L'Ombre de la Coupure dans l'oeuvre de Henri Bosco
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L'Ombre de la Coupure dans l'oeuvre de Henri Bosco
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§cripta Humanística® 1383 Kersey Lane Potomac, MD 20854 USA Tel. 301-294-7949/301-340-1095 Fax 301-424-9584 2002 ©MyléneJ. Catel International Standard Book Number 1-8825-28-35-2
Printed in the United States of America
L'Ombre de la Coupure dans l'oeuvre de Henri Bosco Myléne Catel
Scrípta humanística 145
SCRIPTA HUMANÍSTICA Directed by BRUNO M. DAMIANI The Catholic University of America ADVKORY BOARD Samuel G Armistead University of California (Davis) Juan Bautista Avalle-Arce University of California (Santa Barbara)
Hans Flasche Universität Hamburg RohertJ. DiPietro University ofDelaware John E. Keller Uniiversity of Delaware
Theodore Beardsley The Hispanic Society of America
Richard Kinkade University of Arizona
Giuseppe Bellini Universitá di Milano
Myron I. Lichtblau Syracuse University
Giovanni María Bertini Universitá di Torino
Juan M. Lope Blandí Universidad Nacional Antónima de México
Heinrich Bihler Universität Göttingen Michael G. Cooke Yale University Dante Della Terza Harvard University Frédéric Deloffre Université de ParisSorbonne Charles B.Faulhaber Univerisity of California (Berkeley)
Louis Mackey University of Texas Francesco Marchisano Pontificia Commissione pe Conservazione del Patrime Artistico e Storico della Chiesa. Cittá del Vaticano Leland R. Phelps Duke University Martín de Riquer Real Academia Española
ABREVIATIONS A AL AM BM CM CISI GY H HT JH JT M MR MT O Ou PA PE PS QS R RN RS S TE WD
L'Antiquaire The Acentric Labyriníh The Art ofMemory Breve méditation sur le miroir Mon Compagnon de songes On the Composition of Ideas, Signs and Ideas Gyn/Ecology Hyacinthe The Hermeüc Tradition Le Jardin d' Hyacinthe Le Jardin des Trínitaires Malicroix The Mysücal Rose Le Mas Théotime Une Ombre Un Oubli moins profand Shadow.-A Parable Psychic Envelopes L' étrange hístoire de Peter Schlemihl La Quéte Spirituelle chez Henri Bosco Le Récif Un Rameau de la nuil Le Roseau et la source The Shadow The Transexual Empire TTze Woman's Dictionary ofSymbols
Pour éviter le rappel á ces oeuvres majeures citées tout au long de notre recherche, j' indiquerai avec l' abréviation la page á l' intérieur de la citation, par exemple: (RN,35) pour Un Rameau de la Nuit. p. 35. On trouvera la référence bibliographique complete de ces oeuvres á la fin de la thése.
REMERCIEMENTS work.
I would like to thank SUNY Potsdam for sponsoring this
Je voudrais remercier les Professeurs Anne-C Aubert, Victoria Cox, Amy Elman et Rosemary Lloyd pour leur soutien inébranlable. Respectant la mémoire d' Henri Bosco, je le remercie humblement de nous avoir laissé cet héritage méme si dans ma lecture - c' est sa condition d' être - acceptant certaines des clauses du contrat, j' ai dü en rejeter d' autres.
Table des Matières
Introduction. Réflexions sur l' Ombre
1
Chapitre I. L' ombre et la symbolique
15
Chapitre II. Ombre et tabou
58
Chapitre III. Le Sygne bosquien
79
Chapitre IV. En Mémoire d' une Ombre
109
Chapitre V. L' ombre de la coupure
125
Chapitre VI. Au Nom de la Rose
163
Figures
189
Bibliographie
196
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Introduction
Une Ombre de son Ombre; Réflexions sur l' Ombre Grk Lat It Fr Sp W Br Goth Sw Oe Me OHG MHG NHG Boh Pol Russ Skt
skia umbra ombra ombre sombra cysgod Skeud skadus skugga sceadu shade, shadow scato schate shatten stin cien (sen') chaya-
Since Copernicus man is rolling out of the center unto X. Our studies suggest that the sex of an individual is determined by the presence or absence of a very small portion of the human Y chromosome...Female WHT1013 carries 99,8 percent of the Y chromosome; she lacks only the 160 kb that comprise intervals 1A2 and 1B - yet she is a female. (Anne Fausto-Sterling, Life in the XY Corral').
Qu'est-ce que Vombrel A ce jour, on ne compte qu'une anthologie et deux livres á proprement parler "critiques" sur l'ombre. Or, dans tout travail de recherches, la question qui se pose est la suivante: cercler le sujet, trouver une définition. Comment alors rompre le silence? Paradoxe de la compréhension dont la résolution reste illusoire, la représentation complexe de l' ombre est reflétée dans notre littérature : c'est ainsi qu'il existe bon nombre d' études consacrées au théme des jeux d'ombre (et de lumiére) dans la vie et l' oeuvre d'auteurs variés telle l' étude de Robert Giroux" consacrée á la thématique de Mallarmé, celle d' André Dabaziesiii reliée á la figure faustienne, celle par exemple de M. Lejeuneiv sur Victor Hugo et, bien sûr, celles consacrées á Henri Bosco, objet principal de notre thése et auxquelles nous reviendrons en détails tout au long de notre travail. Mais, á notre connaissance, il faut le
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souligner ici, personne n'a vraiment écrit une étude compréhensive du théme au fil des ages, d' oú peut-étre l'hésitation qui s'attarde sur un genre constamment á re/definir: quelle est l' ombre et que représente-t-elle? A ce sujet, Marie-Louise von Franz écrit tres justement: "In the first stage of the approach to the unconscious, the shadow is simply a 'mythological name' for all that within me about which I cannot directly know.vii En fait, l' opacité au point de départ de la recherche sur l'ombre refiète une autre indétermination sous forme de tabou linguistique: est-ce que l'ombre est masculine, féminine ou, á l'image de l'androgyne, bisexuelle? Une question fondamentale dont nous retrouverons les formulations et élucidations provisoires, sinon potentielles, dans l' histoire d'ombre bosquienne, héritiére d' un genre qui se développa en Europe particuliérement au dixneuviéme siécle, et qui culmine avec son dernier román Une Ombre. Entre Henri Bosco et la tradition du genre reste cependant une zóne d'ombre. Nous avons done entrepris des recherches poussées sur le genre et la nature de l' ombre pour combler cette lacune. D' aprés nos recherches, l' hésitation genérale qui s'attarde sur 1' ombre, son tabou, a pour origine une hésitation de genre: jusqu'au seiziéme siécle, l'ombre était utilisée couramment au masculin. A l'image de la Renaissance qui vit la radicalisation de la langue, sa standardisation et normalisation, le genre de l'ombre fut fixé par sa féminisation irreversible jusqu' ici. C' est ainsi que l'ombre a gardé quelque chose de son caractére ambigú et que le tabou linguistique qui aureole son identité a donné naissance á bon nombre d' histoires d'ombres, perdues, échangées, retrouvées, dont la célebre histoire d' Adelbert de Chamisso, Peter Schlemihl. se trouvent á 1' origine de la populante du mythe. Un mythe de 1' ombre en effet, des histoires d'hommes plus précisément... En nos temps modernes où l'égalité des sexes est moins qu' une réalité une "loi" systématique, le travail psychanalytique de S. Freud et ses suivants dont en particulier C. G. Jung et son modele d' intégration par 1' archétype de 1' ombre, attirent toujours une foule de suivants: hommes et femmes. Cependant, comme j' aimerais le suggérer, le mythe de 1' ombre, c'est encoré le discours
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hégémonique de l'homme sur la femme toujours subordonnée á son imaginaire ou ses fantasmas. Fidéle á la tradition phallogocentrique, le mythe de 1' ombre, historiquement le moyen divin de 1' engendrement du Pére (c' est par 1' ombre du pére que Marie aurait "soi-disant" conc.u le Christ) s'étend et se ramifie indéfiniment dans la thématique du double, elle-méme liée au miroir. Comme le fait remarquer un narrateur borgien: "Mirrors and copulation are abominable, since they both multiply the numbers of man."vi Et Dieu créa 1' homme á son image. Et la lumiére fut...Et la femme? Comme l'ombre, son pendant, elle reste obscure et problématique. Eve issue de rhomme androgyne qu'elle prolonge done en quelque sorte - et dont ironiquement, elle servirá plus tard de bouche-trou - elle appartient au genre de 1' Homme, terme générique ainsi bien commodément signifiant 1' humanité tout entiére. L' ideal de l'androgyne (masculin et féminin integres) promulgué dans 1' histoire d'ombre bosquienne se développe et se multiplie dans la littérature du dix-neuviéme siécle en particulier, confondant inexorablement l'ombre (féminine) au double masculin bien évidemment. L' ombre archétype de l'androgyne a été creé par les hommes comme nous le verrons. En tant que telle 1' ombre androgyne est un mythe dont 1' utilisation comme appareil d' interprétation critique s'inscrit dans la tradition phallocentrique. Les recherches de Juliet Mitchell™ et Mary Daly le mettent en lumiére qui démontrent les rapports de dépendance entre mythe, psychanalyse et masculinisme ou la patriarchie. Un psychothérapeuthe jungien, John Beebe,vm et ce n' est qu' un exemple parmi tant d' autres, est ainsi prolixe en métaphores généralement liées á 1' ombre, dans un discours paternaliste oü s'affirme la toute supériorité d'un analyste sexiste obsede par les propriétés illusoires de 1' intégration"ix. Jung - et les autres analystes de sa descendance - sont probablement responsables en partie de cette exacerbération de la prédominance masculine qui se manifesté une fois de plus dans 1' intéret porté á 1' archétype de l'ombre et renouvelé de siécles en siécles. J. Beebe dans son livre Integrity in Depth á l'instar des autres critiques, tels Robert Johnson" dans son livre Owning Your
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Own Shadow et surtout John Herdman" dans son étude du double dans la fiction du dix - neuviéme siécle reflétent la tendance genérale des critiques de 1' ombre: la simplification abusive du sujet (féminin) par 1' assimilation de 1'ombre au "double" générique, essentiellement masculin, connu également sous le terme allemand de "dopplegánger motif' - et ses synonymes. En insistant sur la métaphorisation de 1'ombre, en s'éloignant des racines étymologiques de celle-ci et en recentrant sur le masculin a tort et a tout prix ce qui par définition lui a été oté une fois pour toute et done devrait lui rester périphérique, les hommes de 1' ombre genes de leur androgynie essaient de se "remasculiniser" pour ainsi diré. Ainsi, en forçant leur representaron, ils 1'enferment (et nous enferment) dans un inconscient "collectif'. Par conséquent, ces critiques ouvrent sans le délimiter adéquatement un réseau sémantique par extensión indéfini. C'est ainsi que les auteurs de 1' anthologie Meeting the Shadowxii font passer pour reliées a 1'ombre des représentations qui ne lui sont qu' artificiellement attachées: ils parleront ainsi beaucoup de "1'ombre familiale", "1'ombre biologique", "l'ombre collective", "l'ombre personnelle". A la suite de C. G. Jung xiii ces analystes et critiques littéraires utiliseront l'archétype de l'ombre pour comprendre et essayer de résoudre les conflits personnels autant que politiques. C'est ainsi que les critiques et analystes se concentrent sur les relations établies entre l'ombre et la notion d' intégrité en développant plus précisément les rapports Jungiens entre "intégrité" et "intégration." xiv J. Beebe dans son premier chapitre A Psychological Définition of Integrity s'extasie: "This beautiful word, integrity, can créate a state of grace in the person blessed by being said to possess it."xv La définition psychologique de l'intégrité en relation avec celle de l'ombre développée par M. Beebe est intéressante dans la mesure oü elle confirme l'obsession fondamentale de 1' homme pour le "beau" consideré comme la norme idéale de notre société, asociée á la sublimation du genre féminin. Bien évidemment, la "femme d' ombre" qui ne correspond nullement au stéréotype masculin de la femme ("le beau") ne sera ni reconnue, ni "intégrée" á 1' oeuvre d' un esthéticien tel que Henri
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Bosco par exemple. Done, 1' idee d'intégrité commune aux valeurs attachées a la dépersonnalisation de nos responsabilités sociales - ce fantasme - est importante parce qu'elle met en lumiére les rapports d' inter-dépendance entre intégre(intact)- beau et ombre(mélangé) laid. L'ombre, sous couvert du laid ou autre anormalité sera done utilisée principalement comme la métaphore généralisée de tous genres d' "aliénation" (et en particulier, pour la représentation féminine). En d'autres termes, elle représente la métaphore de "l'autre" dont il faudra re-définir le genre. Ecriré sur l'ombre, nous insistons ici, ce sera faire "contre"xvl l'opposition - la mále majorité ici - par conséquent. Inégale, malgré un effort d'intégration évident, il faut pourtant reconnaítre que 1' étude Meeting the SHADOW est la plus satisfaisante á bien des niveaux. Ce livre est plus exactement une anthologie constituée de soixante-cinq articles qui offrent une image du traitement de l'ombre dans des domaines aussi variés que la littérature,xvii la psychologie et les structures socio-politiques et économiques. De plus, bien que ses auteurs - en majorité des hommes - soient plus axés sur une psychothérapie jungienne, nous devons cependant nous féliciter d' une voix féminine (Susan Griffin, Audre Lorde)- émergeant sensiblement d'un discours essentiellement sexiste et paternaliste - qui remet en question 1' invention mythologique abusive de 1' ombre comme modele du féminin (sa re/présentation au masculin). Quand elle ne lui fait pas place, 1' ombre fait face au silence. L' ombre est un sujet tabou. Exclue de la représentation, elle lui est réintégrée dans la thématique des histoires d' ombre par la systématisation de 1' échange d' ombre par la coupure. Le stigmate de la coupure féminine que la psychanalyse freudienne et autre a inventée pour tenter de definir le "complexe" féminin demontre plus que la faiblesse de notre sexe, leur hantise de 1' émasculation, 1' amputation et autre projection de leur phobie castratrice. Le mythe de 1' ombre tel qu' il apparait dans nos recherches suggére la fixation masculine sur la paternité ou 1' engendrement en general. Affirmant la supériorité de la paternité sur la maternité qu' ils associent, quand ce n' est pas á 1' hystérie féminine au "tabou de la virginité,"xviii Freud est obsede par la
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"coupure" du sexe faible qui se manifesté selon lui par la menstruation - symbole d' impureté - et la défloraison qui représente la blessure féminine originale á la source du "complexe de castration" féminin, son envié pénale. Le féminin se caractérisant par un manque fondamental, il doit combler á son insuffisance par une substitution systématique, la fonction de mere comme la fonction de femme, d' oü la politique de l' échange du féminin contre la reproduction. On voit que s' amorce un glissement entre masculin/paternité, c' est á dire 1' origine ou original et le féminin comme la reproduction (ou la copie, le double) dont la thématique est constamment utilisée dans le mythe d' ombre. L' esthétique de la libération de 1' Homme est reliée á celle de la reproduction par la coupure (la défloraison) elle-meme associée á 1' idee de 1' échange en opposition á 1' original. Dans notre société occidentale, 1' archétype du féminin n' est autre que Marie, connue sous le nom de 'rose mystique' et qui, 'immaculée conception', aurait été 'ombrée' par le Pére et conçue le Sauveur. C' est pourquoi le théme de la fleur androgyne hante notre imaginaire reflétant par ses associations (sexe, coupure, échange, défloraison) son interpénétration avec la création linguistique. En d' autres termes, 1' ombre et la fleur androgyne, taboues de la création sont interchangeables. Comment alors 'casser' le tabou? En reconsidérant le mythe de l'ombre - 1' androgyne - par une relecture au féminin. Pour nos anciennes, l'ombre au carré est la mere universelle: la terre. Des quatre coins elle s'étend et croise en nous 1' inconnue toujours á dé-finir ou presque. Plutót que d' entretenir une certaine idee, un certain discours, nous comptons explorer et développer carrément le gynocentrisme inhérent á l'ombre ironiquement placee au sein d'un univers masculin - en démythifíant le "double" et recréant son histoire en triangle. C' est ainsi que nous nous proposons de révaluer les rapports délicats entre l'ombre et le tabou de la paternité en utilisant trois angles différents: en nous inspirant de nos recherches, en nous basant sur nos lectures (critiques), premierement, nous espérons éclairer les relations entre l'ombre et l'échange, deuxiémement la coupure et la sexualité et troisiémement la patriarchie et le mythe de la création
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en general. Ce travail nous a permis d'élaguer les múltiples ramifications sémantiques en axant la discussion sur quatre points bien précis: par la sélection - parmi les múltiples réseaux métaphoriques - des rapports essentiels de l'ombre(l) á l'áme(4) en passant par l'ombre-écho(2) et rombre-miroir(3). Pour appuyer 1' appareil historico-critique et littéraire, et renforcer notre rapprochement entre 1' ombre et 1' ame, nous nous sommes intéressés á la représentation du théme dans la poésie romantique et symbolique de trois poetes: Victor Hugo, Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé. Nous avons raconté et traduit á notre maniere certaines des plus célebres histoires d'ombre de Chamisso á Andersen, de Gilson á Poe afín de mieux préparer nos lecteurs á la thématique bosquienne qui par sa symbolique particuliére ( celle de la rose en particulier) est 1' héritiére directe des histoires d'ombre. Par un discours au féminin, nous avons travaillé sur la symbolique bosquienne de l'ombre en repla£ant Henri Bosco dans l'histoire phallogocentrique littéraire et en décrivant l'héritage de ses prédécesseurs. H. Bosco est héritier de l'ombre á bien des niveaux. Erika Tunner dans sa communication La Terrible Fascination de 1' Ombre met en lumiére les similarités et différences entre 1' histoire de Peter Schlemihl et Une Ombre dont, nous dit-elle, "le point de départ a été, selon les indications de Bosco lui-méme, 1' intention de raconter une histoire qui fut le pendant et le contraire du célebre conté de Chamisso.IIxix En effet, il n'est pas anodin entre autre, nous dit-elle, que les deux narrateurs Peter et Jean-Gabriel partent dans des directions opposées - Peter vers le nord, Jean-Gabriel vers le Sud - dans leur voyage initiatique. A notre avis, leurs itinéraires et rencontres sont également toutes autres. Peter cherche á retrouver son ombre par l'intermédiaire du Diable afín de pouvoir épouser sa fiancée et JeanGabriel veut "re-connaitre" 1' ombre d'une femme - du moins le pense-t-il - qui cherche un corps d'homme, son corps. La critique bosquienne s 'est relativement peu intéressée á 1' étude du double et de 1' ombre dans ce dernier román et plus généralement dans 1' ensemble de 1' oeuvre bosquienne. Comme Sandra Beckett le fait remarquer dans son "Etude du Double Obscur":
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Les seules études qui lui ont été entiérement réservées, jusqu' ici sont 1' article sur "Le dédoublement de la personnalité chez Henri Bosco" de Konrad Bieber, qui date de 1958, la communication que Jean Onimus a faite au IIIe Colloque Bosco en 1986, intitulée "Le Théme du double", et le troisiéme tome d' un tryptique de Michel Guiomar, Miroirs de ténébres: Images et reflets du doubledémoniaque (1984), consacré uniquement á L' Anüquaire (8).xx
Dans son étude, pour "donner une nouvelle impulsión" á une exploration avortée, S. Beckett á la suite des auteurs ci-dessus mentionnés développe ainsi le théme de 1' Autre négligé dans 1' oeuvre de Bosco et, en particulier, dans son dernier román. S. Beckett a tres bien resume la thématique bosquienne. Elle écrit: "Le mystérieux double qui habite les couloirs sombres de 1' ame prend, dans les récits de Bosco, trois formes obsédantes: le reflet dans le miroir, le mystérieux echo intérieur et 1' ombre."xxi A notre tour, poursuivant les efforts des "(en)quéteurs" d' ombre, nous avons voulu engager la recherche sur deux voies originales: dans un premier temps, nous nous proposons d1 étudier les rapports délicats entre ombre-écho-miroir et la métaphore du labyrinthe - un sujet peu traite par les critiques bosquiens - en relation avec la mémoire et 1' inconscient. Dans un deuxiéme temps, nous apporterons une nouvelle contribution en reliant chez Bosco le mythe de 1' Ombre (l' idéalisation de 1' union avec 1' Autre) á celui de 1' androgyne. Ainsi nous espérons raffiner les relations complexes entre ambivalence, intégration et intégrité en rapport avec la división prolongée par le tabou linguistique inhérent á 1' ombre. Comme le fait remarquer Sandra Beckett: On ne doute pas qu' il s' agit d' une Ombre de femme. L' écrivain lui-méme a souligné, pour Claude Girault, le fait que le mot "ombre" en français est du genre féminin...Cependant, selon Claude Girault, Bosco aurait longtemps hesité au sujet du sexe de 1' Ombre, comme en fait preuve le manuscrit du récit, oü les deux "inconnues" de la page 154 figurent au masculin.xxii
H. Bosco savait-il que 1' ombre était utilisée au genre masculin (et féminin) jusqu' au seiziéme siécle, d' oü 1' complexité inherente au sexe de 1' ombre á proprement parler androgyne? Son érudition étymologique suggére que oui. Une autre remarque de
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Sandra Beckett vient renforcer notre conviction. Celle-ci qui, gráce á la générosité de la femme de Henri Bosco, a eu accés á certaines des lettres de sa correspondance nous apprend que: Trois jours avant sa mórt, (Henri Bosco) était tourmenté encoré de ne pas savoir ce qu' allait devenir L' Ombre. C'est á la demande de 1' éditeur que le titre: Une Ombre fut substitué á celui choisi par 1' auteur au debut de 1974: L'Ombre.xxiii
C est ainsi que le genre de 1' Ombre bosquienne reste á bien des niveaux problématiquement indéfini. Pourquoi comme 1' affirment les critiques y voir absolument une femme, pourquoi pudiquement éviter le sujet épineux de l'androgyne ou sous d' autres termes du bisexuel? C' est ce que nous nous sommes proposés d' explorer. En fait, nous nous sommes aperçus que Henri Bosco mystifiant sous couvert du modele androgyne 1' unión avec 1' Autre glorifie le corps de 1' homme, développe une érotique du masculin et montre une tendance homosexuelle que la sophistication du triangle du désir entre 1' Ombre (femme-homme) et le narrateur ne voile qu' á peine. En travaillant en essence avec la matiére premiére du texte pour raffiner notre interprétation de 1' androgyne, nous avons done choisi de centrer notre étude autour du symbolisme du triangle du signe d' ombre bosquien. Pourquoi le triangle, son chiffre(3)? H. Bosco était féru en numérologie, astrologie et généralement connaissait la valeur des symboles, leur traduction. Véritablement obsede par ceux-ci - il en fait part dans ses souvenirs - trouvés en abondance dans son oeuvre, le lecteur né peut s'empécher de les re-marquer et chercher á élucider certaines de leurs présentations. Les critiques de l'ombre bosquienne ont insiste á des niveaux et pour des motifs différents sur 1' obsession bosquienne du signe-croix au coeur de la thématique d' Une Ombre. A. Chevalleyxxiv par exemple dans sa courte étude des "Signes et Symboles" dresse une liste de la fréquence d'utilisation de ces sigles sans apporter plus d'informations quant á leurs possibilités d'élucidations ainsi que leur portee dans 1' oeuvre bosquienne. Jacqueline Michelxxv dans la deuxiéme partie de son étude bosquienne offre plus de possibilités d'interprétation. Celle-ci se
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limite cependant, dans un resume analytique, á 1' étude des objets ou signes en tant qu'instruments de la progression - ou régression du récit. Nous ne pensons pas que Bosco limitait 1' utilisation des symboles á ce role mineur. Le récit chez Bosco est en lui-méme objet "poétique" qui (se)construit (sur) les symboles qu'il représente: dans Une Ombre. les triangles du carré de la croix(X) et en particulier dans ce román la "rose mystique" au coeur de la croix. Charles du Ry dans son étude d' Une Ombre se concentre sur 1' élucidation du signe-croix bosquien. Ses remarques tirées de 1'Introduction au monde des Symboles sont fort appropriées et mettent en lumiére ce qu'il appelle tres justement le "coeur du probléme". C. du Ry citant Gérard de Champeaux écrit: Elle (la symbolique chinoise) nous a réappns á ne jamáis considérar les quatre côtes du carré ou les quatres bras de la croix hors de leur relation nécéssaire au centre de la croix ou au point d'intersection de ses bras. Sans jouer sur les mots, on pourrait dire sans se tromper que ce cinquiéme point est le plus important de la quaternité. Comme le cercle, le carré est une figure centrée. Et le centre du carré coincide avec le centre du cercle. Ce centre commun est le grand carrefour de 1' imaginaire. II est le lieu de toutes ruptures du niveau, de tous les passages d' un monde á 1' autre.xxvi
II ne fait aucun doute que le centre "carrefour de l'imaginaire" fait converger les niveaux d' interprétation. M. du Ry y voit tres á propos la rencontre des deux niveaux (passé-présent, réve-réalité, mort-vie) au coeur de la narration. Nous avons choisi á notre tour de recentrer 1' analyse en faisant converger 1' interprétation sur un autre coeur "féminin" avec sa symbolique: la rose. C' est ainsi que nous aurons fréquemment recours au Dictionnaire de Symboles de Barbara G. Walker dans notre interprétation de la thématique bosquienne. Sandra Beckett et JeanCléo Godin dans leurs excellentes études ont offert une lecture critique tres fouillée de certains thémes essentiels á l' oeuvre bosquienne. Les commentaires de Sandra Beckett sur le coeur á 1' intérieur de la croix nous rappelle la symbolique au centre de la tradition chrétienne: la rose. "Symbole mystique de l'Amour"(QS, 330) la rose, nous fait observer Mme Beckett, est liée á Marie, la Mere du Sauveur. Le poete écrit d' ailleurs: "Pour mon salut/J 'ai cherché le sens mystique de la rose."xxvii
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Nous avons done choisi de continuer 1' enquête en 1' engageant sur les voix du symbolisme et de 1' hermétisme qui ouvrent la voie a la connaissance de la rose (mystique) chez Bosco. Amorçant le théme dans notre étude de trois poetes du dix-neuviéme siécle, nous avons poursuivi 1' étude du signe de l'ombre en le rapprochant de la rose. Puis, nous avons comparé la thématique Bosquienne avec celle de deux auteurs contemporains, Jorge Luis Borges "The Library of Babel'lxxviiI et Umberto Ecco Le Nom de la Rose.xxix C. du Ry qui insiste sur les rapports entre carré et cercle ne s' intéresse pas a la división du carré en deux triangles opposés l'un a 1' autre. Or, c'est ainsi que nous analyserons 1' image du carré de la rose-croix. Cette forme diamantine, figure symbolique de 1' androgyne nous le verrons, refléte a vrai dire au centre de 1' "appel" du signe bosquien la triangulation en carré du désir. Signe d'ombre doublé de lumiére, féminin-masculin, maternel-paternel, le signe bosquien oscille d'un póle á l'autre, divisé, sans semble-t-il ni pouvoir ni vouloir se stabiliser. Le signe bosquien érotique, par ses appels incessants, ses conjurations insistantes est le signe doublé, coupé - il est Syxxxgne - de 1' annonciation de l'ombre par l'énonciation. En permanente división avec elle-méme, l'ombre cependant chez Bosco se reproduit, tel l'arbre, - central á la thématique bosquienne lance les ramifications de ses fondations vers le cercle du ciel. En effet, si le sygne bosquien á proprement parler est triangulaire, le symbolisme de la croix au coeur du systéme bosquien d' Une Ombre doublé le triangle qu'il prolonge en carré (voir figure 12). Au point de départ de 1' histoire d' ombre bosquienne se compose done le carré des deux triangles de la narration avec au centre une coupure narrative problématique. Dans une Ombre. la coupure narrative est représentée par l'interruption de la narration par l'intervention d' un second narrateur-lecteur, et par la même notre intervention, ainsi que bien évidemment la continuation de la narration par le lecteur de celle-ci, c' est á dire vous-mêmes. Or, cette coupure chez Bosco qui est dramatisée par le manque de conclusión á une narration interrompue par la mort emblématique qu' est-ce qu' un narrateur? - de son auteur, est exacerbée par 1' incapacité á se souvenir, en d' autres termes, la répression. L'ombre
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taboue, "rose mystique" est métaphoriquement liée a la mémoire par Marie, symbole de l'inconscient féminin, sa répression archétypale. Par la métaphore de la remembrance il y aura done - ce que nous mettrons en lumiére puisque c' est la condition premiére a 1' ombre - un échange et un désir d' unión constants entre le narrateur et le lecteur. La critique bosquienne ne s'est pas vraiment intéressée aux rapports établis entre mémoire et ombre chez cet auteur et leurs implications quant a sa propre histoire. Max Milner souléve un probléme intéressant, á savoir les relations entre création poétique et mémoire de l'enfance. II écrit: Le probléme de la relation de 1' image poétique celle qui provoque la rêverle avec la mémoire et plus précisément avec 1' enfance, a beaucoup préoccupé Bachelard, et on comprend aisément pourquoi. Toute sa reflexión sur 1' imagination tend á prouver que celle-ci n' est pas un résidu, un reflet, ni comme le prétend Sartre, une position d' irréalité, une fonction de 1' irréel, mais une dynamique créatrice, un multiplicateur d' être. Or, il constaste - avec tous les poetes - que tres souvent ces images qui nous font transcender nos limites et cohabiter avec 1' univers paraissent venir de 1' enfance. Est-ce á dire que ces images viennent de 1' enfance réelle, ce qui serait revenir á la théorie du reflet? Et sinon quelle est la véritable relation entre 1' image poétique et 1' enfance? xxxi
Tel sera l'objectif de notre thése, 1' élucidation - une des possibilités d' élucidations - des relations complexes entre "image poétique" et "enfance" par rapport au coeur (la rose) mystérieux du sYgne-croix bosquien. Nous concentrerons notre attention plus particuliérement sur le cinquiéme point au centre du carré par 1' exploration de ses rapports diagonaux avec les triangles d' ombre, c'est á diré de ses échos (sa prolongation) dans la mémoire et ses passages miroitants (ses ramifications) dans 1' inconscient. Au centre de la mémoire, 1' itinéraire Bosquien, plus qu' un itinéraire fleché, suit par le fil fragile de 1' ombre á 1' âme les múltiples corridors du sYgne-labyrinthe. Bon nombre d'articles et de livres ont été écrits qui subliment l'écnture bosquienne considérée comme pastorale, naturelle, idyllique, "charmante" á bien des points de vue. On n'a pas senti combien l'écriture bosquienne, son sygne "pomo graphique" - dont nous expliquerons plus en détails 1' origine, la nature et ses manifestations - sous des abords apparemment innocents cache la réalité d'une violence, la hantise du féminin et une psychose sado-masochiste transparentes. S'il faut parler d'une 12
"c/ouverture" a la lecture de l'ombre, nous ne pouvons y acceder sans les souvenirs d'un écrivain qui dit écrire "en Mémoire d'une Ombre". Nous nous sommes inspires de l'excellent livre de Francés A. Yates The Art of Memory et du travail sur la mémoire de Didier Anzieu Psychic Envelopes pour appuyer notre lecture de l'oeuvre. Le livre de Francés A. Yates The Art of Memory est fascinant a bien des égards. Francés A. Yates replace 1' art de la mémoire dans l'histoire de la culture genérale. Elle étudie en particulier l'art mnémonique de Giordano Bruno, philosophe hermétique italien de la Renaissance, qui selon nous, par sa théorie platonicienne de la connaissance par la remembrance aura fortement influencé Henri Bosco. Comme Bruno, Bosco qui place le personnage mythologique Hermes - aprés avoir eliminé Aphrodite - au centre de sa symbolique s'inscrit ainsi dans la tradition hermétique. Nous étudierons en détails - une analyse jamáis encoré parue - les similarités troublantes entre les deux auteurs. Didier Anzieu éditeur de Psychic Envelopes et l'une de ses contributrices Micheline Enriquez nous ouvrent des voies d'interprétation possibles quant aux rapports établis entre 1' "enveloppe psychique" - congue "comme un plan de démarcation entre notre monde interne et celui des autres" - et la mémoire. Micheline Enriquez auteur de "The memory envelope and its holes" (PE, 95-118) par son étude de l'amnésie volontaire et involontaire et les possibililités de leur traitement, nous offre une perspective théorique qui s'applique particuliérement bien á une des obsessions bosquiennes: le sYgne dont le travail d'interprétation est basé sur le r'appelxxxii ou une transcription laborieuse du phénomène de répétition d' inscriptions diverses. Conscients des difficultés présentées par un travail aussi délicat, en utilisant ces travaux et affinant les rapports que la mémoire "echo" et "miroir" établit avec l'ombre, nous avons voulu en extraire les fantômes qu'elle y voile. L' analyse des relations conflictuelles tissées entre ombre, mère et soeur en rapport avec l'inconscient bosquien et ce qu'il y cache, à savoir le tabou d'une homosexualité cachee mais transparente fut ultimement l'objet de notre étude sur Henri Bosco. Ainsi, parmi les métaphores attachées
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libéralement à l'ombre, nous aurons choisi aprés maintes lectures et délibérations de nous concentrer sur l'enveloppe labyrinthine de la mémoire, dans l'ombre de celle de Henri Bosco, avec au coeur de celle-ci une rose mystique à 1' écho tabou. Nietzche a écrit: "Since Copernicus man has been rolling out of the center unto X." Nous verrons à quel point cette mathématique s' ajuste particulièrement bien - malgré le "décalage" linguistique - à l' ombre inconnue au coeur du système "porno-graphique" bosquien: j' ai nommé X. L'ombre androgyne bosquienne - signe triangulaire prolongé en carré, coupé par 1' échange d' ombre chez Chamisso, de signes chez Poe et de sexes chez Bosco - est par conséquent le sYgne de la re-création avortée. En conclusión, cette coupure du sYgne bosquien est caractéristique des rapprochements entre écriture et lecture qui font converger arbitrairement ou non vers le sYgne (signifiant) d'autres signifiés qui lui sont parallèles. Par conséquent, le sYgne bosquien comme une autre a ceci de caractéristique que coupé à 1' avant, il porte 1' attention sur ses arrière-pensées.
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L' ombre et la symbolique de la coupure
Rhodocleia, rhododendron, sway, pause, tum again; Rhododendron, O wide rose, open, quiver, pause and cióse; rhododendron, O strong tree, sway and bend and speak to me; utter words that I may take wax and cut upon my tablets words to make men pause and cry rhododendron to the sky; words that men may pause and kneel, broken by this pulse we feed; rhododendron, laurel-tree, sway, pause, answer me; you who fled your Lord and Sire till he pulsed to such desire that no woman ever could after, bear his sacred brood; only singing fools and deft trees might speak his prophecies.
H.D.
