisme de contact qui se développent sous contraintes isotropes et conservent souvent la trace de la stratification sédimentaire du protolithe. Des structures héritées des roches ignées sont également 38
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3.5 • Structures et contraintes
observées : anciens filons ou anciennes enclaves, ancien litage magmatique dans les gabbros. Mais les structures les plus fréquentes et les plus caractéristiques sont les structures planaires et linéaires, schistosité, foliation et linéations, acquises au cours des déformations et des recristallisations qui accompagnent le métamorphisme régional.
3.5.1 Schistosité et foliation Le plan de schistosité (figure 3.6) est une structure planaire d’origine tectonique suivant laquelle les roches se débitent préférentiellement. Il se distingue d’un litage ou de la stratification, car il ne sépare pas des lithologies différentes. Il peut être plus ou moins continu (« pénétratif »). La schistosité présente un débit fin. La foliation, quant à elle, fait intervenir un rubanement millimétrique à pluri-millimétrique de niveaux de nature minéralogique différente. Ce rubanement est, a priori, indépendant d’un rubanement originel, tel que la stratification, quoiqu’il puisse être contrôlé par celui-ci. Lorsque l’épaisseur des niveaux de lithologies différentes de la foliation devient plus importante, on peut parler de litage tectonique ou métamorphique. Schistosité et foliation ont la même signification structurale : elles matérialisent le plan d’aplatissement de la matière (X-Y ou l1-l2) et accommodent le raccourcissement. Les différents mécanismes de formation des plans de schistosité et foliation ne seront pas détaillés ici. On peut, pour plus de détails, se référer, par exemple, à l’ouvrage de Mercier et Vergely (2004). Il s’agit principalement de mécanismes de pression – dissolution, rotation rigide, déformation intracristalline et cristallisation orientée. Ces mécanismes s’accompagnent souvent de recristallisation métamorphique. Les minéraux métamorphiques qui « marquent » ce plan d’aplatissement permettent de quantifier les conditions pression et température de la déformation, ce que l’analyse structurale ne permet pas de faire.
3.5.2 Les linéations
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Les linéations sont des structures linéaires portées par les plans de schistosité et foliation. Il en existe trois types principaux : les linéations d’intersection, les linéations d’allongement et les linéations minérales. On peut parler également de linéation de boudinage (figure 3.6).
a) La linéation d’intersection La linéation d’intersection (Li sur la figure 3.6) correspond à la trace de l’intersection du plan de schistosité avec une surface antérieure à ce plan qui peut être une stratification ou une schistosité plus ancienne. Elle est visible indifféremment sur l’un ou l’autre plan.
b) La linéation d’allongement ou d’étirement Cette linéation (Le sur la figure 3.6) est matérialisée, sur le plan de schistosité/foliation, par l’allongement sous l’effet de la déformation des marqueurs passifs tels que des 39
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
cristaux ou des éléments de la roche (galets dans un conglomérat par exemple). Elle permet d’identifier la direction d’allongement X (ou l1) de l’ellipsoïde de la déformation finie.
c) La linéation minérale La linéation minérale (Lm sur la figure 3.6) correspond à la croissance orientée des cristaux dans la direction d’allongement, sur le plan de schistosité/foliation, au cours du développement de cette surface (figure 5, planche 3). Comme la linéation d’allongement, elle permet de matérialiser la direction d’allongement X (ou l1) de l’ellipsoïde de la déformation finie. Mais elle apporte une information supplémentaire qui est la contemporanéité de la cristallisation du ou des minéraux métamorphiques et de la déformation : si la paragenèse de la roche est un bon indicateur de la pression et de la température, il est ainsi possible de quantifier les conditions de la déformation, comme nous l’avons noté pour la foliation. La cartographie combinée de la schistosité/foliation et de la linéation minérale ou d’étirement (comme la figure 4.3a) permet d’établir une carte régionale de la déformation sur laquelle sont caractérisées les directions des axes de l’ellipsoïde de la
Lm Le S1
plan
Li
S0
S1
S0 L i xe a Li
S0
Lb
Figure 3.6 – Les structures des roches du métamorphisme régional. La roche se débite selon le plan de schistosité (S1). Celle-ci est plus ou moins développée selon la lithologie. Li est linéation d’intersection entre la stratification (S0) et la schistosité (S1) ; cette linéation, visible sur les deux plans S0 et S1, est parallèle à l’axe du pli contemporain de la déformation à l’origine de la S1. Les galets gris sont étirés dans la direction X de l’ellipsoïde de la déformation finie et matérialisent la linéation d’étirement/d’allongement (Le). Les baguettes de cristaux aciculaires noirs ont cristallisé pendant la déformation (minéraux syncinématiques) dans la direction d’allongement : ils matérialisent la linéation minérale (Lm) qui est parallèle à Le. Dans le niveau structural profond, Lm et Le sont souvent parallèles à Li, mais peuvent être sécants. Remarquez que le plan axial du pli (plan) est parallèle à la S1 ; notez que l’épaisseur de la « couche à galets » est plus importante à la charnière que sur les flancs : le pli est anisopaque. Le niveau inférieur est boudiné et on définit une linéation de boudinage (Lb) qui est perpendiculaire à Le/Lm. La longueur très approximative de ce bloc diagramme va du centimètre à quelques décimètres.
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3.6 • Les principales textures des roches métamorphiques
déformation finie. Notons qu’il n’y a généralement pas de liaison spatiale simple entre ellipsoïde des contraintes et ellipsoïde de la déformation finie dans le cas de la déformation ductile.
3.6 LES
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PRINCIPALES TEXTURES DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
Le développement des textures (figure 3.7) est contrôlé par le régime de contraintes et par la nature des minéraux des roches. Les textures granoblastiques caractérisent les roches constituées pour l’essentiel de minéraux dont les formes sont relativement régulières (quartz, feldspaths, grenat, cordiérite, pyroxènes, olivine, carbonates, etc.). Lorsque les contraintes sont isotropes ou faiblement anisotropes au cours de la recristallisation, ces textures sont proches de l’arrangement idéal correspondant à la minimisation de l’énergie de surface, avec des joints de grains à 120°. Les contraintes plus nettement anisotropes conduisent à la croissance préférentielle des grains parallèlement à la schistosité et la texture devient granoblastique orientée, l’orientation étant déterminée par la trace de la schistosité sur le plan d’observation. Une déformation très accentuée (forte anisotropie de contrainte) mène à des textures blastomylonitiques caractérisées par des néoblastes de très petite taille parmi lesquels des porphyroclastes sont dispersés. Les textures lépidoblastiques (de lepidos = écaille) sont caractéristiques des roches très riches en minéraux phylliteux (chlorites et micas à habitus aplati) disposés parallèlement à la schistosité. Les textures nématoblastiques (de nematos = aiguille) sont caractéristiques des roches très riches en minéraux aciculaires (amphiboles, sillimanite), dont l’orientation détermine souvent une linéation d’allongement. L’association dans une même roche, à l’échelle centimétrique, de niveaux riches en minéraux phylliteux ou aciculaires, et de niveaux riches en quartz et feldspaths, détermine l’existence de textures mixtes, granolépidoblastiques et granonématoblastiques, extrêmement répandues dans les séries métamorphiques issues de la recristallisation des pélites et des grauwackes. Le terme porphyroblastique désigne toute texture caractérisée par le développement de grands cristaux (porphyroblastes) généralement post-cinématiques. Le terme porphyroclastique est utilisé pour décrire la présence de cristaux antécinématiques déformés de grande taille (porphyroclastes). La texture symplectitique (ou symplectique) est caractérisée par l’arrangement des cristaux néoformés sous la forme de vermicules très fins imbriqués les uns dans les autres (symplectites). Elle résulte de la transformation d’un minéral ou de minéraux qui ne sont plus en équilibre et que l’on retrouve parfois, à l’état de relique, au sein de la texture. En ce sens, elle a la même signification que la texture coronitique dans laquelle les minéraux néoformés sont disposés en couronne autour et entre les minéraux précoces réactionnels. L’évolution symplectique et la coronitisation caractérisent les évolutions d’assemblages minéralogiques qui n’ont atteint, en principe, ni l’équilibre thermodynamique, ni l’équilibre textural. Par la présence à la fois des minéraux 41
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
5
6
Qtz Ol Opx+Pl Hbl Grt
7
Grt
8
Figure 3.7 – Principales textures des roches métamorphiques. 1. Texture granoblastique : cornéenne, granofels ou marbre (voir aussi figure 2, planche 1). 2. Texture granoblastique orientée et blastomylonitique (gneiss). 3. Texture granolépidoblastique (gneiss, micaschiste). 4. Texture granonématoblastique (amphibolite). 5. Texture porphyroblastique. 6. Texture porphyroclastique. Échelles 1 à 6 : 1 mm à 1 cm. (Kornprobst, 2001). 7. Texture symplectitique : intercroissances d’orthopyroxène, spinelle et clinopyroxène autour d’un grenat au contact de l’olivine (partiellement serpentinisée) dans une lherzolite ; la symplectite se forme au cours de la réaction Ol + Grt = Opx + Cpx + Spl (figure 16.1 ; voir aussi figure 13.5). 8. Texture coronitique : cristallisation d’orthopyroxène et de plagioclase aux dépens de l’association grenat + quartz au cours d’une baisse de pression (réaction Grt + Qtz = Opx + Pl) (voir aussi les planches photos). Échelle 7 et 8, grand côté des photos : 3 mm.
42
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3.7 • Nomenclature des roches métamorphiques
néoformés et des minéraux réactifs, elles permettent de reconnaître sans mal les réactions impliquées.
3.7 NOMENCLATURE
DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
Contrairement aux roches éruptives qui sont classées sur la base de leur composition minéralogique et chimique, les roches métamorphiques ne font pas encore l’objet d’une nomenclature claire, universellement acceptée. Les propositions d’une commission internationale sont publiées, après de longues années de travaux (D. Fettes et J. Desmons, 2007). À l’usage, le nom que le géologue donne à une roche métamorphique doit refléter les caractéristiques qui peuvent être reconnues dans cette roche. Ce nom peut être basé sur la nature du protolithe, sur la texture ou la minéralogie. Une telle nomenclature à plusieurs entrées engendre une réelle confusion. Ainsi, la classification d’une roche peut évoluer au fur et à mesure de l’acquisition d’informations supplémentaires : observation macroscopique sur le terrain, puis au microscope au laboratoire, de l’analyse chimique, etc. Plusieurs noms peuvent être reconnus à une roche : ils seront employés selon les caractéristiques de la roche qu’il apparaît souhaitable de faire ressortir. Si l’information importante est la nature du protolithe (s’il est encore identifiable), on parle de métagabbro. Si l’information importante concerne les conditions métamorphiques, on parle d’amphibolite. Il est possible de combiner plusieurs noms ou adjectifs et de parler de métagabbro amphibolitique.
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a) Nature du protolithe Si la roche initiale (protolithe) est encore clairement reconnaissable, il est commode de lui associer le préfixe méta. Métabasalte, métabasite, métagranite, métapélite ou métachert sont quelques exemples d’appellations largement employées. Dans le cas où le protolithe n’est pas très bien identifié, mais, par contre, si son origine – ignée ou sédimentaire – est bien reconnue, les préfixes ortho- ou para- sont alors utilisés. Ainsi un orthogneiss est un granitoïde déformé et métamorphisé tandis qu’un paragneiss est une métapélite ou une métagrauwacke. D’autre part, on regroupe les protolithes en fonction de leurs compositions chimiques en quatre séquences métamorphiques sur lesquelles nous reviendrons au chapitre 5.
b) Textures des roches Les roches non schisteuses sont généralement caractérisées par des textures granoblastiques isotropes. Ce sont des granofels, roche massive à grain fin, inframillimétrique. Cornéennes (hornfels en anglais) sont des termes spécifiques pour désigner des granofels formés par métamorphisme de contact. Les « schistes » tachetés sont généralement associés au métamorphisme de contact (cf. chapitre 11) ; ils sont caractérisés par des porphyroblastes de cordiérite et/ou d’andalousite dans une matrice très fine, granoblastique peu orientée. 43
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Chapitre 3 • Roches métamorphiques : localisation, textures, structures…
Les roches du métamorphisme régional présentent généralement une structure planaire qui est soit une schistosité, soit une foliation, soit un litage que l’on appelle tectonique ou métamorphique. Les micaschistes sont des schistes micacés (le plus souvent biotite et/ou muscovite) dans lesquels les plans de schistosité affectent une lithologie homogène. Les gneiss présentent une foliation ou un litage tectonique constitué de lits de lithologies contrastés dont l’espacement est de l’ordre de quelques millimètres/centimètres. En fait, l’usage courant en langue française réserve le terme de gneiss aux roches granolépidoblastiques qui montrent l’alternance à l’échelle du millimètre/centimètre de lits quartzofeldspathiques et de lits micacés. Par extension, des micaschistes qui contiennent du plagioclase sont parfois appelés gneiss fins. Cette nomenclature établie sur la base de la texture concerne essentiellement les métapélites, les métagrauwackes et les métagranitoïdes. Cependant, le terme de schiste s’applique également à certaines métabasites : schiste vert (schiste à actinote + chlorite + épidote), schiste bleu à glaucophane, etc.
c) Composition minéralogique des roches La nature des assemblages minéralogiques permet de préciser ad libitum la description des roches métamorphiques : cornéenne à épidote ; micaschiste à staurotide et disthène ; gneiss à sillimanite et grenat ; etc. Les termes basés sur l’abondance d’un minéral se définissent d’eux-mêmes. C’est le cas des amphibolites, glaucophanites, pyroxénites, diopsidites, etc. dans lesquelles un minéral domine : amphibole, glaucophane, pyroxène, diospside, etc. Chacun de ces termes peut-être précisé par la mention d’un autre minéral important de la paragenèse (amphibolite à épidote ; pyroxénite à grenat ; etc.). Les éclogites sont des clinopyroxénites à grenat dépourvues de plagioclase ; le clinopyroxène, appelé omphacite, est sodique et relativement riche en pôle pur jadéite (NaAlSi2O6). Les roches carbonatées (à calcite et/ou dolomite) métamorphiques sont des marbres. Mais ce terme reste imprécis. Lorsque d’autres minéraux calciques sont présents dans la roche, il est souhaitable de parler de roches (ou gneiss) à silicates calciques. Notons que le mot marbre a une acception beaucoup plus générale dans l’industrie de la pierre, où il désigne toute roche susceptible d’acquérir un poli suffisant pour l’utilisation ornementale. La plupart des « marbres » des marbriers sont des granitoïdes, des anorthosites et des serpentines. Parmi les différents termes présentés dans ce paragraphe, certains sont utilisés non seulement pour caractériser pétrographiquement certains types de roches, mais aussi pour définir les conditions du métamorphisme à l’aide des faciès métamorphiques (cf. paragraphe 3.3.1). Cela n’est pas sans ambiguïté et vient du fait que les faciès métamorphiques portent le nom de la roche basique dans ces conditions P-T : schistes verts, amphibolites, éclogites, granulites. Il est donc impératif, lorsque l’on parle des conditions P-T, de préciser systématiquement, aussi rébarbatif que cela puisse paraître, « roche dans les conditions du faciès… » et réserver à la description pétrographique des roches, les mots schistes verts, éclogites, etc.
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RELATIONS CHRONOLOGIQUES ENTRE DÉFORMATION ET RECRISTALLISATION MÉTAMORPHIQUE
4
PLAN
4.1 Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation 4.2 Un exemple de relation cristallisation-déformation : le métamorphisme hercynien au Cap Creus (Espagne) 4.3 Trajets PTt et chronologie
Plusieurs épisodes successifs de déformation peuvent affecter les roches métamorphiques et être enregistrées par celles-ci. Ce sont alors plusieurs schistosités/foliations et linéations qui peuvent être observées et se superposer dans une même roche. Des minéraux métamorphiques cristallisent à différentes étapes de ces déformations. Il est nécessaire de faire la chronologie relative, et si possible, absolue de ces différents événements.
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4.1 STRUCTURE
ET RELATIONS CHRONOLOGIQUES
CRISTALLISATION-DÉFORMATION 4.1.1 La chronologie des phases de déformation Le développement des schistosités/foliations dans les roches métamorphiques permet d’élaborer une chronologie relative des phases de déformation. Il est rare que la surface principale observée dans une roche métamorphique soit la surface de stratification (S0) ; dans la plupart des cas, il s’agit d’une schistosité ou foliation (Sn) dont il est possible de montrer qu’elle résulte de la déformation ayant affecté soit une S0, soit une schistosité antérieure ; la première surface d’origine tectonique est qualifiée de S1. Celle-ci est souvent déformée et plissée par une ou plusieurs déformations ultérieures 45
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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…
T P3 P2
P1
Grt+Bt+V
Chl+Ms+Qtz
P
Figure 4.1 – Superposition de déformations dans une roche métamorphique observée au microscope et relations cristallisation-déformation. La roche est un micaschiste à micas et grenat qui présente deux plans de schistosité. Elle est observée sur une section perpendiculaire à ces deux plans (cette section est identique à celle du bloc diagramme de la figure 3.6 sur laquelle le pli est visible). La schistosité S1, marquée par ces micas (m1), est générée au cours de la phase de déformation P1. Elle est microplissée par une deuxième phase de déformation P2 à l’origine de la schistosité S2 (marquée par les mêmes micas m2) de plan axial des microplis. Cette surface est elle-même localement plissée par des plis de phase P3 (la ligne en tiret marque la trace du plan axial des microplis P3). Le grenat contient des inclusions (de quartz) dont l’alignement matérialise une schistosité interne qui est parallèle à l’orientation générale de la schistosité S1 : on en conclut que le grenat a cristallisé au cours de P1 (d’après Bard, 1990). Sur le diagramme PT, les trois phases (P) de déformation sont replacées sur un probable trajet PTt et par rapport à la réaction d’apparition du grenat ; celle-ci ne se réalise pas à température fixe, mais sur un intervalle de température. La paragenèse à grenat et micas, qui marque le pic thermique de ce trajet, est contemporaine de P1. Voir aussi la figure 1, planche 2.
qui s’accompagnent de surfaces S2, S3, Sn (figure 4.1 ; figure 1, planche 2). Les dernières structures, comme celles liées à la phase tectonique P3 de la figure 4.1 sont généralement localisées et caractérisées par un microplissement appelé crénulation, accompagnées ou non d’une schistosité frustre et localisée. La figure 4.1 représente une lame mince d’une micaschiste dont la paragenèse est à trois micas, grenat et quartz comme on en trouve couramment dans la chaîne hercynienne ; cette roche s’est formée dans les conditions faiblement métamorphiques du faciès Schistes verts. L’échantillon montre la succession de trois épisodes de déformation ductile (P) matérialisés par deux plans de schistosités S1 et S2 et un 46
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4.1 • Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation
microplissement localisé P3. La première surface, la stratification S0 est absente. Elle est « transposée », c’est-à-dire oblitérée par la surface S1 contemporaine de la première phase de déformation. La chronologie relative est simple : la première schistosité (S1) est microplissée et recoupée par la deuxième schistosité (S2) qui est parallèle au plan axial des microplis au cours de la P2. Cette S2 est, elle-même, localement microplissée par la phase P3 qui ne génère pas de plan de schistosité. Localisation de cette dernière déformation et absence de schistosité témoignent que cette déformation est moins intense que les deux précédentes.
4.1.2 Relations chronologiques cristallisation-déformation Sur la figure 4.1, nous avons fait une chronologie relative d’apparition des plans de schistosité qui matérialisent les différents épisodes de déformation dans une roche. De la même manière, il est possible de faire la chronologie d’apparition des minéraux par rapport aux différents épisodes de déformation matérialisés par les plans de schistosité. Plus généralement, on définit trois catégories de phases minérales selon la chronologie de leur cristallisation par rapport au développement de la schistosité principale : les phases minérales antécinématiques (ou antéschisteuses) correspondent à un assemblage minéralogique antérieur au développement de la schistosité prise en référence. Les phases syncinématiques (ou synschisteuses) se sont développées en même temps que la schistosité ; les phases postcinématiques (ou postschisteuses) sont postérieures à cette surface (figure 4.2, planches 1 et 2).
a) Les phases antécinématiques
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Elles sont affectées par les déformations qui accompagnent le développement de la foliation. Elles portent des dislocations plus ou moins marquées (extinctions ondulantes, développement de sous-grains et de bandes de pliage, torsions, plis, etc. ; figure 4.2a). Elles ont généralement subi une recristallisation partielle, plus ou moins accentuée suivant l’intensité de la déformation. Elles ont en outre permis la formation de zones abritées qui n’ont pas subi l’aplatissement général de la roche ; ces zones d’ombre de pression sont le siège de recristallisations synschisteuses non orientées. Lorsqu’elles sont de relativement grande dimension, ces phases antéschisteuses déformées sont appelées clastes ou porphyroclastes.
b) Les phases syncinématiques Leur croissance est contrôlée par le développement de la foliation. Ces phases sont donc généralement orientées parallèlement au plan de foliation (particulièrement lorsqu’il s’agit de minéraux tabulaires ou en feuillets comme les micas) et parfois parallèlement à la direction d’allongement, dessinant ainsi une linéation minérale. Les minéraux synschisteux ne sont pas déformés par les plis synschisteux, mais donnent au contraire l’impression de « recouper » les charnières. En effet, le plan de schistosité qui « contient » ces minéraux est parallèle au plan axial des plis et recoupe donc ces charnières. Les grenats ont un mode de croissance syncinématique assez spectaculaire ; ils contiennent parfois des inclusions minérales (souvent du 47
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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…
Figure 4.2 – Les différents types d’associations minéralogiques par rapport au développement de la schistosité/foliation. a) Minéraux antécinématiques ; noter les déformations des cristaux (disthène Ky et feldspath f), le boudinage des amandes de quartz (Qtz) et les zones d’ombre de pression déterminées par les éléments antéschisteux qui s’opposent à l’aplatissement de la roche. Des minéraux syncinématiques cristallisent dans ces zones d’ombre. b) Minéraux syncinématiques ; noter : les plans de clivage des biotites sont parallèles à la schistosité et ne suivent pas les charnières des plis dessinés à gauche de la figure ; le contrôle par la schistosité de l’orientation des cristaux de staurotide (St) et de disthène (Ky), sans développement d’ombres de pression ; l’hélicité du grenat, marquée par la disposition en hélice des inclusions dans le cristal. c) Minéraux postcinématiques ; noter la superposition des nouveaux cristaux sur les structures antérieures : les inclusions minérales dans les porphyroblastes de chloritoïde (Cld) matérialisent une schistosité interne qui fossilise la schistosité précoce de la roche ; noter aussi que la biotite, antérieure au développement de la crénulation, a recristallisé de façon postdynamique dans la charnière située à droite du dessin (les plans de clivage des cristaux ne sont pas parallèles au plan axial du micropli) : c’est un phénomène connu sous le nom de restauration polygonale. Échelle : 0,5 mm à 1 cm. Pour plus de détails, consulter Bard (1980). (Kornprobst, 2001).
48
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4.1 • Structure et relations chronologiques cristallisation-déformation
quartz) qui dessinent des structures hélicitiques (figure 4.2b) qui résultent, en général, d’une rotation des cristaux au cours de leur développement.
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c) Les phases postcinématiques Elles se développent indépendamment des contraintes liées à la formation de la foliation. Elles ont souvent une croissance porphyroblastique typique des phases de recristallisation statique, qui conduit à la formation de cristaux de grande dimension par rapport aux autres éléments de la roche (porphyroblastes ; figure 6, planche 1). Leurs formes se surimposent aux structures antérieures (schistosités, plis, crénulations) dont il est possible d’observer les traces à l’intérieur de ces cristaux (figure 4.2c). Lorsqu’ils sont biréfringents ces minéraux sont caractérisés par une extinction franche qui s’oppose à l’extinction ondulante des porphyroclastes. La relation chronologique entre la recristallisation métamorphique et la ou les phases de déformation permet de situer dans quels intervalles de température et de pression s’effectuent ces épisodes de déformation, ce que le tectonicien ne peut pas faire avec la seule étude de la déformation. Revenons à la figure 4.1. Les micas, qui sont chlorite, muscovite et biotite, se disposent dans les plans de schistosité ; on dit que les plans S1 et S2 sont marqués par (ou portent) ces trois minéraux. Cette localisation des micas dans les plans de schistosité montre que ceux-ci cristallisent préférentiellement pendant la déformation qui augmente la cinétique de réaction : ils sont syncinématiques. Ceci indique que ces deux déformations se sont réalisées dans les conditions de stabilité de ces trois micas. Du grenat (Grt) est enveloppé par la schistosité 2, tandis qu’il fossilise des inclusions orientées selon la direction moyenne de S1 (si l’on fait abstraction des microplis qui n’affectent pas le grenat). Ce grenat a donc cristallisé pendant la S1 (ou légèrement après). Ce minéral se forme à plus hautes températures que les micas, au cours de la réaction Chl + Ms + Qtz = Grt + Bt + V H2 O représentée sur le diagramme PT de la figure 4.1. Comme beaucoup de réactions (voir paragraphe 8.1), celle-ci ne se réalise pas à une température fixe (à une pression donnée), mais sur un intervalle de température. La paragenèse contemporaine de S1 est chlorite + muscovite + biotite + grenat + quartz et matérialise le pic du métamorphisme dans les conditions du faciès Schistes verts. Le trajet PTt en boucle retrace l’évolution probable de cette roche dans un contexte tectonique de convergence. Les conditions P-T des différentes phases de déformation peuvent être positionnées sur cette boucle, conformément à la chronologie relative définie sur la figure 4.1. La position de P1 se situe aux températures de réalisation de la réaction responsable de la formation du grenat. La phase de déformation 2, sans grenat correspond à des conditions de plus basses températures que précédemment et est représentée sur le diagramme PT à gauche de la réaction. Il en est de même pour P3. Ainsi, cette métapélite « fossilise » les conditions du pic thermique, mais également des indices du trajet PTt rétrograde (en température et pression). Par contre, elle ne préserve aucune information de son histoire précoce, c’est-à-dire, le trajet prograde jusqu’au pic en T ! Que ce soit du point de vue structural ou métamorphique, cette roche ne préserve que la fin de son histoire orogénique, une constatation bien décevante ! 49
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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…
4.1.3 La dimension des structures Les structures décrites dans les précédents paragraphes sont d’échelle millimétrique et sont généralement observées au microscope. Les interprétations structurales qui sont déduites de ces observations microscopiques peuvent être extrapolées à plus grande échelle : c’est tout l’intérêt de la microtectonique. Il y a, en effet, une homothétie des structures à toutes les échelles. La figure 4.3 en montre un exemple spectaculaire : au centre de la figure 4.3a, l’objet rond est un massif d’anorthosite (gabbro constitué de 90 % de plagioclase) de près de 10 km de diamètre. Il se comporte comme un porphyroclaste qui est entouré par la foliation régionale. Au NE du massif, un « micropli » précoce, d’échelle kilométrique, plissant une S1, est enveloppé par la foliation nord est-sud ouest (S2). Le massif d’anorthosite est localement déformé sur 1 2 3
a
1 cm Figure 4.3 – Deux échelles d’observation : carte de la trace de la foliation autour du massif d’anorthosite de Saririaky (Sud de Madagascar) et porphyroclaste de feldspath. a) La foliation entoure le massif et montre que la mise en place de celui-ci est antécinématique. Comparer avec les figures 4.2a et 2, planche 2. 1 : massif d’anorthosite : la trace de la schistosité (segment blanc) montre que celui-ci est localement déformé ; 2 : direction et pendage de la foliation ; 3 : direction de la linéation minérale subhorizontale. Carte réalisée à partir d’une image SPOT (Martelat et al., 1997). b) La photo de cet affleurement est prise sur la bordure NO déformée du massif. Autour du cristal rond centimétrique de feldspath, la schistosité montre la même disposition que sur la carte a.
50
b
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4.2 • Un exemple de relation cristallisation-déformation
ces bordures NO et SE. La photo 4.3b est prise dans la partie NO : la géométrie de la schistosité autour d’un cristal rond de feldspath est très similaire à celle observée sur la carte a, en particulier au sud du massif.
4.2 UN
EXEMPLE DE RELATION CRISTALLISATIONDÉFORMATION : LE MÉTAMORPHISME HERCYNIEN AU CAP CREUS (ESPAGNE)
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Le Cap Creus, en Espagne, est situé à l’extrémité orientale des Pyrénées, à proximité de la ville de Cadaquès. Géologiquement, il appartient à la zone axiale hercynienne de la chaîne pyrénéenne. Il est presque exclusivement constitué de métapélites et pegmatites. Les métapélites sont métamorphisées dans les conditions d’un gradient de HT-BP avec la succession des minéraux index typiques : muscovite, biotite, andalousite, cordiérite, sillimanite. Localement, les conditions de l’anatexie produisent des migmatites à grenat (en noir sur la figure 4.4). Mais à l’exception de ces zones anatectiques, la muscovite est stable dans ces roches. Celles-ci montrent trois surfaces tectoniques : 2 schistosités S et une surface de cisaillement C d’orientation NNO-SSE. Remarquons, sur la carte, que l’isograde de la sillimanite (ligne noire) est décalé par
Figure 4.4 – Schéma structural du Cap Creus à l’extrémité orientale de la zone axiale hercynienne des Pyrénées. Lignes en tirets : trace des schistosités principales S1 et S2 ; lignes fines : trace des cisaillements ductiles tardifs. Ligne épaisse : limite d’apparition de la sillimanite séparant la zone à andalousite au sud-ouest de la zone à sillimanite (en pointillé). Le domaine de l’anatexie est figuré en noir. Notons que l’isograde de la sillimanite est décalé avec un déplacement dextre par les cisaillements tardifs de direction NNO-SSE (D’après Druguet et Hutton, 1998).
51
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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…
3m
3
S2
1 4 S1
2
And et Crd
C
Ms Sil
T
Crd Chl + Ms And Sil Sil Ms
400
600
500
700
C
t
2 P (kbar)
C
S1 S2
and ky
V Kfs sial qtz ms
4
and sil
bt V crd and chl ms
1 2 3 4
S2
V crd bt s chl m
S1
T ˚C
A
Figure 4.5 – Schéma synthétique des relations cristallisation-déformation d’un affleurement de micaschistes du Cap Creus (Pyrénées espagnoles), diagrammes T-t et P-T. Deux schistosités successives (S1 et S2) sont recoupées par un cisaillement ductile tardif (C). Des nodules d’andalousite et cordiérite sont syncinématiques de S1 : ils contiennent une schistosité interne parallèle à celle-ci. La sillimanite se forme au détriment de l’andalousite et de la cordiérite ; elle est orientée dans S2 et est syncinématique de celle-ci ; elle indique les conditions du pic thermique du métamorphisme. La muscovite se développe à partir de la sillimanite et est postcinématique de S2, mais antécinématique des cisaillements C. Le diagramme T-t montre la minéralogie préservée par les différents sites de l’affleurement (1 à 4) en fonction du temps : il y a un lien entre préservation des minéraux et site structural. Les phases de déformation sont représentées en surcharge noire sur le trajet P-T-t (flèche grise) de l’affleurement
52
➤
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4.2 • Un exemple de relation cristallisation-déformation
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ces cisaillements dextres. Cet isograde, indiquant les conditions optimales du métamorphisme, est antérieur aux cisaillements. Le métamorphisme est prograde au cours des deux premières phases de déformation, tandis que les cisaillements accompagnent la rétromorphose. À l’échelle de l’affleurement (figure 4.5), des tâches de cordiérite et andalousite (figure 2, planche 3) contiennent une schistosité interne parallèle à la S1. Ceci suggère que ces minéraux sont contemporains de cette schistosité. Par contre, ces minéraux sont enveloppés par la surface S2 qui porte de la fibrolite, sillimanite fibreuse. On observe la transition polymorphique andalousite-sillimanite dans le plan de schistosité S2 (figure 3, planche 3), témoignant ainsi de l’influence de la déformation sur la recristallisation métamorphique. Le pic du métamorphisme coïncide avec la deuxième phase de déformation (diagramme PT de la figure 4.5). Durant l’épisode rétrograde, la cordiérite est partiellement transformée en fins agrégats de chlorite et muscovite au cours de la réaction Crd + Bt + V = Chl + Ms. La muscovite se développe de manière statique sur la schistosité S2 au détriment de la fibrolite. Ceci est bien démontré par la taille de ces nouveaux cristaux (plus gros que ceux développés au cours de la déformation et contenus dans les plans de schistosité S1 et S2) et l’orientation quelconque des plans de clivages qui sont parfois perpendiculaires à la schistosité. Cependant, cette muscovite est déformée dans les cisaillements ; elle est post-cinématique de S1-2, mais anté-cinématique de la déformation qui a produit les cisaillements C. La figure 4.5 résume les relations entre la cristallisation des différents minéraux et les différentes phases de déformation. Ces relations chronologiques sont exprimées schématiquement sur le diagramme température-temps (T-t). Le schéma de l’affleurement montre la relation entre les sites de la déformation (qui est hétérogène) et les minéraux des roches. Ainsi, la déformation favorise la recristallisation de nouvelles phases et la disparition de phases précoces. Ce sont dans les zones les moins déformées (1 et 2) tardivement que la paragenèse la plus précoce est la mieux préservée : la transformation polymorphique And = Sill se réalise dans le plan de schistosité ; dans les cisaillements tardifs (3 et 4), les minéraux plus ou moins précoces (andalousite, sillimanite et muscovite) disparaissent. C’est en observant les paragenèses dans les différents sites de la déformation hétérogène que l’on peut tracer le trajet PTt.
➤ sur le diagramme P-T. Une deuxième portion de trajet à plus hautes températures
est amorcée ; celui-ci correspond aux conditions d’un secteur du Cap Creus où la sillimanite est déjà stable dans la S1. Ces deux trajets se situent en deçà de la réaction isograde Ms + Qtz ; les réactions contenant la cordiérite et l’andalousite sont peutêtre intervenues au cours de l’évolution prograde. Durant l’évolution rétrograde, elles sont responsables de la déstabilisation de la cordiérite en muscovite + chlorite. La flèche vide matérialise le gradient métamorphique régional de basses pressionshautes températures. sial : silicates d’alumine ; sil : sillimanite ; and : andalousite ; ms : muscovite ; bt : biotite ; crd : cordiérite ; qtz : quartz ; kfs : feldspath potassique ; V : vapeur d’eau.
53
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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…
Cet exemple démontre le rôle de la déformation sur la cinétique de la réaction. Nous reviendrons sur la déstabilisation du silicate d’alumine en muscovite au paragraphe 6.4.2.
4.3 TRAJETS PTt
ET CHRONOLOGIE
Dans les paragraphes précédents, nous avons montré que le développement de nouvelles schistosités et de nouveaux assemblages minéralogiques au cours de phases successives de déformation permet de tracer un trajet PTt dans lequel la chronologie est relative. Les différentes associations minérales, dont la succession s’observe par rapport au développement d’une ou plusieurs schistosités, ou encore par une zonation chimique plus ou moins continue des cristaux, caractérisent l’évolution des conditions P-T au cours du métamorphisme. La figure 4.6a décrit l’évolution polyphasée d’un micaschiste éclogitique de la zone de Sésia-Lanzo dans les Alpes italiennes. Dans ce cas, la succession des recristallisations correspond, a priori, au déroulement d’un seul cycle tectonométamorphique. Cette évolution correspond, selon Pognante, 1991, à l’exhumation rapide d’une roche des unités de la croûte océanique alpine préalablement subduite. Cependant, une connaissance du paramètre temps absolu, grâce à la géochronologie, permettrait de confirmer cette proposition. La datation absolue peut mettre en évidence la superposition de deux événements distincts dans le temps, appartenant à des cycles orogéniques distincts. Cela peutêtre l’âge de mise en place du protolithe et celui du métamorphisme d’une éclogite ou d’un orthogneiss ou encore les âges d’événements métamorphiques successifs polycycliques. L’unité de Sésia-Lanzo, dans les Alpes Italiennes, montre un bel exemple de polymétamorphisme illustré par la figure 4.6 b. Des assemblages granulitiques de haute température formés dans la croûte inférieure à la fin du cycle orogénique hercynien (280 Ma) sont partiellement préservés et partiellement remplacés par des assemblages de HP-BT d’âge alpin (65 Ma). Comment relier, sur un même trajet PTt, ces deux événements d’âge très différents ? Deux chemins distincts sont proposés sur la figure 4.6 b : l’un relie directement les deux événements (1) et (2) tandis que l’autre dessine une boucle qui passe par les conditions de (ou proches de) la surface. Rappelons qu’une conséquence du premier principe de thermodynamique est que, lorsqu’un système passe d’un état 1 à un état 2 par une série de transformations quelconques, la somme algébrique des énergies échangées ne dépend que de l’état initial et l’état final et est indépendante de la série des transformations. Concrètement, cela signifie que, pour une roche métamorphique, il n’y a pas qu’un seul chemin PTt possible (et en particulier, la ligne droite en pointillé sur la figure 4.6 b) pour joindre deux points dans l’espace P-T. Dans le cas présent, pourquoi relier les 2 points par un tracé courbe qui passe par les conditions de (ou proche de) la surface ? Les granulites de la fin du cycle orogénique hercynien (280 Ma) se sont formées dans des conditions thermiques élevées qui ne correspondent pas aux conditions dans une lithosphère stable : ces conditions n’ont 54
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4.3 • Trajets PTt et chronologie
b
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Figure 4.6 – Polyphasage, polycyclisme et trajet PTt. a) Évolution polyphasée d’un micaschiste éclogitique de la zone de Sésia-Lanzo (Alpes Italiennes). La paragenèse primaire à omphacite et grenat (rectangle 1) correspond au pic du métamorphisme ; elle a recristallisé dans des conditions de pression moins sévères (rectangle 2), avant d’être partiellement transformée en un assemblage de basse pression (rectangle 3). Le trajet PTt (avec t : temps relatif) est tracé en reliant les 3 rectangles. Cette évolution correspond à l’exhumation rapide d’une roche des unités de la croûte océanique alpine préalablement subduite. D’après Pognante, 1991. b) Une granulite hercynienne (280 Ma) de la zone de Sesia-Lanzo présente un assemblage initial (1) à orthopyroxène (quadrillé), plagioclase (mâclé) et grenat (pointillé) ; cet assemblage a recristallisé au cours d’une phase alpine (65 Ma) ; de fins cristaux de disthène et de zoïsite (tirets) se sont développés au sein du plagioclase (1) ; le grenat (1) a recristallisé partiellement en grenat (2) dont la composition est différente (il est plus riche en Ca et Mn) ; une association symplectitique (chevelu) s’est développée entre les cristaux de la paragenèse (1) ; elle comporte jadéite (clinopyroxène sodique), disthène et zoïsite. Échelle : 0,2 mm. Cette évolution correspond à des conditions de cristallisation très contrastées ; elle résulte de l’entraînement dans la subduction alpine d’unités crustales tardi-hercyniennes appartenant à la marge austro-alpine (cf. paragraphe 14.3b). Ces âges contrastés rendent irréaliste un trajet PTt en ligne droite (ligne pointillé) entre les stades 1 et 2 au profit d’un trajet courbe (ligne tiret) qui passe peut-être par les points 0 du diagramme, si les roches ont préalablement été exhumées jusqu’à la surface avant l’événement alpin ; voir texte pour plus d’explications. D’après Lardeaux et Spalla, (1991). Opx : orthopyroxène ; Pl : plagioclase ; Grt : grenat ; Cpx : clinopyroxène ; Ky : disthène ; Zo : zoïsite. (Kornprobst, 2001).
pas pu perdurer pendant 215 Ma jusqu’à l’enfouissement de la formation de SesiaLanzo dans la subduction alpine. Il est donc raisonnable d’envisager qu’entre les deux cycles orogéniques, ces granulites se sont refroidies dans les conditions du géotherme de la lithosphère stable et, peut être, exhumées jusqu’à la surface. Cette dernière hypothèse est confortée par la présence à l’affleurement de ces granulites tardi-hercyniennes dans la formation voisine de la zone d’Ivrée (paragraphe 14.3) : ces dernières ont enregistré la première portion du trajet de la figure 4.6 b depuis le point 1 jusqu’aux 55
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Chapitre 4 • Relations chronologiques : déformation et recristallisation…
conditions de surface. Ainsi, le trajet en boucle de cette figure est une hypothèse raisonnable ; la détermination de points intermédiaires la validerait. Un trajet PTt est tracé en interpolant les différents points dont on a évalué les conditions PTt. Pour que ce trajet soit le plus précis possible, il est nécessaire d’avoir le plus de points intermédiaires possibles et des valeurs de temps absolu.
a
b
T
T Fi Ch1 Fermeture isotopique Fi Ch2
Age tRf
Age
tPic
te2
te1
Figure 4.7 – Principe de la géochronologie a) Diagramme T-temps de deux roches métamorphiques ayant atteint leurs pics en T au même temps (tPic), mais à des températures différentes. Les deux roches sont datées en utilisant un même système isotopique sur un même minéral présent dans les 2 roches. Si le système isotopique considéré est clos lorsque le minéral cristallise (échantillon à basse température), on obtient alors l’âge de cristallisation du minéral et l’âge du pic du métamorphisme. Si le système isotopique considéré est ouvert lorsque le minéral cristallise (échantillon à haute température), et ne se ferme qu’au cours du refroidissement de la roche, l’âge obtenu est alors un âge de refroidissement (tRf). b) L’utilisation de deux systèmes isotopiques aux fermetures différentes (Fi Ch) permet, en théorie, de dater les différentes étapes de refroidissement d’une roche et, ainsi, d’évaluer la vitesse de refroidissement qui n’est pas constante. Malheureusement, la fermeture isotopique d’un système dépend de nombreux facteurs : déformation, circulation de fluides, température.
La radiochronologie est basée sur des réactions nucléaires naturelles qui produisent des isotopes « fils » par désintégration d’isotopes « père » radioactifs au cours du temps. Les isotopes radioactifs, comme les isotopes non radioactifs, sont incorporés dans la structure des minéraux au moment de leur cristallisation. Les isotopes fils radiogéniques produits par la désintégration radioactive s’accumulent au cours du temps dans la structure cristalline du minéral. Lorsqu’il n’y a aucun échange élémentaire avec l’extérieur (système clos : pas de gain ni de perte des isotopes père et fils), l’analyse de la quantité de père et de fils présents dans le minéral permet de calculer le temps t écoulé depuis que le minéral analysé se comporte en système clos. Dans certains cas, le minéral se comporte en système clos, pour un système isotopique donné, dès sa cristallisation. Dans ce cas, le temps t mesuré par le radiochronomètre correspond bien alors à l’âge de cristallisation du minéral (figure 4.7a). Cependant, la déformation, la circulation de fluides, les processus de dissolution-recristallisation 56
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4.3 • Trajets PTt et chronologie
600
a
Lu-Hf Grenat Rb/Sr Mica blanc
T˚C
Ar/Ar Mica blanc Rb/Sr Biotite
400
TF Zircon
200
TF Apatite 10 © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
profondeur (km)
ou une température élevée peuvent favoriser les échanges chimiques avec l’extérieur après la cristallisation (Villa, 1998). Dans ces conditions, les éléments chimiques peuvent être mobiles à l’état solide à l’échelle du minéral ou de la roche et le système est alors maintenu ouvert. L’âge calculé dans ce cas correspond au temps t écoulé depuis la fin de l’événement perturbateur, c’est-à-dire depuis le moment où il n’y a plus d’échange isotopique avec l’extérieur, moment de la fermeture isotopique du système. Ce n’est donc pas l’âge de cristallisation du minéral, mais le temps passé depuis que celui-ci n’échange plus avec l’extérieur (figure 4.7a). Si la déformation et la circulation de fluides n’interviennent pas, le paramètre contrôlant la fermeture isotopique est la température. L’application du géochronomètre permet donc d’obtenir dans ce cas un âge de refroidissement en deçà de la température de fermeture du système isotopique. On comprend l’intérêt d’une analyse ponctuelle du minéral chronomètre en position pétrographique afin de définir précisément l’événement géologique qui contrôle la fermeture isotopique. La fermeture du système isotopique dépend du système isotopique choisi et du minéral considéré (figure 4.7b). En utilisant plusieurs géochronomètres dans une même roche ou plusieurs roches d’une même formation dont on suppose qu’elles ont eu le même trajet PTt, il est ainsi possible, théoriquement, de dater précisément les événements métamorphiques successifs de la roche ou de la formation (figure 4.8a). Si le lien entre T et P est connu, c’est également la vitesse d’exhumation que l’on peut mesurer (figure 4.8b). On remarque que l’on ne date que le trajet rétrograde.
60
b
40 20
Age (Ma) 30
50
70
Age (Ma) 10
30
50
70
Figure 4.8 – Age de refroidissement et d’exhumation dans la zone de Sésia-Lanzo (Alpes Italiennes). a) Le trajet de refroidissement est obtenu en utilisant plusieurs géochronomètres aux fermetures isotopiques différentes. On fait l’hypothèse que seule la T contrôle la fermeture isotopique. b) Le trajet profondeur-temps est déduit du précédent si l’on connaît la relation entre la T et la pression, c’est-à-dire les paramètres P-T du trajet PTt. Lu : lutétium, Hf : hafnium, Rb : rubidium, Sr : strontium, Ar : argon, TF : traces de fission. (S. Duchêne, http://www.geologie.uhp-nancy.fr/Duchene/FicheThermochronologie.htm).
57
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PLAN
5
LE
RÔLE DE LA COMPOSITION CHIMIQUE SUR LA MINÉRALOGIE DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
5.1 Les différentes séquences métamorphiques 5.2 La règle des phases 5.3 La représentation graphique des paragenèses
La minéralogie d’une roche métamorphique est fonction de la pression, température et de sa composition chimique, c’est-à-dire de la nature du protolithe (la roche originelle). Des roches très différentes, telles qu’un basalte, une pélite, un calcaire donnent des roches métamorphiques aux minéralogies très contrastées : dans le faciès Amphibolite, le basalte est transformé en amphibolite qui contient essentiellement de la hornblende verte et du plagioclase ; la pélite est transformée en un micaschiste à biotite, muscovite, quartz, souvent du grenat et un silicate d’alumine ; le calcaire est transformé en marbre. Pour tenir compte de la nature du protolithe, les roches métamorphiques sont cataloguées, en fonction de leurs compositions, en quatre séquences : la séquence pélitique, la séquence quartzo-feldspathique, la séquence basique (et ultrabasique) et la séquence carbonatée.
5.1 LES
DIFFÉRENTES SÉQUENCES MÉTAMORPHIQUES
Une telle classification est extrêmement grossière et d’usage limité. Elle permet cependant de comprendre l’influence de la composition chimique des roches sur la composition minéralogique de celles-ci au cours du métamorphisme. Chacune de ces séquences est caractérisée par une gamme de minéraux possibles, compatibles à la fois avec la composition de la roche et avec les variations des paramètres intensifs du métamorphisme. 58
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5.1 • Les différentes séquences métamorphiques
La séquence pélitique regroupe des sédiments (les plus abondants) alumineux, dans lesquels les argiles sont un constituant majeur. On peut y rajouter les greywackes (à composante volcano-sédimentaire). Au cours du métamorphisme, des minéraux alumineux divers cristallisent dans de telles roches. À côté du quartz et du feldspath, on peut trouver du grenat, du staurotide, de la cordiérite, un des trois silicates d’alumine, du chloritoïde, des micas variés, etc. Cette liste n’est pas exhaustive. Tous ces minéraux n’apparaissent pas dans une même roche, ni dans les mêmes conditions P-T. Au contraire, ces nombreux minéraux se remplacent mutuellement en fonction des changements de conditions PT et de composition chimique de la roche. En conséquence, ces roches sont considérées comme de bons marqueurs pétrographiques de l’évolution métamorphique. Les roches de la séquence quartzo-felsdpathique sont des roches leucocrates (claires) dans lesquelles quartz et feldspaths dominent. Il s’agit de roches sédimentaires détritiques (grés, arkose, etc.) et de roches magmatiques acides (granitoïdes et équivalents volcaniques). Elles renferment, de façon dominante, quartz et feldspaths dont les domaines de stabilité sont très vastes. Le quartz est stable jusqu’aux hautes températures (où il est remplacé par la cristobalite) et pressions (où il est remplacé par la coésite). On peut noter la transition Qa-Qb aux environs de 600 °C, mais ces deux minéraux ne se distinguent pas à l’étude pétrographique et nécessite une analyse aux RX. Le plagioclase est remplacé à hautes pressions et basses températures par la lawsonite et la jadéite, mais est stable dans les conditions de moyennes et basses pressions, hautes températures. En conséquence, une roche quartzo feldspathique est un médiocre marqueur métamorphique. Les minéraux signalés précédemment dans les roches de la séquence pélitique peuvent exister en faible proportion, lorsque la composition est suffisamment alumineuse. La séquence basique (et ultrabasique) regroupe les roches magmatiques basiques : basaltes, gabbros et roches peu différenciées (et roches ultrabasiques). Les minéraux essentiels sont les amphiboles : actinote-trémolite, hornblende verte à brune, glaucophane et le plagioclase. Il peut s’y ajouter, en fonction de la composition de la roche et/ou des conditions PT, des pyroxènes (Opx et Cpx), du grenat, de l’épidote, quartz et plus rarement, des micas et des silicates alumineux tels que disthène, staurotide. La diversité des minéraux est inférieure à celle observée dans les roches pélitiques. Ceci suggère que les modifications minéralogiques sont moindres dans les métabasites que dans les métapélites lorsque les conditions PT changent. Nous avons vu précédemment (paragraphe 3.3.1) que c’est pour cette raison que les paragenèses des métabasites ont été utilisées pour définir les limites des faciès métamorphiques. La séquence carbonatée regroupe les roches sédimentaires carbonatées pures (calcaire, dolomie) et impures (marnes), c’est-à-dire avec une composante détritique, argileuse ou plus grossière. La minéralogie est variée, avec calcite, dolomie, amphibole, clinopyroxène, grenat (riche en composant grossulaire), mica blanc, vésuvianite, épidote, plagioclase (riche en pôle anorthite), forstérite et humite, etc. Cette liste (qui n’est pas exhaustive) montre que les modifications minéralogiques sont importantes au cours du métamorphisme des roches carbonatées. Mais dans ce cas, les paramètres physiques sont la pression lithostatique (PL) et la température, mais également la 59
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
pression partielle des fluides (PF), en particulier H2O et CO2 qui sont libérés par les roches carbonatées lors des réactions de déshydratation et décarbonatation. Ainsi, la minéralogie des roches métamorphiques est clairement contrôlée par de faibles variations de la composition chimique du protolithe. Il est nécessaire de distinguer ces modifications minéralogiques de celles liées à la variation des paramètres intensifs du métamorphisme (P, T, fluides). La règle des phases nous indique qu’il existe une relation entre le nombre de minéraux d’une roche et le nombre de constituants chimiques de cette roche.
5.2 LA
RÈGLE DES PHASES
Dans chaque séquence, dans chaque gamme de composition chimique, la paragenèse d’une roche est fonction de P et T, mais aussi des variations de la composition chimique. Au cours d’une évolution métamorphique, des minéraux nouveaux se forment tandis que d’autres disparaissent. Cependant, le nombre de minéraux n’augmente pas, mais reste, au contraire, constant. Il existe une relation mathématique très simple qui lie le nombre de minéraux et le nombre de constituants chimiques de la roche. C’est la règle des phases qui s’écrit : M = C + 2 – F. « M » est le nombre de phases physiquement distinctes : dans le cas des roches, il s’agit des minéraux et, éventuellement, la phase vapeur V. « C » est le nombre de constituants chimiques indépendants. « F » est le degré de liberté ou la variance de l’assemblage des « M » minéraux. Le nombre de constituants indépendants est le plus petit nombre de composés chimiques (éléments, oxydes, molécules) dont la combinaison permet d’obtenir les compositions de toutes les phases (minéraux) d’un système donné. Considérons le système minéralogique constitué des trois silicates d’alumine : disthène, sillimanite, andalousite. Ces trois minéraux sont des polymorphes qui ont la même composition chimique : Al2SiO5. Un seul constituant indépendant rend compte de ce système. Par contre, si l’on veut prendre en considération le quartz et le corindon, deux constituants chimiques sont nécessaires : SiO2 et Al2O3. Si l’on s’intéresse aux métaux silicium et aluminium et au gaz oxygène, il faut prendre en compte trois constituants chimiques indépendants qui sont Si, Al et O. Dans la règle des phases, le chiffre 2 indique le nombre de paramètres intensifs du métamorphisme : T et P. Si l’on raisonne dans un système isobare ou isotherme, alors ce chiffre est 1. « F » est le degré de liberté ou la variance de l’assemblage des « M » minéraux. Nous considérerons uniquement des valeurs de F comprises entre 0 et 2. Mais des valeurs supérieures et négatives sont possibles. Revenons à l’exemple des trois silicates d’alumine (figure 5.1). Nous avons là un système avec C = 1 (Al2SiO5). Si F = 2, la règle des phases indique que M = 1. La paragenèse correspondante est constituée d’un seul des trois minéraux : Ky ou Sil ou And. Cet « assemblage » a deux degrés de liberté dans l’espace P-T. Cela signifie que chacune des paragenèses Ky ou Sil ou And reste stable lorsque P et/ou T varient 60
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5.3 • La représentation graphique des paragenèses
.
T
And F=2 Ky +
An
d,
F=
1
Ky+And+Sil F=0
Sil F=2
F= 1
P
A
l+
Si
F=
il, +S Ky
Ky F=2
1
, nd
C = 1 (Al2SiO5)
Figure 5.1 – Règle des phases et degré de liberté pour le système à un constituant chimique (Al2SiO5) et les trois silicates d’alumine : disthène (Ky), sillimanite (Sil) et andalousite (And).
dans un intervalle DP-DT (champs gris sur la figure 5.1). On dit que cette paragenèse est divariante. Pour F = 1, les assemblages minéralogiques contiennent deux des trois minéraux : Ky-And ou Ky-Sil ou Sil-And. Mais chacune de ces trois assemblages minéralogiques n’a qu’un degré de liberté dans l’espace P-T, c’est-à-dire que P ne peut varier qu’en fonction de T (P = f(T)) pour que la paragenèse reste stable. P = f(T) est une courbe dans l’espace P-T. L’assemblage minéralogique est uni (ou mono) variant. Si F= 0, l’assemblage minéralogique contient les trois minéraux (Ky-Sil-And), mais n’a plus aucun degré de liberté : il ne peut exister qu’en un seul point, le point invariant. C’est le point triple des silicates d’alumine.
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5.3 LA REPRÉSENTATION GRAPHIQUE DES PARAGENÈSES Dans la figure 1-1, l’assemblage divariant de deux minéraux A-B est remplacé par un autre assemblage divariant (A-C ou B-C) en passant de P0-T0 à P1-T1 par l’intermédiaire de l’assemblage univariant à trois phases A-B-C. La règle des phases nous indique que ce système contient deux constituants chimiques indépendants (c1 et c2). Ce nombre de constituants chimiques indépendants est donc une contrainte majeure qui contrôle la minéralogie d’une roche métamorphique. Aussi, des représentations graphiques des paragenèses minéralogiques sont élaborées en fonction de ces nombres de constituants.
5.3.1 Système à 2 constituants Nous pouvons prévoir graphiquement les paragenèses des roches susceptibles de contenir les phases A, B et C dans les conditions P0-T0 et P1-T1 de la figure 1.1. Les 61
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
compositions des minéraux et des roches les contenant peuvent être visualisées sur un segment matérialisant les variations respectives de deux constituants c1 et c2 (figure 1.1). Cette représentation binaire respecte la règle des phases. Ces segments, reportés dans les deux champs divariants, permettent de prédire les paragenèses possibles. Dans le champ divariant à basse température, une seule paragenèse est possible quelle que soit la composition de la roche R. Dans le champ divariant à haute température, deux paragenèses sont possibles pour le même intervalle de P/T : A + C et B + C. Les roches R1 et R2 ont une même paragenèse à P0T0 (avec des proportions A/B différentes), mais deux paragenèses différentes à P1T1. Remarquons que le nombre de minéraux de la paragenèse égal à 2 (M = C) est un maximum. En effet, si la composition de la roche R coïncide avec celle d’un des trois minéraux, la paragenèse de cette roche contient ce seul minéral.
5.3.2 Système à 3 constituants Considérons les 3 constituants indépendants : SiO2-Al2O3-MgO. Les variations de composition chimique d’un système à 3 constituants sont représentées dans un triangle (figure 5.2). Le système permet de représenter les minéraux suivants : quartz, sillimanite, saphirine, orthopyroxène, spinelle et les roches qui les contiennent. Nous avons choisi les pôles purs magnésiens des minéraux. Le quartz de composition SiO2 est au sommet SiO2 du triangle ; la sillimanite, de composition Al2SiO5 que l’on peut réécrire Al2O3,SiO2, se situe au milieu du côté SiO2-Al2O3 ; et ainsi de suite pour le spinelle, l’orthopyroxène et la saphirine. La règle des phases indique que si le nombre de constituants chimiques C est égal à 3, la paragenèse, l’assemblage divariant d’une roche contient M = 3 minéraux. Des lignes de liaison relient les minéraux en équilibre et dessinent des triangles partiels sur la figure 5.2. Une roche à l’intérieur d’un triangle partiel contient les trois minéraux situés au sommet de celui-ci. La proportion respective de ces trois minéraux dépend de la position du point représentatif de la composition de la roche dans ce triangle partiel. Dans le triangle de gauche de la figure 5.2, les deux roches (points vides) ont la même paragenèse à Opx + Qtz + Sil, mais la proportion des minéraux est différente. Les lignes de liaison ne peuvent pas se couper. En effet, si deux lignes se coupent, elles indiquent que la roche contient quatre minéraux : conformément à la règle des phases, il s’agit soit d’un assemblage univariant dans le système considéré à C = 3, soit d’un assemblage divariant dans un système à C = 4. Dans ce deuxième cas, il faut trouver le constituant qui a été « oublié » ou « négligé ». Compte tenu de la position des différents minéraux, deux solutions sont possibles, représentées par les deux triangles. Chaque solution correspond à un domaine divariant DP-DT. Ces domaines sont séparés par un assemblage univariant. Cet assemblage univariant est constitué des quatre minéraux (M = C + 1) des 2 lignes de liaison qui se remplacent mutuellement : les lignes Opx-Sil et Qtz-Spr. Ces deux triangles résument les paragenèses possibles des roches en fonction des proportions des trois constituants chimiques pour une gamme de P et T fixées. 62
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5.3 • La représentation graphique des paragenèses
qtz
SiO2
Op x+ Sil Spr +Q tz
T P
sil
opx
spl
sil
opx
spr
spr
MgO
qtz SiO2
Al2O3
Al2O3
MgO spl
Figure 5.2 – Diagramme triangulaire pour le système à 3 constituants indépendants : Al2O3-SiO2-MgO. Les minéraux (points noirs) sont reliés par des lignes de liaison qui définissent des triangles partiels matérialisant des paragenèses à 3 minéraux, en accord avec la règle des phases. Les points repésentatifs des compositions chimiques de deux roches sont portés (points vides). Les deux solutions possibles sont séparées par la ligne univariante Opx + Sil = Spr + Qtz. Qtz (quartz) : SiO2 ; Sil (sillimanite) : Al2SiO5 ; Spr (saphirine) : Mg2Al4SiO10 ; Opx (orthopyroxène) : Mg SiO3 ; Spl (spinelle) : MgAl2O4.
5.3.3 Système à n constituants – le diagramme ACF pour les roches de la séquence basique Les roches magmatiques basiques, issues de la fusion partielle du manteau, sont initialement anhydres, mais elles sont souvent hydratées après ou même, dès leur mise en place, dans le cas de la croûte océanique, c’est-à-dire, avant ou pendant le métamorphisme. Nous allons donc raisonner en deux étapes : avec un système chimique anhydre dans un premier temps et, dans un deuxième temps, avec un système chimique hydraté.
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a) Système chimique anhydre Il est rare que seulement trois constituants chimiques rendent compte de la composition d’une roche. Considérons la composition d’une métabasite ; onze éléments ont des concentrations non négligeables. On peut retenir cinq qui totalisent près de 95 %. Ce sont SiO2, Al2O3, FeO, MgO, CaO (voir R1 et R2, exercice 1.1 de ce chapitre). Pour simplifier, nous négligeons les autres éléments. En effet, soit ces éléments chimiques sont en quantité insuffisante pour contrôler la stabilité d’une phase, soit ils contrôlent la stabilité de minéraux accessoires que nous ne prenons pas en compte. À titre d’exemple, la concentration de titane, élément mineur, contrôle la présence de rutile ou d’ilménite, négligé dans notre approche. Il est cependant difficile de représenter graphiquement les variations de cinq constituants. Il est donc nécessaire de diminuer ce chiffre. La première solution est de considérer FeO et MgO comme un seul constituant (Fe + Mg)O. En effet, l’ajout du constituant FeO (ou MgO) à un système purement magnésien (ou ferrifère) 63
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
Qtz
SiO2
Qtz
Opx + Pl Cpx + Gr t + Qt
z
SiO2
Sil Pl Cpx
CaO
. . ..... .......... .... .. ..
Grt Crn
Opx
Al2O3 Spl
(Fe-Mg)O
CaO
Sil Pl
Cpx
. . ..... .......... .... .. ..
Grt
Opx
Crn
Al2O3 . .. . . . . .......... ... .................................. ....................... ................. . ........... . ....... .. . ........................ ........ . .... ...... .... ..... ............ .... ...
Spl
(Fe-Mg)O
Figure 5.3 – Le tétraèdre A(Al2O3)-C(CaO)-F(FeO+MgO)-S(SiO2) est représentatif de la composition des roches magmatiques basiques. Quelques minéraux de ces roches sont portés sur la figure : Qtz = quartz, Opx = orthopyroxène, Cpx = clinopyroxène, Pl = plagioclase, Grt = grenat, Spl = spinelle, Sil = sillimanite, Crn = corindon. Les lignes de liaisons entre ces différents minéraux (sauf Sil et Crn) permettent de définir des paragenèses à 4 minéraux. Sur la figure de gauche : Qtz-Opx-Grt-Pl ; Qtz-Cpx-Opx-Pl ; Opx-Cpx-Pl-Grt ; Spl-Opx-Grt-Cpx ; Spl-Cpx-Grt-Pl (les lignes de liaisons faisant intervenir le Spinelle ne sont pas représentées pour plus de clarté). Sur la figure de droite : Qtz-Opx-Grt-Cpx ; Qtz-CpxGrt-Pl ; Spl-Opx-Grt-Cpx ; Spl-Cpx-Grt-Pl. Les 2 figures correspondent à des conditions métamorphiques différentes. Celles-ci ne sont pas très faciles à lire. Aussi, préfère-t-on utiliser une projection de ce tétraèdre, à partir de son sommet SiO2 (où se trouve le Qtz), sur sa base : le triangle ACF (figure 5.4). La visualisation en 3D, grâce à l’outil informatique, améliore la compréhension d’une telle figure (voir http://christian .nicollet.free.fr/page/Figures/3D/ACFS3D.html).
n’augmente pas nécessairement le nombre de minéraux (comme l’indique la règle des phases) : si l’on ajoute du fer à une forstérite (olivine magnésienne) dans un système purement magnésien, on ne fabrique pas deux minéraux, mais une olivine « solution solide ferromagnésienne » dans un système ferromagnésien. Ces éléments (Fe et Mg) sont appelés des constituants isomorphes. Il reste quatre constituants dont on peut représenter les variations dans un tétraèdre. Quelques minéraux sont représentés sur la figure 5.3. Conformément à la règle des phases, les lignes de liaisons entre ces différents minéraux permettent de définir des paragenèses à quatre phases. Cependant, une telle figure reste encore difficile à visualiser sur l’espace à deux dimensions d’une feuille de papier. La solution est de projeter le volume de ce tétraèdre sur un triangle. Mais la règle des phases nous indique que quatre minéraux constituent la paragenèse (assemblage divariant avec M = C) des roches à représenter dans ces figures, ce qui est impossible sans faire croiser des lignes de liaison. La solution consiste à choisir un des minéraux de la paragenèse 64
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5.3 • La représentation graphique des paragenèses
A + Qtz Pl Grt
C
Cpx
F Opx
Opx + Pl Cpx + Gr t + Q tz
comme pôle de projection. Dans le cas du triangle ACF utilisé pour représenter les roches basiques, le quartz est le pôle de projection (figure 5.4). C’est pourquoi, ce minéral doit faire partie de la paragenèse des roches représentées dans ce diagramme. Il faut rappeler cette condition en écrivant toujours Qtz à côté du diagramme ; SiO 2 est un constituant en excès.
C
A + Qtz Pl Grt
Cpx
F Opx
Figure 5.4 – Le diagramme triangulaire A-C-F (Al2O3-CaO-FeO + MgO) est une projection du tétraèdre S(SiO2)ACF de la figure 5.3 depuis le sommet S où se trouve le quartz (Qtz). Sur cette représentation, seules les paragenèses contenant le quartz sont représentées : Opx-Cpx-Pl-Qtz/Opx-Grt-Pl-Qtz/Cpx-Grt-Pl-Qtz/Opx-Cpx-Grt-Pl. La paragenèse Opx-Cpx-Pl-Grt dessinée sur le tétraèdre est « cachée » : la ligne jointive en pointillé Cpx-Grt est « cachée » par les plans Opx-Cpx-Pl et Opx-Grt-Pl. Les deux triangles correspondent respectivement aux faciès Granulite de basses P et de P Intermédiaires. On passe de l’un à l’autre en remplaçant la ligne de liaison Opx-Pl par la ligne Cpx-Grt en franchissant l’équilibre univariant Opx + Pl = Cpx + Grt + Qtz.
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b) Système chimique hydraté Les métabasites contiennent souvent des minéraux hydratés : amphiboles, micas, épidotes, etc., ce qui suppose une hydratation après leur mise en place, avant ou pendant le métamorphisme. Le système chimique hydraté est : SiO 2-Al2O3-(FeOMgO)-CaO-H2O ; il peut être visualisé par le tétraèdre de la figure 5.5 a. Cette figure montre que trois situations sont à envisager, selon que l’on considère un système anhydre ou hydraté. À la base du tétraèdre, le système est anhydre, avec les quatre premiers constituants. Ainsi que nous l’avons discuté au paragraphe précédent, une paragenèse est représentée dans le triangle ACF par quatre phases : trois dans le triangle auxquelles s’ajoute le quartz (figure 5.5 b et figure 5.4 de gauche). Si le système est hydraté, deux situations sont possibles : H2O est en excès (comme la silice) et une phase vapeur d’eau est présente (V). Le système comprend cinq constituants chimiques et une paragenèse est représentée dans le tétraèdre ACFH par 5 phases : 4 dans le tétraèdre, dont la phase vapeur, auxquelles s’ajoute le quartz. Il s’agit, dans le tétraèdre : Hbl-Cpx-Pl-Qtz-V ; Hbl-Pl-Grt-Qtz-V ; Hbl-Cpx-Opx-Qtz-V ; Hbl-Opx-Grt-Qtz-V. La projection depuis la phase V donne le triangle ACF de la figure 5.5 c. Il existe 65
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
deux autres paragenèses, dans un système hydraté non saturé en H2O, qui ne contiennent pas de phase vapeur : Hbl-Opx-Grt-Qtz-Pl et Hbl-Cpx-Opx-Qtz-Pl délimitées par les lignes de liaisons dans la partie inférieure du tétraèdre. Dans ce cas, le système a cinq constituants chimiques (CFASH) et la paragenèse contient cinq phases minérales, mais pas de phase V : quatre sont présentes dans le tétraèdre et le quartz. H2O V
+ Qtz
Al2O3
a
Pl Grt
Hbl Opx
CaO
b
Cpx (Fe-Mg)O
A
c
A
+ Qtz
+ Qtz +V
Pl
Pl Grt
Grt
Hbl C
Cpx
F Opx
C
Cpx
F Opx
Figure 5.5 – Le tétraèdre A(Al2O3)-C(CaO)-F(FeO+MgO)-H(H2O)-S(SiO2) et la projection sur les triangles ACF représentatifs de la composition des roches magmatiques basiques anhydres et hydratées. S est considéré en excès, ce qui implique la présence de la phase Qtz dans toutes les paragenèses, mais qui permet de ne pas considérer ce constituant dans la représentation graphique. a) Les phases anhydres sur la surface de base du tétraèdre (ACF en gris) sont représentées par des points noirs. Les phases hydratées : Hbl à l’intérieur du tétraèdre et V, sont représentées par des points gris. Pour plus de clarté, seules les surfaces Hbl-Grt-Pl et Hbl-Grt-Opx sont dessinées. (Voir la visualisation en 3D de ce tétraèdre : http://christian.nicollet.free.fr/page/Figures/3D/ACFS3D.html#eau) b) Diagramme ACF pour le système anhydre ACFS (identique à la figure 5.4 de gauche). c) Diagramme ACF pour un système hydraté ACFSH avec H en excès, ce qui implique la présence de la phase V dans les paragenèses. Les phases et lignes de liaison à l’intérieur du tétraèdre ACFH sont projetées sur le triangle de base ACF. Les deux paragenèses hydratées, mais sans phase V, sont « invisibles ».
Ainsi, dans le système hydraté, conformément à la règle des phases, les paragenèses sont à cinq phases. L’une de ces phases a un « statut » un peu particulier : pour le thermodynamicien, la phase V est une « phase physiquement distincte » au même titre 66
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5.3 • La représentation graphique des paragenèses
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qu’une phase solide, minérale. Pour le pétrologue, cette phase V n’est généralement pas visible en lame mince. Ceci peut créer une certaine confusion, puisque, pour un même système chimique CFASH, le système non saturé en eau a 5 phases solides, tandis que le système saturé en H2O n’a que 4 phases solides ! Ainsi, là où dans les deux cas, le thermodynamicien voit cinq « phases », le pétrologue en voit quatre ou cinq selon le cas. Les figures 5.5 b et c montrent que la hornblende se situe dans le triangle OpxCpx-Pl. Ceci indique que l’amphibole se déstabilise à hautes températures, en passant du faciès Amphibolite au faciès Granulite, par la réaction Hbl = Opx + Cpx + Pl + V. Au-delà de cette réaction « isograde », les paragenèses du faciès Granulite (figure 5.4 et 5.5b) peuvent coexister avec une phase V. Les différentes simplifications que nous avons adoptées pour représenter ces paragenèses sur un diagramme suffisamment lisible sont restrictives ! Ne sont prises en considération que les seules roches sursaturées en silice dont les paragenèses sont à quartz. Ainsi, cette projection planaire du triangle ACF (figure 5.4) n’autorise pas la représentation de l’important volume inférieur du tétraèdre SiO2-Al2O3-« F »-CaO de la figure 5.3, sous les plans Opx-Cpx-Pl et Opx-Grt-Pl, c’est-à-dire celui des roches basiques sous-saturées en silice et roches ultrabasiques et incluant les roches à olivine, spinelle, corindon. Pour de telles roches, il est toujours possible de changer les paramètres de la projection. On choisit, par exemple, comme plan de projection, le plan SCF et comme pôle de projection le corindon ou le spinelle, sous réserve que ces minéraux soient présents dans les roches étudiées. Une autre limitation du triangle ACF est l’impossibilité de représenter les phases sodiques ; c’est un inconvénient majeur pour l’étude des métabasites du métamorphisme de hautes pressions et basses températures, dont les paragenèses incluent des minéraux sodiques critiques tels que l’albite (plagioclase sodique), le glaucophane (amphibole sodique) et la jadéite (pyroxène sodique). L’outil informatique, grâce à la visualisation 3D, permet de gagner une variance supplémentaire en permettant de visualiser un système tétraédrique en 3D. On trouvera des exemples, réalisés à l’aide du programme MetaRep, conçu par L. France (France et Nicollet, 2010), sur la page http://christian.nicollet.free.fr/page/Figures/ 3D/ACFS3D.html. On trouvera en annexe 1, le mode de calcul des diagrammes ACF et A’KF.
5.3.4 Système à n constituants – les diagrammes A’KF et AFM pour les roches de la séquence pélitique Le même raisonnement que précédemment permet de retenir 5 constituants majeurs des métapélites. Il s’agit de SiO2, Al2O3, FeO, MgO, K2O, (H2O) (voir R3 et R4, exercice 1.1 de ce chapitre). En général, les phases hydratées sont abondantes dans les métapélites et l’on considère, sauf exception, que le système est saturé en H 2O et que la phase V est toujours présente. Le diagramme A’KF (figure 5.7) est une projection du tétraèdre SiO2-Al2O3-« F »-K2O sur le triangle AKF à partir du pôle de projection Qtz (SiO2). Comme pour le diagramme ACF, fer et magnésium sont considérés comme un seul élément et le quartz doit être présent dans la paragenèse. 67
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
K2O Pôles de projection
+ SiO2 + Qtz (+V)
Kfs
Ms Al2O3 SiAl
MgO
A
Plan de projection AFM
FeO
SiAl A'
+ Qtz + Ms (+ V)
F
SiAl + Qtz + Kfs (+ V)
M F
M
Figure 5.6 – Le tétraèdre A(Al2O3)-F(FeO)-M(MgO)-K(K2O) est représentatif de la composition des roches pélitiques. Contrairement au diagramme ACF, FeO et MgO sont considérés comme deux constituants chimiques indépendants. SiO2 est un constituant indépendant en excès et le quartz doit être présent dans les paragenèses représentées. Le pôle de projection est un minéral commun aux micaschistes : la muscovite (Ms) dans le diagramme AFM (triangle de gauche). Au-delà de l’isograde de disparition de l’association Ms + Qtz, la projection est faite depuis un autre minéral potassique : le feldspath potassique (Kfs) sur le triangle A’FM (triangle de droite). Pour des raisons géométriques, les points représentatifs de minéraux ou roches dans le tetraèdre (points noirs) peuvent être projetés au-delà de la ligne FM sur le triangle AFM (points gris) ; par contre, ces mêmes minéraux et roches sont projetés à l’intérieur du triangle A’FM (points vides). En général, le système est saturé en H2O et une phase vapeur V est présente.