La semée Indo-Européenne: Ombres-générations et coupures linguistiques Et Dieu dit: que la lumière soit et la lumière fut. Et Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumiére des ténèbres. Dieu appela la lumière le jour et les ténèbres la nuit.xxxiii
Notre thése a pour objectif de mettre en valeur les rapports structuraux établis entre 1' ombre et 1' origine par la symbolique de la coupure. Dans le premier chapitre, nous explorerons cette symbolique par la recherche étymologique et linguistique et le travail métaphorique et poétique. Dans notre travail, reconsidérant la trajectoire de la symbolique, nous proposons de critiquer et démy(s)thifier l'archétype de l'Ombre en cherchant autant que possible à décentrer l'analyse vers une lecture féministe. Nous espérons ainsi offrir de nouvelles possibilités d'interprétation et de définitions de l'ombre, inconnue toujours à redéfinir. Génésiquement parlant, si au début la lumière fut, elle ne fut cependant pas sans son ombre.xxxiv La logique divine, point de
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repère crucial à la hiérarchie des choses et des tres divisa le monde: Et Dieu créa 1' homme à son image...L'Homme, le sexe fort; et la femme? Comme l'ombre, elle reste ambiguë et problématique. Eve issue de l'homme androgyne qu'elle prolonge donc en quelque sorte - et dont ironiquement, elle servira plus tard de bouche-trou - elle appartient par la faiblesse de son sexe au genre de 1' Homme. Ainsi donc paradoxalement à propos, 1' illusoire séparation des sexes reflète par la división le régne sémantique du mâle: d'un côté, la lumière qui est bonne; de l'autre, l'ombre qui est moins que bonne. II faut voir dans la coupure à 1' origine de la hiérarchisation des êtres et des choses un marqueur symbolique construit sur le paradigme "haut-bas". Du verbe "couper", en gallo-romain "cuppare" (couper la tete), derivé de "cuppum" (le crâne) qui reproduit la formation régressive du latin "cuppa", (le vase, la coupe) elle-même influencée par "capum" (la tete, le chef), la notion de coupure est inextricablement liée à celle de "tête.''xxxv Or, la tete, marqueur de 1' origine du corps humain, (son debut, en haut) centre de la personalité ou 1' "âme" de 1' individu est objet d' adoration des Indo-Européens. Ceux-ci avaient pour coutume de couper la tete des corps des héros défunts ou de leurs ancêtres déifiés afin de les préserver comme oracles (WD, 315) La decapitation réelle ou symbolique est un rite d' initiation. Par exemple, le ceremonial de la chevalerie implique la gestuelle symbolique de la decapitation par 1' intermédiaire de 1' épée posee sur 1' épaule de chaqué coté de 1' épaule. Bientôt, la decapitation est métaphoriquement assimilée au sexe par la thématique de la défloraison. L' emploi métaphorique de la "rose" en français se réfère à la virginité. En anglais, on utilise d' ailleurs le terme de "maidenhead" pour traduire la virginité. Comme la decapitation est pour la femme associée à sa défloraison, chez 1' homme, elle sera liée au complexe de la castration. Pour homme comme femme il est évident que la défloraison a pour marqueur central le sexe masculin, son phallus. Le rite de la défloraison le prouve. En effet, en Inde par exemple, on utilisait le "lingam", tótem sacre, un phallus de pierre afin de déflorer les mariées avant leur nuit de noces. On appelait cette opération, 1' "ouverture de la
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matrice". C' est pourquoi 1' affiliation de "tête" à "coupe" ou "vase" qui ont pour dénominateur commun 1' image de la matrice symbole du féminin determine pour beaucoup la métaphorisation de la têtephallus. Le lingam était paint en rouge et annointé d' huile sainte que les Grecs appelaient "chrism''. Les premiers nés que 1' on disait divinement engendres avaient pour nom "christos", qui signifie "annointé". L' huile nécessaire à 1' insertion du phallus de pierre mais plus tard devint elle-même un symbole d' annointement royal. La tete des rois était enduite d' huile, ce qui 1' assimilait ainsi à la "tête" du phallus sacre insérée dans la couronne de fleurs qui représentait la matrice vierge (WD, 25). Lorsque les épouses romaines se défloraient par le moyen du Dieu phallus elles placaient une couronne de fleurs sur sa tête. II ne fait aucun doute que le rite de défloraison (I' annointement, la couronne) ressemble beaucoup à la symbolique attachée autour de la figure du Christ. Or, la thématique de 1' ombre est reliée à 1' origine de la conception du christ par la figure de Marie, la Rose. Le Dictionnaire de l'Ancienne Langue Françaisexxxvi du neuvième siècle au quinzième siècle redonne vie et lustre et lègue enfin des sens ou une essence à notre ombre mise dans tous états (de langue soit). A la linguiste attachée à ses figures, le mot "ombre" s' étoile d'une constellation étrange divisée en quarante centres pour certains "disparus" mais dont le sens "original" refondu et redistribué à notre signe moderne de 1' ombre ne peut qu' enrichir sa compréhension. Fait intéressant et dont il faudra absolument se souvenir au figuratif, une des formations anciennes d' ombre est "ombrette" qui est un diminutif se rapportant á la mère du Christ: "Marie est l'umbrette des enfermes."xxxvii Dans ce méme dictionnaire, une des formations du mot "ombre" disparue de nos dictionnaires modernes est "ombrer" et "ombroier" désignant le moyen de génération divin et "ombrement", son opération. Le mot "ombrement" disparu de nos jours est un substantif masculin qui denote 1' action de couvrir de son ombre ou figurer. Ce substantif est pour le moins intéressant du fait qu'il fait référence á l'incarnation de Jesús Christ: "II ne fut mié conceu par assemblement d'oume et de fame, mais par
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ombrement du saint esperit."xxxviii La métaphore du saint esprit, il faut le signaler appartient ainsi a la thématique de la téte-phallus étant donné que - comme nous 1' avons deja remarqué - la tete qui est le centre de 1' ame, 1' esprit, devient objet sacre dans le rite de la décapitation-défloraison. Le verbe "ombroier" est le verbe le plus chargé de sens. On compte treize branches différentes: ombroier, umbroier, umbroyer, humbroyer, umbriier, ombrier, hombrier, umbrier, humbrier, unbrier, ombraier, ombrayer, ombreier, ombroer. Ce verbe dénote l'action de couvrir. En ce sens, il est á rapprocher du verbe "ombrer" dont il partage les mémes caractéristiques. A savoir, l'idée d'obscurcir, de renfermer ou de cacher et principalement, pour notre propos, il evoque 1' incarnation du Christ. L'incarnation de Jesús par 1' intermédiaire de la Vierge fait du signe saint une croix difficile á supporter et incorporer á un travail de recherche de ce genre, mais étant donné les conditions préexistantes á son existence, nous ne pouvons pas 1' éviter. En bref, nous ne pourrons pas parler de 1' ombre sans parler de 1' Idée de Dieu. D' ailleurs il faudra escompter par 1' apport de ce symbolisme une richesse d'interprétation insoupçonnée pour le moment en tout cas dans le cadre de notre travail mais que l'oeuvre et 1' héritage de Henri Bosco justifie absolument. On sait que celuici affectionne particuliérement le sygne croix, une observation qui ne sera pas sans conséquence. Une citation vient illustrer 1' un des usages particulièrement appliqués à la conception mystérieuse du Christ: "Crois-tu que Jhesus vint en terre pour nous sauver trestous et se umbra en la Vierge Marie et en print chair humaine?" xxxixLa réponse à cette croyance ne nous appartient pas, en tout cas pas ici. Mais notre lecture de l'ombre ne s' en ressent-elle pas? Le mystére d' ombre evoqué précédemment ne peut rester intact. L' ombrement du Christ, opération on ne peut plus déconcertante, carrément révolutionnaire, nous déroute plus qu'il nous éclaire quelque peu sur les vertus umbrátiles de l'ombre inconnue. En effet, qui ne peut mieux se (res)sentir de 1' ombre que Marie,x1 "umbrette des enfermes"? Comment alors laisser passer, moins que 1' impasse faite sur cette héroine mythique, son
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appropriation outrée par les héros de notre littérature? Dans le gynocentrisme, nous espérons ainsi, pour ainsi dire, remettre Mane à sa place. C'est maintenant qu'il faut s'enquérir de la nature de 1' ombrement dans un dictionnaire plus approprié, le Dictionnaire de Théologie de l'Ancien et du Nouveau Testamenta. En grec il existe pour l'ombre "skia" dans notre alphabet et un composé particuliérement intéressant "episkiazein". Nous nous intéresserons particuliérement à "skia" parce que ce mot-même est le sygne d' ombre qui revient cinq fois de suite dans le dernier román de Henri Bosco Une Ombre et constitue dès lors le mot clé dont 1' appréhension est essentielle à une compréhension enrichie du texte. Nous nous concentrerons sur "skia" parce que jouant sur la tensión "original - copie" chère á la pensée platoniciennexli puis sur "episkiazein" qui se rapporte à 1' ombrement du Christ, elle s' applique ainsi à propos à 1' enquête bosquienne.C est ainsi que fait troublant, "skia" nous dit le Dictionnaire de Théologie: "In by far the majority of cases (it) has a transf. sense...and denotes the shadow or trace of the feminine. But the word acquires its true theological significance in Philo in his well-known "original copy" speculation."x1ii Le fait que "le mot ait acquis sa vraie signification théologique" par la distinction entre 1' original et la copie n' est pas étonnant - nous avons maintenant 1' habitude de ce genre de discours masculin - mais qu' entend-on par "shadow or trace of the feminine"? Faute de retracer le féminin ici c' est par le composé "episkiazein" de "skia" qu' on retrouvera le féminin par 1' intermédiaire de Marie plus tard. Le Grand Dictionnaire de Théologie met en évidence donc les rapports troublés entre "copie" et "original": "Aprés Mo'íse". et nous traduisons ici: Dieu n'apparaîtra plus que sous la forme d'une ombre. Cette figuration ou apparence est censée éloigner les hommes de la vanité des images et par analogie les inciter à rechercher au-delà des apparences, le vrai. La preuve de l'existence de dieu est semblable à ce mouvement de recherche, qui force á dépasser l'apparence (l'absence) pour obtenir par le signe, la preuve de la présence divine.xliii
Ultimement, 'skia" est liée à la dualité entre le signe, le signifiant et le signifié sur laquelle nous reviendrons en détails dans notre étude. L'énoncé ne rapporte pas plus à la réalité désignée que
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cette même réalité conduit a l'énoncé, présenté comme la vérité (la présence) de l'objet en question. Dans le nouveau testament, la loi s'appelle "l' ombre des choses futures en opposition avec la présence eschatologique du corps du Christ". Cette antithése est à rapprocher de la dichotomie entre "copie-original", discutée auparavant. Bien sur, on ne peut ignorer que 1' ombre designe une réalité déjà existante, celle du corps. Comme il ne peut exister de corps sans ombre, réciproquement, il ne peut exister d' ombre sans corps. Une autre des branches relices a "skia" est "episkiazein" qui, transférée, indique l'idée de couvrir (cacher) mais aussi abriter. L'idée de couvrir ou "ombrer" (comme en anglais "overshadow") nous ramène à la conception problématique du Christ. Ici, nous aimerions citer un passage tiré du Dictionnaire de Théologie, qui explique le caractère déroutant de ce verbe: The word "episkiazein" is used in a special way in Lk. 1:35. Historically, the only meaning possible is that of "to overshadow", "to rest", "to cover" as in LXX Ex 40:35--> 300, 29ff, thus the opposite of human pro-creation. Nevertheless, it must be emphasised that in religious sources the word is not even a sexual euphism for sexual intercourse. It is true that it is more concrete in 1:35, since the latter simply denote the advent of the Spirit or dunamis while the former denotes His activity. "Episkiazein" thus denotes the fact of divine generation but does not describe the mode. This singular sense can be understood only in the light of the theology of hellenistic Judaism. Here, on the basis of Greek and Egyptian notions, there may be found the theologoumenon of the generation of the saviour by God to the exclusion of the natural father. This includes rather than excludes the idea of the creative power of God's Spirit to which the Old Testament already bears witness.xliv
Ainsi, l'Acte Symboliquexlv de génération reste dans 1' ombre. L' ombre engendre le Sauveur, le Messie par l'intermédiaire de Marie, la viergexlvi d'où surgirá la rédemption, le pardon, l'excuse. Si l'excuse est donc bien dans ce cas précédemment observé une substitution (l'ombre comme figure du pardon), le pretexte génésique est donc le tissu de signes à réfléchir au futur. L'ombre copie-original, apparence-realité, n'en est pas moins le lieu rêvé, réunissant dans ses contraires (les corps) l'ácorps (âme-esprit). Le somme est le lieu du rêvé, là où l'âme explore d'autres habitats, apprend, oublie, se rappelle. S(O)mbrer, c'est donc dans la mémoire se souvenir. Et les visions que 1' ombre 20
engendre justement enveloppera le psyché d'étoiles-guides chez Bosco justement: le berger et la berge, l'auberge et l'aubergiste, le fugace refuge, l'endroit du reste, la restitution du repos, l'envers du vent, le couvert de 1' ombre, autant de substitutions engendrées par celle-ci. Figure de substitution, 1' ombre et ses formations "ombrement" , "ombrer" et "ombroier" sont reliés à "ombrage" et ses dérivés. Alors qu' en ancien français, "ombrage" dénotait spécifiquement le sens de "sombre", au seizième siècle, "ombrage" designe 1' apparence, 1' image ou la figure et est appliquée à la figure du Christ. En fait, le glissement qui s' est opéré au seizième siècle est amorcé et diffusé dés le moyen-âge, ce que nous aimerions retracer ici. Le mot "ombrage": (ombraige, umbrage, umbraige) fut d'abord adjectif synonyme de sombre au sens littéral et figuré: moral, mélancolique, taciturne ou jaloux." Au seizième siècle, le mot a toujours le même sens avec la signification plus moderne d'abri du soleil (sous un arbre par exemple). L'affiliation de 1' "ombre" à "sombre" a grevé pour toujours les rimes poétiques faisant de l'association un couplage difficilement separable. II faut dorénavant re-marquer la coupure - sans mentionner 1' usure - du mot "s' ombre", tantôt utilisé au sens propre et tantot figuré. Selon le Dictionnaire Etymologiquexlvii le mot "sombre", formé de 1' ancien français "sombrer" au quatorzième siécle est issu du latin populaire "subumbrare" du latin umbra, d' où le sombrero, 1' "assombrissement" et "assombrir". Or plus loin la définition du verbe "sombrer" pose problème. Au seizième siécle justement, le verbe employé tout d' abord dans 1' expression "sombrer sous les voiles" comprise peutêtre comme "disparaître dans 1' ombre des voiles" peut aussi venir de 1' ancien scandinave "sumbla" qui signifie "jeter pêle-mêle", d1 après le suédois "sumía", "plonger dans 1' eau". L' ombre en liquéfaction troublée remue "pêle-mêle" des semblances embrouillées. Au seizième siècle comme précédemment, l'ombrage dénote l'obscurité, le voile (en opposition avec la ciarte d'un certain langage), également 1' ombre dans un tableau et finalement l'apparence, 1'image, la figure. Cette notion apparaît pour la première fois appliquée à la figure du Christ. L'ombrage est
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néanmoins relié à l'engendrement du Christ. Une citation tirée à Calvin éclaire cette notion: "II (Servet) conclud qu'il y a eu un Fils en ombrage, lequel a este engendre par la Parolle."xlviii Donc, comme ultérieurement à 1' ombre est attachée l'idée de la conception du Christ, mais avec de plus en plus de reserves comme si avec les âges on s' éloignait du mystère, de sa "vérité". De plus en plus embrouillé maintenant, l'ombrage n'explique en rien la nature de l'opération du Saint Esprit - pas plus que les témoignages bibliques d'ailleurs auparavant cites - comme quoi le seul moyen d'admettre la conception est de la "calquer" quand on ne décide pas de la passer commodément sous silence, et donc le sygne de la vierge Marie aussi fatalement, nous 1' avons vu. Une autre citation est à rapprocher de cette notion: II y a grande diversité entre les cérémonies qui ont figuré Jesús Christ en son absence et devant sa venue, et celles qui nous sont laissées pour aide de nostre infirmité. Car les usnes ont été des ombrages obscurs,les autres conviennent et s'accordent très bien à la ciarte de l'Evangile.xlix
Donc, la présente figuration ou l'ombrage du ceremonial reste l'objet de controversies délicates du fait même de la nature de l'ombrage, qui peut aussi désigner une chose vaine, une apparence sans réalité, or comment dans ces conditions accepter l'imposante présence et réalité de l'Etre suprême? Du mot "ombrage" dérivent diverses formations dont "ombrageux", "ombragement". L' adjectif "ombrageux", est à rapprocher de "ombreux", à proprement parler, qui est couvert d' ombre, obscur. Au sens figuré, un "esprit malveillant comme couvert de ténèbres". Ici se raffine la notion de mal qui traîne dans l'opacité du corps et celle de bien qui aureole la transparence ou ciarte de 1' esprit. Pour illustrer cette notion, on ne peut s'empêcher de citer cet exemple: "Dieu est verite d'efficace. L'homme imaginant ombrageux."] Enoncé à clarifier si on se refere à des textes divins pour le moins embrouillés et opaques. Néanmoins, sans se disputer sur la valeur ombrageuse de l'imagination, on peut sans trop se fourvoyer mettre en lumière le fait que cet adjectif utilisé avec un nom de chose prend le sens de ce qui n' est que 1' ombre, c'est à dire ce qui n'est que l'apparence de quelque chose. Et bien sûr une autre citation s'impose alors dans la même lignée:"Jesus Christ est
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venu...pour ôter les sacrifices ombrageux et significatifs et établir le vray."li Donc, en quête du féminin "ombracle", 1' ombre et 1' apparence s'appareillent à fausser le sens véritablement problématique de l'ornbre et ses rapports avec la nuit, par extensión métaphorique, la mort. Le mot "ombragement", "ombre" au sens propre et figuré a survécu a l'épreuve des temps. Plus particulièrement appliqué à la technique qui, en peinture, fait apparaître une chose "pleine" comme en l'enlevant, en la faisant ressortir par l'accent d' ombre. L'effet d'optique, le faux, est un procede utilisé dans bien des medias et la technicité de 1' ombre, dramatisation de l'effet, est essentiel dans la théâtralité d'une figure somme toute tragi-comique nous le verrons dans notre analyse des histoires d' ombre. Egalement, l'ombragement est synonyme d'opacité dans cette tranche d'âge. L'opacité est une notion fascinante dans la mesure où elle s'oppose à son célebre antonyme, la transparence, une référentialité si discutée par la suite, en application à de pseudo qualités d'un certain discours. Egalement, on doit relier à la notion d' "ombrage" celle d' "ombratique". Le mot "ombratique" est un adjectif qui indique une certaine habitude à 1' ombre, son couvert, s'utilise pour un arbre. A la reflexión, 1' ombre et 1' arbre sont indissociablement liés. Nous verrons combien cette remarque est cruciale quant aux thématiques brunienne et bosquienne, sans compter 1' imagination romantique qui font battre (par la symbolique du mythique "jardin" dans ses embranchements les plus secrets) un coeur en forme de rosace sémiologique qui lui servira de base pour le moins arborescente. Egalement, au figuré, "ombratique" indique également une apparence: "La figure du vrai sacrifice que le Messie a offert et en vertu duquel les sacrifices umbratiques estoient offerts."lii Donc, 1' ombre est liée au rite sacrificiel offert en exemple par le Christ. II semble donc qu'avec la conception de Jesús Christ, la dé/figuration humaine se soit matérialisée. Figurant la coupure entre le couple "copie-original", le genre de 1' ombre reproduit dans un entre deux ambigú . L' ambiguité inherente à la définition de 1' ombre à 1' instar de 1' instrument de sa génération divine se manifesté par 1' incertitude de son genre. La figure du christ lui-
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même est sujette à 1' indecisión. Androgyne pour certain, le sauveur serait hermaproditement uni à Sophie, mere celeste universelle. Alors, féminin, masculin, bisexuel? Les dictionnaires hésitent. Quelle est le genre ombratique? Si 1' ombre est féminine de nos jours, il n' en fut pas toujours ainsi. Le mystère d'ombre, demi regard de soi au tiers reste total. Incarnant un double problématique étiré en équerre, le sexe du tiers - homme, femme ou bi - reste à definir, ou le reste-t-il vraiment? Des mystéres d' ombre dans les dictionnaires: masculin/féminin? La lumière génésique réfléchie par 1' ombre latinisante y renverse une apparence longtemps incontestée. En effet après avoir consulté le Dictionnaire d' Etymologie de la Langue Francaiseliii composé par Frédéric Godefroy, nous voyons que dans les siècles passés, le mot ombre est fréquemment utilisé au genre masculin. Ce phénomène, semblerait-il, se serait prolongé jusqu'au seizième siécle qui voit la résolution de ses ambiguïtés par la fixation féminisante définitive de son genre. Cette coexistence du masculin et féminin dans 1' utilisation du genre se retrouve similairement dans la duplication de certains derives de 1' ombre tantôt utilisés au féminin, tantôt au masculin. Le mot "ombratoire" est un substantif masculin synonyme d' "ombrelle". Egalement, le mot "ombracle" substantif masculin est un objet qui donne de 1' ombre. Ces deux mots disparaîtront au seizième siécle remplaces par 1' ombrelle. II faut souligner le fait que "l' ombrel" substantif masculin synonyme de 1' ombre existe également dans cette tranche d'âge (du 9ème au 15ème siècle.) Le mot "ombraire" est un substantif masculin synonyme d' ombrelle. Or, "ombraire" vient de l'italien "umbrello". L'influence italianisante expliquerait donc en partie l'hésitation du genre de ''l'ombr-el(le)". Une division peut s'observer, celle qui sépare 1' ombre d'elle-même, à savoir 1' ombrel(el) de 1' ombrelle (elle). On pourrait argumenter que 1'ombracle sert de clef à notre énigme alors que le mystére s'épaissit autour de notre sujet. Egalement, il existe trois substantifs synonymes d' "ombrage": "ombroie"
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substantif féminin d' "ombrage", "ombrail" substantif masculin et "ombraille", substantif féminin. Cette explication tres sommaire attire l'attention du linguiste sur la redondance de l'ombrailombraille tantôt féminin, tantot masculin, double donc (comme 1' ombre elle-méme.) L'incertitude du genre semble indiquer la reluctance et la hantise à démêler le neutre somme toute indéfinissable. Une des explications possibles de la problématique du genre de l'ombre dérive selon nous de la confusión numérique avec l'indéfini: ainsi, on ne peut distinguer oralement un ombre d'un nombre. Or, le nombre est une notion éminemment phallogocentrique qui dénote au contraire du caractère elliptique, opaque et donc menaçant de l'ombre, une totalité de représentation relative au mythe de la transparence, lui-même relié à celui de 1' origine. Le couple ombrer ou hombrer, synonyme d' "ombrement" témoigne même d'une certaine gene. Il faut quand même reconnaître que "hombre", 1' "homme" en espagnol reste toujours "ombre" et le problème alors s'épaissit autour de la générique indétermination. L' ideal de l'androgynie promulgué dans les histoires d'ombre (masculin et féminin intégrés) se développe et se multiplie dans la littérature du dix-neuvième siècle et chez notre auteur Henri Bosco en particulier, confondant inexorablement l'ombre (féminine) au double masculin. Il est inquiétant pour nous autres fantômes de cette apparence trompeuse et double, que l'ombre androgyne ait été féminisée de la sorte. Il semblerait que l'histoire de l'ombre repose sur un malentendu: une ombre de son ombre puis ombre d'ellemême, l'appropriation de l'ombre est passée par l'appropriation de son "elle". S'agit-il du v(i)ol d'une identité? Rapture de l'égocentrique et anihilation du pouvoir de l'image, il semblerait qu' on ait voulu détacher le masculin de sa malheureuse moitié, le délier (et comment, et pourquoi?) de sa soeur siamoise. Craignant la castration du sacré phallique, en féminisant 1' ombre androgyne, offrant à celle-ci pour représentation la nuit du corps ou 1' ombre de I'âme, on aura "remasculinisé" 1' âme. Symptômatiques, nous le verrons plus tard, des échanges et des coupures (des décapitations-défloraisons) dans les histoires d'
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ombre, on triera et redistribuera ainsi les données: Ombre (matrice), corps et ame (tête - phallus). A 1' homme, la femme, c' est à dire romantiquement - mais la réalité est toute autre - 1' ame décapitée et à celle-ci, la matrice de reproduction, 1' ombre. C' est ainsi que la division symbolique à 1' origine de la thématique de 1' ombre "copie-original" offre dans son paradigme des rapports de sens pour le moins troublants. Ce paradigme est 1' appareil référentiel auquel nous renverrons le lecteur tout au long de la thèse. Il illustre le cadre théorique conceptuel qui fait apparaître les glissements sémantiques entre "coupure", "ombre" et "origine". Reste à savoir si le ménage à trois, l'un/l'une/l'autre (la coupure) par rapport à soi ne s'identifierait pas à une double re-connaissance, (ou le cône vulgarisé d'un centre freudien in-finitif, obscur mais cependant essentiel), entre autre la (re)naissance du dire en double, le "di-re". Le dire comme le discours est répétitif, "re" mais discursif de nature, "dis". En cela il s' apparente à 1' écho, coupure originelle de la langue. "Di-re", s'infinitiser, voici la base de la trilogie, du triangle dont il faudra là, trouver le cercle, coniquement. La métamorphoseliv infernale formée par la triangulation de notre désir de connaître notre ombre devra être notre nombre justement, notre configuration. L'interprétation du cône comme figure de représentation de notre inconnue sera par conséquent notre équation. Lunatique à se prendre pour un homme quand elle est femme, notre ombre disparaît lorsqu'elle s'individualise apparentant une forme mortellement altérée, en devenir, au spectacle filigrané de la chinoiserie. Ombre=X L' ombre et ses dérivés ont désormais tissé un réseau complexe d'apparences diverses. C'est ainsi que pour résumer 1' indéfinissable-même on a pu appeler 1' ombre - mais peut-on vraiment justifier cette dénomination? - la figure de l'Autre, 1' Anonyme, 1' Ame ou l'Inconnue. Nous préférons par une formule
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algébrique - dans ce cas, 1' ombre = Xlv - emprûntée au mystificateur principal du conte d' Adelbert de Chamisso, Peter Schlemihl nous satisfaire de cette équation. Celui-ci, à raison, interroge-t-il pas Peter qui a perdu son ombre: ...Ah! ab! - reprit-il en partant d' un grand éclat de rire, - une chose qui mérite reflexión! Mais oserai-je vous demander, Monsieur, qu' est-ce que votre âme? L' avez-vous jamais vue? Et que comptez-vous en faire quand vous serez mort? Estimez-vous heureux de trouver un amateur qui, de votre vivant, mette en legs de cette X algébrique, de cette force galvanique ou de cette polarisation, de cette entéléchie, de cette sotte chose, qu' elle qu' elle soit, un prix très réel, le prix de votre ombre, auquel sont attachés la possession de votre maîtresse et 1' accomplissement de tous vos voeux?(PS, 77)
Dans le même registre, l'expression: "en ombre de" ou au lieu de fait de notre sujet une figure de substitution, la métaphore de l'à-parence. L' ombre au figuratif est donc utilisée comme excuse à l'autre. Son pré-texte reste à déchiffrer.lvi Il est également intéressant de remarquer que 1' ombre sert d'enseigne-signe: "Portait pour armes... une ombre de soleil d'azur sur le tout."lvii L'ombre est "figure" dans quelques locutions: par exemple, "vendré ombre pour soleil" ( ce qui de nos jours rappelle l'expression "prendre des vessies pour des lanternes"). Il est évident que la figure de l'ombre ne joue pas le beau role dans la théâtralité royale du jeu solaire. L' ombre en effet n'est pas si éclairante. Une autre expression: "faire ombre" (ou gêner la vue) indique dans la même lignée le voilement de la vérité (ou lumière) ce qui nous ramène à la serie "ombrageux" et "ombratique" par exemple. Dans les siècles précédents, on observait l'équation, ombre(et ses formations)=X apparence. Au seizième siècle, l'équation est quelque peu changée puisqu'à ombre dorénavant s'apparente justement la figure comme 0 ("zéro") et 1' aliénation grandissante du processus de métaphorisation de la parole dans une nubile rhétorique. Le phénomène de la préciosité en poésie est un exemple flagrant de cet excès de zéros pour ainsi dire. C' est ainsi que l'ombragement, une "ombre" en poésie ou peinture, la protection ou l'abri est également une image, c'est à dire une figure. Une citation nous permet de juger de la nature de la figure (de
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rhétorique): "Figure...est un ombragement montrant par quelques couvertures ce a quoy il tend."lviiiDe plus en plus, par le biais de 1' ombre, nous glissons dans la référentialité du réel à une forme particulière de représentation du langage discursif. Le verbe "ombrager", dans cette optique, est lié à la notion d'esquisse et tracé (propre à la peinture), mais aussi applicable a une technique plus littéraire qui lie une fois de plus a la représentation comme le couvert d' une figure voilée. La serie "ombratile - ombratilement - ombratique" est orientée également dans cette direction: "figure-représentation". L'on parlera de sacrifices ombratiques par exemple. Quant à l'ombre, elle prend au figuré des expressions jusque là embryonnaires: "faire ombre a", "à 1' ombre de" sont deux expressions qui excusent, donc remplacent, ou servent de pretexte, comme quoi paradoxalement l' ombre devient relativement plus "présence" qu'absence, puisque l'absent visé lui est finalement révélé. Egalement, les ombres au pluriel sont liées à l'Enfer. Il est capital de remarquer que le verbe "ombrer" qui a le sens d'ombrager au seizième siecle, perd, dans le surplus fatal auparavant observé, le sens de s'incarner. Comme quoi plus on avance dans les ages, plus on s'éloigne de la tangibilité du Mystère. Que reste-t-il a apprendre de 1' ombre de nos jours et en quoi les apports modernes ont-il ajouté au mystère ou l'ont-ils retranché? C'est ce qu'il nous appartient maintenant de découvrir en examinant les Trésors de la Langue Française. Ici, nous nous attacherons exclusivement à 1' ombre en tant que telle étant donné que ses formations ("ombrage" et autres) ont conservé plus ou moins leurs anciennes significations. La définition nettement plus moderne parce que "scientifique" qui est donnée à notre ombre permet des remarques intéressantes. De l'apparence à la figure, l'ombre au fil des âges s'espace dans le temps et d'absence devient présence comme son importance grandissante désormais exclut de la passer sous silence. La définition qui est offerte est la suivante: "Ombre: diminution de la ciarte lumineuse dans un lieu soustrait au rayonnement direct par l'interposition d'une masse opaque." C' est ainsi qu' excluant tout d'abord ce qu'elle n'est pas, par opposition à la lumière en general, on semble retrancher (avec l'idée de
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diminution, de soustrait) ainsi qu'interposer la notion d' opacité. C'est au moderne qu' il appartient ainsi de se concentrer à tout prix sur la lumière, nous le voyons bien ici. Dans les siècles passés, 1' ombre avait semble-t-il d' après nos croisements liguistiques reflétés plus par elle-même qu' en oppostion à son contraire. Il s' en suit que d' âges en ages en voulant à tout prix clarifier les énoncés - cette approche est essentielle bien sûr à toute logique systématique - on a retranché par la figure "O" une idée "X" cependant incontournable. Nous ne pouvons que regretter ces retranchements parfois abusifs même si nous acceptons le fait que la "purification" de la langue est un processus de différenciation essentiel à la compréhension. Cependant, reste à savoir - nous le démontrerons - si le nettoyage linguistique dans le cas de 1' ombre ne fut pas malheureusement responsable - par une faute de calculs - de la désintégration féminine en general. Nous le verrons tout au court de ce travail, il faudra compter avec l' obsession jungienne par le biais de l' ombre sur la notion d' "intégration-intégrité". Mais, fait intéressant, l'interception impliquera cependant la réception, comme la critique implique un lecteur et vice-versa. L'interposition sera donc liée à l'idée d'interception, au rapt pour ainsi dire, et surtout à la substitution. En cela, l' ombre restera une figure de substitution. L' ombre "moderne" tout en retranchant quelque chose à autre chose, cependant lui restitue quelque chose, autre chose. Par métonymie, l' ombre (auparavant "ombrage") est utilisée en peinture pour faire ressortir par des couleurs plus sombres la plus faible lumière d'un objet. Ce qui fait ressortir l'objet est un ensemble de hachures, techniquement des coupures, qui dans leur formation invite à l'organisation de la visión, si l'on croit que la visión est isolation d'abord. L'ombre également qui devient faute, souillure morale evoque justement l'expression: "faire ombre au tableau" au sens propre et figuré. Par extension littéraire, 1' ombre s'identifie dorénavant à la nuit, "la reine des ombres". De la nuit à la mort, il n'y aura qu'un pas facilement franchi. L'ombre, c'est finalement par extensión et semble-t-il irrémédiablement la mort.1ix La deuxième définition de l'ombre est l'équation algébrique dont nous avons
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parlé précédemment: X=Y (c'est à dire la copie plus ou moins conforme à l'original). L'ombre moderne devient ainsi une lumière interceptée reproduisant plus ou moins fidèlement le contour d'un corps. D'où 1' expression "sauter au-delà, hors de son ombre" qui indique que l'on veut tenter l'impossible. C'est ainsi que de plus en plus par l'ombre, en opposition à l' inaccessible lumière, on prend conscience de son corps, réalisation écrasante ou non; un corps fragüe à vrai dire puisque déjà reproduit par ce qu'il pourrait en rester. En effet, dans la mythologie, l'ombre est ce qui survit d'un défunt aux Enfers, et pour le littéraire, l'ombre représente un défunt tel qu'il se présente à la mémoire ou lors d'une apparition. Cette définition s' appliquera particuliérement bien à Une Ombre. la parabole d' Edgar Poe. L' ombre nous confronte irréversiblement avec ce que nous pourrions êtrelx et nous identifie à un présent en problématique devenir: 1' ombre est passage. Reste à voir maintenant dans le Dictionnaire des Rêves et Symboles ce qu'à la surface on tente à voir surgir ou resurgir. Dans le Dictionnaire des Rêves, on peut lire
Most authorities seem to agree that to be aware of your own shadow in a dream is a sign of a beneficial legal matter, likely to be an inheritance or legacy. To dream of the shadow of a dead person may indicate a temporary obstacle; the shadow of a living person is believed to be a warning against travel or unecessary risks for a few weeks' time.lxi
Il est intéressant de noter que l'ombre liée à un héritage à venir est précisement le thème principal du román de Henri Bosco, Une Ombre. Coïncidence? Probablement pas. Henri Bosco est un grand connaisseur en symboles à des niveaux divers pour des raisons différentes, une "hermétique" personnelle dont il rèserve d' ailleurs la connaissance, d' oeuvres en oeuvres à ceux qu' il appelle les "initiés". Il est donc essentiel d' avoir recours à de múltiples sources pour essayer de comprendre au mieux 1' extraordinaire fourmillement bosquien. Quant au Dictionnaire de symboles. la définition qu'il donne de l'ombre renvoie à l'archétype Jungien auquel nous ne 30
nous attarderons pas ici car nous y reviendrons en détails plus tard: As the Sun is the light of the spirit, so shadow is the negative 'double' of the body, or the image of its evil and base side. Among primitive peoples, the notion that the shadow is the alter ego or soul is firmly established; it is also reflected in the folklore and more advanced cultures(35). As Frazer has noted, the primitive often regards his shadow, or his reflection in the water or in a mirror, as his soul or as a vital part of himself. 'Shadow' is the term given by Jung to the primitive and instinctive side of the individual.lxii
Assurément, comme 1' ombre engendre le double, elle engendre le doute. Nous chercherons en d'autres termes à relier notre connaissance relativement plus approfondie de 1'ombre, non seulement avec la réalité extérieure de 1' oeuvre bosquienne mais également avec nous-mêmes, notre propre réalité (interne et externe) de lectrice. II est évident que pour mieux connaítre 1' ombre de Bosco, poete, il faudra aborder 1' ombre que celle-ci projéte sur sa narration, difficile á appréhender en partie pour cette raison. Bosco était poete et sa poétique n' a pas vraiment intéressé la critique, ce qui est fort dommage en raison de ses implications obligatoires avec les croisements du sygne. C' est probablement parce que chez Bosco, on ne peut qu' á peine distinguer son sygne de la "coupe" poétique, la rime - en d' autres termes la riche "prose poétique" que constitue le sygne bosquien, (g)rimant entre prose et poésie - que le critique aura passé trop rapidement à notre gré sur 1' ombre au langage, projetée en plein coeur du poétique sygne-croix. Pour renforcer ees rapprochements chez Bosco et amorcer les relations développées entre 1' ombre et 1' ame (la tete) par I 1 intermédiaire de la décapitation ( la "rose" du langage, sa défloraison) dans les histoires d1 ombre en general, nous nous intéresserons maintenant á la représentation du théme de 1' ombre dans la poésie romantique et symbolique de trois poetes: Víctor Hugo, Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé. Illustrée á travers les ages, 1'ombre impose au silence de la Parole l'inconscient du revé, l'équivoque du non vécu. Au 19éme siécle, le silence fuit la parole, la parole s'enfuit, le revé parle. Silence et inconscience, le tremblement du sens symbolique retrace 31
des ouvertures geniales. L'ombre est échange communicatif entre le corps et l'áme. Dans cette trilogie, trinité dirons-nous, qu'est-ce qui erige la pyramide, du fondement á la fondation? Fondee sur une enigme, l'ombre tombe á pie! Au tracé, elle se perd, car vouloir la recopier, c'est constamment l'en voler. Reste la conclusión qu'il faudrait vivre avec l'ombre sans chercher á la fixer. II faut pacifier, l'amadouer, la fidéliser. Et il ne faut absolument pas la vendré. L'échange, certains en ont fait l'expérience, ne pourra se faire sans la perte de 1' identité et une non-restitution de l'Ego. L'ombre(> x <) est une répétition et, la plier á la volonté de l'autre, ferait de la répétition tronquee, une perdition. Au 19éme siecle, le réel n'est plus ce qu'il paraít. Distinguant le vrai du vraisemblable, le revé elabore des architectures futures que l'artiste peut construiré avec minutie, inventan! par le songe de nouveaux signes linguistiques. Comme le songe se construit, le sygne se désemplit, se construisant de plus en plus sur des revés. Le sygne revé au dixneuviéme siecle et sa symbolisation substitue au formel un fondement liquide, fumeux, terreux, déréglé. Le déréglement des sens dont Rimbaud fit l'expérience est en fait la mesure par laquelle on pourrait "régler" ce qui représente un doublage du sens justement.1^ L'ombre symbolise enfin par l'intermédiaire du nouveau sygne une (in)adéquation á soi dans le mouvement de l'inter-révélation de soi á l'autre. Jeu est á l'autre maintenant, il y va de soi. Le mouvement d'attrait tire á l'autre fin. Bout á bout, l'identité raccole, s'accole. La possession de soi passe par dessus tout, á l'autre avec un grand a, l'Autre. C'est ensuite qu'il faut attacher au tracé contigu de son ombre, l'autre. L'ombre se plaque sur tout ce qui l'accueille, la lumiére bien sur particuliérement l'abrite. Vérité sous 1'ombré, le caché grille encoré plus qu'il ne scelle. La marque tourne done au dérisoire au 19éme siecle, mais sa symbolisation demeure significative d'une époque de turbulences intranchées. Dans ses dédoublements, le dix-neuviéme siecle a redoublé d'imp(r)udence, comme ses créateurs. Du Sceau et du báton á cire, ne reste des poetes que rimprimé. Mais la création porte le Sceau sacre du mental souvenir. Elaguant les múltiples ramifications sémantiques propres á l'ombre bosquienne Nous axerons maintenant la
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discussion sur les rapports essentiels de l'ombre(l) á l'áme(4) en passant par l'ombre-écho(2) et l'ombre-miroir(3).
"Aurores" ou 1' ajournement de 1' ombre: Hugo, Baudelaire, Mallarmé Víctor Hugo, "imagier de l'ombre" par excellence fait jouer l'ombre et la lumiére dans un ciel hasardeux en métame rphoses: "les effets du hasard sont les manifestations des ames prisonniéres de la nature" nous dit un de ses spécialistes MaxPol Fouchet.Luv En effet, dans "Fonction du poete", l'ombre hugolienne est apparition (évidence) du réel par le biais du revé: Ses revés, toujours pleins d'amour Sont faits des ombres que lui jettent Les choses qui seront un jour. v
Le mystére d'ombre (et lumiére) a fasciné Víctor Hugo comme il a enchanté bien des poetes et penseurs du dix-neuviéme siécle. Dans "Mille chemins, un but", l'ombre-manifestation du passé ou germe du futur est un miroirkvl de l'áme: L'amour, qu'il vienne tót ou tard Prouve Dieu dans notre ame sombre. II faut bien un corps quelque part Pour que le miroir ait une ombre.
Et plus loin: Et la, dans cette nuit qu'aucun rayón n'étoile L'áme, en un repli sombre oü tout semble finir, Sent quelque chose encor palpiter sous un voile1*™... C'est toi qui dors dans l'ombre, o sacre souvenir1*™1
Ombre-souvenir, ame de la mémoire d'un corps déchu, la réverie hugolienne méne "Au bord de l'Infini" dans les Contemplations qui sont, au diré du poete, "une ame qui se raconte dans ees deux volumes. Autrefois. Aujourd' hui. Un abime les
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separe, le tombeau."1*" Obsede par le mystére divin dans "Caerulum mare,Illxx l'hugolisme répéte inlassablement dans les gouffres de "Et nox facta" la tentation de l'abime qui n'est autre que le rayonnement final de I'ombre visionnaire. Le message issu de la contemplation de Tombre1™ est une révélation d'ordre surnaturel dont le poete a 1' instar de la figure bosquienne légendaire est le seul véritable "Elu de Dieu." Hugo qui dans "Fonction du poete" se fait le porte-parole de la "Bouche d'Ombre" écrit: O réveur, cherche les retraites, Les abrís, les grottes discrétes, Et l'oubli pour trouver l'amour, Et le silence afín d'entendre La voix d'en haut sévére et tendré, Et I'ombre afín de voir le joiir.1**"
Si I'ombre méne au nombre1**"1 par le souvenir divin, celuici tourne a l'absence quand la trace s'efface et que le regard s'ombre. Pour eviter ce néant, dans la Tristesse d'Olympio. Hugo surmonte la tristesse de l'oubli par le souvenir et a sa suite Mussetkxiv s'inventera une ombre amie qui sert d' echo et comble son "gouffre intérieur". Victor Hugo, quant a lui, écrit: Comme quelqu'un qui cherche tenant une lampe Loin des objets réels, loin du monde rieur, Elle arrive á pas lents par une obscure rampe Jusqu'au fond desolé du gouffre intérieur; Et la, dans cette nuit qu'aucun rayón n'étoile, L'áme, en un repli sombre ou tout semble finir, Sent quelque chose encor palpiter sous un voile...C'est toi qui dors dans I'ombre, 6 sacre souvenir!
Dans ce passage, le poete met en ombre la dichotomie des rapports entre intérieur-extérieur. En effet, le mouvement de 1' intérieur vers 1' extérieur est mis en abyme en quelque sorte par 1' ambiguité-méme du re-pli: "1'áme en un repli sombre oü tout semble finir/Sent quelque chose encor palpiter sous un voile..." Retardant 1' élucidation tant attendue par le re-pli stratégique, le clairvoyant obscurcit le signe-annonciation de la libération finale, emprisonnant dans un éternel présent 1' ombre du souvenir. Charles Baudelaire comrne Victor Hugo est un réveur, un chercheur 34
d'ombres. L'ombre, en tant que telle cependant, est moins le sujet immédiat de sa quéte que son intermédiaire, une des variantes du miroir et de Techo. A la lecture des poémes baudelairiens, et en particulier dans le recueil des Fleurs du Mal'3"1', la thématique du miroir si développée chez Baudelaire (et particuliérement par le biais du regard) n'en entrame pas moins une contemplation sur l'ombre qui est pour Baudelaire un miroir sombre, echo sonore de la mémoire de l'áme. Les correspondances baudelairiennes offrent au langage du mystére des interprétations susceptibles d'aider les hommes a surmonter leur condition mortelle par la sublimation de l'art par exemple, l'Idéal qu'il inspire. Dans "les Phares,'tlxxvi l'un des artistes dont Baudelaire fait la critique réunit (ou reconcilie) dans ses oeuvres le réel et le revé: Léonard de Vinci, miroir sombre et profond, Oü des anges charmants, avec un doux souris Tout chargé de mystére, apparaissent á l'ombre Des glaciers et des pins qui ferment le pays.
Un peu plus loin, Baudelaire poursuit son étude examinant l'oeuvre de Delacroix et ajoute á l'ombre-miroir, l'ombre-écho: Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours vert, Oü sous un ciel chagrín, des fanfares étranges Passent comme un soupir etouffé de Weber Ces malédictions, ees blasphémes, ees plaintes Ces extases, ees cris, ees pleurs, ees Te Deum, Sont un echo redil par mille labyrinthes C'est pour les coeurs mortels un divin opium! C'est un crírépété par mille sentinelles Un ordre renvoyé par mille porte-voix C'est un phare allumé par mille citadelles Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois! Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage Que nous puissions donner de notre dignité Que cet ardent sanglot qui roule d'áge en age Et vient mourir au bord de votre éternité!
"Soupir etouffé," "echo redit par mille labyrinthes," "cri 35
répété", "ordre renvoyé", "sanglot qui roule"...rombre baudelairienne, echo de "la vie antérieure" dans ses "correspondances" est marine et sombre: Les houles, en roulant les images des cieux, Mélaient d'une facón solennelle et mystique Les tout-puissants accords de leur riche musique Aux couleurs du couchant reflétés par mes yeux.butvu Comme de longs échos quí de loin se confondent Dans une tenebreuse et profonde unité Vaste comme la nuil et comme la ciarte Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.1"™
Comme Baudelaire résonne et fait correspondre ses revés aux couleurs sombres, Mallarmé étend son echo, mallarmisant le sygne. L'ombre chez Mallarmé se construit sur sa rivale et amie, la lumiére qui "quand 1' ombre menace de la fatale loi'llxxix est abolie. L'ombre et l'abolition sont un théme que Ton trouve dentelé^dans la poétique mallarméenne et en particulier dans Hérodiadelxxxl et le Faune. Dans Hérodiade, l'ombre abolie est liée a la mémoire de la voix, c' est a diré son chant: L'eau morne se resigne Que ne visite plus la plume ni le cygne1"""1 Inoubliable: l'eau reflétekxxm l'abandon...
Dans Hérodiade. une étude lexicale montre l'insistance sur le sygne plié qui cele, coupe oú se resigne1**™ dans sa prolongationUxxv. Mallarmé dans un passage qui, il est troublant de le signaler, illustrerait a merveille le chant bosquien et sur lequel nous reviendrons, écrit: Ombre magicienne aux symboliques charmes Une voix, du passé longue évocation Est-ce la mienne préte á l'incantation? Encoré dans les plis jaunes de la peasée Traínant. antique ainsi qu'une étoile encensée Sur un confus amas d'ostensoirs refroidis Par les trous anciens et les plis roidis Percés selon le rythme et les dentelles purés Du suaire laissant par ses belles guipures Desesperé monter le vieil éclat voilé S'éléve: O quel lointain en ees appels celé! Le vieil éclat voilé du vermeil insolite,
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De la voix languissant. nulle, sans acolyte Jettera-t-il son or par les (temieres splendeurs, Elle encoré l'antienne aux verséis demandeurs, A Mieure d'agonie et de luttes fúnebres! Et forcé du silence et des noires ténébres Tout rentre également en l'ancien passé, Fatidique, vaincu, monotone, lassé Comme l'eau des bassins anciens se resigne. Elle a chanté parfois incoherente signe Lamentable.1**™
A 1' instar du sygne bosquien, le sygne mallarméen est ainsi un cygne oü l'antienne imprime sur le suaire celé un vol ancien, languissant, éphémére. Ainsi l'écho comme un frein sombre entrame encoré la voix des poetes et toujours l'ombre millénaire s'interpose a nos consciences créatives. L'ajournement de la reflexión mirrée, ombrée, abolie telle l'aur-ore qui est bien sur l'ombre-écho par excellence repousse la chute dans sa résignation, sa répétition. Le pli est pris. Choix de l'éternel abandon, le chant roule ses accents majeurs. L'amoindrissement qui en resulte ne peut que témoigner de son premier désir. Nous avons parlé de l'aur-ore mallarméenne, or, dans le méme registre et avant lui, Victor Hugo dans un poéme célebre "Demain des l'aube", avait immortalisé le théme de l'aur-ore, fleur de l'épanchement poétique. Nous voudrions a ce point reproduire le poéme hugolien, en offrir une analyse critique, puis le comparer au poéme mallarméen "les Fleurs" qui selon nous dans l'ombre du grand maítre developpe et finalise l'effeuillement hugolien du jour. Demain, des l'aube... Demain, des l'aube, á l'heure oü blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forét, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seúl, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyére en fleur.