Dans le diagramme AFM (figure 5.6), fer et magnésium sont considérés au contraire comme deux constituants indépendants. Le quartz est un minéral omniprésent et abondant dans les métapélites, la silice est en excès et on fait abstraction de cet élément dans le calcul, sous réserve de ne représenter que des roches contenant du quartz. Les quatre éléments restant : Al2O3-FeO-MgO-K2O sont représentés dans un tétraèdre pour lequel il faut définir une surface et un pôle de projection qui doit coïncider avec un minéral (afin d’éviter le croisement des lignes de liaison). La base du tétraèdre AFM sert de plan de projection ; il n’y a pas de minéral commun des métapélites au pôle opposé : K2O (en fait, K2SiO3, puisque la silice est en excès). La muscovite, sur la ligne A-K est, par contre, un minéral commun dans ces lithologies : le diagramme AFM est la projection du tétraèdre Al2O3-FeO-MgO-K2O (-SiO2) à 68
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5.3 • La représentation graphique des paragenèses
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 5.7 – Représentation graphique de minéraux et roches métamorphiques dans les diagrammes ACF-A’KF et AFM. a) Les minéraux : le pôle F de ACF-A’KF regroupe Fe et Mg, tandis que AFM distingue ces 2 éléments. Ainsi, des assemblages tels que : silicate d’alumine + staurotide + grenat, et silicate d’alumine + cordiérite + grenat apparaissent sous la forme de deux triangles paragénétiques dans l’AFM, alors qu’ils sont colinéaires (disposés sur un même segment) dans ACF-A’KF. En effet, le rapport XMg des minéraux est croissant entre le staurotide, le grenat, la biotite et la cordiérite. Dans ACF et A’KF, plusieurs minéraux sont représentés par des champs ou des lignes de composition : clinopyroxène (Cpx) ; hornblende (Hbl) ; grenat grossulaire (Grs) ; grenat almandin (Alm) ; grenat pyrope (Prp) ; biotite (Bt), indiquant par cela qu’ils constituent des solutions solides plus ou moins complexes. Les variations de composition du plagioclase (An = anorthite) ne peuvent pas être représentées, puisque le sodium n’intervient pas dans le diagramme. Dans AFM, les segments montrent que ces minéraux sont des solutions solides Fe-Mg. Les différentes lignes de liaison reliant les « segments » de deux minéraux Fe-Mg n’existent pas ensemble, mais correspondent à des conditions PT différentes. Les autres minéraux ont des compositions considérées comme fixes. Sil : sillimanite ; Ky : disthène ; And : andalousite ; Ep : épidote ; Ves : idocrase ; Cal : calcite ; Tr : trémolite ; Crd : cordiérite ; St : staurotide ; Ms : muscovite ; Kfs : feldspath potassique (microcline) ; Ann : annite (biotite ferreuse) ; Phl : phlogopite (biotite magnésienne) ; Opx : orthopyroxène. b) Champs de composition des principales roches sédimentaires et ignées dans le diagramme ACF-A’KF. γ : granitoïde ; A : arkoses ; P : pélites ; G : grauwackes ; B : basaltes et andésites ; C : roches carbonatées. (Kornprobst, 2001).
69
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
partir de la muscovite. On remarque que les côtés AF et AM du triangle AFM se prolongent au-delà de F et M respectivement : ceci est lié au fait que le pôle de projection « muscovite » est « bas » dans le tétraèdre. De ce fait, quelques minéraux, en particulier la biotite, et roches peu alumineuses et relativement potassiques sont projetées en dehors du triangle. Ce petit problème géométrique n’a pas de conséquence sur l’interprétation pétrologique. Dans les conditions des faciès Amphibolite profond et Granulite, la muscovite est instable (en présence de Qtz) et est remplacée par un autre minéral potassique : le feldspath potassique par le biais de la réaction Ms + Qtz = Al 2SiO5 + Kfs + V. Au-delà de cette réaction, la projection est faite depuis le feldspath potassique qui se trouve aussi sur la ligne A-K. Ce minéral est plus proche du pôle K que ne l’est la muscovite ; en conséquence, plus aucun minéral et roche ne sont projetés à l’extérieur du triangle. On appelle ce dernier A’FM pour le différencier du triangle AFM (figure 5.6). Les mêmes restrictions concernant la phase vapeur et le constituant chimique H2O discutées au paragraphe précédent pour le diagramme ACF peuvent être faites dans le cas présent. Il est vrai que le problème est moins crucial, puisque les roches pélitiques (et grauwackeuses) sont généralement abondamment hydratées et saturées en H2O. Aussi, comme nous l’avons annoncé au début de ce paragraphe, la phase V est généralement considérée présente. Toutefois, il faut être prudent dans les conditions métamorphiques de hautes températures de la fin du faciès Amphibolite et du faciès Granulite où le système peut être hydraté sans être saturé en H 2O et, de ce fait, sans phase V présente.
5.3.5 Représentation graphique des paragenèses des faciès métamorphiques Les diagrammes ACF-A’KF-AFM, représentatifs des roches des séquences basique et pélitique, permettent de caractériser la majorité des assemblages usuels des séries métamorphiques. Ce sont des outils utiles pour décrire la diversité pétrologique au sein d’une série métamorphique et faire des comparaisons entre différentes séries. Il est possible de dessiner les différents diagrammes représentatifs des compositions des métabasites et/ou métapélites dans un diagramme P-T faisant apparaître les différents faciès métamorphiques. La figure 5.8 en est un exemple qui associe le triangle ACF et le triangle A’KF. Une telle figure présente l’avantage de relier, sur une même figure, les différentes paragenèses en fonction, à la fois, des variations des paramètres P et T et des variations de composition chimique.
70
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Exercice
Figure 5.8 – Faciès métamorphiques et paragenèses des métabasites et métapélites.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Cette figure couple le diagramme ACF et le diagramme A’KF. Les limites des faciès sont en tirets. Quelques réactions minéralogiques sont données à titre de repère. Le quartz est présent dans toutes les paragenèses. Ep : épidote ; Cal : calcite ; Chl : chlorite ; Act : actinote ; Bt : biotite ; Ms : muscovite ; Kfs : feldspath potassique (microcline à orthose, suivant les conditions P-T) ; Cld : chloritoïde ; Grt : grenat (almandin-pyrope-spessartite) ; Grs : grenat grossulaire ; Arg : aragonite ; Cpx : clinopyroxène ; Tlc : talc ; Crd : cordiérite ; Hbl : hornblende ; Cum : cummingtonite ; An : anorthite ; Opx : orthopyroxène ; AlSi : silicate d’alumine ; Qtz : quartz ; liquide : fusion partielle des métapélites. (Kornprobst, 2001).
Exercice 1.1 Représentation graphique des paragenèses Voici les analyses chimiques (en % en poids d’oxydes) de quelques roches et de leurs minéraux (voir tableau ci-contre). La paragenèse de R1 est : Hbl – Cpx – Pl ± Qtz ; R2 : Hbl – Pl ± Qtz ; R3 (micaschiste) : Ms + Bt + Sil + Grt + Qtz ; R4 (gneiss) : Ms + Bt + Sil + Crd + Qtz et R5 (métagranite) : Ms + Bt + Sil + Grt + Qtz + Pl. Représentez ces roches et leurs minéraux dans un diagramme approprié. 71
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
SiO2
Al2O3
TiO2
CaO
Na2O
K2O
MnO
MgO
FeO
P2O5
R1
51,00
15,16
1,19
10,54
4,10
0,11
0,14
8,33
R2
50,66
17,12
0,25
9,74
3,66
0,59
0,09
8,01
4,52 0,00
0,00
94,64
Cpx
52,09
3,58
0,55
22,65
0,52
0,01
0,14
15,79
3,83 0,00
0,00
99,16
Pl
58,10
26,44
0,00
7,84
6,48
1,10
0,00
0,03
0,15 0
0,00
100,14
Hbl
49,99
7,13
1,01
12,09
1,54
0,18
0,12
18,42
7,08 0,00
0,00
97,56
R3
63,18
19,29
0,98
0,46
1,04
3,81
0,10
1,86
6,55 0,11
0,27
97,65
R4
60,50
16,80
0,94
4,68
2,45
3,35
0,42
4,02
6,43 0,40
0,00
99,99
R5
70,65
14,60
0,27
1,80
3,71
4,22
0,12
0,78
2,73 0,25
0,00
99,13
Grt
36,70
21,40
0,75
9,02
0,00
0,00
1,10
0,90
Crd
47,69
32,52
0,00
0,54
0,00
0,00
0,04
10,10
Bt
38,32
15,21
2,90
0,74
0,20
8,00
0,14
9,20
5,89 0,00
29,90
Fe2O3
Total
0,00
96,46
0
0,00
99,77
5,20 0
0,00
96,09
0,00
94,81
20,10
0,00
1.2 Les paragenèses d’un gradient métamorphique Sur une coupe d’une dizaine de kilomètres de long, on recueille les échantillons montrant les associations minéralogiques suivantes : 1 - act - chl - pl - qtz 2 - ms - qtz - ky - chl - cld 3 - ms - qtz - bt - chl - cld 4 - tr - cal - pl - qtz 5 - ms - qtz - grt - bt - chl 6 - ms - qtz - grt - std - chl 7 - ms - qtz - grt - st - bt 8 - hbl - pl - qtz 9 - hbl - pl - grt - qtz 10 - ms - chl - qtz - st - bt 11 - hbl - pl - grt - cpx 12 - cal - Grt - Qtz - Cpx 13 - hbl - cpx - pl - qtz 14 - grt - qtz - st - bt 15 - opx - cpx - qtz - pl Sur un même affleurement d’une superficie d’une centaine de mètres carrés sont recueillies les roches suivantes : 16 - ms - qtz - st - bt - ky 17 - bt - and - kfs - qtz - crd 18 - ms - qtz - bt - sil - st - crd - ky 19 - ms - qtz - bt - crd - and 20 - bt - sil - kfs - qtz - crd Ces roches sont situées sur la figure 4.5. La roche 16 est située sur le site 1 de cette figure ; R17 : site 4 ; R18 : site 2 ; R19 : site 3 ; R20 : site 3. 72
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Solutions
À quelle(s) séquence(s) appartiennent ces roches ? Quel(s) faciès métamorphique(s) ? Quel(s) type(s) de gradient métamorphique matérialisent-elles ? Tentez de représenter ces associations minéralogiques sur des diagrammes appropriés ? Plusieurs paragenèses peuvent et doivent être représentées sur un même diagramme si leurs lignes de liaison ne se croisent pas. Toutes ces associations minéralogiques sont-elles des paragenèses ? Quelles réactions univariantes peuvent être envisagées à travers cette coupe ? Comment expliquez l’absence de muscovite dans les roches 14, 17 et 20 ? Peut-on les représenter sur un diagramme triangulaire ? Positionnez (au moins certaines de) ces roches dans le diagramme PT ci-dessous. Quelles informations nous apportent ces roches : en terme de gradient métamorphique ? de trajet PTt ?
crd st- -sialqtz V
and ky
sil
st-qtz-V cd-sial + qtz ky + ms st cld +V grt
ky
A
ana
crd grt-sil-qtz
l-V -sia kfs s-qtz m l-V gr t-sia st-qtz
P
d an l si
tex
ie
al -si -bt z crd s-qt l-m ch
T
crd chl
M
F bt
Figure 5.9 – Diagramme pression-température.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Solutions 1.1 La minéralogie suggère que les roches 1 et 2 appartiennent à la séquence basique ; elles sont hydratées comme le suggère la somme des oxydes autour de 95 %. Le diagramme ACF est classiquement utilisé pour ces lithologies. SiO 2, Al2O3, CaO, MgO et FeO et Na2O en quantité majeure confirment ce choix en négligeant le sodium. La composition chimique de roches est corrigée de la présence supposée d’ilménite et des pôles alcalins du plagioclase (voir les modalités de calcul à l’annexe 1). Ces corrections sont inutiles pour les minéraux : Cpx et Hbl. Le pôle pur anorthite est utilisé dans ACF ; il est donc inutile de représenter la composition chimique du plagioclase donné dans le tableau. On peut vérifier, en faisant le calcul avec cette composition, en la corrigeant de la composition des pôles alcalins, que le résultat coïncide avec le pôle anorthite. 73
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
A
C
F
R1
0,14
0,34
0,52
R2
0,19
0,32
0,49
Cpx
0,04
0,45
0,51
Hbl
0,08
0,26
0,66
La minéralogie des roches R3 et R4 témoigne qu’elles appartiennent à la séquence pélitique ; il s’agit d’un micaschiste et d’un gneiss ; R5 est un orthogneiss. Les diagrammes AFM ou A’KF sont appropriés pour ces compositions dans lesquelles SiO2, Al2O3, CaO, MgO, FeO et K2O totalisent près de 95 %. Compte tenu du nombre de minéraux (5), il est plus judicieux de représenter ces paragenèses dans un diagramme AFM. En effet, seules les paragenèses à 4 minéraux sont représentées dans le triangle A’KF. On obtient : A
M
R3
0,33
0,34
R4
0,23
0,53
R5
0,13
0,34
Grt
0,32
0,05
Crd
0,50
0,78
– 0,26
0,45
Bt
En utilisant la formule : ( Al 2 O 3 – 3 K 2 O ) MgO A = -------------------------------------------------------------------------------------- et M = ----------------------------- . ( Al 2 O 3 – 3 K 2 O ) + ( MgO ) + ( FeO ) MgO + FeO
A
A
sil + qtz + ms +V
+ qtz +V 3 grt x
an
crd 4
x
x5
F
M
x
2
1x
C
cpx
hbl
F
bt
Figure 5.10 – Représentations graphiques des roches et de leurs minéraux. Remarquez que R2 se trouve sur la ligne hbl-an. R3 et R4 sont dans le même triangle, mais leur position respective montre que la proportion sil/bt est plus élevée dans R3. Le plagioclase de R5 n’est pas représenté dans le diagramme AFM. Voir la visualisation 3D de ces exercices à la page http://christian.nicollet.free.fr/page/LivreMetam/3D.html
74
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Solutions
1.2 Les roches à plusieurs micas, minéraux alumineux (cld, st, grt, si, and, ky) sont des métapélites. Il s’agit de 2, 3, 5, 6, 7, 10, 14, 16 à 20. Amphiboles (hbl, act, tr), pyroxènes, plagioclase sont des minéraux typiques des métabasites. Les roches 1, 8, 9, 11, 13 et 15 appartiennent à la séquence basique. Les roches 4 et 12, avec de la calcite, sont des roches de la séquence carbonatée (marbres). Elles contiennent des silicates calciques : amphibole, clinopyroxène ; le plagioclase et le grenat doivent être riches en pôle calcique, pôles anorthite et grossulaire respectivement. Les combinaisons de ces différents minéraux en associations minéralogiques aident pour confirmer l’appartenance à une séquence ou l’autre (voir annexe 4). Cette même annexe, ainsi que ce chapitre, permettent de définir les faciès métamorphiques dont témoignent ces roches. Schistes verts pour les paragenèses 1 à 3 ; 5 est à la transition avec le faciès Amphibolite. Les roches 6 à 14 se trouvent dans les conditions de ce faciès. 16, 18 et 19 également. 15 est équilibrée dans le faciès Granulite (absence de l’amphibole, présence des deux pyroxènes). Les métapélites 17 et 20 se situent au-delà de la réaction ms + qtz = kfs + sil + V : faciès Amphibolite profond-début du faciès Granulite. Dans les métapélites de 1 à 16, cld, ky, grt, st indiquent une évolution régulière du métamorphisme de gradient de MP-HT. Sur l’affleurement des roches 16 à 20, nous avons des associations de MP et d’autres de BP (à crd, and) : l’évolution de ces roches, en relation avec la déformation, matérialise un trajet PTt que l’on interprète comme étant associé à une exhumation (évolution MP Æ BP : voir diagramme PT).
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Les métapélites sont représentées dans un diagramme AFM (ou A’FM) ; les métabasites et marbres, dans un triangle ACF (figure 5.11). La roche 20 est représentée dans un triangle identique à la roche 17, mais la sillimanite remplace l’andalousite au pôle A. Il est raisonnable de penser que le grenat du marbre 12 est un grenat riche en pôle grossulaire. La métabasite 11 n’est pas représentable dans le triangle ACF, car elle ne contient pas de quartz. Elle est stable dans les mêmes conditions que les roches 9 et 13 (voir le cas similaire de la figure 5.4). La roche 15 est représentée dans le champ gris foncé du triangle de gauche de la figure 5.4. Toutes les associations minéralogiques qui sont représentées dans un triangle sont des paragenèses. Remarquez que les paragenèses dans les métapélites ont (au maximum) 5 phases (diagramme AFM), tandis que les métabasites et marbres ont 4 phases (diagramme ACF). Seule la roche 18, métapélite avec 7 phases, n’est pas une paragenèse : coexistence ky-sil ; réactants et produits de la réaction St + Qtz = Crd + Sil + V. Quelques réactions peuvent être proposées. Chl + Ms + Grt = St + Bt + Qtz +V entre le second et troisième triangle AFM ; réaction Chl + Ms + St + Qtz = Bt + Ky + V entre le troisième et quatrième triangle ; réaction Ms + Qtz = Kfs + SiAl + V ; Ky = And ; Sil = And ; St + Qtz = Crd + Sil + V (R18) ; Hbl + Qtz = Opx + Cpx + Pl + V entre les métabasites 13 et 15. La muscovite est absente dans les roches 17 et 20, car celles-ci se trouvent à plus hautes températures que la réaction Ms + Qtz = Kfs + SiAl + V. L’absence de 75
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Chapitre 5 • Le rôle de la composition chimique…
A
+ qtz ky + ms + V cld 2 grt chl 3
st 6 5
710
M
F bt
ky
and 19
crd
+ qtz + kfs +V
A'
and
17
crd
16 bt
+ qtz +V
A
an chl 4
C
cal
1 tr/act
F
grs 12
8 9 13
grt
cpx hbl
Figure 5.11 – Représentations graphiques des roches.
muscovite et de feldspath potassique dans la roche 14 est liée à la composition chimique de la roche qui ne doit pas être potassique. Cette roche peut être représentée dans le même triangle que la roche 7, mais sans muscovite. Elle se situe sur le plan Al2O3-FeO-MgO du tétraèdre Al2O3-FeO-MgO-K2O. L’ensemble des roches de 1 à 16 matérialise un gradient métamorphique de MP. Sur l’affleurement contenant les roches 16 à 20, celles-ci indiquent une évolution rétrograde vers les basses pressions. On note le rôle de la déformation, dans les zones de cisaillement, qui favorise la rétromorphose (figure 4.5). La roche 18 enregistre une portion de son évolution PTt. Disthène et sillimanite coexistent : le disthène est préservé à l’état métastable tandis que la sillimanite se forme, associée à la cordiérite, à partir de la staurotide et du quartz. Le diagramme PT présenté s’applique aux roches de la séquence pélitique. Seules les roches appartenant à cette séquence peuvent être situées dans ce diagramme. La roche 16 a un champ de stabilité légérement réduit par rapport au champ gris dessiné pour les roches à St + Qtz (6, 7, 10, 14 et 16), car cette roche contient du disthène. La roche 18 est à cheval sur les réactions Ky = Sil et St + Qtz = Crd + Sil + V. Les 76
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Solutions
relations géométriques des roches 16 à 20 sur l’affleurement de la figure 4.5 fournissent des informations chronologiques relatives (site 1 Æ 2 Æ 3). Ceci suggère que ces réactions précédentes sont franchies dans le sens d’une baisse de pression.
T 17 20
19 18 2
P
6 7 10 14 (16)
Figure 5.12 – Champ de stabilité des paragenèses dans l’espace P-T.
77
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6
LES
RÉACTIONS MÉTAMORPHIQUES
PLAN
6.1 Interprétation thermodynamique sommaire d’une réaction minéralogique 6.2 Réactions solide-solide entre minéraux anhydres 6.3 Réactions entre solide-solide hydraté ou réactions de dévolatilisation et libération de fluides 6.4 Le métamorphisme est-il isochimique ?
La règle des phases nous permet de prédire les paragenèses des domaines divariants de l’espace P-T pour un système chimique donné et pour une gamme de minéraux fixés. Elle nous guide dans la construction des grilles pétrogénétiques constituées de réactions minéralogiques qui limitent les domaines de stabilité de ces différents assemblages minéralogiques. Avant de s’intéresser à l’élaboration de telles grilles pétrogénétiques au chapitre 7, précisons ce que sont les réactions minéralogiques. Les réactions minéralogiques sont de différents types : elles font intervenir des phases solides anhydres et/ou des phases solides hydratées ou carbonatées et, dans ce dernier cas, une phase Vapeur. Une réaction peut s’accompagner d’un changement de structure d’un minéral, sans changement de composition chimique. Il s’agit de réaction de transformation polymorphique. Le plus souvent, une réaction fait intervenir plusieurs phases minérales. Dans le cas d’une réaction d’exsolution une phase est remplacée par deux phases, souvent de la même famille minérale. La réaction peut résulter de l’instabilité d’un assemblage minéralogique conduisant à une réaction interminérale entre ces phases. Dans ce cas, on distingue les réactions interminérales solide-solide entre minéraux anhydres et les réactions entre solide-solide hydraté ou carbonates ou réactions de dévolatilisation qui libère des fluides. Les réactions métasomatiques nécessitent un changement de la composition du système par un apport ou un départ ou un échange de cations en solutions (Na+ Æ K+ par exemple). La métasomatose qui implique ces réactions, suppose que le système chimique est ouvert, à la différence des réactions précédentes qui se réalisent dans un système chimique fermé. 78
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6.1 • Interprétation thermodynamique sommaire d’une réaction minéralogique
6.1 INTERPRÉTATION THERMODYNAMIQUE SOMMAIRE D’UNE RÉACTION MINÉRALOGIQUE Une structure cristalline représente la mobilisation d’une certaine quantité d’énergie. À 0 K, cette énergie interne U est d’origine strictement électrostatique ; elle représente la somme des énergies de liaison entre les atomes qui constituent la structure, et dépend de la position respective des différents atomes dans la structure cristalline. Si T et P augmentent, l’énergie interne U augmente également, car le cristal emmagasine une certaine quantité de chaleur dq, qui se traduit par une agitation des atomes autour de leur position d’équilibre théorique et un certain travail dw qui se traduit par un tassement élastique de la structure. Il vient alors : dU = dq + dw où
dq = TdS
et
dw = – PdV
S est l’entropie qui mesure le désordre de la structure cristalline. V est le volume, qui varie en fonction inverse de la pression. Ces grandeurs sont généralement ramenées à une quantité définie de matière cristalline : la mole. Dans un système fermé (à composition constante), l’équilibre s’établit à P et T données lorsque l’énergie libre G (ou énergie libre de Gibbs) est minimale, avec : G = U – TS + PV où U est l’énergie interne, S, l’entropie, (qui mesure le nombre de façons dont les constituants atomiques se répartissent dans un minéral) et V le volume du minéral ou de l’association de minéraux. Cette expression devient, avec H = U + PV :
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G = H – TS où H est l’enthalpie (ou chaleur spécifique) du minéral ou de l’association de minéraux. À P, T et composition chimique fixées, lorsque plusieurs assemblages sont possibles, celui qui a l’énergie libre la plus faible est stable. Dans un diagramme P-T-G, on peut définir une surface l’énergie libre pour chaque minéral ou association de minéraux. Sur la figure 6.1, l’association A + B a la plus faible énergie à basses T et est l’association stable dans ces conditions. À plus hautes températures, c’est C qui est stable, car GC est inférieure à GA+B dans ces conditions. Le passage du domaine de l’association A + B au domaine de C, par le biais de la réaction A + B = C, se fait lorsque GC = GA+B, c’est-à-dire lorsque la variation d’énergie de la réaction DrG = GC – GA+B = 0 (si le système est fermé, c’est-à-dire qu’il n’échange pas d’énergie avec l’extérieur). On peut donc écrire, lorsque la réaction A + B = C se réalise : DrG° = DH° – TDS° = 0
dans les conditions standard, sans variation de la pression. Une variation de pression DP s’accompagne d’une variation de volume DrV de la réaction. D’où, il vient : DrG = DrH° – T . DrS° + DrV (DP) = 0. 79
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Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
DP est égal à P – P° ; P° = 1 bar est négligeable devant P (plusieurs kb). Aussi peut-on simplifier, en prenant DP = P. Réécrivons l’expression précédente : DrG = DrH° – T . DrS° + DrV . P = 0 ou encore P = (DrS°/DrV)T – DrH°/DrV.
Ceci est l’équation d’une droite (du type y = ax + b) dans l’espace P-T. En réalité, les choses sont un peu plus compliquées, car H, S et V ne sont pas des constantes : V varie en fonction de P et H et S en fonction de P et T. En conséquence, la réaction n’est pas une droite, mais une courbe dans l’espace PT. On peut, si l’on connaît les valeurs de H, S et V des différents minéraux, dessiner quantitativement la réaction A + B = C dans un diagramme PT. L’exemple des silicates d’alumine est donné dans le paragraphe suivant (figure 6.2). G C)
G(
A+
B)
G(
C
P
A+
B
T
Figure 6.1 – Diagramme P-T-G montrant les surfaces d’énergie libre GC et GA+B pour le minéral C et l’association de minéraux A+B. La ligne de réaction A + B = C sur le plan PT est la projection de l’intersection de ces deux surfaces. À basses T, l’assemblage stable est A + B, car il a la plus faible énergie. À plus hautes T, au-delà de la réaction, C est la phase stable, car elle a l’énergie la plus faible.
6.2 RÉACTIONS
SOLIDE-SOLIDE ENTRE MINÉRAUX ANHYDRES
6.2.1 Réactions de transition polymorphique : les silicates d’alumine Les minéraux polymorphes sont des minéraux qui ont la même composition chimique, mais des structures cristallines différentes ; leurs champs de stabilité dans le domaine pression-température sont également différents. Il existe de nombreux exemples de polymorphes dans les systèmes naturels. Ainsi, six minéraux différents, correspondant à six architectures cristallines différentes, ont exactement la même composition 80
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6.2 • Réactions solide-solide entre minéraux anhydres
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
chimique SiO2 : il s’agit du quartz a, du quartz b, de la tridymite, de la cristoballite, de la coésite et de la stishovite. Chacune de ces espèces est stable dans un domaine particulier de conditions P-T. Deux carbonates, la calcite et l’aragonite, ont la même composition CaCO3 ; l’aragonite est, en principe, le polymorphe de haute pression. Le carbone (C) cristallise, suivant la profondeur, sous la forme de graphite ou de diamant. Trois silicates d’alumine ont aussi la même formule chimique. Ce sont l’andalousite, la sillimanite et le disthène. Ces minéraux ont une composition chimique exprimée par la formule Al2SiO5. Comme tous les silicates, ils sont constitués par des empilements réguliers, plus ou moins compacts, d’anions oxygène O 2 – (rayon ionique ri = 1,4 Å) qui délimitent des cavités tétraédriques dans lesquelles sont logés les petits cations Si4+ (ri = 0,42 Å), et des cavités octaédriques dans lesquelles entrent les cations Al3+ (ri = 0,51 Å) légèrement plus volumineux que les Si. La forme exacte des empilements (ou réseaux cristallins) diffère d’un minéral à un autre, ce qui explique que les trois polymorphes ont des caractéristiques physiques différentes : dimensions de la maille cristalline, par exemple, ou propriétés optiques et densité. À la densité la plus élevée (celle du disthène) correspond l’empilement le plus compact. Mais le passage d’une structure à une autre n’implique que des modifications relativement faibles de la forme du réseau cristallin et des déplacements ioniques de l’ordre de grandeur de la dimension de la maille cristalline (quelques Å). Chacun de ces silicates d’alumine correspond à des conditions de stabilité bien définies dans un espace P-T (figure 6.2 a). Il est possible de constater que, à température donnée, c’est la phase de haute pression qui présente la densité la plus élevée. Les droites qui délimitent les champs de stabilité des trois polymorphes représentent
Figure 6.2 – Transformations polymorphiques : les silicates d’alumine. a) Diagramme de phases selon Holdaway, 1971. b) Situation des surfaces d’énergie libre dans un diagramme G-T, à 2 et 4 kb. À 2 kb, chacun des trois polymorphes est caractérisé par un domaine de température dans lequel il représente la phase la plus stable (configuration qui représente l’énergie libre la plus faible). À 4 kb, l’énergie libre de l’andalousite est toujours plus élevée que celle des deux autres polymorphes : ce minéral n’est pas stable dans ces conditions de pression. KY : disthène (r = 3,6); SIL : sillimanite (r = 3,25); AND : andalousite (r = 3,15); kk, aa et ss : surfaces d’énergie libre du disthène, de l’andalousite et de la sillimanite. (Kornprobst, 2001)
81
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Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
des équilibres minéralogiques qui, dans le sens d’une augmentation de la température, s’écrivent de la façon suivante : And = Sil ;
Ky = And ;
Ky = Sil
Deux polymorphes sont stables ensembles (costables) le long de chacune des droites d’équilibre. Les trois polymorphes sont costables au point triple du diagramme représenté par la convergence des trois droites d’équilibre.
6.2.2 Réactions d’exsolution À hautes températures (et parfois, sans doute, à hautes pressions), certains minéraux constituent des solutions solides chimiques continues (Mss dans la figure 6.3) qui ne le sont plus à plus basses températures (ou pressions) et qui sont séparés par une lacune de miscibilité. Deux minéraux (m1ss et m2ss dans la figure 6.3), en général de la même famille minérale, mais pas toujours, forment des intercroissances ou lamelles finement imbriquées que l’on appelle symplectites et « lamelles d’exsolution ». Les deux phases minérales sont séparées, dans un diagramme composition – T ou P, par un solvus (figure 6.3). Il est commun d’observer des exsolutions de clinopyroxène dans de l’orthopyroxène et réciproquement. La proportion des lamelles par rapport au minéral support dépend de la composition du minéral précoce Mss : en fonction de la proportion de m1 et m2 dans Mss, la proportion de lamelles de l’un des deux minéraux dans l’autre est variable. Ainsi, on parle de feldspath potassique perthitique (couramment observé dans les granites), de mésoperthite et de plagioclase antiperthitique (souvent observés dans les roches du faciès Granulite) en fonction d’une proportion croissante Ab/Fk dans le feldspath alcalin précoce de haute température. Ces lamelles d’exsolution peuvent se former si la variation de T (ou P ?) est suffisamment lente. Si la vitesse de refroidissement (ou d’exhumation) est trop rapide, le minéral de HT ou HP (Mss) est préservé. Ainsi, le feldspath potassique des granites
T/P Mss
T1/P1
m1
m1ss + m2ss
m2
Figure 6.3 – Diagramme de phases binaire d’un minéral Mss Mss présente une solution solide continue entre deux pôles purs m1 et m2 à hautes températures (ou pressions ?) et un solvus à basses températures (ou pressions ?). Lorsque le cristal Mss se refroidit (ou est décompressé), celui-ci se démixte en deux phases m1 et m2 lorsqu’il croise le solvus à T1/P1. La proportion de m1/m2 dans le cristal (3 dessins en bas du diagramme) et la T/P de démixtion est fonction de la composition de la solution solide dans Mss.
82
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6.2 • Réactions solide-solide entre minéraux anhydres
est souvent perthitique, avec des lamelles d’albite dans l’orthose, tandis que le feldspath alcalin des laves acides (refroidies rapidement) reste de l’anorthose, feldspath alcalin intermédiaire entre feldspath potassique et albite. Dans ce dernier cas, la vitesse (cinétique) de réaction était plus faible que la vitesse de refroidissement et les lamelles d’exsolution n’ont pas eu le temps de se former. Un diagramme tel que celui de la figure 6.3 peut être utilisé à des fins géothermométriques en analysant les deux minéraux en présence : m1ss et m2ss.
6.2.3 Réactions interminérales solide-solide entre minéraux anhydres L’instabilité entre deux (et plus) minéraux conduits à des réactions minéralogiques entre ces phases. Le champ de stabilité d’un minéral (ou d’une association de minéraux) est réduit lorsque celui-ci est en présence d’un autre minéral avec lequel il peut réagir. Sur la figure 6.4, le champ de stabilité de l’albite, pôle pur sodique du plagioclase,
te
bi
al
e nit sto tz lla r wo qua + e+ ite th air l or su e os gr in
an
T
+
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P
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+
a qu nor ar thi tz te + di st h
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 6.4 – Réactions de déstabilisation et champs de stabilité des pôles purs des plagioclases. Ces réactions limitent les champs de stabilité des minéraux ou assemblages de minéraux. Le champ de stabilité d’un assemblage minéralogique est réduit chaque fois que s’ajoute un nouveau minéral avec lequel celui-ci peut réagir. Le champ de stabilité de l’assemblage grossulaire + quartz + disthène est plus restreint que celui de l’association grossulaire + quartz et que celui du seul minéral grossulaire (non représenté sur la figure). Même raisonnement pour les assemblages faisant intervenir l’albite. Ces réactions font intervenir des phases minérales pures dont la composition chimique est fixe. Il s’agit de l’albite et l’anorthite, respectivement pôles purs sodique et calcique du plagioclase ; la jadéite : pôle pur sodique du clinopyroxène ; le grossulaire : pôle pur calcique du grenat. Ce diagramme montre l’intérêt de raisonner sur des assemblages minéralogiques complexes (dont les champs de stabilité sont restreints) plutôt que sur des phases seules (aux champs de stabilité larges) pour caler les conditions PT de formation d’une roche métamorphique.
83
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Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
est limité vers les hautes pressions (basses T) par la réaction albite = jadéite + quartz. Si l’albite est en présence de la néphéline, le champ de stabilité des deux minéraux ensemble est réduit (vers les BP, HT) par rapport à celui de l’albite. La réaction limite est albite + néphéline = jadéite. Le champ de stabilité de la jadéite seule, délimité par cette réaction, est plus vaste que lorsque ce minéral est en présence de quartz (réaction précédente). On comprend pourquoi les pétrologues raisonnent préférentiellement sur la stabilité des assemblages minéralogiques plutôt que sur la stabilité d’un minéral seul. Dans une roche, l’assemblage grossulaire + quartz + disthène donne une information plus précise quant aux conditions P-T de formation que l’assemblage grossulaire + quartz et, a fortiori, la seule présence de grossulaire (dont le champ de stabilité n’est pas représenté sur la figure 6.4). Les réactions interminérales discutées dans ce paragraphe font intervenir des phases dont la composition est fixe : on les appelle des pôles purs. Ces réactions ont une position fixe dans l’espace P-T que nous pouvons calculer en utilisant les données thermodynamiques (paragraphe 6.1 ci-dessus). Cependant, de nombreux minéraux sont des solutions solides plus ou moins complexes, c’est-à-dire des mélanges de pôles purs qui ont une composition chimique variable. Nous reviendrons sur les conséquences importantes de cette variation de la composition chimique des minéraux au chapitre 8.
6.3 RÉACTIONS
ENTRE SOLIDE-SOLIDE HYDRATÉ
OU RÉACTIONS DE DÉVOLATILISATION ET LIBÉRATION DE FLUIDES 6.3.1 Eau, pente des réactions métamorphiques et rétromorphose Nous avons noté, au paragraphe 2.3, qu’au cours de l’évolution prograde, la majorité des réactions du métamorphisme régional sont des réactions de déshydratation avec une pente positive. Ces réactions sont du type : H = A + V H2 O où H est un assemblage de minéraux hydratés, A un assemblage de minéraux anhydres (ou de mnx moins hydratés que H) et V H2 O la phase vapeur d’eau. La pente d’une telle réaction est positive et augmente avec la P ; elle peut s’inverser et devenir négative à HP, en général dans les profondeurs mantelliques (figure 6.5). C’est le cas de la réaction hornblende = orthopyroxène + clinopyroxène + plagioclase + V H2 O qui s’inverse aux environs de 2 GPa. Nous avons noté, à la figure 2.3, que la pente d’une réaction dépend du rapport DS/DV des différents minéraux intervenant dans la réaction. De fait, la pente d’une réaction de déshydratation est largement contrôlée par les propriétés thermodynamiques de la phase vapeur, au moins jusqu’aux profondeurs mantelliques : celle-ci a des V (volume entropié) (à BP) et S élevées. De même, la variation de la pente en fonction de la P est liée à l’importante compressibilité de la phase V H2 O. 84
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6.3 • Réactions entre solide-solide hydraté
T A H + V
P Figure 6.5 – Pente des réactions de déshydratation. La pente des réactions de déshydratation est largement contrôlée par les propriétés thermodynamiques de la phase V H2 O : à basses pressions, le volume de V est important et la pente de la réaction faible. Lorsque P augmente, le volume de V diminue, car sa compressibilité est importante : la pente s’accentue. À pressions élevées, le volume de V devient faible et la pente de la réaction devient négative, conformément à ce que nous avons discuté avec la figure 2.3. D’une manière générale, cette figure s’applique aux réactions de dévolatilisation.
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Si la pente de la réaction est positive, cela signifie que l’ensemble des phases produites (A+ V H2 O ) a un plus gros volume que l’ensemble de phases réactantes H. On écrit V(A+ V H2 O ) > V(H). Ainsi, lorsque la profondeur (= P) augmente, le volume des produits de la réaction augmente : ceci est contradictoire, puisque l’augmentation de la profondeur doit s’accompagner d’une augmentation de la densité (diminution de volume). La contradiction est levée si cette vapeur libérée par la roche, de faible densité (gros volume), remonte vers la surface. Dans ce cas, V(A) < V(H). Ce type de réaction a des conséquences importantes pour la préservation des paragenèses du métamorphisme. En effet, au cours de l’évolution rétrograde, la roche préserve sa paragenèse de HT, car la réaction A + V H2 O = H ne peut pas se réaliser, puisque la phase V H2 O a quitté la roche. Seul, un apport d’eau permettrait la rétromorphose. Mais même dans ce cas, cette rétromorphose a toutes les chances d’être limitée. En effet, l’infiltration des fluides se fait à la faveur de fractures (fissures). Cependant, nous avons noté que le volume des phases hydratées (de BT) est plus élevé que celui des phases anhydres (de HT) : V(H) > V(A). En conséquence, lorsque la réaction se réalise par infiltration d’eau, la fissure est rapidement colmatée par les nouveaux minéraux « H ».
6.3.2 Pression partielle de fluide et champ de stabilité des phases hydratées et carbonatées Nous avons remarqué (paragraphe 1.3.3) que l’eau n’est pas le seul constituant de la phase vapeur dans les roches ; plusieurs espèces chimiques de fluides peuvent être présentes : H2O, CO2, CH4, N2, etc. Les deux premières sont les plus importantes en volume. On définit une pression des fluides (PFl) qui est, en règle générale, égale à la pression lithostatique (PL). Elle est égale à la somme des pressions partielles des différents fluides telle que PFl = P H2 O + P CO2 + P CH4 + P N2 + … = PL. Pour estimer l’influence des fluides sur la stabilité des réactions, nous simplifions en considérant une phase fluide constituée du mélange H2O et CO2. On peut exprimer la proportion respective de ces deux constituants dans la phase vapeur par le rapport XH2O (fraction molaire) qui égale H2O/(H2O + CO2). Dans le diagramme T versus 85
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Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
XH2O de la figure 6.6 (pour une pression lithostatique fixée), des réactions font intervenir différents types de phases minéralogiques : H est un minéral hydraté (ou un ensemble de minéraux hydratés), c’est-à-dire contenant des radicaux OH – dans sa structure ; C est un carbonate (ou un ensemble de carbonates), c’est-à-dire contenant des radicaux CO3=. A et B sont des phases (ou un ensemble de phases) anhydres. La réaction A = B (tel que la transformation Ky = Sil) ne fait pas intervenir de phase vapeur : la température de cette réaction n’est pas influencée par la composition de celle-ci. La réaction H = A + V H2 O est une réaction de déshydratation ; le champ de stabilité de la phase hydratée H est fonction de la composition chimique de la phase vapeur :
P = cte
T B A
A + V (H2O) + V (CO2)
H O) A + V( 2 H A + V( C CO 2)
H+C
C+B+
V (H 2O)
H+A+
0
V (CO 2)
XH2O
1
Figure 6.6 – Diagramme T-XH2O à P = constante montrant le comportement des réactions en fonction de la nature du (ou des) fluide(s) qui intervien(nen)t dans la phase fluide. Lorsqu’un fluide infiltre une roche (système ouvert), la composition de la phase V reste fixe même lorsque la température augmente (flèche en tirets de droite) : on dit que la composition de la phase V est « tamponnée » par un réservoir extérieur. Si le système (roche) est fermé, étanche à l’infiltration, les réactions qui interviennent au cours de l’augmentation de la T modifient la composition de la phase V selon que les réactions consomment/libèrent l’un ou l’autre des fluides H2O et CO2 (flèche brisée en tirets de gauche). Remarquez que, dans ces conditions, les réactions se réalisent sur un intervalle DT (et DH2O) : elles sont divariantes. On dit que la composition de la phase V est « tamponnée » par les réactions.
86
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6.3 • Réactions entre solide-solide hydraté
lorsque la fraction molaire XH2O diminue, la réaction se réalise à plus basses températures ; en conséquence, la stabilité de H est réduite vers les basses températures. La réaction C = A + V CO2 est une réaction de décarbonatation ; le champ de stabilité du carbonate C est réduit vers les basses températures lorsque la fraction molaire XH2O augmente. Pour la réaction H + A + V CO2 = C + B + V H2 O, le champ de stabilité du carbonate C est réduit vers les hautes températures tandis que celui du minéral hydraté augmente lorsque la fraction molaire XH2O augmente. La réaction H + C = A+ V CO2 + V H2 O est constituée à la fois de minéraux hydratés et de carbonates. C’est une réaction à la fois de déshydratation et de décarbonatation ; elle est qualifiée, d’une manière plus générale, de réaction de dévolatilisation. Le champ de stabilité de l’assemblage H + C est maximum pour une valeur intermédiaire de XH2O. Il diminue pour n’importe quelle autre valeur. Cette valeur de XH 2O est fonction du coefficient stœchiométrique des deux fluides CO2 et H2O dans la réaction ; sur la figure, ces coefficients sont de 1 pour les deux fluides et le sommet de la courbe correspond à la valeur XH2O = 1/2. Revenons sur un classique diagramme P-T (figure 6.7) pour bien visualiser l’influence de la nature de la phase fluide (V) sur les conditions de stabilité des réactions. La réaction de déshydratation Ms + Qtz = SiAl + Kfs + VH 2O est du type H = A + V ; XH2O est la fraction molaire d’un mélange H2O + CO2. La réaction est déplacée significativement (200°) vers les basses températures lorsque la fraction
400
500
600
T ˚C
700
0,2
0,4
And
+V Kfs l+ tz SiA +Q Ms
Sil Ky
H 2O
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0,6
0,8
P GPa
1,0
XH2O = 0,01 0,05
0,25
Figure 6.7 – Variation du champ de la réaction Ms + Qtz = Kfs + SiAl + VH2O en fonction de la fraction molaire XH2O dans un fluide composé d’un mélange H2O+CO2. La réaction se déplace dans le sens de la flèche lorsque XH2O diminue de telle manière que le champ de stabilité de la phase hydratée (Ms) diminue. SiAl = silicate d’alumine.
87
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Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
molaire XH2O diminue. On conçoit que, lorsque la composition de la phase vapeur n’est pas connue, l’évaluation des conditions P-T à l’aide de grilles pétrogénétiques avec P H2 O = PL peut engendrer des erreurs qui peuvent être significatives.
6.3.3 Infiltration de la phase vapeur ou système fermé aux fluides extérieurs Une phase vapeur est souvent présente dans les roches. Mais deux situations thermodynamiques contrastées peuvent exister : • Cette phase vapeur est introduite par infiltration dans la roche et sa composition dépend d’un réservoir extérieur (dont on suppose que la composition ne change pas) : cette composition reste constante au cours de l’évolution métamorphique de la roche et n’est pas influencée par les réactions qui interviennent dans celle-ci. Ceci est illustré par la ligne en tirets de droite sur le diagramme T-XH 2O de la figure 6.6 : lorsque T augmente, les réactions sont franchies à une température fixe et la composition de la phase fluide reste constante. Elles sont univariantes. Le « système » (la roche) est ouvert à la phase fluide : on dit qu’il est « tamponné » par un réservoir externe. • La phase vapeur dans la roche ne communique pas avec un réservoir extérieur : le « système » est fermé. Au cours de l’évolution métamorphique, la composition de la phase V est modifiée par les réactions qui interviennent, comme l’indique la ligne brisée (en tirets) de gauche sur la figure 6.6. Lorsque la température augmente, la première réaction est atteinte. Celle-ci consomme du CO2 et libère H2O, modifiant le rapport XH2O de la phase vapeur. La réaction se réalise à T et XH2O croissant : elle est divariante. Lorsqu’une des phases solides réactantes est épuisée, la réaction s’interrompt : la T augmente à XH2O constant jusqu’à la prochaine réaction. Le système est « tamponné » par les réactions (« tampon interne »).
6.4 LE
MÉTAMORPHISME EST-IL ISOCHIMIQUE ?
Nous considérons, en première approximation, que le métamorphisme est isochimique, à l’exception des fluides. Mais dans ce cas, les fluides et, tout particulièrement, l’eau qui circule n’est, sans aucun doute, pas pure, mais dissout de nombreux éléments ! Quelques observations montrent que le métamorphisme n’est pas strictement isochimique. En voici deux exemples.
6.4.1 Le quartz d’exsudation Les « schistes des Cévennes » constituent une importante formation schisto-gréseuse dans le sud-est du Massif central, métamorphisée durant l’orogène paléozoïque hercynienne. Ceux-ci sont faiblement métamorphisés dans les conditions du début du faciès Schistes verts et montrent des lentilles de quartz d’exsudation. Ces lentilles sont globalement disposées dans le plan de schistosité. Mais elles sont parfois plissées ou bien obliques à la schistosité et la stratification. Ceci prouve que ces lentilles ne 88
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6.4 • Le métamorphisme est-il isochimique ?
10–2
kb
102 6
Solubilité de SiO2 en g/kg de solution
sont pas d’origine sédimentaire et qu’elles se forment de façon continue au cours de la déformation. Dans les conditions du faciès Schistes verts, l’eau libérée par les métapélites est abondante. Elle remonte depuis la profondeur vers la surface. En profondeur, cette eau a dissous certains éléments comme la silice. En effet, la solubilité des éléments dans l’eau augmente avec la température et la pression (c’est-à-dire, la profondeur).
101
2
4 kb
kb
1 kb
100
0,3 kb 10–1
T ˚C 50
100
200
400
600 1000
Figure 6.8 – Solubilité de la silice en fonction de la température et la pression.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
(Attention : les échelles sont logarithmiques) La solubilité dépend peu de la pression jusqu’à une température de 400 °C. La flèche montre la diminution importante de la solubilité de la silice dans une phase vapeur d’eau qui est exhumée avec une baisse de température depuis 600° jusqu’à 100 °C. La silice en excès précipite sous la forme de « quartz d’exsudation ».
En conséquence, la solubilité des éléments diminue lorsque cette eau remonte vers la surface. Sur la figure 6.8, la flèche montre l’évolution de la teneur en silice dans l’eau libérée par une roche à 6 kb-600 °C et qui remonte à 1 kb-100 °C. La concentration varie de 15 g/kg-solution à 0,1 g/kg-solution : au cours de ce refroidissementexhumation, l’eau, qui devient sursaturée en silice, précipite du quartz. Ainsi, l’abondance des lentilles de quartz dans les schistes des Cévennes témoigne de transferts significatifs de matière et de circulation importante de l’eau (sur plusieurs kilomètres ?).
6.4.2 Réactions de lessivage Revenons au site du Cap Creus que nous avons étudié au paragraphe 4.2. Nous y avons noté que la muscovite était stable dans les métapélites et présente aussi bien dans les surfaces S1 que S2. Ces roches ne se situent jamais au-delà de la réaction isograde Ms + Q = Sill + Fk + V et le feldspath potassique est absent des micaschistes. De ce fait, cette réaction ne peut être responsable d’une nouvelle génération du mica blanc postcinématique de S1 et S2 qui se forme au détriment de la sillimanite au cours du trajet rétrograde (figure 4.5). D’autre part, on remarque que cette muscovite statique 89
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Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
tardive est abondante à proximité des pegmatites. Jordie Carreiras, de l’Université de Barcelone, montre que les pegmatites se mettent en place tout au long de la déformation. En effet, quelques indices démontrent le caractère syn- à postcinématique de ces roches magmatiques. Ainsi, par exemple, les baguettes de tourmaline dans la pegmatite ont une orientation préférentielle qui est parallèle à la linéation minérale dans les métapélites, marquée par la forme ellipsoïdale des nodules de sillimanite. Ces pegmatites sont entourées d’un réseau de fractures (perpendiculaires à la linéation minérale) dans les métapélites qui sont bordées, sur une épaisseur moyenne d’un centimètre, de tourmaline. Ces fractures coupent et sont recoupées par les pegmatites, démontrant la contemporanéité de la fracturation et de la mise en place des pegmatites. Les fluides métasomatiques libérés lors de la cristallisation de la pegmatite ont provoqué une fracturation hydraulique et favorisé la déstabilisation de la sillimanite au cours d’une « réaction de lessivage » (leaching reaction) de la forme :
2 +
s
2
K
+ tz 3Q + 2 H s 2M
+
+
+2K
+2H
6 Qtz
3 Kfs
Ms +
Température
3 Sil And
+ Sil
+2
Kf
+
V +3
Sil
+5
Qt
z+
P = 0,3 GPa
V+ H + 2K +
3Sil + 3Qtz + 2K+ + 3H2O = 2Ms + 2H+.
+
+
Log a(K /H )
Figure 6.9 – Diagramme activité de K+/H+ en fonction de la température. Les deux flèches indiquent l’enregistrement minéralogique des trajets rétrogrades dans les zones d’influence des fluides métasomatiques à proximité des pegmatites (flèche oblique à droite) et en dehors des zones d’influence (flèche parallèle et à proximité de l’axe des températures). À proximité des pegmatites, les fluides qui circulent à la faveur des fractures favorisent la cinétique de réaction tandis que le potassium contenu dans le fluide permet la réalisation de la réaction de lessivage et modifie la composition chimique de la roche. À l'écart des pegmatites où le fluide est moins abondant, l’évolution rétrograde est plus limitée.
90
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Exercice
La figure 6.9 schématise l’influence de l’infiltration des fluides métasomatiques sur la réalisation des réactions rétrogrades. La flèche oblique indique l’enrichissement en K+ dans la roche à la faveur de l’infiltration d’eau à proximité des pegmatites et le franchissement de la réaction de lessivage. La courte flèche indique que, en s’éloignant des pegmatites, la cinétique des réactions est limitée par l’absence de l’infiltration d’eau et la réaction de transformation polymorphique (Sil = And) ne se réalise pas.
Exercice 1.1 Influence de la nature des fluides sur les paragenèses métamorphiques La figure 6.10 ci-dessous représente un affleurement où ont été recueillis, à quelques mètres de distance, les micaschistes 1 et 2 dont les paragenèses sont respectivement : (1) ms - qtz - bt - sil et (2) qtz - kfs - bt - sil. quartzite wo 2 wo 1
marbre
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
5m micaschiste
Figure 6.10 – Affleurement.
Trois lithologies sont représentées : les micaschistes forment des fines intercalations dans une grosse masse de marbres dolomitiques au niveau de l’affleurement 2 ; des niveaux de (méta)quartzite sont en contact avec le marbre. De rares niveaux de marbres s’intercalent dans les micaschistes abondants qui ont fourni l’échantillon 1. À proximité de cet échantillon, le contact marbre-quartzite est jalonné de wollastonite (wo), silicate de calcium de formule CaSiO 3. Comment expliquez-vous la diversité minéralogique de ces différentes lithologies ? Il peut être utile de tracer un diagramme T-XH2O à partir de la figure 6.11. 91
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Chapitre 6 • Les réactions métamorphiques
400
500
600
T ˚C
700
2
R
4
P Kb
XH2O = 0 0,05
0,25 0,9
1,0 0,75
0,5
0,25
0
Figure 6.11 – Variation du champ des réactions en fonction de la fraction molaire XH2O dans l’espace P-T. Le fluide est composé d’un mélange H2O + CO2. Les réactions sont Ms + Qtz = Kfs + SiAl + VH2O (trait plein) et Cal + Qtz = Wo + VCO2 (tirets) ; la fraction molaire XH2O est indiquée pour les 2 réactions. Remarquez que celle-ci varie en sens inverse en fonction de la température pour les 2 réactions. R : voir correction, figure 6.12.
Solution 1.1 La question peut être précisée : pourquoi les deux micaschistes n’ont-ils pas la même paragenèse puisque, recueillis à quelques mètres d’intervalle, on peut supposer qu’ils se sont formés dans les mêmes P et T ? Pour les mêmes raisons, pourquoi le contact marbre-quartzite est jalonné ou non de wollastonite ? Les paragenèses 1 et 2 se trouvent respectivement à plus basse / plus haute température que la réaction de déshydratation Ms + Qtz = Kfs + SiAl + VH2O ; la présence de wollastonite et son absence montrent que les mêmes sites 1 et 2 sont à plus haute/ plus basse température que la réaction de décarbonatation Cal + Qtz = Wo + VCO 2. La réponse est à chercher dans le paragraphe 6.3.2. Les variations minéralogiques font intervenir deux réactions libérant une phase fluide différente. En fonction de la composition de la phase fluide, ces 2 réactions se réalisent à des températures (– pressions) variables en sens inverse. Le tracé d’un diagramme T-XH2O (figure 6.12, dont le principe est expliqué à la figure 6.6) à partir du diagramme PT de la figure 6.11 est explicite. Sur le diagramme PT (figure 6.11), les conditions d’équilibre de l’affleurement étudié peuvent être celle du point « R ». Le diagramme T-XH2O (figure 6.12) suggère que XH2O est élevée en « 1 » et faible en « 2 ». En « 2 », les réactions de décarbonatation dans les marbres libèrent une phase carbonique volumineuse qui se dilue avec une phase fluide aqueuse : XH2O est faible. La réaction Ms + Qtz = Kfs + SiAl + VH2O se réalise à température inférieure à celle à laquelle elle se réaliserait si PH2O était égal à la pression lithostatique. En « 1 », le CO2 libéré par les rares niveaux de marbres influe peu sur la fraction molaire de la phase fluide essentiellement aqueuse dans les micaschistes : XH 2O est élevée. La réaction de décarbonatation Cal + Qtz = Wo + VCO2 est franchie à relative basse température. 92
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Solution
P = Cte
T Wo + VC O2 Cal +Q tz 2 s+
1
O 2 VH
f tz +K +Q l A s i M S
0
XH2O
1
Figure 6.12 – Variation du champ des réactions en fonction de la fraction molaire XH2O dans l’espace T-XH2O. Les points 1 et 2, à T identique, donnent l’ordre de grandeur relatif de la fraction molaire XH2O sur les lieux des échantillons 1 et 2. Le point « R » sur le diagramme PT (figure 6.11) indique les conditions arbitrairement fixées de P lithostatique et T de l’affleurement.
93
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7
ANALYSE GÉOMÉTRIQUE DES RÉACTIONS MÉTAMORPHIQUES ET ÉLABORATION D’UNE GRILLE PÉTROGÉNÉTIQUE
PLAN
7.1 Système à un constituant indépendant 7.2 Système à deux constituants indépendants 7.3 Système à trois constituants indépendants et élaboration d’une grille pétrogénétique 7.4 Système à plus de trois constituants indépendants
Nous avons défini différents types de réactions au chapitre précédent. Il en existe un très grand nombre en fonction de la composition chimique des roches, des minéraux considérés, des conditions P-T-fluides. Il est nécessaire de les positionner les unes par rapport aux autres dans l’espace P-T et établir ce que Bowen a appelé des grilles pétrogénétiques. Une grille pétrogénétique est un diagramme PT avec des courbes de réactions univariantes qui délimitent des champs divariants. Elle est construite pour une composition chimique ou une gamme de compositions données : il n’y a pas une grille pétrogénétique universelle, mais au contraire une multitude de grilles ! L’approche géométrique (ou chémographique) d’élaboration de ces grilles a été introduite par Schreinemakers et précisée par Zen. Elle permet de créer très rapidement une grille complexe qualitative. La prise en compte des paramètres thermodynamiques (enthalpie, entropie, volume des phases) permet de la quantifier. Elle respecte la règle des phases. 94
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7.1 • Système à un constituant indépendant
7.1 SYSTÈME
À UN CONSTITUANT INDÉPENDANT
Soit le système minéralogique constitué des trois silicates d’alumine, système à un constituant chimique : Al2SiO5 (déjà abordé précédemment à la figure 5.1). Nous avons trois champs divariants qui sont limités par trois assemblages univariants qui sont respectivement : Ky + Sil ; Sil + And ; And + Ky que l’on peut également écrire : Ky = Sil ; Sil = And ; And = Ky Par convention, un assemblage univariant porte le nom de la phase qui n’y participe pas : (And) Ky = Sil ; (Ky ) Sil = And ; (Sil) And = Ky. Ces assemblages univariants sont des courbes P = f(T) dans l’espace P-T. Dessinons ces trois lignes autour du point invariant. Traçons une des courbes de manière complètement arbitraire, par exemple, l’assemblage (Sil). On définit une portion stable de la réaction en trait plein et une portion métastable, en tiret, au-delà du point invariant. Au-delà du point invariant, les deux phases stables sur la courbe et de part et d’autre de la réaction sont moins stables que la troisième phase, la sillimanite. Deux solutions sont envisageables pour positionner les deux champs divariants And
(Sil) An d Ky
T
.
(Sil) An d Ky
l Ky
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
a
T
d An il S
l Si Ky
Si
P
.
(Ky)
(And)
P
b
(And)
Figure 7.1 – Tracé d’un point invariant dans un système à 1 constituant indépendant. Exemple des silicates d’alumine Al2SiO5. Les pentes des réactions sont arbitraires dans un système sans unité. a) La réaction (Sil) est arbitrairement dessinée la première ; les phases Ky et And sont placées également arbitrairement de part et d’autre. Mais une fois ce choix fait, les autres réactions sont placées en respectant la règle suivante : la réaction (And) ne peut pas se situer dans le demi-plan gris délimité par la réaction (Sil) dans lequel la phase And est stable. Le positionnement des phases Sil et Ky de part et d’autre de cette réaction (And) respecte la même règle : la phase Sil est placée dans le demi-plan délimité par la réaction (And) qui ne contient pas la réaction (Sil). b) Le même raisonnement est appliqué à la réaction (Ky) qui ne peut pas se situer dans les 2 demi-plans respectivement délimités par les réactions (Sil) et (And) dans lesquels la phase Ky est stable.
95
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Chapitre 7 • Analyse géométrique des réactions métamorphiques…
et Ky respectivement de part et d’autre de la ligne. Une fois choisie arbitrairement une des 2 solutions, le positionnement des deux autres réactions doit respecter la règle suivante : la réaction (And) – ou (Ky) – ne peut pas se situer dans le demi-plan délimité par la réaction (Sil) dans lequel la phase And (ou Ky) est stable (demi-plan gris sur la figure 7.1). Pour enlever l’incertitude sur le choix de la solution à retenir et afin de quantifier la figure 7.1b, nous devons calculer les pentes selon la formule P = (DS/DV)T – DH/DV en utilisant les paramètres thermodynamiques, comme nous l’avons discuté au paragraphe 6.1 Nous obtenons la figure 6.2. Dans cet exemple d’un système à un constituant, l’analyse géométrique n’apporte pas grand aide et le point invariant est plus simplement dessiné en utilisant les calculs thermodynamiques. Cet exercice nous permet toutefois de comprendre, sur un exemple simple, les principes de l’analyse géométrique. Celle-ci devient rapidement très efficace pour gérer un grand nombre d’équilibres univariants d’un système multi-constituants.
7.2 SYSTÈME
À DEUX CONSTITUANTS INDÉPENDANTS
Considérons un système à deux constituants chimiques. La règle des phases indique un nombre maximum de quatre phases au point invariant. Considérons les phases suivantes : muscovite (Ms), sillimanite (Sil), feldspath potassique (Kfs) et magma (L) : les conditions PT se situent à la limite du domaine des roches métamorphiques et de celui des roches magmatiques, le domaine de l’anatexie. Quatre constituants chimiques indépendants sont nécessaires pour rendre compte de la chimie des phases considérées : K2O-Al2O3-SiO2-H2O. Pour raisonner sur un système à deux constituants, nous considérerons que les éléments silice et eau sont en excès, c’est-à-dire en quantité toujours suffisante pour permettre la présence des phases quartz et vapeur d’eau dans tous les assemblages. Cette notion d’éléments en excès permet de raisonner graphiquement sur un système à deux constituants chimiques indépendants au lieu de quatre : le système chimique binaire est alors K2O-Al2O3. Le segment en bas de la figure 7.2 montre les relations entre les minéraux et le système chimique considéré. Les constituants en excès sont entre parenthèses. Le magma L est matérialisé par un segment pour indiquer que la composition de celui-ci change. Les relations géométriques des différents minéraux sur ce segment nous permettent d’écrire les équilibres univariants, nommés par la phase absente, c’est-àdire les réactions (Sil), (Kfs), (Ms) et (L). En supprimant, chacun à leur tour, l’un des minéraux sur le segment, on peut écrire les différentes réactions : (L) : Ms = Kfs + Sil (Sil) : Ms + Kfs = L (Ms) : Sil + Kfs = L (Kfs) : Ms = L + Sil Ces équations sont écrites grâce à l’analyse géométrique dans un système à deux constituants. Mais, elles ne sont pas chimiquement équilibrées, puisqu’elles ne font 96
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7.2 • Système à deux constituants indépendants
intervenir que deux des quatre constituants qui rendent compte de la chimie des minéraux. Il est possible de calculer les réactions complètes (et les coefficients stœchiométriques) grâce aux compositions chimiques des minéraux et, ainsi, de prendre en compte le quartz et la vapeur d’eau (phases en excès) dans ces réactions. Notons que la phase L est la phase la plus hydratée. Ainsi, ces réactions s’écrivent : (L) : Ms + Qtz = Kfs + Sil + V (Sil) : Ms + Kfs + Qtz + V = L (Ms) : Sil + Kfs + Qtz + V = L (Kfs) : Ms + Qtz +V = L + Sil Le nombre de minéraux des deux listes de réactions respecte toujours la règle des phases avec M = C + 1 minéraux pour un équilibre univariant.
T (L)
Kf
Si Qt l + V z
L" Sil L' Kfs
tz + V
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
+K L
il
Sil
V tz + (Ms)
(Kfs)
(Sil)
P
Q fs +
L+S
Ms +
Sil
Ms + Q
Kfs + Qtz + V L
M s+
s+
Ms L Kfs
Al2O3 (+ SiO2 + H2O)
K2O (+ SiO2 + H2O)
Figure 7.2 – Tracé d’un point invariant dans un système à deux constituants indépendants. Bien que la composition chimique des minéraux nécessite quatre constituants indépendants : K2O-Al2O3-SiO2-H2O, il est possible de ramener ce système à un système à deux constituants : K2O-Al2O3 en se fixant comme conditions que SiO2 et H2O sont en excès. En conséquence, les phases quartz et vapeur d’eau sont obligatoirement présentes dans tous les assemblages considérés. Les variations de compositions des roches et phases sont représentées sur le segment Al2O3-K2O. Reporté dans les différents domaines divariants avec les minéraux appropriés, les segments indiquent les différents assemblages divariants (paragenèses) possibles qui contiennent tous Qtz et V. Les constituants chimiques et phases en excès sont indiqués en italique. Les courbes de fusion hypothétiques de la sillimanite et du feldspath potassique sont utilisées dans l’exercice du chapitre 9.
97
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Chapitre 7 • Analyse géométrique des réactions métamorphiques…
Remarquons les caractéristiques de ces différentes réactions : la réaction (L), qui ne fait pas intervenir le magma L, est une réaction métamorphique, appelée aussi sub-solidus. Les réactions (Sil) et (Ms) sont des réactions de fusion congruente ou eutectique, tandis que la réaction (Kfs) est une réaction de fusion incongruente ou péritectique, qui produit un magma et un minéral. Nous sommes en mesure de tracer le point invariant impliquant ces équilibres univariants. En respectant la règle des demi-plans illustrée par la figure 7.1, l’approche géométrique fournit 2 solutions. Les paramètres thermodynamiques des minéraux nous amènent à retenir la solution proposée à la figure 7.2. Nous pouvons tracer les segments Al2O3-K2O (+ SiO2 + H2O) indiquant les paragenèses dans chaque champ divariant, avec (+ Q + V). Ainsi, une seule paragenèse est possible dans le champ divariant limité par les réactions (L) et (Ms) : Sil + Kfs (+ Qtz + V) ; les paragenèses dans le champ divariant limité par les réactions (L) et (Sil) sont Sil + Ms (+ Qtz + V) et Ms + Kfs (+ Qtz + V) ; les paragenèses dans le champ divariant limité par les réactions (Kfs) et (Ms) sont : Sil + L (+ Qtz + V) et L + Kfs (+ Qtz + V) ; les paragenèses dans le champ divariant limité par les réactions (Sil) et (Kfs) sont : Sil + Ms (+Qtz + V), Ms + L (+Qtz + V) et L + Kfs (+ Qtz + V). Notons que, bien que située au-delà de la courbe de fusion (Sil), la roche à Ms + Sil + Qtz + V, de par sa composition, ne fond pas.
7.3 SYSTÈME
À TROIS CONSTITUANTS INDÉPENDANTS ET ÉLABORATION D’UNE GRILLE PÉTROGÉNÉTIQUE
Nous voulons construire une grille pour les métapélites dans les conditions de très haute température (THT). Les assemblages minéralogiques que nous souhaitons étudier contiennent les six minéraux suivants : Quartz, sillimanite, saphirine (Mg,Fe)2Al4SiO10, orthopyroxène (Mg,Fe)SiO3, cordiérite (Mg,Fe)2Si5Al4O18, nH2O, spinelle (Mg, Fe) Al2O4. Les constituants chimiques sont Al2O3, SiO2, MgO, FeO, H2O. MgO et FeO entrent dans la composition des minéraux ferromagnésiens (solution solide Mg,Fe) : simplifions en utilisant le seul pôle pur magnésien de ces minéraux. La cordiérite est une phase qui peut être soit hydratée, soit anhydre, en particulier dans ces roches de THT. En considérant ce deuxième cas, nous négligeons le constituant H 2O. Les trois constituants restants : Al2O3, SiO2, MgO et les minéraux peuvent être représentés dans le triangle dans le cercle de la figure 7.3. La règle des phases fixe le nombre maximal de minéraux au point invariant à C + 2 minéraux, soit cinq minéraux. Nous avons six combinaisons possibles de cinq minéraux sur les six, ce qui signifie que le système a six points invariants, portant chacun le nom de la phase absente. La règle des phases indique que les assemblages divariants contiennent trois phases. Dans le triangle MgO-Al2O3-SiO2, ces différents assemblages divariants sont obtenus en traçant toutes les combinaisons possibles de triangles partiels ayant pour sommets trois minéraux et parfois en supprimant une phase (saphirine ou cordiérite). Les 98
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7.3 • Système à 3 constituants indépendants, élaboration d’une grille pétrogénétique
sio2 q
(q)
crd
opx
sil
spr
spr + q opx + sil
q
3 opx
sil spr
(q)
q
4 opx
spr opx + sil + spl 5 opx
sil
spr
[crd]
spl
sil
spl q
q
opx crd
7 sil
6 sil
opx
spl
(spr)
spr spl + q
[opx-sil]
crd q spl+
spl + q opx + sil
q
(q)
spl
d cr + q r sp
spl
sil
d
crd opx + sil +q
(spr)
q 2 opx crd spr
[sp]
spl
al2o3
spr + cr
crd sil spr
spl
spl
opx
mgo
rd spr + c il opx + s
q
1
spl
(spr)
Figure 7.3 – Assemblages divariants dans le système à 3 constituants indépendants : Al2O3-SiO2-MgO.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les différents triangles indiquent les paragenèses possibles dans les différents espaces divariants ; ceux-ci sont séparés par les assemblages univariants en tirets. Attention : cette figure n’est pas une grille P-T, car les angles entre les réactions sont tracés arbitrairement sans respecter la règle des demi-plans de la figure 7.1
lignes de liaison reliant les minéraux ne doivent pas se croiser. Sept triangles regroupent toutes les paragenèses (figure 7.3). Chacun de ces triangles regroupe toutes les paragenèses d’un espace divariant. Ils sont séparés les uns des autres par une ligne univariante. Comme nous l’avons vu au chapitre 5 (figure 5.2), cet assemblage univariant entre deux triangles est constitué des quatre minéraux (M = C + 1) des deux lignes de liaison qui se remplacent mutuellement dans les deux triangles. Les deux lignes de liaison qui se remplacent mutuellement : Opx-Sil/Q-Spr entre les triangles 3 et 4 indiquent que l’équilibre univariant séparant ces deux triangles est Opx + Sil = Spr + Qtz (Spl,Crd). La réaction est appelée « spinelle-cordiérite absents », car ces deux minéraux n’interviennent pas ; la réaction se trouve entre les points invariants [Spl] et [Crd]. Entre les triangles 1 et 3, la cordiérite disparaît et est remplacée par l’équilibre Opx + Sil + Qtz (Spr, Spl). Les réactions Spr + Qtz = Crd 99
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Chapitre 7 • Analyse géométrique des réactions métamorphiques…
(Opx, Sil, Spl), Spl + Qtz = Crd (Opx, Sil, Spr), Spr = Spl + Crd (Opx, Sil,Qtz) et Spl + Qtz = Spr (Opx, Sil, Crd) font intervenir seulement 3 phases au lieu de 4. On remarque que les trois phases sont co-linéaires pour chaque réaction. On appelle de telles réactions des réactions dégénérées. La figure 7.3 n’est pas une grille pétrogénétique, car elle ne respecte pas la règle des demi-plans définie sur la figure 7.1. Nous devons appliquer cette règle pour relier correctement les différents points invariants. Nous remarquons que chaque point invariant possède une réaction en commun avec un autre point invariant : ainsi, la réaction (Spl) autour du point invariant [Crd] est identique à la réaction (Crd) autour du point invariant [Spl] : cette réaction permet de relier les 2 points invariants [Crd] et [Spl] sur le diagramme P-T. Toutes les réactions (Crd) autour des différents points invariants se rejoignent pour dessiner le point invariant [Crd] (figure 7.4). Nous avons remarqué précédemment que les réactions (Opx) et (Sil) sont identiques et nous les avons qualifiées de réactions dégénérées (Opx, Sil)). En conséquence, les points invariants [Opx] et [Sil] sont identiques et se superpose en un point unique [Opx, Sil], lui-même dégénéré. Parfois, ce sont les prolongements métastables des réactions qui se rejoignent en un point invariant que l’on qualifie de point invariant métastable. C’est le cas des points ]Q[ et ]Spr[ (remarquez les crochets à l’envers).
T
q
(q)
opx crd sil spr
rd rc sp crd il = = x s il q op px s o
(spr)
q
spl
opx crd spr
sil
spl
q sil
opx
[spl]
spr
q
sp
spr
spr q
opx s
]spr[
opx
opx spr sil sp
spl
(q)
sp
crd r q
q
ill
(q)
sil
spr rd c spl
l
opx
sil
op
xs
ill
spl
P
(spr)
spr spl q
[crd] q lq sp
opx
[opx-sill]
spl
opx crd
crd
sil
spl
]Q[ (spr)
q
q sil
spl
(spr)
Figure 7.4 – Grille pétrogénétique du système Al2O3-SiO2-MgO pour les métapélites de très hautes températures. Les points noirs sont les points invariants stables à l’intersection des portions stables des équilibres univariants. Le point [opx-Sil] est un point dégénéré ; les équilibres univariants qui rayonnent autour de ce point sont également des équilibres dégénérés : ils ne contiennent que trois phases au lieu de quatre. Les points gris sont des points métastables à l’intersection des prolongements métastables des équilibres univariants.
100
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Exercice
En conséquence, les réactions qui rayonnent autour de ces points métastables (par ex. la réaction]Spr[(Crd)), ne sont stables qu’au-delà d’un point invariant stable (par ex. [Crd]). Par contre, la réaction ]Spr[(Qtz) n’est jamais stable, car elle relie les deux points métastables. Les prolongements métastables des réactions (en tiret) ne limitent pas les champs divariants. Sur la figure 7.4, les points [Spl], [Crd] et [Opx-Sil] sont stables tandis que les points ]Spr[ et ]Qtz[ sont métastables. Une deuxième solution est possible dans laquelle le point [Spr] est stable (et, par voie de conséquence, le point [Qtz]), tandis que les points ]Opx,Sil[, ]Spl[, ]Crd[ sont métastables. La grille qui en résulte est bien différente de celle-ci. Les données thermodynamiques des phases permettent de choisir la « bonne » grille, mais parfois les deux sont applicables dans des conditions physiques différentes. En dernier ressort, la confrontation avec les paragenèses des roches reste le facteur discriminant ! (voir exercice ci-après).
7.4 SYSTÈME
À PLUS DE TROIS CONSTITUANTS INDÉPENDANTS
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les systèmes à C > 3 constituants comportent n = C + 3 points invariants à C + 2 phases en équilibre à partir desquels rayonnent C + 2 équilibres univariants à C + 1 phases. Ils se posent rapidement un problème de représentation graphique des assemblages divariants. Il est possible, dans certains cas, de considérer un ou deux constituants en excès comme nous l’avons fait dans le cas du système à deux constituants (paragraphe 7.2) ; ainsi, pour les métabasites sursaturées en silice (et eau), le triangle ACF (paragraphe 5.3.3) est utilisé pour présenter les assemblages divariants. Dans le cas des métabasites sous saturées en silice, le même système SiO 2-A2O3CaO-(Mg,Fe)O-(H2O), fait intervenir les phases olivine, orthopyroxène, clinopyroxène, grenat, anorthite, spinelle, hornblende (et éventuellement vapeur d’eau si l’on considère que le système est saturé en eau). La représentation graphique des assemblages divariants nécessite des représentations tétraédriques qui sont d’une lisibilité délicate. Il est possible d’explorer ces systèmes complexes par le calcul matriciel et l’élaboration d’algorithmes permettant la construction automatique des diagrammes.
Exercice 1.1 Construction d’une grille pétrogénétique En utilisant les données thermodynamiques de Holland et Powell (1998), calculez les équilibres impliqués dans le point invariant [Spl] de la figure 7.4. Nous considérons que le système est purement magnésien. 101
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Chapitre 7 • Analyse géométrique des réactions métamorphiques…
Minéral En Sil Spr
S (J/mol K)
V J/bar
DHf (J/mol)
Formule
132,5
6,262
– 3 090 260
Mg2Si2O6
95,5 440
4,986 19,87
– 2 585 890 – 11 014 080
Qtz
41,5
2,269
– 910 880
Crd
407,5
23,322
– 9 163 640
Al2SiO5 Mg4Al8Si2O20 SiO2 Mg2Al3AlSi5O18
1.2 Utilisation d’une grille pétrogénétique a) On a recueilli sur le terrain six échantillons de roches métamorphiques contenant les paragenèses suivantes : 1-Spr-Qtz-Sil
2-Spr-Qtz-Opx
3-Qtz-Opx-Sil
4-Crd-Opx-Sil
5-Opx-Spr-Crd
6-Opx-Spr-Spl
En utilisant un diagramme approprié, pouvez-vous déduire si ces échantillons proviennent de la même zone métamorphique ? Si ce n’est pas le cas, pouvez-vous caractériser le (ou les) équilibre(s) univariant(s) séparant les différentes zones métamorphiques ? La composition des minéraux est donnée au paragraphe 7.3. Dans le cas des minéraux ferromagnésiens (solution solide Mg,Fe), simplifiez en utilisant le pôle pur magnésien. Dans le cas de la cordiérite, phase hydratée, négligez l’eau (nH2O). b) La grille pétrogénétique de la figure 7.4 est l’une des deux solutions géométriques possibles dans laquelle les points invariants ]Spr[ et ]Qtz[ sont considérés comme métastables. Dessinez la deuxième solution dans laquelle ces deux points invariants sont stables. Dessinez également les triangles des paragenèses dans les différents champs divariants. Au regard des paragenèses de la question a, cette grille est-elle plausible ?