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Répondant á l'appel de sa filie décédée qui représente 1' ombre, Víctor Hugo part en pélerinage pour honorer sa tombe d'un bouquet de fleurs. Ce poéme nous intéresse dans la mesure oü centré autour de la thématique de 1' exil, il amorce celle dévelopée dans les Fleurs de Mallarmé et plus tard dans celle de Bosco. Or, dans ce poéme, ríen ne laissait supposer que le parcours du poete conduirait á une tombe, un centre "mort" d1 oü l'effet de surprise. On peut diré que le centre - la tombe - du point de vue du fond et de la forme du poéme est determiné ou fixé par rapport á la progression du poete, 1' itinéraire physique et spirituel qu'il s'est fixé. Fruit de la volition, ce poéme - vous nous passerez l'expression - est par conséquent une "mise en abyme" entombée. Le poete volontairement se met á 1' écart, se marginalise ceci est apparent par le rejet du sujet au premier vers et 1' isolement des adjectifs "seul, inconnu" vers sept et "triste" vers huit. Le paysage extérieur (I1 aube ou l'aur-ore mallarméenne) mis en parenthéses souligne le paysage intérieur (I1 ombre des ténébres) qui reproduit la désolation de 1' ame symbolisée par la mort de sa filie. C'est pourquoi, symbole de l'auto-destruction de 1' auteur, le sens autre apporté au décor de sa destination adhére et compense le nihilisme de l'acte de destruction et lui substitue par 1' effacement de 1' aube ou encoré 1' aur-ore, un autre "corps": le bouquet couronnant sa décapitation, le passage de 1' ombre á l'áme. La división de deux étres (le pére et sa filie) separes par 1' espace, le temps et la nature des choses, c'est á diré le sort, peut cependant étre vaincue par le tombeau oü s'effectue leur reunión méme si éphémére symbolisée par le don de la fleur. Des poémes des Contemplations. ou encoré les "Mémoires d'une ame" Víctor Hugo dit que c' est "une ame qui se raconte" - en deux volumes, "Autrefois" et "Aujourd'hui"- séparée par un abíme ou un tombeau. "Demain" est alors une alternative au doublet du temps et propose au futur sinon un compromis du moins la perspective d'une réintégration - par la mort, la "décapitation" - et 1' espoir sinon d'une réincarnation du moins d'un renouveau. C' est pourquoi le choix des fleurs n' est pas anodin. Hugo apporté un "bouquet de houx vert et de la bruyére en fleur" sur la tombe de sa filie. Or, la bruyére en fleur indique le sygne de la renaissance et quant au choix du houx,
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selon le Dictionnaire des Symboles cette plante est "liée a la Déesse Hollé - associée, ce n'est pas une coincidence, a la déesse Hel qui représente l'idée de renouveau et d'immortalité." (WD, 46) Isolée, inconnue, méconnue, l'ombre illumine le furieux désir de se souvenir et comprendre, mais que connaítre quand "on" s'y croise s' interrogera Henri Bosco plus tard? Les rapports d'ombre établissent des frondaisons a l'effeuillage difficile. Symbolique d' une individualité tournée a chaqué page dans la répétition d'événements romances du jeune Moi, ce poéme "Les Fleurs" de Mallarmé en echo au poéme hugolien ci-dessus étudié problématise l'accord lancinant d'un étre au "point d'orgue.'llxxxvl1 Dans ce poéme, l'attente du dénouement, enjeu de comparaisons, concorde a la mesure de l'atteinte comme son point de rencontre 1' y méne. Nous choisissons ici de reproduire le poéme de Mallarmé afín d'éviter de constants renvois au texte original; puis nous procéderons á l'analyse de sa floraison métaphorique afin de mieux mettre en rapport les complexes symmétriques entre la fleur et I'aurore, le zéro de 1' ombre, l'éros la rose et Hérodiade en general et plus particuliérement amorcer par ees délicates relations entre les sexes, la non moins épineuse histoire de l'homme, l'ombre et l'áme. LES FLEURS Des avalanchas d'or du vieil azur, au jour Premier et de la neige éternelle des astres Jadis tu détachas les grands cálices pour La terre jeune encoré et vierge de desastres,
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Le glaíeul fauve, avec les cygnes au col fin, fin, Et ce divin laurier des ames exilées Vermeil comme le pur orteil du séraphin Que rougit la pudeur des aurores foulées,
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L' hyacinthe, le myrte á l'adorable éclair Et, pareil á la chair de femme, la rose Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair, Celle qu'un sang farouche et radieux arrose!
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Et tu fis la blancheur sanglotante des lys 13 Qui roulant sur des mers de soupirs qu'elle effleure A travers l'encens bleu des horizons palis Monte réveusement vers la lune qui picure! Hosannah sur le cistre et dans les encensoirs, 17 Notre Dame, hosannah du jardin de nos limbes!
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Et fínisse 1' echo par les celestes soirs, Extase des regards, scintilement des nimbes! Oh Mere qui creas en ton sein juste et fort, Cálices balancant la future fióle, De grandes fleurs avec la basalmique Mort Pour le poete las que la vie étiole.
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Ce poéme est extra-ordinaire á bien des points de vue. En effet, que Ton se place au centre ou á 1' extérieur, il rayonne et fait converger ses inversions étranges. Le poéme "Les Fleurs" est done fidéle á sa forme premiére: il se copie et se copule et ce faisant s'annule ou dans un echo intérieur "s'alune". Plus précisément, nous voulons diré que la forme du poéme qui reproduitkxxvm le fond est indissociable de sa (dé)floraison: naissance et mort. Ce poéme qui s'ouvre sur 1' or d'un vieil azur coule de quatrains en quatrains jusqu'á la métamorphose finale, la Mort future qui s' étiole sous 1' étole de sa conclusión au sixiéme quatrain. Or, l'étiolement final ne peut étre que le renouveau linguistique du poéme pour un poete qui trouve dans le (sixiéme) detachement des pétales de ses fleurs un délice incomparable. L'amour et la mort unis á jamáis par Eros et Thanatos font de la liaison poétique, sa finalité, une source de gaieté intarissable. Cet étiolement fatal n'est done que le debut de l'aur-ore ou, sous un ciel poétique, la création d'un étoilement paradoxale. Or, comme la dentelle, 1' étoilement du poéme de points en points d'ombre, dessine une rosace érotique extra-ordinaire. Au centre de la rosace du poéme quatre exclamations qui par leurs points de chutes communs: "á - rose" font verser la pluie des sens abreuvant 1' héliotrope. L'acentrisme du poéme est conséquent de ses quatre mouvements. Le trou qu'il ouvre et qu'il ne referme pas laisse béante la compréhension d'un tel moyen d'expression utilisée par Mallarmé: l'exclamation en quatre impressions provisoires. Le centre, "ame exilée" ou "aur-ore", marginalisées par leur point d'ombre suivent un corps poétique comme détaché. Quatre points d'exclamation reunís dans leur exil par la chute (de l'áme) font tourner le poéme sur lui-méme en la perfection (au sens de "perfectum") d' un diamant lunaire carré: l'étoile. La forme diamantine qui réunit deux triangles est le symbole de l'androgyne
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qui a l'image de cette fleur poétique qui (se) re-produit au fur et a mesure comme par anticipation celle du lecteur eet prolonge par le retard du regard entre autre, l'erre-heure de l'aurore plus exactement. C'est en ceci que le point de vue du poéme s'apparente a l'ombre d'Hérodiade reflétée dans un miroir dormant dont le regard aussi clair que le diamant (solitaire) est aussi sororal: Et ta soeur solitaire, ó ma soeur éternelle Mon revé montera vers toi: telle deja, Rare limpidité d'un coeur qui le songea, Je me crois seule en ma monotone patrie Et tout, autour de moi vit dans l'idolatrie D'un miroir qui refléte en son calme dormant Hérodiade au clair regard de diamant... O charme dernier, oui! je le sens, je suis seule. lxxx'x
L' objet poétique mallarméen est á l'image de la fleur d' Aphrodite, "soeur" d' Hermés et symbole du "nu(l)" érotique d'un Eros hésitant, l'un á l'une aux abois. En effet cette fleur dont nous trouvons une explication intéressante dans le Dictionnaire des Symboles (QS, 65-8) est composée de six vesicas dont le tracé qui ressemble d' ailleurs á la toile d'araignée est exécuté, nous dit Barbara G. Walker, de la maniere suivante: "By establishing the six points at sixty-degree intervals on a circle, then drawing ares through the center using each of the six points in turn as the fulcrum." L'auteur fait également judicieusement remarquer que le chiffre six était un chiffre sexuel (con)sacré á la déesse Aphrodite. (QS, 68) Également, nous rapporte B. Walker, le chiffre six que les Pytagoriciens appelaient le "chiffre parfait" ou "la Mere" est appelé le "chiffre du peché" par les chrétiens en raison de ses connotations féminines, divines et sexuelles, d'oü une explication possible au paradoxe de la fleur poétique chez Mallarmé. Une extraction maternelle d'autant plus probable que celui-ci s'occulte parfaitement par la perforation pérorée que vient balancer son point de chute: de l'étoile á son ombre, "!' étiolement": Oh Mere qui creas en ton sein juste et fort, Cálices balan?ant la future fióle, De grandes fleurs avec la basalmique Mort Pour le poete las que la vie étiole.
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L'ombre (écho-double-miroir) chez Mallarmé et certains autres poetes n'est que dans son abolition, l'envol supréme d'un sanglot ancien. Le sanglot tel qu'il apparait dans le poéme fait "illusion" dans ses coupures mortelles. Alors, si l'ombre est coupure chez Mallarmé, les échos en sont les plis. C'est ainsi que proportionnellement a certains de nos plus célebres poetes, nous avons trouvé par cet apergu rapide que le langage de la fleur d'ombre ne peut avoir de "juste milieu" et reste acentrique (en echo ou miroir) n'existant plus, peut-étre encoré que parfois elle ne resurgisse aprés 1' anéantissement final, de l'imaginaire fantóme de l'ame par l'inconscient.
Jung et l'archétype de l'ombre Jung fut l'interpréte du symbolisme de l'Ombrexc dont, cette aurore abolie, il fit un archétype. Se tourner vers son ombre, fleur lunaire, est a l'origine du mouvement d'introspection nécessaire a la compréhension de soi. S'y confronter est le seul moyen de s'éprouver totalement. Pour la prise de contact avec l'Adversité, métaphore du contraire done, le mur (image chére a Henri Bosco) serait l'image de prédilection. Le mur bloque la vue ainsi que la progression. II oblige a faire demi-tour et évaluer ou alors il incite á l'élevation pour juger. La coupure, de toute maniere permet au jugement de (re)considérer toutes les possibilités d'interprétation. D' aprés la critique jungienne, regarder ce qui est caché, c'est d'abord s' oblitérer soi-méme, car dans l'échange, l'objet consideré tend á recréer á sa réception l'accueil d'un double inverse au miroir. Dans 1' equivoque du vécu, ce phénoméne de non échange s' observera en particulier dans 1' oeuvre de Henri Bosco ou ce qui est "recu" reste invisible pourtant á celui qui le (re)cherche. (BM, 323) L'ombre identifiant au trou (d1 ombre justement) engloutit le sujet. Seul, le passage peut permettre l'ouverture sur le visible, sa concrétisation. Regarder ce qui est
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caché done, c'est faire apparaítre le dérobé, c' est lutter contre le gardien du passage (chez Bosco, la double figure janique), vers l'autre cote qui determinera la reconnaissance dans la concorde. II faut intégrer, Jung nous dit-il, pour régner, les parties discordantes de soi. L'analyse jungienne permet l'identification de ees phénoménes par l'archétype de 1' ombre. L' ombre est le sygne obscur de courants d'une conscience qui nous habitent sans que nous puissions vraiment les saisir. Ainsi, la traversée du sens inverse la compréhension. Sans que nous nous en apercevions, le va et vient comme extérieur á nous implique une relative dépossession de soi et la mise en abime des mécanismes intérieurs á la maniere des "tropismes" sarrautesques sur lesquels nous reviendrons. Done chez Jung l'ombre représente tout d'abord l'indifférenciation totale et contrecarre le conscient. L' ombre, c' est "ON" nous dit Jung, plutot que le "ga" de Lacan, ou ceci-cela. Mais "ON" vient directement de "hominem" et reste homme á tout peser, á faire... dans la derive du polyptote: "Hombre, ombre, on", telle est la logique d'une ombre. Onde vague, impersonnelle, mise en sourdine de soi, elle est, affirme Jung, justificatrice de soi cependant. La justification implique cependant par l'alignement de sa mise en écriture, la trace irreductible d'un itinéraire spirituel guidé pour une lecture linéaire. En bref, l'ombre (re)couvre tout ce que nous refusons de voir en nous et surtout ce que nous ne voudrions pas que les autres voient. On peut l'apercevoir parfois comme elle se manifesté par des retours en arriére (qui menacent l'intégration du reste des apparences) dont la régression méne parfois jusqu'á l'infantilisme, ce que nous observerons en partie chez Bosco, chez qui l'ombre fait partie de la personnalité, et oü celle-ci est vécue dans la d différance derridienne. Done, chez Bosco, elle s'est congue et se maintient en dehors du conscient, et cachee, elle attend la re-connaissance du sygne. D'aprés Jung, la premiére étape analytique reporte le regard sur l'ombre et renvoie l'attention sur soi-méme, le soi-mimexcl qu'il faut accepter comme faisant partie de soi. Cette acceptation ne peut étre que positive (pour trancher le sort) puisque l'exit refoulerait encoré son existence. Reprise á soi, la personne ondoie au centre de l'ombre qui diffuse dans son opacité un sens ancien de soi. En devenant visible, consciente, l'ombre concorde enfin au moi et la 43
personne peut réconcilier ses contradictions: "La totalité n'est pas la perfection, elle est l'intégralité de l'étre". Jung écrit plus loin: "Nous n1 atteindrons jamáis a notre totalité si nous n' endossons pas les obscurités qui sont en nous; car il n' est de corps, qui sans sa totalité ne jette une ombre."xcu Or, citation paradoxale si plus est pour un mythe qui ne Test pas moins sinon plus, c' est une bien pernicieuse notion de la "totalité" qui nous est proposée dans les histoires d' ombre - qui fascinent Jung et ses suivants et pour cause - et qui s' applique á une erotique, une symbolique masculines á laquelle ne peut adherer la conscience féminine. C' est l'ombre (de la femme) qui source le désespoir, le désir et incontestablement ouvre l'horizon romantique symbolique. Au dix - neuviéme siecle plus particuliérement, comme dans les autres siécles en general, la "totalité-intégrationintégrité" de 1' étre est obtenu au détriment du deuxiéme sexe faible qui sera subordonnée au membre viril. Le poéme de Baudelaire Une Martyre que nous reproduirons ci-dessous illustre ce phénoméne d'objectification maladive de la femme et offre bien des affinités avec les autres auteurs (du dix-neuviéme siecle et autres) et certains des aspects de la sombre thématique entre l'ombre et la femme que nous étudierons plus loin. Fidéle á lui-méme, 1' homme "desintegre" la femme dont il s' approprie les morceaux choisis, incorporan! á son étre sa desarticularon et parfaisant son image par sa décomposition. L' homme s' intégralise en d'autres termes par la dis-solution de la femme. Baudelaire n' est qu' un exemple comme bien d' autres. Avant lui, Sade le vile marquis, grand maítre á penser de Baudelaire entre autres, relegue les femmes au statut d'objet et les fétichise par le signe-phallus dont elles doivent subir le joug moralisateur. C1 est par cette legón abominable que comme nous allons le voir maintenant, cette thématique de la "liaison dangereuse" est appliquée aux histoires d'ombre ("sadesques" car comment pourrions-nous y lire une "juste" moralexcm) Une Martyre Au milieu des flacons, des étoffes lamées Et des meubles voluptueux,
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Des marbres, des tableaux, des robes parfumées Qui trainent á plis somptueux Dans une chambre tiéde oü, comme en une serré, L'air est dangereux et fatal, Oü des bouquets mourants dans leurs cercueils de verre Exhalen! leur soupir final,
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Un cadavre sans tete épanche, comme un fleuve Sur l'oreiller desalteré Un sang rouge et vivant, dont la toile s' abreuve Avec l'avidité d'un pré
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Semblable aux visions pales qu'enfante l'ombre Et qui nous enchaínent les yeux, La t6te, avec Tamas de sa criniére sombre Et de ses bijoux précieux,
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Sur la table de nuil, comme une renoncule, Repose; et, vide de pensers, Un regard vague et blanc comme le crépuscule S'échappe des yeux revulses.
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Sur le lit, le tronc nú sans scrupules étale Dans le plus complet abandon La secrete splendeur et la beauté fatale Dont la nature lui fit don;
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Un bas rosátre, orné de coins d'or, á la jambe Comme un souvenir est resté; La jarretiére, ainsi qu'un oeil secret qui flambe, Darde un regard diamanté.
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Le singulier aspect de cette solitude Et d'un grand portrait langoureux, Aux yeux provocateurs comme son attitude, Revele un amour ténébreux,
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Une coupable joie et des fétes étranges Pleines de baisers inferaaux, Dont se réjouissait 1' essaim des mauvais anges Nageant dans les plis des rideaux;
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Et cependant, á voir la maigreur elegante De 1' épaule au contour heurté, La hanche un peu pointue et la taille fringante Ainsi qu'un reptile irrité.
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Elle est bien jeune encor! - son Sme exaspérée Et ses sens par l'ennui mordus S'étaient-ils entr'ouverts á la meute altérée Des désirs errants et perdus?
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L' homme vindicatif que tu n'as pu, vivante, Malgré tant d' amour, assouvir, Combla-t-il sur ta chair inerte et complaisante
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L'immensité de son désir? Réponds, cadavre impur! et par tes tresses roides Te soulevant d' un bras fíévreux, Dis-moi, tete effrayante, a-t-il sur tes dents froides Collé les suprémes adieux?
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- loin du monde railleur, loin de la foule impure, Loin des magistrats curieux, Dors en paix, dors en paix, étrange créature, Dans ton tombeau mystérieux;
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Ton époux court le monde, et ta forme immortelle Veille prés de lui quand il dort Autant que toi sans doute il te sera fidéle, Et constant jusques á la mort.
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Le poéme est construit sur un centre problématique "vague et blanc" dont le "juste milieu," renoncule proportionnelle á la multiplication des objets qui l'entourent, est mis en péril par leur éparpillement méme. Comrne chez Mallarmé, le "pli" baudelairien indique ici la notion d'une coupe qui freine l'extension tout en permettant paradoxalement sa condition d'existence.xciv L' identification du sujet - ou l'objet - central est rejetée ou renvoyée par le pli des deux premiers quatrains au troisiéme. Le poéme ainsi se deplie ou déploie verticalement comme le paradigme est assujetti á sa déclinaison ou son déclin pour ainsi diré. Certains des thémes développés dans ce poéme sont semblables au poéme "Demain des l'aube" de Hugo, centré autour de la séparation puis reunión (avec la tombe) de sa filie par l'intermédiaire de l'offrande que j' ai deja étudié plus en détails et auquel je refere les lecteurs, et "Les fleurs" de Mallarmé qui est lui aussi construit sur un centre problématique - le cercle de la fleur d' Aphrodite - auquel je renvoie les lecteurs. Chez Baudelaire, similairement á Hugo et Mallarmé, 1' évaporation des sens qui, "air fatal", "exalent leur soupir final", provoque la coupure dans le deuxiéme quatrain et fait echo á leur dispersión "au milieu des flacons" et des "robes parfumées" qui "trainent á plis somptueux" dans le premier quatrain. La thématique de la mort et de la fleur deja amercee dans le premier quatrain est développée dans le deuxiéme avec la collusion entre la fleur dans sa "serré" - qui bien sur denote également 1' idee d'emprise et d'étouffement - et le "cercueil de verre." L'élément de surprise est creé cependant par 1' apparition retardée mais annoncée du sujet, un
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" cadavre" au troisiéme quatrain. Le sujet quoique mort porte tous les signes extérieurs de la vie. Le "sang" symbole de vie coule toujours comme s' il allait exhaler d'une minute a 1' autre un "soupir final". L' apparition du cadavre est d' autant plus frappante que celui-ci est decapité. Le poéme se déplie ainsi gráce au pli et a sa coupe justement. Par la substitution d'une image a 1' autre - ou son double - le poete met en évidence la métaphorisation inherente au langage poétique (et non). La tete détachee du corps au troisiéme quatrain rappelle la fleur coupée des deux premiers quatrains qui avait permis et preparé la naissance méme de la "tete". Ainsi done sa condition d'existence est basée sur une coupure, frontiére rouge entre deux versants d' une méme chose. La couleur rouge sang est associée aux "menstrues" comme les fleurs sont liées á "flos", le flot. Ultimement la fleur est liée á l'hymen et la coupure á la perte de la virginité, un théme constamment développé chez le "vierge" Mallarmé dans "Hérodiade" par exemple et dont nous avons deja parlé. Le cadavre, dont 1' identité sexuelle n'est pas identifiée - "un cadavre" - peut s' appliquer aux deux sexes mais est probablement de sexe féminin étant donné le titre du poéme: "une Martyre". Le quatriéme quatrain prolonge le troisiéme par le développement de l'image precedente, celle de la tete "renoncule" fantóme, qui détachee cette fois-ci d' un "oreiller" oü elle ne reposa jamáis, prend vie et forme comme d' elle-méme possédée. Par le jeu d'ombre, la tete palé détachee de 1' obscurité procure á son observateur un théátre chinois que dessine et souligne plus encoré la "criniére" - on pense á "la chevelure" baudelairienne bien sur - et "les bijoux" - autre poéme baudelairien - précieux. Le choix des verbes "enfantent" et "enchaínent" est caractéristique de la symbolique baudelairienne entre autre qui voit dans la création le paradigme de la volontéxcv. Dans le cinquiéme quatrain, le re/jet de la téte-fétiche symétrique - ou faisant echo ou miroir - au renvoi au corps du cadavre est marginalisé dans le troisiéme par son (dé)placement sur la table de nuit, done á cote c'est á diré contigu au corps. La tete comme sortie de Hamlet est "vide de pensers". Ce deversement, ce vide de la tete, élement capital á la survie du corps est fatal, dans le sens qu'il n' enchaíne que les correspondances entre 1' éparpillement
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de la vie, le désordre et la synthése de la mort. Cette dichotomie désordre-ordre se poursuit dans le sixiéme quatrain qui offre et complete ironiquement 1' image du cadavre mórcele par celle du "tronc nú" qui telle la tete versant un sang rouge vif "étale dans le plus complet abandon (sa) secrete splendeur et beauté fatale." (vers 18-21) Dans le septiéme quatrain, comme le regard de 1' observateur oscille de haut en bas d' un corps disparate - ainsi recréant I1 objet dans sa totalité - il s' aírete sur un "bas a la jambe" et sa jarretiére au "regard diamanté". Le regard de diamant qu'utilisera Mallarmé pour décrire 1' ombre d' Hérodiade est un théme tres souvent trouvé chez Baudelaire et d' autres poetes de cette époque. II rappelle le "marbre" evoqué plus haut et s' inscrit dans la tradition parnassienne. Metal froid, fatal, il inspire la crainte et ironiquement par la révération de la mort des délices criminéis. Objet fetiche, le bas indique une objectification amoureuse qui découvre un sado-masochisme transparent. Le cadavre est une commodité précieuse. Annoncés dans les quatrains précédents, les éléments précieux, le marbre, les bijoux et maintenant 1' or doivent étre associés a la pratique sadomasochiste, au voyeurisme et a la pornographie. Baudelaire associe le spectacle de cette desarticularon a la provocation langoureuse qu il déchaíne chez lui. Le regard vide de la femme est attirant pour lui, dans la mesure oú il attise son désir "ténébreux". Bientót, le théme de 1'ombre brodé par les rapports entre la mort et 1' amour (le cadavre d'un martyre) s 'infernalise comme son moyen d' expression s1 internalise. En effet, comme nous progressons a 1' intérieur du drame de 1' écriture - 1' ombre au langage, 1' ombre du corps s' opacifie la nuit de la conscience dans ses replis les plus caches jusqu' aux ténébres de l'áme: les "coupable joie", "fétes étranges", "baisers infernaux" et "mauvais anges" nagent continuellement dans les plis des rideaux. Le pli coupable du neuviéme quatrain renvoie done au premier pli pour ainsi diré puisqu'il le déplie, se repliant sur lui-méme, rassemblant sa forcé élocutoire pour continuer plus loin, plus tard, la déchéance finale lorsque 1' éventail de la feuille tombe en espaliers pendants. En effet, la "bassesse" de ce corps sans tete - on ne peut s' empécher de penser au poéme la charogne - est traduit par la chute d' un étre impur, a "!' ame exaspérée", aux "sens mordus par l'ennui" attaqué 48
par une meute de désirs alteres. Baudelaire tissant l'image révoltante d1 une sorte de charogne dévorée des animaux - des chiens ou des loups - se réjouit de ce spectacle de la "perfection": 1' immobilité, la passivité d'une femme vaincue par un homme cependant inassouvi. Dans ce poéme horripilant, ce cadavre de femme prostitué - de son vivant et surtout méme aprés la mort - au désir immense d' un homme desalteré paralléle la relation du poete a lui-méme son seul phallogocentrique désir poétique.xcvl L' amour, la mort unis a jamáis dans la femme-ombre de l'homme sont au coeur méme de la symbolique de l'ombre et son archétype loin de détruire l'illusion de l'intégralité de 1' étre (la tete - phallus, le masculin) par la désintégration du deuxiéme sexe (le corps du cadavre, le féminin) renforce des rapports de dépendance deja institués et plus encoré institutionnalisés par une société qui aprés le trafic d' esclaves et 1' échange de femmes valide et justifie la prostitution et la pornographie.Sade, Lacios, Baudelaire, Huysmans, Proust, Genét et bien d'autres dont Bosco, appartiennent a cette méme tradition á de différents niveaux d' adhérence il est vrai. En fait la conclusión á ce poéme est aussi ambigue et pernicieuse que la morale aux histoires d'ombres que nous examinerons bientót: Ton époux court le monde, et ta forme immortelle Veille prés de lui quand il dort Autant que toi sans doute il te sera fidéle, Et constant jusques á la mort
En effet, ce poéme baudelairien est dérangeant pour des raisons concretes evidentes et plus abstraitement par sa glorification d' un Ideal féminin inverse. C'est alors le rapport entre la structure du texte et l'ombre qui substitue au corps - du poéme -1' entétement pour ainsi diré d'une symbolique de la coupure (par le "pli"). La "fidélité" des époux, c'est la conformité et 1' adhérence de l'ombre le corps découpé de la femme mortelle, d' oü oxymoriquement la "forme immortelle" au texte qu'elle structure á 1' ame d' un mari reconstitué. En relation avec le bas-fétiche de la dépouille, "rosátre, orné de coins d' or" vu comme "souvenir" immortel, la vacance d'une "tete vide" par contraste est élévée á une statuesque et
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langoureuse provocation. En d'autres termes, la téte-phallus, vaincue par la répétition de la coupure doit étre (dé)culpabilisée a la coupe, d' oü la vocation du sang et le sacrifice de la martyre qui est toujours en trop - comme réincarnée.xcvu La rupture qui provoque la perte de sens ajoute done au paradigme de la bassesse qu' il renverse son contraire. Représentatif d'une inversión ténébreuse, ce poéme, en rapport avec la mémoire, fait jouer dangereusement l'ombre et la reflexión par l'opacité d' un langage qui comme l'ombre-phallus ne peut jamáis se libérer de sa référentialité, la coupure féminine. Ainsi la dé-marque "martyrise" par un manque total et proportionnel a la coupure 1' esthétique baudelairienne: la glorification du sacrifice qui nous échoit dans la réalisation...de 1' échec. Ce poéme baudelairien parmi tant d'autres met en lumiére les sombres rapports entre coupe et tabou, propriété et échange, prostitution et pornographie, transmission et héritage dans le cuite d1 un mythe (l'ombre et 1' échange) qu' il exemplifie. A ce point, nous aimerions développer la thématique auparavant discutée avant d' examiner ses paralléles dans les histoires d' ombre, de Chamisso á Bosco.
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' Anne Fausto-Sterling. "Life in the XY Corral". New York: New York University Press, 1993, p. 369. u Robert Giroux. Désir de Synthése chez Mallarmé. Canadá: Editions Naaman, 1978. m André Dabazies. Le Mythe de Faust. Paris: Armand Collin, 1972. 1V Fierre Lejeune. L' Ombre et la lumiére dans les Contemplations. Archives Hugoliennes n. 7. v Marie-Louise von Franz. Shadow and Evil in Fairy Tales. Boston: Shambala, 1995. P. 5. Vl Jorge Luis Borges. Ficciones. New York: Everyman's Library, 1993. p. 5. v " Juliett Mitchell. Psychoanalysis and feminism. New York, Vintage Books: Vintage Books, 1975. VU1 John Beebe: Integrity in Depth. Texas: A&M University Press, 1992. K Durant la derniére séance de psychothérapie, de M. Beebe avec une patiente cette derniére mécontente des soins qu'elle re?oit a decide d'arréter les traitements avec lui - ce dernier qui cherche á expliquer et résoudre leurs conflits remarque: I still thought to myself that she was not according me any more room to breathe than I had accorded her in defending myself...I was getting that her anger at how I had reacted to her touchiness was what we needed to follow now. I decided to let it have power over me by sticking with it rather than insisting on my feelings, a decisión that made me intensely anxious but somehow seemed correct. To use Teich's formulation, I had to enter a lunar masculine mode to reflect and not compete with the sudden clarity of her emerging solar feminity. (104) x Robert A. Johnson. Owning Your Own Shadow: Understanding the Dark Side of the Psyche. New York: HarperCollins Publishers, 1991. x ' John Herdmann. The double in nineteenth-century fiction. New York: St Martin's Press, 1991. x " Jeremiah Abrams and Connie Zweig: Meeting the shadow; the hidden power of the dark side of human nature. Los Angeles: Jeremy P. Tarcher, 1990. X1 " Cari Gustav Jung. Collected Works. Princeton: Princeton University Press, Bollingen Series XX, 1953-1990. xv ' L' ombre 'étant Finíame élément que nous rejetons constamment et qu'il faudrait apprendre á réintégrer. xv Ibid 7, p. 5. XV1 Contre": "en opposition avec" ou "sur" et "á cote de" justement. xv " Malheureusement on ne trouve que tres peu d' articles qui lui sont consacrés. Xvm lbid7, p. 123. X1X Erika Turner. La terrible fascination de 1' Ombre: Pierre Schlemihl et Une Ombre. Cahier H. B., n° 22. 1982, p. 116. xx Sandra Becket. Les reílets, les échos et les ombres chez Henri Bosco: Une Etude du Double obscur. Ontario: The Edwin Meller Press, 1993, p. 6. xx 'lbid,p. 139. xxi 'Ibid,P. 103. XXI " Alexis Chevalley. Lire Henri Bosco. Vevey: Editions Delta, 1974. xxlv Jacqueline Michel. Liturgie de la lumiére nocturne dans les récits de Henri Bosco. Paris: Minard, 1982. xxv Charles du Ry. Dans l'Ombre d' Une Ombre. Cahiers H.B., n°22. 1982, p. 111 XXV1 Henri Bosco. Des Sables á la mer. Paris: Gallimard, p. 99. xxvu Jorge Luis Borges. Ficciones. New York: Everyman's Library, 1993. XXVIU Umberto Ecco. The Ñame of the Rose. New York: Harcourt Brace and Company, 1983.
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xxlx
La lettre Y est á relier á 1' inversión de la lettre grecque A, symbole du sexe féminin. Le sygne est ainsi écrit pour représenter dans le mouvement de la différance la bifurcation essentielle á la re-création du triangle. xxx Max Milner. "Hosco lu par Bachelard". In José Corti. L' Art de Henri Bosco. París, 1978, p. 255. XXX1 Le sygne bosquien annonce tout autant qu' il énonce. II appelle tout autant qu' il épelle. Chapitre 1 xxxu
The New Oxford Annotated Bible. New York: Oxford University Press, p. 1. """'"XlXésiécle. Paris: Bordas, 1969, p. 194. Victor Hugo oppose au "Et lux facta est" le "Et nox facta est", dans son prélude á la Fin de Satán : Depuis quatre mille ans, il tombait dans l'abime. II n'avait pas encor pu saisir une cime, Ni lever une fois son front démesuré. Seúl, et, derriére lui, dans les nuits étemelles Tombaient plus lentement les plumes de ses ailes. II tombait foudroyé, morne, silencieux, Triste, la bouche ouverte et les pieds vers les cieux II cria: Mortl-les poings tendus vers l'ombre vide. Ce mot plus tard fut homme et s'appela Caín." II tombait. Tout á coup un roe heurta sa main; 11 l'étreignit ainsi qu'un mort étreint sa tombe, Et s'arréta. Quelqu'un d'en haut, lui: -Tombe! Les soleils s'éteindront autour de toi, maudit!Et la voix dans l'horreur immense se perdit. Et, palé, il regarda vers l'éternelle aurore. Les soleils étaient loin, mais ils brillaient encoré. Satán dressa la tete, et dit, levant ses bras: -Tu mens!- Ce mot, plus tard fut l'áme de Judas. Pareil aux dieux d'airin debout sur leurs pilastres, II attendit mille ans, l'oeil fixé sur les astres. Les soleils étaient loin, mais ils brillaient toujours. La foudre alors gronda dans les cieux froids et sourds. Satán rit, et cracha du cote du tonnerre. L'immensité, qu'emplit l'ombre visionnaire Frissonna. x> v "" Jean-Mathieu Rosay, Dictionnaire étymologique. Belgique: Les nouvelles Editions Marabout, p. 143. xxxv Dictionnaire de 1' Ancienne Langue Fran9aise et de tous ses dialectes du IXé au XV siécle. Paris: Frédéric Godefroy, 1888. Ce dictionnaire est, il faut le souligner: composé d'aprés le dépouillement de tous les plus importants documents manuscrits ou imprimes qui se trouvent dans les plus grandes bibliothéques de la France et l'Europe et dans les principales archives départementales, municipales ou privées, publié sous les auspices du ministére de l'instruction publique et honoré par l'instirution du grand prix Bobert. (p. 595)
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xxxv
'Ibid, p. 595.
xxxv
"lbid, p. 596. xxx™ lbjd
xxxix £-est pj D q u j m¡eux q ue quiconque nous offre une symbolique extraordinaire dans laquelle nous pouvons detecter - nous ne pensons pas nous fourvoyer - une lecture féminine de l'ombre. Dans le huitiéme segment tiré de The flowering of the rod. en parodie des longues series généalogiques trouvées dans la Bible, elle relie Marie á la mere universelle. Elle écrit: Now polish the crucible and in the bowl distill a word most bitter, marah, a word bitterer still, mar, sea, brine, breaker, seducer, giver of life, giver of tears; Now polish the crucible and set the jet of fíame Under, till marah-mar are melted, fuse and join and change and alter mer, mere, mere, mater, Maia, Mary Star of the Sea Mother "'Puis á sa maniere, dans le trentiéme segment, elle evoque tres subtilement á l'aide de l'image de la fleur l'ombrement de la Vierge vécu comme un pillage et un éparpillement de pétales douloureux. Comment dans ees conditions aurait-elle pu étre intacte? Elle utilise en particulier l'image ambigué de l'écharpe (symbole de l'hymen) que cet homme n'aurait pas touché mais qu'il aurait - dans le sens ancien de "connaitre une femme -, "reconnue". Comme le dit si bien H.D., "et á ce point et á cette ombre se fit le grand mystére." Elle écrit: As he stooped for the scarf, he saw this, and as he straightened , in that half-second, he saw the fleck of light like a flaw in the third jewel to his right, in the second circlet, a grain, a flaw, or a speck of light, and in that point or shadow, was the whole secret of the mystery;
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literally, as his hand just did not touch her hand, and as he drew the scarf toward her, the speck, fleck, grain or seed opened like a flower. H.D. Trilogy: New York: A New Direction Book, 1946, p. 71 & p. 152. On pense ici au Mythe platonicien de la cáveme développé dans la République. Des prisonniers sont condamnés á étre cloitrés dans une cáveme. Tournés vers le mur, ils ne peuvent voir de la réalité extérieure que les ombres des objets que des hommes font passer derriére eux. Un jour, on decide de libérer un des prisonniers afín qu'il puisse voir le jour et á son retour relater aux autres ce qu'est le réel. En rapport avec l'ombre et la dialectique copie-originale, une citation est intéressante: "They are like ourselves. They see nothing of themselves but their own shadows or one another's, which the fire throws on the wall of the cave. And so with the things carried past...And if their prison sent back an echo whenever one of those who went by said a word, what could they do but take it for the voice of the shadow?" Ainsi, l'ombre (du corps) est reliée a Techo (de la voix). Nous verrons que des poetes tels que Hugo, Baudelaire et d'autres exploitent ce ricochet: ombre -echo. xlu Theological Dictionary of the New Testament, Grand Rapids, Michigan: 1971, Volume 7; p. 396. "'"'Ibid. xüv lbid, p. 400. xlv On sait peu de choses de cet Acte Symbolique de génération. L'ombrement de Marie est souvent ainsi relaté dans la scéne de l'Annonciation (Luke l:26-38)qui représente: "The announcement by the ángel Gabriel to the Virgin Mary: You shall conceive and bear a son, and you shall give him the ñame Jesús." The Incarnation of Christ is reckoned to have taken place at this moment. The prevalence of the theme in Christian art reflects its doctrinal importance. Its three essential importance are the ángel, the Virgin and the Dove of the Holy Spirit descending towards her. The Virgin's most constant attribute is a book from which, according to Saint Bernard, she is reading the celebrated prophesy of Isaiah (7:14),'A young woman is with child' (Vulgate:'Virgo concipiet'), and she will bear a son...'A closed book, held in the hand, was said to allude to the Holy Spirit descending towards her. The Virgin's most constant attribute is a book from which, according to Saint Bernard, she is reading the celebrated prophesy of Isaiah (7:14), 'all prophetic visión has become for you like a sealed book...' Dictionary of Subjects and Symbols in Art, New York: James Hall, 1974, p.19. xlv 'Bien évidemment, puisque les hommes refuseraient á Marie toute crédibilité á son histoire "invraisemblable" et nieraient une "imprégnation" aussi douteuse, il vaudra mieux que Marie se taise. Marie est vouée au silence sous bien des formes. Xlv "lbid35, p. 475. xlviii Dictionnaire de la Langue Francaise du seiziéme siécle. Paris: Didier, 1961, p. 511. ""Ibid. 'Ibid36,p. 595. B Ibid,p. 596. ü 'Ibid. xü
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'"'Dictionnaire d1 Etymologie de la Langue Fran9aise. París: O. Bloch & W. V. Wartburg. P. U. F., 1968, p. 444 Uv George Poulet a écrit sur "les métamorphoses du cercle", nous proposons de nous centrer sur "les métamorphoses du triangle". lv Nous avons choisi de nous concentrer momentanément sur un listing que d' aucuns trouverons exhaustif, mais qui est conducteur de sens. Ivi lbid36,p. 596. lv " Ibid 48, p. 512. lvm L' ombre est également liée á la maladie et á sa guérison. II y a une représentation de "Peter healing the sick with his shadow (Act 5:14-16). As word spread of the Apostle's power of healing, the sick were carried out into the streets of Jerusalem merely in the hope that Peter's shadow might fall on them when he passed by. They are shown lying on beds and palléis and propped against walls of buildings; Peter, sometimes with John, stops to speak to them. In Antiquity and in some primitive societies today the belief exists that one's shadow is an integral part of one's being and has the power to influence for good or evil the person on whom it falls." James Hall. Dictionary of Subjects and Symbols in Art. New York: Harper & Row, 1974, p. 241. "" Nous ne sommes pas ombromanes, mais il est vrai que notre ombrophilie indique sous le désir de l'ombre une hantise de 1' ombre insoupfonnable jusque la. Nous ne cherchons cependant qu'á faire sygne á nos critiques, leur indiquer ce qu'ailleurs ils peuvent voir en eux-méme et l'échange de sygnes restera toujours une éternelle reconnaissance á nos lecteurs. The Dreamer's Dictionary. New York: Warner Books Edition, 1975. p. 330. u J. E. Circlot. A Dictionary of Symbols. New York: Philosophical Library '"'The Dreamer's Dictionary. New York: Wamer Books Edition, 1975. p. 330. """J. E. Circlot. A Dictionary of Symbols. New York: Philosophical Library. b!1 ". Ibid 34, p. 525. Dans sa Saison en Enfer, Rimbaud écrit dans l'Alchimie du Verbe: "Je réglai la forme et le mouvement de chaqué consonne et, avec des rythmes instinctifs, je me flattai d'inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l'autre á tous les sens. Je reserváis la traduction. Ce fut d'abord une étude. J'écrivais des silences, des nuits, je notai l'inexprimable. Je fixais des vertiges...Puis j'expliquai mes sophismes magiques avec l'hallucination des mots." Lx v ' Max-Pol Fouchet: Victor Hugo, imagier de l'ombre. Actes Sud: 1967 (53-5 Lxv Víctor Hugo: Les Rayons et les Ombres. Paris: Pléiade, 1964. kvi Voir notre étude comparative de l'ombre et du miroir en fin de thése. lxv "Le voile du latín "velum" est lié á la toile qui est un de ses sens étymologiques. La toile de "tela" est une ancienne forme de "texere" ou tisser, d' oü les rapports entre voile-toile et texte-(é)toile. Ibid 35, p. 504. ^ Ibid 65. ^ Ibid 34, p. 172. bíx " Et nous cherchons, souci moróse! Helas á deviner pour tous Le probléme que nous propose Toute certe ombre autour de nous!" Lxxi Pour une analyse détaillée sur le tríeme de l'ombre dans l'oeuvre de Victor Hugo, voir l'étude de P. Lejeune: L'Ombre et la Lumiére dans les Contemplations. Archives Hugoliennes, n. 7.
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b
"" i lbid34, p. 162 """""Ibid, p. 513. Verlaine, dans l'ombre de Victor Hugo rapproche l'ombre du nombre divin dans l'inspiration mystique de Sagesse. Ainsi, dans "Mon Dieu m'a dit", Verlaine écrit: "N'ai-je pas sangloté ton angoisse supréme Et n'ai-je pas sué la sueur de tes nuits Lamentable ami qui me cherches oú je suis? J' ai répondu: "Seigneur, vous avez dit mon ame. C' est vrai queje vous cherche et ne vous trouve pas. Mais vous aimer! Voyez comme je suis en bas, Vous dont I' amour toujours monte comme la flamme. Et pourtant je vous cherche en longs tátonnements, Je voudrais que votre ombre au moins vétit ma honte Mais vous n'avez pas d'ombre, ó vous dont l'amour monte" Ixxiv
Uxv Alfred de Musset dans "La Nuit de Décembre" reprendra le théme de l'ombre amie qui double la solitude du poete d'un souvenir d'antan: Je m'en (du frére) suis si bien souvenu Queje l'ai toujours reconnu A tous les instants de ma vie. C'est une étrange visión Et cependant, ange ou démon, J'ai vu partout cette ombre amie.
...
Qui done es-tu, spectre de ma jeunesse. Pélerin que rien n'a lassé? Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse Assis dans l'ombre oü j'ai passé. Qui done es-tu, visiteur solitaire. Hóte assidu de mes douleurs? Qu'as-ru done fait pour me suivre sur terre? Qui done es-tu, qui done es-tu mon frére, Qui n'apparais qu'au jour des pleurs? Ibid34,p. 217. lxxv 'BaudeIaire. Les Fleurs du Mal. París: Seuil, 1968. lyyv "Ibid, p. 48. lxxvi "Ibid, P. 46. """Mallarmé: Poésies. Paris: la Pléiade, 1945, p. 67. b í "" Le point d'ombre est également un point de couture (particuliérement utilisé avec de la dentelle). hxxi lbid79,p.41. lxxx " Admirer en passant le jeu subtil "résigne-cygne" á ¡'echo, k"""" C'est done bien dans la reflexión que le miroir mallarméen ajourne l'ombre. Ixxx v ' lbid79, p. 42.
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btxxv
A ce sujet, J.P.Richard écrit: "Prolongement, provocation: voilá la double face du Janus critique. Double face qui n'en forme en réalité qu'une seule, puisque prolonger le sens...cela revient á le forcer á toujours y renaítre dans la sensibilité d'un autre á vif et á neuf. Fidélité médiatrice, infidélité provocante, c'est sans doute le double ressort de la fonction critique". Cité dans Robert Giroux. Désir de synthése chez Mallarmé. Canadá: Editions Naaman: 1978, p. 11. bcxxv ' C est nous qui soulignons ees mots-clés pour mettre en évidence le pli, repli et dépli de la dentellerie mallarméenne sur laquelle nous reviendrons en détails dans notre analyse du poéme Les Fleurs. klxxvu C'est á Anne-Catherine Aubert queje dois, parmi tant d' autres, ce joli trope, ce dont je la remercie infíniment. ixxxvm £n cec ^ jj j m j te je p O j n ( d'ombre qu¡ est est également un point de couture particuliérement utilisé avec de la dentelle comme nous l'avons deja observé dans le poéme Hérodiade auquel nous renvoyons nos lecteurs. •""""Ibid 79, p. 48 xc Carl Gustav Jung. L' Homme á la découverte de son ame. Paris: Payot, 1982. Xc 'lbid87. Xdi lbid90p. 336. XCIU Sade ne parvient pas á nous faire avaler ses sentences ni au debut ni á la fin - pas plus qu' au milieu - des Infortunos de la Vertu. Nous laissons á ses males admirateurs et il y en a dans tous pays le soin - s' ils en ont envié - d' y sucer jusqu' á la fin la "substantifíque moelle". En d' autres termes, nous le passerons sous silence. XC1V D' oü F obsession bien sur par 1' allongement du sygne phallus xcv La volonté ou 1' usurpation du pouvoir sadique. XCV1 Le désir poétique baudelairien en tant que tel n' est pas coup'able. C' est que, dans ce poéme et d' autres malheureusement, la dynamique de cette thématique qui renforce la subordination tres concrete d' un sexe á l'autre est trop révoltante pour qu'on la loue ici. xcv " Dans ce poéme, le poéte-voyeur fatigué d' accuser, de questionner le cadavremartyre sans en obtenir ni répondant ni réponse, et pour cause, dans un dernier achamement conjure la victime de se relever et, comme réincarnée, "dé-sygnée", de parler, diré la "vérité" ou plus exactement, par un dernier "sceau", donner crédence á ses accusations: Réponds, cadavre impur! et par tes tresses roides Te soulevant d'un bras fiévreux, Dis-moi, tete effrayante, a-t-il sur tes dents froides Collé les derniers adieux? Voir 1 'excellente analyse de Mme Aubert sur 1' accusation. Celle-ci écrit: Dans une théorie du langage fondee sur la distinction entre le constatif et le performatif, 1' accusation, n' existant pas hors de la parole, se défínirait come un acte de langage. La défmition n' est toutefois pas simple. C' est que celui qui prononce une accusation prétend en general dévoiler une réalité extérieure et préexistante. "Prétend"- car ce qui caractérise cette réalité, c' est précisément son absence: ou bien la faute a deja été commise, ou bien elle est dissimulée. Bref, ce n' est qu' á partir du moment oü les faits présentent une zóne d' ombre que 1' on peut formuler une accusation á proprement parler. Anne-Catherine Aubert. Mallarmé et la bombe de Zola. Romaníisme n° 87, 1995.
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Chapitre 2
Ombre et tabou: les Histoires d' Ombre
...Ah! ah! - reprit-il en partant d' un grand éclat de rire, - une chose qui mérite reflexión! Mais, oserai-je vous demander, Monsieur, qu' est-ce que votre ame? L' avez-vous jamáis vue? Et que comptez-vous en faire quand vous serez mort? Estimez-vous heureux de trouver un amateur qui, de votre vivant, mette en legs de cette X algébrique, de cette forcé galvanique ou de cette polarisation, de cette entéléchie, de cette sotte chose, quelle qu' elle soit, un prix tres réel, le prix de votre ombre auquel sont attachés la possession de votre maítresse et 1' accomplissement de tous vos voeux? Adelbert de Chamisso. L' étranee histoire de Peter Schlemihl.
Ernest Crawley dans son étude anthropologique de la pensée primitive et de ses influences sur le mariage, primitif et de nos jours, souligne que la notion de danger qui pese sur les relations (sexuelles et autres) entre les hommes et les femmes relativement a la signification religieuse qui leur fut assignée, se manifesté par la prédication des influences maléfiques et 1' imposition du tabou (MR, 7) Son étude est intéressante dans la mesure oü á ce point, tout en ayant deja remarqué les rapports étroits entre "ombre", "coupure" et "origine" principalement par notre recherche linguistique et métaphorique, nous n' en avons pas encoré suffisamment approfondi le vaste réseau anthropologique: tabou/coupe, propriété/échange, ombre/femme. A la lumiére de cette étude, de nos recherches et de nos
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lectures, nous proposons done de détailler les rapports complexes entre "coupe" et "tabou", "propriété" et "échange" - et quoique sans nous y appesantir "prostitution" et "pornographie"1 - "transmission" et "héritage" dans le cuite d' un mythe: dans l'ombre de Peter Schlemihl, 1' échange qu' elle exemplifie. L' ombre, nous dit E. Crawley, est reliée au tabou dans la mesure oü dans certaines cultures primitives, on pensait que 1' ombre, objet-tabou pouvait étre utilisée comme moyen de transmission de certaines propriétés - un procede contagieux done - comme en Ethiopie oü l'ombre peut étre moyen de transmission de la maladie, comme á Hawai oü chacun s' assure de ne point laisser tomber son ombre sur la personne du chef, de peur de lui faire du mal (MR, 147-8). Ces croyances qui s' apparentent á bien d' autres - dont celle sur la salive particuliérement, aux vertus curatives, - englobent pour utiliser un terme générique tout objet ou sujet capables de "projection". L'ombre-tabou (projection/transmission) d' oü son ostracisme évident est liée á la crainte de la contagión. L' homme cherchera á éviter, á fuir méme á tout prix cette redoutable gangréne. Or, I1 un des moyens utilisés par l'homme primitif pour exorciser ce mal potentiel et ultimement s' en débarrasser s1 effectuera en "cassant" le tabou. C'est ainsi que comme le fait remarquer E. Crawley, dans certaines cultures, on contrecarre 1' effet négatif du mal en se barricadant, en se coupant du monde done (MR, 273). Ainsi, nous l'avons vu, on se protegerá de l'ombre de l'autre en évitant qu'elle ne nous touche. Egalement, on sacrifiera au mal une partie de soi-méme afin de préserver le tout (MR, 274). Cette coupure entre soi et 1' autre est en fait caractéristique du déplacement métaphorique de 1' ombre: la substitution a pour effet non seulement d' échanger certaines propriétés - sur une base égalitaire par un mécanisme de réciprocité - mais également de les changer en leur en substituant d'autres, c'est á diré en subordonnant une propriété á 1' autre. La métaphore a ceci de particulier que coupant I1 image et substituant á celle-ci dans 1' ouverture creusée par la séparation une autre image qui lui est attachée, elle permet de réconcilier les différences. Ainsi, l'union (sexuelle, symbolique et bien sur le mariage) est la méthode la plus efficace de réparer les défauts des hommes, de leur identité, de la langue. E. Crawley fait
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remarquer que chez les esquimaux par exemple, échanger sa femme avec les autres est un signe d' hospitaliíé qui est a son tour une approximation de 1' unión (MR, 297). Le moyen d' échange privilegié des nomines fut de tous temps 1' échange des femmes, leurs propres ou celles des autres par le mariage bien sur, mais aussi par la prostitution et bien évidemment la porno-graphie également. Eleanor Burke Leacock dans son étude du mythe nous permet d1 exploiter les notions développées ci-dessus en orientant notre approche vers une interprétation féministe. L ' étude d1 Eleanor Burke Leacock relie 1' action symbolique de 1' échange des femmes et du langage a la mythologisation du masculin dominante dans notre société. Elle écrit: Just as he (Lévi-Strauss) takes woman exchange for granted and tries to establish it as universal by applying it universally to a theory of social organization, so does he assume as universal and apply as universal the linked, polarized, and hierarchically ordered concepts of nature/culture=female/male=disorder/order, and so forth. Therefore his work becomes the vast spinning out of a metaphorical clustering basic to Western thought, but superimposed onto humanity as a whole, indeed a 'myth of mythology'."
Eleanor Leacock souligne le fait que "Lévi-Strauss dans Mythologiques en particulier, en réduisant les aspects idéologiques du mythe á un moyen d' interprétation des 'vraies' réalités structurelles fait preuve, non seulement de 'báclage' méthodologique, mais également se protege ainsi contre les aspects idéologiques de son propre travail." m Le mythe de l'ombre, son archétype, appartiennent á la tradition phallogocentrique á 1' origine de ce que Mme Leacock a appelé le "mythe de la mythologie". Nous nous proposons á ce point d' aborder 1' histoire d' ombre de Chamisso selon une interprétation (radicalement) féministe, et qui s' inspire des lefons tirées aux relations développées entre "tabou" et "coupure" en particulier. Chamisso et le trafile de 1' ombre (la femme)
Aprés Goethe, Adelbert de Chamisso dans L' Etrange Histoire de Peter Schlemihl reprend le théme du pacte avec la figure 60
de Diabolus, en modifiant quelque peu il est vrai le terme du pacte. Adelbert de Chamisso(1781-1838) a écrit l'Etrange Histoire de Peter Schlemihl en 1813. Dans la tradition populaire des histoires d'ombre, le conté connut en Europe un "succés immédiat", Comme le remarque Marie-France Azéma dans son introduction au conté: II semble que les pays germaniques l'aient (le théme de l'ombre) exploité plus que d'autres: leur folklore ahonde en comptines'v, jeux enfantins ("Schattejagis"), superstitions, évoquant ce qui arrive si l'on marche dessus, si on la perd. (PS, 6)
Mal dans sa peau, étranger a lui-méme, marginar, Peter Schlemihl s'est détaché de la société des hommes. A 1' origine et ironiquement, le nom "Schlemihl" est basé sur "shelumiel"1" qui signifie "ami de Dieu", ce dernier ayant donné á dieu son ombre (d1 ame). Or, dans le récit de Chamisso, Peter tenté par la perspective de la rémunération des défauts de son ombre la vend ou 1' échange mal bien sur - á la figure du diable dont, contre de 1' argent, il devient paradoxalement 1' ami. Mettant en péril la notion jungienne de l'intégrité de son ame, son salut par lá-méme, Peter Schlemihl, (z)éro de Chamisso se déposséde de son ombre en échange de la bourse de Fortunatus qui posséde la vertu magique de ne jamáis de désemplir. Le marché conclu, P.S. se rend progressivement compte des implications (la clause méconnue) du marché. La substitution s' avére incontrolable tout comme la coupure est insolvable. La bourse inépuisable de richesses noie bientót un homme au capital multiplié prodigieusement, mais définitivement banni - par le défaut de 1' ombre - de la société. Proscrit, tabou, Peter se barricade: il se coupe. Progressivement, car á l'origine, la perte de son ombre n'indispose pas P.S. plus que cela. Contre le silence de ceux qui s'en étonnent et le désignent du doigt: "Oü celui-lá a-t-il laissé son ombre?"..."Jésus-Marie! le pauvre homme n'a póint d'ombre", (PS,40) il échange quelques piéces de monnaie et continué son chemin jusqu'á ce qu'il s'avére - tres rapidement -impossible d'ignorer et de faire ignorer son infirmité qui le rend indigne d' étre hommevu. P.S. fuit désormais la lumiére et la société de ses (dis)semblables. Noyé dans son argent, inépuisable, P.S refuse tout autre échange. Revenir en arriére est désormais impossible. II n'y a
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plus de passé pour un homme sans ombre. P.S. doit s'interner dans une éternelle présence qui l'identifie á un futur problématique. La présence ne peut d'ailleurs étre totalement obtenue que par le compromis (compromettant), c'est á diré en assumant une fausse identité: P.S vit de pseudonymes, autant de substituís ou doubles d'une identité constamment menacée. Les "coupures" de Peter Schlemihl A ce sujet, il faut mentionner Paul Gilsonvm compositeur belge qui, dans 1' ombre de Chamisso reprend 1' histoire de Peter Schlemihl en 1' adaptant au théátre. L'homme qui a perdu son ombre" (dé)dramatisant le jeu d' échange negocié entre le Diable et Peter par un lexique résolument modernisé, dirige Peter sur la voix de la connaissance par un biais différent: du "détachement" (de Chamisso) au "découpage" (de Gilson). Nous faisons ici référence á l'opération effectuée sur l'ombre de Peter par le chirurgien Diable. Alors que chez Chamisso, l'homme en gris "détache" puis "plie" et "roule" l'ombre dans sa poche á la conclusión du marché, chez Gilson, Mirolus le Diable, la "découpe". Le verbe "détacher" est relié etymologiquement á une "propriéte", á un "signe distinctif" et est semblable á "Zeichen"(le signe, la marque) en allemand justement. Done, le verbe "détacher" a le sens de dé-signer quelque chose, de dé-marquer, dé-posseder, de priver l'autre de son signe distinctif et se l'approprier (ici, le diable 1' empoche). Semblable á un parchemin, l'ombre porte done dans son étre profond la signature de son signataire. Dé-signée, l'ombre marque dans la séparation un manque. Mis en absence, le présent s'instille et son diffus résonne au creux de 1' ouverture du vide. Peter, détache, peut se repeler et dans cette duplication, pour étre vraiment, il peut prendre conscience de sa nature qui appelle toujours un suivant, l'autre. Chez Gilson, le passage du détachement au découpage marque une évolution du signe. Le verbe "découper" est lié au latin "signum" dans la mesure ou celui-ci ("marque incisée") est formé á partir de la base "secare", couper. Que le signe soit détache ne fait aucun doute, mais que le sygne soit "coupé" est plus problématique. 62
La coupe double la possibilité d'inter-prétation alors que le détachement dé-sintégre la "double visión", imposant si nécessaire un retour á la premiére visión. La coupe met l'un a cote de l'autre le hasard, l'homme en gris et Peter, Peter et son ombre, l'homme en gris et l'ombre de Peter, Peter et l'ombre. Chez Chamisso, l'opération terminée, le narrateur concluí en disant: "Il(l'homme en gris) se releva quand il eut finí". Chez Gilson, le diable qui vient d'empocher l'ombre aprés se l'étre découpée, dit, isolant-coupant les lettres, épellant et comme égrenant sa propre satisfaction (le sentiment du parachévement á son triomphe): "F-I FI! N-I NI! FINÍ!" Par cette opération, la répétition, il formule un langage presque infantile mais á l'origine du mécanisme d'acquisition de la parole. Le doublage de syllabes est une étape de détachement et d'adhérence pour une re-production du processus. Peter re-produit Schlemihl. Schlemihl re-produira nous le verrons plus loin le Schlemihilium. La recoupe par l'entre-deux configure un systéme d' acquisition que seul un bilinguisme permettrait d'isoler. Si un certain isolement suit la coupure entre Peter et Schlemihl chez Chamisso, chez Gilson au contraire, la scéne est suivie d'une conversation entre Thomas et Rudolph. Ce qu'il advient de Peter, ce qu'il a fait est passé reellement sous silence, ce qui une fois de plus confirme le passage d'un sygne-réserve (détaché) á un sygne resservi (découpé et redistribué). Egalement, une étude comparée du deuxiéme interméde de Gilson et d'un passage tiré de Chamisso permet de mettre en relief le découpage-dédoublement de l'ombre. Désormais il faut compter avec le sygne (sygnifiant-sygnifié). II faut pour trier "tripler" dirions-nous. Chez Chamisso, une autre négociation (un échange) s'engage entre Peter et l'homme en gris. L'homme en gris déroulant l'ombre de Peter de sa poche la jette á ses pieds. Ceci a pour résultat de déclencher l'observation médusée de Peter: "il se trouva avoir deux ombres á sa suite, car la mienne obéissait, comme la sienne, á tous ses mouvements." (PS, 78-9) L'homme en gris, trois en un, propose á Peter de luí restituer son ombre en échange cette fois-ci de son ame. II doit signer cette fois-ci. Peter bien évidemment refuse l'odieux marché. II ne peut dans le retour de l'ombre étre restitué á lui-méme puisque cette restitution 63
impliquerait la perte irremediable de son "essence" invisible mais indéfinissable et inestimable, son ame. A la consigne, Peter préfére le signe. Dans l'exclusion du triangulaire, Peter reste a la base du cóne. Son isolation circulaire qui le fait constamment tourner sur lui-méme sans progression envisageable tient quand méme toujours á un fil...vital...son ame. Chez Gilson, le nouveau marché proposé par Mirolus est encoré plus odieux. Peter qui a perdu Schlemihl est confronté á un pseudo Schlemihl, une sorte de pseudonyme (ou pseud'ombre si l'on veut). Nous voulons diré qu'ayant perdu son ombre premiére, une ombre originale inchangée, Mirolus luí en offre une autre qui, mal restituée helas pour lui, ne correspond plus au corps variable de son ancien détenteur. C est ainsi que pour lui donner le change pour ainsi diré, l'ombre originale propose á son ex-ombre une autre ombre, une deuxiéme ombre qui, lui dit-elle, lui sera plus appropriée. Peter, d'abord alléché, est furieux lorsqu'il apprend qu'en échange de cette ombre qui n'est pas la sienne, il devra en plus echanger son ame! Doublement dérobé, Peter refuse le jeu de substitution qui ferait correspondre á sa nature profonde un équivalent frauduleux, l'usurpation de l'áme. Peter refuse l'asymétrique de cette symbolique, ce qui a pour effet de redoubler le rire infernal de Mirolus." Mais P. S. reste toujours 1* ombre de lui-méme dans le sens que le corps, enveloppe de l'áme, substantifie dorénavant le dépót précieux. P.S. sait qu'il ne pourra plus retrouver son ombre sans compromettre son ame á jamáis. C' est pourquoi il s'attache désormais á son corps en péril certes, mais dépositaire de l'objet de convoitise du Diable. Différents valets lui servent d'ailleurs de doubles - d'ombres - en le mettant en garde contre lui-méme et les autres. P.S. n'a plus qu'une solution pour se sauver et trouver ce qu'au fond il recherche vraiment. L' enquéte de 1' ombre (ame) n'est qu'un moyen indirect, un biais, pour atteindre le réel objet de la quéte, la connaissance de soi par la fragmentation et l'isolation mais aussi la possibilité de la(ré)intégration par l'étude (et l'écriture bien sur, effort supréme de la "possession1"" de soi). P.S., dans un corps á corps avec son ombre qu'il semble momentanément, illusion douloureuse, vouloir étreindre croyant s'atteindre étreint l'autre (dans ce cas, le Diable, son legal propriétaire):
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Cependant, une ombre qui ressemblait assez á la mienne glissait devant moi sur le sable, et semblait, allant ainsi seule, avoir perdu celui á qui elle appartenait. Cette vue éveilla toute ma cupidité: 'Ombre! - m'écriai-je, - si tu cherches ton maítre, je veux t'en servir.' Et je m'élansai vers elle pour m'en emparer, car je pensáis que si je réussissais á marcher dans ses traces, de fac.on á ce qu'elle vint juste á mes pieds, elle y resterait sans doute attachée, et pourrait avec le temps, finir par s'accoutumer á moi. L'ombre, á ce brusque mouvement, prit la fuite devant moi, et je la poursuivis...Tout á coup elle s'arréte et se retourne vers moi... dans cette action subite, je tombai en avant et alors un homme que je teñáis embrassé, et qui était tombé sous moi á la renverse, m'apparut soudain...Je sentís comme un brouillard passer sur ma tSte; je regardai autour de moi, je frérnis d'horreur: l'homme en habit gris était assis á mon cote, et me consideran avec un regard infernal. II avait étendu sur moi le bonnet de nuages qui le couvrait et mon ombre gisait paisiblement á ses pieds á cote de la sienne( PS, 82-6).
La réintégration reste constamment á refaire pour P.S. En reniant ce qu'il étreint et qu'il reconnait toujours pour et comme autre, P.S. se refuse la paix. II se met en position d'échec et s'impose la vacance. Les critiques ne prennent pas en compte les relations entre Peter et sa maitresse Mina ni la fonction du mariage centrales á la progression de l'intrigue. Or, la "coupure" de 1' ombretabou*" étudiée précédemment est reliée au mécanisme d' échange (particuliérement au pouvoir de 1' argent) et est bien évidemment associée aux réalités socio-économiques et politiques du mariage nous I1 avons vu - et par extensión au symbolisme de 1' unión en general. La rémunération par 1" unión L' unión avec les femmes est une commodité, une "propriété" que 1' homme et le pére veulent voir "profiter". Ceux-ci par conséquent doivent "proteger" leur capital, le placer et ménager par le mariage. Or Peter qui espérait étre reintegré á la société des hommes et á lui-méme par l'intermédiaire de Mina, qu 'il considere comme son ame, voit s1 écroüler ses revés de mariage étant donné sa condition de "castra". Pour ainsi diré tabou, Peter, coupé de son lien á 1' humanité, n' a pas droit á cette unión. En échange de Mina, sa filie, il faudra, dit le pére de la future mariée qu' il retrouve une ombre. Or, pour recouvrer cette ombre, il devrait ceder sa propre ame. Bien évidemment, Peter préférera abandonner Mina, (son
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ombre métaphorique, son ame) c' est á diré "y couper" en la sacrifiant™ á son propre valet au nom emblématique de Rascal. Refusant cet échange: son ame contre Mina - plutót que 1' échange de 1 'ombre contre son ame avec le diable - il coupera court á la relation avec Mina et partirá en voyage. Quant au pére, rien n1 est plus facile que de substituer Rascal, le double inférieur de Peter, son valet, á celui-ci, pour échanger une filie encumbrante á gérer. Quant au sacrifice de Mina, symbole du sacrifice de 1' amour féminin, Marie-France Azéma, dans une de ses notes á Peter Schlemihl souligne - est-ce une raison pour le justifier? - qu1 il correspond á 1* ideal de 1' époque romántique!xlv L' échange, 1' homme en habit gris 1' avait deja fait remarquer á Peter, est bien plus terre á terre que cela: c'est 1' ame qui rachéte 1' ombre qui acheté Mina. II dit: Mais oserai-je vous demander, Monsieur, ce que c'est que votre ame? L' avezvous jamáis vue? Et que comptez-vous en faire quand vous serez mort? Estimezvous heureux de trouver un amateur qui, de votre vivant, mette en legs de cette X algébrique, de cette forcé galavanique ou de polarisation, de cette entéléchie, de cette sotte chose, quelle qu' elle soit, un prix tres réel, le prix de votre ombre auquel sont attachés la possession de votre maítresse et 1' accomplissement de tous vos voeux. (PS, 77)
Ainsi done, selon le diable, le rachat est attachée á la possession (de la femme). On peut spéculer indéfiniment sur 1' origine de 1' ame et de 1' ombre, mais 1 'histoire d' ombre, nous le voyons est moins báñale qu'elle y paraít.xv Romantisant les relations entre Peter et sa maítresse Mina, oblitérant la présence de celle-ci, les critiques comme Marie-France Azéma ont substitué aux réalités socio-économiques de 1' échange de 1' ombre (métaphore de 1' échange de la femme, le mariage), le mythe de l'ombre avec son inevitable archétype jungien. A notre avis en tout cas, cette forme mystérieuse, "cette X algébrique", cette "forcé galavanique" ou "polarisation", cette "entéléchie", "cette sotte chose" que 1' homme en gris mystifie et démystifie en méme temps ne représente pour luí que 1' anonymat d' une signature. X contre le signe de la "possession", telle est la seule monnaie d' échange que le diable convoite dans ce marché odieux. C' est ainsi qu' á notre avis le seul échange possible entre le Diable et Peter est contráete par le signe pornographique. D' aucuns sourcilleront á cette affirmation. Or, le signe "porno-graphique" dans ce trafic de 1' ombre est bien la proposition céntrale 66
subordonnée á 1 échange de possessions. En effet, étymologiquement, ce terme est derivé du grec "porne" qui est á 1 'origine un euphémisme pour une chose qui est vendue, et plus tard "prostituée". "Porne" est lié á "pernemi" qui signifie "vendré un esclave" par exemple, ou obtenir un pot de vin. En fait, "pernemi" est lié á "per" qui signifie "vendré" avec 1' idee en anglais de "bring across" oü "come o ver" d' oü la notion de dé-placement. Quant au grec "graphein", il signifie 1' action d1 écrire, bien évidemment. Par le commerce douteux qu' il entretient avec ses clients, classé X, le sygne est bien un tabou au post-scriptum pomo qu' une distribution et une diffusion grandissantes impriment au coeur d' une société du dix-neuviéme siécle en pleine révolution industrielle. Et ce graphisme, sa connection au capital relié étymologiquement á la téte-phallus, renforcent et justifient la subordination™ des femmes á 1' ombre du désir de possession de 1' Homme. Ainsi, pour faussement préserver (son ame) Mina de la contagión du sygne, Peter la prostitue á Rascal, un échange frauduleux qui - loin d' étre romantique - représente la basse réalité socio-économique de cette époque et de la nótre bien sür.xvu Le troc truqué de P.S. ne lui rachéte pas Mina, bien au contraire. En fait, Peter aprés avoir rompu avec Mina et 1' avoir bradée á son valet, Peter en désespoir de cause coupe ses finances et embrasse cette fois-ci la faillite totale. La seule unión possible pour Peter aprés 1' échec du mariage, c'est le vide total. II jette la bourse de Fortunatus puis re-coupé de tout et de tous, il voyage, s' entourant de montagnes, de frontiéres et tracant des lignes de séparation entre lui et le monde, bref, il devient inaccessible. C est dans le voyage que P.S. se dépaysant, explore les terres inconnues oü il essaie de s'attacher un temps, pour s'assumer. Mais en voulant atteindre le coeur des choses, P.S s'extériorise aux póles, se bipolarise, pourrions-nous diré. Le passage (délicat) entre les différents mondes n'apportera pas vraiment de solution á la quéte démesurée de cette ame en transit. Les études scientifiques que P.S récoltent dans ses pérégrinations, si elles le distraient, ne LUÍ apporte pas la consolation escomptée. Le biais qu'il a choisi (mais est-ce un choix, justement?) est le suivant: ne pouvant trouver un remede, une anti-dote á la perte de 1' ombre, ayant abandonné les biens matériels pour l'enrichissement spirituel, P.S. concrétise la 67
matérialité de son bien-étre. Par la diffusion de recherches minutieuses, de calculs, de conclusions, d' hypothéses souvent méme, résultat de son long travail et de son imagination, P.S offre aux autres la possibilité de connaítre son histoire et par projection de s'y reconnaitre. En fait, tracer des lignes est pour Peter la seule compensation possible au défaut de sa condition. C 'est a diré que 1' écriture assurera a Peter un rachat illusoire provisoire. Or, cette X qui fera tant couler d' enere, c'est par la dé-marcation également, la perte de l'hymenxvul par un sygne lié a "secare", "secus" et a "sexus" en latín. Au centre de 1 'écriture du récit de 1' Etrange histoire de Peter Schlemihl. se trouve le désir de rompre le tabou, de se racheter et par la transmission d' une morale pour le moins contagieuse, le tabou rompu, de léguer son "oeuvre" á son ami, ici Chamisso - plus tard, lá-bas Henri Bosco, qui ironiquement, pour couper au tabou sur Peter (et par conséquent sur lui-méme) 1' edite: Enfm, mon cher Adelbert, c' est toi que j' ai choisi pour dépositaire de ma merveilleuse histoire, dans laquelle, lorsque j' aurai parcouru de dessus la terre, plusieurs de ses habitants pourront trouver encoré d' útiles le£ons. Quant á toi, mon ami, si tu veux vivre parmi les hommes, apprends á révérer, d' abord 1' ombre, ensuite 1' argent (PS, 125)
Ce don incroyable qu'il fait de lui et de ses ouvrages au corps scientifique servirá aux générations futures, mais P.S. restera dans 1' ombre, sans son ombre, jusqu'á une mort problématique. Oü et comment meurt-on sans son ombre (qui tient á l'áme)? P.S d'ailleurs deja mort au monde, á lui-méme, n'aura pas compris sa condition tragique. II n'aura pas vu que plutót que de chercher ailleurs (ce qui ne peut étre incorporé) un sens á son histoire, il aurait dü se tourner á l'intérieur de lui-méme. S'il pense sauver son ame en cultivant son esprit, son corps écartelé aux póles le comprime á l'intérieur de son opacité. P.S, ironiquement, restera sa propre zóne d'ombre, son post-scriptum. Coupé, le sygne s1 est allongé en se remélangeant á l'autre, aux autres, en d'autres termes le signifié (Peter) se remelange aux signifiants (comme les ombres de Thomme en gris). Le sygne á la coupe met le sygnifié en insignifiant et désormais la sygnification passe par l'apport d'éléments au sygne tronqué. Nous faisons référence ici á la mise en symptóme du nom propre de Peter chez 68
Chamisso. Peter tronqué souffre de "Schlemihilium" et se rétablit dans le "Schlemihilium", inconnu de tous. Que le "Schlemihilium" soit et une mal adié et un remede a cette maladie reproduit étape par étape la fissure du sygne. Inutile de diré que le "Schlemihilium" ultimement se rapporte a la maladie de 1'áme dont souffre le corps. D'ailleurs, Schlemihl est devenu si coup'able que méme le poete Heine parle de "Schémihilitude"*" comme un signe existant dans la langue. C'est en fait 1' héritage de 1 ' histoire de Peter et en quelque sorte la (\eqon de) morale de 1 'histoire! Dans un sens, Peter en réactualisant la sainteté "shelumiel" inherente a son étre remunere le défaut du nom propre Schlemihl (ami du diable). II ne faudrait pas oublier que dans la Bible (Actes 5:1-12) St Fierre soigne les malades avec son ombre. La mise en abyme d'une ombre Or, cet héritage est d'autant plus contagieux qu' il fut transmis aux lecteurs successeurs de Chamisso: de Andersen et Gilson á Bosco...Andersen, également dans l'ombre de Chamisso, dans l'ombre de Faust, dans l'ombre de l'ombre done, continué en le modifiant quelque peu le mythe - car l'ombre est bien un mythe - et, contrairement á ce que d'aucuns ont affirmé, l'ombre n'est pas seulement un volet du double. Elle a bien son battant á elle, son propre cadre, ses propres fenétres, ses ouvertures. Elle existe pour elle-méme et avec ce travail, nous espérons en quelque sorte la remettre á sa place (de choix). Andersen est connu essentiellement pour ses contes d'enfant. Dans cette lignée, L' Ombre appartient á la tradition du conté d'enfant sans pour autant lui étre nécessairement destiné. Par la sophistication et subtilité de l'intrigue dont le théme fait echo á 1' histoire de Peter Schlemihl, L'Ombre s'adresse plus aux lecteurs adultes. La symbolique au coeur du mariage "vierge" entre Peter et Mina - céntrale á la thématique bosquienne - est reprise et développée chez Andersen par la métaphore du "balcón". Chez Andersen cependant la thématique est inversée: C'est 1'homme qui est son propre diable, c'est á diré qu' en échange de la connaissance 69
(de la poésie), il sera forcé ultimement d' abandonner á son ombre ses droits sur sa personne. S' il n' y a pas de "marché" á proprement parler, il y a dépossession de soi et la libération de son double (son ombre) dont il paiera les conséquences "logiques" par 1' anéantissement du corps et la libération définitive de son "ame": le couronnement et dénouement au balcón. Dans cette histoire done, contrairement á Chamisso, le tabou de la poésie est rompu aprés 1' élimination du corps, par le mariage de l'ombre avec la poésie (une femme, une "filie de roi"). Nous vous proposons á ce point, dans notre "traduction" du conté d' Andersen une explication de texte qui mettra en valeurs ees rapports précédemment énoncés. Andersen: L' ombre au balcón Chez Andersen, 1' introduction péremptoire nous transporte dans l'histoire du locus de P.S á sa conclusión. L'homme cultivé savant - érudit - étudiant (le narrateur dans un apparent détachement total lui donne toutes sortes de titres) froid visiteur des chaudes régions, croit passivement et paresseusement sans danger et avec désintéressement total pouvoir se dédoubler sans se désintégrer, en envoyant sa représentation (son ombre) visiter les lieux caches de sa curiosité. II se trouve cependant confronté á une réalité douteuse: sa liberté ici ne peut que se garder intacte entre ses quatre murs, derriére ses portes et fenétres et non pas en voyeur par le trou d'une serrure sans clef. Et la chaleur, contraire á sa nature ne peut que le conduire comme les autres au calfeutrage, camouflage ou isolation, ce qui empéche le désir d'explorer et d'apprendre. S' il apprend, le chercheur trouve dans la re-création de la nuit une semblance d'absence qui recree une présence somme toute par la méme énigmatique. Inadapté aux conditions météorologiques, l'homme sage se désséche et maigrit tout comme son ombre (elle lui est á prés tout tout aussi attachée) C est seulement la nuit que 1'homme cultivé et son ombre semblent revivre et sont quelque peu revitalisés. C'est par une semblable nuit que le savant observe de 70
son balcón la vie dans les rúes et á l'opposé direct de sa fenétre, le balcón d'en face. Le silence semble avoir dépeuplé l'espace apparemment inhabité (S, 297). Pourtant, les fleurs - symboliques comme chez Chamisso qui ornent le balcón nécessitent forcément les soins attentionnés d'une main charitable. De plus, chaqué soir, á la méme heure ou á peu prés, la fenétre s'ouvre et d'un coin inconnu, des notes de musique s'échappent, délicieuses. Cette évaporation sonore est peut-étre se dit-il le fruit de sa maladive imagination. Interroga sur la nature des voisins de l'érudit, son propriétaire ne peut lui repondré. En tout cas, ce dernier juge leur habitude musicale particuliérement ennuyeuserdétruisant l'illusion de continuité dans la mélodie, l'enchainement musical constamment menacé par les répétitions maladroitement exécutées, le frustre au plus haut degré. Une nuit que l'étranger dort, le vent par son souffle souléve les rideaux de la fenétre de ses mystérieux voisins, lui révélant á sa stupéfaction, de merveilleuses fleurs de couleurs variées, et parmi les fleurs une Venus pudique, jeune filie gracieuse que vient glorifier tout cet éclat et étalage de couleurs. Ouvrant les yeux, le jeune etudiant se reveille et bondissant hors de son lit se precipite á sa fenétre pour mieux profiter du spectacle. Helas, la jeune filie s'est volatilisée! disparue la gloire qui l'environnait; les fleurs ont perdu leur éclat, la porte reste á demi ouverte et la complainte musicale joue. Le jeune homme se croit ensorcelé. Un soir, rhomme cultivé est de nouveau assis á son balcón. La lumiére placee derriére lui lui renvoie son ombre sur le mur d'en face et il lui semble que le reproduisant, elle est également assise parmi les fleurs. N'y tenant plus, l'étranger, comme il referme les longs rideaux sur lui, s'adresse alors á son ombre et lui propose d'entrer par la porte entrouverte et de s'enquérir de ses habitants. (S, 298) Comme le remarque Jung: "nous n' aimons pas regarder du cote de 1' ombre de nous-mémes. Nombreux sont les membres de notre société civilisée qui se sont en quelque sorte débarassés de leur ombre et 1' ont perdue." (110)"* Or, c1 est exactement ce qui arrive au jeune etudiant. En effet, le lendemain, le jeune homme s'aper9oit qu'il n'a plus d'ombre: un soir, il se met au balcón, allume les chandelles et essaie
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de faire apparaítre son ombre, sans résultat. Celle-ci, il en concluí, est done restée derriére la porte d'en face et ne lui est pas revenue. Comme il savait qu'il y avait deja une histoire semblable a sa propre aventure dans un autre pays, par un autre narrateur, connu des siens, l'étranger se retient de raconter son histoire car il se refuse a plagier! il se determine á ce qui lui paraít comme une sage résolution: garder le silence. (S, 299) E. Crawley dans son étude fait remarquer que la suppression genérale du tabou prend diverses formes (MR, 271). Nous avons vu comment dans 1' histoire de Peter Schlemil le trafic de la femme - son échange - servait de rémunération au défaut du mariage. Nous verrons comment chez Andersen le tabou est supprimé par un échange différent: la substitution par la "délégation", une notion développée chez E. Crawley. Celui-ci écrit: By the use of dummies, one persuades the evil influence that one is dead already, or engages the attention of evil agents, while escape is being effected. Similar is the use of proxies or substitutes, to keep the danger from the person concerned. (MR, 273-4)
Dans 1' histoire d' Andersen cependant, c'est inversement á la logique précédemment énoncée, le corps qui sans le savoir encoré se sacrifie au service de 1' ombre. En maintenant son corps dans 1' ignorance de ses actions et la progression de ses recherches dans le silence, 1' ombre tient le corps maladif - il dépérira de jour en jour dans 1' esclavage de la chambre, tandis que protégée ainsi du danger, libérée, cette derniére croít chaqué jour. Separé de son ombre, le savant ne sait que faire de son corps. Tandis que l'ombre voyage de son cote, le corps essaie de se refaire une santé. Par chance, comme dans les pays chauds tout repousse tres vite aprés huit jours une autre ombre commence á repousser, á la grande joie du savant. II en concluí que la racine de l'ombre était restée intacte. En l'espace de trois semaines, il s'était fabriqué une autre ombre. L'homme érudit retourna chez lui et se mit á écrire sur tout ce qui était vrai, bon et beau. Les jours passérent , des semaines, des années... Un soir, il entendit qu'on frappait á sa porte. - Entrez! ditil. II se leva et la porte s'ouvrit sur un homme extraordinairement maigre, si maigre qu'il en fut frappé de stupeur. La personne en
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question était excessivement bien habillée et il ne la reconnut d'abord pas. Mais il s'avére que c'était bien son ancienne ombre. A sa grande surprise, l'érudit s'enquiert des aventures de 1' ombre et s'engage a ne jamáis révéler comment l'ombre naquit ou prit chair dirons-nous. L'ombre commence á décrire la maison dans laquelle il était la nuit ou l'érudit l'y avait envoyé. L'ombre a tout vu. Elle sait tout, affirme-t-elle, mais elle ne décrit pas ce qu'elle a vu et ce qu'elle sait (S, 299). II n'y a pas vraiment d'échange possible. La supériorité de l'ombre sur l'érudit est désormais telle qu'il n'y a plus d'accord envisageable. L'ombre dit avoir développé une relation intime avec la Poésie, qui représente depuis toujours sa nature profonde. Le savant aurait pu d'ailleurs lui-méme s'approprier cet art s'il n'avait pas decide d'envoyer son ombre á sa place, abandonnant á son double un trésor extraordinaire. Comprenant sa destinée de poete, l'ombre a eu honte de se déplacer sans couvert. Cachee sous le manteau d'une servante, voyageuse-voyeuse, l'ombre voit tout ce qui se passe et perce les secrets méme les plus noirs. Elle inscrit sur un journal les vices caches des personnes épiées et ainsi inspire la terreur et rémerveillement un peu partout oü elle passe. Ainsi, par chantage, l'ombre est devenue homme riche. (S, 3O1) Aprés cette entrevue, l'ombre prend congé de son ancien corps en lui laissant une carte...de visite: l'ombre revient cependant pour une deuxiéme visite. Cette fois-ci, elle propose un marché á l'homme sage. Un marché étrange pour le moins qu'on puisse diré: elle propose á son ancien corps de l'accompagner dans ses voyages et de lui servir d'ombre. D'abord 1' érudit refuse et la prend pour une folie, mais comme ses affaires bientót tournent mal et que ses travaux le désespérent, il finit par accepter le marché. lis voyagent cote á cote, l'ombre le maítre, le maítre l'ombre. Le maítre (devenu pour ainsi diré l'ombre de son (e)xombre) demande á ce qu'ils se parlent ou peut-etre établissent un autre lien de párente que la relation de dépendance actuelle. L'ombre propose á son valet de le tutoyer,*" lui donnant ainsi vraiment le statut de valet. Inutile de diré que ce n'est pas ce que le valet escompte, mais il ne dit rien. (S, 302-3) lis rencontrent bientót á une spa la filie d'un Roi. Elle pense connaitre le secret de l'ombre( que l'ombre-le maítre n'a pas d'ombre justement). L'ombre 73
lui répond en disant qu'en fait, il a pris pour une ombre, un homme, un savant! La princesse bientót tombe amoureuse de l'ombre. Pour évaluer sa sagesse celle-ci s'enquiert de ses connaissances en lui demandant de résoudre des énigmes tres sybillines. L'ombre prise au dépourvu, répond que son porte-parole (son ombre) pourrait repondré á ses questions si elle daignait le questionner. Ceci lui prouverait plus que si lui-méme répondait. En effet, la logique veut que si son ombre est tres savante, son possesseur ne peut étre qu'encore plus savant. Questionné, le valet-ombre répond si bien que la princesse se flatte d'avoir des personnes aussi merveilleusement sages á sa cour (S, 304-5). La princesse et l'ombre se fiancent. L'ombre demande á son ombre de se taire sur la vérité de sa naissance, mais l'ancien maítre, indigné, refuse. L'ombre, le faisant passer pour fou dangereux, l'envoie en prison et le fait tuer. Peu aprés, l'ombre et la princesse se marient, faisant leur premiére apparition á leur balcón, unanimement acclamés par la foule (S, 306-7). Morale douteuse et cynique, l'histoire d'Andersen, dans l'ombre de Chamisso dédouble les relations tissées entre le savant et son ombre, rabaissant le compagnonage au niveau de dépendance abjecte: maitre-valet. Esclave de son ombre le maítre au moment oü il lui legue le pouvoir de s1 aventurer sans lui, de l'autre cote, s'est mis dans cette situation de dépendance totale. Privé de son ombre legitime, doublé d'une faible ombre par la forcé des choses, le savant ne peut qu'échouer dans son désir de connaissance. Le vrai, le bon et le beau qu'il étudie une fois rentré chez lui ne lui permettent pas de trouver le bonheur. C'est parce que l'étude, une fois encoré et ceci parallelement á l'histoire de P.S., ne peut remplacer la vie dans le sens que le savant avait le bon, le beau le vrai peut-étre á portee de la main. S'il avait daigné aller lui-méme plutót qu'en représentation de l'autre cote, il aurait pu lui-méme apparaítre au balcón, marié, acclamé. En envoyant son ombre á sa place, il se donne la mort et ce lent suicide permet la naissance, la consolidation et la consécration de son ombre. La connaissance, une fois encoré, comme dans P.S. passe inévitablement par le biais de l'ombre, ou l'usurpation. Ici, la révélation á la poésie, fatale au savant, permet rincarnation de l'ombre royale. Le balcón original, entrée sur 74
l'autre monde, l'invisible, le féérique, le revé, l'Autre comme miroir de sa face cachee est le lieu et focus privilegies de l'apparition, son approbation par les autres. Le jugement done fait son entrée sur l'extérieur aprés s'étre intériorisé et débarrassé de son double (son ombre). C'est ainsi que la thématique du balcón est au coeur de l'histoire d'ombre d' Andersen. Dans le paysage de la projection, Le balcón est le lieu d1 échange privilegié entre la "Glorification de 1' Image et du reflet'lxxu et 1' ombre au balcón qui cassant le tabou brise 1' Image au profit du reflet. Poursuivant notre mise en abyme de l'ombre, on verra maintenant que le fil de l'ombre a l'áme dans les labyrinthes du double au triple esquissés par la radicalisation dusygne tronqué suivent leur parcours de Chamisso a Bosco en passant par Poe qui développera le tabou du sygne par le mariage a la mort. Reste done maintenant a suivre notre fil d'ombre et á étudier sa trace éphémére chez un maítre dans son genre, Edgar Alian Poe. Poe: L'ombre, une parabole
L'écriture et lecture du sygne d' ombre dans ses axes paradigmatiques et syntagmatiques sont problématiques. Le mouvement (dé)tournant du labyrinthe qui s'impose pour un re-tour á soi implique une dé-rivation perpétuelle qui pourrait se formuler ainsi: (dé)rive: vire. C'est le croisement (du sens) qui problématise vraiment la nature á paradoxe du sygne puisque souvent, le croisement croisera la oü Ton s'atteint le moins. Dans l'ombre, on se croise done constamment. Poe, dans sa parabole, illustre brillamment cette problématisation du sygne. Chez Poe, la parabole de l'ombre s'ouvre sous forme de prophétiesur un avertissement aux vivants : Ye who read are still among the living; but I who write shall have long gone my way into the región of shadows. For indeed strange things shall happen, and secret things be known, and many centuries shall pass away, ere these memorials be seen of men. And when seen, there will be some to disbelieve, and some to doubt, and yet a few will fmd much to ponder upon in the characters here graven with a stylus of Lron (PA, 457).