Solutions 1.1 Dans un premier temps, il faut calculer les coefficients stœchiométriques de chaque réaction. Pour la réaction (crd) : ou
a En + b Sil = c Spr + d Qtz a Mg2Si2O6 + b Al2SiO5 – c Mg4Al8Si2O20 – d SiO2 = 0
On peut écrire les équations suivantes : MgO (2 a – 4 c) = 0 SiO2 (2 a + b – 2 c – d) = 0 Al2O3 (b – 4 c) = 0 Il vient a = b/2 ; c = b/4 ; d = 1,5 b ; on fixe b = 1. 102
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Solutions
(Crd)
0,5 En + 1 Sil = 0,25 Spr + 1,5 Qtz
(Qtz)
0,5 En + 1 Sil = 0,0625 Spr + 0,375 Crd
(Spr)
0,5 En + 1 Sil + 0,5 Qtz = 0,5 Crd
(En, Sil)
0,125 Spr + 1 Qtz = 0,25 Crd
Nous avons vu, au paragraphe 6.1 que P = (DS/ DV)T – DH/ DV. DS/ DV donne la pente de la réaction : c’est l’équation de Clapeyron. – DH/ DV, ordonnée à l’origine, permet de calculer la pression à T = 0 K et ainsi de positionner la réaction dans l’espace P-T. Point invariant
Équil. univariant
[Spl]
(Crd)
10,5
0,254
(Qtz)
18,5625
1,87063
(Spr)
21,25
(En, Sil)
DS (J/mol/K)
5,375
DV (J/bar)
2,4095 1,07775
DH (J/mol)
Pente (bar/K)
11180
41,3386
6 275
P (bar) à T = 0 K – 44 015
9,92315
– 3 354
4 640
8,81926
– 1925
– 3 270
4,98724
3 034
Le point invariant se situe à P = 0,95 GPa et T = 1021 °C (attention ! dans les calculs, l’unité de température est le K).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1.2 a) Il faut placer les paragenèses dans le (ou les) diagramme(s) approprié(s). En application de la règle des phases, on se souvient que les paragenèses correspondent à des assemblages divariants. Le système chimique considéré est Al2O3-SiO2-(Mg,Fe)O du paragraphe 7.3. Les différentes paragenèses se placent dans les triangles des figures 7.3 et 7.4. Paragenèses 1 et 2 : triangle 4 ; par. 3 : triangle 3 ; par. 4 : triangle 1 ; par. 5 : triangle 2 ; par. 6 : dans tous ces 4 triangles. Ces six roches proviennent donc de quatre zones métamorphiques, c’est-à-dire domaines divariants de la figure 7.3, qui se situent autour du point invariant [Spl]. On remarque que la paragenèse 6 est atypique et qu’elle est stable dans n’importe lequel des quatre triangles. Les équilibres univariants séparant les différentes zones métamorphiques sont directement lisibles sur la figure 7.3. b) Bien que réalisée avec les mêmes points invariants, cette deuxième grille est bien différente de la première, simplement en inversant les points invariants stables et métastables. Cette inversion amène à inverser également les 2 points désormais stables [Spr] et [Qtz] par rapport avec l’axe des pressions : le point [Qtz] est à plus basse pression que le point [Spr] dans cette nouvelle configuration. Cette grille inverse ne permet pas de représenter l’ensemble des six paragenèses de la question a. Les paragenèses 1 et 2, avec l’association spr + qtz typique du métamorphisme d’ultra-haute température (UHT ; voir paragraphe 14.4) n’existent pas. La première grille est donc plus appropriée à nos observations pétrographiques. Cependant, les assemblages à spr + qtz sont absents de certaines formations d’UHT où l’assemblage spl + qtz domine, tandis que la saphirine est cantonnée dans les assemblages de basses pressions. Dans ce cas, la grille inverse est plus appropriée pour ces assemblages qui se formeraient dans des conditions fluides (oxydantes) différentes des assemblages à saphirine. 103
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Chapitre 7 • Analyse géométrique des réactions métamorphiques…
T q
q
(spl)
spl
(crd) q
opx crd spr
sil
spl
(opx,sil)
opx spr sil sp
spr spl
l
sil
(spl)
[Qtz]
q opx crd
sil
rd
c il q il x s px s o
op
spl
crd
l sp
opx crd
rd rc l sp x si op
opx crd sil spr
]opx-sil[ q
spl
]crd[
sil
rd
=c
opx
[spr] op
xs
il
spl
(crd)
P
lq
sp
q
opx
sil
spl
cr spl d q (opx,sil) ]spl[
Figure 7.5 – Grille pétrogénétique inverse de celle de la figure 7.3. Les portions métastables des réactions reliant les points invariants métastables n’ont pas été représentées.
104
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LES
RÉACTIONS MÉTAMORPHIQUES MULTIVARIANTES : THERMOMÉTRIE ET BAROMÉTRIE GÉOLOGIQUES
8
8.1 Réaction continue et réaction discontinue 8.2 Le principe de la géothermobarométrie
PLAN
8.3 Un thermomètre basé sur la réaction d’échange fer-magnésium entre biotite et grenat 8.4 Un exemple de géothermobaromètre basé sur l’équilibre cordiérite = grenat + sillimanite + quartz + H2O 8.5 Les logiciels de calculs thermodynamiques multi-équilibres 8.6 Précautions d’utilisation de la géothermobarométrie
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8.7 Étude des inclusions fluides : caractérisation de la phase fluide et géothermobarométrie
La quantification est un des soucis majeurs du pétrologue. Une bonne connaissance de la température et de la pression, c’est-à-dire la profondeur, de formation d’une roche est nécessaire pour tenter de caractériser son évolution géodynamique. L’étude pétrographique et le positionnement d’une paragenèse dans un faciès métamorphique et dans une grille pétrogénétique constituent une première approche, mais qui doit être affinée par une approche thermodynamique, qui est la géothermo-barométrie. Dans les analyses géométriques qui précèdent, les phases intervenant dans les équilibres ont toujours été considérées comme ayant une composition constante, c’est-àdire qu’elles sont des « pôles purs ». La majorité des minéraux sont des solutions solides, dont la composition varie entre ces pôles purs. Au cours de l’évolution 105
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
métamorphique, la composition des minéraux peut changer de façon progressive. Ainsi, nous avons noté un changement relativement rapide de la composition des minéraux des métabasites à la transition entre les faciès des Schistes verts et Amphibolite : c’est l’entrée du calcium dans le réseau du plagioclase, depuis une composition purement sodique (albite) dans le faciès Schistes verts ; c’est, de la même manière, l’entrée de l’aluminium dans le réseau de l’amphibole, depuis une actinote (amphibole peu alumineuse), dans le faciès Schistes verts, qui se transforme rapidement, mais de manière progressive en hornblende, dans le faciès Amphibolite. La modification de la composition des 2 minéraux essentiels des amphibolites se poursuit, de façon plus modérée, lorsque les conditions P et T augmentent à travers le faciès Amphibolite. D’une manière plus générale, il faut noter que la coexistence de phases ferromagnésiennes deux par deux (Grt-Bt ; Grt-Crd ; Opx-Bt ; Opx-Grt, etc.), ou en plus grand nombre, est généralement caractérisée par une répartition inégale du fer et du magnésium entre ces différentes phases. Les atomes de fer et de magnésium ont des dimensions comparables et entrent généralement dans les mêmes sites structuraux des minéraux ferromagnésiens. Mais leurs rayons ioniques sont cependant différents l’un de l’autre (0,74 et 0,66 Å, respectivement). Ainsi des variations de concentration XFe ou XMg dans les phases ferromagnésiennes, entraînent généralement des variations significatives de leurs propriétés thermodynamiques, S et V par exemple. La minimisation de l’énergie libre G d’un assemblage comportant deux ou plusieurs phases ferromagnésiennes implique donc généralement une répartition inégale du fer et du magnésium entre ces phases. Ce comportement se traduit par des réactions divariantes (et mêmes multivariantes) ou réactions continues. Si nous pouvons déterminer précisément comment le fer et le magnésium et les autres éléments se répartissent entre des minéraux coexistants lorsque la pression et la température changent, alors la température et la pression d’une paragenèse donnée peuvent être déterminées grâce à l’analyse chimique de ces minéraux. Ceci est la base de nombreuses méthodes de calcul de la géothermo-barométrie.
8.1 RÉACTION
CONTINUE ET RÉACTION DISCONTINUE
Une zone métamorphique est délimitée par deux « isogrades » qui font apparaître/ disparaître brutalement un (ou plusieurs minéraux). À l’intérieur de la zone métamorphique, entre les deux réactions isogrades, les conditions T et P évoluent et la composition des minéraux change également.
8.1.1 La réaction continue Chl + Ms = St + Bt + Qtz + V La figure 8.1 décrit les modifications minéralogiques des roches de la séquence pélitique par une succession de diagrammes AFM présentés au paragraphe 5.3 .4. Les paragenèses des roches dans ces triangles ont, au maximum, 6 phases : 3 phases au sommet des triangles partiels, auquel s’ajoutent le quartz, la vapeur d’eau (phases en excès) et la muscovite (pôle de projection). Il s’agit d’assemblages divariants avec un nombre de phases équivalent au nombre de constituants (Al2O3-FeO-MgO-K2O-SiO2-H2O ; 106
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8.1 • Réaction continue et réaction discontinue
chl
M
F
Ky + chl + ms + qtz = bt + ky + V
chl + ms = st + bt + qtz + V
st + bt + qtz + V
st
chl + ms + grt
A ky
grt
T
St +
*
bt
chl + ms + st + qtz bt + ky + V
a + qtz + ms +V
*
bt
bt T2
T1
T
st + bt + qtz + V
b
iotite
us B
Solv
T2 T1
chl
s +m
t+
+s
tz + q bt
R3
+
V rite
R2
hlo
C us
lv
So
R1
chl + ms R1
*: R2
XMgO
R3
1
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Figure 8.1 – Représentation graphique de la succession des réactions discontinues-continues d’une série métapélitique dans les conditions du faciès Amphibolite. a) Les triangles AFM (+ K2O + SiO2 + H2O : système chimique avec C = 6) matérialisent les paragenèses (assemblages divariants à 6 phases) dans les zones métamorphiques et sont séparés par les réactions discontinues (assemblages univariants à sept phases) isogrades (Std+ et Ky+). Les deux triangles entre les deux isogrades montrent l’évolution des compositions des minéraux ferromagnésiens dans la zone métamorphique lorsque T augmente ; cette variation de la composition chimique des minéraux provoque le glissement des triangles, ce qui implique une variation de la proportion des minéraux dans les roches. Celle-ci se fait par le biais de réactions continues (à six phases : réactions divariantes). L’astérisque * dans les triangles à T1 et T2 est le point représentatif d’une roche (R2) dans le triangle Bt-Chl-St. La position de l’astérisque dans le triangle AFM est fixe et la proportion des minéraux dans la roche R2 change par le biais de la réaction continue : Chl + Ms = St + Bt + Qtz + V lorsque T augmente. b) Diagramme T-XMgO de la réaction continue Chl + Ms = St + Bt + Qtz + V. La réaction se réalise dans un intervalle variable de T en fonction de la composition de la roche. Les segments à droite du diagramme indiquent les intervalles de T auxquels la réaction se réalise pour les trois roches R1, R2 (*) et R3. Au cours de la réaction, la proportion de chlorite/biotite diminue respectivement tandis que le rapport XMgO des deux minéraux augmente (portions épaissies sur les solvus pour la roche R2). À une température donnée (T2), R1 contient déjà la paragenèse de HT et R3, celle de BT ; R2 contient tous les minéraux de la réaction continue.
107
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
SiO2 et H2O sont en excès). La réaction isograde Std+ est une réaction univariante qui contient 7 minéraux conformément à la règle des phases. Elle sépare deux triangles dans lesquels la ligne de liaison grenat + chlorite (triangle de gauche) est remplacée par la ligne staurotide + biotite (triangle à droite de la réaction). Cette réaction fait apparaître brusquement de la staurotide dans les roches à biotite. Notons, toutefois, que ce minéral existait avant cet isograde dans les roches très alumineuses. Dans la zone métamorphique située entre les deux réactions isogrades St+ et Ky+, la configuration des triangles ne changent pas. Cependant, ceux-ci « glissent » vers la droite, car la composition des minéraux qui sont à leur sommet varie lorsque T augmente. Attardons-nous, par exemple, sur le triangle « st-chl-bt » : celui-ci se déplace vers la droite, car la composition de la biotite et de la chlorite devient plus magnésienne (la composition de la staurotide varie peu) lorsque la T augmente. Le point représentatif de la composition chimique d’une roche est matérialisé par un astérisque (*) dans les deux triangles du milieu de la figure. La position de ce point est fixe dans le triangle AFM, puisque la composition de la roche ne change pas si l’on considère que le métamorphisme est isochimique. La proportion des 3 minéraux dans la roche n’est pas la même dans le triangle « st-chl-bt » à T1 et à T2, puisque ce triangle est différent à chacune de ces T (la proportion des 3 minéraux dans la roche dépend de la position du point représentatif de la roche par rapport aux sommets du triangle). Entre T1 et T2, la chlorite s’éloigne de l’astérisque, tandis que la ligne de liaison staurotide-biotite s’en rapproche. De T1 à T2, la roche s’appauvrit en chlorite et s’enrichit en staurotide + biotite au cours de la réaction chl + ms = st + bt + qtz + V. Cette modification se fait progressivement : on dit que la réaction est « continue », « glissante ». Entre T1 et T2, elle ne fait pas apparaître de nouvelles phases, mais modifie la proportion des phases déjà existantes. Elle contient autant de phases que le nombre de constituants chimiques du système : cette réaction est qualifiée de divariante. Elle se distingue des réactions isogrades univariantes délimitant la zone métamorphique. Ces dernières sont appelées « réaction discontinue », car elles se réalisent à une température fixe et font apparaître brutalement de nouvelle(s) phase(s). Examinons le déroulement de la réaction continue Chl + Ms = St + Bt + Qtz + V dans la roche R2 (*) dans le diagramme T-XMgO de la figure 8.1 b. Sur ce diagramme, une loupe sépare le domaine à chlorite + muscovite d’un domaine à staurotide + biotite (+ quartz et vapeur) : cette loupe est le domaine divariant de la réaction dans un intervalle DT. Elle est limitée par les solvus de la chlorite et de la biotite qui donnent la composition de ces 2 phases à différentes températures. A une température donnée dans l’intervalle DT, la roche contient un couple Chl-Biot aux rapports XMgO (XMgO = MgO / MgO + FeO) contrastés. Lorsque T augmente, le rapport XMgO augmente dans les deux minéraux. La roche R2 contient initialement de la chlorite, muscovite, quartz, éventuellement, un peu de biotite. La T augmente jusqu’à toucher la loupe de la réaction divariante : de la staurotide et de la biotite commencent à cristalliser. La composition de cette biotite est celle du « solvus Biotite » à cette température. Lorsque T augmente, les compositions des biotite et chlorite en équilibre se déplacent le long des solvus respectifs des deux minéraux (portions épaissies sur le solvus). La quantité de 108
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8.1 • Réaction continue et réaction discontinue
staurotide et biotite augmente ; chlorite et muscovite sont consommées jusqu’à disparition de la chlorite. On remarque que la réaction n’évolue que si la température change. Comparons trois roches R1, R2 et R3 ayant la même composition minéralogique aux basses températures du diagramme, mais une proportion différente des minéraux et une composition chimique différente : le rapport XMgO augmente de R1 à R3 (figure 8.1 b) On remarque que la réaction divariante n’intervient pas aux mêmes intervalles de températures dans les trois roches (segments à droite du diagramme). En conséquence, à T2, chaque roche a une paragenèse différente : la roche R1 a déjà acquis la paragenèse de hautes températures tandis que la roche R3 a encore la paragenèse de basses températures ; la roche R2 se trouve dans le champ divariant de la réaction et contient tous les minéraux de cette réaction. À une T fixée, la proportion réactants/réactifs est également fixée ; il en est de même pour le rapport XMgO des deux minéraux couplés. Ainsi, connaissant la composition chimique du couple de ces minéraux et si le diagramme T-XMgO de la figure 8.1b est calibré, il est possible, théoriquement, de calculer précisément la T de cristallisation de la roche : nous avons ici un géothermomètre.
8.1.2 La réaction continue Bt + Sil + Qtz = Grt + Kfs + V La réaction Bt + Sil + Qtz = Grt + Kfs + V se réalise dans les conditions du faciès Granulite dans les métapélites. Elle est divariante dans le système AFM considéré précédemment. Elle est, par contre, univariante si l’on ne considère que le pôle pur Fe (ou Mg). La figure 8.2 représente les 2 réactions pôle pur : pôle pur fer à 650° et 0,8 0,8
0,4
0,4
+k
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fs +c
0,2
rd +v
0,6
0,6
0,2
0,1 si bt+
t gr tz= q l+
Figure 8.2 – Champ divariant de l’équilibre Bt + Sil + Qtz = Grt + Kfs + V pour XH2O = 0,4. D’après Vielzeuf, 1984. Le champ est limité en T par les deux réactions pôle pur (traits épais) : Fe à basse température, Mg à haute température ; les compositions respectives du grenat (tirets) et de la biotite (pointillés) dans le champ divariant sont données en XMg. (XMg = Mg/Fe + Mg). Le champ hachuré correspond au champ divariant de la réaction pour la composition de la roche (*) de la figure 8.3.
109
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
pôle pur magnésien à près de 900 °C. Le domaine entre les 2 réactions pôles purs est le domaine divariant de la réaction dans le système Fe-Mg. Les compositions respectives (XMg) de la biotite et du grenat dans ce champ divariant sont indiquées. On peut apprécier l’intérêt thermométrique d’une telle réaction qui s’étale sur presque 250° et dont la pente forte montre qu’elle est peu influencée par la pression. Le diagramme T-XMg de la figure 8.3, à une pression fixée de 6 kb, indique les compositions chimiques des couples biotite-grenat en début et fin de la réaction pour une composition chimique donnée. En reportant ces valeurs dans le diagramme PT de la figure 8.2, on déduit les températures de début et de fin de la réaction continue pour la composition de la roche (*) : celles-ci sont de 700° et 760° environ respectivement. De même, la température d’équilibre d’une roche contenant l’assemblage de cette réaction peut être calculée en analysant le couple biotite-grenat de la roche. Pourtant, ce géothermomètre potentiel présente une restriction de taille : il est dépendant de la composition de la phase vapeur. En effet, nous avons vu, au paragraphe 3.3.1, que dans les conditions du faciès Granulite, la pression partielle d’eau est inférieure à la pression totale, sinon la roche fond partiellement (nous reviendrons sur ce point au paragraphe 10.4.1). Dans ce cas, l’eau est mélangé à un (ou plus) autre fluide qui est, le plus souvent, le CO2. La réaction a une variance supplémentaire : le système est à C = 7 (Al2O3-FeO-MgO-SiO2-K2O-H2O-CO2) tandis que la réaction continue, avec six phases, est trivariante. (D’une manière générale, lorsqu’une réaction continue a une variance élevée, on dit qu’elle est multivariante). Nous avons vu l’influence importante de la composition de la phase fluide sur la stabilité des assemblages minéralogiques au paragraphe 6.3. La grille de la figure 8.2 est dessinée pour une XH20 = 0,4 (XH2O = H2O/H2O + CO2). Celle-ci est déplacée à des températures très variables selon cette valeur de XH2O. T
P = 6 kb grt + kfs + V at
us
lv So
n gre
+ gr t bt
il + +s
qtz
+
kfs
+V
tite
s lvu
Bio
So
bt + sil + qtz
*
XMg
1
Figure 8.3 – Diagramme T-XMg de la réaction continue Bt + Sil + Qtz = Grt + Kfs + V dans les conditions du faciès Granulite à P = 6kb. La portion magnésienne de la réaction est métastable, car, à la pression de 6kb, elle recoupe la réaction discontinue Bt + Sil + Qtz = Grt + Kfs + Crd + V (voir figure 8.2). Mêmes explications que la figure 8.1b.
110
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8.2 • Le principe de la géothermobarométrie
On comprend que l’évaluation des conditions pression-température est semiquantitative en utilisant des grilles pétrogénétiques basées sur des réactions multivariantes qui font intervenir des phases solutions solides et des phases fluides. Ces réactions sont la base de la géothermobarométrie.
8.2 LE
PRINCIPE DE LA GÉOTHERMOBAROMÉTRIE
Au paragraphe 6.1, nous avons écrit l’expression de l’énergie libre d’une réaction univariante faisant intervenir des phases « pôles purs » : DrG = DrH° – T . DrS° + DrV . P = 0
Que l’on peut réécrire sous la forme suivante, afin d’avoir l’équation de cette réaction dans l’espace P-T : P = (DrS°/ DrV)T – DrH°/ DrV. Lorsqu’une réaction fait intervenir des phases solutions solides et qu’elle est multivariante (continue), elle se déplace dans l’espace P-T-G et son énergie libre varie d’une composante que l’on appelle l’énergie de mélange GM. En conséquence, le DGSS d’une réaction impliquant des « minéraux solutions solides » est : DrGSS = DrG + DrGM
L’énergie libre de mélange est DGM = RT ln K. R est la constante des gaz parfaits, ln, le logarithme népérien et K, la « constante d’équilibre » qui est fonction de la composition chimique des minéraux. DrGSS = DrH° – T . Dr S° + DrV . P + RT ln K = 0
(1)
Cette expression est la base de la géothermobarométrie. En réécrivant cette expression de la manière suivante :
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D rH° + P D rV T = --------------------------------D rS° – R lnK
nous avons un thermomètre. Il est nécessaire de choisir une réaction pour laquelle la variation d’entropie est forte et la variation de volume faible : ainsi, la T calculée est peu sensible aux variations de la pression. En réécrivant l’équation de cette manière : – D rH° + T D rS° – RT lnK P = ---------------------------------------------------------------D rV nous avons un baromètre. Dans ce cas, la réaction à la potentialité barométrique doit avoir une variation d’entropie faible et une variation de volume élevée. Le principe d’un géothermobaromètre est de calculer l’écart (DT, DP) généré par l’introduction des solutions solides dans les minéraux (l’énergie libre de mélange DGM = RT ln K) par rapport à une réaction pôle pur connue. 111
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
8.3 UN THERMOMÈTRE BASÉ SUR D’ÉCHANGE FER-MAGNÉSIUM
LA RÉACTION
ENTRE BIOTITE ET GRENAT Les thermomètres basés sur les réactions d’échanges du fer et du magnésium entre deux minéraux sont sans doute parmi les plus populaires. Ils sont utilisés avec les minéraux suivants : biotite, grenat, olivine, clinopyroxène, orthopyroxène, hornblende, cordiérite, etc. Il se base sur l’échange d’ions de charge et de rayon ionique voisins, tels que Fe2+ et Mg2+, entre deux minéraux. Dans le cas d’un couple biotite-grenat, le calcul de l’équation est basé sur la réaction : Phlogopite + Almandin = Annite + Pyrope
(2)
c’est-à-dire : K [Si3AlO10] Mg3 (OH)2 + Fe3Al2Si3O12 = K [Si3AlO10] Fe3 (OH2) + Mg3Al2Si3O12 où phlogopite et annite, pyrope et almandin sont respectivement les pôles purs magnésiens et ferrifères de la biotite et du grenat. Les volumes des pôles magnésiens et ferrifères d’un minéral ne sont pas très différents : le DV de cette réaction est faible. Par contre, ces réactions d’échanges impliquent une grande variation d’entropie, ce qui en fait de bons thermomètres. La constante d’équilibre K s’écrit : bt ⋅ a grt a phl alm K = ----------------------bt ⋅ a grt a ann prp
a ia est l’activité du pôle pur « i » dans la phase solution solide « a » ; a ia est égal à (Xi . gi)a. X est la concentration de l’élément i dans la phase a ; g, le cœfficient d’activité, mesure la « non-idéalité » de la solution solide. La constante d’équilibre K devient : grt bt bt grt ⋅ X Mg g Fe ⋅ g Mg X Fe ------------------------ = KD ⋅ Kg ⋅ K = -----------------------bt ⋅ X grt g bt ⋅ g grt X Mg Fe Mg Fe
On remarque que le coefficient de distribution KD peut s’écrire plus simplement : ( Mg ⁄ Fe ) Grt K DFe-Mg = ---------------------------( Mg ⁄ Fe ) Bt
(Kretz, 1961)
Dans ce cas, l’expression (1) s’écrit : DrGSS = DrH° – TDrS° + PDrV + 3RT ln K = 0 ou bien : ln K = (– DrH° + PDrV)/3RT + DrS°/3R. 112
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8.3 • Un thermomètre basé sur la réaction d’échange Fe-Mg entre biotite et grenat
Il apparaît que ln K varie de façon linéaire en fonction inverse de T. Dans un diagramme lnK/1/T (figure 8.4 a), cette équation est celle d’une droite de pente (– DrH° + DrV)/3 R et d’ordonnée à l’origine DrS°/3 R. Ferry et Spear (1978) considèrent que les minéraux impliqués dans l’équilibre sont des solutions solides idéales et que, dans ce cas, les coefficients d’activité γ sont égaux à l’unité ; par conséquent : K = KD Ainsi, dans ces conditions, KD, grandeur directement mesurable par l’analyse chimique à la microsonde électronique, est une fonction linéaire inverse de la température.
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La calibration du géothermomètre consiste à établir la relation linéaire entre ln KD(Bt-Grt) et 1/T afin de quantifier les paramètres thermodynamiques de son équation. Dans le cas présent, la calibration est faite à partir des résultats d’expériences réalisées à une pression constante de 2,07 kb, entre 550 et 800 °C (figure 8.4 a). Les concentrations en fer et en magnésium des phases obtenues expérimentalement ont été déterminées à la microsonde électronique. La microsonde électronique permet d’obtenir l’analyse chimique des éléments majeurs, mineurs et quelques traces des minéraux, avec une résolution spatiale de quelques micromètres. Cette étude est faite sur lame mince de roche, ce qui permet d’analyser les minéraux en contact. Les points expérimentaux définissent une bonne relation linéaire dans le diagramme ln KD vs 104 /T. La pente
Figure 8.4 – Élaboration d’un géothermomètre : corrélations entre lnKD et 1/T. a) Pour l’équilibre phlogopite + almandin = annite + pyrope (données expérimentales de Ferry et Spear, 1978). b) Pour l’équilibre FeCrd + pyrope = MgCrd + almandin. Symboles blancs : données expérimentales de divers auteurs ; symboles noirs : données calculées à partir d’assemblages naturels. D’après Thompson, 1984. La corrélation est excellente pour l’équilibre biotite-grenat ; elle est médiocre pour cordiérite-grenat, ce qui limite les applications de ce géothermomètre. Remarquez que, dans le rapport 1/T, T est en Kelvin, tandis que, à l’opposé de chaque figure, la température est exprimée en °C.
113
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
de la ligne est (– DH° + DV°)/3 R = – 2 109 ; l’ordonnée à l’origine est DS°/3 R = 0,782. L’équation de cette droite est donc : 2 109 ln KD(Bt-Grt) = – ------------- + 0,782 T L’expérimentation a été réalisée à pression constante. Connaissant le DrV de la réaction (2), il faut recalculer l’expression précédente pour tenir compte de la faible influence de la pression ; pour finir, elle est réécrite d’une manière plus utilisable comme thermomètre : 2 089 + 9,56 P (kb) T (°C) = ---------------------------------------------- – 273 avec KD = (Mg/Fe)grenat /(Mg/Fe)biotite 0,782 – ln K D Dans cette dernière expression, le degré Celsius remplace le Kelvin qui est préférentiellement utilisé en thermodynamique. De nombreuses calibrations concernant le couple Biot-Gt sont disponibles, utilisant, en particulier, différents modèles de solution solide dans les deux minéraux. De même, de nombreux thermomètres utilisant d’autres couples ont été calibrés. La qualité de ces différents thermomètres est variable. La figure 8.4 b donne l’exemple du thermomètre cordiérite-grenat dont les résultats sont médiocres. D’autres méthodes sont utilisées. Citons les géothermomètres basés sur les réactions d’exsolution (figure 6.3) : ce sont, par exemple, les couples Opx-Cpx, feldspath alcalin-plagioclase, calcite-dolomie.
8.4 UN
EXEMPLE DE GÉOTHERMOBAROMÈTRE BASÉ SUR L’ÉQUILIBRE CORDIÉRITE = GRENAT + SILLIMANITE + QUARTZ + H2O
La mise au point d’un baromètre utilise le même principe que les thermomètres. Dans ce cas, il faut que les réactions présentent une faible variation d’entropie et au contraire, une forte variation de volume. Les roches présentant l’assemblage stable cordiérite + grenat + sillimanite + quartz (± biotite) sont très répandues dans les séries métamorphiques métapélitiques dans les conditions de la fin du faciès Amphibolite et du faciès Granulite. Elles constituent des séries qui affleurent parfois sur de vastes superficies : cet assemblage minéralogique reste donc stable dans un large domaine de pressions et de températures, ce qui correspond à la définition d’un équilibre divariant. La réaction s’écrit : 3 cordiérite = 2 grenat + 4 sillimanite + 5 quartz + H2O
(1)
3 (Mg, Fe)2Al4Si5O18 (nH2O) = 2 (Mg, Fe)3Al2Si3O12 + 4 Al2SiO5 + 5 SiO2 + 3 (nH2O) Cet équilibre ne prend en considération que le grenat ferromagnésien (almandin et pyrope) à l’exclusion de la molécule calcique grossulaire, généralement en faible 114
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8.4 • Un exemple de géothermobaromètre
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quantité dans ces cristaux. L’équilibre se prolonge dans le champ de stabilité du disthène, mais les associations stables disthène + cordiérite sont rares dans la nature. La densité de la cordiérite (2,6 à 2,7) est faible par rapport à la densité des produits de la réaction et, si l’eau n’est pas prise en considération, la réaction correspond à une différence de volume molaire de l’ordre de – 20 %. Cette caractéristique explique la forte potentialité barométrique de l’équilibre. Le comportement de l’eau dans la cordiérite n’est pas très clair : les quantités d’eau sont variables ; elle peut être diluée avec du CO2 et sa situation structurale dans le réseau cristallin est discutée. À très hautes températures, le minéral peut être anhydre. Il existe donc des difficultés dans l’interprétation thermodynamique de l’équilibre (1) qui limitent, de ce fait, son utilisation pratique. La cordiérite et le grenat qui coexistent dans l’équilibre (1) n’ont pas le même rapport Mg/Fe + Mg (XMg) : à l’équilibre, la cordiérite présente toujours un XMg très supérieur à celui du grenat. L’équilibre (1) est donc une réaction divariante et peut être traité exactement de la même façon que l’équilibre biotite-grenat examiné ci-dessus (figure 8.2). Mais ici, en raison de la faible différence d’entropie et de la très forte différence de volume, le paramètre le plus significatif est la pression, et non pas la température. Dans le diagramme P-X à température constante de la figure 8.5, il existe un vaste champ divariant qui s’étend sur près de 9 kb, au sein duquel
Figure 8.5 – La réaction divariante cordiérite = grenat + sillimanite + quartz + eau. (D’après Vielzeuf, 1984.) La figure de gauche est une représentation P-X à 700 °C ; les 2 solvus se développent sur un large intervalle de pression, ce qui confère sa potentialité barométrique à la réaction (DV important). La figure de droite montre le développement du champ divariant entre la réaction pôle pur Fe et la réaction pôle pur Mg. Les compositions de la cordiérite (tirets) et du grenat (en trait plein) sont données en XMg. Les valeurs de ln KD (Crd-Grt) (échange de Fe et Mg entre cordiérite et grenat) sont également portées sur la figure (trait plein à forte pente) : elles ont valeur de thermomètre.
115
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
l’évolution des compositions de la cordiérite et du grenat mesure l’avancement de la réaction en fonction de l’augmentation de la pression. À partir des abaques (XMg)Grt et (XMg)Crd de la figure 8.5, calculées sur la base de données expérimentales et thermodynamiques, la pression d’un assemblage CrdGrt-Sill-Q peut être évaluée entre 4 et 8 kb si la température de cristallisation est connue.
8.5 LES
LOGICIELS DE CALCULS THERMODYNAMIQUES MULTI-ÉQUILIBRES
La combinaison d’un géothermomètre et d’un géobaromètre donne deux droites qui se coupent avec des pentes très différentes, ce qui permet de calculer les T et P d’équilibre de la paragenèse d’une roche. On qualifie de conventionnelle cette méthode d’évaluation thermo-barométrique (figure 8.6). De nombreuses réactions ont des potentialités géothermobarométriques. Des logiciels de calculs permettent d’évaluer rapidement tous les équilibres possibles d’une roche. Un avantage majeur de ces programmes est qu’il utilise des banques de données
grt-pl-sil-qtz
7
P(kb) 6 5 4 3 crd-grt
2
bt-grt
1 500
600
700
800
T ˚C
Figure 8.6 – Géothermo-barométrie conventionnelle appliquée à un gneiss à Pl-Kfs-Bt-Grt-Sil-Crd-Qtz du sud de Madagascar. La température est obtenue grâce à deux réactions d’échanges du fer et du magnésium entre les couples biotite-grenat d’une part et cordiérite-grenat d’autre part. La pression est obtenue avec le (thermo-)baromètre basé sur l’assemblage grt-pl-sil-qtz. Notez que les lignes correspondantes ont des pentes relativement fortes, ce qui rend l’estimation de la pression dépendante de celle de la température. Pour chaque couple, plusieurs calibrations, pour lesquelles les données thermodynamiques et modèles de solution solide sont différents, sont disponibles ; de ce fait, elles donnent des résultats qui peuvent être significativement différents. Le champ gris représente l’estimation P-T raisonnable de formation de la paragenèse du gneiss, en excluant la température obtenue avec le couple crd-grt, dont nous avons signalé les résultats médiocres à la figure 8.4 (Nicollet, 1985).
116
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8.5 • Les logiciels de calculs thermodynamiques multi-équilibres
thermodynamiques « cohérentes » entre elles, contrairement à la thermobarométrie conventionnelle pour laquelle les données thermodynamiques sont obtenues de manière différente (expérimentale ou empirique) selon chaque équilibre utilisé. Ces logiciels calculent tous les équilibres possibles d’un assemblage métamorphique. Les conditions de P et T sont obtenues grâce à l’intersection de ces courbes. En principe, la condition d’équilibre est vérifiée par une bonne intersection des équilibres calculés. 10 000 9 000 2
8 000
1
Pression (bar)
7 000 6 000 5 000 4 000 qtz + an prp+ +e di n
3 000 2 000 1 000 200
400
600
800
1 000
1 200
Température (˚C)
Figure 8.7 – Diagramme P-T obtenu avec le logiciel TWEEQU
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sur une métabasite granulitique de Madagascar. Le calcul utilise l’assemblage grenat-clinopyroxène-orthopyroxène-plagioclase-quartz qui est la paragenèse de la roche. 11 réactions d’équilibres sont tracées en utilisant les pôles purs des minéraux de la paragenèse : pôles ferreux, magnésien et calcique. Seules trois de ces réactions sont indépendantes (lignes épaisses 1, 2 et 3). Les autres réactions sont dépendantes de celles-ci et n’apportent aucune amélioration au résultat : c’est le triangle dessiné par l’intersection des trois réactions indépendantes qui donne l’estimation PT d’équilibre de la paragenèse. 1 : Qtz + Hd + Alm = An + 4 Fsl 2 : En + Hd = Di + Fsl 3 : Qtz+ Prp + Di = An + 4 En 4 : Qtz + Di + Alm = An + 3 Fsl + En 5 : Alm + 4 Di + Qtz = 4 En + 3 Hd + An 6 : Alm + 3 Di = Prp + 3 Hd 7 : Qtz + Prp + 4 Hd = An + 3 Di + 4 Fsl 8 : Alm + 3 En = Prp + 3 Fsl 9 : 3 Qtz + 3 Di + 4 Alm = 3 An + 12 Fsl + Prp 10 : 3 bQtz + 4 Prp + 3 Hd = Alm + 3 An + 12 En 11 : Qtz + Prp + Hd = An + Fsl + 3 En Fsl est l’abréviation de ferrosilite, le pôle pur ferrique de l’orthopyroxène. (Goncalves, 2002).
117
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
1,7
Cpx Grt Opx Qtz Rt 19
mp
Rt x Qtz r t Op t Ilm r t R 23
xA
Cp
mph G
Cpx A
P (GPa)
Une intersection médiocre indique que l’assemblage minéralogique n’est pas à l’équilibre thermodynamique. Mais elle peut s’expliquer aussi par les incertitudes sur les paramètres thermodynamiques et modèles de solution solide utilisés. TWEEQU (Thermobarometry With Estimation of Equilibration State) et THERMOCALC sont les plus utilisés parmi ces logiciels. Compte tenu de leur efficacité et de leur rapidité de calculs, ces méthodes tendent à remplacer les géothermo-baromètres conventionnels. La figure 8.7 donne un exemple d’application sur une métabasite de la formation d’ultra haute température d’Andriamena, à Madagascar (voir chapitre 14.4). La roche est équilibrée dans le faciès Granulite. Une autre famille d’outils thermodynamiques est représentée par les pseudosections (réalisées avec les logiciels PERPLEX et THERMOCALC par exemple). Une pseudosection est un diagramme de phases qui montre, dans l’espace P-T, les champs de la
hG
1,4
px
x
Cp
Q
Cpx Grt Qtz Rt Ilm
tO Gr
26
M1 Cpx Grt Qtz Ilm
27 28
1,1
m
t Il
R tz
Cpx Grt Opx Qtz Ilm
rt Pl G Cpx 2 1
Cpx Amph Grt Ilm
0,8
20
Opx
Qtz
Ilm
Cpx Pl Grt Opx Ilm
22
0,5 600
700
800
900
1000
T (˚C)
Figure 8.8 – Pseudosection P–T dans le système Na2O-CaO-FeO-MgO-Al2O3SiO2-H2O-TiO2 pour la composition d’une métabasite granulitique du Canada. La pseudosection est dessinée avec le logiciel PERPLEX. La paragenèse de la roche est grenat-clinopyroxène-ilménite-quartz ± plagioclase. Le système est saturé en eau, ce qui signifie qu’une phase vapeur d’eau est présente. Les trois nuances de gris indiquent les champs des paragenèses au degré de liberté différent : conformément à la règle des phases, la variance d’une paragenèse est fonction du nombre de constituants chimiques (C = 8) et du nombre de minéraux de la paragenèsese (M), sans oublier la phase vapeur, non représentée sur la figure. Les champs gris, du plus clair au plus sombre, indiquent respectivement une variance de 3, 4 et 5. L’ellipse M1 (tirets noirs) indique les conditions PT estimée pour cette roche avec le logiciel THERMOCALC. Une information complémentaire est apportée par les isoplèthes des teneurs en pôle pur grossulaire du grenat, exprimées en %. (Mahan et al., 2008). Le trajet en tirets blancs est utilisé dans l’exercice à la fin de ce chapitre.
118
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8.6 • Précautions d’utilisation de la géothermobarométrie
stabilité des différents assemblages minéralogiques à l’équilibre pour une composition donnée de roche. Ce n’est pas une grille pétrogénétique qui, elle montre toutes les réactions possibles pour un système chimique, indépendamment de la composition précise de la roche. La pseudosection visualise le domaine de stabilité d’assemblages multivariants de la roche spécifiée. Les lignes d’une pseudosection ne sont pas des réactions univariantes comme c’est le cas dans les grilles pétrogénétiques, mais elles correspondent à des lignes d’apparition ou de disparition d’une phase. Les champs en contact, séparés par une de ces lignes, ont obligatoirement une différence de variance de 1 (figure 8.8). La pseudosection donne la position dans l’espace P-T du champ correspondant à l’assemblage minéralogique de la roche considérée. Elle peut également donner la proportion et la composition des minéraux (sous la forme de courbes isoplèthes) dans ce champ. Elle prédit aussi les paragenèses dans les différentes conditions de l’espace PT. Cette information est intéressante si l’on cherche à tracer le trajet PTt de la roche et/ou bien si celle-ci contient des phases dont on a du mal à estimer la chronologie relative : précoces, contemporaines ou tardives par rapport à la paragenèse supposée.
8.6 PRÉCAUTIONS D’UTILISATION
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DE LA GÉOTHERMOBAROMÉTRIE L’interprétation des résultats de la géothermobarométrie doit être faite avec discernement et esprit critique. Il ne faut pas oublier les limites et négliger les marges d’erreur importantes de la géothermobarométrie ! La première condition pour une estimation correcte des conditions P et T est de travailler sur un couple de minéraux ou assemblages de minéraux à l’équilibre. L’étude débute par une analyse pétrographique soigneuse et se poursuit par un aller-retour entre le calcul et la lame mince. Le (ou les) thermo-baromètre(s) choisi(s) doi(ven)t être appliqué(s) dans un intervalle de conditions P-T, pour un assemblage minéralogique donné, imposé par les conditions de l’expérimentation. Ainsi, pour des raisons de cinétique de réaction, les expériences sont réalisées à hautes températures, souvent supérieures à 600 °C : l’extrapolation vers les basses températures augmente l’incertitude sur le résultat obtenu. Un autre exemple des limites d’application est donné par l’utilisation aux éclogites du baromètre basé sur la concentration en jadéite (pôle pur sodique du clinopyroxène) de l’omphacite. Celui-ci est basé sur la réaction albite = jadéite + quartz et la constante d’équilibre K est calculée à partir des activités de la jadéite dans le clinopyroxène, de la silice dans le quartz et de l’albite dans le plagioclase. Les conditions d’application de ce baromètre sont donc la présence de quartz, ce qui n’est pas toujours le cas, et de plagioclase, ce qui est rarement le cas ! Par définition, l’éclogite est une roche sans plagioclase : la pression obtenue en appliquant ce baromètre sur une éclogite (sans plagioclase) est une pression minimale. Afin de minimiser les erreurs, une approche multi-méthodes est souhaitable. La solution qui se dessine est, sans doute, l’utilisation de la thermobarométrie conventionnelle combinée aux pseudosections, en utilisant une base de données thermodynamiques (paramètres thermodynamiques des différents minéraux, mais aussi des 119
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
modèles d’activité cohérents) identique. Pour finir, ces résultats doivent être compatibles avec les grilles pétrogénétiques semi-quantitatives. Une étude comparative régionale sur des roches appartenant à la même séquence chimique, aux paragenèses voisines, en utilisant les mêmes méthodes thermobarométriques est sans doute plus significative que les valeurs absolues elles-mêmes. A la fin d’une étude soigneuse, la dernière question qui se pose est : quelle est la signification des résultats ? Correspondent-ils aux conditions de cristallisation de la paragenèse étudiée ou bien s’agit-il de valeurs rééquilibrées à un quelconque moment du trajet PTt, et, plus particulièrement, pendant l’évolution rétrograde ? Les thermomètres basés sur ces réactions d’échange sont très sensibles à un rééquilibrage, par diffusion, de la répartition Fe/Mg au cours de l’évolution rétrograde : la paragenèse du pic métamorphique est conservée, mais l’échange fer-magnésium indique des températures inférieures. Puisque la diffusion est une fonction de la température, ces thermomètres sont applicables aux conditions de températures modérées des faciès Schistes verts, Amphibolite, Schistes bleus, Éclogite (de BT), mais sont à utiliser avec précaution dans les conditions du faciès Granulite. Il est, par exemple, difficile d’obtenir des températures cohérentes pour les paragenèses de ultra hautes températures (T > 900 °C) avec ces géothermomètres. Le thermomètre basé sur le couple Biot-Grt est particulièrement sensible à cette diffusion au cours du refroidissement. Un exemple significatif concerne l’interprétation de calculs réalisés sur des couples Grt-Biot entre grenat et cristaux de mica dans la matrice ou cristaux de mica inclus dans le grenat. Les biotites en inclusion ont un rapport XMg nettement plus élevé que les cristaux dans la matrice. Les températures calculées avec ces cristaux au cœur des grenats sont significativement plus faibles que celles obtenues avec les biotites de la matrice. L’interprétation élégante qui n’a pas manquée d’être faite, est que les biotites incluses dans le grenat ont enregistré une étape prograde du trajet PTt de la roche, tandis que les biotites de la matrice conservent les conditions du pic du métamorphisme. Notons que ces cristaux de la matrice sont choisis à une distance respectable du grenat (> 1 mm). Une étude un peu plus approfondie montre que les biotites de la matrice au contact direct du grenat ont les mêmes compositions que les cristaux en inclusion et indiquent les mêmes basses températures que ces derniers : la diffusion est fonction de la distance entre les minéraux et le rééquilibrage rétrograde est plus rapide et plus efficace entre cristaux en contact que cristaux distants. Les basses températures enregistrées par les grenats et les micas inclus et ceux à la périphérie du grenat sont des températures acquises au cours de l’évolution rétrograde de la roche, après le pic thermique et non pas des températures du stade prograde.
8.7 ÉTUDE
DES INCLUSIONS FLUIDES :
CARACTÉRISATION DE LA PHASE FLUIDE ET GÉOTHERMOBAROMÉTRIE Les minéraux des roches métamorphiques contiennent souvent des inclusions fluides, c’est-à-dire des cavités microscopiques (parfois en forme de cristaux négatifs) remplies 120
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8.7 • Étude des inclusions fluides
d’un mélange de phases liquides, gazeuses et parfois solides (figure 8.9). Différentes générations sont parfois présentes dans une même roche. Les contenus de ces différentes populations d’inclusions sont considérés comme représentatifs de la phase fluide interstitielle qui était présente dans le système, aux différentes étapes des recristallisations métamorphiques, et qui aurait été piégée par les cristaux au cours de leur croissance. Cette hypothèse n’est acceptable que si le piégeage s’est accompli dans un réservoir (cavité d’un minéral) tout à la fois étanche et inerte, n’ayant donc pas réagi secondairement avec la phase fluide emprisonnée. Les spécialistes admettent que les cristaux de quartz possèdent ces qualités et que leurs inclusions permettent effectivement de déterminer la composition du fluide interstitiel présent lors des recristallisations.
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Figure 8.9 – Les inclusions fluides et géothermobarométrie. a) Exemple d’inclusion fluide dans un filon de quartz du granite de Monteverdi (champ géothermique de Lardarello, Italie) ; s représente une phase solide non identifiée, peut-être du chlorure de sodium (d’après Cathelineau et al., 1993). b) Utilisation thermobarométrique des inclusions fluides. Inclusions bi-phasées (liquide + vapeur). Lors du piégeage (à Pp et Tp) les inclusions sont constituées d’une phase fluide homogène (monophasée) représentant le fluide interstitiel. Lorsque T diminue l’inclusion reste monophasée le long d’un trajet isochore (à volume constant) dont la pente dans l’espace P-T est contrôlée par la masse volumique, c’est-à-dire par la composition du fluide. À partir de la température Th (température d’homogénéisation) il apparaît une phase vapeur dont le volume croit au fur et à mesure du déplacement des conditions P-T le long de l’équilibre L + V (liquide + vapeur). La microthermométrie consiste à faire effectuer le parcours inverse aux inclusions fluides : partant des conditions ambiantes, l’inclusion est chauffée à volume constant (celui de la cavité dans laquelle elle se trouve) ; à Th elle devient monophasée ; connaissant la composition du fluide homogène, il est possible de calculer la pente de l’isochore. Utilisé conjointement avec un géothermobaromètre minéral (gtb), l’isochore permet de définir les conditions de piégeage si l’inclusion n’a subi aucune modification au cours de son histoire. pc : point critique. (D’après Pécher, 1984).
121
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Chapitre 8 • Les réactions métamorphiques multivariantes…
8.7.1 Composition des inclusions fluides La composition de la phase fluide emprisonnée dans les inclusions est accessible par différentes techniques. Le fluide peut être extrait par écrasement des échantillons, ou par chauffage, et analysé par spectrométrie et spectrométrie de masse. Mais les techniques les plus utilisées actuellement sont la microthermométrie et la microsonde à effet Raman. Dans le premier cas une évaluation de la composition de l’inclusion est obtenue à partir de la détermination des points de congélation et de fusion (apparition et disparition des phases solides telles que chlatrates, glace carbonique eutectique, glace, NaCl, par exemple), et des points d’homogénéisation (disparition des phases gazeuses) ; ces données sont tirées de l’étude des inclusions au microscope, à l’aide d’une surplatine chauffante et réfrigérante (– 180 à + 600 °C) qui permet de faire apparaître ou disparaître les différentes phases suivant les températures appliquées. Cette méthode nécessite de faire des hypothèses sur le mélange qui constitue les inclusions. Cette incertitude peut être levée grâce à une analyse complémentaire à la microsonde à effet Raman qui fournit une composition chimique approximative des inclusions. Celles-ci sont en général constituées de fluides mixtes principalement composés de C – O – H – N ; ces fluides peuvent être traités dans des systèmes relativement simples : H2O + CO2 ± CH4 ± N2 comportant des quantités variables de NaCl en solution, et des quantités subordonnées de CaCl2 et KCl. Les inclusions des séries métapélitiques appartenant au faciès Schistes verts et Amphibolite sont particulièrement riches en eau ; celles des roches qui ont recristallisé dans les conditions du faciès Granulite sont au contraire pauvres en eau, riches en CO 2 ; ceci explique l’absence ou la rareté des phases hydratées dans ces unités.
8.7.2 Caractérisation des isochores et thermobarométrie Au moment du piégeage, au cours du métamorphisme, la phase fluide est supposée homogène (ce qui n’est pas toujours le cas) : elle était monophasée. Pendant l’évolution ultérieure vers les basses températures et les basses pressions, le volume de l’inclusion reste constant si les effets de la compressibilité du quartz sont négligés ; la composition globale ne change pas. L’évolution de la phase fluide est alors contrôlée par un trajet univariant dans l’espace P-T, ou trajet isochore (à volume constant, donc à densité constante). L’inclusion reste monophasée tant que les conditions P-T sur l’isochore restent dans le domaine à une seule phase fluide (figure 8.9). À partir d’une température d’homogénéisation Th, la phase fluide homogène se sépare en plusieurs phases lorsque l’isochore franchit ou suit les équilibres univariants du diagramme de phases correspondant à la composition considérée : phases gazeuses, liquides ou solides, par ébullition, immiscibilité et précipitation. Au cours de cette évolution, la pression dans l’inclusion est totalement contrôlée par la température qui est la seule variable indépendante puisque le volume est constant (en vertu d’une relation proche de celle des gaz parfaits : PV = nRT). Cette évolution est donc réversible par simple chauffage de l’inclusion, par exemple à l’aide d’une surplatine chauffante disposée sous l’objectif d’un microscope : les phases solides et gazeuses disparaissent progressivement et, à partir de la température T h, l’inclusion 122
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Exercice
est réhomogénéisée et ne comporte plus qu’une seule phase fluide qui a la densité (ou le volume spécifique) et la composition de la phase fluide interstitielle présente au moment du métamorphisme. À partir de Th et du diagramme de phases correspondant, il est possible de calculer la densité de la phase fluide et, par conséquent, la position dans l’espace P-T de la courbe univariante de l’isochore correspondant. Il est alors possible de connaître T ou P en connaissant l’un des deux paramètres.
Exercice 1.1 Prédiction de la succession des paragenèses d’une métabasite le long d’un trajet PTt À partir de la pseudosection PT de la figure 8.8, indiquez la succession de paragenèses le long du trajet PTt hypothétique, matérialisé par la flèche en tirets blancs, suivi par la roche qui est utilisée pour réaliser ce diagramme. Quelle est la conséquence sur la composition du grenat ?
Solution 1.1 La succession des paragenèses est indiquée par la minéralogie portée dans chaque champ traversé, en rajoutant systématiquement la phase vapeur (V). Il s’agit de Cpx Amph Grt Ilm V - Cpx Amph Grt Rt Ilm V - Cpx Amph Grt Opx Qtz Rt V Cpx Grt Opx Qtz Rt Ilm V - Cpx Grt Qtz Rt Ilm V - Cpx Grt Qtz Ilm V - Cpx Grt Opx Qtz Ilm V - Cpx Pl Grt Opx Qtz Ilm V - Cpx Pl Grt Opx Ilm V. Le grenat est présent dans toutes les paragenèses, le long de ce trajet. Sa composition évolue. Les isoplèthes du pôle pur calcique (pôle grossulaire) du grenat porté sur la figure montrent que la teneur de celui-ci diminue de 10 % durant l’évolution prograde de la température, mais ne change pas pendant l’exhumation de la roche (décompression isotherme). Le grenat peut être zoné, avec un cœur plus riche en pôle grossulaire.
123
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9
CINÉTIQUE DES RÉACTIONS ET PRÉSERVATION DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
PLAN
9.1 Qu’est-ce que la vitesse de réaction ? 9.2 Quels sont les facteurs qui contrôlent une réaction ? 9.3 Métastabilité des paragenèses : l’exemple des silicates d’alumine 9.4 Cinétique de réaction et préservation des roches métamorphiques
Nous avons noté le rôle majeur de la cinétique de réactions sur la réalisation des processus métamorphiques. Sans entrer dans le détail d’une telle étude qui ferait l’objet, à elle seule, d’un ouvrage, nous allons essayer d’en expliquer le principe.
9.1 QU’EST-CE
QUE LA VITESSE DE RÉACTION ?
Nous savons que les réactions chimiques ne se réalisent pas spontanément : il ne suffit pas de mélanger de l’hydrogène et de l’oxygène pour que se réalise la réaction produisant de l’eau : H2 + 1/2 O2 = H2O. Il faut fournir de l’énergie. La réalisation de la réaction dépend d’un état transitoire entre réactants et produits appelé « complexe d’activation ». Celui-ci a une énergie libre supérieure à celle des réactants et, a fortiori, des produits dont l’énergie est plus faible que celles des réactants. La différence d’énergie entre l’énergie du complexe d’activation et celle des réactants est appelée l’énergie d’activation Ea ou barrière d’énergie. La vitesse de réaction dépend, entre autres choses, de la facilité de franchissement de cette barrière d’énergie. Une expression simplifiée de la vitesse de réaction peut être donnée par l’équation (de type Arrhenius) suivante : Vr = Ae – Ea/RT avec R : constante des gaz parfaits, T : la température et A : le facteur pré-exponentiel dépendant essentiellement de la 124
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9.2 • Quels sont les facteurs qui contrôlent une réaction ?
variation d’entropie de la réaction DS. La vitesse de la réaction est élevée lorsque DS et T sont élevés et lorsque la barrière d’énergie Ea est faible. Remarquons que la barrière d’énergie des réactions de déshydratation est faible, tandis que la variation d’entropie de ces mêmes réactions est élevée : ces réactions ont des vitesses élevées, contrairement aux réactions ne faisant intervenir que des phases anhydres.
9.2 QUELS
SONT LES FACTEURS QUI CONTRÔLENT UNE RÉACTION ?
Pour qu’une réaction se réalise, il faut tout d’abord qu’il y ait dissolution des phases réactantes et ensuite migration des éléments vers le site de recristallisation. Ceci suppose une diffusion intracristalline à travers le milieu solide cristallin et intercristallin, à la frontière des cristaux, avec ou sans phase fluide. Le regroupement des ions sur le site de recristallisation constitue le complexe d’activation. La nucléation permet l’arrangement des atomes en nucléii des minéraux et la croissance, par nourrissage des nucléii, produit les néocristaux. Chacun de ces processus a une vitesse variable en fonction des éléments mis en jeu, des minéraux dont la nucléation est plus ou moins aisée, de la présence de fluides, lesquels favorisent la diffusion et le transport des éléments. C’est le processus qui a la vitesse la plus faible qui contrôle la vitesse de la réaction. Pour une réaction donnée, il n’est pas possible de définir un facteur limitant, d’autant que celui-ci peut changer au cours de la réalisation de la réaction.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
9.2.1 La vitesse de diffusion Considérons, à titre d’exemple, l’un de ces processus : la diffusion chimique. La vitesse de diffusion est gouvernée par le coefficient de diffusion qui diffère de manière significative selon l’élément et le minéral considérés. Elle est très faible dans le solide (diffusion intracristalline), en milieu anhydre et très dépendante de la température. À 400 °C, une couronne minéralogique (comme celles des figures 1.1 et 4 de la planche 1) d’une épaisseur millimétrique, entre deux minéraux réactants se forme en 1 million d’années environ. Il faut environ 100 fois moins de temps si la température est de 800 °C. De telles valeurs sont raisonnables pour expliquer les textures coronitiques de métagabbros peu hydratés. La diffusion à travers la couronne devient rapidement le facteur limitant la vitesse de réaction lorsque la couronne s’épaissit et que la température est basse (< 700 °C).
9.2.2 L’influence de la phase vapeur En présence d’eau, et a fortiori, si celle-ci se déplace (infiltration), la vitesse de diffusion (et de transport) devient très grande avec une « pénétration » des éléments de plusieurs kilomètres à 400 °C en quelques millions d’années. Il est démontré expérimentalement que la réaction MgO + SiO2 = forstérite se réalise 108 fois plus vite en présence d’eau à 450 °C qu’en conditions anhydres, à 1000 °C. L’eau est aussi un solvant très efficace qui facilite la dissolution des phases réactantes. Dans 125
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Chapitre 9 • Cinétique des réactions et préservation des roches métamorphiques
les conditions des faciès Schistes verts et Amphibolite, on note la rareté de textures réactionnelles dans les micaschistes, roches hydratées et perméables, dans lesquelles les réactions se réalisent complètement et rapidement. Le métamorphisme de contact permet d’apprécier la vitesse des réactions. Ce métamorphisme se réalise dans un délai relativement bref, inférieur au million d’années, estimé dans quelques cas à quelques centaines de milliers d’années. Dans ce délai bref, les réactions métamorphiques atteignent généralement l’équilibre. L’infiltration d’eau a un contrôle important sur la vitesse de réaction, en particulier à basses températures. Rubie (1990) écrivait que le moment où une réaction se réalise n’est pas le moment où cette réaction est croisée dans l’espace P-T, mais lorsque les fluides sont disponibles sur le site de la réaction. Il peut se passer des dizaines de millions d’années entre les deux événements ; la réaction peut être franchie durant un premier cycle géologique et se réaliser au cours d’un deuxième. Parmi les différents fluides qui interviennent dans la nature, l’eau est celui qui contribue le plus à une augmentation significative de la vitesse de réaction. Sa dilution par du CO2 provoquerait une diminution significative de la solubilité des minéraux et de la concentration des éléments en solution, ce qui réduit d’autant la capacité du fluide à transporter ces éléments.
9.2.3 L’influence de la déformation Nous avons signalé, à travers l’exemple du Cap Creus (paragraphe 4.2), le rôle important de la déformation sur la recristallisation et, par voie de conséquence, sur la cinétique de réaction. Ainsi, la déformation : • permet et maintient la juxtaposition des grains réactants entre eux. En contexte statique, en l’absence de déformation, lorsque la couronne du minéral néoformée s’épaissit, la diffusion intercristalline nécessaire pour la traverser, ralentit significativement la cinétique de la réaction (cf. ci-dessus). La déformation diminue les distances entre les minéraux réactants en disloquant la couronne qui les blinde. • réduit la taille des cristaux réactants et augmente leur énergie libre, favorisant ainsi le franchissement de la barrière d’énergie. • facilite grandement la diffusion intergranulaire en favorisant la circulation des fluides dans les plans de foliation. Lorsque la déformation provoque une recristallisation dynamique, ce sont les minéraux stables dans ces conditions PT qui cristallisent, alors que les minéraux précoces peuvent persister à l’état métastable dans les zones préservées de la déformation : les paragenèses les plus précoces sont préservées au cœur de « boudins » tectoniques (figure 9.1). En effet, un point important est à noter : la déformation est hétérogène. Un champ de contraintes (forces) exercé sur des matériaux aux propriétés rhéologiques (mécaniques) différentes déforme différemment ces roches : celles-ci ont des réponses différentes à un même champ de contraintes. Un même matériau montre des points de faiblesse à toutes les échelles, depuis le défaut cristallin jusqu’à la fracture à l’échelle de l’affleurement. C’est sur ces points de faiblesse que se localise la déformation. Si 126
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9.3 • Métastabilité des paragenèses : l’exemple des silicates d’alumine
Figure 9.1 – Affleurement d’un boudin d’éclogite dans des gneiss pélitiques.
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1 : éclogite fraîche dont la paragenèse (omphacite + grenat) et la foliation sont préservées ; 2 et 3 : éclogite partiellement rétromorphosée ; en 2, les minéraux préservés de la paragenèse éclogitique sont coronitiques ; en 3, ces minéraux ont disparu, mais la texture de la roche est préservée ; 4 : la roche, complétement rétromorphosée en amphibolite (hornblende + plagioclase), a acquis une nouvelle foliation concordante avec celle des gneiss pélitiques encaissants (5). (D’après Heinrich, 1982). Voir aussi en figure 13.6 les agrandissements de ces différentes zones et la figure 3, planche 6.
un granite préalablement fracturé est déformé, la déformation se localise d’abord le long et à proximité de ces fractures : la déformation est hétérogène. Avec le temps, si le champ de contraintes persiste, elle devient homogène et affecte l’ensemble du massif de manière uniforme. Dans les zones internes alpines du Queyras, des boules hectométriques de métagabbros métamorphisés dans les conditions du faciès des Schistes bleus ne sont pas déformées à l’exception de zones de cisaillement inframétriques qui sont, sans doute, d’anciennes fractures dans le gabbro. Les schistes lustrés (métasédiments océaniques) et métaserpentinites encaissant ces métagabbros sont, au contraire, très déformés. Les métagabbros, objets durs, ne sont pas déformés, car la déformation est accommodée, absorbée par les roches encaissantes très ductiles, très déformables. À titre de comparaison, si l’on exerce des forces sur de la pâte à modeler contenant quelques billes de verre, ces dernières ne seront pas déformées. Les cœurs non déformés des métagabbros ont enregistré les conditions du métamorphisme précoce alpin (Schistes bleus) ; il préserve parfois les conditions du métamorphisme (et de la déformation) océanique (figure 3, planche 8). Par contre, les schistes lustrés encaissants sont largement rétromorphosés dans les conditions Schistes verts tardives. On conçoit l’intérêt d’échantillonner les zones variablement déformées pour tracer le trajet PTt d’une formation (figure 9.1).
9.3 MÉTASTABILITÉ DES PARAGENÈSES : L’EXEMPLE DES SILICATES D’ALUMINE Il n’est pas rare de trouver du disthène dans la zone à sillimanite dans les séries métapélitiques affectées par un métamorphisme de gradient de MP-HT. De même, 127
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Chapitre 9 • Cinétique des réactions et préservation des roches métamorphiques
l’andalousite persiste dans la zone à sillimanite des séries métapélitiques affectées par un métamorphisme de gradient de BP-HT. Le disthène (ou l’andalousite) coexiste avec la sillimanite sans trace de réaction. Cette dernière, sous sa forme fibreuse (fibrolite), est associée aux micas, muscovite ou biotite. La fibrolite se forme au cours de réactions de déshydratation, associées aux micas, tandis que disthène (ou andalousite) persiste à l’état métastable, la réaction polymorphique disthène (ou andalousite) = sillimanite ne se réalisant pas. Nous avons noté précédemment que les réactions de déshydratation ont une vitesse de réaction plus grande que les réactions qui font intervenir des phases anhydres telles que les réactions de transformations polymorphiques des silicates d’alumine. Considérons deux réactions produisant de la sillimanite : une réaction polymorphique (par ex. andalousite = sillimanite) et une réaction de déshydratation (par ex. muscovite + quartz = sillimanite + feldspath potassique + VH2O). La première a une variation d’entropie faible et la deuxième une variation d’entropie forte. Prenons une valeur arbitraire de la barrière d’énergie qu’auront à franchir ces réactions pour se réaliser au cours d’une augmentation de température. Dans les deux cas, l’équilibre de la réaction se déplace vers la droite, produisant de la sillimanite. G
G G = – ST + H
nucléii de C
nucléii de C
C
C A+B
A
+
B <
DT
TE
>
T
<
∆T
>
T
TE
Figure 9.2 – Diagramme énergie libre (G)-T et dépassement de température. Ce diagramme est une section à pression constante du diagramme P-T-G de la figure 6.1 de la réaction A + B = C. Il montre le dépassement en T par rapport à la température d’équilibre TE, avec une barrière d’énergie imposée par la cristallisation des nucléii de la phase C. Le dépassement en T (DT) dépend de l’angle entre les deux lignes d’énergie libre des phases produites et réactantes. L’équation de ces lignes d’énergie est G = – ST + H dont la pente est – S ; en conséquence l’angle entre les deux lignes est égal au DS de la réaction.
Le diagramme énergie libre-T de la figure 9.2 nous permet de comprendre l’influence du DS des réactions sur la cinétique. Ce diagramme est une section du diagramme P-T-G de la figure 6.1 à pression constante. Les lignes d’énergie des différents assemblages (traits pleins sur la figure 9.2) se coupent en un point qui définit la température d’équilibre (TE) à laquelle la réaction doit se réaliser. À une température donnée, les phases stables sont celles qui ont la plus faible énergie G. Pour des raisons cinétiques, la réaction ne se fait pas à TE, mais après franchissement de la barrière d’énergie. 128
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9.3 • Métastabilité des paragenèses : l’exemple des silicates d’alumine
Cette barrière d’énergie peut correspondre à la différence d’énergie entre les gros cristaux des minéraux produits et les nucléii de ces minéraux. Les nucléii ont en effet une énergie de surface plus grande que les gros cristaux. La ligne en tirets est la ligne d’énergie des nucléii des phases produites. Elle coupe la ligne d’énergie des phases réactantes à TE + DT. Ce DT est le dépassement de température nécessaire, par rapport à la température d’équilibre TE, pour que la réaction se réalise après franchissement de la barrière d’énergie. La valeur de DT est fonction de l’angle entre les deux lignes d’énergie : plus cet angle est fort, plus le dépassement est faible ; plus cet angle est faible, plus le dépassement sera élevé. D’autre part, l’équation des lignes d’énergie dans l’espace G-T est G = – ST + H et la pente de ces lignes est – S. En conséquence, l’angle entre les deux lignes est égal à la variation d’entropie de la réaction : DS. Ainsi, le dépassement en T d’une réaction est inversement proportionnelle à la variation d’entropie de la réaction. Les réactions avec un DS faible, comme les réactions de transition polymorphique, ont des dépassements en température élevés tandis que les réactions au DS élevé, comme les réactions de déshydratation, ont des dépassements en température faibles. Sur le diagramme P-T de la figure 9.3, les courbes d’équilibre des transitions des trois silicates d’alumine et de la réaction de déshydratation Ms + Qtz = SiAl + Kfs + VH2O sont tracées en pointillés. Les lignes pleines indiquent les températures auxquelles se réaliseraient ces réactions au cours d’une augmentation de température, en fixant une barrière d’énergie à 1 KJ. On note les valeurs très importantes des DΤ P GPa
ky
sil
0,6
0,4
ky
and
ms + qtz
and
sil
sial + kfs + v
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T ˚C 500
600
700
800
Figure 9.3 – Cinétique de réactions et dépassement de T. Influence de la cinétique de réaction sur les conditions effectives de réalisation de deux types de réaction en considérant une barrière d’énergie de 1kJoule : une réaction de déshydratation Ms + Qtz = Kfs + SiAl + V au ∆S élevé et les transitions polymorphiques des silicates d’alumine aux ∆S faibles. Le diagramme de phases à l’équilibre des 2 types de réactions est dessiné en pointillés. Les lignes en traits pleins indiquent les conditions effectives dans lesquelles ces réactions se réalisent au cours d’une évolution dans des conditions progrades en température. Dans ces conditions, un micaschiste à Ms + Qtz + And à 550 °C contient Qtz + Sil + Kfs + And lorsqu’il est porté à 750 °C et Qtz + Kfs + Sil à 900 °C (étoiles et flèches). Dans une évolution rétrograde en T, les lignes en traits pleins sont déplacées de la même valeur ∆T audelà des courbes à l’équilibre (lignes pointillées) vers les basses températures. SiAl : silicates d’alumine (D’après Barnicoat et al.)
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Chapitre 9 • Cinétique des réactions et préservation des roches métamorphiques
des transitions des silicates d’alumine, en particulier, la transition And = Sil qui a une très faible DS. Au contraire, le dépassement de T de la réaction de déshydratation est très faible (quelques degrés). Dans ce diagramme, suivons l’évolution d’une roche dont la paragenèse est Ms + Qtz + And à 550 °C et qui est portée à 750, puis 900 °C. La pression de 0,4 GPa reste constante. On considère que le quartz est en quantité supérieure au mica blanc. À 750° C, la roche a franchi la réaction de déshydratation et le silicate d’alumine produit au cours de cette réaction est la sillimanite, puisque la réaction est franchie dans le champ de stabilité de ce minéral. Par contre l’andalousite persiste, car la barrière d’énergie de la transition polymorphique n’a pas été dépassée. La minéralogie de la roche est Qtz + Kfs + And + Sil. Les 2 silicates d’alumine coexistent dans la roche. Par contre, à 900°, l’andalousite se transforme en sillimanite. Nous avons noté précédemment que nombreux facteurs interviennent pour augmenter la vitesse de réaction. Nous avons remarqué que la transition andalousite – sillimanite est localisée dans les plans de foliation au Cap Creus (paragraphe 4.2) : elle est facilitée par la déformation. Revenons aux micaschistes dans lesquels coexistent disthène et sillimanite. Parfois, le disthène est corrodé et inclus dans la muscovite (figure 4, planche 3), suggérant une transformation du silicate d’alumine en muscovite par la réaction ionique (ou de lessivage) proposée pour expliquer la rétromorphose de la sillimanite au Cap Creus (paragraphe 6.4.2) : 3 Ky + 3 Qtz + 2 K+ + 3 H2O = 2 Ms + 2 H+ Cette réaction suppose la présence d’un fluide et un transfert d’ions H + et K+. Ceux-ci pourraient provenir de la réaction inverse qui produirait de la sillimanite : 2 Ms + 2 H+ = 3 Sil + 3 Qtz + 2 K+ + 3 H2O. Le bilan total de ces deux réactions est : 3 Ky = 3 Sil Ainsi, la transition polymorphique, qui a une cinétique de réaction faible, se réalise par le biais de réactions ioniques. La réaction se réalise à partir de la migration d’ions H+ et K+ dans une phase aqueuse qui sert de solvant et avec l’aide d’un catalyseur : la muscovite.
9.4 CINÉTIQUE
DE RÉACTION ET PRÉSERVATION DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES
Ce chapitre donne un aperçu de la diversité des paramètres qui contrôlent la cinétique des réactions. Il met l’accent sur les points suivants : la vitesse des réactions varie considérablement et on peut noter les rôles majeurs de l’eau, de la température et de la déformation. La préservation des roches métamorphiques dépend du rapport entre cette vitesse de réaction et la vitesse de l’évolution PT. Au cours du trajet prograde dans un régime de convergence (tel que celui de la figure 2.1), la déformation, en 130
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9.4 • Cinétique de réaction et préservation des roches métamorphiques
régime de compression, est importante ; l’eau est abondante, libérée par les réactions de déshydratation et la pression partielle d’eau égale à la pression lithostatique est sans doute la règle générale. Peut-être qu’elle la dépasse même régulièrement, engendrant une fracturation hydraulique favorisant l’infiltration du fluide. Il est vraisemblable que les réactions progrades dans les métapélites (et autres métasédiments hydratés) se réalisent au cours de séries de réactions ioniques comme celles discutées ci-dessus. Dans ce cas, le dépassement en température est faible (quelques degrés) et les roches recristallisent à la même vitesse que l’évolution des paramètres P-T. Les reliques de cette évolution prograde sont exceptionnelles. De telles reliques existent dans les roches peu hydratées et peu perméables, comme les métabasites, et qui ont échappé, sous la forme de boudin, à la déformation et à l’infiltration de fluides. Au cours du trajet rétrograde en température, la déformation est peu importante et l’eau n’est plus disponible. Sur la figure 9.3, le dépassement en T se fait vers les basses températures, à partir de la courbe d’équilibre. Celui-ci implique que les réactions avec un DT important (c’est-à-dire celles faisant intervenir essentiellement des phases anhydres) ne pourraient se réaliser qu’à très basses températures. Mais nous avons indiqué le rôle important de la T sur la cinétique : ainsi, ces réactions ne se réalisent pas dans le sens rétrograde. Par contre, les réactions faisant intervenir l’eau ont des dépassements en T très faibles, mais dans ce cas, c’est l’eau qui n’est généralement plus disponible ! Pendant l’évolution rétrograde, les vitesses de réaction sont faibles et seules des zones limitées recristallisent et enregistrent cette évolution rétrograde. Nous avons décrit précédemment l’exemple du Cap Creus (paragraphes 4.2 et 6.4.2) où la recristallisation rétrograde est contrôlée par la déformation localisée aux zones de cisaillement et par l’infiltration de fluides localisée au voisinage des pegmatites.
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MIGMATISATION ET ANATEXIE
PLAN
10.1 Définition des migmatites et de l’anatexie 10.2 Origines des migmatites 10.3 Fusion partielle des métapélites 10.4 Migmatites, granites, charnockites et faciès granulite
Les zones de plus haut degré d’une série métamorphique sont souvent constituées de gneiss présentant un litage formé de l’alternance de niveaux clairs et sombres. Ces roches sont des migmatites ou gneiss migmatitiques. Elles sont aussi associées à des granites d’anatexie.