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Aprés cet avertissement prophétique, le narrateur encoré anonyme décrit la situation planétaire épouvantable de l'année dans laquelle se déroule l'histoire. Aprés ees considérations genérales, le narrateur en vient au particulier, c'est á diré qu'il décrit l'endroit oü il se trouve, "Ptolémais" et les sept compagnons qui sont avec lui. S'ensuit une description détaillée de la piéce: un hall. Dans la tradition gothique, les détails des descriptions orientent ainsi la narration vers le Mal: Black draperies, likewise in the gloomy room, shut out from our view the moon, the lurid stars and the peopleless - but the boding of and the memory of Evil, they would not be so excluded. There were things around us and about of which I can render no distinct account - things material and spiritual -heaviness in the atmosphere - a sense of suffocation - anxiety depression - and, above all that terrible state of existence which the nervous experience when the senses are keenly living and awake, and meanwhile of thought lie dormant. A dead weight hung upon us (PA, 457).
Jusqu'á présent, l'ensemble des adjectifs "terror", "terrible", "gloomy", "black", "dead", "depressed" semblent annoncer rimminence irreversible d'une catastrophe mystérieuse. Un peu plus loin dans la description, le narrateur s'attarde sur la présence - non négligeable pour la progression du récit - d'un miroir. Dans ce miroir, chacun des hommes réunis voient la páleur de sa propre contenance "the unquiet glare in the downcast eyes of his companions" (PA, 458). Les hommes essaient de distraire leurs pensées et regards de leur situation présente en buvant, chantant et en riant, mais, et ils en sont conscients, leur comportement est plus "hystérique" qu'autre chose. Le narrateur continué son récit deja surprenant en créant un autre effet de surprise. En fait, les hommes sont ici réunis pour veiller un jeune homme Zoilus mort depuis peu qui ne participe pas - bien sur - aux réjouissements quoique l'expression fixe de son regard semble posee sur les hommes et surtout le narrateur dont nous apprenons le nom Oinos. Essayant d'oublier ees yeux terribles parce que vides poses, lui semble-t-il, sur lui, le narrateur redouble de gaieté et entonne d'autres chansons dont les échos bientót disparaissent aprés étre devenus méconnaissables. Les adjectifs "enshrouded", "undefined", "vague", "indefinite", "formless" orientent rimagerie vers le mystére aprés l'avoir annoncé. C'est á ce moment^"1 que l'ombre apparaít dans le miroirxxiv. Le narrateur 76
décrit l'ombre: There carne then forth a dark and undefined shadow - a shadow such as tbe moon, when low in heaven, might fashion from the figure of a man: but it was the shadow neither of man or God, ñor of any familiar thing. But the shadow was vague, and formless and indefinite...and rested upon the brazen doorway, and under the arch of the entablature of the door, and moved not, ñor spoke any word, but there became stationary and remained.(PA, 458)
Finalement, le narrateur surmontant sa crainte de l'apparition se decide á parler a l'ombre et lui demande d'oü il vient et qui il est, ce á quoi l'ombre répond: I am SHADOW, and my dwelling is near to the Catacombs of Ptolemais, and hard by those dim plains of helusion which border the foul Charonian canal; and then did we, the seven, start from our seats in horror, and stand trembling, and shuddering, and aghast, for the tones in the voice of the shadow were not the tones of any one being, but of a multitude of beings, and varying in their cadenees from syllable to syllable, fell duskly upon our ears in the wellremembered and familiar accents of many thousand departed friends. xxv (PA,458)
Chef-d'oeuvre du genre, texte opaque, la parabole nécessite l'engagement constant, l'intéraction et l'intervention directes du lecteur qui apportera une certaine résolution á l'opacité. leí, l'interprétation de l'ombre, tiers visible de l'autre en soi est sygne, sygnifiant et sygnifié, d'oü flottant, triple. L'ombre est en quelque sorte "symbolon" c'est á diré le signe de la re-connaissance. (G)ratifiée, cette reconnaissance est multipliée dans la mesure oü elle correspond (et s'adapte) aux déchiffrages des lecteurs dont le bagage linguistique et autre dépend d'une contingence implacable, interne et externe. En effet, les rapports établis avec le texte (parabole et autre) et le participant au texte (nous préférons le terme de "participant" á "lecteur") qui varient au fil des ages, sont constamment remis á l'index d'un (g)rimoire re-produit au fur et á mesure. La parabole (voir schéma á la fin de la thése) correspond á la problématisation de l'axe de la lecture-écriture imposé par la lecture du participant. Dans le cas de la lecture problématisée de Poe, il est clair que l'interprétation est doublée d'un echo comme si la redondance ou la duplication du sygne (sa coupure) engendrait le tiers d'une signification créée dans la resyllabification de l'enoncé. L'introduction énigmatique suggére une anticipation qui rétrospectivement paralyse la lecture et semble enliser le participant 77
potentiel dans sa propre zone d' ombre. La voix qui parle - présente done - vient par anticipation et projection du Royaume des ombres, alors que la visión finale authentifiée par le narrateur provient de ce méme royaume. La visión a proprement parler est isolée de son cadre et pourtant "touche a une multiplicité reconnue dans la variation des tons et des voix d'étres". M. Michael Williams 1' a bien vu qui écrit dans une étude (qui pourrait aussi bien s' appliquer a Henri Bosco): "Shadow.-A Parable" thus dramatizes the potential multiplicity of meaning in discourse and adnumbrates Poe's skeptical qualifícations of claims to interpretive mastery over a text...That is they (bis narrators) resist the recovery of a single definitive meaning authorized by an original voice. Though characters might claim to have established such a univoca! reading - of a text, or of the world as text - the narratives in which these claims are made subvert such interpretive closure, reveal it as a projection of desire or fear, and demónstrate the irreductibility of language."""
Imitant la trajectoire (ou visee) de la ligne parabolique reproduite sur l'axe syntagmatique (la lecture linéaire), la reconnaissance anime un point de rencontre determiné en X ou croisement sur la ligne paradigmatique préalablement fixée. La réponse énigmatique de 1' ombre: "je suis OMBRE", par sa redondance, multiplie, dédouble et redouble la nature (identifiable) de l'étre comme il finit par toucher á d'autres (que) lui-mémes, résultat qui derive de la césure ouverte par la voix doublexxvu. Reste alors - á partir des points de rencontre - á doubler entre les parenthéses notre demie inconnue. L'ombre deviendrait-elle plus familiére? Familiére...reliée dirions-nous plutot. Le parallelisme tourne dorénavant au croisement (miroir/ombre) et ce croisement fait fusionner. Ce phénoméne de doublure croisée dans la césure entre le miroir et l'ombre est porté á son degré extreme de sophistication dans le sygne d1 ombre bosquien qui se situé au carrefour de bien des remarques jusqu'ici effectuées. Henri Bosco est á bien des titres 1' Héritier de l'ombre.
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Chapitre 3 Le Sygne bosquien
"Pour mon salut j' ai cherché le sens mystíque de la rose" Henri Bosco. Des Sables á la mer. p. 99.
"Mais il pouvait avoir besoin d'un miroir pour y découvrir d'autres signes" L'Antiquaire. p. 14.
Le Jeune Henri et Le Pot á I' Ombre
Afin de comprendre 1' importance du mythe de 1' ombre dans 1' oeuvre bosquienne, il faut remonter dans la vie du romancier qui, dans le troisiéme volume de ses souvenirs d' enfance, evoque une étrange histoire : le sentiment que provoqua un jour la découverte de 1' existence du "pot á 1' ombre". Le jeune Henri ayant dit-il, trop longtemps négligé 1' ombre projetée par 1' objet au profit de son corps, se pique de libérer l'ombre de 1' objet, ici un pot á moutarde, "parce qu' il avait envié de voir 1' ombre, 1' ombre toute seule sans ce compagnon indiscret, cet objet banal qui semblait avoir creé á lui seul cette figure nettement plus vivante et plus mystérieuse" (JT, 24). Ne pouvant se résoudre á "provoquer un drame domestique", il abandonna son projet - de détruire le corps (le pot) pour libérer 1' ombre captive - et, réfléchissant longtemps au probléme, finit par conclure que 1' ombre était une ame, ici par conséquent 1' ame du pot. Sa mere 1' ayarit auparavant averti que parfois les ames quittaient les corps, Henri en garda une frayeur
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permanente. Celle-ci fut bientót exarcerbée, nous confie-t-il, par la lecture d' un conté dans lequel un homme tres sage avait perdu son ombre. De plus en plus effrayé, le jeune Bosco se met a guetter son ombre qu' il pense étre son ame et paniqué á 1* idee des métamorphoses qu' elle subit constamment, il s' enquiert de ees mystéres á sa grand-mére Louise qui le grondant, lui conseille de ne pas contrarier la logique des choses: "une ame, ?a n' a pas de corps, done pas d' ombre." (JT, 29) Quant á 1' ombre lui dit-elle, "c1 est toi quand tu contraríes le soleil. II te punit en allongeant ta tete, en te donnant des bras démesurés, en te faisant honte á toi-méme." (JT, 30) Le jeune Henri qui á ees mots se retira du soleil á 1' ombre d' un platane decida que "parfois méme contrariante, 1' ombre pouvait étre tres bonne, si le soleil était mauvais. II fallait pouvoir s' y mettre dedans. Et je ne pouvais pas (je le savais) me mettre dans mon ombre." (JT, 30) C'est ainsi que Henri Bosco découvrit le mystére de 1' ombre et que de cette decouverte decoula celle du sygne, sygnifiant et sygnifié. De sa lecture du conté de Chamisso, Peter Schlemihl. Henri reconnut 1' importance de 1' ombre et les problémes que sa perte suscite. Dorénavant, Henri Bosco révérerait 1' ombre comme le sYgne de 1' ame. II étudierait 1' objet comme un étre muet mais doué d'une ame dont il saisirait 1' essentiel. Bosco écrit: "On dégage ce qui s' y cachait. II suffit de savoir en détacher, parmi les signaux familiers qu' ils (les objets) nous proposent, le signe qui ouvrira 1' issue dont s' échappera 1' áme."(JT, 31) Bosco dans ses romans cherche á nous signaler et nous faire entrevoir cette vie captive. La lecture - comme pour 1' enfant la lecture du conté de Chamisso - est un ensemble de sygnes qui permet de dégager du mystére une issue libératrice. Daniel Moutote 1' a bien lu: "La poursuite de 1' ombre, la grande plongée dans 1' ombre intime, est 1' absorption de soi dans la lecture de cette écriture ténébreuse dont on sort rafraíchi: le présent livre." '"'"'"'Bosco aprés la decouverte du sYgne d' ombre découvrit bientót d' autres sygnes mystéres: les reflets et les échos. La rencontre de ceux-ci - "ne vivent-ils pas pour eux-mémes", s1 interroge-t-il - "met á notre usage de nouvelles incantations" (JT, 31). Bosco romancier adulte, détachant 1' ombre du corps qui 1' emprisonne exhume 1' ame 80
qui s' en dégage par un sygne-reflet que repele Y echo et réfléchit le miroir. Le miroir de la lecture bien évidemment creerá sa propre ombre que 1' echo prolongera. Henri Bosco lecteur, traducteur des reflets est done bien héritier de 1' Ombre. Le développement du sygne d'ombre, signifiant (ombre) et signifié (corps), équation du tout a l'áme, par le truchement des renovateurs et des innovateurs (dont Chamisso, Andersen et Gilson) prend un ultime essor avec le dernier román de Henri Bosco: Une Ombre. II est cependant délicat de parler du théme de l'ombre dans ce dernier román, étant donné que le récit, interrompu par la mort de l'auteur, problématise le sens et la trajectoire de la narration. Le théme de l'ombre permet quand méme une lecture enrichie du texte. Pour "reprendre" une citation de M. Moutote: La mort du maítre, á la fin du livre, dans la blancheur de la page blanche; le transferí de maítrise au héros, le Passant, 1' Etranger, celui qui dit Je, et qui est aussi bien le lecteur par le jeu des formules écrites, et qui á la fin du récit, reste seul, psalmodie des mots inconnus, autant de signes instauran! une liturgie du livre. C'est la base solide et "sincere" du román, 1' acte technique sur lequel 1' oeuvre repose et oü il est loisible ensuite de chercher 1' enchantement imaginaire dont chaqué lecteur est en peine. En ses bases textuelles 1 'oeuvre est finalement justifiée. L' Ombre est la justification du livre.xxi*
Avant de nous interroger sur le sens qu'offre l'ombre (son sygne) dans le dernier román de Henri Bosco, il est important de faire un tour d'horizon du traitement du sygne d'ombre dans l'ensemble des oeuvres de Henri Bosco, en nous appuyant plus particuliérement sur des exemples tires de trois de ses ouvrages principaux - cependant quelque peu négligés par la critique - á savoir: Un Rameau de la Nuit. Le Jardin d' Hyacinthe et le Récif. Par rapprochement, nous espérons ainsi suggérer dans et par la contiguíté une certaine continuité d'oü nous déduirons notre conclusión. En resume, Une Ombre sera lúe comme une interruption ou dé-route de la répétition. Une Ombre sera également comprise par elle-méme, pour elle-méme. En gardant presentes á l'esprit ees deux prises de vue, notre lecture espere offrir une "globalité" de vue qui satisfera á la curiosité de nos lecteurs. D'ailleurs, les "tropismes" que nous exploiterons en croisant viendront parfaire notre développement du théme dans, avec et par rapport avec les autres ombrages.
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Le silence symbolique du sYgne dans les romans de Henri Bosco Henri Bosco aimait 1' ombre comme il aimait le silence. Pour lui, ceux-ci parlaient plus a 1' ame que toute autre chose. Le román bosquien, román du mystére, refléte cette esthétique. M. Yves-Alain Favre*** qui resume bien ce phénoméne de mise en silence du récit deja observée par Jacqueline Michelxxxl et Jean-Cléo Godin"^ écrit: Le román de Bosco, dans les meilleurs cas, est toujours un román du secret: d' abord pressenti et suggéré, gráce au silence du récit et au silence des personnages, il apparaít ensuite dans toute sa netteté; puis peu á peu il se dissipe et s' éclaire au fur et á mesure de 1' enquete menee par le personnage principal; mais il ne disparaít jamáis totalement; un noyau irreductible demeure toujours: une sorte de silence á 1' intérieur du récit."""1
Du secret au sacre, il n' y a qu1 un pas facile á franchir: Dans le secret bosquien on peut déceler le religieux de la liturgie. Or,le récit liturgique ne pourrait se dérouler sans le recours á ses "objets-sygnes" sacres. Alexis Chevalleyxxxlv dans son étude fait de la lampe, source lumineuse qui rappelle l'instance, 1' objet-sygne bosquien par excellence(102-5). Dans 1' environnement du vécu, parfois l'Etre améne á lui un rite mythique: sa lampe. Le silence bosquien est dans le silence de l'ombre "lumignon", dans la mesure oü il scande au terme de l'abolition l'envahissement declaré par une pensée importune. Bosco hanté par le silence écrit: La parole n'y suffit plus. Cette pensée releve du silence. Aussi hante-t-elle longtemps les sites sombres de mon ame et laisse-t-elle en moi d'étranges souvenirs dont la nostalgie quelquefois me tourmente. Je la chasse difficilement. Mes meilleures conjurations, je les tire de ma vie simple et de mon travail. C'est cette lampe qui m'éclaire, cette nuit. Puisse-t-elle sur ce récit répandre sa ciarte habituelle et ne point se troubler á l'apparition de ees ombres - car ce ne sont que des Ombres dont je vais évoquer, pour en conjurer l'obsession le contour qui survit en moi, et peut-étre en moi seul, oü rien n'a pu les abolir jusqu'á ce jour. (RN, 35)
Si l'on se refere aux souvenirs de Bosco, égrenés dans Un Oubli moins profond et le Jardin des Trinitaires. ceux-ci, sygnes troubles obsedants, font echo au réel dans les songes. En effet, les
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premieres images qui émergent de la mémoire du jeune Henri sont le résultat d'une longue atiente á laquelle répond un (r)appel. Comme le fait si justement remarquer Alain de Lattre dans sa communication, pour Bosco, le réel est absence, il est présence. II fait sentir surtout, et dans le méme instant, 1' imminence de l'une et la précarité de 1' autre: 'Je vis dans une société magique, dit Bosco, oü je ne vois plus la matiére, mais la seule forme des signes qu' elle propose'. L' espace est lieu general des signes: chaqué point qu' on voudra n' a d' autre densité, d' autre épaisseur que le systéme de ses connexions qui lui échappe.xxxv Henri Bosco a grandi au sein d'une famille que le signe hantait, et surtout la mere du romancier. La mere de Bosco avait une imagination presque maladive. Grande nerveuse, ríen d'inutile ne lui échappait. Un 'invisible1 qu'elle avait en elle, mais dont elle projetait au-dehors les images puissantes d'une étrange nature et d'un coloris souvent sombre. Or chacune de ees images matérialisées, s'offrait toujours á elle comme un signe. On sait qu'il n'en est guére qui ne soit chargé de nous avertir d'un malheur. Le malheur est toujours imminent et redoutable. Alors, si on a l'esprit fait á de telles Communications, on prophétise...J'ai done entendu prophétiser, c'est á diré annoncer de funestes éléments, sur la foi d'un bruit au plafond, d'un visage soudain apparu á travers une vitre, d'un tableau tombé de son clou ou d'un hululement imprévu de chouette au bout du jardín...(Ou, 16)
Le sygne bosquien est done héritage superstitieux, parfois prophétique. C'est également un Sygne d' homme par 1' héritage du Pére que se transmettent de bouche á oreille, les différentes générations de narrateurs-lecteurs essentiellement masculins. Le mot "génération" est ici á prendre également dans le sens d'engendrement. Les narrateurs et lecteurs bosquiens, il est intéressant de le noter ont souvent des noms propres qui se terminent en "EL", par exemple Baroudiel, Gabriel, Jodicaél, Yssel, et bien d'autres or, en hébreu EL signifie "Dieu". Baroudiel, par exemple, nous fait remarquer Jean-Cléo Godin serait formé de la racine árabe Baraza signifíant á la troisiéme forme, 'Rencontre au combat', et de El qui signifie 'Dieu'. Baroudiel a done la méme signification qu' Israel, le nom que Dieu lui-méme donna á Jacob, aprés qu' il eüt combattu avec 1' ange.™""
C'est pourquoi le relatif murmure des Dieux dans le Récif est ainsi reproduit et prolonga par ees échos en "EL" dans les autres romans de Bosco. Reste á déterminer ce que la génération de ees 83
sygnes et symboles semble vouloir signifier justement. Le Nom Bosquien: Un étre Marginal? Henri Bosco définit le nom propre comme le "signe vital", le "mot inalienable."(JH, 201) D' aprés le Dictionnaire des Symboles. nous traduisons ici: De tous les symboles continuellement inventes pour représenter l'humanité, le nom en est probablement l'un des plus significatifs... Nommer les choses est au centre du procede de création de biens des mythes archai'ques... Nommer les gens signifiait bien souvent leur faire don de la vie ou leur donner une Orne... Ce privilége matriarchal fut l'un des premiers priviléges convoités par les sociétés patriarchales en raison de son importance primordiale dans la perpétuation des clans matriarchaux. (WD, 147)
Or les narrateurs bosquiens exclusivement masculins ont souvent des noms propres qui se terminent en "EL" - qui signifie "Dieu" nous 1' avons vu, par exemple Baroudiel, Gabriel, Jodicael, Yssel, Lutrel, Meyrel et d' autres. Done, Henri Bosco se place dans cette tradition phallogocentrique en opposition avec le maternel et par extensión le féminin. Dans Marges de la Philosophie. Jacques Derrida, autre representan! de la patriarchie offre une analyse intéressante et pertinente sur la propriété de l'Etre, c'est a diré pour notre propos et dans le contexte de l'oeuvre bosquienne: l'Etre étendu á l'Etre de rOmbre(l'Ombre), l'Etre du signe(Ie Sygne). Jacques Derrida écrit: Si l'Etre est en effet un procede de réappropriation, on ne pourra percuter la "question de 1' étre" d' un nouveau type sans la mesurer á celle, absolument coextensive, du propre. Or celle-ci ne se laisse pas séparer de la valeur idéalisante du trés-proche qui elle-méme ne recoit ses pouvoirs déconcertants que de la structure du s'entendre-parler. Le proprius, présupposé dans tous les discours sur 1' économie, la sexualité, le langage, la sémantique, la rhétorique, etc., ne repercute sa limite absolue que dans la représentation sonore...Un role quasi-organisateur y est done accordé au motif de la vibration sonore (Erzittern hégélien) comme á celui de la proximité du sens de 1' étre dans la parole (Nahe et Ereignis heideggeriennes). La logique de 1' événement y est interrogée depuis les structures d' expropriation nommées timbre (tympanum), style et signature. Le timbre, le style et la signature sont la meme división obliterante du propre."*™
C'est ainsi que dans la re-présentation, le miroir s'assigne 84
en son propre miroir: son Ombre du commun au propre (avec un grand O). Alors, le miroir et son Ombre se re-définissent l'une (x) a l'autre(y).xxxvm Nous avons dressé une liste comparative entre l'ombre et le miroir. Par ce schéma, nous représentons ses "correspondances". Nous remarquons que celles-ci offrent une reflexión sur elles-mémes: ainsi, il faut y remarquer le jeu de miroir d'ailleurs et précisément sur le méme et, pour emprunter a AnneCatherine Aubert sa théorie : son "mimoir". A bien des égards done, selon cette théorie, le miroir est plus exactement un "mimoir", d' oü sa ressemblance a 1' ombre. Sous bien des rapports d'angle, le sygne de l'ombre chez Henri Bosco se situé dans le "miroir-méme" du mime: "Heureusement pour mon repos, je dormís a cote d' un miroir magique que la main amicale de 1' ombre avait voilé". (A, 137) Diffus, confus, confondu, le sygne bosquien s'ombre de lui-méme comme le mire, le mime et le méme, pour reprendre le polyptote d' Anne-C Aubert. C est ainsi que selon nous, salué dans l'énumération du mystére, le sygne de lui-méme "s'allie", "53 lit", "s'élit". Le sygne bosquien (re)nommé se baptise, se débaptise et se renomme en permanence. Objet magique dont la "profondeur" cache une infinie varíete d' étres surnaturels et d' apparitions symboliques; dans 1' image du miroir, nous dit Bosco "est enfermée 1' essence de 1' homme, son áme..."(BM, 322) Pour Henri Bosco, les signes sont des "ames en peine" qui cherchent a sortir de 1' ombre du miroir. II écrit:"Mais il pouvait avoir besoin d' un miroir pour y découvrir d' autres signes". (A, 19) Henri Bosco avoue la fascination que celuici exerce sur lui. Le drame de la profondeur du miroir cependant, c'est le danger de s' y échouer. Bosco écrit: "on ne meurt pas sur le miroir. On meurt au-delá du miroir. II suffit qu' on le franchisse". (BM, 323) Cette citation rappelle bien évidemment le mythe de Narcisse et apparente le sygne bosquien a cette figure légendaire. Or Ovide, il est intéressant de le souligner, associait deja 1' ombremiroir et 1' echo dans ses Métamorphoses. En fait, le drame de la contemplation du miroir pour Narcisse est annoncé par 1' évaporation de la nymphe amoureuse: Echo, amoureuse de Narcisse, lui est subordonnée comme celui-ci est subordonné a son ombre. C'est ainsi que 1' ombre de Narcisse reflétée dans 1' eau est
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deja symbolisée par 1' echo de la voix de la nymphe; 1' image dans 1' eau repele et prolonge le corps de Narcisse comme auparavant la voix de la nymphe répétait et prolongeait les paroles de Narcisse. On aurait tort de penser qu' Echo répétant les paroles des autres se les approprie. En fait, c1 est plutót 1' inverse. Echo est forcee - ce n' est pas un choix - de repeler les paroles de 1' autre. Dans une certaine mesure, le narcissique se serl d1 Echo qui lui renvoie sa voix comme le miroir, son ombre. Narcisse s' approprie la voix d1 Echo pour prendre plaisir a mieux s' écouler parler. C'est ainsi que le sort de Narcisse amoureux de lui-méme est similaire a celui d1 Echo. En effet, celui-ci, le souffle coupé au spectacle de son ombre ne peut se "détacher" de sa propre contemplalion. Ovide écrit: qui videat, nescit; sed quod videt, uritor illo atque oculos ídem, qui decipit, incipat error, credule, qui frustra simulacra fugada captas? quod petis, est nusquam; quod amas, avertere perdes! ista repercussae, quara cernís, imaginas umbra est: nil habet ista sui; tecum venitque manetque; tecum discerdet, si tu discedere possis!1"""*
Incapable de se délourner*1 de la contemplation de son image qui aurait mis fin a son obsession, car en détournant son regard, il aurail laissé son ombre derriére lui pour ainsi diré, Narcisse se morfond et a 1' image d' Echo dépérit puis bienlót, son corps disparaít el de lui ne resle qu r une fleur. C'esl ainsi qu1 aprés avoir franchi le miroir Narcisse relié au sygne d' ombre s' apparente a Echo qui double et prolonge sa voix. Dans le méme espril, Henri Bosco écril: II faut, pressé par le désir insensé de 1' entendre, monter du soupir á la plainte, pour éveiller ailleurs un étre qui réponde, tardivement, et toucher ce miroir sonore, 1' invisible echo. Alors la voix du muet qui nous parle, finit par arriver á nous. (BM, 325-6)
Un autre passage de Bosco met en lumiére/ombre les rapporls de réciprocilé enlre miroir el echo. Dans ce lexle, la reflexión dans le miroir double la personne, ce qui a pour effet de reunir illusoirement la personne el sa projection. Or le fait de "sortir" 1' autre de soi nous étrange plus qu' il ne nous rapproche. En
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effet, une fois projeté, 1' autre existe pour lui-méme indépendant de la volonte de son createur, ce qui rappelle une des lecons tirées de 1' histoire d' ombre. Bosco insiste particuliérement sur la transitivité au miroir, opposée au réfléchissement dans le miroir. Le narrateurtraducteur Meyrel écrit: O semblable, tu es en moL.Crains un invisible démon. II nous tend le miroir qui fascine et captive...Ah! je sens que tu cedes: te voilá pris et tu m'as quitté. Deja, tu me regardes: c'est toi et je me reconnais. Mais je ne saurai désormais te joindre. Tu n'es plus moi, tu es un autre. L' autre a sa propre existence. Oü me ressaisir? Car je te parle et tu ne me réponds pas. Avant de te connaítre c'est a moi que ma propre voix parlait dans ma pensée. Je n'étais pas seul. J'étais moi. N'en vint-il qu'un faible murmure, je m'entendais. Mais jamáis encoré je ne t'avais vu. Maintenant je te vois et je suis seul. Seul malgré ees paroles, parce que ton visage, oü revit mon visage reste muet. Faut-il done briser le miroir pour me délivrer du semblable qui me double et cherche á me déplanter? Mais qu'y at-il au-delá du miroir? Quand sur lui, je me penche, que présage cet hóte du silence?(RN, 45-6)
Une étude des pronoms nous permet de mieux observer le jeu de substitutions entre soi et 1' autre. Dans la phrase: "tu me regardes: c'est toi et je me reconnais" par exemple, que constitue le sujet dans ees phrases, sinon la réciprocité entre "je" et "toi", c' est á diré nous? Done, dans la définition du sujet, Bosco se place á la voix plurielle. La reconnaissance cependant libere 'toi' de 'je' plagant 'toi' dans la position de 'je1. Se projetant sur 1' autre qui est soi, je deviens "toi" et que devient tu, toi? On voit bien alors que c'est dans le (verbe) réfléchi qu' est problématisé ce rapport entre "je" et "me", le sujet et 1' objet. On peut diré que le verbe réfléchi est le verbe-écho qui ombre la parole de son double (sujet-objet). Quand le sujet se projette la voix est muette désormais. En fait, Bosco fait du monologue la voix aveugle intérieure par excellence du murmure de la solitude. En divisant la voix narrative, par le dialogue qui rompt 1' ininterruption du flux de conscience, la reconnaissance de 1' autre en soi installe le silence. Pour Sandra Beckett, "le symbole du miroir extériorise le phénoméne du dédoublement" dans la tradition philosophique plotinienne.xU Chez Bosco, á notre avis, plus que T extériorisation d' un dédoublement", l'autre dans le miroir est l'ombre dans la mémoire. Michel Guiomar 1' a bien vu qui, nous dit Sandra Beckett, saisi par "la permanence hallucinante des miroirs réels et invisibles" dans LJ Antiquaire de Bosco, intitule son tryptique (sur Gracq, Bernanos et 87
Bosco) : "Miroirs de ténébres: images et reflets du double démoniaque"^. En fait, la découverte de soi passera done par le dévoilement du sygne d' ombre, son soulévement et sa refonte dans son illusoire appropriation ou son impossible possession. C est pourquoi chez Bosco, plus qu' une extériorisation, l'apparition au miroir doit rester captive, fugace et disloquée tout comme le sygne de l'ombre, tronqué, coupé, reproduit et finalement approprié par l'écho de sa constante, un tiers - et non un double - différentiel. L' Appropriation du sygne chez Bosco Le sygne d'ombre chez Bosco est avant tout l'énonciation dans l'anonciation. L'énoncé et l'annoncé sont lies étymologiquement a "mintáis" qui signifie "messager": il y a done dans tout message un messager. Et celui-ci s'épelle a l'appel par une mise en abíme de Techo rejaillissant dans la mémoire de l'autre. L'égarement des voix narratives chez Bosco dé-rive d'une dé-route partielle: le signe s'annonce, s'énonce, se re-nonce, comme si la face cachee janique générait dans le doublage un dubbing intemporel mais instantané. Par exemple, le personnage Mus, ici observé par le narrateur pour lequel il devient ainsi le "sygne" attend lui-méme un "signal": Je le regardais. Immobile,il attendait toujours. Pétrifié par la lumiére de la lune, il n'était plus qu'une apparence, un signe. A son appel, pas méme une hulotte n'avait répondu dans le bois de Loselée, et cependant quoi de plus facile á toucher que la hulotte, en avril, quand tendré est la lune sur les colimes de Géneval?...Je ne sais d'oü vint le signal qui détacha Mus de sa vaine áltente. II baissa la tete et sortit de la voliére. Puis, d'un pas traínant, il alia jusqu'á la lisiére des chénes et, arrivé la, il se retourna pour écouter.(RN, 177)
Le sygne bosquien est done présence avant toute autre chose. Une présence dans le sens de la validation de 1' étre en attente. En essence, l'existence d'un Ideal - comme l'oiseau de Mus est en transit jusqu' au terme de sa dé-couverte. Le sygne bosquien est toujours en revé dans l'interne. C'est cette privauté qui dans l'inclusion, l'occlusion, occulte le sage émoi d'un étre au démuni, désemparé, "prét" á étre habité, d'oü l'appel. Le sygne de Bosco parce que principalement occulte, passe, et dans le passage canalise
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la voix en instance d'étre. Done, le sygne est précondition et préposition a l'accaparement d'un jaloux rival. En lutte avec sa tangente, le sygne-parabole bosquien s'attache á deux points pour s'y fixer en étoile. A bien des égards, le signe bosquien (r)appelle la croix, un équarissement cheminant vers le sacrifiel. Ainsi le narrateur Frédéric Meyrel, divisé par l'ombre d'un autre dans l'amour qu'il porte á Clotilde sacrifie-t-il á ce dernier la place qu'elle occupe - par procuration - dans son coeur: Or Clotilde était presque un songe, mais de sa tendresse ambigue nulle lumiére ne me parvenait. Elle dressait entre moi et celui qui me doublait dans l'invisible. Pour le connaítre (et par la vraiment me connaítre) ne fallait-il pas écarter Clotilde? L'autre n'était-il apparu en moi-méme avant qu'elle ne vínt á moi? Qui l'avait, sinon lui, attirée dans ma solitude? Or l'avénement de Clotilde avait suscité la tempéte. Depuis nous errions aveuglément. Elle absenté, sans doute aurais-je atteint celui qui cherchait á m'atteindre; II nous aurait suffi d'une simple lampe; nous aurions alors découvert les deux visages de cette créature étrange que nous composions et qui sans doute s'opposaient. L'un regardait la ciarte de la vie, l'autre rimmobilité de la mort. L'identité mystérieuse qui nous unissait au-delá de ees masques contradictoires eüt peut-étre dévoilé un troisiéme visage...Et Clotilde pressentait rimminence de quelque démarche téméraire, et deja elle s'apprétait á visiblement á s'enfoncer dans mes propres tempétes. Elle se rapprochait, se liait á moi, faisait corps avec mon désir, s'appropriait mes sourdes esperances, pour retrouver humainement celui qui, n'ayant plus de nature terrestre, m'adressait un appel ineffable.(RN, 357-8)
Pour Bosco, pour Saint Jean Bosco,xüii dirions-nous, le sygne commence toujours la oü il était une foi: le passé toujours présent, la présence toujours sainte, axée sur la verbalisation de l'impression d'étre. Dans Une Ombre. l'ombre dans le silence total apparaít aprés l'irruption d'une immense croix que suivent peu aprés le sygne: cinq lettres-étoiles en forme de croix. Bosco écrit: II faut s'en remettre aux lenteurs de l'attente et sans impatience se soumettre au temps qui devient plus lent et plus grave á l'entrée de la nuit. II favorise alors l'approche du silence...Partout l'apaisement, partout le calme...le monde est un lac aux eaux planes. Alors on peut tendré l'oreille, écouter, chercher au-delá, percevoir sous ce qui se tait ce qui peut-étre parle encoré, échos de ees voix inconnues qui annoncent le drame en marche comme autant de présages...Des pilastres se dégageaient de la pénombre, enormes, et du sol montait lentement chargé de ses quatre candélabres d'or le corps massif du maítre-autel que soulevaient deux grands anges de marbre cependant que plus loin tout au fond de l'abside une monumentale croix sortait de la nuit. Solennelles apparitions qui arrivaient sans troubler le silence.(O, 39-40)
Rédemption du passage terrestre, dans le ciel, l'étoile r'appelle á elle. Renommé, le signe d'élection transhume dans 89
l'évanescence de sa présence des subtilités de capture arc-en-sygne. Ancré dans le passé du terroir, aspiré vers le ciel, le sygne d'ombre, leve avec la croix, hors d'elle, le tremplin de la foi. Bosco enregistre l'appel et la tablette qu'il creuse de ses incisions d'ardente "passion" porte le sceau du scellé. Le sygne qui est sceau chez Bosco exscelle. D'abord mediocre, au sens de "médiane" aussi, la supériorité du sygne d'ombre enléve au miroir sa suprématie et reconsacre au signe le sacre du secret. Le Récit dans le Récif Dans le Récif. l'ombre fait coíncider l'émergence de l'étre souterrain au sygne par l'annonciation (l'énonciation) du signal: Un récif, une pointe á peine qui percait les eaux...Seul accident de cette plénitude. II attirait l'oeil, il s'y imprimait, il en devenait l'objet le plus obsédant. II marquait ainsi la mer infinie et parfaitement immobile d'un signal immuable au milieu d'une étincelante uniformité. Signal issu des profondeurs et mystérieux avertissement, il attestait ¡'invisible présence au fond des plus fluides abímes d'un solide sous-sol marin soutenu par le corps mineral de la terre, support des íles et des eaux.(R, 70)
Le sygne ici décrit une erreur, un "accident" de terrain qui discorde avec la totalité du paysage. Cette erreur devient le point de mire de l'observateur qui cherche á comprendre le pourquoi et comment troublant de sa présence. Une présence d'ailleurs d'autant plus insistante que l'étre du récif manque de mobilité et donne l'impression d'une permanence re-marquable. L'émergence du sygne du récif tout en l'attachant á sa nature aquatique le confond au corps terrestre, d'oü sa nature ambigué. Sygne trouble, le récif se sígnale par sa mystérieuse ambivalence d'étre. En fait, le récif se construit autour de cette notion; signal du sygne, le récit se fluidifie constamment dans ses contiguités. II est d'ailleurs intéressant de noter 1' allitération établie en "récif" et "récit". II est évident que les termes tels que "imprimait", "signal", "signe" multipliés á l'intérieur de la narration veulent axer la reflexión sur une lecture du récif comme récit. Dans le Récif comme la majeure partie des oeuvres bosquiennes, l'attention portee aux sygnes par les narrateurs tourne
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á l'obsession. Le narrateur lui-méme nous confie qu'il est "repris par ce besoin qui toujours me tourmente de connaítre les lieux, les objets et les signes qui entourent ma vie; Oü que j'aille, cela me passionne. Ici plus qu'ailleurs. Tout m'y guette sans doute, tout m'y surveille, tout y a un sens." (RN, 154.) Entourant le récif-récit du signal-sygne de la mer, la "surveillance" se prolonge un peu plus tard dans le texte par le "mur-mure" continu de la mer qui l'enserre. II faut voir dans le murmure, sa duplication, un (dé)doublement sonore qui provoque un tiers sens: le silence dans le bruit, l'atonement dans la répétition. Le murmure du sygne dans son dédoublement donne en quelque sorte un "ailleurs" á l'ici, un envers á l'endroit par reflexión, de la transparence á l'opacité, du liquide au solide. Le sygne bosquien, en transhumance, liquide se solidifie done sporadiquement par le biais du sceau. Dans le Récif comme dans maints ouvrages de Bosco, l'utilisation du sceau á la place du sygne semble lui substituer dans ce transit tangible une matérialité avant tout surréelle. C'est le sceau - d'oü l'importance du cachet - qui remunere l'accident du récif-récit en décelant ce qui le scelle. En effet, aprés le dédoublement du signal-sygne en mur-mure est creé un tiers á découvrir au demiregard du mystére, un extra sens á la coupure dans la césure. Ainsi, le murmure permanent du sygne fait que le récif recite un "cifer" ou un chiffre embléme d'un inconscient que seul le conscient du submergé peut dé-sceller justement. Les mystéres qui accompagnent done les explorations (mentales ou physiques) des narrateurs, leurs voyages, font de leurs expériences le sceau de la vacance. Le dépaysement qui suit á la mise en contexte d'un homme face á son ambivalence (ici marine-terrestre, récif-récit, mur/mure, signal-sygne) ponctue son parcours d'étapes qui sont censées apporter, de révélations en révélations, l'épiphanie supréme. C'est pourquoi le narrateur du récif parle de "signes annonciateurs" qui viennent graduer 1' appréhension des divers (con)textes et qui, compréhension ultime, apporte finalement la révélation (l'élucidation du mystére). Seulement, le narrateur, absorbe dans les sygnes, leurs mystéres devient comme indéchiffrable á lui-méme. Cette angoisse devant le sygne, cette fascination quasi-magique portent le sceau du mystére. La fonte au grand Tout est problématique. Pour les 91
narrateurs de Bosco, au monde voilé se double un monde plus clair "pour étre a jamáis lumiére ou ténébres". Dans un recueil de poémes de Henri Bosco intitulé Le roseau et la source. ce dernier interroge: Si par mon coeur mortel passe l'axe du monde Ce que j'entends, Seigneur, dans mon impureté Serait-ce l'Univers épris de sa beauté Qui chante la Splendeur oü nos splendeurs se fondent. Helas! suis-je de l'ombre ou bien de la ciarte? (RS, 270).