10.1 DÉFINITION
DES MIGMATITES ET DE L’ANATEXIE
Le mot « migmatite » trouve son origine dans le mot grec « migma » qui signifie mélange ; ce mélange est constitué d’une partie sombre aux caractéristiques de roche métamorphique et d’une partie claire qui a l’aspect d’une roche magmatique, généralement de nature granitoïde. Les migmatites sont souvent qualifiées de gneiss migmatitiques, car, comme les gneiss, elles présentent un litage constitué d’une alternance de niveaux clairs et sombres, d’épaisseur centimétrique à décimétrique. Le niveau clair est appelé leucosome (du grec leukos : blanc et sôma : corps), car la proportion de minéraux clairs, feldspath et quartz, est supérieure à celle des minéraux sombres (biotite, amphibole principalement). Dans le niveau sombre appelé mésosome (du grec mesos : au milieu), la proportion minéraux clairs-minéraux sombres est intermédiaire entre celle du leucosome et celle du mélanosome (du grec melanos : noir) qui constitue parfois de fins liserés enrichis en minéraux sombres, (figure 10.1 et 10.2). Le lien est souvent fait entre les migmatites et l’anatexie. Ce dernier mot, qui dérive lui aussi du grec (anatêksis), signifie fusion. Les gradients métamorphiques de MP-HT et BP-HT franchissent généralement la courbe de fusion des granites hydratés (figure 3.3). Dans ces conditions de haute température (T > 650 °C), des liquides de composition granitique et granodioritique 132
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10.2 • Origines des migmatites
Figure 10.1 – Migmatite à quartz, feldspath, biotite. Le leucosome et le mésosome sont bien individualisés alors que le mélanosome constitue un fin liseré biotitique. Le litage des leucosome et mésosome est généralement concordant à la foliation bien visible dans le mésosome, ce qui suppose une ségrégation du magma limitée à l’échelle de l’échantillon, depuis le mésosome vers le leucosome. Cependant, un filon discordant montre un début de migration du magma granitique.
sont produits par fusion partielle des métapélites et métabasites. Notons que, du fait de la pente très accentuée du gradient, les séries de HP-BT ne sont généralement pas affectées par la fusion partielle (figure 3.3), sauf dans quelques cas particuliers. Cependant, si le lien entre migmatites et fusion partielle est bien établi et communément accepté, d’autres origines sont envisagées.
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10.2 ORIGINES
DES MIGMATITES
Plusieurs origines sont proposées pour ces migmatites : • litage originel du protolithe avec alternance de niveaux gréseux (à l’origine des leucosomes) et argileux ou grauwackeux (à l’origine des mésosomes) ; • filons granitiques injectés dans le plan de foliation des roches métamorphiques encaissantes en périphérie d’un massif de granite intrusif ; • différenciation métamorphique par migration chimique ou ségrégation chimique (métasomatose) ; il s’agit d’un processus à l’état solide ; • fusion partielle (anatexie) des roches et ségrégation (migration) du magma granitique qui se concentre dans les leucosomes. Dans ce cas, les migmatites sont aussi appelées anatexites. L’anatexie est le processus majeur à l’origine des migmatites. Cependant, la contribution simultanée de plusieurs origines ne peut pas être exclue : un gneiss migmatitique d’origine anatectique pouvait présenter un litage originel et/ou a pu 133
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Chapitre 10 • Migmatisation et anatexie
être injecté de filons granitiques. Les leucosomes ont parfois une texture grenue, peu orientée rappelant celle des roches magmatiques, tandis que le mésosome montre au contraire une texture très orientée caractéristique des roches métamorphiques. Le mésosome est parfois appelé « paléosome » tandis que leucosome et mélanosome sont appelés « néosome » (figures 10.1 et 10.2). Ces définitions sous-entendent que le paléosome représente la roche métamorphique initiale tandis que le néosome représente la partie nouvellement formée dans la roche par fusion partielle. D’une manière plus réaliste, le paléosome/mésosome est partiellement fondu, mais les liquides et résidu ne sont pas séparés. Dans le néosome, il y a ségrégation plus ou moins complète du liquide et du résidu entre le leucosome et le mélanosome. Le leucosome, que l’on appelle aussi le mobilisat, ne représente pas strictement la composition du liquide ségrégé, mais plutôt un mélange, en proportions variées, de magma et des phases en excès non consommées par la fusion. Il s’y ajoute parfois de nouvelles phases solides lorsque la fusion est incongruente. Le résidu de la fusion est appelé le restite, qu’il ne faut pas confondre avec le résister, qui est une roche ou portion de roche réfractaire qui n’a pas fondu. P-T croissants
mélanosome = néosome leucosome
anatexie mésosome = paléosome
Figure 10.2 – Schéma illustrant la terminologie utilisée pour définir les migmatites. Les mots mélano, leuco et mésosome définissent les migmatites de façon pétrographique et peuvent être appliqués quelle que soit l’origine de ces roches. La classification se base sur la couleur des différents niveaux. Les mots néo et paléosome ont une connotation pétrologique et se réfèrent à une origine par anatexie. Le paléosome est équivalent au mésosome et est censé représenter la roche initiale métamorphique avant la fusion (représentée à gauche), tandis que le néosome (leucosome + mélanosome) constitue la partie nouvellement formée par fusion partielle : la partie claire (leuco) est la partie fondue et la partie sombre (mélano), la partie résiduelle. L’épaisseur des leucosomes est centimétrique à décimétrique.
10.3 FUSION
PARTIELLE DES MÉTAPÉLITES
Comment fabrique t-on un magma de composition granitique (leucosome) à partir de roches métamorphiques de composition pélitique (ou autre) (mésosome) (figure 10.3 c) ? Nous savons que le premier liquide produit par la fusion partielle d’une roche, appelé liquide eutectique, a une composition très différente de la composition de la roche de départ. Le diagramme de phases au liquidus dans le système A’KF (figure 10.3 a et b) montre que la composition eutectique, proche du pôle potassique, est bien différente de celles des pélites et grauwackes, les sédiments les plus abondants sur la surface 134
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10.4 • Migmatites, granites, charnockites et faciès granulite
Figure 10.3 – Relations de phases au liquidus dans le système A’KF (d’après Vielzeuf et Holloway, 1988).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Le système A’KF permet de représenter les métapélites et les métagrauwackes de la croûte continentale, en négligeant les concentrations en Ca, c’est-à-dire le plagioclase. Le système ne comporte pas d’eau libre : l’eau libérée par les réactions de déshydratation est dissoute dans le liquide. Les diagrammes (a) et (b) montrent la composition du liquide anatectique produit à 5 et 10 kb, pour toute composition dans le système (étoiles blanches). Le triangle (c) montre la composition des liquides eutectiques à 2, 5, 10 et 20 kb (étoiles noires). La fusion partielle de toute composition de métapélite ou métagrauwacke conduit à l’apparition d’un leucosome de composition granitique, et d’un mélanosome (résidu solide de la fusion) anhydre ou pauvre en eau, enrichi en minéraux réfractaires : sillimanite (Sil), cordiérite (Crd), grenat (Grt), spinelle (Spl) et orthopyroxène (Opx). l : liquide ; Bt : biotite ; Kfs : feldspath potassique ; Ms : muscovite.
du globe, et a une composition granitique. Les travaux expérimentaux montrent que la position de cet eutectique est peu influencée par la pression (figure 10.3 c), ce qui signifie que la composition du magma granitique varie peu en fonction de la profondeur de la région source. La composition des migmatites peut varier de manière non négligeable si elles sont les produits de la fusion partielle de roches très différentes. Ainsi, la fusion partielle de métabasites produit des migmatites basiques dont le leucosome est de composition granodioritique à dioritique et dans lequel l’amphibole domine et le feldspath est du plagioclase. Un tel mécanisme pétrogénétique est à l’origine de certains plagiogranites de la croûte océanique (voir chapitre 15).
10.4 MIGMATITES,
GRANITES, CHARNOCKITES
ET FACIÈS GRANULITE Nous avons remarqué que le faciès Granulite se situe au-delà de la courbe de fusion hydratée qui matérialise le début de l’anatexie (paragraphe 3.3.1 et figure 3.3). Nous avons aussi noté la succession du faciès Amphibolite et de l’anatexie et l’absence du 135
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Chapitre 10 • Migmatisation et anatexie
faciès granulite dans les séries métamorphiques telles que, par exemple, les séries de gradient de moyennes pressions. Les séries de faciès granulite contiennent parfois des granites à orthopyroxène nommés « charnockites ».
10.4.1 Influence de l’eau sur la transition faciès amphibolite-faciès granulite et anatexie Il faut se rappeler que le faciès Granulite se caractérise par une majorité de minéraux anhydres et des conditions anhydres. Celles-ci sont obtenues, soit par l’absence de phase fluide (V), soit en diluant l’eau avec un autre fluide : on considère qu’il s’agit principalement de dioxyde de carbone (CO2). Dans le métamorphisme régional dans la croûte continentale, il est admis que les conditions hydratées dominent, c’est-àdire que la vapeur d’eau est la principale phase fluide : P H2 O = PL ; c’est ce qui est indiqué sur la figure 10.4. (M)
(H)
T
V +
G
A
A + H V
M
Am H + M V
PH2O
(A)
H A + M
An
(V)
V M H A H2O
c1
Figure 10.4 – Diagramme de phases de la transition faciès Amphibolite (Am)faciès Granulite (G)-anatexie (An) avec PT = PH2O. A, H, M et V sont respectivement les minéraux anhydres, hydratés, le magma et la phase vapeur d’eau. Le tracé de ce point invariant respecte les règles énoncées au chapitre 7 et à la figure 7.1. Les petites flèches indiquent comment les réactions se déplacent le long de la réaction (V) lorsque l’eau est diluée par un autre fluide (CO2 par ex.) : voir figure 10.5. Les lignes en tirets matérialisent les gradients métamorphiques. Le segment indique la position des phases sur le diagramme de composition binaire H2O-c1 ; le magma est matérialisé par un segment, car sa composition change lorsque le taux de fusion partielle augmente. Le champ du faciès Amphibolite est limité par les réactions (A) et (M) ; celui du faciès Granulite par les réactions (H) et (M) et le domaine de l’anatexie (champ gris) par les réactions (H) et (A).
Cette figure visualise les types de réactions qui limitent le domaine du métamorphisme de celui de l’anatexie. Les phases A, H et M sont respectivement les phases anhydres, hydratées et magmas ; notons que ces phases ne sont pas nécessairement identiques dans les différentes réactions. Nous reconnaissons une réaction métamorphique 136
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10.4 • Migmatites, granites, charnockites et faciès granulite
(réaction subsolidus) de déshydratation (M) H = A + V qui ne fait pas intervenir la phase M ; les réactions (H) A + V = M et (A) H + V = M sont des réactions de fusion eutectique, tandis que la réaction (V) H = A + M est une réaction de fusion péritectique qui produit un magma et un nouveau minéral. Celle-ci ne fait pas intervenir la phase V et est appelée « réaction de fusion vapeur absente » (ou encore, ce qui n’est pas très explicite, « réaction de fusion-déshydratation ».) Sur cette première figure en conditions hydratées ( P H2 O = PL), le domaine du faciès Granulite (G), avec des minéraux anhydres, est restreint aux très faibles pressions (P < 0,1 GPa) : il s’agit du faciès Cornéennes à pyroxènes du métamorphisme de contact. Si la vapeur d’eau est diluée avec du dioxyde de carbone, les réactions se déplacent dans l’espace P-T dans le sens des flèches de la figure 10.4, de telle sorte que les champs de stabilité des phases les plus hydratées vont diminuer (figure 10.5). Il s’agit de H dans la réaction H = A + V et M dans les réactions de fusion eutectique : A + V = M et H + V = M. Dans la réaction de fusion péritectique H = A + M, il n’y a pas de libération de vapeur (réaction (V) = vapeur absente), ce qui laisse supposer un équilibre entre les deux phases hydratées H et M (par le biais de coefficients stœchiométriques appro-
V
V
M
M+ H A
M
+
An
A
+
G
A+
A H
T
V
T
G
M
H+
Am
H
+V
Am
A
An
PF
V
P = cte
a (V)
b XCO2
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 10.5 – Diagramme de phases de la transition faciès Amphibolite (Am) – faciès Granulite (G) – anatexie (An) avec PT = PF = PH2O+PCO2 a) Diagramme de phases P-T montrant le déplacement des limites des faciès Amphibolite, Granulite et anatexie le long de la réaction (V) H = M + A. Les réactions en trait plein sont dessinées pour un XCO2 correspondant à la valeur de la ligne pointillé verticale du diagramme de droite. Les réactions avec PT = P H2 O du diagramme 10.4 sont dessinées en pointillés. Même légende que la figure 10.4. b) Diagramme de phases T-XCO2 à P = cte identique à l’extrémité du gradient métamorphique de la figure a. Notons qu’à la T à l’extrémité de ce même gradient, marquée par la ligne pointillée horizontale sur le diagramme de droite, migmatites, roches du faciès Amphibolite et du faciès Granulite coexistent pour différentes valeurs de XCO2. Remarquez que les conditions optimales en T des amphibolites ne sont pas atteintes pour P H2 O = PT. Les diagrammes binaires ne sont pas représentés sur le diagramme P-T, car ils sont identiques à ceux de la figure 10.4, à ceci près que la phase V est ici un mélange d’eau et de CO2.
137
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Chapitre 10 • Migmatisation et anatexie
priés) : cette réaction reste fixe et indépendante de la fraction molaire XH 2O. En conséquence, le point invariant (et les trois réactions « glissantes ») glisse le long de la réaction de fusion péritectique (flèche blanche qui reste parallèle à la réaction ; figure 10.4). Le champ du faciès Granulite s’ouvre entre celui du faciès Amphibolite et le domaine de l’anatexie (figure 10.5). Le diagramme T-XCO2 (XCO2 = CO2 /H2O + CO2) de la figure 10.5 b montre que gneiss migmatitiques, roches des faciès Granulite et Amphibolite peuvent coexister en fonction de variation de la composition des fluides.
10.4.2 Migmatites et granites Sachant que le leucosome a une composition granitique, quel est le lien entre les migmatites et les massifs granitiques ? Dans les migmatites, le site de fusion et de cristallisation du magma produit est le même : il n’y a pas eu (ou peu) de migration du magma depuis la source jusqu’au lieu de cristallisation (figure 10.1). Au contraire, les magmas à l’origine des granites ont migré. On distingue les granites d’anatexie qui se sont peu ou pas déplacés et sont en équilibre thermique avec leur environnement métamorphique : ils en représentent le stade ultime. Les granites intrusifs, eux, ont fait « intrusion » dans un encaissant froid, métamorphique ou pas ; ils ont migré depuis leur région source. Il n’y a pas équilibre thermique entre l’environnement et le magma granitique, ce qui est bien mis en évidence par une auréole de métamorphisme thermique ou de contact autour de l’intrusion (voir chap. 11). Sur la figure 10.4, suivons l’évolution d’une roche le long du gradient métamorphique de MP. La roche est progressivement déshydratée en franchissant une succession de réactions sub-solidus (non représentées sur la figure, mais du type : H = A + V). Elle atteint la réaction H + V = M ; la fusion commence, mais la vapeur disponible dans la roche est rapidement épuisée, car la phase M est très hydratée. La fusion s’interrompt (sauf apport d’eau par une source externe) et la production magmatique est limitée. Si la température augmente encore, la réaction « fluide absent » (V) H = A + M est franchie dans les conditions du faciès Granulite. Cette réaction de fusion (qui est incongruente) n’est plus limitée par la disponibilité de la phase fluide et la production magmatique peut être importante. Ce n’est que lorsque le volume de magma est suffisamment important qu’il y a séparation de la source. Pour de faible taux de fusion partielle, la ségrégation se limite à produire des migmatites (figures 10.1 et 10.2). Pour des taux élevés, le magma granitique migre vers la surface, formant des granites d’anatexie, lorsqu’ils sont encore assez proches et reliés à leur source migmatitique ou des granites intrusifs, lorsqu’ils sont arrivés à faible profondeur. Ainsi, la migmatisation hydratée des séries métamorphiques dans le faciès Amphibolite ne peut pas produire de plutons granitiques, sauf apport extérieur d’eau. Par contre, la fusion « fluide absent », à plus hautes températures, dans les conditions du faciès Granulite est susceptible de produire une grande quantité de magma granitique qui peut migrer vers la surface sous la forme de massifs granitiques. Nous reviendrons 138
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10.4 • Migmatites, granites, charnockites et faciès granulite
plus loin (paragraphe 14.3.2) sur les conséquences de cette discussion sur la différenciation de la croûte continentale.
10.4.3 Charnockites et gneiss charnockitiques La charnockite est une roche de composition granitique contenant de l’orthopyroxène, associé ou non à de la biotite, parfois de l’amphibole et du grenat, des minéraux « opaques » (oxydes métalliques) auxquelles s’ajoutent les minéraux leucocrates du granite : quartz, plagioclase et feldspath potassique. Cette charnockite peut avoir une origine métamorphique : elle présente alors la texture des roches métamorphiques : foliation ou litage métamorphique ; on parle de gneiss charnockitique. Elle peut avoir une origine magmatique « granitique ». Dans ce cas, elle a une texture grenue. Le mot de charnockite a été défini par Holland en 1900, à partir du nom de Jacob Charnock (fondateur de Calcutta) dont la tombe est faite de cette roche, abondante en Inde. En France, il n’y a qu’un massif de taille significative (quelques km 2) : la charnockite d’Ansignan dans le massif nord-pyrénéen hercynien de l’Agly (au sud de St-Paul de Fenouillet ; voir paragraphe 14.2.1). Le diagramme PT de la figure 10.6 est directement déduit de la figure 10.4. La réaction Bt + Qtz = Opx + Kfs + M est la réaction « fluide absent » équivalente de la réaction (V) H = A + M. La figure 10.6 permet de comprendre les relations entre les faciès Amphibolite, Granulite et les charnockites. T
Q
s
+
V
tz + M
Op
tz
+Q
Kf
Kfs
+
G
+
x+
px
Bt
V
O
Am
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Bt + Kfs M + Qtz + V
An Opx Bt + + Qtz Kfs + M
P Figure 10.6 – Diagramme de phases de la transition faciès Amphibolite (Am)-faciès Granulite (G)-anatexie (An) pour les compositions granitiques-charnockitiques. Les réactions (Kfs) et (Qtz) ne sont pas représentées. Bt : biotite ; Kfs : feldspath alcalin ; Qtz : quartz ; Opx : orthopyroxène ; M : magma : V : vapeur.
Prenons trois exemples de gradients métamorphiques : le gradient aux pressions les plus élevées correspond à un gradient de moyennes pressions-hautes températures ; 139
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Chapitre 10 • Migmatisation et anatexie
les deux autres gradients, à plus basses pressions, correspondent à des gradients de basses pressions-hautes températures et, pour celui de plus BP, du métamorphisme de contact. Un ensemble de roches de composition appropriée est métamorphisé dans les conditions d’un gradient de MP ; à hautes températures, ces roches atteignent les conditions du faciès Amphibolite, puis celles de l’anatexie : elles fondent partiellement (réaction biotite + quartz + feldspath potassique + vapeur = magma) et donnent des migmatites ou gneiss migmatitiques ou anatectiques. En général, les conditions de la réaction biotite + quartz = magma + orthopyroxène + feldspath potassique ne sont pas atteintes. À l’opposé, dans les conditions de très basses pressions (ligne pointillée la plus haute sur la figure), les roches franchissent la réaction biotite + quartz = orthopyroxène + feldspath potassique + vapeur et deviennent des gneiss charnockitiques du faciès granulite. Ces roches, déshydratées, ne peuvent pas fondre, car l’eau n’est pas disponible pour la réaction orthopyroxène + feldspath potassique + quartz + vapeur = magma. Considérons le cas intermédiaire. La réaction biotite + quartz + feldspath potassique + vapeur = magma est franchie. La fusion commence, mais la vapeur disponible dans la roche est rapidement épuisée ; si la température augmente encore, la réaction biotite + quartz + feldspath potassique = magma + orthopyroxène (qui ne nécessite pas d’eau) est alors franchie (à plus basses T qu’à MP) et la fusion produit un magma charnockitique. Deux origines sont possibles pour les charnockites : métamorphisme dans les conditions du faciès Granulite et anatexie à hautes T. Le champ des gneiss charnockitiques métamorphiques est élargi si l’eau est diluée par un autre fluide : les réactions glissent le long de la réaction biotite + quartz = magma + orthopyroxène + feldspath potassique (qui est une réaction « vapeur absente ») comme sur la figure 10.5.
Exercices 1.1 Anatexie et diagramme de phases Réalisez deux coupes T-composition (segment Al2O3-K2O entre Sil et Kfs) dans le diagramme de la figure 7.2 à pression constante : P1 à une pression inférieure à celle du point invariant ; P2 à une pression supérieure à celle du point. Afin de tenir compte des variations de la teneur en eau du système, nous considérons que le système n’est pas saturé en ce constituant. Tracez qualitativement le diagramme ternaire Sil-Kfs-V (-Qtz) ; on considère que, parmi les deux phases hydratées, la phase vapeur (V) est largement plus hydratée que la muscovite. Écrivez la réaction (V) et rajoutez-la sur la figure 7.2. Discutez l’importance de cette réaction « fluide absent » (V) sur la genèse granitique. 140
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Solution
Solution 1.1 La coupe T-composition à P1 représentée par le diagramme binaire à P1 de la figure 10.7 franchit la réaction métamorphique (L), puis la réaction de fusion eutectique (Ms) du diagramme 10.8. La coupe T-composition à P2 (diagramme binaire à P2) franchit la réaction de fusion eutectique (Sil), puis la réaction de fusion incongruente (Kfs). T
P1 (+ qtz + V)
T
P2 (+ qtz + V)
L sil + L
L
kfs + L
sil + L kfs + L ms + L
sill + kfs
sil + ms
sil
kfs + ms ms
sil + ms kfs
sil
kfs + ms ms
kfs
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Figure 10.7 – Diagrammes binaires réalisés à partir de la figure 7.2.
Le diagramme de composition du système hydraté (non saturé) est un système ternaire qui est réalisé à partir du système binaire de la figure 7.2. Le troisième pôle du triangle est la phase vapeur (V). Les phases hydratées Ms et L sont placées dans le triangle le long de la ligne qui relie la phase sur le segment Al 2O3-K2O et la phase V. Leurs positions respectives dans le triangle sont qualitatives, en respectant le fait que la phase L est plus hydratée que la phase Ms (figure 10.8). On peut alors écrire la réaction (V) et les différents assemblages divariants dans les différents champs divariants de la figure 7.2 (voir paragraphe 7.3). La réaction (V) est tracée dans le diagramme PT de la figure 7.2 en utilisant la règle des demi-plans (figure 7.1). La solution est donnée sur la figure 10.8. Comme discuté dans ce chapitre, ces diagrammes de phases montrent que la transition processus métamorphiques-magmatiques s’étale sur une large gamme de température. Roches métamorphiques et « magmatiques » (c’est-à-dire migmatitiques) peuvent coexister : ainsi la paragenèse « réfractaire » qtz + ms + sil + kfs coexiste avec les migmatites dans les deux triangles entre les réactions (Sil) et (V). Ces diagrammes témoignent également du rôle important de l’eau. La fusion hydratée, consommant beaucoup d’eau, reste limitée, car la vapeur disponible dans la roche est rapidement épuisée. Ce n’est que lorsque les conditions de la réaction de fusion fluide absent (V) sont atteintes que la fusion peut être importante : elle est alors susceptible de générer des magmas granitiques en abondance. 141
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Chapitre 10 • Migmatisation et anatexie
T (L) P1
+ Sil
+ Kfs
L
z Qt
(Ms)
L' Kfs
Kf s M +S s + il + Qt V z
+V
Ms +
Kfs + Qtz + V L
L" Sil
Sil s+ Kf tz L+ +Q Ms il L+s tz + V Ms + Q
P2
(Sil)
P
V +qtz
sil
ms
L kfs
(V) (Kfs)
Figure 10.8 – Point invariant dans le système ternaire Al203-K20-H20 (+ SiO2).
142
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Partie II
Métamorphisme et géodynamique
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Partie II • Métamorphisme et géodynamique
Les roches métamorphiques sont des « fossiles » de l’évolution thermique du globe. Ces roches ont enregistré, grâce à leur composition minéralogique, une ou plusieurs étapes de cette évolution et nous donnent donc une information sur la température en fonction de la pression, c’est-à-dire de la profondeur. La majorité des formations métamorphiques ont évolué selon trois gradients métamorphiques principaux : HP-BT, MP-HT et BP-HT. Aucun de ces trois gradients ne coïncide avec le géotherme d’une lithosphère stable. La majorité des roches métamorphiques a enregistré les perturbations qu’a subies la lithosphère dans différents contextes géodynamiques. Ces roches fournissent donc des informations majeures pour l’interprétation des modèles géodynamiques. La répartition spatiale des isothermes dans la lithosphère présentée sur la figure 1.3 du premier chapitre permet d’identifier les sites géodynamiques dans lesquels l’évolution thermique s’écarte de celle de la lithosphère stable : il s’agit principalement des limites de plaques, en convergence ou en extension. Il s’agit souvent des mêmes domaines géographiques qui sont, dans un premier temps, en extension (ouverture océanique), puis, dans un deuxième temps, en convergence (subduction, puis collision) ; l’exhumation qui accompagne l’effondrement de la chaîne se réalise à nouveau en extension ; celle-ci peut débuter pendant la convergence. Autant d’informations successives dont les roches peuvent conserver parfois des traces partielles qui sont difficiles à démêler ; selon que les différents événements métamorphiques successifs appartiennent à un même cycle orogénique ou non, on parle de polyphasage ou de polycyclisme. Dans cette seconde partie, nous aborderons tout d’abord l’étude du métamorphisme de contact ; la migration des magmas, des profondeurs du globe vers la surface, contribue au transfert de la chaleur, associé au lent refroidissement de notre planète. Ensuite, nous nous attarderons plus longuement sur le métamorphisme régional et la diversité de situations géodynamiques dont il témoigne. Ces différentes situations géodynamiques sont des instantanés de la tectonique des plaques qui est liée à de vastes mouvements de convection dans le manteau dont le moteur est la dissipation d’énergie thermique. À la suite du chapitre traitant du métamorphisme de contact, cette deuxième partie s’organise essentiellement autour des principaux gradients métamorphiques du métamorphisme régional. À travers des exemples, nous discuterons du ou des contextes géodynamiques dans lesquels apparaissent chacun de ces gradients et des liens chronologiques qui peuvent exister entre eux. La succession gradient de HP-BT, puis MP-HT, puis BP-HT est relativement commune dans les orogenèses. Aussi, en guise de conclusion, nous proposerons au chapitre 17, un modèle simplifié de l’évolution du métamorphisme dans une chaîne de montagnes ; ce sera l’occasion de discuter de l’évolution du métamorphisme au cours du temps, depuis le début de l’histoire de notre globe. Nous ne traiterons ni du métamorphisme de choc, dont le rôle sur l’origine de la croûte terrestre primitive fut sans aucun doute considérable à l’Hadéen, ni du métamorphisme d’enfouissement qui relève plutôt du domaine de la dynamique des bassins sédimentaires. 144
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PLAN
LE
MÉTAMORPHISME DE CONTACT
11
11.1 L’auréole de contact de l’intrusion de Ballachulish 11.2 Diffusion de la chaleur dans l’encaissant et modélisation du métamorphisme de contact
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Il y a métamorphisme de contact lorsqu’il y a un contraste thermique entre deux masses de roches telles qu’une coulée de lave ou un massif magmatique intrusif et une roche encaissante. Les recristallisations qui se produisent ont une cause directement observable : l’intrusion cède une certaine quantité de chaleur qui diffuse dans l’encaissant plus froid et détermine la formation d’une « auréole de métamorphisme de contact » (figure 11.1). Cette auréole est généralement étroite : quelques centimètres au contact d’une coulée de lave d’épaisseur décamétrique à quelques dizaines de mètres à rarement plurikilométriques autour d’intrusions plutoniques. En effet, les roches sont de mauvais conducteurs thermiques : la diffusion thermique est donc un mode peu efficace de transport de chaleur. L’auréole de contact est constituée de roches métamorphiques appelées cornéennes (ou hornfels), car elles ont souvent le grain fin de la corne, sans la texture planaire (schistosité et foliation) des roches du métamorphisme régional. Les différents faciès métamorphiques sont représentés sur la figure 3.3.
11.1 L’AURÉOLE DE CONTACT DE BALLACHULISH
DE L’INTRUSION
De nombreux massifs granitiques sont entourés d’une auréole de contact : en France, autour du granite de St-Guiral-Liron dans les Cévennes, celui de Flamanville sur la presqu’île du Cotentin, à proximité de Condé-le-Noireau en Normandie, HochwaldAndlau dans les Vosges, ainsi que dans les Pyrénées, etc. Mais rares sont les exemples aussi bien étudiés que celui de l’auréole du massif de Ballachulish, dans laquelle il a été tracé plusieurs isogrades (Voll et al., 1991). 145
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Chapitre 11 • Le métamorphisme de contact
L
5
2'
2'
B
5 5
B
'
L L
a
b
Figure 11.1 – Exemple de métamorphisme de contact : l’auréole thermique du batholite granitoïde de Ballachulish (Écosse). a) Cartographie de l’intrusion et de son auréole (simplifiée d’après Voll et al., 1991). Les granitoïdes (croix) ont été injectés au Dévonien dans une série sédimentaire quartzopélitique. Six (dont cinq représentés sur cette figure) isogrades principaux ont été mis en évidence sur la base des réactions suivantes : 1) Ms + Chl + Qtz = Bt + Crd + V ; 2) Ms + Crd = Bt + And + Qtz + V ; 2’) Ms + Bt + Qtz = Crd + Kfs + V ; 3) Ms + Qtz = Kfs + And + V ; 4) Bt + And + Qtz = Crd + Kfs + V ; 5) Kfs + Qtz (± Bt, Pl) = liquide (± silicate d’alumine ± Crd). Les réactions 2 et 2’ ont fonctionné dans deux formations différentes (schistes de Leven (L) et ardoises graphiteuses de Ballachulish (B), respectivement) qui n’ont pas la même composition chimique et, sans doute, pas la même composition de la phase fluide. Les traits fins dans l’encaissant marquent les limites lithologiques ; figuré pointillé : quartzite. b) Représentation des conditions de recristallisation dans l’auréole, dans le système KMASH (K2O-MgO-Al2O3-SiO2-H2O). La disparition de la muscovite (réaction 3) et l’apparition du magma (L, réaction 5) dans le champ de stabilité de l’andalousite indiquent des conditions de mise en place à faibles pressions (inférieures à 0,4 GPa, c’est-à-dire à moins de 12 km de profondeur). Les successions des réactions 1-2-3-4 ou 1-2’-3-4 pourraient s’expliquer, dans les mêmes conditions de pression, par des concentrations en fer (XFe) plus élevées dans les schistes que dans les ardoises : le domaine hachuré représente le glissement divariant de la réaction 2 vers les basses pressions, en fonction de l’augmentation de XFe. Pour plus de lisibilité de la figure, les champs divariants des autres réactions ne sont pas tracés. Il semblerait que ce soit la présence de graphite dans les ardoises de Ballachulish qui abaisse l’activité de l’eau dans la phase fluide et stabilise la réaction 2 par rapport à la réaction 2’.
146
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11.1 • L’auréole de contact de l’intrusion de Ballachulish
Le massif de Ballachulish, sur la côte ouest de l’Ecosse, est une intrusion complexe de roches granitoïdes variées mise en place il y a 425 Ma, à une profondeur correspondant à une pression de 3 kb : diorite, monzodiorite, granodiorite et granite. Dans un encaissant essentiellement pélitique, cinq isogrades sont tracés dans l’auréole. Ils correspondent à des réactions métamorphiques qui sont représentées sur la grille pétrogénétique de la figure 11.1 b. La carte de la figure 11.1 a fait apparaître que le métamorphisme atteint les conditions de l’anatexie, à proximité immédiate de l’intrusion (réaction 5). En modifiant la rhéologie des roches encaissantes, l’anatexie favorise l’ascension du magma. La température maximale est estimée à 750-800 °C dans des panneaux en enclaves dans l’intrusion. On remarque le tracé discontinu des isogrades qui s’interrompent de part et d’autre du massif où les quartzites sont largement représentées. Nous avons insisté (paragraphe 5.1) sur le fait que cette lithologie appartenant à la séquence quartzo-felsdpathique, n’est pas un bon marqueur de l’évolution minéralogique au cours du métamorphisme. Deux réactions (2 et 2’) qui se réalisent dans des conditions de température similaire, sont impliquées l’une ou l’autre en différents lieux de l’auréole. Sur la grille pétrogénétique de la figure 11.1b, la réaction 2 se place à des pressions supérieures à celles de la réaction 2’. Il est possible d’envisager de faibles différences de pression dans une auréole de contact. Cela peut être le cas, si la région a été basculée après la mise en place de l’intrusion et du métamorphisme de contact. Un tel exemple est décrit autour du batholithe de Nelson en Colombie Britannique. Dans le cas présent, l’alternance des deux isogrades à l’est du massif de Ballachulish exclut cette hypothèse. Cette différence minéralogique peut être liée à l’influence de la composition
2 1 A' and ms
4
K kfs
crd
chl
bt
c
3
Bt + Cr Qtz d+ Kf s+ V
2'
Hy +
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
F + Qtz
hy
Figure 11.1 – Exemple de métamorphisme de contact : l’auréole thermique du batholite granitoïde de Ballachulish (Écosse). (suite) c) Triangles A’KF résumant les principales paragenèses des roches de l’auréole du batholite de Ballachulish (le domaine de la fusion partielle n’est pas représenté). Les lignes grises épaisses indiquent que les réactions sont divariantes dans un système ferromagnésien.
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Chapitre 11 • Le métamorphisme de contact
chimique sur les réactions métamorphiques : la réaction 2 est surtout présente dans les ardoises graphiteuses de Ballachulish. Le champ divariant Fe-Mg de la réaction 2 dessiné sur la grille de la figure 11.1b montre que les roches les plus ferrifères franchissent cette réaction tandis que les roches les plus magnésiennes franchissent la réaction 2’. Cette deuxième solution n’est pas retenue par les auteurs qui suggèrent que ce serait la présence de graphite dans les ardoises de Ballachulish qui abaisserait l’activité de l’eau et stabiliserait la réaction 2 par rapport à la réaction 2’. L’interaction du graphite avec la phase vapeur d’eau fait intervenir des phases fluides carbonées telles que CO2, CO, CH4 qui sont diluées dans la phase vapeur. Cette variation des pressions partielles des différents fluides modifie la stabilité des assemblages minéralogiques (cf. figure 6.6), dont les assemblages des réactions 2 et 2’. Les principales paragenèses sont représentées dans les diagrammes A’KF de la figure 11.1c. Ces représentations ne font pas apparaître les réactions divariantes Fe-Mg, puisque le constituant F est FeO + MgO. Afin de mettre l’accent sur cette limitation, nous avons représenté les réactions divariantes par des segments épais gris pour montrer que celles-ci représentent, sur le terrain, des zones métamorphiques plutôt que des limites brutales. Dans les bas degrés de l’auréole métamorphique, la chlorite disparaît rapidement au cours de la réaction continue 1. Apparaissent ensuite les « schistes tachetés » à nodules de cordiérite, faciès caractéristiques du métamorphisme de contact. Leur paragenèse est muscovite-biotite-cordiérite-quartz, remplacée par l’assemblage feldspath potassique-biotite-cordiérite-quartz après le franchissement de la réaction isograde 2’. Dans les ardoises graphiteuses de Ballachulish, les schistes tachetés à cordiérite sont relayés par des micaschistes à andalousite-biotite-cordiérite-quartz-muscovite dans le domaine divariant de la réaction 2. À proximité de l’intrusion, à hautes températures, la sillimanite remplace parfois l’andalousite ; des structures migmatitiques témoignent d’anatexie locale qui laisse des restites alumineux sous saturés en silice, à corindon-spinelle-feldspath potassique-cordiérite-andalousite/sillimanite. Des roches à hyperstène, spinelle, cordiérite, en enclaves dans l’intrusion, représentent le stade ultime du métamorphisme de contact des lithologies pélitiques.
11.2 DIFFUSION DE LA CHALEUR DANS L’ENCAISSANT ET MODÉLISATION DU MÉTAMORPHISME DE CONTACT L’intensité du métamorphisme dans l’auréole de contact croit en s’approchant du contact intrusif. L’extension et le degré de métamorphisme thermique dépendent de plusieurs facteurs. Ils dépendent de la quantité de chaleur Q fournie par l’intrusion et échangée avec l’encaissant ; celle-ci est fonction du volume de l’intrusion, de l’écart de T entre la roche magmatique et l’encaissant, de la chaleur latente (ou enthalpie) de cristallisation du magma et, dans une moindre mesure de l’enthalpie de recristallisation des roches de l’auréole. La chaleur latente de cristallisation libérée lors de la mise en place de l’intrusion est fonction de l’état de cristallisation du magma. L’extension de l’auréole dépend des propriétés thermiques du magma et de celles 148
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11.2 • Diffusion de la chaleur dans l’encaissant
des roches encaissantes, tout particulièrement de leur conductivité thermique K. En simplifiant, l’extension x de l’auréole métamorphisme est x = Kt où t est le temps, durée du transfert de chaleur. Plus K est élevé, c’est-à-dire plus les roches sont conductrices de la chaleur, plus l’auréole est étendue et le gradient métamorphique faible. Au contraire, si K est faible, l’auréole est réduite et le gradient métamorphique fort. La présence de fluides modifie la conductivité des roches et permet aussi le transfert convectif de la chaleur. Ainsi les auréoles sont plus développées, avec un gradient métamorphique plus faible, autour d’intrusions granitiques qui libèrent de l’eau en cristallisant, qu’autour d’intrusions dioritiques et gabbroïques, pourtant plus chaudes, mais anhydres. Il est possible de modéliser mathématiquement l’évolution thermique à proximité de l’intrusion par diffusion de la chaleur dans l’encaissant. Cependant, une telle modélisation numérique suppose diverses simplifications. Ainsi, le transfert de chaleur advectif lors de la mise en place du batholite n’est pas considéré : cela suppose que la mise en place de l’intrusion se fait de manière instantanée. Le transfert de chaleur
800
0 ka 10 15
Température (˚C)
600 25 15 ka 50 60 100
100 200 ka
200
1
2 Distance (km) 3
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
0
Figure 11.2 – Modèle numérique à une dimension de l’évolution thermique au contact d’une lame granitique de 2 km de large. L’intrusion granitique est mise en place à 825 °C dans un encaissant à 100 °C. L’enthalpie de cristallisation du magma est de 100 kJ/kg. La distance est mesurée depuis le milieu de la lame : le bord gauche de la figure coïncide avec le centre de l’intrusion. Sur les courbes d’évolution de la température (géothermes), le temps est indiqué en kilo-année = 1000 ans. La courbe grisée enveloppe les Tmax atteintes au cours du temps en fonction de la distance au contact : elle matérialise les conditions que les roches sont susceptibles d’enregistrer pétrographiquement avec leurs paragenèses à des temps variables (indiqués par les flèches). Les deux champs gris matérialisent l’échange de chaleur par refroidissement/réchauffement respectif dans l’intrusion/encaissant ; remarquez que les 2 champs ne sont pas équivalents (voir texte pour plus d’explications). (D’après Peacock, 1989)
149
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Chapitre 11 • Le métamorphisme de contact
est supposé se faire uniquement par conduction, alors que l’infiltration de fluides (aqueux) peut permettre un transfert rapide de la chaleur par circulation convective. L’enthalpie de cristallisation du magma est prise en compte, tandis que celles des réactions métamorphiques sont négligées. Dans le cas présent, le modèle est à une seule dimension dans l’espace : l’intrusion a une forme géométrique simple ; sur la figure 11.2, elle consiste en une lame rectangulaire d’épaisseur donnée et de dimension infinie dans les autres directions. Le flux de chaleur est dirigé perpendiculairement à la lame et il n’y a pas de transfert de chaleur parallèlement à la lame. Malgré ces simplifications importantes, la modélisation permet de se faire une idée de l’évolution thermique du métamorphisme de contact. La figure 11.2 montre l’évolution des courbes géothermes au cours du temps à l’intérieur de l’intrusion magmatique et son encaissant. Cette figure amène quelques remarques intéressantes. On note le refroidissement rapide en périphérie de la roche magmatique qui est matérialisé par les « bordures figées » à grain fin qui s’observe souvent en périphérie des filons et massifs magmatiques. Dans l’encaissant, l’augmentation de température est, tout d’abord, localisée au contact, puis se déplace vers l’extérieur, conformément à l’équation x = Kt . En conséquence, la température au contact diminue lorsque le cœur de l’intrusion se refroidit, tandis que les températures augmentent dans l’encaissant situé au loin du contact. Ainsi, les pics thermiques ne sont pas atteints au même moment à l’intérieur de l’auréole. On peut tracer une courbe Tmax en fonction de la distance qui enveloppe les courbes géothermes (courbe grise sur la figure 11.2). Nous savons que, lorsque les roches recristallisent, c’est cette Tmax qu’elles enregistrent grâce à leur paragenèse : l’enveloppe des courbes géothermes indique les conditions thermiques dans l’auréole de contact. En s’éloignant de l’intrusion, le long de cette courbe « enveloppe », la température diminue tandis que le temps auquel cette température est atteinte augmente. Cette courbe ne représente donc pas une situation thermique (géotherme) à un moment quelconque de l’évolution thermique dans l’auréole de contact. Il s’agit d’un gradient métamorphique tel qu’il a été défini dans le cas du métamorphisme régional sur la figure 2.1. Les deux champs gris entre les deux premiers géothermes matérialisent la quantité de chaleur échangée par refroidissement/réchauffement respectif dans l’intrusion/ encaissant. On remarque que le champ dans les roches encaissantes est plus grand que celui dans l’intrusion. La différence reflète la chaleur libérée par la cristallisation du magma. En effet, ces surfaces grises sont fonction de l’échange de chaleur produite par variation de la température. L’aire dans l’intrusion ne fait pas apparaître la chaleur latente de cristallisation du magma. Par contre cette chaleur, libérée dans l’encaissant, est transformée en augmentation de la température de celui-ci et explique la différence entre les 2 surfaces. Rappelons que nous négligeons la chaleur consommée par l’enthalpie de recristallisation des réactions métamorphiques. Aussi séduisant soit ce modèle, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une approximation. Les températures maximales atteintes dans ce modèle restent relativement faibles et n’atteignent pas les conditions des faciès Cornéennes à pyroxènes et celles de l’anatexie observées sur le terrain et décrites au paragraphe précédent. Pendant la progression vers la surface, la mise en place dynamique, au cours de 150
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11.2 • Diffusion de la chaleur dans l’encaissant
laquelle la diffusion de la chaleur dans l’encaissant et le refroidissement de l’intrusion interviennent, favorise des conditions de plus hautes températures dans l’auréole par rapport au modèle statique présenté ici. Les conditions du faciès des Sanidinites (T > 800 °C) ne sont jamais réalisées dans le modèle numérique, car sur le terrain, les assemblages correspondant à ces conditions ne cristallisent pas dans les auréoles, mais dans des enclaves arrachées par les intrusions à leurs épontes et emballées dans le magma. La température atteinte dans ces dernières est supérieure à celle de l’auréole. Il en résulte divers assemblages de haute température correspondant aux faciès de hauts degrés du métamorphisme de contact. Ces enclaves ont pu fondre partiellement et constituent alors des büchites ; elles sont parfois partiellement ou totalement assimilées dans le magma intrusif qui est alors « contaminé » par son encaissant. Les büchites sont aussi rencontrées en enclaves (ou xénolithes) de petites tailles (quelques cm3-dm3) dans les laves basaltiques ; elles sont formées par thermométamorphisme.
151
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12
LES
MÉTAMORPHISMES DE HAUTE PRESSION ET ULTRA-HAUTE PRESSIONBASSE TEMPÉRATURE : L’EXEMPLE ALPIN
12.1 Les Alpes : de la subduction à la collision 12.2 La carte métamorphique des Alpes occidentales
PLAN
12.3 Lithologies et associations minéralogiques types 12.4 Le métamorphisme sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira dans les Alpes occidentales 12.5 Le métamorphisme d’ultra-haute pression (UHP) dans le monde 12.6 Exhumation des unités de HP-UHP 12.7 Les reliques de HP dans le dôme Lépontin, Alpes centrales
Le métamorphisme de haute pression-basse température (HP-BT) est caractérisé par les faciès métamorphiques Schistes verts de HP, Schistes bleus et Éclogite. Ce gradient indique des régions où le géotherme est anormalement faible (< 10°/km). Le contexte géodynamique associé est, sans ambiguïté, celui des zones tectoniques de convergence de marges : ce gradient est le plus souvent associé à des zones de subduction actuelles et fossiles. La subduction correspond à l’enfouissement rapide de la plaque lithosphérique océanique ou d’une marge continentale avec des vitesses de quelques centimètres par an. Il en résulte un abaissement significatif du flux de chaleur dans la zone de convergence et un enfouissement des isothermes décrit à la figure 1.3 (voir aussi la figure 14.2). Le gradient de température dépend de plusieurs paramètres, et en premier lieu, de la production de chaleur des plaques en subduction. Le géotherme de subduction de la lithosphère océanique, dont la production de chaleur radioactive est quasiment nulle, est plus faible que celui de la lithosphère continentale, dont la production de chaleur radioactive est, au contraire, importante. Un autre paramètre important est la vitesse d’enfouissement. Plus la vitesse est 152
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12.1 • Les Alpes : de la subduction à la collision
élevée, plus le gradient de température est faible, traduisant ainsi l’inertie thermique de la plaque subduite. Aussi, en passant de la subduction océanique, puis continentale et à la collision qui provoque une diminution significative de la vitesse de la convergence, le gradient thermique augmente et le gradient métamorphique de HP-BT disparaît progressivement. Le métamorphisme de HP se rencontre sur tout le pourtour pacifique (Japon, Nouvelle-Calédonie, côtes ouest-américaines, etc.) et, en particulier, en Californie où les unités franciscaines ont servi à définir le « gradient franciscain », une autre façon de qualifier ce gradient métamorphique. Il est présent aux Caraïbes, en mer Égée. Il est bien représenté dans les chaînes de collision récentes (Alpes, Himalaya) où il est interprété comme le témoin d’anciennes zones de subduction et du début de la collision. Les formations affectées sont principalement des roches de la lithosphère océanique et de la marge continentale. Le gradient de HP est abondant dans les formations récentes : les roches du faciès Schistes bleus de Papouasie ont 2 Ma ; les éclogites de cette même région sont datées à 4,3 Ma. Commun également dans les orogenèses récentes, il est rare dans les chaînes paléozoïques et est absent avant le Néoprotérozoïque. Des schistes bleus sont datés à 940 Ma en Chine. Pour illustrer ce gradient métamorphique, nous prendrons l’exemple des Alpes dans lesquelles ce type de métamorphisme, particulièrement bien exprimé, a été très bien étudié. Nous nous limiterons aux Alpes occidentales et centrales. Nous élargirons notre étude à d’autres régions dans le monde lorsque nous traiterons du métamorphisme d’ultra haute pression (UHP).
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12.1 LES ALPES :
DE LA SUBDUCTION À LA COLLISION
La chaîne alpine représente une limite de plaques en convergence. Elle est liée au déplacement relatif Afrique-Europe, en relation avec l’ouverture de l’océan Atlantique, lors de la fragmentation de la Pangée. La chaîne alpine résulte de la collision, au début du Tertiaire de deux plaques continentales : la plaque européenne à l’ouest et le promontoire apulien de la plaque africaine, séparés par le domaine océanique de la Téthys alpine ou domaine ligure ou liguro-piémontais. La convergence de ces deux plaques a provoqué la fermeture de ce domaine océanique par subduction (et obduction) du domaine océanique et de sa marge européenne vers le sud-est, sous le promontoire apulien. Il en résulte un domaine complexe, très déformé, de nappes empilées des zones internes chevauchant vers l’ouest les zones externes. Plus à l’est, cet ensemble est lui-même chevauché par le domaine austro-alpin qui est la croûte continentale apulienne. Cet austro-alpin est peu représenté dans les Alpes occidentales : il s’agit de la zone de Sésia Lanzo et la nappe de la Dent-blanche. La limite est relativement brutale entre les zones internes et le domaine sud-alpin, croûte continentale Apulienne peu déformée. Cette limite se fait à la faveur d’un grand décrochement, la ligne insubrienne ou ligne péri-adriatique que l’on suit depuis la Méditerranée jusqu’aux Alpes orientales. Cet accident majeur affecte l’ensemble de la lithosphère, 153
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
comme en témoignent les serpentinites issues de l’hydratation du manteau qui le jalonnent (planche 4).
12.2 LA
CARTE MÉTAMORPHIQUE DES ALPES OCCIDENTALES
La carte métamorphique des Alpes, éditée en 2004 (Oberhänsli, 2004), est le résultat d’un travail de synthèse considérable effectué par de nombreux géologues européens durant les trente dernières années. Cette carte combine l’approche pétrologique, chronologique et met l’accent sur le contexte tectonique et l’évolution géodynamique de la chaîne. Nous aborderons succinctement l’analyse de ce document en nous limitant aux Alpes occidentales et centrales (planche 4) et nous invitons le lecteur à se référer à cet ouvrage pour une étude plus approfondie et plus globale du métamorphisme dans les Alpes. • Le schéma structural Dans les Alpes occidentales, la plaque européenne ou zone dauphinoise comprend les massifs cristallins externes (Argentera-Mercantour, Pelvoux, Belledone-Grandes Rousses, Mont-Blanc-Aiguilles rouges), socle hercynien sur lequel repose la couverture sédimentaire datée depuis le Carbonifère jusqu’à l’actuel. La zone dauphinoise représente la zone externe de la chaîne ; le métamorphisme y est faible et ne dépasse pas les conditions de bas degré du faciès Schistes verts. La limite avec les zones internes est marquée par le chevauchement du front pennique. À l’est de celui-ci, les zones internes montrent le passage de la marge européenne amincie au domaine océanique. La zone briançonnaise est constituée de formations sédimentaires métamorphisées dans les conditions du faciès Schistes verts de HP. Vers le nord, dans la région de Bourg-Saint-Maurice, s’ouvre, entre les zones dauphinoise et briançonnaise, une portion de croûte océanique qui se prolonge vers l’est, l’océan Valaisan. Toutefois, l’origine et l’âge de ce petit océan est controversée. La zone piémontaise (ou liguro-piémontaise) contient des portions de méta-ophiolites au sein de métasédiments océaniques, les calcschistes, dont l’aspect lustré par l’abondance de mica blanc dans le plan de foliation, leur a valu le nom de « Schistes lustrés ». Dans la partie ouest du domaine piémontais, un prisme d’accrétion sédimentaire est composé principalement de ces Schistes lustrés qui emballent de rares « boudins » hectométriques de métaophiolites. À l’est, les métaophiolites, formant des massifs plurikilométriques constitués essentiellement de métabasaltes, de métagabbros et de métaserpentinites (massif du Viso et massif de Zermatt-Saas), deviennent dominantes au détriment des métasédiments. Des portions de croûte continentale, fortement métamorphisées, perforent la zone piémontaise dans sa partie orientale et apparaissent à la faveur de fenêtres tectoniques sous celle-ci. Ce sont les massifs cristallins internes de Dora Maira, du Grand Paradis et du Mont-Rose qui sont généralement attribués à la croûte européenne briançonnaise. Cet ensemble est surmonté par des unités de la zone austro-alpine (Sésia-Lanzo et Nappe de la Dent-Blanche) qui sont, semble-t-il, des portions de la croûte continentale apulienne. Les zones internes des domaines piémontais et austro154
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12.2 • La carte métamorphique des Alpes occidentales
alpin sont hautement métamorphisées dans les conditions des faciès Schistes bleus et Éclogite d’un gradient de HP-BT dans le domaine piémontais et dans les conditions d’ultra-haute pression (UHP) dans les massifs cristallins internes. L’exhumation, qui a ramené ces roches à la surface, n’a pas perturbé la disposition du prisme d’accrétion : les unités les plus profondes et les plus chaudes sont les plus orientales. Entre le bassin liguro-provençal et la mer Thyrénienne, la Corse a une histoire alpine assez brève. L’île montre une coupe extrêmement réduite à travers les domaines externes et internes de la « Corse alpine ». On passe, en l’espace de quelques kilomètres, de la « Corse hercynienne », non (ou peu) métamorphisée à l’alpin, aux nappes ophiolitiques éclogitiques de la Castagniccia et du cap Corse (voir planche 4). Ceci s’explique, en partie, par l’absence d’un domaine briançonnais et par une transition brutale entre la lithosphère océanique et la lithosphère continentale sur la marge passive de l’océan alpin. D’autre part, la subduction de la croûte océanique n’est pas suivie en Corse de la collision continentale : la convergence s’est déplacée à l’est, dans les Apennins, avec l’ouverture d’un bassin d’arrière arc, le bassin Tyrrhénien. En conséquence, les zones internes n’ont pas été portées en altitude et ne constituent pas des reliefs importants. Les méta-ophiolites se trouvent à basses altitudes, parfois au niveau de la mer : elles ont plus de chance d’être préservées, en échappant à l’érosion, que leurs équivalents sur le continent qui se trouvent à plus de 2000 m d’altitude. Une situation qui présente quelques similitudes avec l’île de Groix, en Bretagne, l’unique affleurement de taille conséquente de métamorphisme de HP-BT dans la chaîne hercynienne en France.
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• La cartographie du métamorphisme
Pour des raisons évidentes de clarté, les auteurs de la carte métamorphique des Alpes ont choisi de ne prendre en considération que l’histoire méso-cénozoïque de la chaîne, c’est-à-dire, l’orogenèse alpine stricto sensu. L’histoire polymétamorphique (précambrienne, calédonienne, hercynienne), extrêmement riche, n’est pas représentée. La carte (planche 4) indique le type de métamorphisme et le degré, caractéristiques qui rendent compte des processus géodynamiques. Les conditions sont celles du pic en pression, quand celui-ci coïncide avec le pic en température ou bien celles du pic en température, lorsque celui-ci est atteint au cours de la décompression associée à une augmentation significative de température. Quinze subdivisions sont faites dans les différents faciès métamorphiques, représentés sur un diagramme PT ; elles sont basées sur les principales associations minéralogiques des roches des séquences basique et pélitique. Les couleurs sont choisies pour permettre de visualiser rapidement les trois contextes géodynamiques principaux : jaune-bleu-violet pour la subduction ; jaune-vert-rouge pour la collision ; orangé pour les hautes températures liées à l’exhumation. Dans les Alpes occidentales, la succession des couleurs jaune-vert-bleu-violet, indique un métamorphisme croissant depuis les domaines externes, à l’ouest, vers les domaines internes, à l’est. Il est caractérisé par un gradient de HP-BT, depuis les faibles degrés du faciès Schistes verts jusqu’aux conditions d’ultra-hautes pressions (UHP). On peut observer, parfois, une diminution du degré métamorphique. C’est le 155
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
cas dans l’unité Schistes bleus de Pinerolo, à l’est de l’unité d’UHP de Dora Maira (planche 5 et coupe de la planche 6). Ce métamorphisme indique une subduction vers l’est. La limite entre les principales unités métamorphiques correspond à des contacts tectoniques. Il en résulte, parfois, des sautes dans le degré du métamorphisme et la mise en contact d’unités métamorphiques d’âges différents. Le trajet rétrograde, associé à l’exhumation des roches, se fait toujours à des températures égales ou inférieures à la température du pic en pression. Ainsi, les conditions optimales en pression et température du métamorphisme coïncident et sont préservées. Le métamorphisme est daté à 65 Ma dans l’unité austro-alpine de Sésia-Lanzo, entre 40 à 50 Ma dans le domaine piémontais, datant la subduction océanique et 45 à 35 Ma dans les massifs cristallins internes, contemporain de la subduction continentale, au début de la collision. Ces événements sont diachrones : lorsque certaines unités sont encore en train d’être enfouies, d’autres sont déjà en cours d’exhumation. Dans les Alpes centrales, des étoiles, en surcharche sur les couleurs rouge-orangé dans le domaine interne (planche 4), sont des reliques éclogitiques dans un environnement de moyennes pressions-hautes températures. Ceci indique un contexte de subduction, auquel a succédé une collision conduisant à un réchauffement au cours de la décompression. Nous reviendrons sur ce métamorphisme de moyennes pressions au paragraphe 12.7.
12.3 LITHOLOGIES
ET ASSOCIATIONS MINÉRALOGIQUES
TYPES La diversité des unités (océaniques : ophiolite et sédiments océaniques ; continentales : socle hercynien et couverture sédimentaire) sur une transversale à travers les Alpes s’accompagne d’une diversité lithologique qui est favorable à une grande variété d’assemblages minéralogiques. Nous allons les décrire succinctement dans ce paragraphe. • Les métasédiments
Dans les conditions d’un gradient de HP, les métapélites se distinguent nettement des « micaschistes à deux micas », muscovite et biotite, des gradients de MP et BP. En effet, à hautes pressions, la biotite est rare et le mica blanc est la phengite. L’aspect satiné des micaschistes de hautes pressions, sans mica noir, leur ont valu le nom de « Schistes lustrés » dans les Alpes. La phengite ne se distingue pas de la muscovite à l’observation microscopique. La différence est chimique : le rapport Si/Al est supérieur dans la phengite. Quartz et chlorite accompagnent le mica blanc. Dans les métapélites sodiques, glaucophane et jadéite sont présents. Ces dernières décennies, la découverte de minéraux diagnostiques des faibles degrés métamorphiques des conditions de HP dans les métapélites a permis de faire une zonéographie précise dans les zones externes. C’est, par exemple, la carpholite, un inosilicate aluminoferromagnésien hydraté, dans les lithologies faiblement sodiques. Ce minéral est abondant dans les séries paléozoïques et mésozoïques du domaine briançonnais peu 156
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12.3 • Lithologies et associations minéralogiques types
400
200 prl qtz
kln +
gln
1
1
qtz
3,04 3,09 SB
m
40
n
ré
al
isé
da
ns
P (GPa)
2
3,08 3,27 la
na
tu
qtz o+ +z ws l ky z qt o + + jd + z lws pg cld + qtz cp
no
20
jd20
ai
ne
3
2
AMPHIBOLITE 2,84 3,01 EA jd10 2,84 3,0
re ,s
ur
Te r
re
gra phi te dia ma nt 1 Tr + Chl + Ab = Gln + Lws 2 Tr + Chl + Ab = Gln + Zo + Qtz + V
jd50
ab
jd +
gln
do
cp +
qtz
lws+ab
+ cp
2,83 2,99
2,76 SV 2,94 cld
PP
T(˚C)
600
qtz
60
ÉCLOGITE 3,08 3,56
80
quartz
coésite
UHP P = 5 GPa 3,1-3,63
100 km
Figure 12.1 – Diagramme PT de stabilité des minéraux et assemblages
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minéralogiques caractéristiques du métamorphisme de HP-HT. Le glaucophane, amphibole bleu caractéristique de ce gradient, découpe le domaine du faciès Éclogite en fonction de la température. Lawsonite, zoïsite et jadéite permettent de subdiviser le domaine du faciès Schistes bleus en fonction de la pression et de la température, en particulier, pour les paragenèses des métabasites. L’association lws + ab/jd est à basse température par rapport à l’assemblage zo + ab/jd. La réaction ab = jd + qtz sépare un champ haute pression à jadéite du faciès Schistes bleus d’un champ dans lequel le plagioclase sodique est stable. La réaction 1 limite vers les basses températures l’association lws + gln. Dans les métapélites, la transition carpholite/chloritoïde, vers 400 °C, est un marqueur thermique dans ces lithologies. Dans ces roches généralement dépourvues de phase sodique (jd ou ab), la lawsonite est stable à plus hautes températures que dans les métabasites. La transition quartz/coésite marque la limite du domaine des ultra-hautes pressions. La réaction graphite/diamant est dessinée ici dans le domaine non réalisé sur Terre et l’extrapolation de cette courbe vers les conditions du géotherme d’une zone de subduction, indique des pressions supérieures à 4 GPa. Les couples de chiffres (2,84/3,0) indiquent les densités moyennes des croûtes continentales supérieure et océanique respectivement, en fonction de la profondeur (d’après Goffé et al., 2003). On note que la croûte océanique devient aussi dense que le manteau lithosphérique (3,3) à moins de 2 GPa : au-delà de cette profondeur, celle-ci sera difficilement exhumée. La croûte continentale supérieure est encore moins dense que le manteau bien au-delà de 5 GPa. C’est seulement à partir de 10 GPa que la croûte continentale supérieure (qui constitue la majorité des unités d’UHP) devient plus dense que le manteau environnant et ne peut plus être exhumée. Ce diagramme est semi-quantitatif, puisque la majorité des réactions, à l’exception des réactions polymorphiques (quartz/coésite, graphite/diamant) sont multivariantes, en fonction, principalement, du rapport fer/magnésium et de la pression partielle de l’eau. Les lignes en tirets Jd10, Jd20, Jd50 indiquent les conditions de stabilité des clinopyroxènes sodiques (omphacite) des éclogites contenant 10, 20, 50 % du pôle pur jadéite. Les lignes grises délimitent les champs de stabilité des faciès métamorphiques des Éclogites, des Amphibolites, des Amphibolites à épidote (EA), des Schistes bleus (SB), des Schistes verts (SV) et Prehnite-Pumpellyite (PP).
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
métamorphique. Il est aussi présent dans les métapélites du faciès des Schistes bleus dans les domaines océaniques Valaisan et Ligure. Lorsque la température augmente, la carpholite est remplacée par le chloritoïde vers 400 °C (figure 12.1, figure 5 et 6 de la planche 7). La lawsonite, un sorosilicate alumino-calcique hydraté, est également abondante dans les métapélites et calcschistes de l’unité des Schistes lustrés. Elle est souvent associée à la carpholite, mais son champ de stabilité est un peu plus large vers les hautes températures (figure 12.1). La cookéite, une chlorite lithinifère, est un autre minéral index dans les conditions de bas degré (entre 300 et 450 °C), dans les domaines dauphinois et briançonnais. Dans les conditions du faciès Éclogite, la paragenèse typique des « micaschistes éclogitiques », décrite pour la première fois dans la zone de Sésia-Lanzo, est à quartz, phengite, jadéite, chloritoïde, grenat, glaucophane. La matière organique carbonée des métasédiments est très utile pour caractériser l’évolution métamorphique. Elle est abondante dans les Alpes de l’Ouest dans les charbons du domaine briançonnais ; elle est omniprésente dans la série de Schistes lustrés. Les structures désorientées de la matière organique à basse température évoluent vers la structure très organisée du graphite. Cette évolution de la structure est dépendante de l’évolution de la température et semble indépendante de la pression. Analysée par micro-spectroscopie Raman, la structure du graphite est un bon géothermomètre, avec une marge d’erreur inférieure à 50 °C (Beyssac et al., 2002). Ces auteurs montrent qu’il existe une relation linéaire entre la température et le rapport de différents pics des bandes spectrales qui caractérisent le graphite. Par ailleurs, la structure du graphite ne serait pas affectée par la rétromorphose et le minéral enregistrerait et préserverait la température du pic du métamorphisme. Des mesures systématiques effectuées à travers les Alpes occidentales montrent une augmentation progressive de la température à travers les unités métamorphisées dans les conditions des faciès Schistes verts, Schistes bleus et Éclogite, depuis 300 °C jusqu’à 550 °C. Le diamant, polymorphe de ultra-haute pression du carbone, n’a pas été trouvé sur cette transversale. • Les méta-ophiolites
Les séries ophiolitiques formées dans le bassin Liguro-Piémontais jurassique comprennent des basaltes, des gabbros, des péridotites, des serpentinites et rares roches acides métamorphisés (voir chap. 15). On distingue les méta-ophiolites des quelques roches basiques provenant de la croûte continentale métamorphisée, comme les amphibolites et granulites hercyniennes de la zone de Sésia-Lanzo. Ces roches magmatiques du bassin océanique alpin montrent un large spectre de composition chimique lié à la différenciation tholéiitique, s’échelonnant depuis des gabbros (à olivine) riche en Mg et Cr à des gabbros (et basaltes) riches en fer et titane. Ces différentes lithologies ont été affectées par le métamorphisme océanique et l’hydrothermalisme qui influencent la minéralogie des métabasites alpines. L’hydrothermalisme est responsable du développement d’altérations rodingitiques. Une fois métamorphisées à l’alpin, ces métarodingites sont à diopside, vésuvianite (encore 158
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12.3 • Lithologies et associations minéralogiques types
appelée idocrase), grenat granditique (c’est-à-dire grossulaire et andradite), épidote, chlorite. Dans certains cas, il est envisagé que la rodingitisation soit contemporaine du métamorphisme alpin. Grâce à la diversité chimique des protolithes, la minéralogie des métabasites est variée. Dans les conditions du faciès Schistes bleus de l’unité des Schistes lustrés, les métabasites magnésiennes contiennent : amphibole, chlorite, zoïsite, ± mica blanc, lawsonite. Les métagabbros et métabasaltes ferro-titanés sont à clinopyroxène, omphacite, glaucophane, épidote ou lawsonite, sphène, ± mica blanc. Dans les conditions du faciès Schistes bleus, il existe un domaine d’immiscibilité entre clinopyroxène et jadéite-omphacite : les deux minéraux coexistent dans la roche. Dans les conditions du faciès Éclogite, les métagabbros magnésiens chromifères sont à omphacite (chromifère), glaucophane peu colorée, zoïsite, ± chlorite, Mgchloritoïde, talc, disthène, rare grenat. La minéralogie des métagabbros et métabasaltes ferro-titanés est : omphacite, grenat, glaucophane, zoïsite, rutile, ± micas blancs (phengite et paragonite). Nous remarquons que le grenat est rare ou absent dans les métagabbros magnésiens. Ces roches ne correspondent pas à la définition des éclogites qui doivent contenir, au moins, de l’omphacite et du grenat. La présence du grenat est contrôlée par la composition chimique des roches : seules les roches suffisamment ferrifères en contiennent. La lawsonite est rare. Toutefois, des amas centimétriques micacés de forme losangique constituent les produits de la pseudomorphose de cristaux de lawsonite, témoignant ainsi que le minéral était stable durant le trajet prograde de la roche. Il y a pseudomorphose lorsqu’un minéral est remplacé par un nouveau minéral ou un agrégat de minéraux, en conservant la forme du minéral originel. Les métagabbros, en boules déca- à hectométriques dans les métasédiments et serpentinites, sont souvent peu déformés. En effet, c’est la matrice incompétente des métasédiments et serpentinites qui absorbe toute la déformation et les métagabbros se comportent comme des objets durs à l’intérieur de celle-ci. D’autre part, en l’absence de déformation notable, la perméabilité de ces roches est faible et elles sont peu hydratées : faible déformation et faible hydratation ont pour conséquence une faible cinétique de réactions. Aussi, les métagabbros montrent souvent une recristallisation métamorphique incomplète, avec des textures coronitiques qui favorisent l’étude des mécanismes réactionnels mis en jeu (figure 3, planche 8). Le métagabbro d’Allalin, dans le Valais suisse, montre la transition complète entre la roche magmatique et l’éclogite. Dans ces roches, les sites des minéraux magmatiques constituent autant de microsystèmes. Des réactions de pseudomorphose se développent à partir de chaque minéral magmatique, tandis que des réactions coronitiques marquent la frontière entre ces différents minéraux magmatiques. Dans les conditions du faciès Éclogite, des agrégats de jadéite, zoïsite, quartz remplacent le plagioclase ; le clinopyroxène se transforme progressivement en omphacite ; le grenat a souvent une disposition coronitique entre les deux minéraux magmatiques ; talc et trémolite se forment à la place de l’olivine. 159
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
La déformation que présentent les métagabbros est souvent acquise lors de la mise en place du protolithe dans l’océan ligure : les métagabbros déformés sont recoupés par des filons de métabasaltes ou métatrondhjémites qui ne sont pas déformés. Une couronne de glaucophane se développe autour du clinopyroxène et au contact de l’ancien plagioclase en remplacement de la hornblende et/ou actinote du métamorphisme océanique (figure 3, planche 8). L’hydratation de ces roches est acquise durant le métamorphisme océanique (voir chapitre 15) et c’est elle qui contrôle l’évolution métamorphique de HP. Le plagioclase est transformé, selon son degré d’altération hydrothermale en lawsonite ou jadéite et zoïsite. Parfois le feldspath est préservé. Le massif ultrabasique de Lanzo est un vaste affleurement de manteau de plus de 20 km sur 10 km dans les Alpes occidentales, métamorphisé dans les conditions de HP-BT avec des pressions de 2,0 GPa à 550 °C. La partie centrale du massif est peu déformée et constituée de lherzolite à spinelle-plagioclase (figure 1, planche 8). Le feldspath est transformé en petites aiguilles de zoïsite, jadéite et quartz ; mais, il est également souvent préservé. Les métaserpentinites sont abondantes dans le domaine piémontais. Bien que la serpentinisation puisse avoir lieu parfois au cours de l’événement alpin, les serpentinites sont principalement héritées du stade océanique, comme en témoigne l’existence de (méta)ophicalcites (ou ophicarbonates), ces brèches à éléments de serpentinite dans une matrice carbonatée, témoins d’interaction entre l’hydrosphère et le manteau constituant le plancher océanique. Les recristallisations métamorphiques des serpentinites sont discrètes. Les conditions de HP-BT ne permettent d’atteindre que rarement les conditions de la « déserpentinisation » qui se réalisent pour des températures de l’ordre de 600-650 °C. La modification principale est représentée par la transformation des serpentines de basses pressions (lizardite, chrystobalite) en antigorite. Des filons ou petites intrusions de plagiogranites et albitites dans les ophiolites montrent la minéralogie suivante : jadéite, quartz, phengite, grenat, épidote, rutile. • Les méta-granitoïdes
Les métagranites éclogitisés de la zone de Sésia, au sein des micaschistes éclogitiques, et de Dora Maira sont les premiers témoins reconnus de la subduction de la croûte continentale (Dal Piaz et al., 1972). Ces granites tardi-hercyniens sont intrusifs dans des séries métamorphisées dans les conditions du faciès Amphibolite au cours de l’orogène hercynienne et ils sont repris à l’alpin, dans les conditions du faciès Éclogite. La paragenèse magmatique du granite est remplacée par une association métamorphique composée de : jadéite, phengite, grenat, zoïsite, rutile, quartz, feldspath potassique. Au Monte Mucrone, dans la zone de Sésia, la texture magmatique du granite est préservée ; la biotite magmatique est entourée de grenat coronitique ; le plagioclase est pseudomorphosé en jadéite, zoïsite et quartz. Les conditions de pression et température sont estimées à 1,7 GPa à 550 °C. Dans l’unité de Brossasco-Isasca, le quartz du métagranite est constitué par un agrégat granoblastique polygonal qui remplace la coésite, polymorphe de très haute pression de la silice.
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12.4 • Le métamorphisme sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira
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12.4 LE MÉTAMORPHISME SUR LA TRANSVERSALE QUEYRAS-VISO-DORA MAIRA DANS LES ALPES OCCIDENTALES Sur une coupe dans les Alpes occidentales, à la latitude de Briançon et Turin, le domaine dauphinois est représenté par le massif cristallin du Pelvoux et sa couverture secondaire (carte de la planche 5, coupe planche 6 et figure 12.4). Il est séparé des zones internes (domaines briançonnais et piémontais) par le chevauchement du front pennique. Le domaine piémontais consiste en trois unités tectoniques majeures formées lors de la fermeture de l’océan ligure. L’unité la plus superficielle est le massif ophiolitique du Chenaillet, peu ou pas métamorphisée à l’alpin, obduite sur la croûte continentale européenne. Nous étudierons le métamorphisme océanique, anté-alpin, qui l’affecte au chapitre 15. L’unité des Schistes lustrés du Queyras est formée de lentilles ophiolitiques, métriques à hectométriques, rarement kilométriques, emballées dans des métasédiments océaniques d’âge jurassique à crétacé. Cet ensemble est métamorphisé dans les conditions du faciès Schistes bleus. L’unité des Schistes lustrés est considérée comme un prisme d’accrétion à l’échelle crustale dans lequel s’accumulent les sédiments du plancher océanique qui ne sont pas entraînés dans le manteau par la subduction. Les conditions du métamorphisme augmentent progressivement d’ouest en est, comme l’indique la succession des associations suivantes dans les métagabbros : glaucophane + albite + lawsonite, glaucophane + jadéite + lawsonite et glaucophane + jadéite + zoïsite. La température, évaluée grâce à la présence ubiquiste du graphite, varie entre 300 à 500 °C. La pression augmente depuis 0,7-0,8 GPa jusqu’à 1,2-1,5 GPa. Au nord du massif du Chenaillet, la pression atteindrait 2 GPa dans la partie orientale de l’unité des Schistes lustrés. L’unité éclogitique du Viso se localise sous les unités Schistes bleus des Schistes lustrés. Ce passage se caractérise structuralement par une faille normale ductile. L’unité du Viso repose sur les unités du massif cristallin interne d’ultra-haute pression de Dora Maira par l’intermédiaire d’une autre faille normale ductile. Le massif du Viso se compose d’unités d’extension plurikilométrique et d’épaisseur kilométrique de métabasites et serpentinites imbriquées les unes dans les autres. La proportion des métabasites, serpentinites et métasédiments (schistes lustrés) est d’environ 55-40-5 % respectivement. Ces différentes unités enregistrent des conditions éclogitiques différentes : entre 1,2 GPa à 450 °C dans l’unité du Passo Gallarino jusqu’à 2,4 GPa à 640 °C dans l’unité du Lago Superiore (figure 12.2). Ces conditions indiquent que ces roches ont été enfouies à des profondeurs différentes, le long d’un même gradient thermique froid, d’environ 6 °C/km, avant d’être regroupées à faible profondeur, pendant l’exhumation. Les étapes métamorphiques successives, dans les faciès Éclogite, puis Schistes bleus et Schistes verts, associées à l’exhumation sont bien observables dans le massif. Nous les discuterons dans un prochain paragraphe (12.6.1). Le contact de base de l’unité du Viso avec l’unité d’UHP de Dora Maira est constitué par un mélange composé principalement de serpentinites. 161
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
Température (˚C) 400
200 PP
800
600
SV
2
AMPHIBOLITE
Gln b A + sw L z Q + ozC + g P
SB
20
EA
Jd10
2
Pression (GPa)
Queyras Passo Galarino Viso Mozzo
1b
Jd20
Qz o+ +Z Pg +Jd s Lw
Jd50
qua
r tz
coe site
Jd +Q tz
Gln
Lago Superiore
60
Ab
1a
2
40
Profondeur (km)
1
ÉCLOGITE 80
1a
unité du Queyras 6˚C/km unité du Monviso
4˚C/km
3 unité Dora-Maira UHP
1
UHP
100
Figure 12.2 – Diagramme P-T montrant les conditions du métamorphisme sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira. À l’ouest, dans l’unité des Schistes lustrés du Queyras, les trois trajets PTt indiquent une évolution croissante de la T et de la P d’ouest en est. Les différentes unités du massif du Viso (Lago Superiore : carré gris 1a ; Passo Gallarino, Viso Mozzo : carré gris 1b) atteignent des conditions de pression variables. L’ensemble de ces unités définit un paléogéotherme de subduction de 4 à 6 °C/km. Les trajets rétrogrades se font le long de ce même géotherme et les conditions P-T deviennent communes à l’ensemble des unités dans les conditions du faciès des Schistes verts (carré gris 2). L’unité continentale d’UHP de Dora Maira montre un trajet rétrograde de décompression à température légèrement décroissante. Les lignes grises délimitent les champs de stabilité des faciès métamorphiques (voir figure 12.1 pour les abréviations). Quelques réactions délimitant le champ de stabilité de minéraux typiques du gradient métamorphique de HP-BT dans les lithologies basiques sont représentées. Il s’agit de la réaction Ab = Jd + Qtz qui définit les champs respectifs de l’albite et de la jadéite, pôle pur sodique du clinopyroxène ; les lignes en tirets Jd10, Jd20, Jd50 indiquent les conditions de stabilité des clinopyroxènes sodiques (omphacite) des éclogites contenant 10, 20, 50 % du pôle pur jadéite. Gln : champ de stabilité du glaucophane, amphibole bleue sodique. La réaction lawsonite + jadéite = paragonite + zoïsite + quartz sépare les roches à lawsonite des roches à zoïsite en fonction, principalement, de la température. La transition polymorphique quartz = coésite marque la limite des roches d’ultra-haute pression (d’après Tricart et Schwartz, 2006 et Ford et al., 2006).