Les narrateurs sont entre l'ombre et la ciarte, oscillant constamment entre l'une et l'autre. En resume, c'est done dans le murmure de la voix narrative que notre sygne-signal sombre (ou clair) annonce (sous scellé) un chiffre á venir. Ce sygne a venir projette dans un futur dont l'issue reste á definir. Le réel chez Bosco est plus sombre que clair. Le récit du récif s'oriente dans cette direction et prolonge dans l'irréel un signe souvent songeur. Le narrateur du récif parlera de sygne "mental". Cette appellation porte á songer. Qu'entend-il par sygne mental? C'est, il me semble, la nature "contemplative" (la reflexión est contemplation aussi) du narrateur qui fait du sygne un sygne "mental": "J'ai dans l'esprit", dit-il un mouvement qui me porte presque toujours á tirer un sens irréel des choses naturelles. Je dis bien un sens, un signe mental et non pas le dieu qui s'y cache...dangereuse démarche, car elle risque de détruire. Par bonheur, je touche, j'entends, je sens meme ce que je pense. Devant chaqué signe irréel se dressent en moi de puissantes images. Et ainsi la plupart du temps je retrouve et je rends un corps á l'idée inerte que j'en avais faite. De nouveau revivent en moi des créatures. Le mal est reparé mais le pli reste...Et c'est pourquoi j'ai arreté mes réflexions...(R, 153-4)
Done, le sygne est porteur d'images "puissantes", latentes qui défient le réel chez Bosco. Dans le paragraphe ci-dessus cité, la (re)production du pli mental azure dans l'envoi le schéma d'une correspondance rayée: REtrouver REndre REvivre
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REparer Rester REflexion La position médiane du verbe "REparer" dans le paradigme est significative. Pour retrouver le signal, il faut rendre le signal (le réparer) et revivre la reflexión. C'est ainsi que dans le signal, nous l'avons dit, le défaut d'un récit submergé est remuneré par la reflexión. Au signal du récit submergé est non seulement lié son récif mais également ses diverses épaves, les débris d'un sygne fragmenté dans ses ébruitations. Le sygne fragmenté du récif est plus particuliérement un bronze en plaque oü est écrit: "gardez le silence". Ironiquement, le sygne bosquien est tout sauf silencieux. II murmure toujours a l'oreille dans un silence presque religieux, mais souvent sinon continuellement témoin d'une présence indéfinissable et mystérieuse. C'est la ou le sygne bosquien est particuliérement redoutable, inexplicable et envoütant. II est "songe", sygne désincarné. A bien des reprises, Bosco fait référence a ce qu'il appelle le "sortilége du signe" et par "l'envoütement du lecteur", son altérité et sa possession (par l'autre). A bien des égards, le sygne de l'épave est "le pli de l'esprit qui désincarné".(R, 153) Signe sortilége, le sygne du récif, par sa fluidité est relié au songe (celui de 1' Atlantide peut-étre) et á l'ombre dans la mesure oü il refléte dans l'émergence de son signal, une créature de revés. Le narrateur écrit: "Plus je regardais cette créature improbable, plus elle prenait corps. Elle semblait se nourrir de la nuit...De cette apparence issue de la mer et de l'ombre, elle passait mystérieusement á l'existence".(R, 163) Le mystére d'ombre est relié á la maternité et á la création et á la venue du Messie. Dans la mer, le sygne s'ombre et illumine de son demi-jour les temples secrets, les inaccessibles retraites oü attendent les dieux patients, immobiles comme leur soleil. Car les dieux attendent un Signe. Mais un seul homme descendu vers eux, une créature envoyée en bas par les hommes épouvantés, la nuil oü tremblera leur vieille terre, seul cet homme attendu depuis des millénaires pourra leur apporter ce Signe. Alors ils remonteront, un á un, jusqu'á recevoir la lumiére. lis en seront illuminés. Les hommes de loi les regarderont effrayés de voir leurs grands corps marcher á grands pas sur les pages, de grands corps ruisselants encoré au sortir des eaux maternelles.(R, 168)
Le mouvement du sygne bosquien est done bien - ceci 93
vient le confirmer - une deséente puis remontée á la surface dans l'acte de création du Messie. Le Sygne est done á bien des égards dans le mystére de sa Trinité, sa re-connaissance. Quant á la voix narrative, elle s'apparente au sous-venir du sygne en émergence á la croisée du sens: "J'entendais cela en moi(la voix) dans mon coeur, et c'était un chant qui parlait, la réponse intérieure et grave de mon ame, le dramatique signe de reconnaissance." (R, 185) Le drame de la re-connaissance se matérialise par la venue symbolique du Christ, qui est l'homme "revenu par miracle d'en bas, ce mourant (qui) pourrait animer les trois lampes. Et ce serait un Signe, le signe de sa rédemption et aussi de notre salut..."(R, 210) Mais le Sauveur ne vint pas. Le signe se vida et se désincarna, mais "c'était cependant un Signe, et le Signe du vide de la pauvreté, du départ". (R, 212) Ainsi, seule l'attente du retour (re)donne sens et vie au signe bosquien: "Ensuite j'attendrai le signe, le signe de l'approbation...et maintenant j'attends le Messager.,.11 arrivera vers moi, vers l'héritier et j'irai, je prendrai la releve...Laus Deo". (R, 270) Mais l'attente reste néanmoins compromise par le silence qui l'accompagne: "Mais quel Dieu en exil peut survivre sans revés? Ah! silence, bouche inutile!...Silence maintenant. Soyez en paix..."(R, 273-4) Dans Un Rameau de la Nuit l'abolition qui suit á la plénification du silence survit á un destín trompeur. Le souvenir survit au franchi de l'existence et tranche la derive du probable. Tout est dans l'acte. Le sygne agit á rebours, mais sa contreélévation maintient au stade de l'élimination, les résidus d'étoile qui rayonnent en plein ciel. Pour étre demain, le sygne bosquien (dé)figure le passé du non-étre. Recyclé, l'art de vivre, transmis dans l'étiquette du nom propre, modele une jouissance jubilatoire d'exposition. De générations en générations, le sygne bosquien se double des voix narratives dans lesquelles il s'engage. Sygne de génération, de lumiére, le sygne est double d'ombre et se dé-génére dans la désincarnation d'oü nait le désir de l'ombre, Dans Un Rameau de la Nuit Bosco écrit De chaqué étre vivant dans la lumiére, il semble que se forme un double obscur, lá-bas qui répéte, tous les gestes, les sentiments, toutes les pensées, mais avec un corps, un coeur, un esprit tires de l'ombre. II existe ici deux mondes contraires.(RN, 237)
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L'étrangeté d'ailleurs du sygne bosquien invigore á jamáis l'inexploré. Huís clos, l'enfer evoque l'existence tirée de la hantise de sa simplicité d'attrait. Ces séquences se brisent la oü jaillit l'instant et la rupture invoque l'équité de l'attente. Pour sortir du chemin, la oü jaillit le son, le cri du désinvolte éradique le nom. Inscriptions et transcriptions dans Un Ramean de la Nuit: Evocation, Invocation et Convocation du sYgne L'obsession du sygne et du nom saints dans les romans d'ombre bosquiens se manifesté par la multiplication des inscriptions, transcriptions et pouvoirs de transformation du signe, véritable sortilége magique.^ Dans Un Rameau de la Nuit. c'est la parole du sygne qui prime, faisant glisser dans son sillage la fluidité de ses évocations. Frédéric Meyrel, narrateur d'Un Rameau de la Nuit affirme: Pour moi, du moins, car peut-étre, pour la plupart de ceux qui me liront (s'il s'en trouve un jour), ees figures n'ont ríen que d'humainement explicable en dépit de leur étrangeté. Et cependant, á peine ai-je, pour les évoquer, touché á la pensée de la premiére phrase, que de lents glissements se forment derriére elle. Je ne sais d'oü me vient ce sentiment d'une présence sous un voile, présence qui double du cote de l'ombre tout ce que je dis au milieu de la plus puré lumiére.(RN, 40)
Le sygne bosquien se rapproche á maints égards des tropismes sarrautesques.^ Aux glissements de pensée se rattache l'impression d'un signe ródeur, veilleur, aux manifestations souvents impromptues, qui s'infiltre et hante la mémoire et l'imagination. L'inscription du sygne est une apparition qui se manifesté dans sa transcription. Les narrateurs bosquiens sont doublés dans la mesure oü ils sont tout aussi lecteurs (traducteurs-interprétes). Ainsi, l'inscription du sygne dépend pour ses manifestations (rendues ainsi visibles) de sa transcription. Dans Un Rameau de la Nuit. Frédéric Meyrel est traducteur. Nous aimerions citer un passage qui illustre á merveille les rapports établis entre inscription et transcription (traduction). Frédéric Meyrel écrit: (Un trait de lumiére) provenait d'un papyrus encoré inédit. On me l'avait soigneusement recopié sur une belle feuille de papier bulle...R.H. Herragthy me
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l'envoyait avec un commentaire bref concernant la transcription. Rien de plus. Je connaissais le professeur Herraghty depuis dix ans. Et chaqué mois nous échangions deux lettres. Celle qui était jointe au texte dont j'ai parlé plus haut tenait en une ligne: 'lisez, traduisez, envoyez votre traduction, merci'. J'avais lu et traduit. (RN, 5)
C'est ainsi que d'aprés ce passage en étendant notre analyse a une lecture globale, on peut déduire que l'issue de toute lecture provient directement ou non, en passant de l'un a l'autre de l'héritage de l'interprétation. II y a dans l'issue de la lecture une mise en échec stratégique du sygne pour lui-méme. Mis en sourdine, le silence de la lettre mate les inevitables gravitations d'accord. Ses périclitages reproduisent éloquemment le souci d'incorporer au texte la marginalité de ses dépendances. Dans ce cas, l'héritage est le mode transposé (le transferí) d'une écriture sub-ordonnée a la lecture( le transferí du sens). Dans cet exemple, fait intéressant, le texte lu traduit par sa véri-similitude, l'équation de l'inconnue X (l'ombre). Retour a la reflexión, le dialogue entre le narrateur et son lecteur libere des radiations provenant d'un centre qui diffuse dans sa toute fréquence le voyeurisme de la perspective. La différence alors passe par la voie du silence, toujours déféré, du "point d'accord" ambigú, "l'á-différence" du détachement. Ainsi, dans le prolongement du texte, le miroir de la traduction qui s'est approprié et a supplanté le sygne "original" est "1'hóte du silence". Dans la substitution, l'appropriation laisse envisager un échange communicatif. Cet échange témoigne du désir d'étre l'un pour l'autre ce que le dividende confíate. Dans ce cas X=Y. Cette (ré)appropriation de l'original dont il est question ici remet done en question la "propriété" du sygne d'Ombre. Dans la thématique du nom propre, Bosco utilise la lettre capitale lorsqu'il parle du Sygne ou de l'Ombre. Or, reste a considérer ce que la prolifération de signes semble vouloir justifier dans la relativité d'un absolu: le (nom) Propre du Pére. Pour nous approprier á notre tour le sygne de Derrida, l'appel est bien á proprement parler "(re)percussion" chez Bosco. C'est á diré que l'appel, est "sens" (raison-reson) vibratoire. Nous illustrerons maintenant notre propos avec un passage tiré d1 Un Rameau de la Nuit qui n' est pas sans rappeler 1' extase du souvenir proustien. Le narrateur écrit: J'entendis sonner les heures au clocher des Accoules. II me fut impossible de les compter toutes. Elles me parurent tres longues mais hors du temps. C'étaient des heures á peine réelles, faites uniquement pour le réveil au milieu de la nuit,
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quand tout se tait. Elles n'avaient de sens que l'espace. Leurs ondes s'épandaient avec lenteur d'une rive á l'autre du port oü flottait la ciarte de la lune, et peu á peu elles formaient comme un etre sonore qui donnait á la nuit une pensée calme dont la vibration. puis le souvenir. longtemps se prolongeaient. Elles s'en allaient ainsi plus loin que le port et les maisons endormies de la ville, á travers un peu de brume et peut-etre quelques fumées issues des toits, bien qu'il fut tres tard. Au-delá elles se perdaient doucement, les unes le long des collines et les autres sur la mer. Mais toutes résormaient en moi, ou á leur appel une nuit plus douce, la nuit humaine du sommeil et des vrais revés, emplissait peu á peu l'aride étendue de la solitude, et, si les lampes étaient éteintes, du moins quelques feux dans le ciel y signalisaient les rivages de 1' ombre encoré mena9ante. A les voir briller si tranquillement mon coeur s'attendrissait et je sentáis en moi ramour de la terre vers laquelle je revenáis, dans la paix familiére de la nuit et le silence. (RN, 47)xlvi
En lisant ce passage, á la "répercussion" est liée le souvenir d'une ex-sta(n)ce intemporelle: ex-sta(n)ce dans le sens d'un transpon de sens. La "répercussion" est la métaphore de T'écho-centrisme" si vous voulez comme tout tourne autour du sujet. C'est ainsi que la forme et structure de 1' espace-sygne d' ombre nous fait si justement remarquer A. de Lattre est bien celle de 1' echo: L' espace, c'est une réitération d' appels et de réponses; de niveaux qui s' ajustent au moment méme oü on pourrait les croire incompatibles; de dissociations et de ruptures et de conjonctions dans le point tres précis de división et du dissentiment. L' espace, c' est la surprise, mais c1 est aussi, et nécessairement par la, le lieu de sa reprise indéfinie et de son renouvellement (225-6).*1™ Ironiquement, l'Etre bosquien est autre sonore dans le sens ou il résonne en "eautre'lxlvm. Dans l'audio-visuel, le souvenir bosquien est prolongation de soi, de l'homme. L'écho de la mémoire fait de réminiscences un son "or" lumineux et alternatif que viennent noyer les vapeurs de la nuit. C' est ainsi que la fuite en coulées dans l'énonciation/l'annonciation/appel du sygne submerge la conscience( voix)narrée qui, fondue, coulée en laves flottantes se noie. C'est le visuel qui s'évapore dans le voyage du sens. C'est également le visuel qui distrait le regard en confondant les frontiéres. Alors, le sonore prolonge tandis que le visuel precipite, avorte ou confond, d'oü l'image appropriée au transport de la résonnance. Un passage tiré d'Un Rameau de la Nuit exemplifie notre argumentation. L'observateur se confond á son objet par la puissante magie de l'hallucination. Ici, l'interprétation (découverte
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et élucidation) du sygne devient véritablement songe: Je voyais sous la lueur blafarde de la nuit, le grand corps fatigué et les baúles superstructures desueles de ce qui jadis, sur ees mers lumineuses et chaudes, avait glissé comme une gloire. Peu á peu l'avant et le mat de misaine s'enfongaient dans les vapeurs et y devenaient des étres étranges. On en reconnaissait les formes affaiblies, mais plutot que d'y croire, on inclinait á n'y déceler que des signes issus d'un songe dans le brouillard. (RN, 70-71)
De ees sygnes naít le souvenir qui prolonge dans la mémoire les apparitions primaires. Figure du songe liquide, le devenir en transit fait (re)connaítre par son étrangete l'ombre. Par r'eautre", le narrateur bosquien passe vraiment dans l'autre monde, dont á son retour il se fait le témoin et porte-parole. La métaphore transporte la parole (le sonore) dans l'eau-delá du monde. Donna C. Stanton écrit que la métaphore est "me trope upheld from classical to modernist times as the optimal goal for transporting meaning beyond the known (metaphorein)".XIixCelle-ci reste pratiquement toujours problématique. Cixous, á son tour s'interroge: "Mais y a-til un ailleurs? Si ce n'est pas "ici", c'est deja lá-bas, ailleurs...oü le désir rend possible la fiction".1C'est ainsi que nous pouvons diré que la condition du songe, la fiction, passe proprement dit par l'exstance dans le désir. On pourrait voir en la figure du songe, cette méme ombre que motive la quéte du sygne. Dans Un Rameau de la Nuit. aprés avoir lu/traduit le passage, le narrateur bosquien , mis pour ainsi diré en courant d'air, fait s'échapper l'essence de la concentration d'Etres. La mise en "póssession" est bien passage vibratoire, contorsión et re-tour en chames. Dé-livré, le sens comprime et retors, réincarne la mise en scelle-séne. L'obsession-possession du sygne dans les romans de l'ombre manifestent le désir de 1' autre, captivante, envoütante, ensorcelante. C'est ainsi que le sygne bosquien est á rapprocher du sceau et plus particuliérement du Sceau de Salomón. Le Sceau de Salomón auquel le narrateur fait souvent référenceu se rapporte au fils de David, un sage, roi d'Israél au lOéme siécle avant Jesús Christ. Le Sceau de Salomón est une bague dont la pierre permettait á celui-ci qui la possédait d'observer ce qui se passe ailleurs plus loin. On pourrait comparer le Sceau á la boule de cristal des voyantes, excepté que la visión est simultanee plutot que projetée dans le futur ou extraite du passe. Le Sceau de Salomón 98
est également un symbole mystique entre autre ayant la forme d'une croix á six branches aussi connu sous le nom d'étoile de David. (WD, 72) Quant au mot "sceau", il derive de "sigillum" et de "signum" qui tous deux sont utilisés pour initialiser et identifier un document legal ou autre et en cela se rapproche du Sceau de Salomón symbolisé par une croix. Nous 1' avons deja observé dans les histoires d' ombre et le rappelons ici: le fait de désigner quelque chose par une marque quelconque (souvent une croix ou X) fait de la copie un mariage dé-sygnée. Pour lire, il faut tout comme le sceau ouvrir le pli. La coupure inherente au sygne-sceau se manifesté par une étymologie commune: "secare". C'est done á ce titre que le sygne est sygne de dé-génération. A 1' amont, le (dé)doublement des voix narratives scelle rarriére plan. Dans la relecture, l'écriture subite, anno(n)ce des transcriptions aléatoires comme leurs ombres. Le narrateur dirá: j'y (au texte) revins, et plusieurs fois. La pensee demeurait limpide. Pourtant, aprés chaqué lecture, quelque chose de sa ciarte se voilait derriére elle. A la fin elle seule en avant de la phrase. De cette phrase, tous les sons, les uns aprés les autres, s'étaient tus. Dépouillée de toute vie, la pensee n'offrait plus qu'une ligne immobile. Et je sentáis entrer le silence d'une extraordinaire solitude. Aucune forme, aucun reflet, et á tous les appels de la pensee, aucun echo. Rien n'était la...Un contour tout au plus, mon Ombre. Mais ce contour vivait. II n'y avait plus d'autre vie, et ainsi j'étais seul avec cette Ombre d'hommelii, la plus tremblante des choses créées.(RN, 46)
Par un trouble désistement, la voix s'ombre d'un "double obscur" rappelant á luí ce que l'ombre fut, ce que l'ombre sut. Dans Une Ombre en effet, le narrateur s' interroge sur le sonore de ce mot qui d' echos en echos semblent réveiller dans sa pensee engourdie les images hallucinantes des revés. Le narrateur écrit: L' Ombre. J' entendis résonner en moi le son de ce mot. II se prolongea d' echos en echos innombrables. Jamáis je n' aurais cru qu' il püt en faire retentir d' aussi longs ni si lointains. Leurs voix se multipliaient de distance en distance, ne laissant derriére elles á mesure qu'elles s'éloignaient que des vibrations inaudibles, mais percues tres longtemps par la pensee. Elles s' y enfon?aient pour en abolir le silence. Et la pensee qui les entendait marcher dans ses revés s' éveillait lentement, épouvantée. (O, 61)
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La Crainte de 1' Abolition dans 1' Appropriation Du fait de son passage, l'apparition de l'ombre est transitoire. L'appropriation du transitoire menace, par l'absence de stabilité, d'annihiler l'effort d'intégration. Dans ce sens, l'ombre échappe a toutes les valeurs objectives reliées a la vérité, sa validation. L'existence constamment remise a demain problématise l'essence. Ce flux d'un póle a l'autre conduit a l'anéantissement d'un courant directeur. Traversée de voix, le sygne bosquien s'écoule dans l'e(n)vasement d'une espéce de "tympan" proposé par Derrida Frédéric, témoin de 1' abolissement de sa "propriété" dans le "double de son double" écrit: Alors la crainte me saisit que s'effacát cette forme tirée de moi-méme, et qu'á l'angoisse d'étre seul dans le néant succédát la stupeur de mon propre abolissement. Car l'ombre faiblissait; son contour devenait insensiblement vague et infidéle aux formes de ma vie. Je la perdáis; elle n'était plus qu'un reflet d' elleméme, le double de mon double, qui se dissolvait dans la brume oü s'enfoncaient les feux des derniéres pensées. Elle sombra. II n'y eüt plus alors, ni lumiére, ni ombre, ni présence de l'étre, ni absence. Cependant j'attendais..."(RN, 46)
En raison des échos mortels du sygne, de leurs raisonnements inexplicables, la lecture se problématise réellement en équation X. Etant donné que l'élucidation du sygne est rendue improbable par sa dérivation, celui-ci se déposséde sur les lecteurs a venir, ceux que Bosco appelle les héritiers (males bien sur). Done, le sygne se "libere" du narrateur au lecteur, du lecteur au narrateur. A mi-chemin (au croisement) entre l'unique (l'original) et le double (la copie), l'unité, par conséquent, dépend par la moitié, du tiers divisé, voici 1' équation que nous nous proposons de mettre en fonction maintenant par 1' analyse du Jardin d' Hyacinthe. L' équation du sYgne-croix dans le Jardin d'Hyacinthee Les critiques de l'ombre bosquienne ont insiste á des niveaux et pour des motifs différents sur 1' obsession du signe-croix au coeur de la thématique d' Une Ombre. A. Chevalley11" et 100
Jacqueline Michelüv et Charles du Ry ont offert des possibilités d'interprétation. Dans son étude, C. du Ry se concentre sur 1' élucidation du signe-croix bosquien. Ses remarques tirées de rintroduction au monde des Symboles mettent en lumiére ce qu'il appelle justement le "coeur du probléme": Elle (la symbolique chinoise) nous a réappris á ne jamáis considerar les quatre cotes du carré ou les quatre bras de la croix hors de leur relation nécéssaire au centre de la croix ou au point d'intersection de ses bras. Sans jouer sur les mots, on pourrait diré sans se tromper que ce cinquiéme point est le plus important de la quaternité. Comme le cercle, le carré est une figure centrée. Et le centre du carré coincide avec le centre du cercle. Ce centre commun est le grand carrefour de 1' imaginaire. II est le lieu de toutes ruptures du niveau, de tous les passages d' un monde á 1' autre.lv
II ne fait aucun doute que le centre "carrefour de l'imaginaire" fait converger les niveaux d' interprétation. C. du Ry y voit á propos la rencontre des deux niveaux (passé-présent, réveréalité, mort-vie) au coeur de la narration d' Une Ombre en particulier. La coupure du sYgne bosquien est caractéristique des "carrefours" entre écriture et lecture qui font converger arbitrairement ou non vers le sYgne (signifiant) d'autres sygnifiés qui lui sont paralléles. Le sYgne bosquien a ceci de caractéristique que coupé á 1' avant, il porte 1' attention sur les arriére-pensées. En ceci, il s' identifie á une tendance post-moderne dont nous trouvons des échos dans Peter Schlemihl et bien sur dans la Parabole de Poe. Le Sygne-croix est la figure de prédilection du romancier dans Le Jardin d'Hyacinthe et bien d'autres romans dont en particulier Une Ombre que nous étudierons plus en détails dans nos derniers volets. Dans le Jardin d' Hyacinthe, le sygne est determiné par une quadrature étoilée en poétique cercle: De la ferme elle-méme, á part sa bonhomie on n'aurait rien de plus á diré, n'étaient le cadran et la source. Le cadran, on l'a peint et gravé au-dessus de la porte, sur une pierre douce. II est curieux. Dans le cercle oü s'inscrit une rose des vents, les quatre directions de l'air sont indiquées par des figures: á la pointe sud, un oiseau, les ailes déployées (un épervier peut-étre); á l'est, un arbre rond; á l'occident, une petite barque; et en haut, au Septentrión, une étoile á sept branches. Tout autour court cette devise: je suis méme sensible au rayón de l'étoile. Et stellae sentio lumen. (JH, 15-6)
Reliée directement á ce sygne un peu plus loin dans le récit, le narrateur décrit une fleur á sept pétales en forme d' étoile qui rappelle la rose au centre du cercle. Dans le Jardin d'Hyacinthe. 101
l'impression du sygne-étoile passe par sa gravure dans la pierre. La gravure est une technique d'impression différente de l'inscription proprement dite. Ici, l'apparition du sygne correspond plus a la lecture d'une impression dans les deux sens. On ne peut s'empécher d'avoir une image mentale de ees figures. Figure d'apparition (a parution), le sygne bosquien a ceci de fascinant qu1 il fait réfléchir, donne á rever et souvent y concrétise son impression. Nous essaierons maintenant d1 aprés Le Dictionnaire des Symboles et des Objets Sacres de commenter les éléments du cadran. L'épervier, done et nous traduisons les informations ici était la forme totémique du dieu égyptien Horus. Horus symbolisa par exemple á la mort du pharaon le départ de 1'íime vers le ciel sous la forme d'un épervier. Meneur d'ámes, parfois passeur, il conduisait les ames de l'autre cote de la riviére souterraine. Plus tard, on le connut sous le nom de Charron, passeur du Styx.(WD, 403)
Quant á 1' arbre en general, nous dit B. Walker, on attribue á l'arbre une conscience. L'adoration des arbres était commune non seulement chez les Druides, mais également parmi d'autres peuples. Les nations du moyen orient se consacraient a l'art de la divination en écoutant le bruissement des feuilles. Certains arbres devinrent dieux ou déesses dont les voix pouvaient étres interprétées seulement par un sage ou une prétresse qui habitaient á cote de l'arbre. En plus de l'adoration des arbres, les anciens avaient une vue du cosmos entier sous forme d'un arbre et pensaient que les arbres étaient des cíes aux plus grands mystéres. (WD, 458)
La barque, selon le Dictionnaire et selon des sources littéraires anciennes était souvent choisie pour représenter le berceau et la matrice. Les nordiques utilisaient le méme mot pour 'bateau', 'berceau' et 'tombeau' et envoyaient leurs morts dans le sein de la mer pour y renaítre.(WD, 121)
Finalement, pour l'étoile á sept branches Au Moyen-Age le chiffre sept était le chiffre populaire le plus mystique aprés trois. II était souvent associé aux sept soeurs celestes, gardiennes de Y axis mundi. Au Moyen-Orient, elles étaient les sept piliers de la sagesse. Les égyptiens les considéraient comme les sept personnes que les morts rencontreraient dans leur voyage á travers les sept sphéres de l'au-delá. Également, ce motif était populairement utilisé comme défense contre la violation de ses secrete. (WD, 76)
Ce cadran appartient á la tradition janique, car il est double: solaire et stellaire. Fait marquant, excepté l'inscription 102
"PARDES", le temps a effacé les inscriptions qui éclairaient peutétre le sens des figures, au sens obscur, mais que Ton peut toujours lire sur l'arbre. Sans vouloir á tout prix éclaircir ce sygne (d'ombre), nous aimerions néanmoins suggérer quelques interprétations possibles. Etant donné la valeur que Bosco attache áu sygne, il semble étrange (ou alors s'attend-il á la curiosité d'un lecteur ou d'une lectrice comme c'est le cas ici) que ce narrateur ne cherche pas á le déchiffrer, Bosco quant á lui avait probablement une ou deux idée(s) en tete lorsqu'il écrit "PARDES". Rien n'est á prendre á la légére avec lui. En latín, "pardus" et en grec "pardos" signifient "léopard". Dans "léopard", il y a "leo". Le lion dans les signes du Zodiac si chers aux narrateurs - je fais ici référence au román Une Ombre dans lequel se trouve une piéce oü est peint le signe entier du Zodiac - symbolise la forcé. Egalement "pardes" evoque le vieux jurón fran5ais "pardieu". Aussi "pardes" ressemble á "padre" en espagnol qui signifie le pére (ou le Pére). En tout cas, ce mot "PARDES" semble indiquer une figure d'autorité, de référence (mais effacée) une voix silencieuse. On pourrait également relier "PARDES" á "pares" qui est lié á "parare" en latín et qui signifie "élaguer". Dans ce cas, le mot "PARDES" á moitié effacé sur l'arbre indique que l'on peut élaguer un accés extérieur pour unifier et uniformiser une surface irréguliérement répartie. Egalement "parare" est lié á "parere" qui signifie "produire", "donner naissance" á quelque chose. Dans ce cas, il faut voir dans l'effacement (extérieur) des irrégularités du sygne bosquien un acte de création controlé par la forcé interne de sa re-présentationlvi Ainsi, en resume des remarques ci avant données - y compris le symbolisme de l'épervier, l'arbre, la barque et l'étoile - ce signe conjure le mystére d'un ailleurs tout en le protégeant. II est par conséquent possible que les signes soient devenus illisibles parce que le cadran tout comme le mot "PARDES" est caché. Le cadran est ombragé des yeux et du soleil par une vigne inutile. Alors la devise "Et stellae sentio lumen" n' a plus de sens. Cependant, il faut remarquer que le vieux cadran semble avoir conservé son propre temps et indique ses propres heures "imaginaires", ce qui lui confére un caractére irréel, étrange, surnaturel et quasiment magique vu sa situation géographique: il est figure d'exception tout comme la source. Le temps a presque effacé toute figure done et abandonné (ne seraient-ce les traces et 103
inscriptions sur le cadran) les lieux. La source est presque tarie et le cadran inutile. Tout ceci confirme done bien que l'indéchiffrable chez Bosco énonce/annonce le Mystére par l'attente qui suit a l'appel de son sygne. Dans un Jardín d'Hyacinthe. l'appel du sygne comme renvoi-re/jet r'appelle a plus tard, plus loin, l'Apparition.
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Chapitre 2 ' Pour une analyse détaillée, voir 1' édition de Catherine Itzin, Pornographv. New York: Oxford University Press, 1993. u Eleanor Burke Leacock. Myths of Male Dominance. New York: Monthly Review Press. 1981,p. 220. iu Ibid. IV Blaise Cendrars a écrit un conté pour enfant,"la Féticheuse". Traduit en anglais par Shadow. l'ombre est une danseuse magique qui danse autour des feux dans la forét la nuit. Si l'ombre est caractériséepar son silence, elle ne manque cependant point d'oreilles et d'yeux. Fidéle aux croyances indigénes, Cendrars qui compare l'étirement de l'ombre au mouvement des scorpions et des serpents met en garde le dormeur á son réveil de pas marcher sur elle, car elle pourrait le piquer ou le mordre! Blaise Cendrars. Petits Contes Négres pour les enfants des Blancs. Paris: Editions Denoel. v Peter Worstman. "Peter Schlemiel: The Displaced Person' s Guide to Nowhere". International Publishing Corporation, 1993. Dans son introduction á Peter Schlemiel: The man who sold his shadow. M. Worstman - et je traduis - fait remarquer que comme son héro, Chamisso déraciné, souffre d'un certain dédoublement psychique. Chamisso dans une lettre á Mme de Staél écrivait: I am a Frenchman in Germany and a Germán in France; a Catholic among the Protestants, Protestant among the Catholics; a philosopher among the religious... a mundane among the savants, and a pedant to the mundane; Jacobin among the aristocrats, and to the democrats a nobleman, a man of the Ancien Regime...Nowhere am I at home! (xii). Comme le montre cette lettre, poursuit M. Worstman, "Chamisso ne s' était pas remis de la séparation avec la mere natale, sa langue maternelle et ne pouvait pas encoré étre assimilé dans le pays d' adoption, 'a fatherland'". D' oú pour cet écrivain comme pour Bosco - le besoin d' étre reintegré par I' écriture du conté. Chamisso continué Worstman écrit: The world events of the year 1813, in which I was not able to take an active part - for I had forfeited a fatherland, or rather had not yet adopted one - tore me apart repeatedly without deflecting me from my chosen path. That summer, to distract myself and amuse the children of a friend, I wrote the fairy tale, Peter Schlemiehl (xiii). V1 Ibid. Worstman remarque que dans une lettre á son frére, Chamisso indique que le nom de Schlemihl ou plutót Schlemiel, nom Hébreu, signifíe "Gottlieb, Theophil or Beloved of God. This, in the everyday parlance of the jews, is their designation for clumsy or unlucky souls who succeed at nothing in mis world" p. xiv. v " Voir Aligihieri Dante. Qeuvres Completes. Paris: Gallimard, 1965. L'ombre est symbole du mortel, de la condition humaine en general. Sa perte représente l'ostracisme. Chez Dante, dans le Purgatoire de la Comedie Divine. 1' ombre a cette méme fonction, mais n'est qu'un défaut (une souillure) et un obstacle pour celui qui aspire á l'immortel á la progression de la lumiére interceptée par le corps. VU1 Paul Gilson est né á Bruxelles en 1865. Compositeur Belge, Professeur aux conservatoires de Bruxelles et Anvers, il fonda la Revue musicale belge en 1942. " Paul Gilson. L' homme qui a perdu son ombre. France Illustration. N° 149, 1953. x II n'est pas surprenant que le diable ici se nomme MIROLUS dont l'étymologie se rapproche du miroir.
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X1
L'ombre, dans ce cas filustre l'archétype Jungien, moyen de (re)connaissance d'une partie inconnue de soi-méme et qu'il faut connaitre pour pouvoir intégrer. xu Le tabou sur 1' unión entre Peter et Mina(son ame) est representé par (I1 épine de) la rose. Nous le résumerons ainsi: le fu de V ombre a /' ame = épine de rose = hymen blanc "coupé" = échange (de Mina). Ce fíl symbolique qui substitue 1' ame á l'ombre et qui reliera les héritiers Andersen, Gilson et Bosco plus particuliérement á leurs prédécesseurs fait echo á la thématique de Hugo, Baudelaire et Mallarmé dont nous trouvons de nombreux exemples dans le texte et auxquels nous renvoyons nos lecteurs. XUJ Marie-France Azéma remarque que Mina rappelle Helmina de Chezy dont Chamisso s 'était épris et qu' il avait abandonnée le premier á son grand regret, sans compter la honte qu' il en éprouva. C'est pourquoi on peut voir dans 1' histoire de Peter Schlemihl un genre de catharsis par le biais de 1' écriture. (PS, 56) note 1. X1V Marie-France Azéma écrit: "Cet ideal féminin (la jeune filie éperdue de reconnaissances et soumise) est celui que Chamisso exaltera ensuite dans des poésies qui peuvent paraítre un peu miévres; II écrivait á propos d' Hermina: 'les femmes sont complétement heureuses...dans le sacrifíce complet d' elles-mémes1, point de vue d' ailleurs assez répandu á 1' époque romantique." note 1, (PS, 64) xv II faut ajouter que cette X fut historiquement la forme de 1' argent échange á une certaine époque pour un certain peuple. Nous avons trouvé dans un article du New York des représentations de piéces de cuivres en forme de X et de H qui "était utilisées comme monnaie courante par le peuple Luba du Zaíre. L' origine de cette forme en X ou H qui reste inconnue ajoute au mystére general. Mr. Roberts, un archéologiste, interrogé sur leur origine par Rita Reif auteur de 1' article répond :'No one knows precisely where, when and how long early African money was made and used. The exact origins of the oldest piéces - metal ingots, in the shapes of crosses, X' s and H' s - are also murky"' (p. 50.) xv ' Voir Andrea Dworkin. Pornography: men possessing women. New York: G. P. Putnam's sons, 1981. Nous encourageons nos lectrices á consulter le livre de Andrea Dworkin qui explore les rapports inextricables entre pornographie et capitalisme. xvu On ne peut que craindre un futur de plus en plus axé sur la communication (internet et autre) quand on connait les fréquences de la prolifération de 1' échange pornographique sur ees réseaux dans notre technologie soi-disant avancée. xvm La coupure par le sang ou le contrat de mariage manqué avec Mina, prostituée á Rascal. X1X Voir la note 1,(PS, 121). xx C. G. Jung. L' Homme á la découverte de son ame. Paris: Payot, 1982. xx ' Jugée autobiographique, "l'histoire de L'Ombre est née du différend entre Andersen et Edward Collin qu'il considérait comme son frére-mais qui avait refusé d'utiliser le "tu" (du) familier avec lui, se limitant á l'emploi du "Vous" De) lui faisant sentir ainsi sa supériorité sociale. En fait, Collin contrólait la vie d' Andersen (qu'il considérait comme sa propriété) dans une certaine mesure et Andersen s'il lui en était reconnaissant n'en était pas moins amer pour cela." European Wriiers: The Romantic Century, Vol. 6., 1985, p. 886. xxu Voir Jean Genet. Le balcón. Paris: L' Arbaléte, 1962. On ne peut s' empecher de penser á cette piéce qui, par sa thématique du reflet et du double s' apparente á celle d'Andersen.
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XX1U
Noter une fois de plus les rapports de dépendance entre échos-ombre. Ce qui semblerait un détail est en fait tres important: il n'y a pas d'appréhension directe de I'ombre. Elle apparait dans le miroir et c'est ce miroir que le narrateur en particulier regarde fíxement. II ne détache pas son regard du miroir comme si celui-ci était sa derniére protection, sa résistance á la réalité de I'ombre. C'est pourquoi norre tableau comparatif qui indique certaines distinctions entre ombre-miroir servirá de point de repére á nos lecteurs, du moins nous l'espérons. xxv Cette conclusión qui tombe comme un couperet ne peut qu'étre suivie d'un silence des plus profonds. Et ce n'est pas une coíncidence si dans la serie des histoires de Poe la parabole de I'ombre est suivie immédiatement d'une parabole sur le silence justement. XXV1 Michael Williams. "Poe's 'Shadow.-A Parable". American Literature, 1985, p. 632. xxvu Ceci est brillamment illustré par l'oeuvre nabokovienne et en particulier Palé Fire dans lequel l'image intermédiaire (Palé Fire, román de Nabokov) sert de croisement entre l'original (Palé Fire,poéme de John Shade) et le double (Palé Fire, commentaire de Kinbote-Botkin). Vladimir Nabokov. Palé Fire. New York: G. P. Putnam's Sons, 1962. XX1V
Chapitre 3 XXVU1
Daniel Moutote. "Sémiologie du texte visionnaire" in José Corti. L' Art de Henri Bosco. París. 1981,p52. XX1X Ibid, p. 53. xxx Jacqueline Michel. " 'Un Conté de la solitude', ou le chiffre d' une spiritualité" in Henri Bosco: Mystére et spiritualité. París: José Corti, 1987. pp. 207-17. XXX1 Jean-Cléo Godin. Henri Bosco. Une Poétique du Mvstére. Presses de l'Université deMontréal. 1968, p. 319. xxx ° Yves-Alain Favre. "L" art des silences" in José Corti. L' Art de Henri Bosco. París, 1978. pp. 309-23. xxxm Alexis Chevalley. Lire Henri Bosco. Vevey: Delta, 1974. XXX1V Alain de Latiré. "L" organisation de 1' espace" in L' Art de Henri Bosco. Paris: José Corti. 1981,p. 228. xxxv Ibid. Robert Baudry. "Onirisme et Symbolisme", p. 62. XXXV1 Jacques Derrida: Marees de la Philosophie. Minuit: Paris, 1972, p.13. xxxvuje t¡ens ¿ remercier Alice Brady, professeur d'informatique á Kalamazoo College, Michigan. Alice Brady a determiné et representé les deux fonctions X=Y et Y=X sur la parabole. xxxvm Ovide. Metamorphoses. London: Harvard University Press, 1984, p. 154. XX! X " Contrairement á Orphée, Narcisse devrait se retourner. La quéte bosquienne est une quéte "orphique" dans la mesure oú au retour se substitue le détour du labyrinthe, nous le verrons dans le chapitre 4. xl Sandra Beckett. Les reflets. les échos et les ombres chez Henri Bosco. Ontario, Edwin Mellen Press, 1993, p. 21. xü Michel Guiomar. "L1 Antiquaire": Nocturnal á 1' usage des veilleurs et des ombres. Paris: José Corti, 1984. xül On peut se demander si parfois Bosco ne se méprend pas pour son parent Saint Jean Bosco.