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12.5 • Le métamorphisme d’ultra-haute pression (UHP) dans le monde
Le massif cristallin interne de Dora Maira est une portion de la marge continentale européenne. Cette formation est globalement métamorphisée à l’alpin dans des conditions de faible degré du faciès Schistes verts, mais elle contient des assemblages reliques de très haute pression. Il s’agit de métapélites appelées « schistes blancs », caractérisées par l’association talc + disthène qui indique des pressions supérieures à 1 GPa. La paragenèse de ces roches est à quartz + talc + disthène + phengite + rutile + grenat proche du pôle pur magnésien, le pyrope. Les cristaux de grenat, pouvant atteindre 20 cm de diamètre, contiennent en inclusions des reliques de coésite, partiellement transformées en quartz (Chopin, 1984 ; figure 2.2). La coésite est un polymorphe de très haute pression de la silice : le minéral est stable à des pressions supérieures à 2,7 GPa, c’est-à-dire à plus de 90 km de profondeur (figures 12.1 et 12.2). Il peut être considéré comme le minéral isograde d’un faciès métamorphique d’ultra-haute pression. Comme nous l’avons discuté au chapitre 2, la transformation de la coésite en quartz nécessite une augmentation de volume qui explique les fractures radiales dans le cristal hôte de grenat autour de l’inclusion. Le grenat hôte a résisté mécaniquement à l’augmentation de volume et la transformation n’a été que partielle. Dans la matrice de la roche, la coésite, non blindée dans un minéral résistant, s’est complètement transformée en quartz. De nouveaux minéraux indicateurs des ultrahautes pressions ont été, par la suite, découverts : il s’agit de l’ellenbergerite, le magnésiochloritoïde, la magnésiodumortiérite. L’ellenbergerite est, comme la coésite, en inclusion dans le grenat ; elle est stable à des pressions supérieures à 2,7 GPa et à des températures inférieures à 725 °C. Ce silicate alumino-magnésien et titanifère contient jusqu’à 8 % d’eau. Ces minéraux, qui sont souvent en minuscules inclusions dans les cristaux de paragenèses de bas degré métamorphique, fournissent des informations majeures sur l’histoire de la roche et sur l’histoire de la région qui contient cette roche !
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12.5 LE MÉTAMORPHISME D’ULTRA-HAUTE (UHP) DANS LE MONDE
PRESSION
À la suite de ces découvertes dans les Alpes, des témoins d’UHP et de nouveaux minéraux diagnostiques de ces conditions ont été signalés à travers le monde, dans des chaînes d’âges variés (figure 12.3). La présence de diamant, d’origine métamorphique, indique des pressions supérieures à 4 GPa, c’est-à-dire des profondeurs supérieures à 120 km (figure 12.1). Il s’agit souvent de microcristaux, comme les microdiamants de quelques micromètres de diamètre en inclusions dans les cristaux de zircon dans une éclogite de la chaîne hercynienne du Erzgebirge en Allemagne. Des clinopyroxènes avec une teneur « élevée » en K2O (1,5 %) dans des gneiss à silicates calciques dans le massif de Kotchetav (Russie) indiquent également des pressions supérieures à 4 GPa. Durant la décompression de la roche, le potassium se concentre dans des lamelles de feldspath potassique dans le pyroxène hôte. Souvent, ces minéraux, marqueurs de conditions extrêmes, ne sont plus présents dans la roche, mais sont représentés par des précipités ou exsolutions libérés au cours de la rétromorphose. Ainsi, dans ce 163
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
même massif, la présence de précipités de coésite dans la titanite (ou sphène) d’un marbre suggère l’existence précoce d’une titanite super-siliceuse, stable à plus de 6 GPa. On remarquera que, dans cet exemple, la coésite représente une phase de « basse pression », formé au cours de l’exhumation de la roche ! Les unités d’UHP contiennent parfois des péridotites à grenat, témoins du manteau. La présence d’une ou l’autre des trois phases alumineuses dans les péridotites : plagioclase, spinelle ou grenat, est un indicateur barométrique. Le plagioclase indique un manteau équilibré à moins de 1 GPa, le grenat, un manteau équilibré à plus de 1,5 GPa. Le spinelle indique des pressions intermédiaires. On peut voir ces différents domaines de stabilité des péridotites du manteau sur la figure 16.1. La découverte d’exsolutions d’orthopyroxène dans les grenats d’une péridotite de Norvège montre que ce minéral s’est formé à partir d’un grenat super-siliceux, c’est-à-dire qui incorporait du composant majorite (MgSiO3) dans sa formule, ce grenat stable à très hautes pressions. La « reconstruction » de la composition du minéral précurseur, en ré-incorporant la composition des exsolutions dans le grenat hôte, permet de calculer la proportion du pôle majorite et ainsi d’estimer les conditions P-T de formation du minéral. Ces conditions sont supérieures à 6-8 GPa, c’est-à-dire 200-250 km de profondeur. En Chine, ce sont des lamelles de grenat et rutile dans le clinopyroxène qui représenteraient les produits de déstabilisation d’un grenat majoritique. Le massif du Erzgebirge montre des roches équivalentes. Ces péridotites à grenat majoritique, d’origine mantellique, n’ont pas nécessairement une histoire identique à celle des roches d’UHP, d’origine crustale, auxquelles elles sont maintenant associées. Les conditions extrêmes enregistrées par ces roches mantelliques pourraient avoir été acquises lors de mouvements convectifs dans le manteau, avant d’être incorporées dans des unités d’UHP avec lesquelles elles sont exhumées. Les âges des formations d’UHP (figure 12.3) se répartissent depuis le néoprotérozoïque jusqu’à 4 Ma en Papouasie-Nouvelle Guinée (Baldwin et al., 2004). Les formations les plus anciennes connues à l’heure actuelle ont 620 et 630 Ma et proviennent de la chaîne panafricaine au Mali et au Brésil. Ces formations sont rencontrées dans la majorité des chaînes dans cet intervalle de temps : dans la chaîne calédonienne, au nord de l’Europe ; dans la chaîne hercynienne et, en particulier, dans les monts du Lyonnais, dans le Massif central français (Lardeaux et al., 2001) et dans les chaînes méso-cénozoïques (Alpes-Himalaya). Il est vraisemblable que des témoins plus anciens seront trouvés dans les années à venir, au moins jusqu’à 2 Ga, âge des éclogites paléoprotérozoïques de Tanzanie (Möller et al., 1995 ; voir figure 17.2) qui témoignent que le mécanisme de la subduction existait déjà à cette époque. On note que les roches de UHP sont absentes le long de la ceinture péri-pacifique. La dimension des unités d’UHP La caractérisation des conditions métamorphiques d’UHP à l’aide de microcristaux, dans des roches souvent rétromorphosées dans un environnement beaucoup moins métamorphique, posent la question de l’extension spatiale de ces conditions. L’unité de Dora Maira indique globalement des conditions métamorphiques du faciès Schistes verts. Les roches encaissantes et les témoins d’UHP ont-ils subi les mêmes conditions extrêmes ou bien ces témoins de l’ultramétamorphisme, de petite taille, ont-ils été introduits tectoniquement et tardivement 164
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12.6 • Exhumation des unités de HP-UHP
Sapi Shergol
Mali 620
Nlle Guinée 4
Brésil 630 méso/céno. paléoz. panafricain précambrien
HP prisme HP chenal serp. UHP croûte cont.
Figure 12.3 – Répartition des unités de HP et UHP dans le monde. HP prisme : roches de HP exhumées dans un prisme d’accrétion ; HP chenal serp. : roches de HP exhumées dans un chenal sepentineux ; UHP : unités de UHP de la croûte continentale. Les plus anciennes et la plus récente unité d’UHP sont localisées (âge en Ma). Les principales orogenèses sont repérées chronologiquement (orogenèses méso-cénozoïques, paléozoïques, panafricaines et précambriennes). (D’après Guillot et al., 2009).
dans les unités de bas degré ? Des études méticuleuses de ces roches encaissantes ont montré que celles-ci ont conservé de nombreuses reliques microscopiques de conditions extrêmes, témoignant que les unités d’UHP sont d’extension géographique. À Dora Maira, l’extension de l’unité d’UHP est estimée à 15 ¥ 5 ¥ 1 km. La formation de Dabie-Su-Lu, en Chine, atteint quelques centaines de kilomètres de long sur quelques dizaines de kilomètres de large et quelques kilomètres d’épaisseur (Chopin, 2003). Ce sont donc des formations continentales de taille conséquente qui sont enfouies dans la subduction.
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12.6 EXHUMATION
DES UNITÉS DE
HP-UHP
La question de la remontée des roches métamorphiques de HP et UHP est un sujet d’actualité. On comprend bien, à l’heure actuelle, que des roches peuvent être enfouies à grande profondeur. Pourtant, il y a une trentaine d’années seulement, on pensait que seule la croûte océanique pouvait être subduite, tandis que la croûte continentale trop légère, restait en surface. La découverte du granite éclogitisé du Monte Mucrone en Italie a contredit cette hypothèse. La présence de coésite dans des roches de la croûte continentale, métamorphisées à ultra-hautes pressions, à Dora Maira, en Italie, puis découvertes ailleurs dans le monde, a définitivement démontré que la croûte continentale peut être subduite jusqu’à des profondeurs mantelliques. La marge passive amincie, est suffisamment lourde pour plonger, pour peu qu’elle soit tractée par la 165
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
lithosphère océanique subduite, ce qui nécessite qu’elle soit bien solidaire de celle-ci. Diamant et pseudomorphes de grenat majoritique indiquent la présence en surface de roches crustales et mantelliques formées jusqu’au moins 8 GPa (environ 250 km). Comment ces roches enfouies si profondément peuvent-elles remonter à la surface ?
12.6.1 L’évolution rétrograde sur la transversale Queyras-Viso-Dora Maira Dans chacune des trois unités principales de cette transversale (planches 5 et 6), les indices de l’évolution métamorphique rétrograde sont bien visibles. Dans le Queyras, les métagabbros montrent le développement d’actinote au détriment du glaucophane, indiquant un trajet rétrograde dans les conditions du faciès Schistes verts, à pression et température décroissantes (figure 12.2). À Dora Maira, nous l’avons noté, ce sont les conditions Schistes verts qui prévalent : les indices des conditions d’ultra-haute pression sont rares. Dans l’unité éclogitique du Viso (figure 12.4), le trajet rétrograde est particulièrement bien préservé. Les éclogites, rétromorphosées dans les conditions des faciès Schistes bleus, puis Schistes verts, montrent de superbes relations chronologiques, observables à toutes les échelles (figure 12.5). Au Lago Superiore, les paragenèses éclogitiques sont parfaitement préservées. Seul, l’omphacite montre un début de déstabilisation en clinopyroxène moins jadéitique et en albite, qui démontre le fonctionnement de la réaction jadéite + quartz = albite (figure 12.2), indiquant une décompression. Au Passo Galarino (figure 12.5), la déformation principale est marquée par le développement d’une foliation qui n’est pas plane, mais qui montre une structure en « dômes et bassins » significative d’un régime en aplatissement dominant, avec un ellipsoïde de déformation avec deux directions d’allongement. La direction d’allongement maximale X est matérialisée par une linéation minérale marquée par le glaucophane. Les dômes sont des éclogites ferro-titanées à omphacite, grenat, glaucophane qui forment des boudins de taille métrique dans des métagabbros magnésiens. Le boudinage tectonique est aussi W
E
Schistes lustrés
4000 m
Viso Pas. Gall.
V. Mozzo
3000 Dora Maira 2000 1
2
3
4 1 km
Figure 12.4 – Coupe à travers l’unité ophiolitique du mont Viso. 1) métabasaltes schistes verts ; 2) lentilles éclogitiques de métagabbros, métabasaltes, massifs et laves en coussin ; 3) serpentinites ; 4) des failles normales ductiles dans les conditions du faciès Schistes verts séparent l’unité éclogitique du mont Viso de l’unité Schistes lustrés (dans les conditions du faciès Schistes bleus) à l’ouest et de l’unité d’UHP de Dora Maira à l’est. Pas.Gal. : Passo Galarino (d’après Schwartz et al., 2001).
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12.6 • Exhumation des unités de HP-UHP
observable à l’échelle du minéral et se réalise dans les conditions du faciès Schistes bleus : les omphacites sont étirées et séparées par des aiguilles de glaucophane. Les roches du Viso Mozzo sont largement rétromorphosées dans les conditions du faciès Schistes verts : les métabasaltes sont à actinote, chlorite, épidote, ocelles d’albite. Ces roches sont affectées par des structures extensives : plis d’entraînement, schistosité de crénulation, fentes de tension et failles normales ductiles (4 sur la figure 12.5) qui évoluent jusqu’à un système de fractures conjuguées (failles rouges sur la coupe de la planche 6). Dans les fentes de tension, les aiguilles d’actinote ont une direction légèrement oblique par rapport à la linéation antérieure à glaucophane. Ces microstructures indiquent un régime de déformation en cisaillement simple qui évolue dans un contexte de refroidissement ; elles sont compatibles avec une cinématique à vergence ouest, tout comme les failles normales ductiles qui limitent l’unité du Viso de ces deux voisines. Ce mouvement relatif « normal » entre l’unité du Queyras, celle du Viso et celle de Dora Maira indique une extrusion différentielle de ces trois unités depuis des profondeurs de plus en plus grandes.
N L1
X Y Z
(1) (2) (3)
1-2 m
(4)
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 12.5 – Bloc diagramme synthétique des structures tectoniques associées à l’exhumation de l’unité éclogitique du mont Viso. 1) Éclogite (figure 3, planche 6) ; 2) boudin d’éclogite : la paragenèse entre les boudins est à glaucophane-épidote, indiquant des conditions du faciès Schistes bleus pendant le boudinage ; 3) métabasalte dans les conditions du faciès Schistes verts. La déformation principale correspond au développement d’une foliation, marquée par la paragenèse dans les conditions du faciès Schistes bleus ; celle-ci n’est pas plane, mais montre une structure en « dômes et bassins » significative d’un régime en aplatissement dominant, avec un ellipsoïde de déformation avec deux directions d’allongement. La direction d’allongement maximale X est matérialisée par une linéation minérale (L1) marquée par le glaucophane, bien visible dans les « inter boudins » (2). Postérieurement, les métabasites sont affectées par des structures extensives dans les conditions du faciès des Schistes verts : plis d’entraînement, schistosité de crénulation, fentes de tension et failles normales ductiles (4). Ces microstructures (4) sont compatibles avec une cinématique à vergence ouest.
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
unité UHP D. Maira 3
1
100
unité mont Viso Schistes lustrés 1
80 Est
2
60
1 Ouest
40
1
Profondeur en km
Pression (GPa)
1 pic en pression
20
10
20
30
40
50
60
70
Âge Ma Figure 12.6 – Diagramme pression-temps montrant l’exhumation rapide des trois principales unités de la transversale Schistes lustrés-Viso-Dora Maira. Ce diagramme est réalisé par thermochronologie (voir paragraphe 4.3) et suppose que l’on connaît la relation entre les paramètres P et T. Les pressions indiquées sur cette figure pour l’unité des Schistes lustrés sont supérieures à celles dans le Queyras (figure 12.2) : elles sont estimées sur une transversale au nord du massif du Chenaillet (Agard et al., 2001). Le trajet P-t de chaque unité est obtenu en utilisant plusieurs thermochronomètres aux températures de fermeture différentes. (On fait, pour cela, l’hypothèse qu’aucun autre paramètre que la température n’intervient dans les fermetures isotopiques des chronomètres considérés ; voir figure 4.8). Le champ gris met en évidence le diachronisme des pics métamorphiques des trois unités (d’après Ford et al., 2006).
Un nombre considérable de datations, utilisant des méthodes chronologiques variées, a été réalisé sur des roches de hautes pressions des Alpes, depuis près de 50 ans. Ceci nous permet d’obtenir des trajets PTt cohérents. Nous avons noté au paragraphe 4.3 que l’on date, en régle générale, le trajet rétrograde. La figure 12.6 montre que le métamorphisme n’est pas contemporain dans les différentes unités : les événements métamorphiques sont diachrones. Aussi, lorsque certaines unités sont en cours d’enfouissement, d’autres sont déjà en cours d’exhumation. L’âge du pic métamorphique, coïncide avec l’enfouissement maximal, puisque le pic en pression coïncide avec le pic en température. Cet âge diminue depuis l’ouest vers l’est. L’âge dans l’unité des Schistes lustrés (55 Ma) est légèrement plus ancien que celui dans l’unité du Viso (45-50 Ma). Celui du Massif cristallin interne de Dora Maira, de 35 Ma, est significativement plus jeune. Il démontre, sans ambiguïté, que la subduction continentale se réalise à la fin de la subduction océanique, juste avant la collision. Les trajets d’exhumation sont extrêmement rapides, de telle sorte que les unités des Schistes lustrés et du Viso sont déjà proches de la surface, tandis que la croûte 168
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12.6 • Exhumation des unités de HP-UHP
continentale de Dora Maira est en train d’être subduite. Par ailleurs, il y a 30 Ma, l’exhumation rapide est terminée : l’unité de Dora Maira est exhumée, depuis 90100 km de profondeur, en moins de 5 Ma, et l’ensemble des Alpes occidentales est équilibré dans les conditions du faciès Schistes verts.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
12.6.2 Des modèles d’exhumation Les gradients thermiques faibles enregistrés par les trajets rétrogrades des unités de HP-UHP (figure 12.2) témoignent que leur exhumation est toujours reliée à la subduction. Notons cependant, que l’exhumation des roches profondes de HP et UHP est un processus relativement rare, comparé à l’enfouissement le long des plans de subduction que l’on peut suivre sur des dizaines de milliers de km. Il s’agit, contrairement à la subduction, d’un processus non continu dans le temps qui se réalise dans un délai relativement bref, vraisemblablement en moins de 10 MA et souvent au tout début de la collision. La vitesse de l’exhumation est très variable et sans relation directe, en général, avec la vitesse de convergence des plaques et les processus de l’érosion. Les unités de UHP sont majoritairement constituées de la croûte continentale et sont généralement enfouies, puis exhumées au stade précoce de la collision. De ce fait, il apparaît logique que les roches de UHP soient absentes le long de la ceinture péripacifique (figure 12.3). La subduction de la lithosphère océanique ne paraît pas être un site favorable à l’exhumation de roches d’UHP. Pendant la subduction de la lithosphère océanique, seule l’exhumation des unités de HP constituées de la lithosphère océanique ou du prisme d’accrétion semble possible. Elle nécessite, cependant, l’intervention d’un événement géodynamique déclencheur ; c’est, par exemple, le changement de régime de la subduction à la collision ; cela peut être, aussi, l’accélération de la subduction qui perturbe la situation « stable ». En Oman, la subduction de la croûte continentale précède la collision, avant la fin de la subduction de la croûte océanique du golfe d’Oman. Mais il faut remarquer que cette subduction continentale est relayée, à 500 km au NE, par la collision des monts du Zagros : le plongement de la plaque arabique en collision a vraisemblablement entraîné la subduction de la croûte continentale omanaise. Plusieurs modèles analogiques et numériques ont été proposés pour expliquer l’exhumation des unités de HP et UHP. Un rééquilibrage isostatique accompagné d’une érosion du relief que cette exhumation provoque est sans doute la première solution envisagée. Toutefois, un mécanisme passif ne paraît pas suffisant pour remonter, dans un contexte de convergence, des roches enfouies dans le manteau. La gravité a, sans aucun doute, un rôle majeur dans cette exhumation. Les forces qui contrôlent l’exhumation sont les forces de flottabilité et les forces aux limites de la subduction. Les forces de flottabilité sont induites par les différences de densité entre les roches subduites et les roches environnantes ; elles sont particulièrement efficaces pour les unités de croûte continentale supérieure qui constituent la majorité des unités d’UHP. L’exhumation suppose que la croûte continentale se détache de la lithosphère océanique qui la tractait et qu’elle se dissocie de son manteau lithosphérique (slab break off en anglais) ; lithosphère océanique et manteau lithosphérique 169
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
continental poursuivent leur plongée dans le manteau. Il est vraisemblable également que la partie supérieure de croûte continentale, légère, se détache de la croûte inférieure, plus dense. Toutefois, la densité des roches augmentant avec la profondeur (figure 12.1), il existe une profondeur maximale au-delà de laquelle ces unités de croûte supérieure deviennent plus denses que le manteau dans lesquelles elles se trouvent et à partir de laquelle elles ne peuvent plus, en principe, être exhumées. Cette profondeur de « non-retour » est estimée à 300 km, à 10 GPa. Des modifications des forces aux limites jouent également un rôle dans les mécanismes d’exhumation. Le retrait de la lithosphère subduite (roll back en anglais) serait un mécanisme favorable, en libérant l’espace nécessaire à l’exhumation des unités d’UHP (Brun et Faccenna, 2008).
a) Exhumation dans le prisme d’accrétion Un prisme se forme parfois en avant de la subduction et se retrouve incorporé dans la collision ; nous avons vu que c’est ainsi qu’est interprétée l’unité piémontaise du Queyras, avec une abondance de métasédiments (les schistes lustrés) dans lesquelles sont inclus des morceaux de la lithosphère océanique. La partie basale de ce prisme est entraînée vers le bas dans le mouvement de la subduction. Une partie de ce prisme est enfouie dans le manteau constituant un « chenal ». Une partie bute contre la croûte continentale chevauchante, à des profondeurs de 30-40 km, et remonte le long de ce butoir. L’importance du prisme par rapport au chenal dépend de l angle du butoir (figure 12.7).
b) Exhumation dans le chenal de subduction Des schistes bleus à lawsonite, glaucophane, aragonite et clinopyroxène sodique sont recueillis dans des serpentinites des « seamounts » de l’avant-fossé des Mariannes. Ces roches, indiquant des conditions de formation de 150-250 °C et 5-6 kb, sont exhumées par diapirisme de la serpentinite le long de la zone de subduction (Maekawa et al., 1992). La zone de subduction constituerait un « chenal à double sens de circulation », à la fois pour l’enfouissement, mais également pour l’exhumation (figure 12.7). Un mélange de serpentinites dérivant du manteau océanique hydraté et de l’hydratation du coin mantellique chevauchant, contenant des blocs exotiques de métabasaltes, métasédiments et métagabbros de la lithosphère subduite constitue un « coin » qui s’enfonce dans le manteau. Dans ce « chenal de subduction », les serpentinites, roches relativement légères ont tendance à remonter par un chemin proche du chemin d’enfouissement, dans un mécanisme essentiellement contrôlé par la gravité. Elles entraîneraient dans leur remontée des roches plus denses, comme les éclogites. Ce « chenal serpentineux » atteint des profondeurs considérables, puisque la déserpentinisation totale se fait à des pressions de 2,5-3 GPa, à une température de 600 °C, en fonction de la vitesse et de l’angle de la subduction. Les lithosphères océaniques formées au niveau de rides lentes, dans lesquelles les serpentinites sont abondantes (voir chap. 15), sont peut-être des sites privilégiés de ce mécanisme d’exhumation. 170
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12.6 • Exhumation des unités de HP-UHP
c) Exhumation des unités de HP-UHP dans les Alpes Ces modèles d’exhumation ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, ils peuvent être complémentaires. Ainsi, dans les Alpes, les modèles du prisme et du chenal sont envisagés complémentairement (figure 12.7). La gamme des températures et pressions dans le Queyras et le massif du Viso se chevauchent, mais il ne semble pas qu’il y est une évolution continue entre les deux unités, même si elles se sont formées dans un même gradient thermique. L’unité du Queyras est un prisme relativement superficiel dans lequel l’évolution P et T semble relativement homogène, avec un enfouissement maximum qui augmente progressivement d’ouest en est, jusqu’à des pressions de 1,5 GPa (– 2 GPa). Par contre, la formation éclogitique du Viso regroupe des unités enfouies à des profondeurs variables qui seraient remontées le long d’un chenal serpentineux depuis différentes profondeurs, avant de s’imbriquer les unes dans les autres (figure 12.7). Dans le prisme d’accrétion, la vitesse est relativement lente, inférieure à 5 mm/an. Elle varie de 1 à 20 mm/an pour l’exhumation de la croûte océanique dans le « chenal de subduction serpentineux ». Dans les deux cas précédents, la vitesse d’exhumation Ouest
Est
1 - unités Schistes bleus Queyras (prisme d’accrétion sédimentaire)
4 - Chenaillet (obduction) 1
Europe 30
3
manteau européen
3 - Dora Maira (subduction continentale)
km 60
2 - Monviso
a
Apulie
ch se en rp al en tin e
(éclogites détachées de la lithosphère océanique)
manteau apulien ux
2
mantle
Figure 12.7 – Schéma de la paléo-zone de subduction alpine
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
dans les Alpes occidentales, il y a environ 45 Ma. a) Au cours de la subduction et début de la collision, trois unités, aux comportements géodynamiques différents, sont distinguées. (1) Les unités Schistes bleus constituent un prisme d’accrétion dans lequel les métasédiments dominent ; les roches, enfouies jusqu’à parfois une quarantaine de kilomètres de profondeur dans ce prisme, remontent le long du butoir constitué par le manteau et la croûte continentale apuliens. (2) Dans le plan de subduction, des portions de la croûte océanique éclogitisée sont arrachées et incorporées dans le « chenal serpentineux » qui remonte par gravité. (3) Au début de la collision, la marge continentale est subduite à son tour ; des unités de taille conséquente (comme l’unité de Dora Maira) sont également exhumées. Le Chenaillet, qui échappe à la subduction, est également représenté (4). (D’après Schwartz et al., 2007). L’exhumation des différentes unités est diachrone. Dans le prisme, le trajet PTt d’une roche (1) est relativement bref. Les unités ophiolitiques en subduction (2) sont incorporées à différentes étapes de l’enfouissement de la lithosphère océanique dans le chenal serpentineux et exhumées tandis que la marge continentale (3) est encore en cours d’enfouissement. Des mouvements de convection dans le coin mantellique apulien (flèche) qui chevauche la zone de subduction sont susceptibles de ramener des profondeurs des péridotites à grenat majoritique et de les incorporer aux unités d’UHP en cours d’exhumation.
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
de n al ctio n e u ch ubd s
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gabbro 100% serpentinite 0%
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km
Figure 12.7 – Schéma de la paléo-zone de subduction alpine dans les Alpes occidentales, il y a environ 45 Ma. (suite) b) Détail du chenal de subduction serpentineux : il s’enfonce, entre 40 km à 100 km de profondeur, entre la lithosphère océanique subduite et le coin mantellique anhydre. Il est constitué d’un mélange de serpentinites dérivant de la lithosphère océanique hydratée et du coin mantellique hydratée ; il contient des blocs exotiques de métabasaltes, métasédiments et métagabbros de la lithosphère océanique subduite. Avec l’enfouissement, l’éclogitisation est progressive ; elle est aussi variable selon la nature des roches. Cette hétérogénéité de l’éclogitisation modifie de manière variable la rhéologie des roches, ce qui favorise sans doute la fragmentation de la croûte océanique subduite, et de ce fait, l’incorporation de ces fragments dans le « chenal serpentineux ». À cause de la faible densité de la serpentinite, une portion du matériel descendant est entraînée progressivement vers le haut. (Guillot et al., 2009).
est plus lente que la vitesse de la subduction. La remontée est, par contre, très rapide pour les unités de UHP et s’effectue en moins de 10 Ma. L’unité d’UHP de Papouasie, âgée de 4 Ma à peine, en est la preuve. Cette remontée se fait le long du coin mantellique. Les vitesses, supérieures à celles de la subduction, peuvent atteindre 8 cm/an. Ainsi, la subduction de la croûte continentale, jusqu’à des profondeurs de 200 km, voire 300 km, est sans doute un mécanisme commun de la tectonique des plaques, au stade précoce de la collision depuis au moins le néoprotérozoïque, peut-être depuis le paléoprotérozoïque. Seules quelques unités de plusieurs centaines de kilomètres (ou plus ?) enfouies à très grande profondeur, sont exhumées, par des mécanismes qui restent à caractériser précisément. Elles sont souvent largement ou complètement rétromorphosées. D’autre part, l’importante quantité d’eau que contiennent certains minéraux rencontrés dans ces unités, comme l’éllenbergerite, suggère que les zones de subduction sont les sites privilégiés de recyclage de l’eau dans le manteau. En conclusion, les Alpes occidentales préservent la mémoire des processus de la subduction d’un prisme d’accrétion fossile, à composante largement sédimentaire, 172
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12.7 • Les reliques de HP dans le dôme Lépontin, Alpes centrales
suivi de la subduction de la croûte continentale au début de la collision. Il s’en suit un gradient métamorphique de basses températures (< 8 °C/km), caractéristique du contexte de subduction. Celui-ci contraste avec le gradient sensiblement plus fort dans les Alpes centrales et orientales, dans lesquelles interviennent majoritairement des unités de la croûte continentale. Actuellement, dans les Alpes occidentales, les processus de la collision continentale doivent s’accompagner d’une évolution du régime thermique vers les hautes températures en profondeur, évolution qui est prédite, par similitude avec les conditions qui prévalent dans le dôme Lépontin des Alpes centrales.
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12.7 LES RELIQUES DE HP ALPES CENTRALES
DANS LE DÔME
LÉPONTIN,
Les Alpes centrales sont limitées au nord par la molasse périalpine, au sud par la ligne insubrienne, à l’est par les nappes austro-alpines (planche 4). La limite ouest est arbitrairement délimitée par le Simplon. Les nappes autro-alpines, qui représentent la croûte apulienne chevauchant les zones internes des Alpes, recouvraient les Alpes centrales avant d’être érodées. Les Alpes centrales ont une histoire géologique très complexe et ancienne, polycyclique. Plusieurs orogènes se sont succédé, comme en témoignent les âges précambriens, calédoniens et hercyniens. Le métamorphisme alpin est plurifacial. Des assemblages de HP éocènes sont limités à quelques unités tectoniques ; un métamorphisme de gradient de moyenne pression-haute température, « barrovien » d’âge oligocène, associé à l’empilement des nappes, affecte l’ensemble du domaine lépontin. Les conditions de métamorphime de HP-BT sont de faible à moyen degré au nord et à l’est du dôme Lépontin, dans des unités variées contenant des portions de croûte continentale (briançonnais à l’est du dôme) et de lithosphère océanique (domaine valaisan). Dans ces conditions de faible et moyen degré, les assemblages à carpholite et chloritoïde sont préservés au cours d’un trajet rétrograde froid qui débute dans les conditions du faciès Schistes bleus, entre 1-1,5 GPa et 350-400 °C. Le gradient métamorphique est croissant du NE vers le SO. En allant vers le sud, dans le dôme Lépontin, ce métamorphisme de HP est effacé par une forte empreinte du faciès Amphibolite du gradient métamorphique de moyenne pression ; les reliques de ces HP se font rares. Le domaine lépontin est facilement repérable sur la carte métamorphique des Alpes (planche 4), avec sa couleur rouge qui indique les conditions du faciès Amphibolite qui sont largement répandues dans cette région. Le pic de ce métamorphisme est postérieur à la mise en place des nappes, puisque les isogrades recoupent les limites majeures des nappes. Les conditions maximales en T sont de 675 °C au sud, à proximité de la ligne insubrienne, près de la ville de Bellinzona. Le maximum en pression de 7 kb, se situe dans une zone en position plus centrale que le maximum en température, 20 km au nord de la ligne insubrienne, et ne coïncide donc pas géographiquement avec le maximum en température. La pression et la température décroissent vers le 173
174 Gran. Bergell
Sud-alpin
Zones internes
Granulite d'UHT
CAT
Ces isogrades et limites sont tracés dans les lithologies pélitiques, à l’exception de l’isograde « diopside-calcite » observé dans les marbres dolomitiques siliceux. « Minéral-in » indique l’isograde ou limite d’apparition d’un minéral ; « minéral-out » marque la disparition de ce minéral. Les zones internes comprennent à la fois des unités de la croûte continentale (domaine briançonnais) et de la croûte océanique (domaine valaisan). Gran. Bergell : massif granodioritique-tonalitique de Bergell ; les triangles indiquent la présence d’andalousite autour du massif. Le CAT, abréviation de chenal d’accrétion tectonique, constitue un empilement de lames imbriquées à la lithologie très variée. Il contient des reliques d’éclogites et péridotites à grenat, indiquant des hautes à très hautes pressions. Celles-ci sont représentées par des étoiles sur la carte de la planche 4. Notons, dans le CAT, à l’ouest du massif de Bergell, la présence de l’unique témoin phanérozoïque de métamorphisme d’ultra-haute température, avec des paragenèses à saphirine, dans le complexe du Gruf (étoile ; figure 6 de la planche 3) (d’après Frey et Mählmann, 1999 et Engi et al., 2004).
Figure 12.8 – Carte de quelques isogrades (lignes continues) et limites d’apparition (lignes tirets et pointillées) des minéraux du dôme Lépontin, dans les Alpes centrales.
Massifs cristal. ext.
Austro-alpin
Ligne Insubrienne
Molasse
l.in
Sil
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Chapitre 12 • Les métamorphismes HP et UHP-BT : l’exemple alpin
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12.7 • Les reliques de HP dans le dôme Lépontin, Alpes centrales
nord et vers le sud. La carte des isogrades et des limites d’apparition des minéraux montre une zonéographie caractéristique d’un gradient métamorphique de moyenne pression-haute température (figure 12.8). Au nord, les conditions sont anchimétamorphiques. Au sud, elles atteignent les conditions de stabilité de l’association sillimanite + feldspath potassique, c’est-à-dire au-delà des conditions de stabilité de l’assemblage muscovite + quartz. Les migmatites sont abondantes. Encore plus au sud, la ligne insubrienne tronque brutalement le dôme Lépontin. Au sud de cette ligne, le domaine sud-alpin est peu métamorphique. La carte de la figure 12.8 montre les isogrades ou limites d’apparition de quelques minéraux alumineux caractéristiques : stilpnomélane, chloritoïde, staurotide, disthène, et sillimanite-fibrolite. La distinction est faite entre isograde et limite d’apparition d’un minéral. La limite d’apparition d’un minéral ne correspond pas à une réaction spécifique, à l’inverse de l’isograde. Ainsi, l’apparition de la staurotide peut se faire à partir de réactions de déstabilisation de la paragonite ; dans ce cas, la réaction indique un trajet en décompression. La staurotide se forme parfois en remplacement du chloritoïde, ce qui indique une augmentation de la température. Les données géochronologiques montrent que le métamorphisme de moyenne pression est diachrone à travers le dôme Lépontin, avec un intervalle de temps qui peut atteindre 7 Ma. L’âge est de 28 Ma dans la partie sud, où le pic de température est le plus élevé. Plus au nord, dans les parties centrales du dôme, le pic en température est atteint dans un intervalle de temps qui varie de 26 à 21 Ma. Les roches éclogitiques alpines (étoiles sur la carte de la planche 4) sont restreintes aux unités de mélanges tectoniques du « chenal d’accrétion tectonique » (CAT), appelé dans la littérature anglophone le TAC : « tectonique accretion channel ». Le CAT s’est developpé le long de la limite de la plaque convergente, durant la subduction, la collision et l’exhumation. Il est constitué de lames imbriquées dans lesquelles les roches sont très variées et très déformées. Ces témoins éclogitiques ont été différemment rétromorphosées dans les conditions du faciès Amphibolite, en fonction de la disponibilité des fluides et de la déformation. Cette rétromorphose est très similaire à celle que nous décrirons dans la chaîne hercynienne, au chapitre suivant et illustrée par la figure 13.6. Différentes roches préservent des conditions variées, en fonction de leur état de rétromorphose ; certaines ont perdu totalement la mémoire de leur épisode de HP. Dans la nappe d’Adula, un gradient métamorphique discontinu de HP peut être tracé grâce aux reliques éclogitiques : il montre une augmentation des conditions depuis le nord, avec P = 1-1,5 GPa à 500 °C, vers le sud avec P = 3,3 GPa – 800-900 °C. Ces conditions maximales sont indiquées par des éclogites et des lherzolites à grenat. À Alpe d’Arami, la pression maximale enregistrée par les lherzolites à grenat dépasserait 5 GPa et pourrait atteindre 8 GPa à une température de 1200 °C ; ces valeurs extrêmes ne sont pas enregistrées dans les éclogites voisines. Ces péridotites pourraient avoir enregistré un cycle métamorphique à l’intérieur du manteau, avant leur incorporation dans le CAT (cf. flèche dans le manteau apulien de la figure 12.7). Ainsi, ces conditions d’UHP seraient sans rapport avec l’évolution géodynamique, en subduction, du CAT. 175
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12.7 • Les reliques de HP dans le dôme Lépontin, Alpes centrales
Le gradient du métamorphisme précoce de HP ainsi que celui du métamorphisme de moyenne pression sont, tous les deux, croissants depuis le nord vers le sud. L’exhumation a préservé la disposition initiale de la plaque plongeant en subduction vers le sud. Les conditions éclogitiques sont datées dans un intervalle de temps de 55 à 35 Ma ; le gradient de MP est daté à 32 Ma, impliquant une exhumation très rapide d’unités éclogitiques depuis les grandes profondeurs, supérieures à 100 km au sud, jusqu’à des profondeurs modestes (15-25 km). Les conditions de relatives hautes températures durant cet événement de moyenne pression pourraient s’expliquer par l’importance des composants de croûte continentale supérieure, qui ont des productions de chaleur élevée, dans le CAT. Au contraire, lorsque les formations impliquées dans la convergence sont issues de la lithosphère océanique (et ses sédiments) qui a des productions de chaleur plus faibles, le gradient métamorphique est de HP-BT.
176
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LE
PLAN
MÉTAMORPHISME DE MOYENNE PRESSIONHAUTE TEMPÉRATURE
13
13.1 La série métamorphique de moyenne pression-haute température du massif du Lévezou 13.2 Le gradient métamorphique de moyenne pression : un coup de frein à l’enfouissement
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13.3 Sous-charriage et métamorphisme inverse
Le gradient métamorphique de moyenne pression-haute température montre la succession des faciès Schistes verts, puis Amphibolite et atteint les conditions de l’anatexie hydratée ; dans les roches pélitiques, les silicates d’alumine sont disthène et sillimanite (figure 3.3). Les roches du faciès Granulite sont rares. Ce gradient est aussi appelé gradient barrovien ou dalradien. Les unités métamorphiques de moyenne pressionhaute température sont localisées dans les zones de collision et sont souvent associées spatialement à des unités de haute pression (figure 3.1). En Europe occidentale, ce gradient métamorphique est bien représenté dans les chaînes paléozoïques. Dans les Alpes, il est limité au dôme Lépontin dans les Alpes centrales (voir chapitre précédent). Dans l’histoire de la Terre, le gradient de MP-HT devient rare à l’Archéen. Dans ce chapitre, nous allons présenter, tout d’abord, l’étude pétrographique d’une série métamorphique dans le sud du Massif central français. Ensuite, nous aurons une approche géodynamique de ce gradient sur l’exemple de la chaîne hercynienne en France.
13.1 LA SÉRIE MÉTAMORPHIQUE DE MOYENNE PRESSIONHAUTE TEMPÉRATURE DU MASSIF DU LÉVEZOU Le massif du Lévezou se situe à l’extrémité orientale du Rouergue cristallin, dans le sud du Massif central. Il est constitué d’un dôme gneissique migmatitique traversé d’orthogneiss syncinématiques ; il est ceinturé par un complexe leptyno-amphibolitique (CLA) à la lithologie variée, comprenant essentiellement des métabasites, gneiss pélitiques, gneiss quartzo-feldspathiques (les letpynites). Nous reviendrons, 177
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
au paragraphe suivant, sur l’importance géodynamique de cette formation. Au-dessus de cette formation, à l’extérieur du dôme, affleure une série gréso-pélitique de type Schistes des Cévennes, terminaison nord de la série de l’Albigeois (figure 13.1). L’orthogneiss syn-cinématique du Pinet, au sud du dôme, sépare le CLA et la série gréso-pélitique. Deux phases tectoniques souples majeures et une troisième plus discrète affectent l’ensemble de la formation. La première phase n’existe pas dans les orthogneiss, témoignant ainsi de leur mise en place syncinématique, après cette première phase, ce qui est en accord avec la datation de ces roches à 350 Ma.
N
Pt de Salars
Vézins de Lévezou
Salles-Curan
St Beauzély
Ayssènes
0
10 km
1
2
3
4
5
6
7
Figure 13.1 – Carte lithologique du dôme du Lévezou. (1) terrains post-hercyniens ; (2) métapélites ; (3) orthogneiss syncinématiques ; (4) porphyroïdes de Requista ; (5) complexe leptyno-amphibolitique ; (6) gneiss migmatitiques (7) métacornéennes au contact des orthogneiss. D’après Nicollet, 1978.
178
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13.1 • La série métamorphique MP-HT du massif du Lévezou
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Le métamorphisme est croissant depuis la série gréso-pélitique, à l’extérieur du dôme, à travers le complexe leptyno-amphibolitique et le dôme migmatitique. Dans les roches de composition pélitique, la succession suivante de paragenèses est observée : • dans la série gréso-pélitique : muscovite + chlorite + quartz muscovite + chlorite + biotite + quartz (figure 1, planche 2) muscovite + chlorite + biotite + grenat + quartz • dans le complexe leptyno-amphibolitique : muscovite + biotite + staurotide/disthène + grenat + quartz (figure 3 et 4, planche 2) muscovite + biotite + sillimanite (disthène) + grenat + quartz La paragenèse des migmatites dans le dôme est : muscovite + biotite + plagioclase + quartz ± sillimanite ± grenat Au nord du dôme, le mica blanc est remplacé par du feldspath potassique. Il est possible de tracer les « isogrades » (ou plus précisément les limites d’apparition) des minéraux index du métamorphisme dans les métapélites et de délimiter des zones métamorphiques (figure 13.2). Sauf à l’extérieur du dôme, ceux-ci sont relativement concentriques autour de la structure. On remarque que les « isogrades » d’apparition du disthène et de la staurotide sont proches ; celui de la staurotide n’est pas continu, par manque de lithologie appropriée dans cette partie du CLA. Notons que le disthène persiste dans le champ de stabilité de la sillimanite. Il est parfois englobé dans du mica blanc (figure 4, planche 3). La sillimanite, sous sa forme fibreuse, la fibrolite (figure 1, planche 3), est généralement imbriquée avec la biotite et ne se forme pas directement par la transition polymorphique disthène = sillimanite. La transformation du disthène se réalise grâce à une réaction de lessivage, comme nous l’avons discuté au paragraphe 9.3. D’une manière générale, il faut noter que l’évolution progressive du métamorphisme dans les métapélites ne s’accompagne pas d’assemblages réactionnels permettant de mettre en évidence l’intervention de telle ou telle réaction. Comme pour la transition disthène-sillimanite, les transformations se réalisent dans ces roches normalement très hydratées, par le biais de réactions de lessivage (ou ionique) qui ont des dépassements de températures très faibles (quelques degrés). Les conditions optimales en températures du métamorphisme sont calées par la présence de la muscovite dans les migmatites : les conditions de la réaction « isograde » Ms + Qtz = Kfs + Sil +V n’ont pas été atteintes, sauf, localement, au nord (figure 13.2). La succession des minéraux index dans les micaschistes est typique du gradient de moyenne pression avec : chlorite-muscovite-biotite-grenat-staurotide-disthènesillimanite-anatexie avant la disparition de l’assemblage muscovite + qtz qui est tout juste atteinte au nord. Le chloritoïde, minéral possible de cette série, n’est pas trouvé dans le dôme du Lévezou, à cause de sa composition très alumineuse (voir exercice 1.1 à la fin de ce chapitre). Les métapélites ont une large répartition dans la région et sont de bons marqueurs du métamorphisme. La répartition des roches de la séquence basique est plus localisée et leur minéralogie plus restreinte. Dans la série gréso-pélitique, de rares niveaux 179
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
Z. and + st
N Z.si ± fk
1 2 3
Z.st Z.si Z.st
Z.bi
4
Z.gt
5 6 7
Z.gt
8
Z.si Z.bi
9 10
Z.di
11
Z.ch 10 km
Figure 13.2 – Carte des zones isométamorphiques du massif du Lévezou. (1) : limite lithologique ; (2) : chevauchement ; (3) : chevauchement supposé ; (4) : terrains sédimentaires post-hercyniens ; (5) et (6) : orthogneiss ; isograde d’apparition (7) de la biotite, (8) du grenat, (9) de la staurotide, (10) du disthène, (11) de la sillimanite. Ces isogrades séparent des zones métamorphiques (Z) à chlorite (ch), biotite (bi), grenat (gt), staurotide (st), disthène (di), sillimanite (si), avec feldspath potassique (± fk) et, localement au nord, andalousite (and). La zone de la sillimanite coïncide avec le domaine de la migmatisation, en présence de l’association muscovite + quartz. Au nord du dôme, le mica blanc est remplacé par le feldspath potassique. D’après Burg et al., 1986.
métriques s’intercalent dans les micaschistes. Leur minéralogie comprend de l’actinote, du plagioclase acide (andésine), de l’épidote, de la chlorite ou de la biotite : il s’agit d’une paragenèse typique du faciès Schistes verts. Dans le CLA, les métabasites sont à hornblende verte, plagioclase de composition intermédiaire, grenat ou clinopyroxène. Quartz, sphène, ilménite et magnétite sont les minéraux accessoires. Il s’agit de paragenèses typiques du faciès Amphibolite (voir diagramme ACF de la figure 5.5c). Dans ces conditions, le système est supposé saturé en H 2O et clinopyroxène et grenat ne coexistent pas dans une même roche. Les amphibolites du CLA contiennent en reliques des éclogites : ceci est une caractéristique de cette formation dans la chaîne hercynienne et nous en discuterons l’importante signification géodynamique au paragraphe suivant. Les amphibolites qui contiennent ces éclogites, roches de haute pression, se sont formées par déstabilisation de celles-ci (voir ci-dessous) : cela implique que ces roches ont subi une 180
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13.2 • Le gradient métamorphique de moyenne pression
décompression et, de ce fait, ont suivi un trajet rétrograde en pression. Ainsi, le gradient métamorphique de MP-HT du massif du Lévezou n’est pas obtenu par la combinaison d’un ensemble de roches aux trajets progrades similaires, mais à partir de roches aux trajets différents. Au sein de la série gréso-pélitique à l’extérieur du dôme, la portion de gradient métamorphique est obtenue grâce aux pics en température de roches qui ont suivi des trajets progrades. Dans le CLA, les roches suivent des trajets rétrogrades depuis des conditions de HP du faciès des Éclogites et s’équilibrent le long du gradient métamorphique de moyenne pression.
13.2 LE
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GRADIENT MÉTAMORPHIQUE DE MOYENNE PRESSION : UN COUP DE FREIN À L’ENFOUISSEMENT
L’étude des séries métamorphiques de moyenne pression-haute température à l’échelle de la chaîne hercynienne d’Europe occidentale et, à une échelle plus locale, à l’échelle du Massif central français (figure 13.3) montre qu’il en existe deux types différents. Certaines séries métamorphiques exposent un gradient métamorphique de MP typique affectant des lithologies essentiellement métapélitiques et orthogneissiques (qui sont des granites cambro-ordoviciens). Ces formations, en position géométrique « basse » sont qualifiées d’autochtones, para-autochtones et « unités inférieures des gneiss » (UIG). Les formations précédentes sont surmontées par les « unités supérieures des gneiss » (USG). Celles-ci contiennent souvent à leur base le complexe leptyno-amphibolitique (CLA). Le CLA montre une association de roches métamorphiques ultrabasiques (d’origine mantellique), basiques (amphibolites) et acides (leptynites), associées à des lithologies variées, d’origine continentale (carbonates, gneiss, etc.). Cette appellation de CLA ne se réfère pas au volume des amphibolites et leptynites qui représentent rarement plus de 20 % de l’ensemble des roches de la formation, mais plutôt à l’importance géodynamique de celles-ci : ces roches magmatiques métamorphisées sont interprétées, pour partie, comme des reliques de la croûte océanique au sens large, preuves de l’existence d’un océan, avant la collision hercynienne. Un autre point remarquable de l’USG est la présence de reliques d’assemblages de haute pression : éclogites, métapéridotites à grenat, plus particulièrement localisées dans le CLA, et métapélites granulitiques. Ces reliques sont de petite taille : quelques décimètres cubes à, rarement, quelques hectomètres-kilomètres cubes et elles représentent un volume dérisoire dans la formation. Il n’empêche que leur existence a une signification géodynamique importante. La présence de ces témoins de HP, c’est-à-dire métamorphisés à grande profondeur, montre que des roches profondes des « unités supérieures des gneiss » se sont mises en place sur les formations plus superficielles des « unités inférieures des gneiss ». L’« unité supérieure des gneiss » chevauche l’« unité inférieure des gneiss ». L’occurrence de roches mantelliques serpentinisées à la base du CLA témoigne que ce chevauchement est un contact tectonique majeur, impliquant l’ensemble de la lithosphère. 181
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
13.2.1 Les reliques de HP et leur évolution rétrograde En France, différents sites montrent cette superposition de l’unité supérieure des gneiss contenant le CLA sur l’unité inférieure des gneiss, autochtone. Il s’agit, entre autres, dans le Massif central (figure 13.3), des régions couvertes par les cartes au 1/50 000 de Brioude-Langeac en Auvergne (figure 13.4), de la carte de Tulle-Uzerche, en Limousin, dans les monts du Lyonnais et dans le Massif armoricain, les cartes de Savenay-Nort-sur-Erdre. Le CLA est également connu dans les Vosges, dans les massifs cristallins externes des Alpes, dans les Maures, en Corse. Les reliques de HP sont
Figure 13.3 – Répartition des unités métamorphiques varisques dans le Massif central français. 1a : bassins sédimentaires post-viséens ; 1b : volcanisme néogène et quaternaire ; 2 : granitoïdes varisques ; 3 : unités allochtones à faible degré de métamorphisme ; 4 : unités métamorphiques supérieures (allochtones) à reliques de métabasites éclogitisées ; 5 : unités métamorphiques intermédiaires (dans l’ouest du Massif central), para-autochtones, à reliques dispersées d’unités ophiolitiques ; 6 : unités métamorphiques inférieures, autochtones ou para-autochtones ; 7 : dôme migmatitique de la Montagne Noire et unités HT-BP associées. CF : Clermont-Ferrand. L : Lyon. D’après Matte, 1986 ; Ledru et al., 1989, et Costa, 1992 in Kornprobst, 2001.
182
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13.2 • Le gradient métamorphique de moyenne pression
variées. Il s’agit de métabasites (basaltes, dolérites, gabbros métamorphisés), métapéridotites, métapélites, gneiss variés, métacarbonates, etc.
8 7 6 5 4 3 2 1
Figure 13.4 – Relations géométriques entre unité allochtone (à reliques de HP) et unité para-autochtone ou autochtone dans le Massif central français, au sud de Brioude.
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L’unité allochtone (4 : série « leptyno-amphibolique » ; 5 : migmatites) chevauche largement l’unité sous-jacente (1 : métapélites à sillimanite ; 2 : orthogneiss), avec une flèche supérieure à 50 km ; 6 : granitoïdes varisques ; 7 : bassins sédimentaires oligocènes ; 8 : roches volcaniques néogènes et quaternaires ; 3 : chevauchement. D’après Burg et Matte, 1978 in Kornprobst, 2001.
a) Les métabasites La majorité des métabasites des séries de MP présentent des assemblages typiques du faciès Amphibolite, à hornblende + plagioclase ± quartz ± clinopyroxène ou ± grenat en équilibre avec les paragenèses des métapélites associées. Dans un grand nombre de localités cependant, les métabasites contiennent encore des assemblages précoces appartenant au faciès des Granulites de haute pression : clinopyroxène + grenat + plagioclase + quartz ou au faciès des Éclogites : omphacite + grenat ± disthène ± zoïsite ± quartz 183
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
Rutile, mica blanc, amphibole, apatite, pyrite sont des minéraux accessoires possibles. Ces paragenèses de haute pression indiquent généralement des pressions entre 1,5 et 2 GPa pour des températures entre 600 et 800 °C. Ces températures varient d’une région à l’autre. L’extrême rareté des roches du faciès Schistes bleus est remarquable. Dans le Massif armoricain, l’île de Groix et son prolongement au bois de Cené, en Vendée sont un cas exceptionnel d’affleurement d’une surface conséquente de quelques centaines de kilomètres carrés de roches dans les conditions du faciès Schistes bleus. Dans le Rouergue, une éclogite à rares reliques de glaucophane est signalée à Najac. Dans les monts du Lyonnais, la présence rare de coésite en inclusions dans le grenat d’une éclogite indique des pressions minimales de 2,8 GPa (Lardeaux et al., 2001). Ces roches sont préservées au sein de blocs dispersés par boudinage dans leur encaissant métapélitique (figure 13.6). Elles montrent tous les stades de recristallisation jusqu’aux conditions du faciès des Amphibolites. Dans certains cas, dans les régions où la température du stade HP est la plus élevée (700-800 °C), comme dans l’ouest du Massif central, cette rétromorphose passe par le domaine du faciès des Granulites. La figure 13.6 illustre cette évolution minéralogique qui est interprétée, en terme d’évolution pression-température, sur la figure 13.7.
Figure 13.5 – Symplectite de déstabilisation de l’omphacite dans une éclogite. Au début de la décompression, l’omphacite, clinopyroxène sodique des éclogites, s’entoure d’une symplectite constituée de bourgeons de clinopyroxène et de plagioclase albitique. Microphotographie en lumière polarisée non analysée ; le segment blanc mesure 0,5 mm.
Au début de la rétromorphose des éclogites, l’omphacite se transforme en une symplectite constituée de plagioclase sodique et de clinopyroxène (figure 13.5) : la composante jadéitique (pôle pur sodique du clinopyroxène) de l’omphacite se déstabilise en albite au cours de la réaction Jd + Qtz = Ab (figures 6.4 et 12.1). Dans les éclogites et les granulites, le clinopyroxène est séparé du grenat par une couronne bi-minérale qui est, selon le cas, formée d’orthopyroxène + plagioclase ou hornblende + plagioclase (figure 13.6) qui suppose l’intervention des réactions : Cpx + Grt + Qtz = Opx + Pl et Cpx + Grt + Qtz + V = Hbl + Pl qui font passer respectivement du faciès Éclogite/Granulite de HP au faciès Granulite de BP et du faciès Éclogite/Granulite de HP au faciès Amphibolite. Compte tenu de 184
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13.2 • Le gradient métamorphique de moyenne pression
leur pente dans l’espace P-T (figure 3.4 ; exercice 1.2 de ce chapitre), la réalisation de ces deux réactions suppose une décompression, ce qui signifie une exhumation de ces roches. La première réaction témoigne que la trajectoire rétrograde se fait dans les conditions du faciès Granulite ; la deuxième réaction témoigne que la trajectoire rétrograde se fait directement dans les conditions du faciès Amphibolite. Dans le premier cas, l’exhumation se fait à une température plus élevée et/ou une pression partielle d’eau dans la phase fluide plus faible que dans le deuxième cas. Cependant, en fin d’évolution, l’amphibole de type hornblende remplace les pyroxènes et la roche devient une amphibolite (figure 13.6).
b) Les métapéridotites Les CLA contiennent des affleurements de serpentinites, portions de manteau impliquées dans le chevauchement de l’unité supérieure : ils témoignent de l’amplitude lithosphérique de celui-ci. Des méta-péridotites sont rarement préservées au sein des serpentinites. Il s’agit de lherzolites ou harzburgites à spinelle et, plus rarement, à grenat. Un très bel affleurement est décrit au Bois des Feuilles, dans les monts du Lyonnais (Gardien et al., 1990). Le grenat n’est plus en équilibre avec la paragenèse de la roche et est entouré d’une couronne symplectitique à spinelle et pyroxène qui indique la réalisation de la réaction olivine + grenat = orthopyroxène + clinopyroxène + spinelle qui sépare le domaine des lherzolites à grenat de celui des lherzolites à spinelle (figure 3.7-7). La pente faible de cette réaction et sa position dans l’espace P-T (figure 16.1) montrent que cette transformation indique une décompression (exhumation) depuis des pressions supérieures à 1,5 GPa. Cette évolution PT est semblable à celles dont témoignent les éclogites rétromorphosées et les métapélites granulitiques décrites ci-après. Dans les conditions du faciès Amphibolite, ces assemblages réactionnels sont totalement effacés ; amphibole et serpentine envahissent la roche, tandis que l’ancien grenat est remplacé par des agrégats centimétriques riches en chlorite.
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c) Les métapélites granulitiques Sur la coupe de la figure 13.4, on remarque la position inattendue des anatexites au sommet de la série. Ces gneiss migmatitiques surmontent le complexe leptynoamphibolitique. Ils contiennent des reliques de métapélites granulitiques dont la paragenèse est : grenat + feldspath potassique + disthène + plagioclase + quartz ± biotite ± rutile. Sillimanite, cordiérite, spinelle, biotite se développent au cours de l’évolution rétrograde en décompression qui s’accompagne de la fusion partielle produisant des anatexites à cordiérite. Les réactions impliquées sont : Grt + Sil/Ky + Qtz + H2O = Crd ; Grt + Sil/Ky + H2O = Crd + Spl ; Grt + Kfs + H2O = Bt 2 + Sil + Qtz, Bt + Sil/Ky + Qtz + H2O = Crd + Kfs ; Ky = Sil, etc. Dans le cas présent, la transition polymorphique Ky = Sil n’indique pas une augmentation de température, mais une baisse de la pression. L’apparition de la muscovite (Kfs + Sil + H 2O = Ms + Qtz) témoigne que la rétromorphose se termine dans les conditions du faciès Amphibolite. La migmatisation des granulites au cours de leur exhumation suppose un apport d’eau qui déplace la courbe de fusion vers les basses températures. 185
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
1m 3
2 5 1
1 cm
1 mm
4
2M
2m
Hb
Hb + Pl
Hb + Pl
Hb
Hb
3 1 mm
Figure 13.6 – Évolution rétrograde des éclogites en boudins dans les unités métamorphiques de MP du Massif central français. Affleurement d’une éclogite en boudin tectonique (figure 3, planche 6) dans des amphibolites (4) et métapélites (5). Les trois dessins du bas sont des agrandissements macroscopiques (M) et microscopiques (m) à l’intérieur du boudin. 1 : éclogite fraîche dont la paragenèse (omphacite + grenat ± zoïsite ± quartz) et la foliation précoce sont
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13.2 • Le gradient métamorphique de moyenne pression
Figure 13.7 – Les 2 principaux trajets PTt des unités métamorphiques de MP-HT du Massif central français.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Flèche noire : évolution P-T-t définissant un gradient métamorphique de moyenne pression des unités para-autochtones et USG : transition disthène-sillimanite (g) ; fusion partielle des métapélites (e) ; décompression (remontée vers la surface) et refroidissement de ces unités (f). Flèche hachurée : évolution P-T-t des reliques éclogitiques et granulitiques des unités allochtones (UIG) ; trajet discontinu : évolution prograde supposée ; culmination du métamorphisme (estimation minimale de la P) dans les conditions du faciès des Éclogites de haute température (a) ; évolution rétrograde dans les conditions du faciès des Granulites de haute pression (b), puis de pression intermédiaire (c ou d), et enfin du faciès des Amphibolites (e et f) du gradient de MP ; au cours de ce dernier stade, les unités allochtones à température relativement élevée chevauchent les unités para-autochtones plus froides ; la fusion partielle des métapélites granulitiques (migmatisation) est intervenue au cours de la décompression, ce qui suppose que les conditions de PH2O sont devenues élevées durant l’exhumation. s. ch. : sous charriage des unités para-autochtones ; écl : éclogites ; gra : granulites. Données de Burg et al. (1989) et de Mercier et al. (1991) ; in Kornprobst, 2001.
➤ préservées (figure 4, planche 6) ; 2 : éclogite partiellement rétromorphosée ; en 2M,
observé macroscopiquement, les minéraux, préservés de la paragenèse éclogitique, sont séparés par une couronne autour du grenat (figure 3, planche 7). Celle-ci est identifiée au microscope (2m) : elle est constituée d’amphibole verte, la hornblende (Hb) et de plagioclase ; ancien omph : omphacite déstabilisé en symplectite Cpx + Pl (figure 13.5). À la périphérie du boudin (3), les minéraux primaires ont totalement disparu, laissant la place à l’amphibole et au plagioclase ; la roche est une amphibolite, mais sa structure précoce est encore partiellement préservée et les fantômes du grenat sont encore reconnaissables (observation au microscope). En 4, la roche a acquis la foliation hercynienne qui entoure la relique éclogitique et a perdu la mémoire de son histoire précoce, tout comme les métapélites (5) qui les contiennent. Amphibolite (4) et métapélites (5) sont équilibrées dans les conditions du faciès Amphibolite d’un gradient de MP-HT. Le dessin de l’affleurement est d’après Heinrich (1982) ; Zo : zoïsite. Les carrés de la figure 2m concernent l’exercice 1.2 de ce chapitre.
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
13.2.2 De la subduction à la collision La préservation métastable des assemblages de haute pression indique qu’une bonne partie des unités chevauchantes qui les contiennent – métapélites comprises – ont initialement recristallisé dans les conditions de HP. Dans leur grande majorité, ces roches sont rééquilibrées dans les conditions d’un gradient de MP. Le passage d’un gradient métamorphique de HP à un gradient de MP marque le passage d’un régime de subduction à la collision des marges de l’océan. Les matériaux continentaux de la marge peuvent être entraînés à grande profondeur, comme en témoignent les reliques d’UHP, mais rapidement, c’est le ralentissement, puis le blocage du processus d’enfouissement des unités continentales. L’invagination des isothermes, fortement marquée dans la croûte océanique en subduction rapide, est donc ici réduite, ce qui s’accompagne d’une diminution de la pente du géotherme. Le ralentissement et le blocage des unités crustales du biseau continental subduit ne correspondent naturellement ni au ralentissement, ni au blocage de l’ensemble de la lithosphère, le moteur de la subduction étant situé dans le manteau supérieur convectif. La lithosphère mantellique poursuit son chemin vers les profondeurs, tandis que les unités crustales sont découplées et s’empilent les unes sous les autres. Ce mécanisme conduit à l’épaississement de la croûte continentale, typique des stades de la collision et de l’hypercollision. Cet empilement de nappes crustales (riches en éléments radioactifs) est le siège d’une importante production de chaleur (par contraste avec ce qui se produit dans les empilements d’unités océaniques, pauvres en éléments radioactifs), qui induit l’élévation du géotherme au-delà des valeurs du géotherme de la lithosphère stable. Les unités profondes de HP remontent vers la surface à la faveur de contacts anormaux inverses développés par la collision. La remontée de l’unité supérieure (USG) est favorisée par l’érosion des reliefs en surface. Dans le même temps, les gneiss de l’unité inférieure (UIG) s’enfoncent sous le chevauchement. En conséquence, les trajets PTt des 2 unités sont différents : tandis que le trajet des éclogites et granulites est rétrograde en pression (de a à d sur la flèche hachurée de la figure 13.7), dans le même temps, celui des unités autochtones est prograde (g sur la flèche noire). Durant ce trajet prograde, les roches se déshydratent et libèrent de l’eau qui percole l’unité chevauchante et qui serait responsable de la fusion partielle pendant l’évolution rétrograde des métapélites granulitiques. L’« Unité supérieure des Gneiss » contient les témoins des aires océaniques du Paléozoïque inférieur, formés parfois en contexte d’arrière arc, et/ou de la marge continentale amincie. L’âge des protolithes basiques des CLA est variable selon les régions et se situe entre 450-480 Ma. Le métamorphisme de HP témoigne des phénomènes de la subduction : un âge aux environs de 410-390 Ma dans le Massif central indique la fin de la subduction et le début de la collision. Dans le Massif armoricain, un second épisode éclogitique plus récent, à la fin du Dévonien (360-370 Ma) est identifié dans la nappe de Champtoceaux (Ballèvre et al., 2009). L’exhumation de ces roches de (U)HP se réalise avant 380-360 Ma. L’âge des migmatites situées au-dessus du CLA indique que la fusion crustale est contemporaine de cette exhumation. 188
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13.2 • Le gradient métamorphique de moyenne pression
L’« Unité inférieure des Gneiss » représente la marge continentale qui n’est pas subduite et qui est impliquée dans la collision. Au stade de l’épaississement crustal, cette unité a subi un métamorphisme de moyenne pression lorsqu’elle est chevauchée par l’« Unité supérieure des Gneiss » en cours d’exhumation, vers 360-350 Ma. Dans les zones externes de la chaîne hercynienne, le métamorphisme de moyenne pression-basse température, associé aux chevauchements des unités para-autochtones, est plus récent (350-330 Ma), ce qui traduit la migration du front orogénique vers l’extérieur de la chaîne.
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13.2.3 Rareté et préservation du faciès des Schistes bleus dans les chaînes anciennes L’évolution géodynamique discutée ci-dessus rappelle celle que nous avons décrite dans le chapitre précédent concernant le dôme Lépontin dans les Alpes. Ainsi, l’histoire des deux chaînes de montagnes, hercynienne et alpine, semble assez semblable. La différence réside dans le fait que la première est une chaîne ancienne qui a terminé son cycle complet, tandis que la seconde est encore en cours d’évolution. Le métamorphisme est essentiellement de HP-BT dans les Alpes, mais évolue vers un gradient de MP dans le dôme Lépontin. Ce métamorphisme de HP a presque complètement disparu de la chaîne hercynienne et la rareté des Schistes bleus et éclogites de BT, à glaucophane, dans les chaînes anciennes est remarquable. Apparaissant avant la collision ou au stade précoce de celle-ci, les paragenèses de haute pression HP-BT peuvent être conservées si les roches remontent rapidement vers les niveaux supérieurs de la croûte. Comme le montre le trajet d’exhumation à vitesse v = 1 cm/an de la figure 13.8, l’exhumation se fait, dans ce cas, avec une faible augmentation de T ; elle peut être isotherme et même, se faire à température décroissante, comme nous l’avons décrit dans les Alpes (figure 12.2), en suivant un trajet rétrograde quasi-identique au trajet prograde. Dans ces conditions, la recristallisation est très limitée et la paragenèse de HP est largement préservée. Cependant, à ce stade, l’épaississement crustal de la chaîne dans laquelle sont incorporées ces roches n’est souvent pas encore résorbé et les roches de HP exhumées, portées en altitude, sont rapidement érodées. Dans les Alpes, les roches de HP-BT, schistes bleus et éclogites de BT, forment les reliefs à une altitude généralement supérieure à 2 000 m : elles seront sans doute érodées et auront quasiment disparu dans quelques millions d’années. Par contre, si la roche demeure en profondeur à la fin du processus d’enfouissement, la relaxation des isothermes entraîne son réchauffement et la disparition de la paragenèse de BT par rééquilibration dans les conditions des faciès Schistes verts et Amphibolite (trajectoire v = 0,25 mm/an sur la figure 13.8). Dans la chaîne hercynienne en France, nous avons noté ci-dessus que l’île de Groix et son prolongement au bois de Cené, en Vendée, est un cas exceptionnel d’affleurement de roches du faciès Schistes bleus qui ont échappé au rééquilibrage dans les conditions du gradient de MP. Ceci s’explique parce que cette formation s’est, sans doute, retrouvée en dehors des reliefs de la zone de collision, après la fin de la subduction responsable du métamorphisme précoce de HP-BT. 189
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
C’est une situation équivalente en Corse alpine où, après l’obduction de la lithosphère océanique métamorphisée à HP sur la marge corse, la convergence alpine s’est déplacée plus à l’est, dans les Apennins. Les métabasites de HP-BT exhumées se trouvent à faible altitude et n’ont pas été incorporées dans les hauteurs de la chaîne de montagnes, où elles auraient été rapidement détruites par l’érosion.
Faible degré
Schistes verts
Amphibolite
Schistes bleus ,
Éclogite
Gradient
PRÉSERVATION DES SCHISTES BLEUS
Figure 13.8 – Modélisation numérique de l’exhumation des roches de HP-BT. Le trajet PTt prograde correspond à l’enfouissement d’une roche à 50 km de profondeur avec une vitesse (v) de – 1 cm par an. Les trajets rétrogrades en pression sont les trajets d’exhumation de cette roche à des vitesses variables. Avec une vitesse de 1cm/an, la roche se réchauffe très peu pendant l’exhumation : elle préserve sa paragenèse de HP-BT. Si la roche est exhumée plus lentement, avec des vitesses égale ou inférieure au millimètre/an, la roche se réchauffe significativement : elle perd sa paragenèse de BT et acquiert une paragenèse (qui correspond au pic thermique) du faciès Schistes verts et même du faciès Amphibolite selon le cas. La modélisation est réalisée avec le logiciel MetaMod (Nicollet et Bernard, 1999 ; téléchargeable à http://christian.nicollet.free.fr/page/Metamod/metamod.html) qui est basé sur une solution simplifiée, analytique de l’équation de la chaleur (voir paragraphe 1.3.1c), proposée par Carslaw et Jaeger en 1959. Quoique très simpliste, cette modélisation donne une bonne idée, au moins qualitative, du trajet PTt de l’exhumation des roches.
13.3 SOUS-CHARRIAGE
ET MÉTAMORPHISME INVERSE
Le mécanisme de chevauchement présenté dans les pages précédentes a pour conséquence la superposition d’une unité supérieure qui est non seulement, de plus haute pression que l’unité sous-jacente, mais qui est aussi plus chaude que celle-ci. Ceci explique la position inattendue des migmatites au sommet de l’« Unité supérieure des Gneiss » chevauchante du Massif central. Parfois, les isogrades du métamorphisme sont inversés au niveau d’un chevauchement majeur. Ce métamorphisme inverse a 190
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13.3 • Sous-charriage et métamorphisme inverse
une extension de quelques kilomètres dans la zone de chevauchement. Il est observé dans différentes régions du globe et à différentes époques, en contexte de collision. Citons, entre autres : au protérozoïque, dans l’état du Wyoming (États-Unis d’Amérique) ; au paléozoïque, dans les Calédonides, en Scandinavie et dans la chaîne hercynienne : vallée du Lot dans le Massif central français et sous la nappe de Champtoceaux dans le Massif armoricain. L’exemple himalayen est sans doute le plus étudié (figure 13.9). Sous les ophiolites, une « semelle métamorphique » présente également un gradient inverse d’extension limité à quelques centaines de mètres d’épaisseur, lié à l’obduction de la lithosphère océanique sur le continent. Nous reviendrons sur ce cas dans un chapitre ultérieur relatif au métamorphisme des ophiolites et de la lithosphère océanique (chap. 15). En contexte collisionnel, le métamorphisme inverse est caractérisé, dans les lithologies pélitiques, par la superposition des minéraux index du gradient de moyenne pression-haute température avec, du bas vers le haut : biotite-grenat-staurotidedisthène et parfois sillimanite. Dans la vallée du Lot (Massif central), les métapélites situées au sommet de l’unité inférieure comportent des assemblages à sillimanite + grenat de relativement haute température, tandis que les assemblages à staurotide + disthène, situés plus profondément dans l’édifice correspondent à des températures plus faibles. L’origine de ce métamorphisme est encore discutée malgré d’abondantes études, en particulier sur l’exemple himalayen. De nombreux modèles ont été envisagés. • Le modèle classique du « fer à repasser » est lié au chevauchement syn-métamorphe d’une unité chaude sur une unité froide. La chaleur de la plaque supérieure se propage vers le bas par conduction thermique et crée un gradient métamorphique inverse (qui diminue vers le bas) dans l’unité chevauchée. Chaleur de friction (shear heating) et transfert de chaleur par advection de fluides libérés par déshydratation de l’unité chevauché peuvent fournir un appoint substantiel. Le gradient apparemment inverse dans l’unité chevauchante résulterait de la rétromorphose plus ou moins importante des paragenèses de HP-HT. Sur le modèle présenté dans le diagramme PT de la figure 13.9 c, le géotherme (g1) dessine un Z. Sa forme est la conséquence du chevauchement instantané de l’unité profonde et chaude (US) sur l’unité inférieure superficielle (UI) relativement froide. La base de l’US est refroidie au contact, tandis que la partie supérieure de l’UI est réchauffée par conduction. C’est la transition entre la portion de géotherme chaud et celle de géotherme froid qui correspondrait au gradient métamorphique inverse. Ceci laisse supposer que le gradient métamorphique coïncide avec le géotherme, une situation tout à fait irréaliste. En effet, le géotherme en « Z » (g1) dessiné sur la figure 13.9 c est une situation transitoire pendant le chevauchement, mais qui se rééquilibre thermiquement rapidement par conduction à la fin du chevauchement : l’inversion disparaîtrait en quelques centaines de milliers d’années (g2 sur la figure 13.9 c) et a peu de chance d’être enregistrée par la recristallisation des roches. Cependant, dans la réalité, la mise en place progressive du chevauchement, transportant l’unité « chaude » pendant plusieurs millions d’années, rend discutable la conclusion précédente. 191
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
• L’inversion métamorphique pourrait être acquise par cisaillement(s) ductile(s) affectant une série préalablement métamorphisée, à polarité normale, provoquant le plissement des isogrades. Plus vraisemblablement, le chevauchement pourrait être contemporain du métamorphisme et se prolonger après la fin du métamorphisme ; le chevauchement peut correspondre à une seule zone de cisaillement localisée ou à plusieurs unités superposées et zones de cisaillement sur l’ensemble de la zone de métamorphisme inverse. • En Himalaya, des études récentes (par ex. Jessup et al., 2008) suggèrent que la zone de métamorphisme inverse correspond à la juxtaposition d’unités aux évolutions métamorphiques diachrones et répétées, et aux trajets PTt différents.
a c 1 2 3
4 5
b g1
g2
Figure 13.9 – Gradient inverse de métamorphisme dans la chaîne himalayenne. a) Coupe générale (d’après Lefort, 1986). L’unité inférieure (« Midlands » : UI) plonge sous l’unité supérieure (« dalle du Tibet » : US). La zone de chevauchement (de part et d’autre du MCT : « chevauchement central principal ») est caractérisée par un gradient inverse de métamorphisme traduit par la disposition inverse des isogrades (1), qui sont, « en montant » dans la série : Bt : biotite ; Grt : grenat ; Ky : disthène ; Sil : sillimanite. La base de la dalle du Tibet est migmatitique (3) ; des filons (5) issus de cette zone ont alimenté le leucogranite du Manaslu (4). b) Interprétation des relations entre MCT et migmatisation de la « dalle du Tibet » (Lefort et al., 1987). Le métamorphisme prograde des « Midlands » libère une phase fluide riche en eau qui percole les formations de la base de la « dalle du Tibet » (2), permettant leur fusion partielle. c) Modélisation du gradient inverse lié à un chevauchement dont la mise en place est instantanée dans un diagramme P-T. L’unité supérieure, remontée tectoniquement des domaines profonds d’une croûte continentale épaissie, transporte une importante quantité de chaleur (gradient ht) ; elle chevauche l’unité inférieure superficielle, plus froide (gradient bt) ; la base de l’US est refroidie au contact, tandis que la partie supérieure de l’UI est réchauffée par conduction. Le géotherme inversé g1, au moment de la mise en place du chevauchement instantané, correspond à la transition entre gradient ht et gradient bt ; l’inversion thermique disparaît rapidement en moins d’un Ma (géotherme g2 en tirets). m et fh : migmatites et fusion hydratée des granitoïdes. In Kornprobst, 2001.