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xliii
D' aprés le Dictionnaire de Svmboles. "il est tres important que les magiciens et prétres connaissent l'áme et le nom secrets de leurs déités parce qu'ils pensaient que le fait de contróler leurs noms leur permettait également de contróler leurs actions. Les magiciens de la période médiévale prétendaient dériver leurs pouvoirs de la connaissance des noms saints. Une des formules magiques étaient la suivante: "tout ce queje dis doit arriver car je suis le fus de Dieu... Je suis uni á sa forme sacrée. On m'a donné son nom sacre." Cependant bien des formules magiques de l'époque dérivent du systéme matriarchal ainsi preservé quand le nom des peres n'était pas utilisé. Les papyrus magiques utilisent exclusivement les noms maternels lorsqu'ils s'adressent aux personnes, comme 'X dont la mere était Y'." (WD, 148) xliv Nathalie Sarraute décrit ses tropismes dans une définition (8-9) qui se rapproche des "fluidités de pensée" évoquées par Henri Bosco. Nathalie Sarraute. L 'ere du soupcon. París: Gallimard, 1956. xlv La capitalisation ici renforcera la lecrure. xlvi Ibid 7, p. 224. xlvu Nous verrons dans nos deux dernier chapitres comment se manifesté dans la hantise du féminin le dédoublement en "eautre". xlvm Donna C. Stanton. "Difference on Trial: A critique of the maternal Metaphor in Cixous, Irigaray and Kristeva". The Poetics of Gender. New York: 1986, p.157. xüx lbid,p. 158. 1 Par exemple dans 1' Antiquaire. pp. 226, 232, 377. u L'eautre au féminin dans ce cas menace perpétuellement 1' Ombre d'homme créée. Nous y reviendrons. Uii
Ibid 6. Jacqueline Michel. Liturgie de la lumiére nocrurne dans les récits de Henri Bosco. París: Minard, 1982. lv Charles du Ry. Dans l'Ombre d'Une Ombre. Cahiers H.B., n° 22, 1982, p. 111 lvi Dans ce cas, si l'on accepte pour vrai cette interprétation, l'arbre du pére représente le signe géne-á-logique bosquien. üv
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Chapitre 4 En mémoire d'une Ombre
II faut á une enquéte un point de départ, méme le plus invraisemblable. L'essentiel est de partir. Un chemin qu'on vous a sígnale 'sans issue' peut vous mener á d'étonnantes découvertes. Henri Bosco, Une Ombre If our given experience is a labyrinth, its impassibility can still be countered by the poet's imagining some equivalen! of the labyrinth and presenting himself and us with a vivid experience of it.. Seamus Heaney. The Redress of Poetry The feminist jouraey into the wildly sacred Background is movement into wholeness/integrity. Mary Daly, Gyn/Écology As the women said in Les Guerilléres: 'Make an effort to remember, or failing that invent.' Women can discover and créate our myths in the process of amazing tales that are phallic. Ibid.
Chez Bosco, deux métaphores se filent d'une oeuvre á l'autre: le labyrinthe (et ses diverses représentations, passages, couloirs, voix et autres Communications) associé á l'ombre (en particulier celle qu'il appelle "la femme d'ombre")- Ce chapitre se propose d'explorer leurs Ínter-relations, et plus particuliérement les rapports qu'ils établissent avec la mémoire, afín d'obtenir une compréhension plus approfondie de l'érotique et de l'esthétique de l'univers bosquien. Nous avons choisi de nous concentrer sur trois romans bosquiens 1* Antiquaire. le Récif et le Jardín d'Hyacinthe représentatifs parmi d'autres de cette tendance genérale - á savoir la métaphorisation du labyrinthe et de l'ombre - avant de porter notre
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attention sur son dernier román Une Ombre. Par déduction et logique, nous voulons ainsi justifier notre lecture d' un román né (et mort) sous un sYgne si particulier. Oscillant constamment - comme l'ombre - entre le féminin et le masculin, le souvenir et le silence, trouvé et reperdu, désirant et réprimant, le sYgne bosquien fuit l'Ombre pour s'y mieux évanouir (épanouir). Le labyrinthe Une des images affectionnées tout particuliérement par Henri Bosco est celle du labyrinthe qui se présente telle quelle ou qui est représentée par d'autres formes de passages, tels que les couloirs ou plus généralement les voies. Le labyrinthe chez Bosco est tout d'abord un lieu physique oú évolue un narrateur généralement dérouté. Nous avons étudié en détails dans notre troisiéme chapitre les caractéristiques centrales au sYgne1 bosquien. Le sygne bosquien, dans sa contiguíté, est un ensemble de traces, figures ou symboles divers comme autant de points de repéres pour le narrateur et lui-seul, d' oü 1' utilisation du message codé, et est ainsi essentiel á la progression de celui-ci dans le labyrinthe. Robert Baudry écrit: Mais, si les signes parlent, encoré faut-il que d'autres que l'Elu predestiné, que des intrus, ne puissent profiter de ees repéres pour forcer par fraude l'entrée des zones interdites. Aussi s'impose-t-il qu'indéchiffrables pour tous, ees hiéroglyphes ne s' avérent lisibles que par Un. Ainsi s' explique l'aspect ambigú de ees messages de l'au-dela: leur face á la fois mystérieuse aux profanes, et révélatrice pour le seul Initié."
C'est ainsi que selon la nature de "!' Initiation", le lieu physique du labyrinthe et sa sémiotique varieront de romans en romans. On peut néanmoins regrouper les manifestations labyrinthines en trois centres: la rnaison, /' église et la bibliothéque. Quant á la sémiotique bosquienne, elle a pour symboles principaux, la croix (souvent en forme de carré), \' éíoile, \arbre et la rose. Les trois centres et leurs symboles ont ceci en commun qu'ils sont
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principalement internes et/ou caches. II faut préciser que l'internalisation qui indique un mouvement souterrainm débouche bien souvent sur la mer ouvrant ainsi bien des Communications entre la terre et la mer. Alexis Chevalley dans son approche thématique analyse les rapports établis entre le lieu et l'habitant. II est dommage qu'il se concentre principalement sur ce qu'il appelle une "étroite communion entre le narrateur et son gíte"lv et qu'il néglige de mentionner les nombreux exemples dans lesquels les rapports lieu-narrateur sont marqués par une césure profunde et la permanence de la menace. Dans Le Mas Théotime. Tante Clarisse met en garde contre les dangers inhérents á toute habitation qui, quoiqu'á l'abord bienveillant doit cependant se faire apprivoiser: "Une maison, ?a a un coeur, et pas toujours commode. II faut le chercher, le trouver, et lui faire de bonnes manieres, du matin au soir."(MT, 16). Les rapports établis entre la maison et le narrateur de l'Antiquaire confirment cet avertissement de Tante Clarisse. La structure du román l'Antiquaire est bátie sur un enchaínement de "voyages"v tous aussi déroutants les uns que les autres. C'est ainsi que l'habitation des Antiquaires á l'inverse du sens étymologique de "maison" qui vient du latin "manere" et signifie "rester, demeurer"vl est caractérisée non par le centre, l'ancrage mais au contraire le désir de l'aventure pour le narrateur et se manifesté par un départ permanent. Eccentrique, la maison des Antiquaires aux passages souterrains est placee sous le sygne du Mystére. Un mystére qui obsede au plus haut degré un narrateur désireux d'en résoudre coüte que coüte l'opacité. Au court de ses voyages successifs, le narrateur de 1' Antiquaire. de passages souterrains en passages souterrains, explore des lieux pour le moins etranges. (A, 293-4) Magnétisé par la bizarrerie du décor au risque de se voir "possédé", Baroudiel entend les échos rédempteurs, du moins le croit-il, de la voix du pére qui murmure en lui. vu En general, les "voyages" dans l'Antiquaire sont symétriques. Les lieux et les images quoiqu' apparemment différents sont en fait similaires et ont pour dénominateur commun l'image du "front de pierre". Apparemment hostile, opaque et impenetrable, la pensée ou le revé que le front communique bientót se clarifientvm á mesure que le souvenir emerge dans Fesprit du narrateur. 111
Le voyage marque, comme nous l'observons ici, le passage du temps et surtout le retour du passé (au présent) par l'émergence du souvenir. Le récit du dernier voyage se refermant sur lui-méme clót les "confidences" de Baroudiel "entré dans le silence". Ce silence est la conclusión logique au román étant donné que Baroudiel, narrateur est remplacé par Fransois Méjean commentateur et rédacteur de ce qu'on pourrait appeler l'épilogue. De plus, dans cet epilogue done intitulé "la voie'llx on apprend que Baroudiel qu'on croyait mort est en fait entré au Monastére de Bonnesterel. La révelation était done d'ordre spirituel et les échos de la voix paternelle qui lui étaient parvenúes lors d'un de ses voyages étaient le signal de sa "vocation". C'est ainsi qu'au labyrinthe est associé l'idée d'une révelation á venir. II ne faut pas oublier que le labyrinthe représente symboliquement l'ouverture sur les "mystéres intérieurs."(\VD, 57) De plus le labyrinthe signifie "la Maison de la Double Hache" et viendrait de labrys qui designe la hache secrete de Créte. Le mot était appliqué en general au palace de Knossos, maison du célebre minotaure* qui gardait la chambre souterraine céntrale á l'instar de son equivalen! asiatique Yama qui lui gardait 1' Enfer. La tradition paíenne fait de la marche dans le labyrinthe une procédure initiatique. (WD, 95-6)
II apparaít done que le labyrinthe lieu physique ouvre sur des méandres moins tangibles et ainsi encoré plus difficiles á suivre et comprendre. Et il faut voir dans l'ouverture sur les "mystéres intérieurs" la maniere d'accéder á l'inconscient. Barbara G. Walker écrit du labyrinthe que son symbolisme "pointe vers une révelation á trouver dans le Saint des Saints d' un temple, dans la matrice ou dans 1' inconscient".(WD,57) Chez Bosco, vécue comme autant de zones d'ombre de la mémoire, 1' ouverture sur 1' inconscient se manifesté de trois manieres différentes. Tout d'abord par le revé, le narrateur (et les lecteurs bien sur) accédent au monde intérieur. Puis par les nombreux évanouissements et pertes de conscience suivis de "bouffées delirantes". Et similairement enfin par l'hallucination á la frontiére de la folie. Inutile de diré que le retour á soi, au réel et monde conscient n'en est que plus problématique.
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Les zónes d'ombre de la mémoire: Evanouissements, delires, revés et retours. Le retour au monde, a soi, problématique pour bien des raisons que nous allons voir est un théme particuliérement développé chez Bosco. En effet, la oü les frontiéres s'abolissent, le songe est le lieu privilegié de l'ombre - son sygne - et les trous qui la grévent rappellent au jour les souvenirs á-demi disparus dans les méandres de la mémoire. Lieu de l'inconscient, mémoire de l'invécu, l'ombre est le sygne mental par excellence de l'initiation aux mystéres. Généralement maladifs, les personnages sont soumis a d'inévitables fiévres et delires, pertes de conscience, évanouissements, pertes de mémoires et cauchemars qui représentent autant d'ouvertures sur l'inconscient. Dans le Jardín de Hyacinthe. le narrateur en proie au delire divague pendant des semaines. Aprés la fiévre et le delire vécus comme "une suite ininterrompue d'aberrations", le narrateur entre dans un "revé humainement conc,u, tendrement infiltré; un revé oü tout me semblait inconnu et tout reconnaissable."(JH, 210) Comme dans la majeure partie des revés con§us par les personnages, ou comme le spectacle qui leur est offert au réveil, les visions du narrateur sont centrées autour de l'image du jardin. Le jardín, perdu, retrouvé est le lieu de l'inconscient bosquien. Dans ce román, le jardin est un lieu familier, protecteur et separé des bois, dans lesquels vit une espéce de sorcier-magicien. Le revé du narrateur est en fait la mise en abyme de l'histoire au plus fort de son noeud. Dans ce cas, le revé est plus un souvenir de la mémoire qu'une image mentale. Hyacinthe, double imaginaire de Félicienne est une petite filie que le sorcier a charmée et privée de la mémoire. Conscient de la superposition d'images issue d'une mémoire "détachée", le narrateur declare: J'avais parfois le sentiment que ees visions ne naissaient pas du propre fonds de mon esprit, échauffées par la maladie mais provenaient d'une mémoire détachée de son corps mortel. Errant dans la chaleur des nuits d'été, favorables au vol des ames, elle avait rencontré ma pensée brülante de fiévre. Pour l'apaiser et peutetre pour se reposer de son voyage, elle s'y était appuyée contre moi légérement. Et alors toute la fraícheur de ce paradis de campagne qu'elle emportait vers d'autres mondes avait penetré dans mon ame" et j'avais vu une autre vie plus douce que la vie mortelle.(JH, 215)
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U devient de plus en plus évident que cette mémoire enfantine artificielle á laquelle est attachée la mémoire de 1'áme du monde est issue d'un paradis dispara (non moins artificiel). Voici le noeud de l'histoire, un nomine sorcier a voulu recréer par l'intermédiaire d'une enfant l'image perdue) du paradis. Le narrateur bosquien écrit: J'y touchais par une mémoire enfantine. Elle n'avait rien de commun avec celle oü je conserváis mes propres souvenirs d'enfance et qui était deja une mémoire mure, oü ees souvenirs pour m'atteindre traversaient des années profondes que peuplaient d'autres souvenirs interposés. On eüt dit plutót d'un enfant encoré prés de sa mémoire. Rien n'y était lointain. Mystérieusement arrétée dans le temps, cette mémoire n'avait pris qu'une faible étendue pour y mettre les figures d'une vie breve et qui, des lors avait gardé cette merveilleuse fraícheur de paradis.(JH, 215)
Par conséquent, le revé bosquien est non seulement le lieu oü Ton se souvient, mais également il est lieu de passage ou communication privilégiée d'une ame á l'autre: "Ainsi je soupconnais que ce n'était pas moi qui me souvenais de ees choses, mais un étre inconnu se servait de moi, cette nuit, pour retrouver ses souvenirs en les déposant doucement dans ma tete fragüe."(JT, 216) Comme le lecteur progresse dans le román, il s' apergoit que l'étre inconnu qui cherche á se souvenir n'est autre que Hyacinthe/Félicienne™ que le sorcier Cyprien a privée de sa mémoire et de son ame. Dans le Journal de Cyprien trouvé en conclusión d' un autre récitxm, celui-ci evoque l'opération effectuée sur la mémoire de Hyacinthe: Hyacinthe dormirá longtemps. La moitié de sa vie ne sera qu'un sommeil, l'autre qu'un songe mais quel songe! Deja elle repose sous l'effet du charme de la nuit et la fatigue du voyage. J'ai dü me résigner á écarter son ame. II ne lui reste que sa vie, le peu de sa vie.(CM, 216)
Ainsi done á l'enfant est lié le jardin qui est lié au revé du narrateur. Sans la reconnaissance du jardin par l'enfant, il ne peut y aVOir de Paradis. Et pour qu'éllc le rcconnaissc, il faut d'abord qu'elle l'ait oublié. Mais Hyacinthe á son réveil ne reconnaít rien et Cyprien se voit obligé de lui restituer l'áme qu'il avait exilée d'elle et lui faire retrouver sa mémoire. Le phénoméne du rappel est développé avec une finesse et une sensibilité bouleversantes qui frólent le poétique. Cyprien écrit: 114
L'image arrive lentement des abímes de l'ombre, quitte l'oubli, éclaire, illumine un instant la conscience et s'évanouit.(CM, 264) puis bientot effet inversa la mémoire retrouvée abolit le présent: Ainsi la présence des choses prend la forme impalpable du souvenir...Le présent n'est alors qu'une réminiscence. Rien ne luí vient, mais tout fictivement lui fait retour. Plus de touche directe. L'immédiat a disparu...Elle (Hyacinthe) n'a que de la mémoire.(CM, 266)
Chez Bosco, le revé prolonge la personnalité. il n'y a pas pour ainsi diré de séparation entre le conscient et l'inconscient qui le double, la vie/mort de la mémoire. Au réveil, le provisoire de la survie aura laissé des traces, des points de repéres dans la mémoire. Le passage dans ce cas implique la réception transitive d'un Autre dont l'altérité n'exclut pas la reconnaissance: A cote du passé pesant de mon existence vécue, soumis aux fatalités de matiére, j'avais d'un souffle épanoui un passé en accord avec mes destins intérieursMV. Et en revenant á la vie j'allais tout naturellement aux naives délices de cette mémoire irréelle.(M, 157)
Et dans le Récif. Phitios á l'instar du narrateur de Hyacinthe écrit: Ses paroles, ses gestes s'accordaient á la vie raisonnable. Je n'en étais pas moins persuade qu'il cachait en dessous de sa claire mémoire une autre mémoire, celle des abímes, qui jamáis ne s'abolira. Elle garde secrétement et nourrit les visions de son dramatique voyage. II en surgissait par moments des souvenirs qui remontaient vers lui du fonds des mers...Il révait, il révait lentement.(R, 263)
C'est ainsi que le passé reconstitué dans le souvenir de l'autre á reconnaítrexv (á travers lui) double l'imaginaire bosquien. C'est ce qu'il appelle la "double vie mentale" ou la "confusión de deux ames". Dans Malicroix la mémoire et ses troubles sont compares au passage des eaux á travers la brume. Semblable á Hyacinthe, le narrateur vit dans ce que nous appellerions le "brouillard de la mémoire" oú brassent dans des eaux grises des voix dont les échos lui arrivent assourdis dans un mouvement de derive. Ici, cependant l'évanouissement du souvenir tourne á l'abolition de tout sentiment, au néant. Le narrateur écrit: Aprés avoir tout oublié de moi, j'oubliais plus encoré. Mais je ne sais ni jamáis ne saurai sans doute, ce qui s'abolissait au-delá de mes souvenirs anéantis. Je dus m'enfoncer loin et bas, dans la dissolution de mon étre malade, et alors j'effleurai peut-étre les confins des pays sans lumiére et sans ombre. Oü fus-je, si je fus; et quel monde ai-je traversé, sans le voir ni l'entendre? Passage de je ne sais qui, je
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ne sais oü, vers je ne sais quelles régions indéfmies...Du moins lorsqu' aujourd'hui je songe á ees temps de l'abolition ai-je a défaut de souvenirs, une sensation incomprehensible de déplacement pur, et peut-étre n'était-ce qu'un dernier effort de ma vie interne, á bout d'élan. (M, 200)
Passage, mémoire amnésique et désir
Didier Anzieu, éditeur de 1' anthologie Psychic Envelopes et ses contributeurs s1 intéressent sur les rapports d' altérité éntretenos entre identité et frontiéres. Cette anthologie nous a ouvert des voies d'interprétation possibles quant aux relations établies entre 1' "enveloppe psychique" - qui selon lui est conque comme un plan de démarcation entre notre monde interne et celui des autres - et la mémoire. L' une des contributrices Micheline Enriquez auteur de "the Memory envelope and its boles", par son étude de 1' amnésie volontaire et involontaire et les possibilités de leur traitement, nous offre une perspective théorique qui s'applique particuliérement bien á une des obsessions bosquiennes: le sygne dont le travail d'interprétation est basé sur le r'appel ou une transcription laborieuse du phenomene de répétition d'inscriptions diverses. Micheline Enriquez écrit: The process of remembering that develops in treatment in the heat of the transference allows active traces to be rediscovered, which forgotten, distorted and transformed by the effects of history, time, imagination and discourse, have made each of us into what we are. (PE, 97)
M. Enriquez distingue deux formes de mémoire et d'oubli: Une amnésie désorganisée, sans liens aucun et une amnésie organisée. La premiére forme de mémoire est une mémoire "préhistorique" constituée d'impressions premieres (tirées de l'enfance) qui forment une collection disparate d'inscriptions ou ce qu' elle appelle "a reticulated network of contact barriers."(PE, 113) Cette mémoire tirée directement de l'inconscient et l'analyste, ditelle, peut la restaurer gráce á une "technique déductive".
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Quant a la deuxiéme forme d'amnésie, l'amnésie organisée, elle est déterminée by the activity of the secondary processes. Its dynamic and economy are determinad by psychic conflict (conflict between wishes and identifications, between organizations, between the ego and reality...). It is by definition unfaithful. Always in transformation, it is written and rewritten in temporality, simultaneously giving a sense of contiguity of the self and of difference from self to self over time. Constantly undergoing processes of deformation, it works on traces and mnesic representations that are fundamentally connected with phantasy and ideational activities.(PE, 115-6)
Le travail de rappel psychanalytique, affirme M. Enriquez ,est alors un travail de transcription: "for all that every transcription admits what it states while concealing it." (PE, 116) Lorsqu' Enriquez parle pour décrire l'amnésie désorganisée "d'impressions premieres qui forment une collection disparate d'inscriptions", et pour l'amnésie organisée "un travail de transcription", on ne peut s'empécher d'y voir un sensible parallele aux phenomenes observes chez Bosco. En bref, on trouve des traces de ees deux formes d'amnésie chez Bosco. Nous avons étudié les narrateurs des romans et nous avons vu que leur mémoire (partiellement et parfois méme totalement anéantie) était constamment doublée d'une autre, parallele ou adjacente qui cherchait a se souvenir. Par exemple, on se souvient du narrateur de Hyacinthe qui se rappelant un jardín disait que ees souvenirs n'étaient pas tires de sa propre mémoire (celle de l'enfance), mais d'une autre irréelle. Les narrateurs souffrent done de ees deux formes d' amnésie et ont ainsi une double vie mentale, constituée de deux mémoires, l'une apparemment "réelle" et l'autre imaginaire, inventée. On peut alors affirmer que chez Bosco, l'obsession sur le sYgne (inscriptionstranscriptions)xvl correspond a un (r)appel desesperé dont la réponse fatalement, conduit a 1' échec de l'irrésolution et la non réalisation définitive d'un désir primaire (chez l'enfant).
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L'Ombre á la mémoire: le féminin chez Bosco
Nous avons vu que le labyrinthe relié au rite du passage est une ouverture sur les "mystéres intérieurs". (WD, 57) De plus, au labyrinthe sont attachées des valeurs diverses qui mettent en lumiére les rapports passage - voie maternelle. En effet, le labyrinthe "dont les dessins apparaissent fréquemment sur les monuments et les grottes et tombes de l'Age de Fierre representen! les voyages de ramexvu au centre du monde utérin et son retour á la vie". (WD, 95) Dans cette section, nous nous proposons d'examiner les raports entre le labyrinthe bosquien et 1' ombre mystérieuse que jette la mere de Bosco(et par extensión le féminin) qu'il abrite dans ses dedales et comment, révélation á découvrir dans la poche foétale de l'inconscient, le labyrinthe symbolise un retour á la Terre-Mer(e) Dans un Oubli moins profondxvm. Henri Bosco relate ses tout premiers souvenirs d'enfance. Henri Bosco eut une enfance délicate. La naissance fut d'abord vécue á ce que lui a dit sa mere comme une expérience "traumatique". Bosco écrit: "J'ai jailli au monde. Expulsé de son corps avec violence, je suis alié heurter, non moins violemment de la tete contre le fond du lit, en hurlant tres fort." (Ou, 15) Deja, la séparation d'avec la mere fut "douloureuse" et nous pouvons voir dans le terme "expulsé" l'idée du re-jet justement. De plus, souvent malade, fiévreux, imaginatif á l'excés, des caractéristiques qu'il dit avoir héritées de sa mere, le jeune Bosco est pour le moins d'humeur mélancolique. Les rapports qu'il entretient avec sa mere sont pour le moins "troublés" et sans qu'il le dise vraiment, on sent que le jeune Bosco éprouve autant de pitié et d'épouvante que d'amour pour une "pauvre" mere comme il l'appelle souvent et "anormalement" projetée obsessionnellement dans le passé. Bosco écrit: Parfois je me demande si cette mémoire si profonde de ma mere ne comportait pas un site mental oü chaqué souvenir était, ou pouvait devenir, une hantise. On y rencontrait souvent des fantómes. Elle prétendait n' y pas croire mais elle en avait peur. Mais peut-étre y confondait-elle ees figures, ees événements ees menaces issus de sa seule mémoire, avec ees visions qu' elle imaginait, en leur donnant une telle puissance qu' elles en devenaient matérielles, vivantes et d' une présence si indiscutable qu' elle en subissait 1' épouvante. (Ou, 23)
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Bosco craignait la (semi)folie de sa mere qui heureusement dit-il s'oppose au calme et raisonnable d'un pére quasiment silencieux. La mere de Bosco a la mémoire persistante est un trait de caractére dont celui-ci a également hérité. Or cette exceptionnelle persistance dans la mémoire serait somme toute un avantage si elle n'était pas associée au drame central a l'enfance de Bosco: la mort de sa soeur. A notre avis, á la lecture des romans, cette mémoire, l'ombre de la soeur qui hante l'inconscient bosquien, se prolonge dans le monde imaginaire des personnages et de son oeuvre. Bosco n'a jamáis connu sa soeur morte du croup, un épisode décrit (et repelé) en détails au jeune Henri. Sa mere cependant qui ne se remettra jamáis de la mort de cette derniére prie continuellement sur les reliques - qu'elle transmettra á son fils - de la petite disparue. II n'est pas étonnant dans ce cas que les rapports entre Bosco et sa mere, la persistance de la mémoire de la soeur aient formé des son plus jeune age de ees toutes premieres impressions des images indélibiles. Bosco a-t-il essayé d'oublier ce drame? Nous avons précédemment étudié les rapports entre amnésie'et (r)appel chez les personnages et en avons déduit que l'échec du rappel représentait la non réalisation du désir primaire (chez l'enfant). A la lecture des romans bosquiens, il est évident que l'épouvante du souvenir de la mort de la soeur se traduit par l'épouvante (masquée par un désir conflictuel) de la femme ou des représentations féminines en general. L'ombre chez Bosco est l'Ombre du féminin, capitale mais toujours innominable. Le féminin bosquien: Une esthétique du passage L'esthétique bosquienne est done fondee sur la symbolique du passage qui est liée á l'idée d'une traversée passagére résultant habituellement á un (é)changement de lieu et d'état.™ Le passage se caractérise par sa mutabilité et son impermanence, résultat d'une phase de transition. Changement, altérité, le passage ouvre l'horizon onirique. Dans le Dictionnaire des Revés", le passage est un revé - obstacle similaire á "hall" pour son sens. "Hall" est lié á une période d'inquiétude, car le passage synonyme de transition est 119
souvent facteur d'anxiété. II est done évident que 1' ouverture sur le revé est compromis, bouché, obscurci et obstrué par la nonréalisation d'un souhait ou la résistance/réaction a un rite initiatique. L'univers bosquien est un univers naturellement et symboliquement féminin marqué par Vouverture (et la clóture) sous forme de voyage des sens. Par voyage, nous entendons la "traversée" d'oü un "passage". Ainsi l'entrée et la sortie dans un lieu généralement inconnu sont liées a la représentation symbolique de la voie qui conduit inexorablement a une porte. Les voies, les couloirs, les tunnels, et plus particuliérement les pórteseles caves, les antres, les grottes qui sont autant de représentations traditionnellement maternelles et par extensión féminines hantent l'oeuvre bosquienne. La cave en particulier lieu de l'imaginaire bosquien dans Une Ombre est a relier au terme general de la matrice. Celle-ci est le symbole saint de l'époque Paléolithique et Néolithique. La matrice, source de vie est source de tout processus créatif". En Sanscrit, ce mot est utilisé pour désigner un temple"™. En sumérien, le mot qui est utilisé pour désigner la cave sacrée et la matrice est "maiu" reliée á "mater". Pour les Pygmées d'Afrique, le m6me mot designe la grande cáveme qui représente la Mere de Dieu et pour Simón Magus, le Paradis est definí comme 'la Matrice de la Mere'. (WD, 330-5)
Comme l'ouverture, par sa béance, sa vacance, menace d'annihilation le narrateur bosquien, les rapports entre les personnages bosquiens sont marqués par leur "pudicité". Les personnages évitent tout contact physique et plus particuliérement sont méfiants vis a vis des femmes qui les menacent comme les éléments auxquels elles sont associées: la Terre et la Mer. Associé á la terre done, le féminin est également lié a l'élément aquatique qui, comme la terre fascine tout autant qu' il épouvante le narrateur bosquien. Celui-ci est en effet fasciné par la terre, dont il redoute la capacité á engloutir et qui ouvre sur les forces infernales, et l'eau, dont il craint le pouvoir hypnotique. L'eau dans les romans de Bosco envoüte et paralyse toutes les facultes des personnages. Plus particuliérement, elle leur fait risquer la noyade. En effet, bon nombre de personnages font l'expérience de semi-noyade dans les romans bosquiens. Pour ne citer que deux exemples car ils abondent ici et la, on peut penser á Markos qui dans Le Récif. s'il réchappe momentanément de son séjour sous les eaux, en meurt peu de temps aprés. Balandrán également dans Malicroix en est sauvé juste á temps et doit etre en convalescence pendant longtemps 120
apres. Cette hantise du physique revele non seulement la peur du féminin en general chez Bosco, mais plus précisément de celle que Bosco appelle "la femme d'ombre". Chez lui, la femme d'ombre est une créature effrayante animée par un désir aveugle et quasiment inhumain. Matérialisant la terre et incarnant Déméter, la femme d'ombre n'a pas de visage, ni d'yeux, son front est sans pensée et sa main est "l'inexorable main des voluptés fatales et des abolitions... insensible á l'étreinte, implacable dans la possession."( M, 328) En fait cette femme est le mal incarné et le seul moyen de lui résister c'est de l'exorcisen'Te exorciso, Satanás!"