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Exercices
Quelles que soient les modalités précises de formation du métamorphisme inverse, il est important de noter que celui-ci est le témoin indéniable d’une zone de chevauchement majeur dans un contexte de convergence intracontinentale et qu’il peut permettre d’évaluer l’amplitude des déplacements.
Exercices 1.1 Influence de la composition chimique des roches sur leur minéralogie Expliquez l’absence du chloritoïde dans la série métamorphique de MP du Lévezou et l’absence de la staurotide et du disthène dans les conditions du faciès Schistes verts.
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On remarque en effet que les paragenèses des métapélites dans le faciès Schistes verts d’un gradient de MP sont extrêmement monotones. Il s’agit essentiellement de micaschistes à Chl + Bt + Ms + Qtz auquel s’ajoute, à la transition avec le faciès Amphibolite, le grenat : Chl + Bt + Ms + Grt + Qtz. Pourtant, plusieurs minéraux alumineux, stables dès le début des conditions du faciès Schistes verts (figure 13.10) restent rares avant le faciès Amphibolite : il s’agit du disthène qui remplace la pyrophyllite (phyllosilicate d’alumine) dès 400 °C ; le chloritoïde se forme à partir de micas dans la même gamme de température ; la staurotide est stable bien avant l’isograde Std+ défini au paragraphe 8.1 ! (réaction 6 sur le diagramme PT de la figure 13.10). Après avoir expliqué la rareté de ces 3 minéraux dans les conditions du faciès Schistes verts et, en particulier, l’absence du chloritoïde dans le massif du Lévezou (figure 13.2), nous pourrons en tirer des conclusions sur la signification et les précautions d’emploi des « minéraux index » et isogrades du métamorphisme. Pour mener à bien cette étude, dessinez les diagrammes triangulaires AFM dans les champs numérotés respectivement T1, T2 et T3. Vous noterez que : • la composition des phases ferromagnésiennes se déplace vers les compositions magnésiennes lorsque T augmente. Ces variations sont très inégales : elles sont très importantes pour les deux micas biotite et chlorite et beaucoup plus modestes pour les grenats, chloritoïde et staurotide. Dans le cadre de cet exercice, vous considérerez que les compositions de ces 3 minéraux ne changent pas ; la composition de la chlorite s’étend dans toute la gamme Fe-Mg à basses températures et se réduit vers le pôle Mg lorsque T augmente (figure 13.11). • les champs T1 et T2 sur le diagramme PT de la figure 13.10 sont séparés par les réactions (3) FeCld + Ann = Alm + Ms + V et (2) Cld + Ky = St + Chl. • de même, les champs T2 et T3 sont séparés par les réactions (4) Cld + Bi + V = Grt + Chl. 193
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
700
500
T ˚C And Sil
And Ky
1
T1
T3
T2
4,5,6
3
10
Bt Ky
2
Ms St Chl Qtz
Prl Ky Qtz
Ms S Sil t Qt z Gt Bt
5
1 : FeChl Ms = FeCld Ann Qtz 2 : Cld Ky = St Chl 3 : FeCld Ann = Alm 4 : Cld Bt = Grt Chl Ms Qtz 5 : Cld = Grt Chl St 6 : Ms Chl Grt = St Bt Qtz
Sil Ky
P Kb Figure 13.10 – Grille pétrogénétique pour les métapélites et gradient métamorphique de MP-HT. Les trois phases en excès : ms-qtz-V ne sont pas systématiquement rappelées sur ce diagramme.
A ky st cld grt
+ qtz + ms +V
chl
M
F bt
Figure 13.11 – Compositions des minéraux des métapélites dans les conditions du faciès Schistes verts dans le diagramme AFM. Les minéraux en gris n’apparaissent qu’au-delà des températures d’équilibre des réactions (2) et (3) du diagramme de la figure 13.10. La chlorite est une solution solide (Fe-Mg) complète à basse température et sa composition est réduite en se déplaçant vers le pôle magnésien (flèche) lorsque T augmente.
1.2 Évolution rétrograde contrastée des éclogites des monts du Lyonnais dans le Massif central français a) Les éclogites des monts du Lyonnais montrent des évolutions symplectitiques comme celles de la figure 13.6, mais les minéraux des symplectites autour du grenat sont, selon le cas hbl + pl ou opx + pl. Expliquer ces différences. Pour cela, tracer le point invariant faisant intervenir les cinq phases suivantes : Opx, Cpx, Pl, Hbl, Grt, Qtz. Les minéraux sont placés dans un diagramme de votre choix (à partir de leurs formules structurales données ci-dessous) après avoir choisi le système chimique approprié. 194
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Solutions
Opx : Si1Mg0,75Fe0,25O3 ; Cpx : Si2Mg0,9Fe0,10Ca1O6 ; Pl : Si2Al2Ca1O8 (pôle pur calcique) ; Grt : Si3Al2Mg1,13Fe1,12Ca0,75O12 ; Hbl : Si7Al2Mg3,2Fe0,8Ca2O22(OH)2 ; Qtz : SiO2 ; eau : H2O. On peut aussi directement utiliser la solution qui est donnée dans le triangle de la figure 13.13. Le dessin de ce point invariant dans l’espace P-T est amorcé (figure 13.13) ; terminezle et écrivez les réactions. Indiquez toutes les paragenèses possibles (sous la forme de triangles ACF) dans cette grille pétrogénétique. Tracez les trajets PTt suggérés par les observations pétrographiques. Quelle interprétation géodynamique peut-on en faire ? La solution obtenue à l’aide de cette figure est-elle la seule possible ? 700˚
T ˚C
(Grt)
A 1,0 (Opx)
P
+ Qtz +V
(Hbl)
Pl Grt
GPa C
Hbl Cpx
Opx
F
Figure 13.12 – Compositions des minéraux des métabasites
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
et amorce du point invariant.
b) Situez les différents assemblages minéralogiques des métabasites de la figure 13.6 sur le trajet PTt à BT que vous venez de dessiner (correction figure 13.14). Représentez les diagrammes ACF correspondants (on considère que le quartz est présent dans tous les assemblages). Quelle précaution doit-on prendre en termes d’échelle d’observation en ce qui concerne l’assemblage 2m ?
Solutions 1.1 Diagramme dans le champ T1 : A basses T, un champ divariant à 3 minéraux ky-cld-chl (les trois phases en excès : ms-qtz-V ne sont pas rappelées dans ce corrigé) peut être dessiné du côté du pôle A. Pour les compositions de roches moins alumineuses, la paragenèse est constituée des 2 micas ferromagnésiens avec des compositions variables. 195
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
Diagramme dans le champ T2 : au-delà des réactions d’apparition du grenat (3) et de la staurotide (2), le nombre de champs divariants augmente et 6 paragenèses sont identifiées : ky-st-chl ; st-chl-cld ; st-grt-cld ; chl-cld-bt ; cld-bt-grt ; chl-bt. Les trois premières concernent les roches aux compositions alumineuses ; les deux suivantes, des compositions variées en ce qui concerne l’alumine, mais riches en fer. Comme à T1, la dernière paragenèse est typique des roches peu alumineuses avec une gamme Fe-Mg variée. Diagramme dans le champ T3 : La réaction (4) Cld + Bi + V = Grt + Chl + Ms + Qtz modifie le triangle précédent et les paragenèses chl-cld-bt et cld-bt-grt sont remplacées par chl-cld-grt ; chl-bt-grt. La ligne de liaison grt-chl exclut la phase cld des paragenèses des roches peu alumineuses. Lorsque T augmente, la composition de la chlorite devient plus magnésienne et le champ de l’assemblage chl-bt-grt s’élargit vers les roches de composition variée ; le grenat se forme par la réaction continue (4’) Chl + Ms + Qtz Æ Grt + Bt + V : les réactions (4) et (4’) sont considérées comme les réactions isogrades grt+ dans les métapélites alumineuses : l’isograde grt+ est fonction de la composition chimique des roches. Au-delà de T3, la réaction (5) Cld = Grt + Chl + St + V fait disparaître le chloritoïde et nous permet de faire le lien avec la figure 8.1. Sur cette figure, nous avons décrit les isogrades St + et Ky + dans les métapélites peu alumineuses.
T1
ky
cld chl
bt
st + grt1+
grt2+
T2 st cld grt
bt
ky
chl
T3 st cld grt
ky
chl
bt
Figure 13.13 – Triangle AFM dans les différents champs T1, T2 (faciès Schistes verts) et T3 (début du faciès Amphibolite) du diagramme PT. La chlorite, avec une solution solide Fe-Mg complète à BT, sépare nettement les paragenèses des métapélites alumineuses et peu alumineuses. Cette distinction s’atténue lorsque T augmente, car la solution solide du mica se réduit alors vers les compositions magnésiennes. Entre les triangles T1 et T2, les réactions (2) et (3) représentent les réactions isogrades St+ et Grt1+ pour les métapélites alumineuses et la réaction (4), la réaction isograde Grt2+ pour les métapélites peu alumineuses. La figure 8.1 donne la suite de cette succession de diagrammes (et isogrades) dans le faciès Amphibolite. Les lignes de liaison entre chlorite et biotite montrent que des roches de composition variée (en termes de rapport Fe/Mg) ont une paragenèse identique grâce à l’importante solution solide de ces 2 minéraux. De telles lignes doivent être tracées pour les assemblages : cld-chl, ky-chl, grt-bt. Elles ne sont pas représentées ici par souci de clarté.
La lecture des diagrammes AFM de la figure 13.12 montre clairement que l’absence du chloritoïde dans le Lévezou dépend de la composition chimique des roches, 196
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Solutions
alumineuse ou peu alumineuse. Les métapélites et gneiss du dôme du Lévezou (et de bien d’autres régions de la chaîne hercynienne et ailleurs) dérivent de séries grésopélitiques peu alumineuses. Il en est de même de la rareté des autres phases alumineuses, disthène et staurotide, généralement absentes du faciès Schistes verts. Le chloritoïde peut exister dans les roches peu alumineuses, dans l’intervalle étroit entre les réactions (2) et (4) du diagramme T2, mais seulement dans les roches riches en fer. Dans le faciès Schistes verts, les métapélites alumineuses sont des roches relativement claires, car elles ne contiennent pas de biotite ; avec les nombreuses phases alumineuses, elles sont d’excellents marqueurs du métamorphisme dans ce faciès métamorphique, comme l’indiquent les nombreuses réactions sur le diagramme PT. Malheureusement, elles ne sont pas très abondantes ! Cet exercice est l’occasion de bien insister sur la signification précise (et les précautions d’emploi) d’un « minéral index » et d’un « isograde d’apparition ou de disparition » d’un minéral. Il est souhaitable d’identifier la « réaction isograde » responsable de l’apparition (ou disparition) d’un minéral index. 1.2 a) Les observations pétrographiques suggèrent, selon le cas, la réalisation des réactions : Cpx + Grt (+ Qtz) = Hbl + Pl ou Opx + Pl qui font passer les roches du domaine du faciès des Éclogites à celui des Amphibolites et Granulites respectivement. Cinq réactions portant le nom de chaque phase gravitent autour du point invariant. La réaction (Hbl) ne fait pas intervenir cette phase. Les deux lignes de liaison Cpx-Grt et Opx-Pl se coupent (figure 13.14), indiquant que la réaction est : (Hbl) Cpx + Grt = Opx + Pl L’approche graphique ne permet pas de placer le quartz dans cette réaction ; pour équilibrer chimiquement celle-ci (à l’aide des formules structurales données), il faut placer le quartz avec le Cpx et Grt. Dans le cas de la réaction (Pl), aucune ligne de liaison ne se croise et l’amphibole est à l’intérieur du triangle Cpx-Grt-Opx (figure 13.14) : la réaction (Pl) s’écrit :
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(Pl) Cpx + Grt + Opx = Hbl Cette réaction suppose l’intervention d’une phase vapeur d’eau et du quartz qui se placent du côté des minéraux anhydres de la réaction. De la même manière, on écrit les trois autres réactions : (Grt) : Opx + Cpx + Pl + V = Hbl (Opx) : Cpx + Grt+ Qtz + V = Hbl + Pl (Cpx) : Hbl + Grt + Qtz = Opx + Pl + V En appliquant la règle illustrée par la figure 7.1, il est aisé de compléter le diagramme PT du point invariant (figure 13.14). Les réactions (Opx), (Hbl) et (Grt) sont les réactions isogrades des faciès Éclogites, Amphibolites et Granulites. Ces réactions sont continues. 197
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Chapitre 13 • Le métamorphisme de moyenne pression-haute température
Les différentes paragenèses définies dans cette grille sont obtenues en dessinant les triangles ACF dans chaque domaine divariant (figure 13.14). A réaction (Hbl)
A réaction (Pl)
+ Qtz +V
+ Qtz +V
Pl Grt
C
Grt
Opx
Cpx
Hbl
F C
Cpx
Opx
F
700˚ (Cpx)
T ˚C
P GPa
Qtz
Cpx
+V+
V Q+
+
Opx
+Pl
Gr t+
Gr t
+Pl Hbl r t+ (Opx) px+G C
Qtz (Hbl)
Hb l +O px+
1,0
Faciès Granulite
(Pl)
Cpx
Faciès Amphibolite
Pl+V Opx+Cpx+ Hbl +V +Pl tz Opx Gr t+Q + Hbl
(Grt))
Faciès Éclogite
Figure 13.14 – Diagrammes ACF pour tracer les réactions (Hbl) et (Pl) ; point invariant et trajets PTt. Les phases « en excès » (Qtz et V) ne sont pas placées grâce à l’analyse géométrique, mais en équilibrant chimiquement les réactions avec les formules structurales.
Les textures décrites sur la figure 13.6 correspondent au franchissement des réactions (Opx) et (Hbl) respectivement dans le sens d’une décompression et font passer les éclogites dans les faciès Amphibolite ou Granulite. Sur ce diagramme, les deux évolutions rétrogrades en pression se font à des températures différentes. Elles indiquent une exhumation des roches. La solution proposée sur cette figure n’est pas la seule possible. Celle-ci ne tient pas compte de la nature des fluides, alors qu’intervient une phase hydratée, la hornblende. Si la pression partielle d’eau diminue dans la phase fluide, le point invariant (et les 198
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Solutions
réactions qu’ils portent) se déplace dans l’espace P-T en glissant le long de la seule réaction qui ne fait pas intervenir la phase hydratée (réaction (Hbl)). Le point invariant se déplace vers les basses températures. Ainsi, deux roches aux pressions partielles d’eau différentes suivent deux trajets rétrogrades PTt à température identique, mais chacun, de part et d’autre des réactions (Grt), (Cpx) et (Pl). b) Les assemblages (1), (3) et (4) de la figure 13.6 se placent sans ambigüité au début et à la fin du trajet PTt : dans le champ divariant entre les réactions (Pl) et (Opx) pour (1) et dans celui entre les réactions (Opx) et (Cpx) pour (3) et (4). On peut être tenté de placer (2) sur la réaction (Opx). Il n’en est rien ! Lorsque l’assemblage éclogitique (1) se trouve sur la réaction (Opx), l’assemblage Cpx + Grt est toujours stable. Ce n’est qu’à plus BP, en s’écartant de la réaction que celle-ci se réalise en donnant les textures coronitiques observées. (2) se situe donc dans le même champ divariant que (3) et (4). Il n’y a pas de difficultés pour représenter les assemblages (1), (3) et (4) dans les diagrammes ACF correspondants ; on remarque seulement que les roches sont biminérales (Cpx + Grt et Hbl + Pl). Par contre, la représentation de (2) dépend de l’échelle d’observation. À l’échelle de l’ensemble des dessins 2M et 2m, l’assemblage n’est pas à l’équilibre, donc non représentable sur le diagramme ACF. Mais si l’on raisonne à l’échelle des 2 petits carrés tracés sur la figure 2m, on obtient deux paragenèses du faciès Amphibolite : Hbl-Pl-Cpx(-Qtz) et Hbl-Pl-Grt(-Qtz). Celles-ci sont représentables dans 2 triangles partiels du diagramme ACF du champ divariant entre les réactions (Cpx) et (Opx). Les carrés délimitent des « équilibres partiels ».
199
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14
LE
MÉTAMORPHISME DE BASSE PRESSIONHAUTE TEMPÉRATURE DANS LES ZONES DE CONVERGENCE
PLAN
14.1 Arrière-subduction et ceintures métamorphiques doubles 14.2 Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale médiane – la chaîne hercynienne d’Europe occidentale 14.3 Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de moyenne pression de la croûte inférieure – la zone d’Ivrée 14.4 Métamorphisme d’ultra-haute température (UHT)
Le gradient de basse pression a été défini par Miyashiro (1961) dans les chaînes de l’Abukuma et du Ryoke, au Japon (figure 14.1). Il montre la succession des faciès Schistes verts, Amphibolite, puis atteint les conditions de l’anatexie hydratée et/ou le faciès Granulite ; dans les roches pélitiques, les silicates d’alumine sont andalousite et sillimanite (figure 3.3). Le gradient de basse pression est bien représenté dans la chaîne hercynienne, spécialement au cours des derniers stades de cette orogenèse (vers 300 Ma). En France, la Montagne Noire, le massif du Pilat, les massifs nordpyrénéens (dont le massif de l’Agly), la zone axiale des Pyrénées sont caractérisés par ce type de gradient (figure 3.1). Le métamorphisme de la zone nord-pyrénéenne, d’âge Crétacé supérieur, correspond également à ces conditions de basse pression. Le gradient de basse pression est très bien représenté au Précambrien et, en particulier, à l’Archéen. Il correspond à des domaines géologiques dans lesquels le flux thermique est élevé : 1. régions d’arcs et d’arrière arcs magmatiques, sièges de transferts magmatiques importants en provenance du manteau supérieur ; 2. chaînes au stade de l’effondrement consécutif à l’hypercollision ; 3. zones en extension : dorsales océaniques et rifts. 200
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14.1 • Arrière-subduction et ceintures métamorphiques doubles
Dans ce chapitre 14, nous nous intéressons au métamorphisme de BP-HT en contexte de convergence ; nous traitons de ce métamorphisme dans les domaines en extension au chapitre suivant.
14.1 ARRIÈRE-SUBDUCTION
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ET CEINTURES MÉTAMORPHIQUES DOUBLES Au Japon, l’association structurale entre une ceinture métamorphique de basse pressionhaute température (Ryoke-Abukuma) et une ceinture de haute pression-basse température (Sanbagawa) située plus au sud, vers la marge active Pacifique, a conduit Miyashiro (1961) au concept de ceintures doubles (« paired belts » ; figure 14.1). Celles-ci sont plus ou moins contemporaines et liées aux régimes thermiques contrastés de la subduction d’une part et de la zone d’arc et d’arrière arc, d’autre part. Ces chaînes sont orientées NE-SO, parallèlement à la zone de subduction. Dans la chaîne de Ryoke, trois zones principales de métamorphisme ont été définies à partir des assemblages des métapélites : • zone à chlorite + biotite + muscovite ; • zone à biotite + andalousite ; l’association muscovite + quartz est remplacée par l’assemblage de haute température à feldspath potassique + andalousite. • zone à sillimanite. Ces différentes zones métamorphiques correspondent à des températures croissantes et des pressions de cristallisation très faibles (P < 3 kb). Il n’a pas été décrit de migmatites dans ces métapélites ; cependant, la chaîne est recoupée par d’importantes masses de granitoïdes qui résultent de la fusion de domaines plus profonds de la croûte continentale. Dans la ceinture de Sanbagawa, des éléments de la croûte océanique du Pacifique et du prisme d’accrétion, accolés au microcontinent japonais, sont métamorphisés dans les conditions d’un gradient de HP-BT (assemblages à prehnite + pumpellyite, à glaucophane et à jadéite + lawsonite). Les matériaux hydratés, entraînés dans la subduction, libérent d’importantes quantités d’eau en recristallisant en profondeur. La percolation par cette phase riche en eau des péridotites du « coin » de manteau supérieur situé au-dessus du plan de subduction, en provoque la fusion partielle hydratée (figure 14.2). Des magmas basaltiques sont produits et migrent vers la surface ; de ce transfert magmatique résultent un transfert convectif de chaleur et un resserrement des isothermes en arrière de la zone de subduction à l’origine d’un métamorphisme de HT-BP qui atteint les conditions des faciès Amphibolite et Granulite. Le transfert de chaleur vers la surface s’effectue par relais successifs ; en effet, le stockage à la base de la croûte continentale de magmas basaltiques issus du manteau supérieur (« underplating », ou stockage infracrustal ») provoque la fusion partielle des métapélites, métagrauwackes et métagranitoïdes, à l’origine des liquides granitoïdes qui migrent vers des niveaux plus ou moins superficiels (andésites et batholithes granodioritiques) de la croûte chevauchante. 201
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
300 km ceinture HT-BP ceinture HP-BT
Abukuma Mer du Japon LTM
T
Océan Pacifique
Figure 14.1 – Les ceintures métamorphiques doubles au Japon. Au sud, la ceinture de HP-BT de Sanbagawa est proche de la zone de subduction. La ligne tectonique médiane (LTM) met celle-ci en contact avec la ceinture de HT-BP de Ryoke qui se prolonge à l’est au plateau d’Abukuma. Dans l’Océan Pacifique, les lignes pointillées avec les chevrons localisent les plans de subduction qui plongent sous le Japon. La Mer du Japon est un bassin d’arrière-arc. T : Tokyo. (D’après Miyashiro, 1961)
Plusieurs exemples de ceintures doubles sont décrits à travers le monde, en particulier sur le pourtour pacifique, avec des âges variés. Les deux ceintures sont souvent séparées par une zone de 100 à 200 km peu déformée et peu métamorphique. C’est le cas dans l’ouest des États-Unis d’Amérique : le complexe franciscain est une ceinture métamorphique de HP-BT (faciès Zéolite à Schistes bleus), d’âge Jurassique-Crétacé, que l’on peut suivre sur 1000 kilomètres le long de la côte ouest des États-Unis. À l’est, si la Sierra Nevada est constituée essentiellement d’un grand nombre de batholithes granitiques, on peut y observer un métamorphisme de BP-HT. Souvent, l’évolution tectono-métamorphique de ces « ceintures doubles » est complexe. Les ceintures peuvent être juxtaposées, mais dans ce cas, le contact se fait à la faveur d’une faille majeure coulissante. Au Japon, la « ligne tectonique médiane » (figure 14.1), un accident transcurrent, a mis en contact les deux ceintures métamorphiques formées au cours d’une subduction oblique et dont l’évolution ne correspond pas exactement au schéma simple discuté ci-dessus (figure 14.2).
202
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14.2 • Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale médiane
Figure 14.2 – Mécanisme de formation de ceintures métamorphiques doubles, en liaison avec la subduction.
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Le plongement de la lithosphère océanique le long d’une zone de subduction se traduit par le métamorphisme HP-BT du prisme d’accrétion et de la croûte océanique. La croûte océanique non exhumée et le manteau supérieur lithosphérique serpentinisé recristallisent en profondeur (50 à 120 km) en libérant de l’eau. Celle-ci, percolant le manteau supérieur sous-continental chevauchant, en provoque la fusion partielle hydratée. Les magmas basaltiques produits de cette fusion partielle se propagent vers la base de la croûte continentale, provoquant un transfert de chaleur et une remontée des isothermes qui est reponsable d’un métamorphisme HT-BP dans les unités crustales. La fusion de ces unités crustales est la source de granitoïdes et andésites qui propagent l’anomalie thermique vers la surface. HP-BT : gradient de HP-BT ; HT-BP : gradient de HT-BP ; 1 : croûte continentale ; 2 : domaine d’extraction des magmas basiques dans le « coin mantellique » hydraté ; 3 : accumulation de magmas basaltiques à la base de la croûte continentale (« stockage infracrustal ») ; 4 : diapirs de granitoïdes ; 5 : isothermes ; 6 : solidus hydraté des péridotites ; 7 : percolation de l’eau à partir de la lithosphère océanique. Modèle inspiré de Tarney et al. (1991), in Kornprobst (2001).
14.2 HYPERCOLLISION
ET DÔMES MIGMATITIQUES DANS LA CROÛTE CONTINENTALE MÉDIANE – LA CHAÎNE HERCYNIENNE D’EUROPE OCCIDENTALE
Le gradient de BP-HT paraît très souvent associé aux phases tardives de l’orogenèse. C’est le cas notamment dans la chaîne hercynienne d’Europe occidentale dont les séries métamorphiques les plus récentes sont caractérisées par des gradients de ce type. Ces gradients HT-BP se sont en effet développés tardivement dans l’évolution orogénique (vers 320-290 Ma), au cours d’une période correspondant aux stades finaux de la collision, postérieurement à un gradient métamorphique de MP-HT. 203
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
Certaines de ces unités de HT-BP sont centrées sur un dôme migmatitique. C’est le cas des massifs hercyniens de l’Agly, à l’est des Pyrénées (figure 14.3), celui du PilatVelay, à l’est du Massif central (figure 14.5 et 14.6) et celui de la Montagne Noire au sud du Massif central (figure 14.7).
14.2.1 Le massif hercynien nord-pyrénéen de l’Agly Le massif de l’Agly est, au nord de la zone axiale hercynienne des Pyrénées, le massif nord-pyrénéen le plus oriental. Un dôme gneissique migmatitique et granulitique, d’âge supposé Protérozoïque tardif, est enveloppé de façon plus ou moins continue par des unités essentiellement métapélitiques, métamorphisées dans les conditions du faciès Amphibolite, d’âge probablement paléozoïque inférieur. Le degré de métamorphisme est caractérisé par un très fort gradient thermique (jusqu’à 100 °C/km), croissant vers le dôme ; les isogrades de limite d’apparition des minéraux sont disposés de façon concentrique autour du dôme (figure 14.3). La succession des isogrades peut correspondre aux réactions minéralogiques suivantes (système A’KF ; quartz + eau en excès) : chlorite + microcline = biotite + muscovite
(1)
muscovite + chlorite = cordiérite + biotite
(2)
cordiérite + muscovite = andalousite + biotite
(3)
andalousite = sillimanite
(4)
muscovite = sillimanite + feldspath potassique
(5)
sillimanite + biotite = cordiérite + grenat + feldspath potassique
(6)
La sillimanite apparaît au sein des micas, au cours de réaction de déshydratation, avant la transformation polymorphique (4), comme en témoigne la coexistence des 2 polymorphes dans une même roche. Nous avons discuté de cette coexistence des silicates d’alumine au paragraphe 9.2. La fusion partielle des métapélites intervient au niveau de la réaction (6), produisant des gneiss à sillimanite, feldspath potassique ± grenat, à des températures supérieures à celles de la déstabilisation de l’assemblage muscovite + quartz dans des conditions estimées à 650-700 °C pour 0,25-0,3 GPa environ. Le dôme migmatitique est essentiellement constitué de gneiss anatectiques (gneiss de Belesta et de Caramany) au sein desquels ont été mis en place des intrusions mafiques (d’affinité tholéiitique et/ou calco-alcaline) et des granitoïdes syntectoniques et synmétamorphiques. Le massif de l’Agly est caractérisé par la présence de la charnockite d’Ansignan, granodiorite à orthopyroxène qui constitue un sill (ou laccolite) de plus d’un kilomètre d’épaisseur sur une superficie de 5 km 2 dans les gneiss anatectiques de Caramany ; il est associé à des métabasites d’origine mantellique. Les principales paragenèses de la charnockite sont : Opx + Kfs ± Bt + Pl + Qtz Opx + Grt + Kfs ± Bt + Pl + Qtz 204
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14.2 • Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale médiane
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celles des métabasites associées : Opx + Pl + Qtz ± Bt Opx + Cpx + Pl + Qtz ± Bt et celles des gneiss encaissants : Grt + Sil + Crd + Bt + Kfs + Pl + Qtz Grt + Crd + Pl + Sil + Qtz
Figure 14.3 – Exemple de dôme migmatitique : la zone interne du massif de l’Agly (Pyrénées orientales) (d’après Fonteilles, 1970). a) Structure du massif de l’Agly. 1 : Quaternaire ; 2 : terrains secondaires ; 3 : terrains paléozoïques quartzo-pélitiques plus ou moins métamorphiques ; tirets : métapélites ; pointillés : quartzites siluriens ; 4 : gneiss migmatitique de Belesta ; 5 : gneiss migmatitique de Caramany ; 6 : charnockite d’Ansignan et roches mafiques associées (noir) ; 7 : granite de Saint-Arnac. b) Répartition des isogrades dans la partie est du massif. 1 : Quaternaire ; 2 : terrains secondaires ; 3 : gneiss migmatitiques de Belesta et Caramany ; 4 : zone à chlorite ; 5 : zone à biotite ; 6 : zone à cordiérite ; 7 : zone à andalousite + biotite ; 8 : zone à sillimanite + muscovite ; 9 : zone à sillimanite + liquide (isograde d’anatexie). (Kornprobst, 2001).
205
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
Il s’agit de paragenèses du faciès Granulite : notons la coexistence de l’anatexie, de roches du faciès Granulite et de la charnockite. Ces différentes lithologies permettent l’application de nombreux thermo-baromètres conventionnels : thermomètres basés sur les réactions d’échanges Fe-Mg entre les deux pyroxènes, entre grenat et pyroxène ou biotite ou cordiérite et les baromètres utilisant les associations Opx-Grt-Pl-Qtz, Cpx-Grt-Pl-Qtz et Grt-Pl-Sil-Qtz. Les conditions de cristallisation dans le dôme anatectique correspondent à des températures relativement élevées (700 à 800 °C), et à des pressions sensiblement supérieures (0,5 GPa-0,6 GPa) à celles qui ont été déduites des assemblages des métapélites encaissantes : les conditions P-T décrites par le dôme ne s’inscrivaient pas dans le prolongement naturel du gradient métamorphique des séries métapélitiques encaissantes (figure 14.4). Il y
8
C
A
+ Qtz opx
Figure 14.4 – Évolution métamorphique de HT-BP dans le massif de l’Agly. La portion basse température du gradient métamorphique est dessinée à partir des six étapes qui caractérisent l’enveloppe métapélitique du massif de l’Agly (figure 14.3). La faible pente de ce gradient ressort, en particulier, de l’instabilité de l’association muscovite + quartz (ligne de réaction entre 5 et 6) à des températures inférieures à celles de la fusion partielle des métapélites (étapes 6 et 7). Les conditions de stabilité de la charnockite d’Ansignan (CA) dans la zone d’anatexie ne semblent pas dans la continuité du gradient métamorphique de l’enveloppe. Il en est déduit une ascension du domaine d’anatexie par rapport à son encaissant, le long d’accidents en extension ou en transtension ; ces 2 hypothèses rendent compte du gradient apparent de très forte T. Les doubles flèches schématisent la remontée relative des zones chaudes par rapport aux zones moins chaudes, sans préjuger du mécanisme : extension tardi-orogénique et/ou dôme en transtension. SiAl : andalousite ou sillimanite ; Ms : muscovite ; Kfs : feldspath potassique ; Crd : cordiérite ; Grt : grenat ; Chl : chlorite ; Bt : biotite ; Opx : orthopyroxène ; l : liquide granitique. (D’après les données d’Andrieux, 1982 ; Fonteilles, 1970 ; Vielzeuf, 1984 ; 1996), in Kornprobst, 2001). Remarquer la similitude avec les paragenèses du métamorphisme de contact (figure 11.1)
206
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
14.2 • Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale médiane
aurait une saute des conditions du métamorphisme. Andrieux (1982) décrit une évolution rétrograde discrète dans la charnockite : déstabilisation de l’orthopyroxène en symplectite à Bt + Qtz, dans les gneiss encaissants : déstabilisation des assemblages Grt +Kfs en Crd + Bt ; Gt + Sil + Qtz en Crd et apparition de Sil 2 ou d’andalousite en association avec la biotite suggérant un fonctionnement inverse de la réaction 6 dans les champs de stabilité de la sillimanite, puis de l’andalousite. Cette rétromorphose en P et T pourrait correspondre au rééquilibrage vers les conditions du gradient de BP de l’extérieur du dôme. Le gradient thermique très élevé dans le massif de l’Agly, à la transition des faciès Amphibolites et Granulite/anatexie, suggère un amincissement de la croûte continentale dans sa portion médiane. L’hypothèse d’une saute des conditions de pressions entre le dôme gneissique et son enveloppe pourrait s’expliquer par le fonctionnement d’une (ou des) zone(s) de cisaillement soustractif, qui est reconnu sur le terrain. Toutefois, leur importance est discutée. Pour certains, ces zones de cisaillement seraient des failles normales ductiles synmétamorphes responsables de l’amincissement crustal dans un régime en extension (Bouhallier et al., 1991) : cet amincissement est responsable d’une décompression qui pourrait favoriser la rétromorphose des granulites. En accord avec cette hypothèse, Althoff et al. (1994) observe de petites failles normales synmagmatiques dans la charnockite d’Ansigan et propose que la mise en place de celle-ci soit contemporaine de cette tectonique en extension. À l’opposé, il est envisagé que cet amincissement crustal soit d’âge crétacé. Olivier et al. (2001) contestent l’existence de failles de détachement et proposent que le dôme gneissique se forme dans un régime tectonique en transpression. Selon eux, le gradient thermique élevé serait lié à la mise en place de plusieurs intrusions : basiques, charnockitique et granitique, combiné à un amincissement crustal localisé. On voit donc que l’interprétation structurale du massif de l’Agly reste discutée. Toutefois, ce gradient métamorphique de HT-BP correspond très vraisemblablement à un transfert de la croûte inférieure vers la croûte supérieure à la fin de l’histoire de la chaîne hercynienne. Cette exhumation est associée à un transfert de chaleur advectif lié à la mise en place d’intrusions magmatiques mantelliques et crustales. L’injection de roches mafiques à partir du manteau supérieur est sans doute à l’origine des charnockites d’Ansignan, par fusion partielle des gneiss de Caramany. Quant à l’hypothèse crétacée, ne peut-on imaginer un nouvel événement d’extension lié au métamorphisme pyrénéen qui aurait ainsi permis la mise à l’affleurement de ces roches profondes tardi-hercyniennes?
14.2.2 Le massif du Pilat et le dôme anatectique du Velay À l’ouest de Vienne, le massif du Pilat se situe entre les monts du Lyonnais et le bassin carbonifère de Saint-Étienne au nord, et le massif du Velay au sud. Les monts du Lyonnais sont affectés par un métamorphisme de gradient de MP-HP à reliques de (U)HP-HT (éclogites à coésite et métapéridodite à grenat du Bois des Feuilles) dans un complexe leptyno-amphibolitique. Le gradient métamorphique de BP-HT dans le massif du Pilat est croissant du nord vers le sud jusqu’au volumineux massif du 207
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
Velay constitué d’anatexites et granites à cordiérite. Comme dans l’Agly, le gradient thermique est élevé et la distance qui sépare l’épizone des anatexites ne dépasse pas quelques kilomètres (figure 14.5). Les zones métamorphiques suivantes, typiques du gradient métamorphique de HT-BP, sont individualisées dans une lithologie principalement métapélitique : zones à chlorite, biotite, cordiérite, andalousite, sillimanite (+ kfs) et anatexites à cordiérite (et granites à cordiérite).
Mts Lyonnais
z. à andalousite
z. rétromorphose
z. à sillimanite
z. à chlorite
anatexites à crd.
z. à biotite
granite à crd du Velay
z. à cordièrite
G
autre granite
terrains post hercyniens
V
5 km
SE
Figure 14.5 – Carte des zones isométamorphiques dans le massif du Pilat-Velay. Au nord, les monts du Lyonnais montrent un gradient métamorphique de MP-HT. Au sud, cette formation est rétromorphosée par un événement métamorphique postérieur, de gradient de HT-BP, caractéristique du massif du Pilat. Les zones métamorphiques de ce gradient sont étroites, jusqu’au volumineux massif anatectique du Velay. SE : St-Étienne ; G : Givors ; V : Vienne. (D’après Chenevoy, 1964)
Sur la carte métamorphique du massif du Pilat (figure 14.5), la transition entre la série de MP-HT des monts du Lyonnais et celle de BP-HT du massif du Pilat se fait par l’intermédiaire d’une « zone de rétromorphose » au contact de la zone à chlorite du massif du Pilat. Dans cette « zone de rétromorphose », des chlorites contiennent des oxydes métalliques qui suggèrent que ces minéraux proviennent de la déstabilisation (c’est-à-dire de la rétromorphose) de biotites. Le fer et le titane de la biotite ne sont pas incorporés en totalité dans la chlorite néoformée et ces élements persistent sur le site du minéral sous la forme d’ilménite et magnétite. Du grenat relique, corrodé, est préservé dans ces roches et dans la mésozone, de la staurotide est blindée dans de l’andalousite. Ces indices prouvent que le gradient de BP dans le massif du Pilat succède à un gradient de MP encore préservé au nord, dans les monts du Lyonnais 208
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14.2 • Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale médiane
(figure 14.6). Le gradient de BP-HT résulte de la rétromorphose d’un gradient de MP, par décompression et, sans doute, par augmentation de la température. En effet, le volumineux dôme anatectique du Velay nécessite un apport thermique pour se former.
N
320
Mont Pilat
Monts du Lyonnais
Brevenne
Velay
320
301
345 340 25 km
bassin steph. bassin viséen
chevauchement
S Cévennes
granite migmatite
décrochement
oph. Brevenne Monts du Lyonnais Pilat - Velay
Sch. Cévennes
faille normale
Figure 14.6 – Coupe dans l’est du Massif central.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les unités tectoniques principales sont, du nord au sud, l’unité ophiolitique (oph.) de la Brévenne, les monts du Lyonnais, le massif du Pilat, le dôme anatectique du Velay et, au sud, les schistes épizonaux des Cévennes. La Brévenne et les monts du Lyonnais chevauchent les unités méridionales tandis que des failles normales ductiles favorisent l’exhumation des unités du Velay et du Pilat. Les trajets PTt sont dessinés pour l’unité des monts du Lyonnais (à gauche) et pour l’unité du Pilat (à droite). Le trajet prograde est identique et correspond à une évolution de MP-HT, caractéristique d’un contexte de collision. Dans le massif du Pilat, le pic en température est déplacé vers les basses pressions. Il est proposé que cette portion de trajet en décompression soit favorisée par la tectonique en extension ; un apport thermique supplémentaire, sous la forme de magma mantellique mis en place dans la croûte inférieure, serait nécessaire. Sur les diagrammes PT, le point triple des silicates d’alumine sert de repère. L’amorce des gradients métamorphiques (qui coïncident avec les pics thermiques) est tracée en tirets. L’âge des granites est donné en Ma. La coupe est de Lardeaux et al., 2001.
Les micaschistes du Pilat présentent une surface planaire de type C-S : les deux surfaces de schistosité (S) et de cisaillement (C) sont contemporaines et synmétamorphes. Ces microstructures de déformation non-coaxiale indiquent que la formation du Pilat est une zone de faille ductile qui sépare les monts du Lyonnais du dôme anatectique du Velay (figure 14.6). La disposition des plans C et S montre qu’il s’agit d’une faille normale à pendage vers le nord. Cette faille ductile serait la manifestation d’une extension tardi orogénique qui contribuerait à l’amincissement de la chaîne : elle accompagne la remontée rapide (décompression) des unités chaudes du dôme du Velay par rapport aux monts du Lyonnais. Une faille normale est un accident soustractif, ce qui explique que les zones métamorphiques soient étroites et que le gradient thermique soit élevé dans le massif. 209
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
14.2.3 La Montagne Noire : dôme gneissique extensif ou anticlinal post-nappe ? La zone axiale de la Montagne Noire, au sud du Massif central, est un bel exemple de dôme orthogneissique elliptique, orienté NE-SO, entouré d’unités métapélitiques affectés par un métamorphisme de gradient de BP-HT. Les isogrades sont concentriques et reserrés autour du dôme qui a atteint les conditions de l’anatexie (figure 14.7). Cette fusion partielle produit des migmatites et granite d’anatexie à cordiérite à partir de granites orthogneissifiés d’âge cambro-ordovicien. Des granites hercyniens recoupent la foliation migmatitique. La présence sporadique de staurotide a permis de carter localement un isograde de ce minéral ; notons également la présence de reliques de disthène et d’éclogite. La Montagne Noire appartient aux zones externes de la chaîne hercynienne du Massif central. La structure se caractérise par des grandes nappes et plis couchés déversés vers le sud, c’est-à-dire vers l’extérieur de la chaîne. Malgré la présence de rares éclogites, la structuration tectonique et le métamorphisme de la région sont sans rapport direct avec la subduction et la suture océanique. Selon certains auteurs, le gradient thermique élevé se serait développé, au moins partiellement, en régime de distension, soulignant ainsi l’ascension syn-métamorphique du dôme par rapport à son encaissant le long d’une faille de détachement lors de l’exhumation tardiorogénique.
Figure 14.7 – Exemple de dôme migmatitique : le massif de la Montagne Noire Massif central français. a) Structure de la Montagne Noire. 1 : terrains post-hercyniens ; 2 : bassins stéphanopermiens ; 3 : granites hercyniens type Vialais ; 4 : terrains métapélitiques du Paléozoïque inférieur ; 5 : gneiss métapélitiques ; 6 : orthogneiss ; 7 : zone fortement migmatisée. L : Lacaune ; M : Mazamet ; B : Bédarieux ; Ca : massif du Caroux ; Es : dôme de l’Espinouze. D’après Demange, 1985.
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14.2 • Hypercollision et dômes migmatitiques dans la croûte continentale médiane
Figure 14.7 – Exemple de dôme migmatitique : le massif de la Montagne Noire Massif central français. (suite) b) Répartition des isogrades de métamorphisme dans l’est de la « zone axiale » ; d’après Demange (1985) et van den Driessche et Brun (1992). Moulant le dôme migmatitique, ces isogrades correspondent à un gradient HT-BP. 1 : orthogneiss du Caroux ; 2 : Paléozoïque métamorphique. Domaine migmatitique ; 3 : gneiss leucocrates ; 4 : gneiss migmatitiques ; 5 : migmatites ; 6 : granite d’anatexie. 7 : reliques de disthène dans les assemblages de BP ; 8 : reliques d’éclogite. Pointillés noirs : isograde discontinu de l’apparition de la staurotide (Kornprobst, 2001).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Cette interprétation de la structure de la Montagne Noire dans un régime extensif est contestée sur les bases de données structurales et chronologiques. Pour Matte et al. (1998), la structure en dôme de la zone axiale de la Montagne Noire résulterait du plissement de la foliation dans un contexte de raccourcissement. C’est dans le cœur de cette structure plissée que se ferait la montée diapirique des granites d’anatexie. Les structures cisaillantes d’effondrement seraient postérieures à la structuration du dôme.
14.2.4 Vitesses d’exhumation et gradients métamorphiques L’intervention de la tectonique durant l’exhumation de roches profondes, que ce soit dans un régime de convergence ou bien au cours d’une extension tardi-orogénique, a une influence sur la vitesse de cette exhumation. Les vitesses de remontée estimées dans le cas d’une exhumation par simple rééquilibrage isostatique assisté par l’érosion sont de l’ordre de quelques dizièmes de mm par an. Lorsqu’interviennent des failles, les vitesses sont de l’ordre de quelques mm/an jusqu’à quelques cm/an. Cette variation de la vitesse a une influence sur l’évolution thermique de la formation concernée : 211
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
les roches chaudes exhumées rapidement n’ont pas le temps de se refroidir (à cause de leur mauvaise conductivité thermique) et arrivent chaudes à proximité de la surface. Cette évolution thermique de l’exhumation à vitesses variables peut être modélisée numériquement. Les trajets PTt rétrogrades de roches enfouies à des différentes profondeurs et exhumées à vitesses variables sont représentés sur la figure 14.8. Les pics en pression, c’est-à-dire le début de la trajectoire rétrograde en pression, coïncident avec ceux d’une série de roches enfouies à un intervalle de 5 km. Les conditions de la roche la plus profonde correspondent à une valeur moyenne des éclogites de hautes températures des complexes leptyno-amphibolitiques précédemment décrites. Les trajets en trait plein sont établis avec une vitesse d’exhumation de 0,3 mm/an dans un contexte de rééquilibrage gravitaire assisté par l’érosion. On constate que les pics en températures, qui ont de fortes chances d’être enregistrés par les paragenèses des roches, coïncident avec le gradient de MP-HT. À partir des pics en températures des trois échantillons les plus profonds, nous avons calculé un nouveau trajet (en tirets) avec une vitesse de 5 mm/an. On remarque que les pics en températures sont alors déplacés vers le gradient métamorphique de BP-HT.
300
500
700
T˚C
v = 5 mm/an
BP-HT
20
30
MP-
HT
-BT
HP
40
v = 0,3 mm/an
Pkm
Figure 14.8 – Modélisation numérique des trajets PTt de roches exhumées à vitesses variables. La simulation débute aux pics en pression d’une série de roches enfouies dans une collision. Les lignes en trait continu sont les trajets PTt de ces roches exhumées avec une vitesse de 0,3 mm/an (km/Ma), vitesse moyenne au cours d’un processus de rééquilibrage gravitaire assisté de l’érosion. Les pics en température de ces trajets coïncident avec le gradient métamorphique de MP-HT. Les 3 trajets en tiret sont calculés avec une vitesse de 5 mm/an (vitesse raisonnable lorsque l’exhumation est assistée par des failles normales) à partir des conditions des pics en T des 3 roches les plus profondes : les pics thermiques sont décalés vers le gradient de BP-HT. Les calculs sont faits avec le logiciel MetaMod (Nicollet et Bernard, 1999).
212
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14.3 • Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de la croûte inférieure
14.3 LE
MAGMATISME INFRACRUSTAL ET LES GRANULITES TARDIVES DE MOYENNE PRESSION DE LA CROÛTE INFÉRIEURE – LA ZONE D’IVRÉE
14.3.1 Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de moyenne pression Le dôme anatectique du Velay se met en place pendant une tectonique extensive tardiorogénique. Une anomalie thermique en est, sans soute, responsable : celle-ci a une origine profonde, et est associée à une remontée asthénosphérique. Nous avons noté que le métamorphisme de HT-BP du massif de l’Agly s’accompagnait d’intrusions magmatiques mantelliques. Des magmas basiques se seraient accumulés dans la croûte inférieure (magmatisme infracrustal) et sous la croûte (sous placage ou underplating des auteurs anglo-saxons, termes qui introduisent l’idée fausse que l’accumulation magmatique s’est produite sous la plaque alors qu’elle se produit sous la croûte). Disposés en sills et lentilles sub-horizontales, ces roches magmatiques contribueraient au caractère « lité » de la croûte continentale inférieure, tel qu’il apparaît à travers les enregistrements sismiques (figure 3.2). L’évolution rétrograde de ces intrusions est caractéristique d’un « refroidissement isobare » : la cristallisation magmatique des intrusions en profondeur a été suivie par leur recristallisation à l’état solide, traduisant un refroidissement progressif à pression constante (trajet 4 de la figure 2.4), au cours duquel elles acquièrent une texture granoblastique et des paragenèses du faciès Granulite : Cpx + Opx + Pl ± Ol ± amphibole ± grenat. La mise en place des magmas basiques a transféré, depuis le manteau vers la croûte, et libéré, à la base de la croûte inférieure, une importante quantité de chaleur qui provoque, ou accentue, la fusion partielle et la migmatisation de celle-ci.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
14.3.2 Zone d’Ivrée et différenciation de la croûte La zone d’Ivrée dans les Alpes italiennes, est une portion de la croûte continentale inférieure austro-alpine, sur la marge de l’océan alpin, remontée à la surface à la faveur de la collision alpine. Cette formation est constituée de granulites tardives de la chaîne hercynienne, datées aux environs de 300 Ma, Elle est constituée de roches magmatiques ultrabasiques et basiques, de paragneiss et de marbres (figure 14.9). Elle pourrait être l’équivalent de la croûte inférieure qui se trouve sous le massif de l’Agly ou celui du Pilat-Velay. Les roches de la zone d’Ivrée sont métamorphisées dans les conditions des faciès Granulite et Amphibolite. À la base de la série (au nord-ouest), les lherzolites/harzburgites à spinelle du manteau sont surmontées par un complexe gabbroïque litée. Au dessus, les métabasites sont intercalées avec des paragneiss à sillimanite. La paragenèse des métabasites est à clinopyroxène + orthopyroxène + plagioclase ± olivine ± grenat ± amphibole dans le domaine granulitique ; en remontant dans la série, vers le sud-est, les métabasites sont des amphibolites. Intercalés dans les métabasites granulitiques, les paragneiss granulitiques sont à quartz, plagioclase, mésoperthite, sillimanite, grenat ± biotite ; ces roches sont appelées 213
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
localement des « stronalites ». On remarque la rareté de minéraux hydratés. Ceux-ci deviennent abondants dans le faciès Amphibolite profond. La muscovite apparaît dans la partie supérieure de la zone d’Ivrée. La formation voisine de Strona-Céleri est une portion de la croûte continentale médiane, dans les conditions du faciès Amphibolite. Les métabasites y sont rares tandis que paragneiss, orthogneiss et granites abondent. Les paragneiss granulitiques de la zone d’Ivrée se seraient formés au cours d’une réaction de fusion « fluide absent » telle : Bt + Pl + SiAl = Grt/Crd + Kfs + L, donnant un liquide granitique et un paragneiss anhydre équivalent aux « stronalites ». Nous avons signalé au paragraphe 10.4.2 que la fusion « fluide absent » est susceptible de produire une quantité de magma suffisamment volumineuse pour que celui-ci puisse migrer vers des niveaux plus superficiels de la croûte. Le magma granitique ainsi formé pourrait avoir migré jusqu’à la formation de Strona-Céleri. Ainsi, la zone d’Ivrée représenterait une zone de fusion ayant perdu son liquide, lequel aurait migré dans la formation de Strona-Céleri et cristallisé sous la forme de granites.
a
Figure 14.9 – Les granulites basicrustales de moyenne pression. a) Les granulites à la base de la croûte continentale austroalpine : structure de la zone d’Ivrée (d’après Zingg et al., 1990 et Pin, 1990). 1 : transition entre faciès Granulite, au NW et faciès Amphibolite au SE (marquée par la réaction Op + Cpx + Pl + V = Hbl) ; 2 : isograde muscovite + quartz. Zone d’Ivrée. 3 : complexe basal ; péridotites mantelliques de Balmuccia (B) ; groupe lité inférieur (GLI) : gabbros et pyroxénites granoblastiques mis en place vers 600 Ma. 4 : en noir, complexe basique tardi-hercynien (300-280 Ma) ; il comporte gabbros, pyroxénites et anorthosites (Cpx + Opx + Pl) dans le faciès des Granulites (FG), et des diorites (Hbl + Pl) dans le domaine du faciès des amphibolites (FA) ; lignes : métapélites restitiques ; ce sont des « stronalites » (Grt + Sil + Pl + Kfs + Qtz) dans le faciès des Granulites, et des « kinzigites » (Grt + Bt ± Crd + Pl + Kfs + Qtz) dans le faciès des Amphibolites. Zone de Strona-Celeri. 5 : orthogneiss (croix étirées), gneiss et micaschistes (lignes) ; 6 : granitoïdes tardi-hercyniens. LI : ligne insubrienne ; LP : ligne de Pogallo. Le transfert de chaleur lié à l’amincissement tardi-orogénique et à l’intrusion du complexe basique tardi-hercynien a provoqué la fusion partielle des métapélites à la base de la croûte continentale ; les liquides granitiques ont migré vers la croûte supérieure ; l’association des métabasites granoblastiques (après refroidissement isobare et recristallisation statique) et des restites métapélitiques a constitué la croûte inférieure granulitique post-hercynienne dans les domaines où la fugacité de l’eau était faible.
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14.3 • Le magmatisme infracrustal et les granulites tardives de la croûte inférieure
b
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Figure 14.9 – Les granulites basicrustales de moyenne pression. (suite) b) Schéma illustrant les différents modes de granulitisation tardive dans la croûte continentale inférieure (d’après Clemens, 1990) : injection de magmas basiques (en noir) à partir du manteau supérieur (V renversés), dans la croûte inférieure métagranitique et métapélitique ; fusion partielle des métapélites sous l’effet de ce transfert de chaleur ; les liquides granitiques anatectiques absorbent l’eau du système, migrent vers la surface et abandonnent des restites granulitiques (tirets) en profondeur. L’apport de chaleur provoque aussi des réactions de décarbonatation dans les marbres (briques) et donc un flux de CO2 (flèches) ; la concentration en eau dans la phase fluide diminue, le champ de stabilité des phases hydratées est réduit ; les assemblages granulitiques se développent dans le réseau de percolation du CO2 (pointillés). Un flux de CO2 peut également provenir directement du manteau supérieur et avoir les mêmes effets ; il est en principe possible de distinguer ces deux types de flux par l’étude des d13C, les rapports isotopiques du carbone étant différents dans le manteau et dans les carbonates d’origine biosédimentaire. À partir d’un certain niveau de la croûte continentale, le réseau fissural est assez perméable pour permettre une circulation de vapeur d’eau ; le champ de stabilité des phases hydratées est étendu et les assemblages granulitiques ne sont plus réalisés. Ce type de croûte inférieure granulitique ne peut affleurer qu’à la faveur d’accidents tectoniques majeurs au cours d’un nouvel événement orogénique (Zone d’Ivrée, figure a) ; elle est également échantillonnée en profondeur sous forme d’enclaves (e) ramenées à la surface par le volcanisme alcalin explosif. (Kornprobst, 2001).
L’étude détaillée de la zone d’Ivrée et autres sections de croûte ailleurs dans le monde, ont permis de proposer le modèle de différenciation de la croûte continentale. Le transfert de chaleur, parfois lié à l’amincissement tardi-orogénique et/ou à la mise en place d’intrusions magmatiques mantelliques, aurait provoqué une importante fusion partielle de la croûte inférieure. Cette fusion serait responsable de la différentiation de la croûte en produisant un magma granitique qui migre vers la croûte médiane, laissant sur place des résidus granulitiques de cette fusion partielle (les « stronalites »). Les conditions du métamorphisme sont celles du faciès Granulite, à haute température et moyenne pression : 750-850 °C ; 0,6-0,8 GPa, soit vers 25-30 km 215
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
de profondeur. Ces températures ne sont, en principe, pas dépassées : elles correspondent aux températures de la fusion « fluide absent » qui contrôle l’anatexie de la croûte inférieure. Tant que cette fusion n’est pas interrompue, la température ne peut pas augmenter. On dit que la réaction de fusion « tamponne » la température. Les intrusions basiques associées se refroidissent et sont rééquilibrées dans les conditions du faciès Granulite, parcourant un trajet isobare, rétrograde en température. Nous l’avons noté précédemment : cette croûte inférieure granulitique est accessible à l’affleurement, dans la zone d’Ivrée, car elle a été exhumée à l’occasion de la collision alpine, puisque le domaine austro-alpin (auquel appartient la zone d’Ivrée) a chevauché la chaîne. À l’ouest de la chaîne alpine, en France, la croûte inférieure n’est pas accessible, puisqu’elle a été sous-charriée sous la chaîne alpine. Le dôme du Velay et le massif de l’Agly montrent la croûte médiane. C’est à la faveur de structures volcaniques néogènes du Massif central français (maar de Bournac en Haute Loire ; maar de Beaunit dans le Puy-de-Dôme) que les deux catégories de granulites basi-crustales (et des péridotites du manteau) ont pu être exhumées sous la forme d’enclaves (xénolithes) arrachées par la lave. Des enclaves métabasiques variées témoigneraient, sous le maar de Beaunit, d’une importante intrusion litée différenciée d’âge permien, mise en place sous la croûte continentale (P = 1GPa). Gabbro-norites, norites, pyroxénites, anorthosites se seraient refroidies dans les conditions du faciès Granulite (750-800 °C). Elles ont acquis des paragenèses pouvant contenir clinopyroxène, orthopyroxène, plagioclase, hornblende brune, spinelle et grenat (Berger et al., 2005).
14.4 MÉTAMORPHISME D’ULTRA-HAUTE (UHT)
TEMPÉRATURE
Le métamorphisme d’ultra-haute température (UHT) se caractérise par des températures extrêmes, supérieures à 900 °C, pour des pressions modérées entre 0,7 à 1,4 GPa. Les formations d’UHT se rencontrent dans le monde entier, sur tous les continents. À une exception près, elles sont précambriennes ; le seul exemple post-précambrien connu se trouve dans le complexe du Gruf, à l’ouest du massif de Bergell, dans les Alpes (figure 12.8 ; Droop et Bucher-Nurminen, 1984) ; il est daté à 33 mA. Les paragenèses diagnostiques sont constituées essentiellement de minéraux anhydres. Quelques associations typiques sont à saphirine + quartz, spinelle + quartz, sillimanite + orthopyroxène alumineux (figures 14.11 et 6, planche 3), osumilite (un cyclosilicate alumineux, magnésien et alcalin rare), mésoperthite. Ces associations minéralogiques caractéristiques du métamorphisme d’UHT sont rencontrées dans des roches réfractaires, riches en alumine et magnésium, métapélites de composition particulière dont l’origine est discutée. Mais ce métamorphisme peut également être reconnu dans les lithologies magmatiques basiques et felsiques. Bien que le métamorphisme d’UHT ait un caractère régional et affecte de vastes régions, les paragenèses sont rarement préservées et les roches présentent souvent des assemblages coronitiques complexes indiquant une rétromorphose dans des conditions PT moins rigoureuses du faciès Granulite. La préservation de ces assemblages, qui supposent des vitesses de réaction 216
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
14.4 • Métamorphisme d’ultra-haute température (UHT)
rétrograde lentes malgré les très hautes T, s’explique par le caractère anhydre de ces roches. Les conditions PT de formation de ces roches sont difficiles à évaluer. Et ceci, pour différentes raisons. Notons tout d’abord, que la géothermo-barométrie conventionnelle ne permet pas de faire des estimations correctes de ces températures extrêmes. Nous avons discuté au chapitre 8 des limitations à hautes T des thermomètres. De nouvelles méthodes, spécifiques à ces conditions sont formulées : teneur d’alumine dans les orthopyroxènes de hautes températures, éléments en trace sur le couple zircon-rutile, etc. D’autre part, les conditions P-T de stabilité des assemblages typomorphes restent imprécises (figure 14.11), car les paramètres thermodynamiques des phases impliquées sont encore mal connus. Dans la semelle métamorphique de l’ophiolite d’Oman, l’association saphirine + quartz est trouvée dans des paragenèses dont les conditions d’équilibre ne dépasseraient pas 800-850 °C et 6,5-9 kb (Gnos et Kurz, 1994). Des travaux expérimentaux tendraient à confirmer que les très hautes températures sont peut-être surestimées (Podlesskii et al., 2008). Bien qu’en faible quantité, les éléments volatils ont une influence importante, qu’il est difficile d’évaluer, sur les champs de stabilité : effet de l’état d’oxydation sur la stabilité de la saphirine par rapport au spinelle, effet de H2O versus CO2 sur la stabilité de la cordiérite, etc. L’existence de ces granulites d’UHT soulève quelques interrogations quant à leur interprétation géodynamique. Nous avons noté, au paragraphe précédent (14.3.2), que la température dans la croûte continentale (inférieure) serait « tamponnée » autour de 800 °C par la fusion « fluide absent ». Dans ce cas, comment dépasser cette température pour atteindre plus de 900 °C ? Cela n’est possible que si ces formations sont réfractaires à la fusion, c’est-à-dire si elles ont déjà subi un épisode de fusion partielle. L’une des hypothèses envisagées pour expliquer la composition particulière des granulites magnésio-alumineuses est que, précisément, celles-ci seraient les produits réfractaires (restites) d’un épisode de fusion partielle. Comment atteindre, à des profondeurs modérées (20 à 40 km), de si hautes températures dans la croûte continentale, températures largement supérieures aux températures du géotherme de la lithosphère stable ? Les granulites d’UHT constituent généralement des affleurements de petite taille, en boudins tectoniques dans des formations moins métamorphiques et plus récentes : ces formations anciennes sont localisées dans des régions à l’histoire géodynamique (métamorphique et tectonique) polycyclique. Cette absence de structures à grande échelle et cette histoire polycyclique rend difficile la compréhension de leur évolution tectonique. D’autre part, les très hautes températures ne sont pas favorables à la préservation des paragenèses du trajet prograde et nous n’avons généralement pas connaissance des conditions du pic en pression de ce trajet. Chronologiquement, les formations d’UHT semblent se répartir sur quatre périodes de l’histoire de la terre qui seraient en liaison avec le cycle des supercontinents. Ceci montrerait la relation de ce métamorphisme avec la convergence ; aussi, différents modèles géodynamiques, en contexte de convergence, ont été envisagés : collision, effondrement de la croûte épaissie lors d’une collision, collision d’un arc magmatique 217
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
ou d’un bassin d’arrière arc. Un apport thermique (magma du manteau) est parfois envisagé pour expliquer les très hautes températures.
14.4.1 Les granulites de UHT de la formation d’Andriamena (Madagascar) Depuis les travaux du minéralogiste Lacroix, Madagascar est bien connue des pétrologues. On y trouve des roches de haut degré métamorphique et, en particulier, les granulites y sont abondantes. Les deux tiers orientaux de l’île sont constitués de formations précambriennes dont la majorité est dans les conditions du faciès métamorphique des Granulites. L’orientation générale des structures est nord-sud, montrant que l’île appartient à l’orogène mozambicaine néoprotérozoïque tardif dont elle représente la limite orientale (figure 14.10). Le nord de Madagascar témoigne d’une histoire tectonique, métamorphique et magmatique complexe depuis la fin de l’archéen jusqu’au début du paléozoïque. L’unité d’Andriamena serait un fragment de la croûte inférieure d’un arc magmatique lié à la fermeture de l’océan mozambicain aux alentours de 700-800 Ma et à la collision de ses marges (vers 500 Ma). Elle forme un large synforme chevauchant les gneiss granitoïdes sous-jacents. Elle est constituée de gneiss variés, souvent migmatitiques, d’âge fin archéen, remaniés lors de la collision associée à la fermeture de l’océan Mozambicain, à 790, puis à 550-500 Ma. Des granulites alumineuses et magnésiennes représentent un volume très faible, en boudins de quelques mètres, rarement hectométriques dans un ensemble de migmatites et de métabasites ; elles sont souvent associées à des granulites à orthoamphibole (gédrite) et cordiérite. La paragenèse primaire, qui indique des conditions d’UHT, était à Spr + Qtz + Grt + Opx alumineux ou Sil + Rutile, de taille centimétrique, mais n’est pas préservée. Ces minéraux précoces sont entourés d’assemblages coronitiques très variés qui font intervenir plusieurs générations d’orthopyroxène, grenat, saphirine, sillimanite. Ces assemblages coronitiques témoignent de la réalisation de plusieurs réactions dans une même lame mince. On peut citer celles-ci, classiquement signalées dans de nombreuses formations de UHT : (1) Spr + Qtz = Opx + Sil ; (2) Al Opx = Opx + Grt ; (3) Grt + Qtz = Opx + Sil ; (4) Grt + Qtz = Opx + Crd ; (5) Grt + Sil + Qtz = Crd ; (6) Opx + Sil = Crd + Spr ; (7) Sil + Opx + Qtz = Crd. Notons que ces réactions ne font généralement pas intervenir de phase vapeur ; la cordiérite elle-même, minéral généralement hydraté, peut être anhydre. Ces réactions ne sont pas représentées sur la figure 14.11, car, faisant intervenir seulement quatre phases, elles sont divariantes (ou « glissantes ») dans la grille FMAS de cette figure. Ces réactions « glissent » le long des réactions univariantes (Spl-Qtz) et (Spl-Spr) : Opx + Sil + Qtz = Grt + Crd. L’étude pétrologique détaillée des granulites d’UHT (Nicollet, 1990 ; Goncalves et al., 2004) permet de tracer un trajet PTtemps relatif très précis (flèche large sur la figure 14.11) à l’aide des textures coronitiques témoignant des nombreuses réactions citées ci-dessus. Au début de ce trajet, les réactions (1) et (2) font passer du domaine Spr + Qtz au domaine Opx + Sil + Qtz. Cette première portion du trajet correspond à un refroidissement qui se fait à pression (à peu près) constante ; on la qualifie pour 218
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14.4 • Métamorphisme d’ultra-haute température (UHT)
44˚
14˚
46˚
(1)
(5)
(2)
(6)
(3)
(7)
48˚
50˚
(4)
Aloat. 16˚
Andr.
Antongil
Maev. 18˚ Anta
N
20˚
22˚
24˚
26˚
Figure 14.10 – Carte géologique simplifiée de Madagascar
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
(d’après Martelat, 1998). (1) Gneiss et granitoïdes archéens de la presqu’île d’Antongil ; (2) métapélites tardiarchéennes et gneiss basiques néoproterozoïques ; Maev. : unité de Maevatanana, Andr. : unité d’Andriamena, Aloat. : unité d’Aloatra-Beforona ; (3) gneiss et granitoïdes tardi- archéens et néoprotérozoïques ; (4) métasédiments dans les conditions des faciès Schistes verts et Amphibolite et intrusions magmatiques néoprotérozoïques ; (5) zones de cisaillements tardi protérozoïques ; (6) trace de la foliation ; (7) sédiments et roches volcaniques phanérozoïques. Anta : Antananarivo.
cette raison d’« isobaric cooling », ou en abrégé IBC. Le passage du domaine Opx + Sil + Qtz au domaine Grt + Cord est témoigné par les réactions (3) à (7) qui permettent de tracer une portion très précise du trajet. Nous avons noté ci-dessus que certaines de ces réactions sont des réactions glissantes le long de la réaction univariante (Spl-Qtz). En conséquence, le trajet PTt passe entre les deux points invariants [Spl] et [Qtz] de la figure 14.11 ; cette deuxième portion, qualifiée d’« isothermal decompression » 219
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Chapitre 14 • Le métamorphisme BP-HT dans les zones de convergence
ou en abrégé ITD, correspond à une décompression à peu près isotherme. Pour finir, la cordiérite produite par la déstabilisation de l’orthopyroxène et du grenat est remplacée par un fin agrégat d’orthopyroxène-sillimanite avec ou sans quartz, produit par le fonctionnement inverse des réactions (6) et (7). Cette dernière portion du trajet correspond encore à un refroidissement à pression (à peu près) constante. Ce type de trajet est classiquement décrit dans les formations d’UHT. Il débute aux environs de P = 1,0-1,1 GPa ; 1000-1100 °C et se termine à 0,7-0,8 GPa-800 °C. La préservation partielle de ces assemblages dans des granulites à orthoamphibole indique que ces dernières proviennent de la rétromorphose hydratée des granulites d’UHT. La paragenèse la plus commune de ces granulites hydratées est à gédrite (une 900
T ˚C
1000
grt crd opx sp qtz
Grt+Crd
Sp+Qtz
qtz sp crd r t sil g
0,5
0,7 sp opx sil r p s t gr
0,9
rd sil c spl tz q spr [sil]
[qtz]
g op r t c x s rd il q tz
[opx] [spl]
opx sil crd spr qtz
P GPa
z qt pr l s sil t gr
sp
Opx+Sil+Qtz
r qtz gr t sp il opx s
1,1
op x gr sp t s qtz pr
Spr+Qtz
Figure 14.11 – Champs de stabilité des assemblages diagnostiques du métamorphisme d’ultra haute température et trajet PTt des granulites d’UHT de la formation d’Andriamena (Madagascar). Les assemblages sont : Spr + Qtz, Sp + Qtz, Opx + Sil + Qtz dans le système FeOMgO-SiO2-Al2O3. Les valeurs en P et T sont approximatives, car mal connues et très sensibles à l’intervention des éléments volatils en petite quantité (modifié d’après Kelsey, 2008 et Goncalves et al., 2004 pour le trajet).
220
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14.4 • Métamorphisme d’ultra-haute température (UHT)
orthoamphibole alumineuse)-cordiérite-grenat ou quartz-biotite ± staurotide. Les structures coronitiques montrent l’intervention des réactions suivantes responsables de cette rétromorphose : (8) Opx + Qtz + V = Ath ; (9) Grt + Qtz + V = Ged + Crd. La fin de la trajectoire P-T-temps relatif dessinée pour les granulites d’UHT est compatible avec les trajectoires tracées pour les granulites hydratées à orthoamphibole, les métabasites et les migmatites encaissantes. Le paramètre temps a été quantifié par l’étude chronologique ponctuelle (in situ) sur monazite et zircon. Cette étude ponctuelle permet de dater les différentes générations des cristaux des minéraux chronomètres en position pétrographique et, ainsi, de dater rigoureusement les différentes étapes du trajet PTt. L’analyse chimique U-Th-Pb des cristaux de monazite en position
800 0,3 gé o
th
0,5
er
1000
900
T (oC)
m
e
pe
r tu
rb
g op r t cr xs d il q tz 0,7
é
(~
75
0
M
a) ~750 Ma
e
rm
he
ot
[qtz]
h.
Lit
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
P (GPa)
ble
sta
1,1
[spl] opx sil grt spr qtz
gé
0,9
2,5 Ga
?
Figure 14.12 – Trajet PTt interprétatif des granulites d’UHT de la formation d’Andriamena construit sur la base des données pétrologiques, chronologiques et géodynamiques. Le trajet en trait continu est déduit des observations pétrologiques. La première portion de refroidissement isobare (en gris) est datée à 2,5 Ga ; la suite du trajet (en noir) est datée à 750 Ma. Ces contraintes chronologiques suggèrent que la portion en décompression isotherme qui passe entre les points invariants [spl] et [qtz] n’a pas de réalité et est sans signification géologique. En effet, la portion en pointillé serré est plus réaliste, car elle suppose un retour vers les conditions du géotherme moyen dans l’intervalle de temps de près de 1,7 Ga entre la première portion de refroidissement isobare à 2,5 Ga et la suite du trajet à 750 Ma. Les tirets gris accompagnés du point d’interrogation matérialisent la fin d’un trajet hypothétique de la portion profonde d’une croûte continentale épaissie au cours d’un orogène (à 2,5 Ga) et exhumée jusqu’à la base de la croûte normale lors de l’amincissement de cet orogène (voir trajet 3 de la figure 2.4).
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14.4 • Métamorphisme d’ultra-haute température (UHT)
pétrographique est réalisée à la microsonde sur la lame mince (Montel et al., 1994). Les cristaux sont ensuite extraits par microforage et analysés par méthode isotopique. Les âges obtenus, grâce aux cristaux inclus dans les minéraux primaires, indiquent que le métamorphisme d’UHT date de 2,5 Ga environ et marque le début du trajet. Les cristaux des minéraux chronomètres dans les assemblages secondaires coronitiques indiquent que l’étape de décompression isotherme et celle de refroidissement isobare datent de 750-800 Ma. Nous avons ici la superposition de deux événements tectonométamorphiques bien séparés dans le temps. Le trajet en trait continu, tel qu’il est dessiné sur la figure 14.12, suppose la persistance de conditions d’UHT entre ces deux événements, pendant près de 1,7 Ga : ceci est géodynamiquement irréaliste. La formation s’est équilibrée thermiquement, entre les deux événements orogéniques, dans les conditions du géotherme d’une lithosphère stable, tandis que les paragenèses d’UHT sont préservées, métastables. Ainsi, le trajet en tirets serrés sur la figure 14.12 parait plus réaliste que la portion ITD. En conséquence, cette portion de décompression isotherme du trajet proposé n’existe pas. Pourtant cette portion du trajet est bien contrainte par une succession de réactions observées dans les roches ! Différents facteurs rendent difficiles l’interprétation géodynamique des granulites d’UHT d’Andriamena lors de leur formation, il y a 2,5 Ga. Ce sont les incertitudes sur la quantification discutées précédemment. D’un point de vue structural, la rareté et la petite taille des gisements de ces roches, en boudins métriques, ne permettent pas de connaître les structures géométriques tectoniques à grande échelle. Nous n’avons aucun indice du trajet PTt de ces roches à 2,5 Ga, et en particulier, de sa portion prograde. Le trajet que nous avons tracé est uniquement rétrograde et daté à 750 Ma. Celui-ci suggère donc que ces roches ont séjourné en profondeur à 2,5 Ga, et n’ont été exhumées (ou rapprochées de la surface) qu’à 750 Ma. Cette exhumation pourrait se faire à la faveur de chevauchements, lors de la convergence de l’arc magmatique, associés à la fermeture de l’océan mozambicain. Si ces roches, formées au cours d’un orogène à 2,5 Ga, sont restées en profondeur à la fin de cet orogène, c’est peut-être parce qu’elles constituaient les parties profondes de cette chaîne. Lors de l’amincissement de la chaîne, les roches auraient acquis les paragenèses d’UHT pendant leur exhumation jusqu’à la profondeur de la croûte inférieure (trajet 3 de la figure 2.4 du chapitre 2) où elles auraient séjourné jusqu’à leur exhumation proche de la surface, il y a 750 Ma.
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MÉTAMORPHISME DE BASSE PRESSION-
15
PLAN
HAUTE TEMPÉRATURE DANS LES ZONES D’EXTENSION
15.1 Amincissement lithosphérique et déchirure crustale : le métamorphisme de la zone nord-pyrénéenne 15.2 Métamorphisme océanique et hydrothermalisme dans la lithosphère océanique et dans les ophiolites
15.1 AMINCISSEMENT
LITHOSPHÉRIQUE ET DÉCHIRURE CRUSTALE : LE MÉTAMORPHISME DE LA ZONE NORD-PYRÉNÉENNE
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15.1.1 La zone nord-pyrénéenne (ZNP) : couloir d’amincissement lithosphérique au Crétacé La zone nord-pyrénéenne est caractérisée par un métamorphisme HT-BP d’âge crétacé, localisé dans de petits bassins discontinus qui jalonnent la limite nord de la chaîne pyrénéenne. Limitée au sud par la faille nord-pyrénéenne (FNP) et par la zone axiale (ZA), au nord par le chevauchement frontal nord-pyrénéen (CFNP), la zone nordpyrénéenne (ZNP) est une unité étroite (0 à 5 km de large) identifiée sur près de 300 km de longueur (figure 15.1). La ZNP a été le siège, à l’Albien supérieur, du dépôt d’épaisses séries de turbidites (jusqu’à 3 000 ou 4 000 m d’épaisseur) dans des bassins étroits et discontinus ; cette sédimentation témoigne d’une forte instabilité du fond à cette époque, en liaison avec une tectonique en extension marquée par des blocs basculés affectant les faciès récifaux du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur. 223
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
Figure 15.1 – Le métamorphisme dans la zone nord pyrénéenne (ZNP) dans la chaîne des Pyrénées (d’après Choukroune et al., 1989). La ZNP est coincée entre faille nord-pyrénéenne (FNP) et chevauchement frontal nordpyrénéen (CFNP). 1 : terrains secondaires plissés ; 2 : massifs hercyniens (zone axiale ; L : Labourd ; MN : Montagne Noire ; M : Mouthoumet) ; les massifs hercyniens situés au sein de la ZNP sont les massifs nord-pyrénéens (MNP : Castillon, TroisSeigneurs, Arize et, le plus oriental, Agly) ; 3 : zone du métamorphisme crétacé ; 4 : principaux chevauchements ; 5 : schistosité d’âge crétacé. (Kornprobst, 2001).
À la fin du Crétacé et à l’Éocène, au cours des épisodes compressifs de l’édification de la chaîne des Pyrénées, des écailles de granulites et de péridotites ont été mises en place tectoniquement dans la ZNP. Leur présence indique que la croûte continentale profonde hercynienne et le manteau supérieur lithosphérique étaient très proches de la surface avant le raccourcissement ; localement, les péridotites du manteau ont pu constituer directement le fond de certains des bassins de flyschs. L’ensemble de ces caractéristiques indiquent qu’à la fin du Crétacé inférieur et au début du Crétacé supérieur (Albien supérieur-Cénomanien inférieur), la future ZNP était une zone de subsidence rapide, en extension, en liaison avec un amincissement lithosphérique très important puisqu’il aurait atteint localement le stade de la déchirure crustale. La largeur de la zone à cette époque n’excédant pas quelques dizaines de kilomètres, il est exclu, d’amener le manteau supérieur au voisinage de la surface dans le cas d’un simple graben. Seul un fonctionnement en « pull apart » des bassins, le long d’une dislocation en décrochement, permet d’envisager un amincissement aussi drastique. La ZNP a ainsi fonctionné à l’Albien supérieur-Cénomanien, comme un domaine transformant comparable à la faille de San Andreas. La cinématique des plaques européenne et ibérique à cette époque montre effectivement un mouvement senestre entre l’Espagne et la France, accommodant l’ouverture de l’Atlantique Nord et l’ouverture du golfe de Gascogne au niveau de la future ZNP. Les schistosités syn-métamorphiques subverticales développées au Cénomanien sont liées à des plis intrafoliaux dont les axes, très redressés et même subverticaux au voisinage de la FNP, soulignent le caractère décrochant senestre de la déformation. 224
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15.1 • Amincissement lithosphérique et déchirure crustale
15.1.2 Le métamorphisme de basse pression dans la ZNP Le métamorphisme « pyrénéen » affecte l’ensemble de la série secondaire (Trias à Albien supérieur inclus) des bassins subsidents. Les datations K-Ar, 39Ar-40Ar et Rb-Sr indiquent que les recristallisations ont eu lieu entre 98 et 87 Ma. Du point de vue structural, les paragenèses métamorphiques sont antérieures à la phase principale de déformation (D1) associée à une schistosité de flux (S1), ou contemporaine de cette phase ; les déformations postérieures (D 2 et D3) affectent les assemblages métamorphiques et ne se sont accompagnées que de recristallisations mineures. Les paragenèses antecinématiques (ante-D1) ont fourni des âges compris entre 97 et 91 Ma ; les paragenèses syncinématiques sont comprises entre 95 et 87 Ma. Ces données indiquent que le métamorphisme était actif alors que les pélites de l’Albien supérieur venaient à peine de se déposer. En outre, le recouvrement des âges radiométriques, très supérieur aux erreurs analytiques, montre que les événements tectonométamorphiques n’ont pas été synchrones tout du long de la ZNP. Les roches métamorphiques de la ZNP sont classées en 3 familles lithologiques : roches carbonatées et calcaropélitiques, qui sont représentées par différents types de marbres et roches pélitiques se présentant sous la forme de cornéennes sombres finement granoblastiques. Les faciès pélitiques comportent cinq assemblages minéralogiques caractéristiques (figure 15.2a) :
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Bt + Ms + Chl + Ab + Qtz Bt + Ms + Chl + Kfs + Qtz Bt + Ms + Crd + Kfs + Qtz Bt + Crd + And + Kfs + Qtz Bt + Crd + Sil + Kfs + Qtz
(1) (2) (3) (4) (5)
Ces paragenèses indiquent des températures comprises entre 400 et 650 °C pour des pressions inférieures à 0,3 GPa (figure 15.2a), c’est-à-dire un gradient de métamorphisme à très faible pente. Les assemblages des roches carbonatées et calcaropélitiques varient en fonction de la température et de la concentration en CO2 dans la phase fluide. Les principales étapes de cette évolution sont marquées : • par l’apparition de trémolite-actinote, puis de diopside, dans les roches carbonatées ; • par l’apparition de l’actinote, du grenat, puis du clinopyroxène dans les roches calcaro-pélitiques. La scapolite est présente sporadiquement dans ces roches, avec des concentrations en Na proportionnelles aux concentrations en Cl, suggérant une origine évaporitique des protolithes ou une circulation d’eau de mer au cours du métamorphisme. La détermination objective des conditions de cristallisation de ces assemblages est délicate : une zonéographie sommaire, tenant compte des pressions partielles de CO 2, a cependant été élaborée (figure 15.2b). Sur la base de l’ensemble de ces données, il n’apparaît pas de gradient métamorphique net sur le terrain, ni de relation entre températures calculées d’une part, et extension ou profondeur des bassins d’autre part (figure 15.2b). 225
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
Figure 15.2 – Les conditions du métamorphisme dans la zone nord-pyrénéenne. a) Les principaux assemblages des roches pélitiques dans le système KFMASH (d’après Goldberg et Leyreloup, 1990) ; les numéros des sous-faciès sont repris du texte. Ms : muscovite ; And : andalousite ; Sil : sillimanite ; Crd : cordiérite ; Chl : chlorite ; Bt : biotite ; Qtz : quartz ; Cal : calcite ; An : anorthite ; Kfs : feldspath potassique ; L : fusion partielle des pélites. Noter la très faible pente du gradient et le fait que les conditions n’atteignent pas le domaine de l’anatexie. b) Cartographie approximative des conditions du métamorphisme, sur la base des assemblages pélitiques et carbonatés, dans deux segments de la zone nordpyrénéenne métamorphique. Les 4 zones métamorphiques correspondent aux conditions des sous-faciès décrits figure 15.2 a. D’après Goldberg et Leyreloup (1990) et des données de Ravier (1959) et de Bernus-Maury (1984). Massifs nord hercyniens pyrénéens : Agly ; S : massif de Salvezines ; B : massif de Bessède de Sault. En noir : affleurements de péridotites du manteau. Noter l’indépendance des isogrades par rapport aux structures tectoniques. (Kornprobst, 2001).
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15.1 • Amincissement lithosphérique et déchirure crustale
Figure 15.3 – Interprétation du métamorphisme HT-BP
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dans la zone nord-pyrénéenne. a) «Transtension » au Crétacé supérieur. Le déplacement senestre de l’Ibérie (IB) par rapport à l’Europe (EU) a provoqué la formation d’une série de petits bassins losangiques alignés sur la zone d’accident. Chacun de ces bassins correspondait à une zone d’amincissement crustal et lithosphérique important ; la croûte inférieure granulitique et le manteau supérieur lui-même ont pu constituer directement le fond de certains de ces bassins. Les anomalies thermiques liées à ces bombements asthénosphèriques ont amené l’isotherme 600 °C à la base des flyschs de l’Albien supérieur ; un faible taux de fusion du manteau supérieur s’est traduit par la mise en place de magmas basiques sous-saturés en silice dans la ZNP. 1 : sédiments d’âge secondaire ; 2 : croûte continentale supérieure ; 3 : croûte inférieure granulitique ; 4 : manteau supérieur ; 5 : isothermes. Ce schéma est une synthèse des interprétations de Ravier (1959), Azambre et Ravier (1978), Albarède et Michard-Vitrac (1978), Kornprobst et al. (1981), Vielzeuf et Kornprobst (1984), Nicolas (1985), Boillot et al. (1988), Goldberg et Leyreloup (1990), Roure et Choukroune (1992). b) Structure actuelle des Pyrénées d’après les données ECORS (Roure et Choukroune, 1992). Noter la cohérence structurale de l’association, dans la ZNP, du métamorphisme HT-BP et des écailles de granulites et de péridotites mantelliques. (Kornprobst, 2001).
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
15.1.3 La ZNP : métamorphisme et «transtension » senestre intracontinentale En définitive la ZNP associe plusieurs caractéristiques remarquables : • recristallisations contemporaines ou à peine postérieures à la sédimentation des terrains métamorphisés (Albien supérieur) ; • imbrication dans le temps, à l’échelle de la ZNP, de recristallisations statiques et syncinématiques ; • absence de gradient thermique régional et très faibles pressions de cristallisation ; • association du métamorphisme à la mise en place, près de la surface, d’unités lithologiques issues de la croûte continentale profonde (granulites) et du manteau supérieur lithosphérique (péridotites) ; • métamorphisme contemporain d’un magmatisme alcalin discret. La ZNP permet de proposer un modèle dynamique d’extension en transtension, responsable d’amincissements lithosphériques locaux très prononcés, individualisant des bassins à subsidence rapide, siège de flux thermiques exceptionnellement élevés. Cette extension en transtension a eu pour résultat le boudinage de la lithosphère et la remontée gravitaire du manteau supérieur (figure 15.3 a). Les bassins et leurs soubassements ont été déformés et mis en place dans leur situation actuelle au cours des stades finaux de la collision entre Ibérie et Europe. Le raccourcissement éocène de l’ensemble du système a conduit à l’extrusion vers la surface des éléments du manteau lithosphérique et de la croûte continentale profonde situés sous les bassins subsidents (figure 15.3 b).
15.2 MÉTAMORPHISME
OCÉANIQUE ET HYDROTHERMALISME DANS LA LITHOSPHÈRE OCÉANIQUE ET DANS LES OPHIOLITES
La croûte océanique est fabriquée au niveau des rides que l’on caractérise par leurs vitesses d’expansion. Au niveau des rides à vitesse d’expansion rapide, la production magmatique est volumineuse et permanente. La lithosphère comprend une croûte océanique continue, formée, depuis le haut vers le bas, d’un complexe de laves basaltiques, d’un complexe filonien et d’un complexe gabbroïque qui reposent sur un manteau appauvri en éléments incompatibles (essentiellement harzburgitique, c’està-dire dont les minéraux principaux sont l’olivine et l’orthopyroxène) par la fusion partielle qui a produit cette croûte. Dans les rides à vitesse d’expansion lente, la production magmatique est faible et épisodique ; la croûte océanique est discontinue : des masses de gabbros et rares filons se mettent en place dans un manteau peu appauvri (essentiellement lherzolitique dont les minéraux principaux sont l’olivine, l’orthopyroxène et le clinopyroxène) par la fusion partielle. Dans un tel contexte, le manteau constitue parfois le plancher océanique : en contact avec l’eau de mer, il est abondamment serpentinisé. Les basaltes peuvent reposer directement sur celui-ci. Le front de serpentinisation qui marque la limite manteau serpentinisé-manteau non 228
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
serpentinisé, pourrait parfois matérialiser la discontinuité de Mohorovicic. Cette distinction ride rapide-ride lente se retrouve dans la nomenclature des ophiolites, ces formations reconnues comme représentant des fragments de lithosphère océanique fossile incorporés dans la croûte continentale : les « Harzburgite Ophiolite Types » (HOT) ont les caractéristiques des rides rapides et les « Lherzolite Ophiolite Types » (LOT), celles des rides lentes. Ces ophiolites sont une aubaine pour le géologue, car elles sont beaucoup plus accessibles que la croûte océanique en place et présentent l’avantage d’en exposer des coupes complètes. L’objectif de réaliser une coupe complète, par forages, de la croûte océanique en place, lancé avec le projet Mohole dans les années cinquante, n’a pas encore été atteint. Toutefois, les campagnes de bathymétrie, dragage et forages d’IODP (Integrated Ocean Drilling Program) apportent des informations primordiales et l’étude complémentaire des deux croûtes actuelle et fossile est indispensable. Les roches de la croûte océanique cristallisent à la ride et se refroidissent, parcourant un trajet P-T-t rétrograde à peu près isobare. Compte tenu de la faible épaisseur de la croûte, les pressions sont faibles (< 2-3 kb). Les roches anhydres (basaltes, dolérites, gabbbros) qui la constituent majoritairement sont métamorphisées à des degrés variables au cours de ce refroidissement. Le métamorphisme est contrôlé par l’hydratation, la vitesse de refroidissement et, dans une moindre mesure, par la déformation. La déformation ductile est inégalement repartie. Elle est discrète dans les rides rapides ; elle est localement importante dans les rides lentes. L’extension océanique se traduit par des failles normales en domaine fragile (dans les basaltes et le complexe filonien) et par des cisaillements ductiles dans les unités plus chaudes (dans les gabbros). La partie supérieure de la croûte océanique présente de nombreuses fissures de refroidissement. Vitesse de refroidissement et hydratation sont les deux paramètres majeurs du métamorphisme océanique ; ils diminuent significativement avec la profondeur. La circulation hydrothermale est un phénomène généralisé dans la croûte océanique et se manifeste, sur les fonds océaniques, par la présence de fumeurs noirs et blancs (dont la température est voisine de 350 °C). Elle modifie significativement la composition chimique des roches. L’eau de mer circule de façon convective, à la faveur des fractures et failles, jusqu’à des profondeurs de 6 km environ, c’est-à-dire jusqu’au Moho, profondeurs à partir desquelles la perméabilité devient très faible. En fonction du rôle important de l’eau dans le métamorphisme océanique, il est proposé les subdivisions suivantes : altération de basse température pour des températures inférieures à 110-150 °C ; métamorphisme hydrothermal au-dessus de 250 °C (Laverne et al., 1989) ; à partir des conditions à la transition des faciès Schistes verts-Amphibolite, la circulation hydrothermale est modérée et l’adjectif « hydrothermal » ne se justifie plus. Les observations minéralogiques, pétrologiques et géochimiques réalisées dans la croûte océanique récente et dans les séries ophiolitiques conduisent à un schéma général de circulation convective de l’eau de mer et des transformations métamorphiques de basse pression (ou altération hydrothermale) qui lui sont associées dans les différentes unités supérieures de la croûte océanique. Il est présenté sur la figure 15.4. Dans ce modèle, la circulation hydrothermale est limitée aux complexes 229
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
basaltique et doléritique, alors que le complexe gabbroïque est considéré comme non affecté. En effet, si l’hydrosphère constitue un réservoir d’eau inépuisable, la perméabilité de la lithosphère diminue très rapidement vers le bas. Cependant, le complexe gabbroïque est affecté par une discrète circulation hydrothermale de haute à très haute température.
Figure 15.4 – Circulation convective d’eau de mer et recristallisation de la croûte océanique (d’après Honnorez, 2003). Au voisinage d’une dorsale active, la croûte océanique en extension est affectée par un réseau de failles normales qui passent en profondeur à des cisaillements ductiles. La perméabilité est très forte dans les coulées volcaniques (ovoïdes) près de la surface ; elle diminue dans le complexe filonien et devient faible dans les gabbros. L’eau de mer s’infiltre et circule largement dans les coulées, qui se refroidissent rapidement à faible température (< 150 °C). Une circulation plus restreinte dans le complexe filonien permet de maintenir une température élevée dans ces roches qui subissent hydratation et recristallisation hétérogène dans le faciès des Schistes verts (FSV) au cours de la progression de l’eau de mer vers la profondeur (« zone de recharge » : flèches blanches). À la base des filons et au sommet des gabbros, dans la « zone de réaction » située à proximité du réservoir magmatique, les recristallisations en présence de fluides atteignent les conditions du faciès Amphibolite (FA) ; une « saumure » dense circule (flèches noires) et précipite dans un domaine de circulation limité (Cp) sous forme de filons à amphibole, tandis qu’une phase vapeur à faible densité s’individualise et percole rapidement vers la surface (flèches hachurées) dans la « zone de décharge ». Lorsque la phase vapeur est canalisée par des fissures ouvertes, la décharge est « focalisée » (Df) ; elle conduit à la formation des « épidosites » (ép : pointillé), puis à des filons de quartz à sulfures (Q) qui alimentent des amas sulfurés (S) et les « fumeurs noirs » (F). La phase vapeur peut également se disperser (« décharge diffuse » : Dd) et être progressivement mélangée à l’eau de mer de la zone de recharge. Des fluides d’origine magmatique, en faible quantité, peuvent être associés à cette circulation. Le diagramme situé à droite de la figure indique de façon approximative les variations de température et de porosité en fonction de la profondeur.
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
15.2.1 Le métamorphisme océanique au niveau des dorsales rapides Au niveau d’une ride rapide, l’apport thermique est permanent, grâce à une production magmatique quasi-continue. Le refroidissement est brutal dans le complexe volcanique et filonien. Il devient de plus en plus lent avec la profondeur et en s’éloignant de
veine hydr.BT Gabbros
500˚C microfract. HT-THT 750˚C FP
bouillie cristalline
1200
˚C
Moho
écoulement plastique du manteau
Figure 15.5 – Les paramètres du métamorphisme dans une ride
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à croissance rapide à proximité de la chambre magmatique. Sous le complexe volcanique, la chambre magmatique comprend, à son sommet, une petite lentille (demi-ellipse noire) constituée principalement de magma surmontant une bouillie cristalline dans laquelle le magma ne représente plus que 5 à 10 %. Les isothermes (lignes tirets larges) sont disposés régulièrement autour de cette chambre magmatique. En s’éloignant de la ride, une roche se refroidit régulièrement, plus ou moins rapidement en fonction de la profondeur à laquelle elle se trouve. Compte tenu de la faible épaisseur de la croûte océanique, la pression varie peu et reste inférieure à 2-3 kb. En s’éloignant de la ride, la lithosphère océanique est soumise à un régime de cisaillement simple. La déformation plastique est limitée au niveau du manteau ; dans la chambre magmatique, la bouillie cristalline acquiert une foliation magmatique. Une fois cristallisés, les gabbros lités de la croûte inférieure se refroidissent lentement en s’éloignant de la ride et sont maintenus à haute température : leur texture peut devenir granoblastique. L’eau est abondante dans la croûte supérieure, mais pénètre jusqu’au manteau, à la faveur de microfractures (lignes tirets serrés). Lorsqu’elle atteint les roches à très hautes températures en bordure de chambre magmatique, elle peut provoquer la fusion de celles-ci par abaissement de la température du solidus, produisant des filons et veines de plagiogranite océanique, diorite et amphibolites. Veine hydr. BT : veine hydrothermale de basse température (400-500 °C) ; microfract. HT-THT : microfractures hydrothermales de haute et très haute température (entre 700 et 1 000 °C) ; FP : fusion partielle, anatexie dans les microfractures de THT à proximité de la bouillie cristalline et au contact de la lentille magmatique (d’après Bosch et al., 2004) La largeur approximative de la figure est de 10 km ; elle dépend, entre autres, de la vitesse d’expansion.
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
la ride ; l’hydratation est importante jusqu’à la zone de racine du complexe filonien et les gabbros isotropes, au sommet du complexe gabbroïque. Cette hydratation devient faible en dessous dans les gabbros foliés et lités, mais persiste jusqu’au manteau où l’on trouve encore des minéraux hydratés.
a) L’ophiolite d’Oman L’ophiolite d’Oman s’étend sur 500 km de long et 50 km de large en moyenne ; elle représente une portion de lithosphère océanique d’épaisseur atteignant 15 km qui repose sur la croûte continentale. Cette lithosphère océanique a été créée il y a 100 Ma d’années, au Crétacé supérieur, au niveau d’une dorsale à croissance rapide, dans l’océan Téthys. À tous les niveaux, la croûte présente des recristallisations métamorphiques plus ou moins importantes. Ce métamorphisme est favorisé par une circulation hydrothermale, à la faveur de (micro)fractures, qui atteint la limite croûte-manteau. Les basaltes et dolérites de la partie supérieure de la croûte sont découpés par un réseau dense de veines hydrothermales, orientés parallèlement à la dorsale. Trois générations de veines hydrothermales se succèdent dans le temps, au fur et à mesure que la croûte refroidit et s’éloigne de la ride (Nehling, 1993). Une première génération de veines à épidote, quartz et sulfures est attribuée à la convection hydrothermale active à la ride ; des veines à amphibole se développent dans les fractures qui se forment par contraction thermique des gabbros en cours de refroidissement. Une troisième génération de veines de basse température, à zéolite, prehnite, calcite est liée à la circulation hydrothermale passive « hors axe ». En s’enfonçant dans la croûte, les conditions de faible degré métamorphique (faciès Zéolite) évoluent vers des conditions des faciès Schistes verts, puis Amphibolite en relation avec le refroidissement de plus en plus lent des roches magmatiques. La base du complexe filonien s’enracine dans les gabbros isotropes sous-jacents. Des enclaves des filons sont emballées dans ces gabbros. La texture doléritique des filons et des enclaves est remplacée partiellement ou complètement par une texture granoblastique à grain fin constituée de clinopyroxène secondaire et parfois d’orthopyroxene et/ou d’amphibole brune titanifère. Ces roches sont comparables aux cornéennes, formées dans les auréoles de métamorphisme de contact. Les températures de ces assemblages sont estimées entre 700 et 1000 °C et sont celles des faciès Cornéennes à hornblende et à pyroxènes. Ces cornéennes se formeraient lors d’une migration vers le haut de la lentille magmatique ou d’un gonflement de celle-ci ou bien encore lors d’une variation de l’intensité du système hydrothermal, ce qui provoquerait un réchauffement de la racine du complexe filonien et l’assimilation d’enclaves de filons. Les roches, préalablement métamorphisées selon un trajet rétrograde en température lors de leur refroidissement dans les conditions du faciès Amphibolite et/ou du faciès Schistes verts, supportent ensuite un métamorphisme croissant dans les conditions des faciès Cornéennes à hornblende/pyroxènes pouvant même atteindre l’anatexie hydratée (Gillis, 2008 ; France, 2009). En s’écartant de la ride, la lentille magmatique cristallise sous la forme de gabbros isotropes qui présentent une texture ophitique. Cette portion de la croûte océanique 232
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
bénéficie de conditions favorables au métamorphisme avec les températures élevées à proximité de la lentille magmatique et une circulation hydrothermale encore importante. La conséquence est, lorsque la roche s’éloigne de la ride, une recristallisation en continu à températures régulièrement décroissantes qui efface presque complètement la trace des étapes métamorphiques précédentes de ce refroidissement dans les conditions des faciès Granulite et Amphibolite de haute température. De ce fait, ce sont les conditions du faciès Schistes verts-faciès Zéolite qui sont souvent les mieux représentées. Rarement, les pyroxènes enregistrent toutes les étapes du refroidissement et sont entourés (figure 3, planche 1) ou complètement transformés en amphibole brune et/ou verte, puis actinote. Parfois, l’amphibole brune peut se former dès le stade tardi-magmatique si le magma est hydraté. Si les gabbros sont hydratés à hautes températures, immédiatement après leur cristallisation, ils sont susceptibles de fondre partiellement. En effet, le solidus du gabbro est déplacé significativement vers les basses températures lorsqu’il est hydraté (figure 15.11). Si le gabbro est à plus hautes températures que le solidus hydraté, lorsqu’il est hydraté, il fond partiellement et génère un magma acide. Produit de la fusion de roches peu potassiques, ce magma est lui-même peu potassique : il s’agit de diorite et plagiogranite, de composition très voisine des plagiogranites formés par différenciation magmatique du magma basaltique de la ride. La texture ophitique des gabbros isotropes non déformés contraste avec celles des gabbros foliés et lités qui se trouvent en dessous. Dans ces derniers, des structures linéaires et planaires sont acquises par déformation à l’état magmatique, c’est-à-dire en présence d’une phase liquide interstitielle. La croûte inférieure gabbroïque a été transposée par cisaillement simple dans la « bouillie cristalline » de la chambre magmatique à la ride. En s’éloignant de la ride et de la chambre magmatique, la température reste encore élevée (figure 15.5). Pendant leur lent refroidissement, les gabbros, sous un régime de contraintes légèrement anisotropes dans la lithosphère en extension, peuvent recristalliser et acquérir une texture granoblastique des roches du faciès Granulite : les « gabbronorites » sont tout à fait identiques aux « granulites à deux pyroxènes » que l’on rencontre dans la zone d’Ivrée (paragraphe 14.3.2). Cette recristallisation métamorphique se fait entre 1000 et 750 °C (thermomètre Opx-Cpx), essentiellement en conditions anhydres. La faible serpentinisation des olivines dans les troctolites et gabbros à olivine est, en ce sens, remarquable. Cependant, l’eau pénètre épisodiquement dans le complexe gabbroïque jusqu’au manteau, à différents stades de son refroidissement, comme en témoigne la présence de rares minéraux hydratés. Les fluides circulent à la faveur d’un réseau dense de microfractures. De l’amphibole brune se développe à partir du pyroxène. Les olivines sont entourées, au contact du plagioclase, de couronnes variées : à orthopyroxène + amphibole, amphibole + spinelle, amphibole + chlorite. À proximité de la chambre magmatique, les fluides circulant dans les microfractures provoquent une anatexie hydratée des gabbros lités. Le magma forme des veines et filons de gabbros à amphibole. Des observations similaires sont faites dans d’autres ophiolites de type HOT, telle l’ophiolite de Trodoos à Chypre. Il est également nécessaire de comparer ces 233
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
observations faites dans des portions de croûte océanique fossile avec ce qui est observé dans la croûte océanique actuelle échantillonnée in situ.
b) La croûte océanique de l’est pacifique Les campagnes de forages DSDP, ODP et IODP (Integrated Ocean Drilling Program) dans l’océan Pacifique oriental ont permis de réaliser des coupes partielles de cette croûte océanique accrétée à taux rapide. Nous présentons ici trois sites qui montrent les niveaux différents atteints au cours de ces forages. • Le puits 504B dans la plaque de Nazca
Le puits 504B se situe à proximité du rift du Costa Rica dont le taux d’ouverture est voisin de 7 cm/an. Sur 2 111 m, le puits traverse les sédiments, les laves et le complexe filonien, sans atteindre les gabbros. La partie superficielle volcanique de la croûte océanique, fracturée, est très perméable et en contact avec l’eau de mer. Elle est affectée par une altération de basse température, inférieure à 110 °C, qui provoque une modification chimique de la roche. Aux environs de 300 m de profondeur dans la croûte océanique, une altération non oxydante se réalise à partir de 150 °C et les paragenèses des faciès Zéolite à Schistes verts se forment à la faveur d’une circulation de fluides hydrothermaux ascendants, plus réducteurs que dans la partie superficielle. Les nouveaux minéraux remplissent les fractures, contribuant à réduire la perméabilité de la roche. L’olivine des basaltes est transformée en chlorite et minéraux argileux, l’augite en actinote, tandis que le plagioclase est albitisé, puis zéolitisé. Les dolérites du complexe filonien montrent plusieurs étapes « d’altération hydrothermale » liée à une interaction entre la roche et des fluides dérivés de l’eau de mer, au cours du refroidissement de la roche. Cette altération est hétérogène, en fonction de la perméabilité de la croûte. À haute température, entre 500 et 700 °C, le clinopyroxène peut être remplacé par un pyroxène secondaire ou, le plus souvent, par une amphibole ; le plagioclase magmatique est remplacé par un plagioclase secondaire calcique. À plus basses températures, autour de 300 °C, apparaissent actinote, chlorite, smectite, talc, albite. Quartz et épidote précipitent dans des fissures à partir de fluides hydrothermaux. L’anhydrite se forme à partir d’eau de mer chaude. Ces différentes étapes sont liées à des circulations hydrothermales convectives au niveau de l’axe de la ride. Un hydrothermalisme plus froid (250 °C), « hors axe », s’accompagne de la cristallisation de laumonite, heulandite, calcite et prehnite dans des fissures. Les transformations secondaires (albitisation, chloritisation, zéolitisation, etc.) sont responsables d’une dispersion chimique importante (Laverne et al., 2001). • Le puits 1256D dans la plaque de Cocos
Le forage du puits 1256D est réalisé, non loin du site précédent, dans une croûte de 15 Ma, dans la plaque de Cocos (Pacifique Est), au taux d’expansion très rapide (22 cm/an). Le but de ce forage était d’atteindre, à une profondeur la plus faible possible, les gabbros de la croûte océanique. Le site a été choisi à la suite de la mise en évidence, lors de précédents forages, d’une relation inverse entre la vitesse d’expansion et l’épaisseur du complexe volcanique. En effet, la racine du complexe 234
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
filonien, recoupée par des gabbros, est atteinte à environ 1500 m sous le plancher océanique. L’ensemble des échantillons est affecté par une « altération hydrothermale » dans des conditions de température croissante vers le bas, qui se fait dans les conditions du faciès Schistes verts (actinote/hornblende brun-verte, albite, chlorite, ± épidote, laumonite). La base des filons, juste au-dessus des gabbros, est constituée d’une roche à texture granoblastique dont les paragenèses caractéristiques sont : clinopyroxène + plagioclase + ilménite + magnétite auquel s’ajoute selon le cas orthopyroxène ou amphibole. Ces paragenèses témoignent de la recristallisation métamorphique dans les conditions des faciès Cornéennes à deux pyroxènes et à amphibole. Le géothermomètre, basé sur les deux pyroxènes, indique des températures entre 900 et 1050 °C ; les géothermométres utilisant l’amphibole (couple amphibole-plagioclase et teneur du titane dans l’amphibole) donnent des températures échelonnées entre 750 et 1000 °C (Gillis, 2008). Dans ces conditions, la fusion partielle des filons est possible : de minces filonnets de plagiogranite pourraient en être le résultat. La recristallisation est attribuée à un métamorphisme de contact causé par une source de chaleur sous le complexe filonien qui maintient celui-ci à haute température. Comme nous l’avons décrit précédemment en Oman, les variations de la profondeur du sommet de la chambre magmatique permanente à la ride et localisée à la base du complexe filonien, seraient à l’origine de ce métamorphisme de contact.
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• Le site 894 : le métamorphisme des gabbros de Hess Deep
Hess Deep est une dépression de près de 4 000 m de profondeur, à proximité du point triple des Galapagos, point de jonction des rides Cocos-Nazca et est-pacifique. Les murs de cette dépression offrent une importante coupe verticale de la croûte formée au niveau d’une ride à expansion rapide. Des forages peu profonds ont complété cette coupe. Le complexe volcanique, le complexe filonien et les gabbros isotropes qui constituent la partie supérieure du complexe gabbroïque ont été observés. Les gabbros sont traversés par un réseau de microfractures et veines qui contrôlent le métamorphisme en canalisant les fluides. Le clinopyroxène magmatique est partiellement ou complètement remplacé par de l’amphibole. Les veines contiennent également de l’amphibole, de la chlorite, de la zéolite, de la calcite. Des assemblages minéralogiques du faciès Granulite à deux pyroxènes et du faciès Amphibolite indiquent que le métamorphisme débute vers 1000 °C et se poursuit jusqu’aux conditions du faciès Schistes verts-faciès Zéolite (Gillis, 2008). Dans ce domaine où les roches ne sont pas déformées, la perméabilité est générée par fracturation.
15.2.2 Le métamorphisme océanique au niveau des dorsales lentes Au niveau des rides lentes, la production magmatique est épisodique et par conséquent, l’apport thermique discontinu. La tectonique en extension provoque une déformation plastique localisée, de haute température, des gabbros complètement cristallisés. La présence de métagabbros hydratés et la serpentinisation importante du manteau supposent un hydrothermalisme conséquent. 235
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
a) Les ophiolites des Alpes Les massifs d’ophiolites sont nombreux dans les Alpes. La majorité de ces ophiolites trouve leur origine dans l’océan ligure, qui séparait le continent européen et l’Apulie (Italie) au Jurassique. Elles sont d’âge jurassique. L’ophiolite de Chamrousse, dans le massif cristallin externe de Belledone se distingue par un âge beaucoup plus ancien, de 496 Ma : cette ophiolite est née dans l’océan paléozoïque qui s’est refermé lors de la convergence hercynienne. Cette ophiolite a donc survécu à deux orogènes : hercynienne et alpine (Ménot et al., 1988). La plupart des ophiolites jurassiques ont subi un intense métamorphisme de HP-BT au cours de l’orogène alpine (chap. 12). On doit parler dans ce cas de méta-ophiolites. Quelques massifs sont peu ou pas affectés par celui-ci : ils représentent une bonne opportunité pour étudier la lithosphère océanique dans des conditions favorables. Le massif du Chenaillet, dans les Alpes, à proximité de la localité de Montgenèvre, est une portion, très bien préservée, d’environ 16 km2 de l’océan alpin charriée sur la croûte continentale (figure 15.6). Il forme une klippe tectonique à la limite des domaines briançonnais et piémontais, sur l’unité du Lago Nero, laquelle est métamorphisée dans les conditions du faciès Schistes bleus. Le massif est peu déformé et non métamorphisé lors de l’orogène alpin. Failles normales et failles de détachement seraient contemporaines de la genèse de la lithosphère océanique dans un dôme extensif (voir figure 15.10) ; elles s’accompagnent d’une déformation ductile (figure 15.8) et/ou cassante (gouge : figure 15.6) des roches. Ces failles ont pu rejouer en failles inverses à l’alpin. Le massif du Chenaillet est d’une ophiolite de type LOT (Lherzolite Ophiolite Types), témoin d’une lithosphère océanique produite au niveau d’une ride lente : des laves en coussins, qui ont une signature de MORB, reposent soit sur les gabbros, soit directement sur le manteau serpentinisé qui représentait, dans certains cas, directement le plancher océanique. Les gabbros forment des boules et lentilles hectométriques dans la serpentinite. Ils sont chimiquement identiques aux gabbros de ride océanique. Ils sont peu différenciés : il s’agit principalement de gabbros, gabbros à olivine et, plus rarement, de troctolites ne présentant pas de caractère cumulatif marqué, ni d’évidence de contamination crustale. Ces lentilles gabbroïques représentent des chambres de refroidissement temporaires. Les diorites et plagiogranites sont rares. Les zircons de ces roches ont donné des âges entre 148 et 156 Ma (Bertrand et al., 1987 ; Costa et Caby, 2001) et permettent ainsi de dater l’ophiolite. En contact avec l’eau de mer, le manteau, essentiellement lherzolitique, est abondamment serpentinisé. Olivine et pyroxènes sont transformés en serpentine au cours de réactions d’hydratation qui engendreraient une importante augmentation de volume sans changement significatif de composition chimique (Mével, 2003). Les transformations se font à basses températures (< 500 °C) et en climat statique en préservant la texture et la composition modale de la péridotite. L’olivine est transformée en serpentine à texture maillée tandis que les pyroxènes sont transformés en serpentine fibreuse appelée bastite. Les principales réactions sont : 2Mg2SiO4 + 3H2O = Mg3Si2O5(OH)4 + Mg(OH)2 Olivine + eau = serpentine + brucite 236
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
v v v v v vv v v v v v
Punta Rascia
v
Sommet de la Loubatière
v
Collet Vert v
v v
v v vv vv v v
v v v v v v v v v v vv v v v
v v v
2404 Cima le Vert
Grand Charvia
v
2650 le Chenaillet
1 km
N
chevauchement alpin
Cab. de v douaniers
faille normale
v
faille de détachement - gouge
v
v
sédiments basaltes en coussin
vv
dolérites
v v v gabbros vv
albitites - Cab. des douaniers
v
péridotites serpentinisées
SW vv v vv v vv vv v
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NE
Collet Vert Cima le Vert
Chenaillet
2500m
v v v vv
vv
vv v
1 km
2000
Figure 15.6 – Carte et coupe géologiques du massif ophiolitique du Chenaillet (Manatschal et Müntener, 2009). Le massif ophiolitique est une klippe tectonique mise en place durant l’orogénèse alpine. Elle est constituée de laves en coussin qui reposent, selon le cas, sur des gabbros ou directement sur le manteau serpentinisé ; les contacts entre formations sont souvent tectoniques : failles normales et de détachement, supposées contemporaines de la genèse de la lithosphère océanique. Quelques rares affleurements de sédiments reposent directement sur la serpentinite. De rares filons (schématisés sur la coupe) de basaltes et albitites (en particulier à la cabane des douaniers) recoupent invariablement le gabbro ou le manteau. La coupe est réalisée depuis la cabane des douaniers, au SW jusqu’à la Cima le Vert, au NE. Les lignes tirets dans les basaltes matérialisent la paléo-horizontale, localement basculée (en particulier au Collet vert) lors de l’obduction de l’ophiolite à l’alpin.
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
Mg2SiO4 + MgSiO3 + 2H2O = Mg3Si2O5(OH)4 olivine + orthopyroxène + eau = serpentine dans un système purement magnésien. 6(Mg, Fe)2SiO4 + 7H2O = 3(Mg, Fe)3Si2O5(OH)4 + Fe3O4 + H2 dans un système ferromagnésien. La serpentine est un minéral très magnésien, généralement plus que l’olivine. En conséquence, la serpentinisation produit de la magnétite (Mével, 2003). Dans la lithosphère océanique, la lizardite est le plus commun parmi les trois principaux polymorphes de la serpentine ; les deux autres sont la chrysotile et l’antigorite. La serpentinite contient principalement lizardite, ± chrysotile, magnétite, talc, trémolite, brucite. Les gabbros du Chenaillet ont une texture et minéralogie relativement homogène : les minéraux magmatiques principaux sont : plagioclase de composition intermédiaire, clinopyroxène, titano-magnétite et/ou, rarement, olivine. La texture, à cristaux millimétriques à centimétriques, est ophitique : le clinopyroxène est le minéral postcumulus. Les roches sont plus ou moins déformées et métamorphisées. Selon le degré de recristallisation, on peut parler de gabbros, métagabbros, amphibolites (et gneiss amphibolitiques). Une étude pétrographique détaillée montre que ce métamorphisme a enregistré précisément les différentes étapes du refroidissement de cette lithosphère océanique (figure 15.7 et figure 2, planche 8) :
act-chl-ep hbv
g sym hbb cpx mag
ab-ep
1 mm
Figure 15.7 – Évolution métamorphique coronitique des métagabbros du Chenaillet observée au microscope. Le clinopyroxène magmatique clivé (cpx mag) est entouré de clinopyroxène lardé de bourgeons de hornblende brune (sym=symplectite) ; la couleur brune de l’amphibole dépend de la teneur en titane dans le minéral ; lorsque le cristal est déformé, il recristallise en un agrégat (g) de petits cristaux secondaires (dizième de mm) entourés de hornblende brune interstitielle (recristallisation dynamique dans les conditions du faciès Granulite). L’amphibole brune (hbb) seule passe progressivement à une hornblende verte (hbv) peu titanifère qui témoigne des conditions du faciès Amphibolite, puis à une actinote, amphibole peu alumineuse caractéristique du faciès Schistes verts. L’actinote est associée à de la chlorite et de l’épidote (actchl-ep). Le plagioclase magmatique est remplacé par un fin agrégat d’épidote et d’albite, pôle sodique du plagioclase (ab-ep). Tout ou partie de ces différentes étapes sont observables au contact entre les clinopyroxène et plagioclase magmatiques. Voir aussi la figure 2, planche 8.
238
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Les minéraux métamorphiques sont les hornblendes brunes et vertes, l’actinote, la chlorite, l’épidote, l’albite. La recristallisation métamorphique s’accompagne souvent d’une granulation des minéraux magmatiques (par recristallisation dynamique). Dans les métagabbros, ces minéraux présentent une disposition coronitique enregistrant les différentes étapes du métamorphisme associé au refroidissement de la roche. Le clinopyroxène magmatique est entouré par un clinopyroxène métamorphique qui contient des symplectites (vermicules) de hornblende brune lorsque la recristallisation se fait de manière statique. Si le minéral est intensément déformé, il recristallise en petits grains équigranulaires entourés de hornblende brune. La couleur brune de l’amphibole est fonction de la teneur en titane du minéral qui est, elle-même, fonction de la température. Elle peut être utilisée comme géothermomètre, pourvu que la roche contienne une phase titanifère (ilménite ou sphène), prouvant sa saturation en cet élément. Des teneurs jusqu’à 3 % indiquent des températures pouvant atteindre 950 °C qui sont celles du faciès Granulite. Le passage d’une amphibole brune à une amphibole verte matérialise le refroidissement de la roche dans le faciès Amphibolite. À la périphérie du cristal, l’amphibole est une actinote. Elle est associée à de l’épidote et à la chlorite. Le plagioclase magmatique est remplacé par de fins cristaux d’épidote associés à de l’albite. Cet assemblage final à actinote-chlorite-épidote-albite est une paragenèse caractéristique du faciès Schistes verts des métabasites. Ainsi, la variation de la composition et de la couleur de l’amphibole enregistre, parfois en continu, la baisse de température du gabbro depuis les températures magmatiques jusqu’à celles du faciès Schistes verts. Dans des fractures, épidote, chlorite et carbonates indiquent une altération de basse température lorsque la déformation devient cassante. Dans les (méta)troctolites, l’olivine n’est généralement pas préservée, mais remplacée par de la serpentine ou par un assemblage coronitique constitué, au centre, d’une amphibole (trémolite) entourée d’un liseré de chlorite. Il se forme au cours de la réaction Ol + Opx + Pl + Eau = Tr + Chl, à la transition faciès Amphibolite-Schistes verts. Parfois, les métagabbros sont recoupés à l’emporte-pièce par les filons de dolérite non déformés et non métamorphisés, de composition tholéiitique de la série ophiolitique (figure 15.8). Cette chronologie relative prouve que les déformations et paragenèses métamorphiques de haute température des métagabbros précèdent la fin de l’épisode magmatique à l’origine de la série ophiolitique (Jurassique inférieur), et a fortiori la tectonique et le métamorphisme alpins ; il s’agit bien d’un métamorphisme océanique, développé au voisinage d’une dorsale active. Le Monte Maggiore au nord du Cap Corse est une autre portion de l’océan alpin de quelques kilomètres carrés. Mais celui-ci est constitué seulement de manteau peu serpentinisé qui devait se trouver sous le manteau superficiel serpentinisé. Dans le massif de Lanzo, à quelque vingt kilomètres de Turin (Italie), le manteau péridotitique voisine avec des serpentinites. La limite est bien visible entre les deux catégories de roches : elle représente peut-être le fameux « moho » des rides lentes. Ces deux 239
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
5 cm
Figure 15.8 – Déformation et métamorphisme syn-océaniques dans un métagabbro du Chenaillet. La déformation est marquée par la foliation, plan d’aplatissement de la roche qui est perpendiculaire au plan de la figure ; sa trace est parallèle au grand côté du dessin. Elle est marquée par la hornblende brune. Ce minéral (en noir) apparaît également dans la texture coronitique qui entoure le clinopyroxène relique magmatique (Px) au contact du plagioclase et suppose la réaction Cpx + Pl + V = Hb (figure 15.7). Déformation et recristallisation métamorphique sont acquises avant la mise en place du filon de dolérite (en gris), lequel est issu d’une source magmatique similaire à celle à l’origine des gabbros (Bertrand et al., 1987).
massifs ont été affectés par le métamorphisme de HP alpin, mais l’empreinte de celui-ci est discrète et n’a pas effacé le métamorphisme de ride. Les péridotites sont principalement des lherzolites à spinelle-plagioclase, passant rarement à des harzburgites et de rares poches métriques à décamétriques de dunites. Elles sont imprégnées de gouttelettes et filonnets diffus de plagioclase dont les origines différentes (encore discutées) ne sont pas exclusives : des couronnes du feldspath autour du spinelle (figure 1, planche 8) indiquent le passage, par décompression, de la transition des lherzolites à spinelle aux lherzolites à plagioclase dont la limite est la réaction Opx + Cpx + Sp = Ol + Pl (figure 15.9) ; des gouttelettes et filonnets millimétriques suggèrent la fusion partielle de la péridotite encaissante et/ou l’imprégnation par des magmas gabbroïques. Ce manteau est recoupé par des filons de (méta)gabbros et (méta)troctolites d’épaisseur décimétriques à métrique et de longueur pluri-décamétrique qui se sont mis en place dans un manteau fragile. Ces différents processus pétrogénétiques témoignent de l’exhumation du manteau supérieur souscontinental au début de l’océanisation (figure 15.9). Le spinelle des roches ultrabasiques est souvent entouré de chlorite, formé par la réaction Sp + Ol + Opx + VH2O = Chl. Dans les métagabbros et métatroctolites, les transformations sont les mêmes que celles décrites au Chenaillet et résumées sur la figure 15.9.
240
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
Opx + V + V Sp + Ol + Pl Opx + Chl Ol + r Chl+T
500
"Pl"
Ol
T (˚C)
Opx
Hbb
Tr + Chl
Cpx
Cpx
Px + Pl + V
Hb
Act
1000
Pl
Lherzolite à Plagioclase
Op
x+
1
Ol +P l Cp x+ S
p
Solidus
Lherzolite à Spinelle
lite Lherzo
P (GPa)
Figure 15.9 – Trajet PTt d’une portion de manteau de l’océan alpin,
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Monte Maggiore, Corse. Le manteau lherzolitique à spinelle (sp : en gris) est exhumé et franchit les conditions de la réaction Opx + Cpx + Sp = Ol + Pl ; le spinelle est entouré d’une couronne de plagioclase. La péridotite est envahie de filonnets plagioclasiques diffus témoignant de la fusion partielle et/ou ( ?) de l’imprégnation par des magmas. Lorsque le manteau poursuit son exhumation, il se refroidit et franchit la transition ductile-fragile ; il est recoupé par des filons de gabbros à olivine et troctolites mis en place dans des fractures qui servent de conduits au magma. Au cours du refroidissement, le clinopyroxène (Cpx) des roches gabbroïques réagit avec le plagioclase pour produire de la hornblende brune (Hbb : conditions du faciès Granulite), puis verte (conditions du faciès Amphibolite), et pour finir actinote (Act : conditions du faciès Schistes verts). L’olivine (Ol) réagit avec le plagioclase et est remplacée par de la trémolite (Tr) + chlorite (Chl) en atteignant les conditions du faciès Schistes verts. À basses températures, le plagioclase est transformé en un fin agrégat à albite + épidote (« Pl »). Le spinelle de la lherzolite se transforme en chlorite. La suite du trajet PTt dans les conditions de HP-BT durant l’orogène alpine n’est pas décrite ici.
b) La croûte océanique des océans atlantique et indien • Le banc de Gorringe dans l’Atlantique La croûte océanique de l’Atlantique est produite au niveau d’une ride à expansion lente. Elle est exposée au banc de Gorringe (au large du Portugal), à la transition océan-continent sur la marge ibérique. Elle présente un massif de gabbros, de 500 m d’épaisseur sur 50 kilomètres de long, au sein des péridotites mantelliques. Elle 241
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
montre également quelques filons et des laves en coussins tholéïtiques reposant localement directement sur les péridotites. Ces gabbros ont été échantillonnés par submersible en 1984, puis en 1996. La plupart des roches sont des gabbros isotropes largement recristallisés (50 à 80 % de phases secondaires) dans des conditions statiques ; la déformation en extension s’accompagne du développement d’une foliation plus ou moins marquée. Dans ce dernier cas, la texture des roches est granoblastique porphyroclastique ; des textures mylonitiques sont liées à des recristallisations à plus faibles températures. L’évolution métamorphique est principalement caractérisée par l’hydratation des phases primaires ferromagnésiennes. L’olivine est remplacée par des associations de talc et d’actinote, le clinopyroxène par de la hornblende ou de l’actinote. La hornblende est zonée et cette zonation (en particulier en titane) est mise en relation avec la diminution de température. Le minéral est, dans certains cas, d’origine tardi-magmatique. La distinction n’est pas aisée entre amphibole tardimagmatique et amphibole sub-solidus, se formant au début du refroidissement du gabbro ! Ces amphiboles magmatiques se caractérisent par des teneurs élevées en fluor, nobium et faibles en chlore. Le plagioclase évolue vers des compositions plus albitiques, spécialement le long des veines hydrothermales, à la suite d’échanges Ca-Na entre solide et fluides hydrothermaux. La coexistence des différents types de gabbros, non métamorphiques, granoblastiques et mylonitiques, ainsi que la recristallisation hétérogène de ces roches, est attribuée à une liaison étroite entre déformation et percolation des fluides. • Les métagabbros du puits 735B de la ride sud-ouest indienne
La ride sud-ouest indienne a un taux d’expansion très lent (1,5 à 2 cm/an). Le forage du puits 735B a traversé, sur près de 1500 m, un ensemble de gabbros sur le mur Est de la faille transformante Atlantis II, qui recoupe le « core complex océanique » de l’Atlantis Bank, une structure en dôme extensif à cœur principalement constitué de gabbros. La structure en dôme est due à une faille en détachement, à faible pendage, qui accommode l’expansion océanique (figure 15.10) ; elle est responsable de l’exhumation des gabbros et du manteau serpentinisé. Ces roches, au mur de la faille, sont variées, avec des gabbros troctolitiques, gabbros à olivine, gabbro-norites, gabbros leucocrates et plagiogranites. Les différentes lithologies constituent de petits massifs intrusifs les uns dans les autres. Un tiers environ de ces gabbros sont déformés et métamorphisés. Les zones de cisaillement et fractures nombreuses contrôlent la recristallisation métamorphique. Lorsque les gabbros sont déformés à hautes températures estimées entre 900-700 °C, ils acquièrent une paragenèse granulitique, par recristallisation dynamique : orthopyroxène, clinopyroxène, plagioclase, hornblende brune titanifère et parfois olivine. Lorsque les fluides hydrothermaux infiltrent les roches encore chaudes, l’amphibole se développe et sa composition varie au cours du refroidissement depuis des hornblendes pargasitiques du faciès Amphibolite (650-500 °C) jusqu’à des actinotes du faciès Schistes verts (450-300 °C). Ces minéraux métamorphiques ont une disposition coronitique dans les roches les moins déformées ; les plus déformées peuvent être transformées en amphibolites. Des mylonites de haute température sont reprises par 242
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
FS
Figure 15.10 – Dôme océanique extensif (oceanic core complex) d’une dorsale à expansion lente.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Dans une telle structure, l’expansion océanique est accommodée par des failles normales courbes à faible pendage, failles de détachement. Dans certains sites, ces failles semblent s’enraciner profondément, dans le domaine où la déformation est ductile. Dans les parties profondes, les gabbros sont déformés de manière ductile (tirets = cisaillement de HT), ce qui favorise un métamorphisme de HT (faciès Granulite et Amphibolite). Le mouvement relatif le long de la faille de détachement permet l’exhumation des gabbros et du manteau. Progressivement, la déformation devient fragile : des failles à pendages plus forts fracturent les roches et augmentent leur perméabilité. La circulation hydrothermale altère et métamorphise les roches à basses températures, dans les conditions des faciès Schistes verts et Zéolite. FS : front de serpentinisation et « altération » (selon lithologie) ; les basaltes (points noirs sur fond blanc), au sommet de la lithosphère, ont une épaisseur variable ; l’abondance des gabbros (v) et filons (lignes grises) est totalement arbitraire. En gris : lithosphère (dont croûte) ; v inversé : asthénosphère ; à la limite asthénosphèrelithosphère : bouillie cristalline. Inspirée de Escartin et al. (2003).
des fractures dans les conditions du faciès Schistes verts. Les métagabbros sont parfois recoupés par des gabbros non déformés, leucocrates et plus différenciés que les roches qu’ils recoupent. Ceci indique que les différents processus magmatiques, tectoniques et métamorphiques sont sub-contemporains et se réalisent à proximité de la dorsale. Les microstructures des roches métamorphisées, depuis les conditions du faciès Granulite jusqu’à celle du faciès Schistes verts, à proximité immédiate de la faille en détachement suggèrent que la déformation est initiée à haute température, en régime ductile et se poursuit à basse température, en régime cassant tandis que les roches sont exhumées (Dick et al., 2000). 243
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
15.2.3 La semelle métamorphique des ophiolites De nombreuses ophiolites présentent à leur base une semelle de roches métamorphiques d’une épaisseur de quelques dizaines à quelques centaines de mètres, témoin de l’obduction de la lithosphère océanique sur la croûte continentale. Ce métamorphisme n’est pas un « métamorphisme océanique », mais son lien avec la mise en place des ophiolites nous amène à lui réserver un paragraphe dans ce chapitre. À titre d’exemples, on peut citer la présence de semelle métamorphique à la base de l’ophiolite ordovicienne de Ballantrae, en Écosse, de l’ophiolite de la Bay of Islands, à Terre-neuve, âgée de 480 Ma, de l’ophiolite crétacée d’Oman (Jamieson, 1986). Les roches sont très déformées, parfois mylonitiques ; elles sont constituées, sous les péridotites, de métagabbros, d’amphibolites de composition tholéïtique, des métasédiments de la croûte océanique (marbre et chert) surmontant des métasédiments de la croûte continentale. En Oman, des quarzites à orthopyroxène contiennent l’assemblage d’ultrahaute température saphirine-spinelle-quartz (voir paragraphe 14.4) associés à des gneiss à silicates calciques à wollastonite, clinopyroxène et grenat grossulaire (Gnos et Kurz, 1994). Des quartzites contiennent en abondance de la piémontite, cette épidote manganésifère qui suggère que ces métasédiments océaniques étaient riches en cet élément. Le gradient métamorphique est inverse : le degré métamorphique varie depuis les conditions du faciès Granulite au contact des péridotites, passe, en dessous, aux conditions du faciès Amphibolite, avec des amphibolites à grenat qui surmontent des amphibolites à épidote, elles-mêmes au-dessus des roches de la croûte continentale chevauchée, métamorphisées dans les conditions du faciès Schistes verts. À la base de l’ophiolite d’Oman, les amphibolites à grenat-clinopyroxène indiquent des températures du faciès Granulite, de 775-865 °C. Les données géochronologiques montrent qu’il se passe moins de 20 Ma entre la fin de cristallisation de l’ophiolite et celle de son obduction. Cet intervalle de temps serait inférieur à 2 Ma dans le cas de l’ophiolite d’Oman. Ces chiffres suggèrent que la source de chaleur du métamorphisme inverse de la semelle est la chaleur résiduelle de la lithosphère océanique. La déformation intense favorise la recristallisation de ces roches magmatiques chaudes alors que les conditions dans les roches de la croûte continentale chevauchée ne dépassent pas celles du faciès Schistes verts. Ceci suggère que le transfert de chaleur vers le bas, par conduction reste très limité.
15.2.4 En conclusion Le métamorphisme dans la lithosphère océanique a un caractère régional, puisqu’il est réparti, quoique de façon irrégulière, dans l’ensemble de celle-ci. Cependant, les processus pétrologiques qui en sont responsables se réalisent localement, à proximité de la ride. À quelques kilomètres de la ride et en moins de 100 000 ans (en fonction de la profondeur), les gabbros isotropes seraient refroidis dans les conditions du faciès Schistes verts (Manning et al., 1996). Le métamorphisme affecte uniquement les roches magmatiques de la lithosphère océanique et les trajets PTt sont (presque) exclusivement rétrogrades (figure 15.11). 244
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15.2 • Métamorphisme océanique et hydrothermalisme
La croûte océanique se caractérise par un gradient métamorphique vertical de hautes températures, très basses pressions qui peut atteindre les conditions de l’anatexie. Ce gradient est à mettre en relation avec la variation de la vitesse de refroidissement dans la croûte (figure 15.11 b) et la circulation hydrothermale : ces deux paramètres diminuent vers le bas. Au tout début de leur mise en place, à hautes températures, le refroidissement des basaltes et dolérites est très rapide (figure 15.11 b) : les roches
C . Hbl
C. Prxs
6
P km
zéolite
prh-pum
2
schistes amphibolite verts
granulite
T ˚C bbro us Ga Solid
C. Ab-Ep
1000
800
600
hyd r.
400
sol.
200
a
Figure 15.11 – Synthèse des trajets PTt et Tt possibles
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
dans les trois principales unités de la croûte océanique produite au niveau d’une ride à expansion rapide. a) Au cours de son refroidissement, la roche peut ne pas recristalliser (pointillés) ou est susceptible de recristalliser (tirets) ou encore à de forte chance de recristalliser (ligne continue). Trajet à basse pression : les laves du complexe volcanique et du sommet du complexe filonien se refroidissent très rapidement et n’enregistrent pas la portion HT de leur trajet. Ce n’est qu’à BT, lorsque la vitesse de refroidissement diminue significativement (figure b) et grâce à une perméabilité importante, que les laves subissent un hydrothermalisme généralisé : altération à T < 150 °C pour les 600 premiers mètres de croûte et métamorphisme hydrothermal pour le complexe filonien. Trajet intermédiaire : à la base du complexe filonien et dans les gabbros isotropes, les conditions sont favorables au métamorphisme avec les températures élevées à proximité de la lentille magmatique et une circulation hydrothermale encore importante ; d’autre part, la vitesse de refroidissement est plus faible que dans les laves (voir figure b). La roche peut recristalliser en continu au cours du refroidissement depuis les hautes températures et enregistrer finalement une paragenèse du faciès Schistes verts. Au cours de ce refroidissement, elle peut être affectée par un métamorphisme de contact prograde. (La différence de pression le long de ce trajet n’a pas de réalité et est liée à la nécessité de faire apparaître le réchauffement du métamorphisme de contact). Le trajet le plus profond est celui d’une roche du complexe gabbroïque. À haute température, la roche est susceptible de recristalliser grâce à une vitesse de refroidissement très lente et une circulation d’eau limitée à la faveur de microfractures. Si le gabbro est hydraté à haute température, juste après sa cristallisation, il fond partiellement : en effet, le solidus d’une roche est déplacé significativement vers les basses températures lorsque celle-ci est hydratée (courbe tiret « sol. hydr. »). À basse température, l’altération hydrothermale est canalisée dans les fractures. Les limites arbitraires entre les faciès du métamorphisme de contact et les faciès du métamorphisme régional (figure 3.3) ne sont pas représentées. En effet, le métamorphisme océanique, bien que réalisé dans des conditions de très BP du métamorphisme de contact, a un caractère régional. Notez que P est la profondeur (en km), et non pas la pression : ce ne sont pas les variations minéralogiques quasi inexistantes liées aux faibles variations de la pression qui permettent de définir les trois trajets PTt, mais leurs positions respectives (profondeurs) sur le terrain.
245
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
bouillie crist.
T
gabbr
o lités
laves
b
gb. iso. et base du
CF
temps
Figure 15.11 – Synthèse des trajets PTt et Tt possibles dans les trois principales unités de la croûte océanique produite au niveau d’une ride à expansion rapide. (suite) b) Modèles théoriques de trajets Tt (correspondant aux trajets PTt de la figure a) mettant en évidence les importantes variations de la vitesse de refroidissement dans les différents niveaux de la croûte et en fonction du temps. La vitesse de refroidissement est matérialisée par la pente des trajets : plus la pente est forte, plus la vitesse de refroidissement est grande. À la base du complexe filonien (CF) et dans les gabbros isotropes (gb. iso), la température marque un palier tant que ces formations ne se sont pas éloignées de la lentille magmatique. Ce palier n’est pas régulier et peut être perturbé par des variations de température. Remarquez la vitesse de refroidissement très faible dans la partie inférieure du complexe gabbroïque : les gabbros lités atteindront les conditions du faciès Schistes verts bien après les roches de la partie supérieure de la croûte. Comme sur la figure a, les lignes continues matérialisent les portions des trajets pour lesquelles les roches ont de fortes chances de recristalliser.
n’ont pas le temps de recristalliser à ces hautes températures. Lorsqu’elles atteignent des températures basses (< 250-200 °C), la vitesse de refroidissement diminue et ces roches effusives peuvent recristalliser dans les conditions de bas degré du métamorphisme ; cette recristallisation est contrôlée par une circulation hydrothermale importante, favorisée par une grande perméabilité. À plus grande profondeur, les gabbros se refroidissent lentement et peuvent être métamorphisés dès les hautes températures, mais la circulation hydrothermale est réduite. Ces gabbros peuvent enregistrer successivement les conditions des faciès Granulite, Amphibolite et Schistes verts ; localement les conditions de l’anatexie peuvent être atteintes. Les métabasites océaniques n’atteignent pas toujours l’équilibre et différentes générations de minéraux métamorphiques coexistent et enregistrent différentes étapes du refroidissement de la roche magmatique. Elles sont souvent associées à leur protolithe non transformé. Textures magmatiques et minéraux reliques coronitiques sont souvent préservés dans ces roches (figure 3, planche 1). Ces différentes étapes inachevées et préservées représentent une excellente opportunité pour étudier les processus métamorphiques et, plus particulièrement, appréhender l’influence des paramètres qui interviennent sur la cinétique des réactions (température et composition des fluides, rapport eau/roche, hétérogénéité et localisation de la déformation) en relation avec la vitesse de refroidissement. Il est important d’identifier les traces de ce métamorphisme de ride dans la lithosphère océanique lorsqu’elle est impliquée dans une convergence, afin de les distinguer 246
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Exercice
des effets des phases ultérieures de métamorphisme en subduction, obduction et collision. L’exemple de l’ophiolite de Chamrousse, dans le massif cristallin externe de Belledone (Isère), est, à cet égard, remarquable : mise en place au cours d’une phase d’extension cambro-ordovicienne (496 Ma), cette ophiolite est passée à travers deux orogenèses importantes (hercynienne et alpine). Et pourtant, la majeure partie des déformations et recristallisations qu’elle présente est incontestablement acquise au stade de l’océanisation (Guillot et al., 1992). Ce métamorphisme de ride, précoce, a une influence sur les phases ultérieures du métamorphisme durant la convergence, en servant de guide pour les nouvelles recristallisations métamorphiques. Ainsi, dans les méta-ophiolites du Queyras, dans les Alpes, les gabbros développent une couronne à glaucophane lors du métamorphisme de HP-BT lié à la subduction. Cette coronitisation est strictement contrôlée par l’existence préalable d’un coronitisation à hornblende brune/verte, et par là même, d’une hydratation au stade du métamorphisme océanique (figure 3, planche 8). Il ne serait donc pas réaliste d’étudier le métamorphisme d’une chaîne de montagnes en supposant que la lithosphère océanique est constituée de roches anhydres. Si tel était le cas, ces roches resteraient non transformées jusqu’aux HT-HP du faciès Granulite-Éclogite, comme en témoigne l’existence de rares métagabbros à couronnes de clinopyroxène-grenat : ceux-ci ont préservé leur paragenèse magmatique jusqu’aux conditions de haute température (-haute pression). Ce n’est que dans ces conditions que les roches ont été métamorphisées et que la réaction Opx + Pl = Cpx + Grt + Qtz a produit les couronnes (figure 4, planche 1).
Exercice
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
1.1 Ophiolite du Chenaillet – La chronologie des événements magmatiques et métamorphiques au niveau d’une dorsale lente L’affleurement de la figure 15.12 se situe sur l’arête sud-ouest du massif ophiolitique du Chenaillet (figure 15.6). Il est constitué principalement d’un gabbro (Gb) à clinopyroxène et plagioclase, non déformé, à texture ophitique. Le pyroxène est parfois entouré d’amphibole. Le gabbro contient trois morceaux d’une roche foliée (A). Dans celle-ci, la foliation est marquée par une amphibole noire qui a une forme en amande lorsqu’elle remplace un pyroxène magmatique. Le minéral blanc est du plagioclase. La roche foliée est une amphibolite, produit de la déformation et du métamorphisme de ride d’un gabbro. Un filon basaltique (Bas.) est visible sur la partie gauche de la figure. Décomposez l’histoire de cet affleurement et tirez en des conclusions sur la chronologie des événements de cette portion de lithosphère océanique liguro-piémontiaise obduite sur le domaine alpin briançonnais. En vous inspirant de la figure 15.11, proposez des trajets PTt pour les différentes roches de cet affleurement. 247
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Chapitre 15 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
Bas.
A
Gb
10 cm
Figure 15.12 – Affleurement de l’ophiolite du Chenaillet
Solution 1.1 L’amphibolite, en enclaves dans le gabbro, est la première roche à se former. Il s’agit d’un métagabbro qui a été métamorphisé et déformé avant d’être arraché par le magma à l’origine du gabbro hôte. L’amphibolite était fracturée et a été disloquée en trois morceaux. L’amphibole autour de certains cristaux de pyroxènes du gabbro hôte montre que celui-ci est lui-même métamorphisé à son tour au cours de son refroidissement comme nous l’avons discuté au paragraphe 15.2.2 a de ce chapitre. L’intrusion du filon basaltique qui recoupe à la fois le gabbro et l’amphibolite est le dernier événement. L’intérêt de cette roche dépasse le simple exercice de chronologie relative et montre la complexité de détail de la chronologie des événements dans cette ophiolite du Chenaillet. En effet, cette roche témoigne de la mise en place d’une première lentille gabbroïque qui est déformée et métamorphisée lors de son refroidissement. Un morceau de cette lentille, plus ou moins refroidie, est incorporé dans une autre poche magmatique qui se refroidit et est métamorphisée à son tour. Le filon basaltique scelle cette histoire et confirme que les deux événements métamorphiques (et déformation) sont bien contemporains de la formation de la lithosphère océanique. Dans les rides lentes, la production magmatique est faible et épisodique. La croûte océanique est discontinue : les masses de gabbros se mettent en place par étape dans le manteau. Par voie de conséquence, l’apport thermique, directement lié à la mise en place épisodique des gabbros, est discontinu et localisé. Le métamorphisme océanique qui en résulte n’est pas un processus continu et général, mais il est le résultat de la juxtaposition d’événements localisés. Le trajet PTt de l’amphibolite (A) pourrait être semblable au trajet à profondeur intermédiaire de la figure 15.11 ; l’étape de réchauffement de ce trajet correspond à l’incorporation de l’amphibolite dans le gabbro hôte. Le trajet du gabbro (Gb) est identique, en excluant le « réchauffement » intermédiaire ; le trajet du filon (Bas.) est identique au trajet à basse pression de la figure 15.11. Cet exercice résume les principaux trajets PTt des roches de la croûte océanique produite au niveau d’une ride à expansion lente. 248
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LES
GRANULITES ET ÉCLOGITES DANS LE MANTEAU : MAGMATISME INTRA-MANTELLIQUE ET RECYCLAGE DE LA LITHOSPHÈRE OCÉANIQUE
16
PLAN
16.1 Mode de gisement des roches du manteau 16.2 Les xénolithes du plateau océanique des îles Kerguelen : magmatisme et métamorphisme intra-mantellique 16.3 Les éclogites du manteau supérieur : cristallisation à haute pression d’un magma basaltique ou témoins des océans engloutis dans le manteau ?
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
16.1 MODE
DE GISEMENT DES ROCHES DU MANTEAU
Une condition essentielle pour étudier les roches métamorphiques est que celles-ci soient accessibles, c’est-à-dire « à l’affleurement ». L’échantillonnage « in situ » est exceptionnel et très coûteux. Pourtant, certaines roches ont peu de chance d’être ramenées à la surface. C’est le cas des roches du manteau et de la croûte inférieure. Nous avons vu précédemment (paragraphe 14.3) que de tels affleurements étaient rares. La croûte continentale inférieure est exposée dans la zone d’Ivrée, côté italien des alpes. Par contre, la croûte inférieure européenne n’a pas été exhumée. Son étude est réalisée à l’aide des xénolithes remontés par les volcans alcalins. Ainsi, les xénolithes constituent un précieux échantillonnage et leurs études ont largement contribué à notre connaissance des parties profondes de la croûte continentale et du manteau lithosphérique. Les magmas des volcans alcalins et les kimberlites naissent entre 200 et 250 km de profondeur, dans le manteau supérieur. En remontant vers la surface, ce magma arrache, tout au long de son cheminement, des morceaux de petite taille (quelques 249
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Chapitre 16 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
centimètres cubes à quelques mètres cubes) des roches constituant le conduit, exhumant ainsi des échantillons du manteau supérieur, de la croûte profonde et superficielle. Ce mode de gisement présente des avantages et des inconvénients. L’inconvénient majeur des xénolithes est l’absence de relations géométriques et structurales entre les différents échantillons. Leur principal intérêt est, bien entendu, de rendre accessibles des roches qui sont difficilement exhumées par la tectonique. D’autre part, les xénolithes ne sont pas affectés par la rétromorphose liée à la baisse de pression et de température que provoque l’exhumation, car la vitesse de cette exhumation est très grande (quelques km/h) devant la vitesse de réaction. C’est ce qui permet au diamant, polymorphe de très haute pression du carbone d’exister, à l’état métastable, à la surface du globe : celui-ci est ramené à la surface dans la lave kimberlitique. Cependant, les xénolithes peuvent être affectés par le thermo-métamorphisme qui peut provoquer une fusion partielle ou complète des roches, produisant des büchites. L’intensité de ce thermo-métamorphisme dépend de la taille de l’enclave, de la vitesse d’exhumation et du mécanisme éruptif : l’empreinte du thermo-métamorphisme est forte si l’enclave est transportée dans du magma et séjourne à la surface dans une coulée volcanique. L’interaction avec le magma est faible dans le cas d’un mécanisme éruptif explosif et le thermo-métamorphisme faible ou absent.
16.2 LES XÉNOLITHES DU PLATEAU OCÉANIQUE DES ÎLES KERGUELEN : MAGMATISME ET MÉTAMORPHISME INTRA-MANTELLIQUE Les plateaux océaniques représentent des accumulations considérables de roches magmatiques plutoniques et volcaniques de la croûte océanique. Leur épaisseur est largement supérieure à celle de la croûte océanique normale (qui est de 7 à 9 km) et peut atteindre 25 km. Le plateau des Îles Kerguelen, dans le sud de l’océan indien représente 2,7.107 km3 de croûte océanique et son épaisseur varie de 20 à 23 km. Avec de telles épaisseurs, la croûte inférieure est susceptible d’être métamorphisée. Malheureusement, elle n’est pas facilement accessible à l’observation. En effet, peu de processus géodynamiques sont susceptibles de ramener à la surface les parties profondes des plateaux océaniques. En conséquence, le seul mode de gisement est constitué par les enclaves (xénolithes) exhumées par les roches volcaniques. De nombreux xénolithes de compositions minéralogiques variées sont recueillis dans les roches volcaniques alcalines de l’archipel des Kerguelen. Il s’agit, entre autres, d’enclaves ultrabasiques et basiques qui proviennent de la croûte inférieure et du manteau. Les roches ultrabasiques mantelliques sont des harzburgites et dunites à spinelle ; aucune lherzolite n’a été recueillie : ceci démontre le caractère appauvri de ce manteau par une fusion importante, ce qui est en accord avec l’importante production magmatique correspondant au volume considérable de roches d’un plateau océanique ! Outre quelques enclaves de gabbros, la majorité des enclaves magmatiques basiques est métamorphisée. L’assemblage initial est à Opx - Cpx - Pl - Sp ou Ol. La texture des roches est granoblastique et souvent coronitique : pyroxènes et spinelle se développent autour de l’olivine, au contact du plagioclase ; saphirine, clinopyroxène 250
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16.2 • Les xénolithes du plateau océanique des îles Kerguelen
et grenat forment des couronnes et/ou symplectites autour de l’orthopyroxène ou spinelle au contact avec le plagioclase. Tous ces assemblages minéralogiques appartiennent au faciès Granulite. Les couronnes et symplectites suggèrent l’intervention des réactions suivantes sur le diagramme PT de la figure 16.1 : Ol + Pl = Cpx + Opx + Spl Opx + Pl + Spl = Spr + Grt (Cpx) Opx + Cpx + Spl + Pl = Grt (Spr) Opx + Pl + Spl = Spr + Cpx (Grt) 500
700
900
T ˚C
1100
Hbl
0,5
Ol + Pl Moho
us G
(Cpx)
Opx +P
abbro
1
Opx + Cpx + Spl
Solid
(Spr)
l+S
Grt +Spr
pl
Spr +Cpx
(Grt)
1,5 Ol + Grt
P (GPa) Figure 16.1 – Conditions de cristallisation des xénolithes granulitiques © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
des volcans des îles Kerguelen. Le magma basique, mis en place à différents niveaux de la croûte océanique épaisse et du manteau supérieur, cristallise et acquiert la paragenèse Opx - Cpx - Pl - Sp ou Ol. Ces roches sont métamorphisées lors de leur refroidissement isobare et acquièrent des textures coronitiques. Le libellé des réactions (Grt), (Spr) et (Cpx) est indiqué dans le texte. Le trajet en tiret, à basses pressions, est celui d’un gabbro du plateau océanique. Les autres trajets sont tracés afin de recouper les 4 réactions citées dans le texte qui produisent les différentes textures coronitiques observées. Les deux réactions limitant les champs « Ol-Pl » et « Ol-Grt » marquent respectivement les champs des lherzolites à plagioclase et celui des lherzolites à grenat. Le champ à pression intermédiaire est celui des lherzolites à spinelle. Moho : limite approximative manteau-croûte sous les îles Kerguelen. Les réactions (Grt), (Spr) et (Cpx) coïncident avec la limite entre les deux faciès Seiland et Ariégite qui divisent le domaine des lherzolites à spinelle en un domaine de clinopyroxénites à spinelle et un domaine de clinopyroxénites à grenat. (D’après Grégoire, 1994 et Grégoire et al., 1994).
251
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Chapitre 16 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
Le membre gauche de chaque réaction se situe à hautes températures et basses pressions. Le diagramme PT montre les principales subdivisions du manteau supérieur basées sur la présence d’une des trois phases alumineuses accessoires des lherzolites : il s’agit du domaine des lherzolites à plagioclase, des lherzolites à spinelle et des lherzolites à grenat. Les textures coronitiques témoignent d’une évolution plus ou moins isobare et rétrograde en température à des pressions variables, dans le domaine des lherzolites à plagioclase et celui des lherzolites à spinelle. Les estimations thermo-barométriques, obtenues grâce à différents géothermobaromètres, confirment cette hypothèse. L’intervalle de cristallisation des roches est de 750 °C-1 000 °C entre 0,6 à 1,6 GPa. Ces résultats suggèrent que ces métabasites granuliques résultent de la recristallisation de roches dérivant de magmas basiques mis en place à différents niveaux du manteau supérieur et de la croûte inférieure océanique où elles acquièrent un assemblage métamorphique par simple refroidissement isobare entre 18 et 40 km de profondeur. Cette mise en place de magma dans la croûte inférieure et le manteau supérieur (« sous-placage ») a contribué à l’épaississement du plateau océanique et suggère que la limite croûte-manteau serait plutôt une zone de transition qu’une limite brutale. Ceci expliquerait la présence d’une zone de faible vitesse sismique dans le manteau supérieur, sous la croûte océanique épaisse.
16.3 LES
ÉCLOGITES DU MANTEAU SUPÉRIEUR :
CRISTALLISATION À HAUTE PRESSION D’UN MAGMA BASALTIQUE OU TÉMOINS DES OCÉANS ENGLOUTIS DANS LE MANTEAU ? Des études similaires de xénolithes ailleurs dans le monde suggèrent la mise en place de grandes quantités de magmas basiques de part et d’autre de l’interface manteaucroûte et ceci tant au niveau de plateaux océaniques que de la croûte continentale. Certains gisements contiennent des clinopyroxénites à grenat et, en faible quantité, des éclogites. Les deux catégories de roches se distinguent par la composition du clinopyroxène qui n’est pas sodique dans les clinopyroxénites. Malheureusement, des auteurs (dont l’approche est essentiellement géochimique) ont la fâcheuse habitude de ne pas toujours faire la distinction entre les deux catégories de roches qui sont qualifiées toutes deux d’« éclogites ». La minéralogie des (vrais) éclogites mantelliques se caractérise par divers minéraux accessoires : disthène, corindon, phlogopite, rutile, zircon, coésite, diamant, orthopyroxène. Le mode de formation des clinopyroxénites à grenat et de certaines de ces éclogites est identique à celui des xénolithes des îles Kerguelen et correspondrait à la recristallisation métamorphique au cours du refroidissement isobare de magmas basiques, mais à des profondeurs supérieures, dans le domaine des éclogites. Il n’est pas démontré, comme le proposent certains auteurs, que les clinopyroxène et grenat seraient le résultat d’un fractionnement magmatique 252
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16.3 • Les éclogites du manteau supérieur
et auraient cristallisé directement à partir du magma. La profondeur de formations de ces éclogites atteindrait 200 km environ. La majorité des enclaves d’éclogites présentent des caractéristiques géochimiques (en particulier, les isotopes stables) qui seraient en contradiction avec l’hypothèse d’une cristallisation directe en profondeur. Les kimberlites de la mine de Roberts Victor en Afrique du Sud sont relativement riches en enclaves d’éclogites. Ces éclogites sont à omphacite, grenat de composition principalement almandin – pyrope ; rutile, coésite et orthopyroxène constituent les minéraux accessoires. L’analyse des éléments en trace démontre que ces roches contenaient du plagioclase et étaient des cumulats gabbroïques de la croûte océanique qui ont été ultérieurement subduits dans le manteau. Les rapports isotopiques de l’oxygène de ces roches indiqueraient une contamination par l’eau de mer par circulation hydrothermale (Jacob, 2004). Si la majorité des enclaves d’éclogites représentent des portions de la croûte océanique sudduite, alors le manteau lithosphérique subcontinental pourrait être constitué de l’empilement répété de lames de lithosphères océaniques subduites (figure 16.2).
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Figure 16.2 – Modèle de manteau lithosphérique subcontinental constitué de l’empilement répété de lames de lithosphères océaniques subduites sous le plateau du Colorado. Les diatrèmes (D) contiennent des xénolithes d’éclogites provenant d’une croûte océanique recristallisée dans les conditions du gradient de HP-BT et stockée vers 80 km de profondeur sous le plateau du Colorado (carré). Ces enclaves seraient des fragments de la croûte océanique de l’océan Pacifique subduite sous la plaque américaine. Lors de l’échantillonnage, il y a 25 à 30 Ma, les diatrèmes étaient situés à près de 800 km de la marge continentale. Il est donc nécessaire, pour justifier la présence des éclogites à l’aplomb des diatrèmes, d’imaginer une « reptation » de la lithosphère subduite sous la lithosphère continentale : le manteau lithosphérique subcontinental sous le plateau du Colorado pourrait être constitué de l’empilement répété de lames de lithosphères océaniques subduites. F : unités franciscaines des « Coastal Ranges » ; SN : magmatisme calcoalcalin de la Sierra Nevada. (D’après Helmstaedt et Schultze, 1988, in Kornprobst, 2001.)
Des édifices volcaniques explosifs (diatrèmes) du plateau du Colorado ont ramené à la surface de nombreuses enclaves d’origine profonde. Il s’agit, entre autres, d’éclogites. Comme précédemment, les données géochimiques indiquent qu’il s’agit de témoins de la lithosphère océanique, plus ou moins altérés par des processus superficiels tels 253
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Chapitre 16 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
que la spilitisation ou l’albitisation, entraînés ensuite dans la subduction. La paragenèse est à omphacite, grenat riche en pôle almandin auquel s’ajoute parfois de la phengite, coésite, lawsonite déstabilisée en zoïsite, rutile et pyrite. L’association lawsonitecoésite indique des conditions de températures relativement faibles pour des pressions supérieures à 3 GPa (Usui et al., 2003). La déstabilisation de la lawsonite en zoïsite est attribuée à la décompression lors de l’extraction des roches dans la lave de la roche hôte. Ces éclogites auraient cristallisé aux alentours de 80 Ma et auraient été extraites des profondeurs par des laves vers 30 Ma. Elles représenteraient des portions de croûte océanique subduite à la fin du Crétacé et qui ont été transportées dans la lithosphère avant d’être exhumées par les volcans 800 km plus loin vers l’Est (figure 16.2).
254
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EN
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PLAN
GUISE DE CONCLUSION : ÉVOLUTION DU MÉTAMORPHISME DANS LE TEMPS
17
17.1 Un modèle simplifié d’évolution thermique d’une chaîne de montagnes 17.2 Évolution du métamorphisme au cours du temps
À la lecture des chapitres précédents, nous pouvons résumer l’évolution temporelle des gradients métamorphiques. Dans les zones de convergence actuelles, sur le pourtour de l’océan Pacifique où la croûte océanique s’enfonce sous la croûte continentale, le métamorphisme est de HP-BT. À l’affleurement, on peut recueillir des roches du faciès des « Schistes à glaucophane » qui ont moins de quelques millions d’années. Le gradient métamorphique de HP-BT est également bien représenté dans les chaînes de montagnes récentes telles que les Alpes. Les témoins de ce métamorphisme se font rares à l’ère primaire et ils sont le plus souvent de températures légèrement supérieures, matérialisant un gradient de HP-HT (comme dans le Massif Central). Ils deviennent encore plus rares à l’époque précambrienne (> 590 Ma) et sont totalement absents à l’Archéen (> 2 600 Ma). Dans les chaînes récentes, le métamorphisme de MP succède parfois au métamorphisme de HP. Ce métamorphisme est la règle générale dans les chaînes primaires ; il se fait rare à l’Archéen. Le gradient de HT-BP, rare dans les chaînes récentes, succède parfois aux conditions de MP dans les chaînes paléozoïques et devient la règle générale à l’Archéen. Cette évolution des gradients métamorphiques au cours du temps peut être mise en relation avec le refroidissement du globe depuis l’Archéen. Mais il nous faut également tenir compte de la chronologie des événements thermiques au cours de l’évolution des zones de convergence et du degré d’érosion des chaînes. 255
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Chapitre 17 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
17.1 UN MODÈLE SIMPLIFIÉ D’ÉVOLUTION D’UNE CHAÎNE DE MONTAGNES
THERMIQUE
Afin de comprendre cette chronologie des processus métamorphiques, modélisons, de manière simplifiée, l’évolution géodynamique d’une chaîne (figure 17.1). L’histoire précoce d’une chaîne de montagnes résultant de la collision de deux continents, initialement séparés par un océan, débute dès l’ouverture de cet océan. Au stade précoce de cette ouverture (stade rift : figure 17.1-t1), le processus d’extension provoque un amincissement de la lithosphère continentale qui s’accompagne d’une remontée vers la surface de l’asthénosphère chaude. L’anomalie thermique importante qui en résulte provoque un resserrement des isothermes et peut être responsable d’un métamorphisme de HT-BP (diagramme PT de la figure 17.1-t1) et de la mise en place de magmas basaltiques, d’origine mantellique, précurseurs de la croûte océanique, dans la croûte inférieure continentale amincie. Deux trajets PTt sont représentés sur le diagramme PT à t1 : le trajet de refroidissement isobare d’un gabbro et celui d’une roche de la croûte inférieure amincie dans le rift. Si l’extension se poursuit, un océan s’ouvre (figure 17.1-t2). Un gabbro, mis en place à la ride, se refroidit rapidement en s’éloignant de celle-ci. Il parcourt un trajet de refroidissement, isobare, à basse pression (étoile blanche t2 sur le diagramme P-T t2-t3). En s’éloignant de la ride, la lithosphère océanique se refroidit, devient plus dense et s’épaissie. Lorsqu’elle est suffisamment ancienne et épaisse, elle plonge dans le manteau au niveau d’une zone de subduction sous une des marges passives ou sous la lithosphère océanique elle-même (figure 17.1-t3). La lithosphère océanique froide s’enfonce rapidement (plusieurs cm par an) dans le manteau. Compte tenu de la mauvaise conductivité des roches, celle-ci se réchauffe lentement, tandis que la pression augmente instantanément avec la profondeur. Cette lithosphère plongeante est affectée d’un métamorphisme de faible gradient, de type HP-BT. Les roches suivent des trajectoires PT(t) comme celle de l’étoile blanche à t3. Si certains de ces échantillons sont ramenés rapidement à la surface tandis que le processus se poursuit, ils suivront quasiment la même trajectoire en sens inverse (trajet rétrograde en tiret sur le diagramme P-T t2-t3) : c’est ce que l’on peut observer sur le pourtour péri pacifique. À la base de l’arc magmatique, les magmas se refroidissent dans les conditions du faciès Granulite, parcourant un trajet de refroidissement isobare à pressions moyennes jusqu’aux conditions relativement chaudes d’un géotherme intitulé « Arc » sur le diagramme PT à t2-t3 de la figure 17.1. Ces conditions de HT-BP, couplées au gradient de HP-BT de la subduction caractérisent un régime de ceintures doubles métamorphiques. Lorsque la lithosphère océanique est subduite en totalité (figure 17.1-t4) et disparaît dans le manteau (étoile blanche à t4), une portion de la croûte océanique de la marge chevauchante peut être « obduite » sur la marge continentale. Très localement, la semelle de cette nappe « d’ophiolites » est le siège d’un métamorphisme de HT (paragraphe 15.2.3). Lorsque la dernière portion de lithosphère océanique est également enfouie dans la subduction, la croûte continentale, amincie sur sa marge, peut être entraînée à son tour dans la subduction (figure 17.1-t5) et enregistrer des conditions d’UHP. Cepen256
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17.1 • Un modèle simplifié d’évolution thermique d’une chaîne de montagnes
dant, de densité plus faible que la croûte océanique, la croûte continentale ne peut s’enfoncer indéfiniment dans le manteau. Le déplacement horizontal de la convergence n’est plus absorbé par le simple coulissage au niveau d’un grand cisaillement le long de la zone de subduction, mais par un épaississement vertical (et éventuellement une expulsion latérale). La déformation se répartit sur un volume considérable, ce qui freine le déplacement relatif des plaques. Il s’ensuit un ralentissement de la vitesse de plongement, et, de ce fait, un réchauffement du géotherme. D’autre part, ce réchauffement est renforcé par le doublement de la croûte continentale qui concentre les éléments radioactifs, source de chaleur considérable. On assiste à une augmentation significative du géotherme (diagramme P-T t4-t7) qui dépasse le géotherme « moyen » de la lithosphère stable. Les conditions de l’anatexie peuvent être localement atteintes. Pour bien comprendre l’évolution thermique de la chaîne à ce stade, il est nécessaire de suivre les trajectoires de (au moins !) deux roches situées dans des unités structurales différentes. La première (étoile grise : figure 17.1 t4 à t6) se localise dans la portion de croûte océanique qui, après avoir été entraînée dans la subduction, se trouve pincée dans le chevauchement intra-continental qui matérialise la suture. La deuxième (rond) se trouve sur la partie superficielle de la croûte continentale chevauchée. La première roche appartenant à la croûte océanique, subduite avant le début de la collision, a été transformée en éclogite de HP-BT à t4. Au début de la collision (à t5), lorsque la croûte continentale est sous-charriée sous la croûte océanique, cette dernière est ramenée vers la surface tandis que le géotherme évolue vers de plus hautes T. La pression exercée sur l’éclogite diminue tandis que celle-ci se réchauffe, (diagramme P-T : de t5 à t6). Dans le même temps, l’échantillon de la croûte continentale chevauchée (sous-charriée) s’enfonce et se réchauffe dans les conditions du gradient métamorphique de MP (rond noir sur le diagramme P-T à t5). Par le jeu des déplacements relatifs de part et d’autre du chevauchement, les deux échantillons peuvent être mis en contact (diagramme P-T à t6) : ils ont alors une histoire thermique commune.
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Ainsi, la collision n’arrête pas la convergence : en Himalaya, 40 Ma après la fermeture de l’océan, l’Inde continue de se rapprocher du bloc asiatique, avec une vitesse réduite de moitié. La déformation se propage vers les parties externes de la chaîne où métamorphisme et déformation sont de plus en plus récents (figure 17.1- t6). Lorsque le mouvement de convergence s’interrompt, la croûte continentale épaissie est en déséquilibre gravitaire. Elle s’amincit par la combinaison de processus isostatique, tectonique et d’érosion, afin de revenir à l’épaisseur normale d’une croûte d’une lithosphère stable (figure 17.1, t6-t7). Lorsque cet amincissement post-orogénique est contrôlé par une extension d’origine tectonique (figure 17.1- t8), les roches profondes et chaudes sont ramenées rapidement vers la surface et n’ont pas le temps de se refroidir (diagramme P-T à t8). D’autre part, l’extension, en permettant la remontée de l’asthénosphère chaude (favorisée par un processus de délamination ou détachement de la lithosphère mantellique : figure 17.1-t7 ?) et de magmas basiques dans la croûte inférieure, s’accompagne d’une anomalie thermique importante. Cette anomalie thermique, d’origine mantellique, accentue l’augmentation du géotherme vers les hautes températures : les roches, ramenées rapidement vers la surface, témoignent 257
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Chapitre 17 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
t1
t1
500
1000
T ˚C ro Solidus Gabb
0,5
t2
1,0
P
GPa
t2-t3
500
t3
1000
1,0
Ophiol.
Arc
t4
T ˚C bro Solidus Gab
t2 méta. océa.
t3
2,0
Subduction
P
GPa
t5
t4-t7
500
1000
T ˚C
t6
1,0 t4
t6
t5
A
2,0
P
GPa érosion
t4
t8
500
1000
t7
T ˚C Solidus Ga
1,0
bbro
t8 P
GPa
Figure 17.1 – Légende ci-contre. 258
A
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17.1 • Un modèle simplifié d’évolution thermique d’une chaîne de montagnes
d’un gradient métamorphique de HT-BP (diagramme P-T à t8). Par ailleurs, la chaleur fournie est suffisante pour provoquer une anatexie volumineuse, nécessaire pour produire une quantité de magma granitique susceptible de migrer vers les parties superficielles de la croûte, laissant dans la partie profonde un résidu réfractaire ultramétamorphique. C’est le processus de la différenciation intracrustale. Si l’extension post-orogénique se poursuit, la lithosphère peut évoluer à nouveau vers l’océanisation (figure 17.1- t1).
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Figure 17.1 – Modèle simplifié de l’évolution thermique et mécanique d’une chaîne de montagnes résultant de la collision de deux continents initialement séparés par un océan. Le cycle orogénique débute avec l’ouverture de cet océan. Le magmatisme d’arc est schématisé sur la figure t3. Les diagrammes P-T indiquent l’évolution thermique d’échantillons choisis dans les différentes unités structurales. Les lignes pointillées et les flèches qui leur sont associées matérialisent le géotherme et son évolution dans le temps. Le diagramme PT t2-t3 montre le trajet P-T- temps d’un gabbro (étoile blanche) dans la croûte océanique (t2) enfouie dans une zone de subduction (t3). Ce métamorphisme de HP-BT peut être couplé à une ceinture de HT-BP au niveau de l’arc magmatique (Arc). La portion en tirets correspond à la trajectoire de cette roche si celle-ci est exhumée rapidement. Sur le diagramme PT t4-t7, sont portées les trajectoires de deux échantillons lors de la collision qui succède à la fermeture de l’océan. La roche 1 (étoile grise) se trouve dans la portion de croûte océanique pincée dans la suture. La roche 2 (rond noir) est située dans la marge passive. La roche 1, après avoir suivi une trajectoire de HP-BT (t4) pendant la subduction, est réchauffée et exhumée lors de la collision. La roche 2, dans la croûte continentale sous-charriée, est affectée par un métamorphisme de MP-HT. Par le jeu des déplacements de part et d’autre du chevauchement, les deux échantillons finissent par avoir une histoire commune (à t6). La ligne tirets épais sur les diagrammes P-T matérialise le gradient métamorphique qui enregistre le maximum en température atteint par plusieurs roches recueillies sur l’ensemble de la région. Notons que ce gradient (ainsi que les trajectoires individuelles des 2 roches) atteint les conditions de l’anatexie hydratée (matérialisée par la courbe A). Les mécanismes dynamiques au niveau du manteau lithosphérique sont mal connus. Une désolidarisation (délamination ou détachement de la plaque) de celui-ci et de la croûte semble inévitable. Cette désolidarisation entraîne une remontée et une fusion partielle de l’asthénosphère chaude qui produit des magmas basaltiques (en noir sur la figure t7) qui intrudent et se refroidissent à la base de la croûte (flèche isobare du diagramme PT à t8). L’anomalie thermique qui en résulte et la remontée rapide des roches (qui n’ont pas le temps de se refroidir) sont responsables du gradient de HT-BP qui succède parfois au gradient de MP-HT (diagramme P-T à t8) et d’une anatexie volumineuse à l’origine de granites et de la différenciation de la croûte. Le point triple des silicates d’alumine (Ky, Sil, And) est porté sur les diagrammes P-T de t4 à t8. Ophiol. : Ophiolites. Les croix matérialisent la croûte continentale ; en blanc : lithosphère mantellique ; en gris : asthénosphère ; gris foncé : zone de fusion partielle dans l’asthénosphère ; en noir : roches magmatiques basiques, dont croûte océanique.
259
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Chapitre 17 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
17.2 ÉVOLUTION
DU MÉTAMORPHISME AU COURS
DU TEMPS La Terre est entrain de se refroidir et l’intérieur était beaucoup plus chaud à l’Archéen qu’à l’époque actuelle. Ceci a des conséquences importantes sur l’évolution des mécanismes géodynamiques au cours du temps et amène quelques questions : quand a débuté le mécanisme de tectonique des plaques tel que nous le connaissons actuellement ? Au Néoarchéen (et même plus tôt encore !) pour les uns, au Néoprotérozoïque pour les autres. Comment a t-il évolué au cours du temps ? Les plaques océaniques archéennes devaient être de petite dimension et, de ce fait, constituées de roches jeunes, avec un âge maximum estimé à 20 Ma. À l’heure actuelle, les forces qui contrôlent le déplacement des plaques proviennent de l’enfoncement par gravité de la lithosphère océanique. S’il faut 20 à 50 Ma pour que celle-ci devienne plus dense que l’asthénosphère qu’elle surmonte, alors les forces qui contrôlaient le déplacement de ces microplaques archéennes étaient différentes. Si le manteau archéen était plus chaud qu’à l’actuel, on ne sait pas de combien (100 °C ?). Si le manteau était très chaud, la production magmatique à la ride devait être importante et, en conséquence, la croûte océanique épaisse (30 km ; Karson, 2001). Dans ce cas, la subduction de la lithosphère archéenne était-elle possible ? Si oui, à quelle vitesse ? La convection de petites cellules devait être plus vigoureuse qu’à l’actuel et la vitesse d’expansion plus grande. Le géotherme d’une plaque en subduction devait être sans doute élevé, mais les effets antagonistes de la plaque chaude (plus la plaque est chaude, plus le géotherme est élevé) et de la vitesse d’expansion rapide (plus la vitesse est grande, plus le géotherme est faible) rendent l’estimation difficile. L’approche scientifique s’appuie sur des modèles qui sont confrontés aux témoins géologiques. Malheureusement, les témoins géologiques de l’histoire précoce de la Terre sont rares et fortement affectés par plusieurs cycles tectono-métamorphiques. En conséquence, les paramètres qui interviennent dans le mécanisme de la tectonique des plaques de la Terre ancienne sont mal connus, ce qui rend difficile l’élaboration de modèles fiables. L’étude des roches métamorphiques apporte, cependant, sa contribution à ce débat. Dans cette approche, le gradient métamorphique de HP-BT présente un grand intérêt, car il est le témoin du plongement rapide de la lithosphère océanique en subduction, un mécanisme fondamental de la tectonique globale. Nous avons remarqué que le gradient métamorphique de HP-BT et les conditions d’ultra-haute pression (UHP) étaient inconnus avant le Néoprotérozoïque. Au contraire, c’est à l’Archéen que l’on rencontre la majorité de formations de UHT, à l’exception d’un exemple cénozoïque. Il est logique de faire le parallèle entre cette chronologie et le refroidissement du globe. Pour Stern (2005), les premières apparitions de roches du faciès Schistes bleus, de roches d’ultra-haute pression et d’ophiolites au Néoprotérozoïque seraient les témoins du début de la tectonique des plaques moderne. Mais, comme nous venons de le discuter dans le paragraphe précédent, peut-on affirmer que l’absence de ces formations signifie qu’elles n’ont pas existé ? Une telle position semble un peu 260
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17.2 • Évolution du métamorphisme au cours du temps
radicale. L’existence d’ophiolites archéennes, quoique controversée, est d’ailleurs envisagée en Chine (2,5 Ga : Kusky et al., 2001) et même sur l’un des sites des premiers nucléii de croûte continentale, à Isua, au Groenland, daté à 3,8 Ga (Furnes et al., 2007). D’autre part, le modèle que nous avons présenté au paragraphe précédent (figure 17.1), malgré sa simplicité, suggère que l’évolution du gradient métamorphique peut s’expliquer, en partie, par le degré d’évolution des chaînes et leur niveau d’érosion. Nous l’avons vu (paragraphe 13.2.3), les roches de HP-BT sont précoces dans l’histoire d’une chaîne de montagnes et ont peu de chance d’être préservées pendant la collision et après érosion de la chaîne. Elles sont érodées si elles sont exhumées rapidement et réchauffées si elles restent en profondeur. Il en est de même en ce qui concerne les roches d’ultra-haute pression qui témoignent de la subduction de la croûte continentale au tout début de la collision. Il n’empêche qu’un globe très chaud à l’Archéen explique très bien l’absence du gradient de HP-BT au début de l’histoire de la Terre. Reste à préciser quand ce gradient est apparu. Cependant, son absence seule n’exclut pas un mécanisme de subduction. Des indices semblent indiquer que les arcs magmatiques, autres témoins de la subduction, existaient à l’Archéen. Aussi de nombreux auteurs (la majorité ?) admettent que le mécanisme de la subduction fonctionnait déjà à l’Archéen, malgré la difficulté d’enfouir une croûte océanique chaude et épaisse. L’absence de métamorphisme de HP-BT n’exclurait pas l’existence d’une tectonique des plaques avant le Néoprotérozoïque, mais s’expliquerait par un géotherme de subduction archéen plus chaud qu’à l’époque actuelle. Nous avons remarqué précédemment que les protoplaques devaient être très petites et donc chaudes. Dans ce cas, la subduction de croûte océanique jeune et chaude devait se faire selon un géotherme élevé : l’évolution de ce géotherme en fonction de l’âge de la lithosphère océanique peut être modélisée numériquement. Un exemple de calcul est représenté sur la figure 17.2. Mais ce modèle est dépendant de la vitesse d’enfouissement. Un modèle de géotherme archéen (GArchéen sur la figure 17.2) d’une plaque en subduction, proche du géotherme actuel d’une lithosphère stable, est proposé afin de satisfaire à un modèle d’origine de la croûte continentale (Martin, 1986). Dans le diagramme PT (figure 17.2), le trajet parcouru par la croûte océanique archéenne subduite traverserait les champs des faciès Schistes Verts et Amphibolite. Le gradient métamorphique serait de MP et les roches du faciès Schistes Bleus ne devaient pas exister à cette époque. À plus hautes températures et pressions (> 1GPa), les conditions de l’anatexie hydratée seraient atteintes : si la croûte océanique archéenne subduite est hydratée, celle-ci fond partiellement, produisant des magmas adakitiques, qui seraient à l’origine de la croûte continentale (Martin, 1986). Les portions anhydres atteindraient les conditions du faciès Éclogite (de HT). Dans ces conditions, les roches d’UHP ne devaient pas exister à cette époque : en effet, le long de ce géotherme archéen, les conditions de formation des roches d’UHP sont atteintes à très hautes températures, supérieures à 1 100 °C, température maximum supposée pour les roches crustales (figure 17.2). Toutefois, la réalité du géotherme « GArchéen » de la figure 17.2 n’est pas démontrée et il reste pour l’instant une hypothèse. 261
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Chapitre 17 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
La rareté des éclogites dans les ceintures vertes archéennes est également compatible avec l’hypothèse d’un géotherme de subduction archéen chaud : la croûte océanique en subduction fondrait avant sa déshydratation et ne serait donc pas ou peu éclogitisée. Cependant, cette rareté ne permet pas d’exclure que ces roches n’aient pas existé. En effet, les chances, pour ces éclogites, d’échapper à une rétromorphose dans les conditions du faciès Granulite ou Amphibolite dans une lithosphère chaude ou à l’érosion sont minimes. Les témoins d’éclogitisation les plus anciens connus actuellement sont les filons d’éclogites de la ceinture mobile de Belomorian dans le bouclier baltique (sur la côte de la Mer Blanche) qui ont 2,7 Ga (Volodichev et al., 2004). Leur composition chimique serait proche de celles des basaltes de la ride océanique. La paragenèse éclogitique est à omphacite-grenat et montre les indices classiques de la rétromorphose par décompression : symplectite à hornblende - plagioclase autour du grenat et clinopyroxène - plagioclase qui remplace l’omphacite. Des inclusions d’amphibole, chlorite, pumpellyite dans le grenat seraient des reliques anté-éclogitiques. Les conditions de formation de la paragenèse éclogitique sont estimées à 14,0-17,5 kb et 740-865 °C pour l’éclogite du village de Gridino et 14-15 kb et ~ 700 °C pour l’éclogite de Salma. Ces conditions se situent à proximité immédiate du géotherme « GArchéen ». Il faut toutefois être certain que ces évaluations correspondent bien aux conditions maximales du métamorphisme et de l’enfouissement. De même, la ceinture paléoprotérozoïque de l’Usagaran dans le centre de la Tanzanie contient une unité de 35 km de long d’éclogites plus ou moins amphibolitisées, intercalées dans des métapélites. Les éclogites, datées à 2 Ga, sont à omphacite, grenat, rare disthène et hornblende. Orthopyroxène, clinopyroxène et plagioclase constituent les minéraux rétrogrades coronitiques. Les conditions optimales du métamorphisme sont estimées à 18 kb et 750–800 °C, suivi d’un trajet rétrograde de décompression isotherme (figure 17.2 ; Möller et al., 1995). Au Cameroun, des éclogites ont des compositions de MORB et enregistrent une pression minimale de 16 kbar à 750-800 °C. Elles témoignent d’une suture, il y a 2,09 Ga, entre le craton de São Francisco et celui du Congo Craton (Loose et Schenk, com. pers.) En Afrique de l’Ouest, la collision entre le craton ouest africain et le bloc central du continent Gondwana est à l’origine d’éclogites néoprotérozoïques dont les conditions de cristallisation sont en moyenne de 16-20 kbar, 700-800 °C. (Agbossoumonde et al., 2001) Dans la chaîne hercynienne, d’âge paléozoïque, la majorité des éclogites témoignent de conditions semblables à celles décrites ci-dessus, alors que, seul, un nombre limité indique des pressions beaucoup plus élevées. Le trajet rétrograde de ces éclogites paléozoïques débute avec des valeurs moyennes de pression et température aux alentours de 20 kb-750 °C, se poursuit par une décompression à peu près isotherme jusqu’à 10-12 kb et se termine par une diminution concomitante de P et T jusqu’aux environs de 6 kb-600 °C. En fin de compte, toutes les évaluations thermobarométriques des conditions de formation des éclogites archéennes, paléoprotérozoïques, néoprotérozoïques, paléozoïques ne sont pas significativement différentes les unes des autres ! Elles ne permettent 262
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17.2 • Évolution du métamorphisme au cours du temps
200
600
400 SV
1000
800
Amphib.
alte Bas dus
es st hi s Sc leu b
Éclogite
G
c»
hé en
ydr. as. h
rc GA
Sol. B
2
« se
S
Qtz Coe
c GA
3
Soli
Granulite
1
T ˚C
1200
l
tue
120
P GPa
50
10 5
Figure17.2 – Modèles d’évolution du géotherme dans les zones de subduction au cours du temps.
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GArchéen : position possible du géotherme de subduction à l’Archéen comparé au géotherme (moyen) actuel (GActuel) ; courbes tirets : modèles de géothermes calculés en fonction de l’âge de la lithosphère océanique subduite indiqué dans les cercles (en MA) pour une vitesse d’enfouissement de 3 cm/an ; S et quadrilatère G : éclogites archéennes du craton Baltique (Salma et Gridino) ; flèche en pointillés : trajet PTt des éclogites paléoprotérozoïques de Tanzanie. À l’époque actuelle, la croûte océanique subduite est éclogitisée en parcourant un trajet à HP-BT et ne recoupe la courbe de fusion hydratée (Sol. Bas. hydr.) qu’à très haute pression (4 GPa). À l’Archéen, la croûte subduite recoupe cette courbe avant l’éclogitisation : elle fond partiellement et seules les portions anhydres sont éclogitisées. Les principaux faciès métamorphiques, le géotherme moyen actuel d’une lithosphère continentale stable (champ grisé) et le point triple des silicates d’alumine sont donnés à titre de repère. La transition quartz = coésite, utilisée comme marqueur des conditions de la très haute pression, serait atteinte à très haute température à l’Archéen. Sol. Bas. hydr. : solidus du basalte hydraté.
pas de mettre en évidence une variation du géotherme des zones de subduction au cours du temps. L’évolution du contexte géodynamique de la subduction dans lequel se forment les éclogites : subduction océanique, stade précoce de la collision, vitesse de convergence variable, etc., a pour conséquence une évolution du géotherme durant la convergence. Cette évolution du géotherme est à l’origine de trajets PTt variés dont les différences masquent les variations séculaires possibles du géotherme. Les xénolithes d’éclogites et pyroxénites à grenat archéennes remontées dans les cheminées kimberlitiques montrent les mêmes caractéristiques que les xénolites phanérozoïques (paragraphe 16.3). Il s’agirait soit de portions de la croûte océanique subduite, soit de cumulats de haute pression à partir de magmas basaltiques hydratées à 263
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Chapitre 17 • Métamorphisme BP-HT dans les zones d’extension
la base d’arcs continentaux, ce qui démontrerait le couplage, dès l’Archéen, entre arc magmatique et zone de subduction. La caractéristique de la tectonique des plaques moderne est le couplage d’événements métamorphiques contrastés HP-BT / HT-BP dans le contexte de la convergence. À l’Archéen, le couplage pourrait associer un événement métamorphique de HP-HT (éclogite-granulite de haute pression) à un événement d’ultra-haute température (UHT) (Brown, 2006). Des événements, là encore, précoces dans l’histoire des chaînes anciennes, dont il va être difficile de trouver des témoins !
264
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ANNEXE
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1. Diagrammes ACF-A’KF Le système ACF est un système chimique simplifié à quatre ou cinq constituants qui est adapté pour représenter les paragenèses des roches magmatiques basiques métamorphisées : SiO2-Al2O3-(FeO-MgO)-CaO avec ou sans H2O, selon que l’on considère un système anhydre ou hydraté. Pour des facilités de représentations graphiques, lorsque nous retenons les cinq constituants, c'est-à-dire dans le cas d’un système hydraté, nous choisissons de considérer les deux constituants en excès : SiO 2 et H2O. Pour respecter la règle des phases (M = C), les phases Qtz et V doivent être présentes dans tous les assemblages considérés. Représentation d’une roche. Le système chimique est simplifié ; en conséquence, la gamme de minéraux utilisés l’est aussi. Albite, feldspath potassique, apatite, muscovite, biotite ne sont pas représentables dans un diagramme ACF. Lorsque l’on représente une roche dans ce diagramme, il faut corriger la composition chimique de la roche des quantités de SiO2, Al2O3, FeO, MgO, CaO qui sont présents dans les minéraux qui ne peuvent pas être représentés dans le diagramme. Ainsi, les feldspaths alcalins ne sont pas représentés dans ACF ; seul le pôle calcique du plagioclase l’est. Il faut donc corriger Al2O3 de la composition chimique de la roche des quantités de cet élément utilisé dans les deux pôles purs alcalins du feldspath. La formule de ces minéraux, KAlSi3O8 et NaAlSi3O8, montrent que chacun utilisent 1 K2O/1 Na2O pour 1 Al2O3. A, la quantité d’Al2O3 de la roche, est corrigée ainsi : (A) = Al2O3 – (Na2O + K2O). Une autre correction commune est celle considérant la présence d’ilménite dans la roche (FeTiO3) ; la quantité de fer prise en considération dans le calcul ACF doit être corrigée d’une quantité équivalente de TiO2 dans l’analyse chimique. (C) est corrigé des quantités d’apatite présentes dans la roche (3,3 CaO pour 1 P2O5). Si Fe2O3 et FeO sont connus, le fer ferrique peut être rajouté à l’alumine avec lequel il se substitue. Il en est de même du manganèse et du fer/magnésium. En définitive, pour le triangle ACF, on écrit : (A) = (Al2O3 + Fe2O3) – (Na2O + K2O) 265
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Annexe
(C) = CaO – 3,3 P2O5 (F) = FeO + MgO + MnO – TiO2 Les compositions sont en pourcentages molaires. (A) ⋅ 100 (C) ⋅ 100 (F) ⋅ 100 A = -------------------------------------, C = -------------------------------------, F = -------------------------------------(A) + (C) + (F) (A) + (C) + (F) (A) + (C) + (F) avec :
A + C + F = 100
Ces corrections de la composition chimique des roches peuvent être adaptées si l’on connaît la composition minéralogique précise des roches. Si l’ilménite est absente de la roche et que le titane est présent dans le rutile (TiO2), il est inutile de faire la correction relative à ce minéral. Si la roche est une éclogite, il est inutile de faire la correction relative aux pôles alcalins du feldspath, puisque ce minéral est absent de la roche. On obtient de la même manière, pour le diagramme A’KF : (A’) = (Al2O3 + Fe2O3) – (Na2O + K2O + CaO) (K) = K2O (F) = FeO + MgO + MnO – TiO2 Les feldspaths ne sont pas représentés dans A’KF. La quantité d’alumine (A’) est corrigée en conséquence. (F) ⋅ 100 (A’) ⋅ 100 (K) ⋅ 100 A’ = ---------------------------------------- , K = ---------------------------------------- , F = ----------------------------------------( A’ ) + ( K ) + ( F ) ( A’ ) + ( K ) + ( F ) ( A’ ) + ( K ) + ( F ) avec :
A’ + K + F = 100
Représentation des minéraux. Il y a deux façons de porter les minéraux dans un diagramme triangulaire. Il est possible de représenter la composition chimique du minéral, comme pour les roches. Il est bien entendu inutile, dans ce cas, de faire les « corrections » décrites ci-dessus ! Dans ACF, le plagioclase est représenté par son pôle pur calcique, l'anorthite. La représentation de la composition réelle d’un plagioclase ne présente pas d’intérêt, car elle nécessiterait de corriger A de Na 2O et K2O comme proposé pour les roches totales, ce qui revient à représenter uniquement la portion calcique de ce plagioclase ! Les coordonnées des minéraux dans le triangle peuvent être calculées à partir de leurs formules structurales. Par exemple, l’almandin, pôle pur ferrifère du grenat, de formule Fe3Al2Si3O12 peut être décomposé ainsi : 3FeO, Al2O3, 3 SiO2. Ceci donne A = 1 ; C = 0 ; F = 3. 266
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1 • Diagrammes ACF-A’KF
A = (1/4) . 100 = 25 C=0 F = (3/4) . 100 = 75 Le grenat pyrope et la solution solide Fe-Mg sont représentés au même point sur la ligne AF ; le pôle grossulaire se trouve en position similaire sur la ligne A-C (figure 5.7). Les compositions chimiques des roches et des minéraux sont généralement données en pourcentages en poids d’oxydes ; la représentation dans les diagrammes utilise préférentiellement le nombre de moles. Calculons le nombre de moles des composants utilisés, en divisant les pourcentages en poids d’oxydes par les masses moléculaires. Les exemples de calcul pour les roches R1 et R2 et le Cpx de l’exercice 1.1 du chapitre 5 sont donnés au tableau A1. Tableau A1 – Calcul des coordonnées ACF pour deux métagabbros (R1-R2) et un clinopyroxène (CPX). % poids d’oxydes R1
R2
Cpx
SiO2
51,00
50,66
52,09
60
Al2O3
15,16
17,12
3,58
102
0,11
0,59
0,01
94
K2O Na2O
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Masses mol.
Nbre de moles ¥ 1000 R1
R2
Cpx
850
844
868
149
168
35
6
0
1,2
4,10
3,66
0,52
62
66
59
8
CaO
10,54
9,74
22,65
56
188
174
405
FeO
5,89
4,52
3,83
72
82
63
53
MnO
0,14
0,09
0,14
71
2
1
2
MgO
8,33
8,01
15,79
40
208
200
395
TiO2
1,19
0,25
0,55
80
15
3
7
142
–
P2O5
nd
nd
nd
H2O
nd
nd
nd
Total
96,46
94,64
99,16
%
A
C
F
R1
14
34
52
R2
19
32
49
4
45
51
Cpx
–
–
Des feuilles de calcul des diagrammes triangulaires sont proposées à la page http:// christian.nicollet.free.fr/page/LivreMetam/MetamGeodyn.html 267
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Annexe
2. Abréviations des minéraux d’après Kretz (1983) et Fettes et Desmons (2007)
268
Act
Actinote
Fo
Forstérite
Phl
Phlogopite
Aeg
Aegirine
Ged
Gédrite
Pgt
Pigeonite
Ab
Albite
Gln
Glaucophane
Pl
Plagioclase
Aln
Allanite
Gr
Graphite
Prh
Prehnite
Alm
Almandin
Grt
Grenat
Pmp
Pumpellyite
Am
Amphibole
Grs
Grossulaire
Py
Pyrite
And
Andalousite
Gru
Grunérite
Prp
Pyrope
Adr
Andradite
Hd
Hédenbergite
Prl
Pyrophyllite
Ann
Annite
Hem
Hématite
Po
Pyrrhotite
An
Anorthite
Hc
Hercynite
Qtz
Quartz
Ath
Anthophyllite
Hbl
Hornblende
Rbk
Riebeckite
Ap
Apatite
Ill
Illite
Rt
Rutile
Aug
Augite
Ilm
Ilménite
Sa
Sanidine
Bt
Biotite
Jd
Jadéite
Spr
Saphirine
Brc
Brucite
Kln
Kaolinite
Scp
Scapolite
Cal
Calcite
Kfs
K-feldspar
Srp
Serpentine
Cph
Carpholite
Krn
Kornérupine
Sd
Sidérite
Chl
Chlorite
Ky
Kyanite, disthène
Sil
Sillimanite
Cld
Chloritoïde
Lmt
Laumontite
Sps
Spessartine Sphalérite
Chn
Chondrodite
Lws
Lawsonite
Sp
Cam
Clino-amphibole
Mrb
Magnésioriebeckite
Spn
Sphène
Chu
Clinohumite
Mgs
Magnésite
Spl
Spinelle
Cpx
Clinopyroxène
Mag
Magnétite
St
Staurotide
Czo
Clinozoïsite
Mrg
Margarite
Stp
Stilpnomélane
Coe
Coésite
Mc
Microcline
Tlc
Talc
Crd
Cordiérite
Mnz
Monazite
Ttn
Titanite
Crn
Corindon
Mtc
Monticellite
Tur
Tourmaline
Cum
Cummingtonite
Mnt
Montmorillonite
Tr
Trémolite
Dsp
Diaspore
Ms
Muscovite
Ts
Tschermakite
Di
Diopside
Ne
Néphéline
Usp
Ulvöspinel
Ky
Disthène (kyanite)
Ol
Olivine
Ves
Vésuvianite, andradite
Dol
Dolomite
Omp
Omphacite
Wo
Wollastonite
Drv
Dravite
Oam
Orthoamphibole
Zrn
Zircon
Ed
Edénite
Or
Orthoclase
Zo
Zoisite
En
Enstatite
Opx
Orthopyroxène
Ep
Epidote
Osm
Osumilite
Fa
Fayalite
Pg
Paragonite
Fs
Ferrosilite
Prg
Pargasite
Fl
Fluorite
Per
Périclase
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3 • Formules structurales des principaux minéraux
3. Formules structurales des principaux minéraux
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Minéral
Formule structurale
Remarques
Actinote
Ca2(Mg, Fe)5 [Si8O22] (OH)2
Amphibole monoclinique
Albite
Na[Si3Al08]
Pôle sodique des plagioclases
Almandin
Ca3Al2Si3O12
Pôle ferreux des grenats
Analcime
NaAlSi2O6 . H2O
Groupe des zéolites
Andalousite
Al2SiO5
Polymorphe BP-BT
Annite
K[Si3AlO10] Fe3(OH)2
Pôle ferreux des biotites
Anorthite
Ca[Si2Al2O8]
Pôle calcique des plagioclases
Aragonite
CaCO3
Polymorphe HP
Biotite
K [Si(3 – x) AlxO10] (Mg, Fe, Al)2-3 (OH)2
Solution solide annite-phlogopite
Calcite
CaCO3
Polymorphe BP
Carpholite
(Fe, Mg) Al2Si2O6 (OH)4
Solution solide Mg-Fe-carpholite
Céladonite
K2Al2(Mg, Fe)2Si8O20(OH)4
Groupe des argiles
Chlorites
(Mg, Fe, Al)6(Si, Al)4O10(OH)8
Solutions solides complexes
Chloritoïde
(Fe, Mg)2Al4Si2O10(OH)4
Ferreux sauf assemblages HP-BT
Clinopyroxènes
M2M1 (Z2O6)
Solutions solides complexes ; M2 : Ca, Na, Mg, Fe, Mn ; M1 : Mg, Fe, Mn, Al, Cr, Ti ; Z : Si, Al
Clinozoïsite
CaAl3Si3O12(OH)
Pôle alumineux monoclinique du groupe des épidotes
Coésite
SiO2
Polymorphe HP
Cordiérite
(Mg, Fe)2Al4Si5O18 nH2O
n compris entre 0,5 et 1,0
Corindon
Al2O3
Rubis rouge ou saphir bleu
Cummingtonite
Mg7Si8O22 (OH)2
Amphibole moniclinique ; pôle magnésien de la série Cum-Gru
Diamant
C
Polymorphe HP
Diopside
CaMgSi2O6
Pôle magnésien des Cpx
Disthène (kyanite)
Al2SiO5
Polymorphe HP-BT
Dolomite
CaMg (CO3)2
Épidote
Ca(Fe3+)3Si3O12(OH)
Pôle ferrique des épidotes
Fayalite
Fe2SiO4
Pôle ferreux des olivines
Feldspath K
K[Si3AlO8]
Or ou Mi, suivant la symétrie
Glaucophane
Na2(Mg, Fe)3Al2Si8O22(OH)2
Amphibole monoclinique HP-BT
Graphite
C
Polymorphe BP
Grenats
X3Y2Si3O12
Solutions solides ; X = Ca, Mg, Fe, Mn ; Y = Al, Fe3+, Cr ;
Grossulaire
Ca3Al2Si3O12
Pôle calcique des Grt alumineux
Hédenbergite
CaFeSi2O6
Pôle ferreux des clinopyroxènes
Heulandite
(Ca, Na2)Al2Si7O18. 6H2O
Groupe des zéolites
Hornblende
Na0-1Ca2(Mg, Fe, Fe3+,Al)5 Al2-1Si6-7O22 (OH)2
Amphibole monoclinique
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Annexe
Minéral
Formule structurale
Idocrase
Ca10 (Mg, Fe)2Al4Si9O34 (OH, F)4
HT-BP ; vésuvianite
Illite
K1-5Al5-5,5Si7-6,5O20 (OH)4
Groupe des argiles
Jadéite
NaAlSi2O6
Pôle sodique des Cpx ; HP-BT
Kaolinite
Al4Si4O10 (OH)8
Groupe des argiles
Laumontite
CaAl2Si4O12 . 4H2O
Groupe des zéolites BT-HP
Lawsonite
CaAl2Si2O7 (OH)2 . H2O
Microcline
K[Si3AlO8]
Feldspath K triclinique
Mullite
Si2Al6O13
HT-BP
Muscovite
K[Si3AlO10]Al2(OH)2
Mica blanc di-octaédrique
Omphacite
(Ca, Na) (Mg, Fe, Al)Si2O6
Solution solide Jd-Di-Hd
Orthopyroxène
M2 M1 (Z2O6)
Solutions solides : M2 : Mg, Fe, Mn, Ca ; M1 : Mg, Fe, Mn, Al, Cr, Ti ; Z : Si, Al
Orthose
(K, Na) [Si3AlO8]
Feldspath (K, Na) monoclinique
Paragonite
Na[Si3AlO10]Al2(OH)2
Mica blanc sodique di-octaédrique
Phengite
K[Si(3 + y) Al(1 – y)](Al, Mg, Fe)2-3(OH)2
Solution solide Ms-Cel
Phlogopite
K[Si3AlO10]Mg3(OH)2
Pôle magnésien des biotites
Plagioclases
(Na, Ca) [Si3-2Al1-2O8]
Solutions solides Ab-An
Prehnite
Ca2Al2Si3O10(OH)2
Pumpellyite
Ca4(Mg, Fe)(Al, Fe3+)5Si6O23(OH)3 . 2H2O
Pyrope
Mg3Al2Si3O12
Pyrophyllite
Al4Si8O20(OH)4
Quartz
SiO2
Rutile
TiO2
Scheelite
CaWO4
Pôle magnésien des Grt alumineux 2 polymorphes, a et b
Sillimanite
Al2SiO5
Polymorphe BP-HT
Spessartine
Mn3Al2Si3O12
Pôle manganeux des Grt alumineux
Sphène (titanite)
CaTiSiO4(O, OH)
Spinelles
(Mg, Fe) (Al, Cr, Fe3+)2O4
Solutions solides complexes
Staurotide
(Fe, Mg)2(Al, Fe)9[(Si, Al)O4]4(O, OH)2
Ferreuse, sauf assemblages HP-BT
Stilpnomélane
(K, Ca)0-1,4(Fe, Mg, Al)5,9-8,2 Si8O20(OH)4(O, OH, H2O)3,8-8,5
Sudoïte
Mg2Al3[Si3AlO10] (OH)8
Talc
Mg6Si8O20 (OH)4
Trémolite
Ca2(Mg)5 [Si8O22] (OH)2
Wairakite
CaAl2Si4O12 . 2H2O
Groupe des zéolites
Wollastonite
CaSiO3
HT ; PCO2 faible
Zéolites Zoïsite
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Remarques
Groupe des chlorites Pôle magnésien de la série Tr-FeAct
TBT-TBP CaAl3Si3O12(OH)
Épidote alumineuse orthorhombique
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4 • Quelques assemblages minéralogiques caractéristiques
4. Quelques assemblages minéralogiques caractéristiques des principaux faciès métamorphiques
Faciès
Métabasaltes
Métapélites
Très faible degré Faciès des zéolites (Z)
Recristallisations hétérogènes Lmt, Anl, Hul, Wa
Faciès Prh-Act (PrA)
Ab + Prh + Act + Chl
Argiles interstratifiés
Métamorphisme de contact Cornéennes Ab-Ep (AE)
Ab + Ep + Act + Chl Act + Pl
Ms + Bt + Chl
Cornéennes à Hbl (CH)
Hbl + Pl + Di
Bt + Ms + Crd ± Chl Bt + Ms + And Ms + And + Crd
Cornéennes à Px (CP)
Cpx + Opx + Pl ± Ol ± Hbl
Crd + Sil + Kfs
Faciès sanidinite (S)
Opx + Crd + Qtz Opx + Sil + Qtz
Mul + Qtz Crn + Mag + An + verre
Faciès à Prh-Pmp (PPr)
Prh + Pmp ± Chl ± Ab ± Ep
Ill/Ms + Chl + Ab + Qtz
Faciès à Pmp-Act (PA)
Pmp + Act
Métamorphisme HP-BT
Faciès SB à Lws-Chl (LC)
Lws + Ab + Chl
Faciès SB à Gln (GL) (GE)
Gln + Lws + Ab Gln + Zo + Pg + Qtz
Phe + Cp + Chl + Qtz Phe + Chl + Cld + Ky + Qtz
Faciès des éclogites (E)
Omp + Grt ± Qtz (Cs), Gln, Phe, Lws/Zo
Phe + Ky + Cld + Tlc + Qtz Phe + Cld + Grt + Tlc + Qtz
Ab + Ep + Chl + Act ± Stp
Chl + Ms + Ab + Mc + Qtz Chl + Ms + Bt + Ab + Qtz
Ab + Ep + Act + Chl
Chl + Ms + Cld + Pg + Qtz Ms + Bt + Ab + Chl/Grt + Qtz
F. des amphibolites à Ep (AE)
Hbl + Ep + Ab ± Qtz
St + Ky ou And + Bt + Ms + Qtz
F. des amphibolites (A)
Hbl + Pl + Grt ± Qtz Hbl + Pl + Di ± Qtz
Crd ou Grt + Ky ou Sil + Bt ± Ms Crd ou Grt + Ky ou Sil + Bt + Kfs
Faciès des éclogites (E)
Omp + Grt ± Qtz (Cs)
Tlc + Ky + Grt + Qtz (Cs)
Faciès des granulites (GBP)
Opx + Pl ± Qtz Ol + Pl + Cpx ou Opx
Crd + Sil + Kfs + Qtz
(GPI)
Opx + Cpx + Pl + Qtz ou Grt
Grt + Sil + Kfs + Qtz
(GHP)
Grt + Cpx + Qtz
Grt + Ky + Kfs + Qtz
Métamorphisme MP/BP-HT
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Faciès des Schistes verts (SV)
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© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
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LÉGENDES
COMPLÈTES DES PLANCHES COULEURS Sur les microphotographies, les abréviations LPNA et LPA signifient « lumière polarisée non analysée » et « lumière polarisée et analysée » ; les segments noirs et blancs mesurent 1 mm. Sur les macrophotographies, les segments rouges mesurent 1 cm.
Planche 1 – Paragenèse et assemblage réactionnel 1. Affleurement de pli dans un gneiss pélitique. La surface plissée est une foliation dont les niveaux clairs sont formés essentiellement de quartz. Les niveaux sombres contiennent des micas en abondance, et, en particulier, de la biotite. Ardèche. 2. Paragenèse d’une métabasite granulitique. Celle-ci comprend de l’amphibole brune pléochroïque, du clinopyroxène gris clair, des oxydes métalliques noirs (appelés « opaques »), et des minéraux leucocrates, plagioclase et quartz, qui ne sont pas distinguables sur cette microphotographie en LPNA. Chaque espèce minérale peut être en contact avec n’importe lequel des autres minéraux, démontrant que cet assemblage minéralogique a atteint l’équilibre thermodynamique lors de sa formation : il s’agit d’une paragenèse qui est maintenant préservée à l’état métastable à la surface du globe. LPNA. Sud-malgache. 3. Métagabbro à texture coronitique. Le clinopyroxène, brun sur la photo, est séparé du plagioclase blanc par une couronne noire d’amphibole. La paragenèse initiale du gabbro, à Cpx + Pl était en cours de remplacement par la paragenèse Amph + Pl ou Cpx + Amph (selon la proportion des 2 minéraux magmatiques). La réaction Cpx + Pl + V = Amph n’est pas arrivé à son aboutissement et c’est l’assemblage réactionnel qui est préservé à l’état métastable. Ophiolite d’Oman. 4. Texture coronitique dans l’anorthosite (gabbro très riche en plagioclase) d’Ankafotia (sud de Madagascar). La couronne de grenat (+ clinopyroxène et quartz visibles au microscope) entre les deux minéraux magmatiques : orthopyroxène et plagioclase, témoigne de la réaction Opx + Pl = Grt + Cpx + Qtz. Cette photo montre le rôle majeur de la phase vapeur (en particulier vapeur d’eau) et de la déformation sur la cinétique de réaction : en l’absence de phase vapeur et de déformation, cette anorthosite n’a subi aucune recristallisation métamorphique avant d’avoir atteint les conditions du faciès Granulite, à plus de 750 °C. La pointe du marteau donne l’échelle. 5. Fantôme de grenat remplacé, au cours de l’évolution rétrograde, par de la chlorite vert clair et muscovite blanche (minéraux postcinématiques) dans un micaschiste 280
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Légendes complètes des planches couleurs
dans les conditions du faciès Schistes verts. Microphotographie, LPNA. Massif du Lévezou, Massif central. 6. Dans le même échantillon que celui de la photo 5, un grenat a échappé à la rétromorphose, car il est « blindé », isolé dans un porphyroblaste de biotite postschisteuse : les fluides qui permettent la réalisation de la réaction en transportant les éléments des minéraux, circulent dans les plans de la schistosité, mais pénètrent plus difficilement la biotite, malgré la présence des clivages de ce minéral. Les points noirs sur les micas des deux photos sont des auréoles pléochroïques autour de minéraux radioactifs. Microphotographie, LPNA.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche 2 1. Relation cristallisation-déformation. Dans ce micaschiste à trois micas (conditions du faciès Schistes verts), la surface S1 est replissée par une deuxième phase de déformation responsable d’une S2. Muscovite et chlorite (blanc-gris) sont parallèles aux deux surfaces de foliation : ces deux minéraux leur sont donc contemporains, ce qui signifie que ces épisodes de déformation se sont réalisés dans les conditions thermiques de stabilité de ces minéraux. La biotite en gros cristaux est orientée obliquement aux deux surfaces. La grosse taille de ces cristaux montre qu’ils se sont formés dans un régime statique, en dehors de tout épisode de déformation. Le cristal au milieu de la photo montre que la biotite se forme sur la S1 et est donc postérieure à celle-ci, mais est « repris » par la S2. La biotite a cristallisé entre les deux phases de déformation. Le cristal en bas à gauche est partiellement rétromorphosé en chlorite, probablement durant S2. Parmi les 3 micas, la biotite est le minéral de plus hautes températures. En conséquence, la cristallisation de ce minéral entre les deux phases de déformation indique que le pic de T atteint par cette roche l’a été entre ces deux phases. Ce pic en T correspond à la mise en place d’un granite après S1 et déformé par S2 (orthogneiss du Pinet dans le dôme du Lévezou dans le Massif central) ; gradient de MP-HT, faciès Schistes verts. Microphotographies en LPNA à gauche et LPA à droite. Comparez avec la figure 4.1. Massif du Lévezou, Massif central. 2. Ces gneiss quartzo-feldspatiques montrent une foliation peu visible (flèches sur la photo de gauche et stylo sur la photo de droite), car il n’y a pas de minéraux en feuillets pour bien la visualiser. Le porphyroclaste de grenat au centre des photos est entouré de cordiérite (bleu marine) formée au cours de la réaction grenat + sillimanite + quartz + V = cordiérite. La disposition dissymétrique de cette cordiérite sur la photo de gauche montre que la réaction de déstabilisation du grenat s’est réalisée dans un contexte syncinématique de cisaillement simple senestre (comparez, à une autre échelle, avec la figure 4.3). Sur la photo de droite, la disposition de la cordiérite en amande symétrique montre que la déstabilisation s’est effectuée dans un régime en cisaillement pur. Gradient de BP-HT, faciès Granulite. Sud-Est malgache. 3. Microphotographie d’un micaschiste à disthène, grenat, biotite, muscovite, quartz. On remarque un peu de fibrolite, sillimanite fibreuse, au-dessus d’un cristal de grenat. LPNA. Isograde sil (+) d’un gradient de MP-HT, faciès Amphibolite. Massif du Lévezou, Massif central. 281
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Légendes complètes des planches couleurs
4. Microphotographie d’un micaschiste à staurotide, grenat, biotite, muscovite, quartz. LPNA. Gradient de MP-HT, faciès Amphibolite. Massif du Lévezou, Massif central.
Planche 3 1. Nodule de sillimanite fibreuse, la fibrolite (+ biotite) dans un gneiss pélitique ; faciès Amphibolite. Microphotographie LPNA. Haut-Allier, Massif central. 2. Prismes d’andalousite dans un micaschiste, gradient de BP-HT, faciès Amphibolite. Cap Creus, Pyrénées espagnoles. 3. Réaction polymorphique andalousite = sillimanite. Remarquez que la transformation se fait dans un plan de schistosité, montrant le rôle de la déformation pour favoriser cette réaction. Gradient de BP-HT, faciès Amphibolite. Microphotographie LPNA. Cap Creus, Pyrénées espagnoles. 4. Déstabilisation du disthène en muscovite dans un micaschiste. À proximité immédiate, la sillimanite (non visible sur la photo) est associée aux micas et ne se forme pas directement par transformation du disthène. Nous avons remarqué, au paragraphe 9.3, que cette transformation polymorphique pouvait faire intervenir des « réactions de lessivage ». Gradient de MP-HT, faciès Amphibolite. Microphotographie LPNA. Massif du Lévezou, Massif central. 5. L’orientation régulière des aiguilles bleues très sombres (presque noires) de glaucophane sur le plan de schistosité, marque la linéation minérale. Gradient de HP-BT, faciès Schistes bleus. Métaquartzite. Massif du Queyras. 6. Paragenèse d’UHT à saphirine, grenat, cordiérite, orthopyroxène. À gauche de la photo, le grenat est entouré d’une symplectite à Opx + Crd formée au cours de la réaction Grt + Qtz = Opx + Crd. Microphotographie LPNA. Complexe du Gruf, Alpes centrales.
Planche 4 – Carte métamorphique des Alpes occidentales et centrales, extrait de la carte métamorphique des Alpes de la CCGM Les couleurs sur la carte matérialisent les conditions PT représentées dans le diagramme P-T. Ce diagramme est subdivisé en 13 faciès et sub-faciès métamorphiques qui sont plus nombreux que sur la figure 3.3. Les abréviations utilisées correspondent aux noms de ces faciès en anglais. La succession de ces faciès matérialise deux gradients métamorphiques principaux. Un gradient de HP-BT, principalement dans les Alpes occidentales : BS et UBS (Blueschist and Upper Blueschist) : faciès Schistes bleus et faciès Schistes bleus de haut degré ; ECL et BET : faciès Éclogite et transition des faciès Schistes bleus et Éclogite ; UHP : faciès d’ultra-haute pression, défini par le domaine de stabilité de la coésite. Un gradient de MP-HT, principalement dans les Alpes centrales : DIA : diagenèse et anchizone ; SGS : (Subgreenschist) transition avec le faciès Schistes verts ; LGS, UGS et HPGS (Lower, Upper and HP greenschist) : faciès Schistes verts de bas degré, de haut degré et de haute pression ; AM et GAT : faciès Amphibolite et transition des faciès Schistes verts et Amphibolite ; VT : faciès de haute température variés associés à l’anatexie (au-delà de la courbe de fusion hydratée : wet melting). 282
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Légendes complètes des planches couleurs
Étoiles : reliques de HP dans les Alpes centrales (éclogites et péridotites à grenat). Les principales unités géologiques citées dans le texte sont portées sur la figure. Il s’agit, principalement, des massifs cristallins externes et internes, des zones autroalpines (zone de Sésia, nappe de la Dent Blanche, zone d’Ivrée), le dôme Lépontin et le massif granodioritique cénozoïque de Bergell. Les contacts tectoniques majeurs sont soulignés par une surcharge. Le cadre noir situe la carte de la planche 5.
Planche 5 – Carte géologique et métamorphique simplifiée dans le sud des Alpes occidentales (Schwartz, 2001) Cette carte recouvre les principales unités structurales des Alpes, zones externe et interne. La ligne en tirets localise la coupe de la planche 6.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Planche 6 – Métamorphisme dans les Alpes 1. Coupe ouest-est depuis le flysch à Helminthoïdes qui repose sur le domaine externe briançonnais jusqu’au massif cristallin interne de Dora Maira. Les zones internes comprennent, de l’ouest vers l’est, le domaine briançonnais, le domaine piémontais et le massif cristallin interne de Dora Maira. Le domaine piémontais est constitué des Schistes lustrés du Queyras et de l’unité du Viso ; les deux formations sont séparées par une faille ductile normale. À l’est, une deuxième faille ductile sépare l’unité du Viso du massif cristallin interne de Dora Maira qui est un dôme en extension formé lors de l’exhumation de cette unité d’UHP. Les chiffres dans le massif de Dora Maira indiquent (en GPa) les variations brutales de pression par rapport aux unités sous jacentes (d’après Schwartz, 2001). Les failles ductiles précoces sont indiquées par une double flèche noire. Notez qu’elles évoluent en failles cassantes (en rouge) au cours du refroidissement lié à l’exhumation. Les cercles rouges signalent les décrochements (point à droite et croix à gauche : accident dextre). Pour la légende des figurés et la localisation de cette coupe, voir la carte de la planche 5 (Schwartz, 2001). 2. Le Monte Viso vu depuis le Passo Gallarino, Alpes italiennes. Le Viso est constitué essentiellement de laves (parfois en coussins) éclogitisées. Dans sa partie supérieure, on remarque une zone blanche. Elle est formée de métagabbros éclogitisés. À l’est, c’est-à-dire à droite de la photo, le Viso Mozzo est équilibré dans les conditions du faciès Schistes verts, mais contient encore des témoins éclogitiques et du faciès Schistes bleus. Les deux sommets formés de métabasites, sont séparés, dans la dépression, par des serpentinites et rares Schistes lustrés. Voir figure 12.4. Ce panorama mesure environ 2 km de large. 3. Boudin d’éclogite en amande enveloppé par la foliation équilibrée dans les conditions du faciès Schistes verts. La pointe du marteau (à gauche) donne l’échelle. Passo Gallarino au pied du mont Viso, Alpes italiennes. 4. Microphotographie de la paragenèse diagnostique de l’éclogite, métabasite dans le faciès Éclogite : omphacite (clinopyroxène vert, sodique) et grenat ; les petits cristaux noirs sont du rutile (TiO2). Gradient de HP-BT, faciès Éclogite. LPNA. Monte Mucrone, zone de Sésia, Alpes italiennes. 283
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Légendes complètes des planches couleurs
Planche 7 – Le gradient de HP-BT 1. Éclogite de Sifah. Les quatre minéraux de la roche sont bien visibles macroscopiquement grâce à des couleurs bien contrastées : omphacite verte, grenat rouge, épidote jaune, glaucophane bleu marine. Gradient de HP-BT, faciès Éclogite. Oman. 2. Rétromorphose de l’éclogite de Sifah dans les conditions du faciès Schistes bleus. Le grenat centimétrique est entouré d’une couronne foncée de glaucophane. Le reste de la roche est constitué de baguettes centimétriques de glaucophane bleu marine, d’épidote jaune et de phengite (plages brillantes). Gradient de HP-BT, faciès Schistes bleus. Oman. 3. Début de rétromorphose de l’éclogite de la Compointrie (Loire Atlantique) : une couronne noire d’amphibole sépare l’omphacite (verte) et le grenat qui ne sont plus en équilibre ensemble. Remarquez un cristal bleu de disthène. Éch. F. Cariou. 4. Microphotographie de la paragenèse typique d’une métabasite dans le faciès Schistes bleus : glaucophane (bleu), chlorite (verte), épidote (blanche) ; en noir : oxyde métallique. LPNA. Massif du Queyras. 5. Carpholite, minéral diagnostique des métapélites dans le faciès Schistes bleus. Ruwi, Oman. 6. Paragenèse typique d’un micaschiste dans le faciès Schistes bleus : phengite, grenat, chloritoïde, chlorite, quartz. Remarquez l’absence de biotite et muscovite (notez que la distinction phengite-muscovite n’est pas possible au microscope). Gradient de HP-BT. Micrographie en LPNA. Massif du Viso, Alpes italiennes.
Planche 8 – Métamorphismes dans la lithosphère océanique Il est possible de suivre en continu l’évolution de la lithosphère océanique depuis son exhumation jusqu’à sa subduction grâce au métamorphisme. Cette planche illustre les métamorphismes au cours du cycle de la lithosphère océanique alpine. 1. Dans les lherzolites du massif de Lanzo (Alpes italiennes), la couronne de plagioclase autour du spinelle témoigne de la transition entre le domaine des lherzolites à spinelle et celui des lherzolites à plagioclase, ce qui indique l’exhumation de ce manteau au début de l’océanisation (voir figures 15.9 et 16.1). 2. Ce métagabbro du Chenaillet a enregistré toutes les étapes de son refroidissement dans la lithosphère océanique. Les clastes de clinopyroxène magmatique (CpxM) ont recristallisé en un fin agrégat de cristaux Cpx2 entourés de hornblende brune interstitielle (Hbb) dans les conditions du faciès Granulite. Ensuite, l’amphibole brune seule passe progressivement à une hornblende verte (Hbv) dans les conditions du faciès Amphibolite, puis à une actinote associée à de la chlorite (et épidote) (Act + Chl + Ep) dans celles du faciès Schistes verts. Remarquons que le « Pl » est noir : il est remplacé par un fin agrégat de cristaux d’épidote dans l’albite (voir figure 15.7). Microphotographie en LPNA. 3. Microphotographie en LPNA à peu près identique à la précédente, avec, de droite à gauche, le clinopyroxène magmatique entouré d’agrégat de cristaux Cpx2 + Hbb, puis hornblende brune seule. Dans ce métagabbro du Queyras, la hornblende brune est partiellement remplacée par du glaucophane, témoin du métamorphisme de gradient HP-BT lié à la subduction de cette lithosphère océanique. 284
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INDEX
A A’KF 67, 265 ACF 63, 69, 101, 265 activité 90, 120, 148 AFM 67, 69, 106 Alpes 153, 189, 236 amincissement crustal 227 Amphibolite 33, 58, 136, 173, 177, 213, 229, 238, 271 anatexie 32, 132, 210, 231, 259 anhydre 23, 63, 115, 136, 216 antécinématique 50 auréole 31, 145
B barométrie 105 Belomorian 262 bois de Cené 189 büchite 151, 250
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
C Cap Creus 51, 89 carpholite 156, 173 Chamrousse 236, 247 charnockite 135, 204 Chenaillet 171, 237, 247 chenal de subduction 170, 172 serpentineux 170, 171 chevauchement 154, 181, 190, 223, 257 chronologie 45, 54, 247 cinétique de réaction 6, 16, 119, 124, 129, 130, 246 Clapeyron 103 CO2 110, 122, 136, 215 Cocos (plaque de) 234
coésite 20, 81, 157, 163, 164, 207, 252, 263 collision 36, 153, 168, 177, 188, 203, 247, 256, 259, 262 complexe d’activation 124 leptyno-amphibolitique 177, 181, 207 conduction 8, 150, 191 conductivité thermique 11, 19, 149, 212 constituant indépendant 60, 95 contact (métamorphisme de) 232 convection 8, 144, 171, 260 hydrothermale 232 Cornéenne 33, 43, 137, 150, 225, 232, 271 coronitique (texture) 4, 218, 238 Corse 155, 190, 239, 241 croûte continentale 8, 30, 172, 203, 257 inférieure 30, 213, 233, 249 océanique 8, 157, 181, 228, 245, 250, 256, 260
D décarbonatation 87, 215 décompression 162, 181, 185 déviateur des contraintes 12 dévolatilisation 3, 78, 84 diagenèse 6, 32 diagramme de phases 81, 129, 136, 140 diamant 5, 81, 163, 252 différenciation 139, 213, 259 diffusivité thermique 10 divariant 61, 78, 94, 109, 195 Dora Maira 20, 161, 163, 164, 168, 171 E éclogite 44, 127, 167, 184, 186, 257, 262 enclave (voir xénolithe) 285
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Index
énergie libre 79, 111, 124 de Gibbs 79 enthalpie 79, 150 entropie 21, 79, 111, 125 eutectique 98, 134, 137, 141 exhumation 19, 57, 165, 168, 169, 185, 189, 211, 241
F faciès métamorphique 32, 59, 71, 271 fermeture isotopique 56 fluide 13, 56, 84, 87, 130, 140, 214, 233, 242 flux de chaleur 7, 150, 152 foliation 39, 50, 240 fugacité 16 fusion partielle 32, 133, 204, 215, 217 G géotherme 9, 18, 32, 144, 192, 257 de subduction 152, 261 à l’Archéen 263 géothermobarométrie 111, 119 gneiss 44, 132, 177, 181, 238 Gorringe (banc de) 241 gradient métamorphique 18, 33, 35, 153, 181, 211 granoblastique 213 granofels 43 Granulite 135, 136, 139, 183, 224, 246, 251, 262, 271 graphite 148, 157, 158, 161 grille pétrogénétique 78, 94, 100, 147, 194 H Hess Deep 235 Himalaya 153, 192, 257 HOT (Harzburgite Ophiolite Types) 229, 233 I île de Groix 184 incongruente (fusion) 98, 134, 138, 141 invariant (point) 61, 95, 97, 100, 136, 142 IODP 234 isobare (refroidissement) 213, 222, 229, 251, 256 isochimique 88, 108 isochore 122 286
isograde 31, 145, 175, 180, 190, 197 isotherme 9, 60, 123, 188, 231 Ivrée 55, 213, 233, 249
J jadéite 83, 157
L Lépontin (dôme) 173, 174 leucosome 132, 134, 138 ligne de liaison 62, 99, 108, 196, 197 linéation 39, 50 d’allongement 39 d’étirement 39 d’intersection 39 minérale 40 logiciel de calcul thermodynamique 116 LOT (Lherzolite Ophiolite Types) 229, 236
M Madagascar 50, 116, 218 majoritique (grenat) 164, 171 manteau lithosphérique 228 supérieur 224 marbre 44, 58, 91, 174, 225 massif de l’Agly 36, 204, 213 du Pilat 36, 207 du Pilat-Velay 213 du Velay 207 Massif central 177, 181, 182, 187, 209 mélanosome 132, 134 mésosome 132, 134 métabasite 33, 63, 71, 117, 123, 161, 180, 183, 213, 246 métagabbro 43, 159, 238, 242 MetaMod 190, 212 métamorphisme de contact 27, 145, 148, 235, 245, 271 dynamique 27 inverse 190, 244 régional 27 métapélite 51, 67, 71, 100, 134, 156, 179, 201, 216, 271 métapéridodite à grenat 207
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Index
métasomatose 3, 14, 78 métastabilité 5, 127 métastable 23, 95 micaschiste 44, 52, 58, 126, 156, 179, 193 microsonde 113 migmatisation 132, 185, 192, 213 migmatite 132, 175, 179 minéral anhydre 80 polymorphe 80 modélisation 148, 190, 212 mont Viso 166, 167 Montagne Noire 36, 210 multivariant 105, 119
pression des fluides 15, 85 lithostatique 12, 34, 131 partielle 16, 60, 85, 131 production de chaleur 7, 152, 188 protolithe 43, 58 pseudomorphose 159 pseudosection 118, 123 pull apart transtension 224 Pyrénées 51, 224 pyroxénite 216, 252, 263
Q quartz d’exsudation 88 Queyras 161, 171, 247
N Nazca (plaque de) 234 néoblaste 37 néosome 134
O obduction 190, 237, 244, 247 océan alpin 155, 236 Oman 169, 217, 232, 244 omphacite 44, 159, 184 ophiolite 154, 158, 228, 256, 260 orthogneiss 43
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
P paléosome 134 paragenèse 5, 32, 61, 71, 78, 123, 179 paragneiss 43 pente 84, 103 des réactions 22 péridotite 224 à grenat 164, 174, 181 PERPLEX 118 phase antécinématique 47 postcinématique 49 syncinématique 47 pôle pur 83, 98, 109, 111, 118 polymorphe 60, 163 porphyroblaste 49 porphyroclaste 47, 50 postcinématique 89
R Raman (microspectrométrie) 122, 158 réaction continue 106, 107, 196 d’exsolution 82, 114 de décarbonatation 14 de déshydratation 14, 84, 86, 128 de lessivage 89, 130, 179 discontinue 106 interminérale 22, 83 métamorphique 105 recristallisation dynamique 37, 126, 239 hétérogène 230 statique 38, 49 règle des phases 60, 62, 78, 98, 265 restite 134, 215 rétromorphose 24, 53, 84, 184, 207, 216 ride sud-ouest indienne 242 S Sanidinite 33, 271 Schistes blancs 163 bleus 33, 35, 152, 157, 184, 189, 260 lustrés 156, 161 verts 33, 35, 152, 163, 177, 229, 238, 244, 271 schistosité 39, 40, 46 série ophiolitique 239 serpentinite 158, 170, 172, 185, 236 287
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Index
Sésia-Lanzo 55, 57, 156 silicate d’alumine 61, 81, 127, 130, 177 solution solide 64, 112, 118, 194, 267 solvus 82, 107, 115 structure 37 subduction 8, 36, 55, 152, 153, 169, 188, 201, 247, 254, 256, 260, 263 continentale 168 océanique 168 symplectite 82, 184, 239 symplectitique 55 syncinématique 40, 225
PTt 18, 22, 24, 25, 46, 54, 162, 187, 190, 198, 212, 221, 241, 245, 259 rétrograde 19, 57, 90, 156, 169 Tt 245 transtension 228 T-t 53
U UHP (ultra-hautes pressions) 157, 162, 163, 165, 256 UHT (ultra-haute température) 26, 103, 174, 216, 220, 264 univariant 61, 88, 94, 108, 218
T texture 37, 41, 218, 250 coronitique 42 granoblastique 42, 232, 233 maillée 236 symplectitique 41 THERMOCALC 118 thermochronologie 168 thermodynamique 5, 54, 79, 101 trajet prograde 19
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V vapeur (phase) 13, 23, 66, 84, 110, 125, 136, 230 variance 60, 110, 119 Viso 161 vitesse d’expansion 228, 234, 260 volume molaire 20, 115
X xénolithe 216, 250, 263