La Femme d'Ombre bosquienne En general, symptómatique de la tradition patriarchale, la femme d'ombre est anonyme d'oü insituable et ainsi encoré plus dangereuse. C'est le cas dans l'Antiquaire oü l'ouverture sur l'autre par le passage, la porte sur le passage plus précisément, particuliérement en fin de passage, se referme en principe sur ellememe, telle une prisonxxm. Ouverture-fermeture, clóture premiére, le passage souterrain á la conscience en souvenir du maternel symbolise un inconcient féminin. Bosco, en mémoire de l'ombremére associe done (in)consciemment le féminin au réve-cauchemar et á la hantise de la traversée. Au maternel et par extensión féminin se rattachent deux valeurs utilisées tout au long de l'oeuvre bosquienne, le coeur et le centre. En effet, la traversée des passages dans l'Antiquaire s'enfonce généralement dans la terre, coeur primitif, centre originel oü habite Déméter, l'archétype bosquien de la femme d'ombre. Parfois le passage méne á une autre matrice, la mer"*^ qui est le lieu de la gestation. Dans l'Antiquaire. Raphael s'exclame: "Fermez les portes aux profanes!" (A, 48) puis exposant la bague á la lumiére, comme révélant les manieres d'interpréter le réel, il poursuit: II est mille fagons d'en offrir les facettes á l'émission de la lumiére qui en tire fatalement quelques reflets. Mais les vrais angles d'incidence, les ages sacres,
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qui seuls, peuvent diriger le rayón jusqu'au coeur de la pierre, il n'est que quelques doctes á savoir le former. Car seul, le centre originel, ce coeur primitif du cristal répond á ce rayón privilegié dont il renvoie l'unique pointe métamorphosée et méconnaissable, en sept faisceaux d'un éclat si celeste qu'il éblouit l'oeil, fascine l'esprit, illumine l'oui'e. (A, 48)
Cette description de la bague de Baroudiel ressemble á s'y tromper au diamant de la terre evoqué auparavant. L'insistance sur le coeur correspond parfaitement á la terre qui dans son sein "abrite des dieux souterrains" dont l'archétype féminin, Démeter est un "monde sacre et secret".(A, 48) Aprés une description minutieuse de la bague, Raphaél, pour ainsi diré en transes, declare: "Je vois le dieu et derriére le dieu, sa mere Perséphone" (A, 49) puis, porté aux paroxysmes de l'exaltation, poursuit: Je descends maintenant avec Démeter, dans les profondeurs de la Terre. Et j'y vois les Sources occultes de la vie, les Origines. Ici, les divinités telluriques entretiennent et chauffent les vapeurs qui s'élévent du sein de la nature, jusqu'á la chair des bétes et des hommes et qui, de la, se glissent jusqu'á l'áme, pour la posséder. Vapeurs et ivresses sensuelles, qui égarent l'esprit et troublent le sommeil de revés incomprehensibles, inspiratrices du delire, méres de la divination. Par elles, seulement nos coeurs communiquent au dieu, le Dyonysos souterrain...(A, 50)
II ne fait aucun doute que la bague du narrateur, son sygne distinctif, soit sygne de la terre, appel des puissances souterraines. De plus Démeter, il faut le souligner est liée au symbolisme de la porte évoquée précédemment: La lettre grecque "D" delta est un triangle. Comme en Inde, cette lettre est décrite comme "la lettre de la vulve" et également "la porte sacrée". C'est la premiére syllabe du nom de Démeter dont le reste signifie bien évidemment la mere ou mater. (WD,40) On a vu qu'en general la femme d'Ombrexxv est anonyme d'oü encoré plus menac.ante pour le narrateur bosquien qui ne peut la "fixer", parfois cependant.la fernme d'ombre a un nom comme dans le Récif. Dans ce román, la femme ou la filie d'ombre plus exactement car elle est jeune s'appelle Eudoxie*™. Hostile au narrateur, sa présence muette le dérange. Eudoxie disparue comme par enchantement cependant, le narrateur doit passer par une serie éprouvante de passages semblables á ceux précédemment étudiés dans l'Antiquaire. afín de trouver celle qu'il cherche sans savoir vraiment pourquoi. Guidé par une voix mystérieuse, le narrateur s'aventure dans une maison inconnue qui "était un labyrinthe."(A, 110)
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Comme dans l'Antiquaire oú les passages conduisaient á la mer, dans le Récif. la marche dans le labyrinthe illustre le retour au milieu utérin. En effet, la marche dans le labyrinthe conduit á une porte derriére laquelle on entend la mer. Débouchant sur l'image d' une embarcation, le passage revele également la présence d'Eudoxie qui y est attachée. Le narrateur découvre celle-ci "les bras en croix contre la proue et á chaqué bras une chaíne."(R, 112) Figure du christ, fantaisie sadique*™1, aprés un semblant de pide, Eudoxie déchaíne á nouveau le dégoüt, l'épouvante et le désir chez le narrateur qui sans pour autant délivrer Eudoxie s'interroge : Lire sa sauvage pensée sur son visage? Mais si je le preñáis, si je releváis ce masque vers moi, parlerait-il?...C'était le seul moyen d'apprendre quelque chose. Mais toucher et étre touché m'est horriblement pénible. Le plus léger contact me fait frissonner, me hérisse. Je crains un double sacrilége...Je le pressens. Cela m'épouvante et m'attire. (R, 113)
Done, le labyrinthe bosquien abrite tres souvent dans ses dedales une arachnéenne mystérieuse qui symbolise un infernal féminin et avec laquelle le narrateur échange des phrases pour le moins cryptiques s'il lui parle seulement. Parfois, il n'y a pour tout dialogue qu'un silencieux échange de regard qui n'en est pas pour autant chargé de douloureuses questions. On peut d'ailleurs assurément comparer cette femme d'ombre impenetrable au personnage de Sybille: Reliée á Cybéle dont le nom signifie "habitant de cáveme", Sybille habitait dans une cave qui était considérée comme l'entrée á l'Enfer. Celle-ci avait le pouvoir de conjurer les esprits des morts pour consultaron.""'" Finalement on "diabolisa" les Sybilles comme les autres femmes magiciennes sans cesser toute fois de croire á leur pouvoir d'oracles. (WD, 277)
Dans le récit d' un Rameau de la Nuit. La femme d'ombre anonyme pendant longtemps anonyme**1* a pour nom Clotilde"™. Le narrateur qui - similairement au román précédent l'Antiquaire - est á sa recherche s' est égaré dans un pare qu'il croyait parfaitement connaitre. Dans un passage de ce román, le narrateur allie également l'ombre et la profondeur du bois au vertige qu'il éprouve devant la fascination de l'eau: 123
Je ne savais ni oü j'étais ni ou j'allais...Errant dans l'ombre et dans la profondeur du bois, je sentáis naítre le vertige. A chaqué pas je perdáis pied...Je m'enfonsais dans le bois, oü une peur naissante contribuait á mon égarement. Le chemin que j'avais perdu deja n'était plus dans le pare, mais en moimeme.(RN, 289)
Dans les labyrinthes de son fort intérieur, le narrateur finit par rencontrer celle qui cherche et qu'il ne peut encoré nommer. En effet, la rencontre avec la femme d'ombre est d'abord le contact avec le corps morcellé***1 d'une femme invisible, puis une épaule, des bras, des hanches, des jambes. La rencontre provoque une "immobile épouvante" suivie de la "fougue du désir": La fougue du désir qui m'incendiait de ses flammes restait impuissante á détruire l'immatériel refus que je portáis, intact, en moi, contre toute cette tempéte de l'amour. En moi ou plutót sur le seuil á la frontiére vacillante oü ce qui était moi et ce qui était l'autre se touchait. (RN, 292)
Symbolisant une tragique fermeture á l'autre, l'incapacité á se joindre est doublée de l'incapacité de se joindre soi-méme. Le passage ici ne peut étre franchi. Le narrateur condamné á piétiner á son propre seuil, muré sur l'autre ne peut s'ouvrir á l'amour (pour la femme s' entend.) Le seuil ici done sert de séparation illusoire entre soi, l'autre en soi et la femme._Par conséquent, dans ce román comme dans d'autres, le désir de l'autre est doublement compliqué par l'insurmontable éclatement du corps en deux désirs, l'un (le narrateur) luttant avec l'autre (le double)pour la possession ici de la femme d' ombre et ce faisant, s'excluant l'un l'autre. Nous verrons dans notre chapitre cinq que cette exclusión paradoxalement nécessite 1' intégration, ou ce que Bosco appelle emblématique de son désir homoérotique, 1' introduction de 1' autre - toujours masculin - dans le narrateur. Le narrateur écrit: Cependant nous nous pénétrions par notre commune impuissance et un méme désespoir. Car 1' autre était desesperé...Je n' en pouvais douter: 1' autre en moi; il brülait encoré, et il tentait en moi d' introduire son Ombre pour se faire aimer, füt-ce par equivoque, sous ce masque de celle dont le sang coulait en lui. Ce sang les avait separes. (RN, 294)
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Chapitre 5
Bosco
La coupure de 1' Ombre chez Henri
Nous avons deja mentionné dans notre travail (voir chapitre 1) les rapports étroits établis entre coupure, ombre et íé/e(phallus)- origine. Nous nous intéresserons maintenant a sa symbolique dans 1' oeuvre bosquienne. En quéte de ses origines occultées par le violent traumatisme de sa naissance, sa "trouure", Henri Bosco est un homme blessé. La blessure originelle se caractérise par la fascination de la coupure (de la tete) qui ne voile qu' a peine la fixation sur le phallus, sa négation problématique. L' écriture bosquienne est á 1' origine de 1' ombre qui archétype de la fascination, renvoie au lecteur sa propre reflexión dans le jeu des allers-retours dans le labyrinthe peuplé de monstres. Le voy age du sens est ainsi doté d' un pouvoir hypnotique á 1' image de la gorgonne Méduse. Quéte orphique, 1' écriture bosquienne, va et vient du sYgne, porte 1' attention sur 1' arriére-pensée jamáis envisagée, un trou dans la figure. La fascination d' une Ombre: le regardé regardant Nous entrons dans le récit Une Ombre comme nous "entrons dans la tete" du double personnage mystérieux Sirius/Célestin. En effet, le román s' ouvre sur la description détaillée de la tete de celui-ci. Or, á 1' origine le román lui-méme s1
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apppelait Sirius. Etre introduit a une Ombre, c' est sur la voie des étoiles étre introduit a Sirius, 1' étoile la plus brillante du ciel qui pointe vers la constellation Orion. Henri Bosco en cours de route aura changé le titre du román. Pourquoi? Peut-étre que Sirius, trop clair, trop brillant occultait la richesse symbolique de 1' ombre. Chercher 1' ombre pour re-connaitre la ciarte était plus approprié pour Bosco. En tout cas, toujours est-il qu' il faut garder présente a 1' esprit 1' association initiale entre Sirius et 1' Ombre. Que Bosco ouvre son récit sur la description en gros plan de la tete de Sirius est révélateur de la fascination de la tete, le visage en particulier pour des personnages en general difficiles a "envisager" en raison de leur ambivalence, leur caractére double ou du fait que certains d1 entre eux n' ont pas de visage justement, telle 1' Ombre Drusilla. Sirius/Célestin suivant cette logique a un visage extra-ordinaire ou re-marquable plus exactement. Comme 1' étoile qu' il représente, Sirius de la constellation du Grand Chien - d' oü la recurrence de cet animal chez Bosco - sera "Y ouvrier" (au sens d' ouverture et oeuvre bien sur) de cette histoire tout comme 1' enfant qui 1' accompagne Jodicaél sera le guide du narrateur. Or Sirus, il faut le souligner, est situé á 1' articulation entre la tete du Grand Chien et son corps d1 oü sa fonction de liaison entre la tete (!' origine) et le corps principal du texte (I1 Ombre). Le spectacle de la tete qui n' est pas fortuit et indique aussi la position particuliére du lecteur(narrateur) tout au long du texte, celle de voyeur. Ceci ne serait guére original étant donné le nombre de récits ainsi construits si ce n1 était le double dé-doublement de la visión reproduit un texte-téte. Célestin/Sirius (la barre / indiquerait la coupure entre les deux personnages et la liaison entre la tete et le corps du Grand Chien) qui tel Endymion est regardé dans son sommeil par un narrateur voyeur est également un voyant, d' oü la fascination exercée par le "regardé regardant". Sirius/Célestin revé profondément hypnotisé par une "image puissante" qui fascine le narrateur-voyeur, car que voit-il se demande celui-ci? Des le debut de la narration, la téte-texte de Sirius/Célestin est fermée á la compréhension et semble-t-il á 1' interpretaron. C' est pourquoi le visage de Sirius/Célestin est comparé á un "masque parcheminé". Le narrateur dit: "Tres certainement, il dormait mais cependant il semblait que son sommeil fut traversa d1 un revé. Rien cependant n'
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en transparaissait sur sa face ridée a grands plis, car elle restait calme, cióse. "(O, 16) Plus loin, le narrateur qui re-voit ce visage écrit: Hier je 1' y (Sirius dans le jardín) ai surpris qui dormait. II était couché prés du puits, á 1' ombre du figuier et la tete appuyée contre une pierre. II dormait comme de ma vie, je n' ai vu un homme dormir, á méme le sol, les cailloux, 1' argüe... Le chéne ombrageait son visage, un visage tanné, rude, complétement fermé sur le sommeil; C' était peut-étre un masque sur un revé. Car la il y avait un revé, mais inaccessible. Qu' il y füt, aucun trait ne s' en inscrivait sur le masque. Mais il était la, image immobile d' une ame á 1' heure du soleil et qui pourtant semblait revenir de la nuit. Car de la nuit ce vieux visage clos portait aussi le signe. (O, 165)
Cependant,si la tete ressemble á un masque clos, la bouche reste ouverte, comme si elle allait parler, d' oü la trouure du masque. Chez Bosco 1' appel du sYgne, nous 1' avons vu, est á 1' origine de 1' attente désespérée d' une réponse. Généralement, la réponse est provoquée par le spectacle de la fascination du sYgne, ici la téte-texte, son appel envoütant. Chez Bosco, on voit qu1 au symbole de la fascination du masque est joint la magie de la voix, le "charme" de son chant. Or, dans la mythologie greco-romaine, ceci correspond á deux archétypes, la Méduse et Orphée. C' est ainsi que Sirius/Célestin telle la tete d' Orphée est un masque oraculaire. Chez Bosco, ees deux archétypes Méduse/Orphée sont souvent reunís symboliquement dans la fascination du regardant regardé. L' ouverture de 1' appel á laquelle s' oppose la fascination du masque clos sont renforcées plus loin par leur liaison directe á la "construction" symbolique de 1' Ombre comme sYgne de la destinée
: II avait dü trouver au cours de son sommeil une image puissante. Depuis lors il la contemplait fixement et il n' était plus que ce qu' il voyait. Pourtant cette bouche entr'ouverte? Ce cri charnel d' oü avait-il surgí et deu fond de quel troub!e?...Car un cri avait dü étre proféré dramatiquement par cette bouche. Ainsi entre le mouvement dominateur du souffle et le signe d' un appel crié le vieil homme me signifiait que son apparition et sa présence n' étaient pas le fait du hasard mais d' une obscure premeditaron du Destín. (0,17-8)
Aprés une mise en abyme de quelques cent cinquante pages la rencontre avec le Destin se manifesté par le retour de Sirius/Célestin avec un changement de narrateur. Cette fois-ci, c1 est le petit-neveu qui, á la suite du narrateur original, aura á faire avec Sirius. La mise en abyme n' en est cependant pas vraiment une. Le
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sYgne a lié á Sirius/Célestin dont il est 1' artisan et qui lui apparait tout au long du récit comme en r'appel de son créateur. C est ainsi que la mise en abyme du sYgne qui permet la progression du récit autorise également par le déjá-vu de celui-ci un retour en arriére dans le texte-téte, d' oü 1' arriére-pensée du texte. Sirius/Célestin qui selon le deuxiéme narrateur "a bien 1' air tombé ici, par hasard, d' une étoile" lui r'appelle quelqu' un, d' oü 1' impression de deja vu. II dit: Au bout d' un moment, soudain je me vis. Je me vis moi, et réellement moi. Je me vis comme on voit un autre, un autre que soi separé, vivant. C1 était moi, oui, quelqu' un, un homme, 1' homme que j1 étais. II se tenait debout á quelque distance de moi et il me regardait...Dans ce peu de lumiére ou venait de naítre soudain 1' apparition mystérieuse de moi-méme, je ne pouvais pas douter de me voir tel que j' étais. Elle et moi nous ne faisions qu' un...Une image apparut dans ma pensée. Elle avait 1' air d' un souvenir. (O, 160-1)
De plus en plus, la coupure entre le "premier" narrateur (le grand' oncle) et le "deuxiéme" narrateur (le petit-fils) est problématisée. Non seulement, il est presque impossible au lecteur de distinguer entre les deux styles de narration - á peu prés identiques - mais il apparait de plus en plus évident que s'il ne le peut, c' est parce qu' il n' y a pas de différence. Le récit du premier narrateur dépend du deuxiéme comme la narration dans 1' absolu dépend du lecteur réél. L' aller-retour du sYgne est done emblematique du voyage du sens dans le récit. En fait, á 1' origine de 1' Ombre/Sirius reside la négation de la coupure du textetéte(phallus) et 1' illusion de la continuité/contigu'íté du sYgne par le phénoméne de 1' echo'ísme de la Voix Orphique, véritable vu voyant. Le deuxiéme narrateur (le petit-neveu) est confondu au premier comme il réalise que les dé-doublements dont il fait constamment 1' expérience (voir citation ci-dessus) sont en fait provoques par le retour d' une (arriére)pensée originelle, celle du grand'oncle: Devant moi, j' ai vu apparaítre un visage, un regard, un front, une bouche...Une bouche qui m' a parlé, un front haut, large (mais n' ai-je pas ce front moi aussi?) un regard lointain, qui neme regardait pas, qui ne voyait rien tant il semblait hanté par ce qu' il avait vu...Dans un moment d' extreme exaltation et d' égarement, j' avais revécu 1' aventure - ou le songe - qu' avait réellement vécus un vieux parent passé de ce monde dans 1' autre depuis un demi-siécle; C' était le retour sur la terre d1 une ame qui dormait dans le fond de mon §me...EÍle avait
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réussi á me mettre en chemin sur la piste de son aventure qui n' avait pas dü aboutir et que je devais accomplir, moi, jusqu' au bout. J' aliáis étre elle-méme. (O, 173)
C est ainsi que le regardé regardant, c' est la jonction du grand' oncle au petit-neveu comme celle du lecteur au narrateur, d' oü 1' entétement de la fascination exercée par le texte. En fait ce que le chien Sirius est á Orion, dont il indique la position celeste, le petit neveu sera á son grand' oncle. II ne faut pas oublier que dans la mythologie, Orion aveuglé, (en punition de sa tentative de viol) fut jeté sur la rive d' une íle sauvage. Or, il fut ramené á la vue par le son d' un marteau - le méme son qui met le narrateur sur la piste du sYgne - de Cyclope qui le guida vers la forge de Vulcain. Celui-ci qui avait pris pitié de lui lui donna pour guide Kedalion qui le mena vers la demeure du Soleil. Place sur les épaules d' Orion; Kedalion 1' emmena á 1' Est oü rencontrant les rayons du dieu solaire, sa vue fut restaurée. C' est done le deuxiéme narrateur qui aura pour but d' éclairer le premier sur la voix de la re-connaissance, d' oü le jeu (de texte á tete) du retour-écho orphique. Le román Une Ombre/Sirius est, nous 1' avons vu, ancré dans la thématique du regardé regardant par 1' intermédiaire d' Orphée et de Méduse. Le récit bosquien est peuplé de monstres. Le monstrueux y est pergu comme "la Béte", quelque chose de couvert (masqué) et fascinant. Le centre autour duquel gravitent les monstres est la grotte labyrinthine dont nous avons deja étudié la symbolique. II faut ajouter ici que c1 est la pierre froide, comme un regard fixe (le mur de pierre, le marbre et plus loin le metal) qui domine chez Bosco. L1 Ombre est "murée dans le silence", mais pas n' importe quel silence, le silence de la nuit, et la nuit de la forét. A la grotte sont liées la nuit et la forét qui constituent la thématique de la mystérieuse et fascinante Méduse. La grotteprison décrite dans le román rappelle la cáveme oü habite Méduse: Creusée dans le roe et profondément enfoncée, j' y respiráis mal. Moins á cause de sa profondeur que du poids de 1' enorme masse de pierre qui pesait sur elle et 1' enserrait. Elle avait pourtant deux ou trois ouvertures donnant de haut sur la campagne...Mais découpées dans la paroi á pie de la falaise, elles n1 offraient que 1' étroit visage d' une demeure sombre qui partout ailleurs s1 engageait tortueusement dans la masse compacte de al pierre. A travers ce corps mineral le travail obscur des terrains, la poussées des eaux et les mouvements de la terre avaient aménagé des couloirs étroits et des chambres basses qui comme de
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sourdes menaces semblaient n' attendre qu' un événement souterrain ou le désir d' un monstre pour vous écraser. (0,20-21)
Méduse, autrefois une magnifique jeune filie a été changée par la jalouse Minerve en un monstre hideux dont on ne peut voir 1' horrible visage sans étre changó en pierre. Méduse habite dans une cáveme dont tout autour, on peut voir les statues des malheureux qui ont eu le malheur de la voir et ont été ainsi pétrifiés. A 1' instar de Méduse, le narrateur qui vit dans sa grotte dit se borner "au role inactif de spectateur" car " si voir peut me passionner a 1' occasion, étre vu m' est insupportable". (O, 22) Or, le voyeurisme du textetéte, regardé regardant, fascine par ses dédoublements. Criarme par le son d' un marteau, le narrateur aprés avoir passé "deux piliers de pierre" découvre 1' innattendu sous la forme de 1' Ombre. Comme Méduse, celle-ci nait de la pierre, pétrifiée pétrifiante : Ni 1' homme(Sirius/Célestin), ni 1' enfant(Jodicae'l), ni moi (le narrateur) ne bougions plus. Tout semblait devenu á peu prés irréel. On eut dit d' un enchantement. Je remarquai alors qu' entre la maison et la forge s' ouvrait une trouée et que, sur le sol, par cette trouée, s' épanouissait un rond de soleil. II m' éblouissait. C était de la puré lumiére. Rien que de la lumiére, aveuglante, cruelle, de la lumiére dans sa perfection. Je n' en pouvais détacher les yeux. Elle me fascinait et me faisait souffrir. Elle dévorait tout, la forge, la maison, 1' homme, 1' enfant. 11 n' en restait que ce flamboiement, cet éclat, et une large flamme dans mes yeux; Puis soudain sur la frange de ce flamboiement apparut comme une frange d' ombre. Elle s' aggrandit, glissa dans le feu, atteignit le centre du rond de soleil, s' immobilisa et prit une forme. Une forme humaine. Tres distinctement une forme humaine. D' homme ou de femme je n1 aurais su dire.(O, 29)
Au contraire d' Orion dont la visión fut restaurée par le soleil, le narrateur est "éblou'í" et aveuglée par la lumiére, d' oü 1' inversión du mythe dans un sens, juste dans un sens, car il faudra attendre 1' entrée en scéne du second narrateur pour que s' éclaire le sYgne de 1' Ombre. L' Ombre a ceci de fascinant que comme elle n1 a pas de sexe, elle n' a pas de tete, de visage, et cependant elle "regardé": Je n' avais pour m' orienter que la présence immobile de 1' ombre. Aussi la regardais-je intensément. Pour retrouver 1' equilibre ábranle de me pensée, c' était la seule chose, encoré qu' elle füt troublante, par oü je pouvais retoumer á la terre et reprendre pied. Cependant par moments j' avais 1' impression étonnante que cette ombre sans corps me regardait... J' étais pris d1 une crainte étrange, car ce regard n' avait pas de visage...(O, 30)
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C est ainsi que le manque de distinction du genre de 1' Ombre, féminin ou masculin atteint toute son ampleur. Or c1 est justement cette absence - le manque du visage - qui indique le sexe de 1' Ombre, son féminin. Si la téte-phallus est le marqueur du texte comme de notre société en general, son absence créée 1' illusion de la coupure dans le texte-téte(phallus). Cette coupure est une manifestation du pseudo complexe de castration de la femme selon les analystes freudiens et autres. Or, si 1' Ombre n' a pas de visage, elle n' en a pas moins un certain regard "phallique" qui fascine, d' oü la substitution par la fascination du regard au phallus (qui lui est étymologiquement lié). Karl Abraham qui s' intéresse au complexe de la castration de la femme, il est intéressant de le remarquer, associe la fixité d1 un regard féminin au phallus! Selon lui, the wish for a penis or for revenga against men and a refusal of a female role will be expressed in diverse symptoms... The fixed stare in which the eyes stand for the erect penis: the woman tries to terrify by the sight of a phantasized phallus11""1.
Le narrateur bosquien, homme 'blessé', emasculé, est fasciné par 1' Ombre au regard sans visage qui lui rappelle sinon le sentiment de sa propre castration, du moins la coupure originelle. La quéte bosquienne devient le désir du visage, un visage a la voix orphique pour ainsi diré. A la fin du récit, par un jeu compliqué de miroirs, la rencontre avec 1' Ombre inconnue renvoie 1' Ombre, la regardante regardée au narrateur, le voyeur vu: Devant le feu debout et me tournant le dos se tenait une grande filie. Minee, vétue de noir. Je ne doutais pas un instant que la "voix" c' était elle. La "voix" était la, la "voix" bouleversante...Or cette ombre, je la regardais attentivement. Elle ne bougeait pas. J' en suis sur. Car je ne povais pas en détacher les yeux...Et surtout mon désir, mon violent désir du visage. Car c' est le visage que je voulais voir. Le corps, pour beau qu' il füt, ne parlait que de lui. II en parlait en paroles obscures comme d' une image sacrée, et plus il en parlait, plus me brílait 1' ardeur de voir le visage... L' Inconnue regardait son ombre. Et soudain 1' ombre disparut. Pourtant, ni la lampe ni 1' Inconnue n' avaient bougé. Elle dit: "La nuit est entrée dans mes yeux..." "comment retrouver mon chemin? Qui me guidera?" Elle bougea un peu, puis elle murmura tres doucement:"!! y a quelqu' un, quelqu' un est ici, je le sais..." Et elle se retourna. Brusquement la lampe s' écroula, brisée. On avait lancé un caillou. Tout d' un seul coup, fut ténébres. Je n' avais pas pu voir le visage. Je me jetai en avant dans le noir...Une mairi m' immobilisa. (O, 227-8)
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Ce passage "étonnant" a bien des égards illustre la quéte orphique du narrateur et 1' association "texte-téte" (phallus). Or inversant le mythe justement, c1 est Eurydice qui se retournera elleméme ici pour voir Orphée, ce faisant brisant la clause du contrat. Comme la récupération Orphique est impossible, il ne peut y avoir de récupération du texte-téte (phallus). Dans le récit, comme 1' Ombre n' a pas de visage, ce qui fascine le narrateur, le texte n' a apparemment pas de signes. L' association entre "texte" et "tete" est développée tout au long du récit par 1' intermédiaire du mythe d' Orphée. La présence d' Orphée ponctue le román tantót directement tantót plus subtilement. L1 action de "tourner la tete" et ce qu' elle représente dans le mythe (la perte d' Eurydice) apparaít tout au long du román. En general cette action est liée a 1' enchantement infernal de 1' ombre, son retour et plus particuliérement á 1' impossibilité de la fuite. Ceci apparaít dans 1' épisode de la visite au magasin de 1' antiquaire qui illustre les rapports de dépendance entre "tete" et "texte". Dans le magasin, le narrateur entre dans une salle sombre et profonde dans laquelle se trouve, ouvert, un antiphonaire. Effrayé mais curieux, le narrateur est pétrifié: Je ne bougeais pas. J' avais peur qu' un pas, un seul pas, animal tout á coup toute la salle et qu1 une tete se dressSt au-dessus de 1' antiphonaire. Une tete blanche, glabre au long cráne chauve. Une tete sacerdotale sans pensée et fígée dans un songe, un songe descendu d' un autre monde. (O, 62)
L' orphisme de 1' action de "tourner la tete" est lié á la fascination propre á Méduse qui est associée chez Bosco á 1' apparition mystérieuse du "masque d1 ombre". En effet, au moment d' arriver á 1' antiphonaire, le narrateur ne peut fuir, car J' éprouvais cette sensation si démoralisante d' étre épié par des absents. lis m' avaient livré corps et ame aux objets. De menacants objets qu1 immobilisaient encoré le poids de leur matiére mais qu' un geste imprudent pouvait mettre soudain en mouvement de tous les cOtéS á la fois. J' étais á la merci de monstrcs endormis. Certainement alors j' eus tres peur. Tellement que je fus incapable de fuir. il eut fallu tourner la tete et on y risque sa raison, car c' est alors qu' apparaissent les masques d' ombres qui ne parlent pas mais qui vous regardent. lis vous fixent de leurs yeux troués.(O, 62)
Arrivé comme par miracle devant 1' antiphonaire, le narrateur remarque qu1 " il n' y a pas un signe. Je tournai encoré. Toutes les pages vierges d' écritures. Mais entre elles de nombreux 132
signéis." (O, 63) Le narrateur ne voit pas (encoré) les sYgnes, puis aidé par la marque des signéis qui masquenl une parole, feuilelle les pages. Alors une voix lesticulaire sorlie de la mémoire se mel a psalmodier comme les sYgnes apparaissent el formenl "en croix une conslellalion." (O, 65) C1 esl ainsi que la lele fantóme correspond au texle fanlóme qui esl apparu pourlanl plus lard par un effort d1 imaginalion du narraleur, une sorle de priére magique, T énoncialion de quelques mols que le hasard me fail renconlrer dans ma lele". (O, 64) A la lele esl associée la communicaüon d' une pensée. Dans 1' Anliquaire conlrairement a Une Ombre. le voyage dans le labyrinlhe apporte une révélation finale. En effel, lors de son dernier voyage, le narraleur aprés élre passé par un couloir débouche dans une salle oü s'allonge ce qu'il croil élre un grand bloc de verre. C'esl en fail un giganlesque aquarium dans lequel évoluenl des poissons élranges. Sous l'aquarium, lelle l'enlrée d'une lombe, se Irouve un malelas oü s'allonger el conlempler sous cel angle l'évolulion des créalures. Conlrairemenl aux aulres voyages qui s'achévenl par la communicalion d'une pensée, le speclacle de Taquarium semble loul d'abord ne communiquer que silence el abolilion. Cependanl peu a peu le narraleur enlend comme le bruil Irés affaibli de la mer el "Si plus rien ne m'élail visible el si l'assoupissemenl de l'espril me laissail vacant, du moins celte voix lente et grave me parvenait-elle dans l'ombre oü j'atlendais le relour de l'aube el la pensée".(A, 361) Au retour de l'aube effeclivemenl le narraleur se réveillanl comme d'un revé aperc,oit un Irés beau visage vu comme "le plus beau visage du monde."(A, 363) C' esl ainsi qu'au "fronl de pierre" impénélrable, opaque, el menaganl de l'un des premiers voyages fail pendanl un beau visage soil, mais loul aussi rigide. Peu aprés l'apparilion, le narraleur explique que ce visage esl un "masque d'un impassible mélal" qu'anime cependanl un regard vif et profond.(A, 364) Bienlól comme observé précédemmenl, le visage s'humanisanl communique au narraleur une "pensée d'amour" lelle qu'en révail sa mémoire.(A, 365) C' esl bien 1' ombre d' Orphée qui habile les romans de Henri Bosco. A 1' inverse d1 Orphée cependanl, c' esl 1' ombre nous 1' avons vu qui lourne la lele. Le narraleur ne le peul, méme s' il le désire. Le narraleur cependanl ne "sauvera" pas pour aulanl l'Ombre de sa prison infernale. Celle-ci reste prisonniére de 133
la pierre, tout comme le narrateur restera prisonnier de sa facination. II ne peut y avoir de résolution. C est ainsi que ne pouvoir "tourner la tete" devient symbolique de 1' impossibilité a tourner le texte de 1' Ombre (ne pouvoir la lire). Le noyau de résistance est incontournable, il pétrifie la signification comme si dans un tete á queue, le re-tour était impossible. En ceci il ressemble au signe du Sagittaire que le narrateur affectionne particulérement - il y fait souvent allusion - qui tend sa fleche vers le Taureau á tout jamáis sans jamáis pouvoir la lui décocher. En fait, dans le mythe d' Orphée, la condition au chant pour Orphée est motivée par 1' échec de la quéte et du retour d' Eurydice. C' est la perte d' Eurydice qui conditionne son appel desesperé et le créée dans la transcendance. Pour le narrateur, il ne peut y avoir de transcendance. Je veux diré que le texte (oracle) orphique existe en raison de sa révolution (il fait tourner la tete), et de sa coupure (il devient oraculaire). Orphée detesté par les femmes qu' il dédaigne (aprés la mort d' Eurydice, celui-ci préférera les gar9ons) est cruellement démembré par celles-ci. Selon le mythe, sa tete et sa lyre tombent dans le fleuve et sont récupérées par les muses. La lyre devient une constellation et quant á la tete conservée dans une cave, elle chanterait toujours et servirait d' oracle. Le texte bosquien quant á lui (n1) existe (pas) en raison de sa fascination (il ne peut tourner la tete) et de son phallisme (il devient réintroduction du texte dans le texte). A la lumiére des remarques précédemment faites, nous vous proposons á ce point de nous concentrer sur la structure métanarrative d' Une Ombre. Nous étudierons d1 abord comment dans cette derniére oeuvre, la progression du récit que freine 1' echo de propositions subordonnées á des clauses principales mystérieuses, problématiques, mais en reconnaissance, freine pour le narrateur bosquien - et ses lecteurs bien sur - 1' appréhension et compréhension directes de 1' Ombre. Dans un deuxiéme temps, nous verrons comment 1' échec relatif du modele d' intégration bosquienne proposé dans le mythe de 1' ombre re-presente dans la lignée patriarchale phallogocentrique, une déconstruction non moins illusoire proposée par le modele de 1' androgyne.
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En reconnaissance de clause: Une Ombre ou l'arriére-pensée d'un (h)antécédent. Dans Une Ombre. le narrateur nous propose "l'exploration et l'explication d'un songe par l'intermédiaire d'un songe"! De plus en plus problématique, le sygne d' ombre du récit est ainsi constamment a la limite du réel avec un narrateur qui fróle perpétuellement la "folie". A notre tour, conscients des délicatesses d'interprétation d'un tel román, nous vous proposons - a la lumiére des informations précédemment récoltées dans l'étude des autres romans - certaines de nos réflexions sans compter leur différance.
En reconnaissance...
Le théme du passage qui prévalait dans les romans précédents est également fondamental a la lecture d' Une Ombre. Dans ce román, le lieu privilegié du passage est le lieu du songe, la oü a l'état de veille succéde le revé. Le narrateur Jean-Gabriel et a sa suite son arriére-neveu Monneval-Yssel en voyage dans le Var habitent dans une grotte dans laquelle ils sont l'objet de maintes hallucinations et oü ils font de nombreux revés. La grotte, symbole maternel est le lieu embryonnaire (en gestation) oü se développe et se projette le récit. C'est une grotte extraordinaire qui ressemble au paradis: "Ah!lui(l'ami du grand oncle) ne cherchait pas le paradis! il l'avait la."(O, 20) Reproduisant la double nature des symboles féminins attirants et repoussants, la grotte est cependant mena?ante: á travers ce corps mineral, le travail obscur des terrains, la poussée des eaux et le mouvement de la terre avaient aménagé des couloirs étroits et des chambres basses qui comme de sourdes menaces semblaient n'attendre qu'un événement oü le désir d'un monstre pour vous écraser. (O, 20-21)
On reconnaít ici la frayeur éprouvée par le narrateur bosquien á l'égard de la terre (comme la mer). Pour quelqu'un qui "en glissant d'un pas ou deux passe du jour á la nuit et commence
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un songe", la grotte étrange semble susciter dit-il, "des réveries ouvertes aux plus insolites hallucinations...mais ce sont la des puissances si penetrantes qu'elles atteignent jusqu'á l'áme, méme une ame bien défendue. Et la mienne ne l'était guére que par des anges de passage". (O, 23) De fait, peu aprés ees réflexions, comme quoi "Tange de passage" n'intervient pas systématiquement, le narrateur est l'objet d'une troublante hallucination lors de sa halte a l'église dans laquelle il espérait que la fraicheur de l'ombre, "un héritage, une antique fraicheur des siécles passés"(0, 37) le délasserait. L'église, il faut le remarquer, est une forme altérée de la grotte mentionnée ci-avant. C'est un "abri" dans lequel régne "l'attente du silence."(O, 40) L'attente est ici suivie de l'apparition extraordinaire d'une croix immense avec a sa suite une étrange procession. Le narrateur remarque: Cette nuit-lá, j'ai dü atteindre au silence. Je ne sais comment ni si quelque songe né de moi-méme ou apporté par un messager inconnu, un ange sideral peut-étre, n'a détourné á mon insu des voix naturelles que je crois déraisonnables. Mais je ne saurais douter de ce que j'ai vu. J'en pourrais fixer le commencement, le cours, la fin, les actes. Tout y fut ordonné comme une liturgie.(0,43)
Aprés avoir assisté á ce spectacle étrange et ne pouvant déterminer dans quelle mesure il est l'objet de sa propre imagination ou hanté de celle d'un autre, le narrateur s'endort dans l'église et au réveil, celui-ci a du mal á se souvenir de ce qu'il a vu. La visión bosquienne (revé ou réalité) est une fois de plus trouée du défaut du souvenir. Fait marquant qui rappelle le trouble d'une mémoire amnésique dont parlait Enriquez, le narrateur qui emerge progressivement du brouillard de la visión et qui est guidé par le flou d'une réminiscence, "un nuage dont la mémoire flottait encoré au fond de la nuit" (O, 44) découvre, placee sur une tablette.une plaque d'argent oü il lit cinq figures. C'est la premiére fois que nous rencontrons ce sYgnexxxm (voir la figure du sYgne reproduite en fin de thése) qui apparaitra tout au long de la narration et constitue ce que nous appellerons "la clause" et que nous nous proposons d'examiner maintenant.
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La Clause
Nous avons deja parlé du román l'Antiquaire qui est construit sur un enchainement de voyages dont le dernier menait a une révélation. Le román Une Ombre est báti similairement méme si la révélation se fait á un moindre degréxxxiv. Nous voulons diré qu'ici la révélation se fait par l'élucidation progressive du mystére des caracteres, de leur "c(i)ausellxxxv apparaissant tout au long du román. C'est justement chez un antiquaire que les caracteres auparavant entendus - mais encoré non-dentifiés - par 1' echo du son d1 un marteau sur une enclume, réapparaissent et commencent, en sortant de 1* abyme á étre plus "lisibles". Places au-dessus de la porte du magasin d'antiquités, ils représentent cinq caractéresétoiles de fer avec comme inscription "SKIA" que le narrateur traduit du grec par "ombre". Pris de malaise le narrateur ne peut malheureusement continuer son exploration de la boutique et la quitte. Cependant, piqué de curiosité, le narrateur retourne peu de temps aprés á la boutique de l'antiquaire**™. Comme il y circule, il lui semble avoir finalement atteint une destination qui se manifesté par une impression d'un vague souvenir, autre inscription á transcrire justement: Et pas un signe. Aucune forme d'écriture. Mais il y restait comme un souvenir...A peine un contour, un contour fantomal. Ce qui reste d'une ame enfermée dans un cercle. Depuis longtemps, on l'y a endormie. Pourtant dans son sommeil elle peut faire un songe, le dernier de ses songes-songe qui arrive de loin aux derniers confins de la vie xxxvu et qu'on naufrage dans cette mer oü sombre la mémoire de ce qu'on fut peut-étre sur terre et que jamáis on ne pourra plus etre.(O, 63)
Cette pensée se meut en voix qui psalmodie une ancienne litanie - d'oü un retour en pensée á l'église oü Gabriel avait été "témoin" d'une liturgie. Simultanément, cinq lettres apparaissent, les mémes que précédemment. L'élucidation, la transcription, de ees signes lui est problablement fournie par 1' ombre de la voix de son ancetre**™". Peu aprés, au moment oü l'angélus sonne, le narrateur est l'objet d'une hallucination. Descendu dans Tabíme hallucinatoire, le narrateur poursuit le revé. II dit:
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Je devenais l'étranger, l'absent aboli. Méme la nostalgia de ce que j'avais été était raorte. Un autre, un inconnu, un incorporel, un astre descendait ce mystérieux escalier qui s'enfonsait sous terre. Je ne savais plus qu'une chose, ou plutót je révais que j'avais encoré un espoir, l'espoir d'arriver á moins d'une chute, jusqu'á un sanctuaire. Sous le sol de la haute église, l'église souterraine oü tout rae serait revelé. J'y suis arrivé dans ce revé.(67)
Le narrateur se retrouve en face d'une porte entrouverte "comme si quelqu'un venait de sortir". II distingue cinq formes qui sont en fait les cinq hommes vus lors de sa premiére visite á l'église. C'est alors qu'apparaít l'ombre. L'Ombre, quoiqu'elle ne nous soit pas décrite et reste done anonyme est désignée comme "elle", done peut-étre appartenait á une femme. De plus, le narrateur s'y refere comme á une "créature" et comme ce nom est utilisé fréquemment pour désigner les femmes d'ombre chez Bosco, 1' ombre est probablement féminine. De l'Ombre, Bosco écrit: "peu á peu de l'abside elle gagnait les voütes, s'allongeait sur les murs, glissait le long des dalles et montait vers moi comme si elle eüt voulu me saisir, pénétrer ma chair, envahir mon corps et j'étais impuissant á l'arréter."(O, 70) II faudra encoré attendre avant que ne nous soit expliquée en entier - du moins dans ce qui a pü étre écrit - la clause "Ombre". En effet, le récit s'interrompt ici doublement, tout d'abord par 1'évanouissement du narrateur Gabriel et l'arrét momentané de la lecture par Monneval-Yssel, son lecteur. En bref, l'interruption s'accompagne de l'irruption dirons-nous de Monneval-Yssel, lecteur-commentateur dans le récit de son grand-oncle. En fait, l'interruption augure de la suite des événements puisque celui qui aura la connaissance la plus approfondie de la clause, cela ne sera pas le grand-oncle mais son petit neveu, prolongement du narrateur et responsable de la prolongation du récit. C'est pourquoi la pensée bosquienne méme lorsqu'elle progresse au présent, construit un futur constamment plongé dans le passé. Dans ce cas, Une Qmbre continuant le voyage orphique dans le labyrinthe en quéte d'une elliptique et ihsaisissable "Idee", avorte. Dans l'impossibilité du retour,- il ne peut y avoir "d'aller-retour" comparable au mouvement traditionnel de la lecture, - la c(l)ause qu'elle re-presente court paradoxalement aprés 1' arriére-pensée, deja copie insaisissable, "!' origínale".
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Une arriére-pensée Les interruptions, par leur manque de linéarité, par leurs oscillations entre le présent et le passé, la réalité et le souvenir correspondent remarquablement bien a l'espace-temps du labyrinthe. C'est alors que les lecteurs se retrouvent projetés en arriére, que les voix narratives se confondent et que le passage de l'une a l'autre indique un seul but ultime: "réfléchir" sur la nature de l'oubli et des souvenirs. Finalement,le "voyage" du lecteur Monneval-Yssel est en quelque sorte - faute d' une explication de texte - un commentaire composé (sur) 1' "idee" principale de son grand-oncle: L'oubli, a conclu le grand-oncle, a freiné l'ascension vers la lumiére. Or, peu aprés ce retour en arriére dans la lecture, le récit - mis en abyme - reprend la oü il s'était aírete, c'est á diré, aprés l'évanouissement dans l'église. Evanouissement - mise en abyme, la méta-narration fait jouer la différance par 1' intermédiaire d' une sorte de "quadruple visión", celle du narrateur Gabriel, du commentateur Monneval-Yssel, de votre lectrice "réelle" et de vous-mémes. A Gabriel Dellaurgues, le grand' oncle, qui interroge: Combien y-a-t-il d'années que je cherche? Oui, combien?...Et je n'arrive pas á renouer le fu. De l'oubli parfois j'en retire un bout mais je ne sais oü le lier. Un trou, un gouffre s'est creusé dans mon existence á l'époque oü j'ai fait ce voyage insensé. Ce trou, ce gouffre, il faut queje le comble. (O, 87)
Monneval-Yssel, dans les traces de Gabriel lui fait echo, et "decide de recommencer le fil itinéraire de son grand-oncle dans l'espoir d'en découvrir, á travers sa propre expérience, les profonds motifs."XX!UX Mises tres simplement, voici les circonstances de la mise en abyme de la c(l)ause au voyage du commentateur, du lecteur, et par leur concours fortuit ou non, le point de départ problématique d' une narration, qui d' aprés notre analyse du sygneécho ne peut étre ni tout á fait semblablee á 1' impulsión premiére ni totalement différente.e. D' oü les difficultés de lectures, d' interprétation et ultimement de représentation.
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Le retour de la Voix: le narrateur et l'écho Aprés avoir rencontré l'Ombre et avoir appris qu'il n'était lui-méme qu'un echo a la recherche d'une voie elle-méme une voix disparue a la recherche d'une mémoire. Le "deuxiéme"*1 narrateur aprés le premier, s'évanouit et succombe typiquement a la fiévre du delire. En convalescence, veillant sous la lampe, 1' arriére-petit neveu Monneval-Yssel dans 1' ombre de son grand'oncle medite sur les rapports contradictoires entre voix passée, echo et ombre: Ce qui fut ne saurait plus étre. Ce qui parlait ne parle plus. L'écho, s'il survit encoré á la voix, ne dit ríen pour son propre compte. II repele. Cependant quelquefois l'on peut méditer une nuil entiére sur cette parole perdue qui jadis eut son timbre, son accent, sa chaleur, sa vie et qui est devenue méconnaissable. II suffit qu'elle fasse entendre, dans l'écho anonyme, la plainte oü le cri déchirant d'une ame qui mettrait son deraier espoir dans cet appel.(O, 171)
Sa raison ébranlée, le narrateur similairement á son grandoncle se demande s'il a été vraiment malade, s'il revé, puis il entend des échos de cette voix disparue dans ses souvenirs: "Je surveille, j'écoute...Se peut-il que je revé?...Non...Ma mémoire me parle, ees échos sont ma mémoire...Je n'ai qu'á la suivre...Elle me conduit..Je ferme les yeux...J'avance."(O, 171) Finalement remis sur la voix, le narrateur découvre qu'il est lui-méme l'ombre de son grand-oncle. Celui-ci a pris possession de son corps pour continuer son voyage."" Le narrateur a-t-il tout simplement entendu l'appel desesperé de son oncle et cherche-t-il á l'aider et surtout comprendre la c(l)ause de la quéte ou le grand oncle aurait-il ensorcelé son petit-neveu de ses sygnes magiques, lui (re)passant le maléfice de la possessionxüi?
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Les (h)antécédents: des tétes-á-tétes avec la mort.
Voulant arréter son voyage, ne s' intéressant plus a 1' enquéte, le narrateur a choisi une routexliii difiérante pour le retour. S'étant égaré pendant la nuit, celui-ci est recueilli par un homme en redingote et hébérgé dans un chateau. Aprés avoir marché ensemble, ils arrivent au chateau et le "guide" du narrateur pousse "une porte et me fit entrer dans le chateau... "derriére moi quelqu'un ferma la grande porte puis la verrouilla longuement."(O, 186) L'aventure a laquelle un narrateur qui sait que "telle qu'elle était alors en chemin, contredisait tout ce que je savais de mes qualités naturelles, de mes goüts, de ma vie banale"(O, 189) et á laquelle il voulait mettre fin se poursuit, comme la lecture bien sur. Faisant la connaissance de son hóte, le narrateur se voit ouvrir peu á peu les portes - nous n' insisterons plus sur le symbolisme de la porte (ou "D", symbole du maternel et par extensión du sexe féminin) auparavant discute en détails - du chateau mystérieux. Derriére une des portes, il voit une grande salle avec sur les murs le "cercle d'argent d'un zodiaque^ immense chargé de ses douze signes et des douze planétes."(O, 193) Cette scéne d'initiation au mystére ressemble beaucoup á celle de l'Antiquaire. Comme dans ce román, le narrateur qui est curieux et qui s'ennuie se met á explorer le chateau. Passant par de longs couloirs, il arrive á une porte sur laquelle étaient gravees le méme sYgne , les cinq étoiles de fer, qui précédemment avait déclenché l'apparition de l'ombre et la perte de conscience du narrateur. Derriére la porte se trouvent cinq salles de lecture dont l'une qui s'appelle "penombre" et dans laquelle le narrateur entre. C'est la salle de priéres, se renseigne-t-il, dans laquelle on célebre un office le jour de la Saint Jodicaél. Le narrateur apprend que cette maison est née sous le sYgne de l'ombre. Bientót il entre dans une des portes oü se trouve la salle "ombre". II y découvre un vieillard qui ressemble au méditant^ de l'antiquaire et qui est assis á une table oü il lit. Le narrateur, gene de déranger peut-étre ce vieillard, ouvre un livre au hasard et se met á lire*11": il y lit une histoire de l'ombre dans la lignée de Peter Schlemihl: Une ombre peut-étre féminine -
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quoique non spécifiquement designé mais de nature diabolique comme les autres femmes d'ombre bosquienne - a perdu son corps et cherche a se le rapproprier*11"1. Alors s'engage un dialogue avec la voix désincarnée de l'ombre dont il entend en luí les échos. Celle-ci luí dit qu'elle n'est qu'une Ombre abandonnée qui a perdu le corps qu'elle aimait. Elle a tué son corps et son ame qu'elle a entrames dans Tavillissement jusqu'á l'abolition; jusqu'au gouffre..." L'Ombre a avili le corps et l'áme par l'amour. Elle a détruit la vie par le feu qu'avait "allumé dans ma chair le démon insensé de la possession." (O, 221) Louve chasseresse assoifée de sang á l'image d'une Artémis lunaire, pécheresse comme Eve, satanique et abísmale la femme d'ombre représente le fantasme sadique de la possession dont nous avons parlé précédemment: "Si vous avez quelque pitié de moi, attendez l'aube. Alors peut-étre me reverrezvous, mais seule, sans mur, contre un mur, captive du Soleil, humiliée."(O, 221) A l'appel de la voix qui lui semble-t-il en veut á son corps, le narrateur écoute et s'interroge: Toujours cette voix...Telle une louve. Une louve triste qui chasse. Elle gémit et reclame du sang. J'écoute...Qui appelle-t-elle? Car il semble bien qu'elle appelle. Tantót son appel se rapproche, et puis il s'éloigne. Son désir appelle un autre désir...Lequel?...Le mien peut-étre...Car, je le sens, il naít ce désir, il hesite...C'est une sorte de langueur, une somnolence, une solitude infinie...Qu'est-ce done pour l'homme qu'une Ombre?...(O, 224)
Ne pouvant résister á l'appel cependant, le narrateur part á la poursuite de l'ombre. Bientót, il la rattrappe et essaie de l'observer, mais l'inconnue s'enfuit á son approche et le narrateur ne peut identifier son visage. Bientót, cependant, un autre "téte-á-téte" attend le narrateur. Arrivé á la fin du voyage, le narrateur dans un face á face plus qu'éprouvant se retrouve avec le maítre de la maison mourant qu'il doit assister et veiller. Comme la maison á la mort du maitre n'a plus d'áme, le narrateur, par sa présence devient l'héritier. S'engage une lutte front contre front entre le mort et le vivant: Le Maítre m'avait designé. Et cependant je n'avais rien saisi á son passage de cette Sme qui venait de quitter un corps devenu inutile. J'étais resté ce moi toujours vivant, qui mystérieusement immobilisé, tout á coup était devenu 1' héritier d'un mort avec qui je n'avais jamáis eu aucun lien, en ce monde. Maintenant le lien, il l'avait noué. A mon insu, il m'avait attaché á une race
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sombre qui allait m'entraíner vers son destin. Fatalement il faudrait tót ou tard que je devienne l'Autre - et ce mystére encoré impenetrable m'épouvantait. (O, 239)
Dé-sygné, mais ayant enfin resiste a cette possession incontrolable gráce á l'intervention d'un ange gardien, le narrateur se voit contraint de continuer son voyage. Guidé par l'enfant Jodicaél, le narrateur part guidé par d'autres méandres vers une autre partie de la maison. Elle était immense - sans lui je m'y serai perdu. Je n'y retrouvai ríen de ce qui m'était familier. L'enfant m'emmenait vers un autre séjour et vers d'autres appartements. On me dépaysait(...)
C est ainsi qu' Une Ombre. nous l'avons vu, qui "resume" bien des voyages auparavant décrits présente des difficultés de lecture qui emblématisent le destin de toute écriture, et lecture, vouées ultimement au fatal silence. Dans ce cas, Une Ombre peut se lire comme une "succession" de l'auteur au lecteur par un passage qui fait communiquer la voix passée de l'auteur avec celle du lecteur-commentateur, son héritier du présent. Assurément ce dernier "passage" avec ses voix et embranchements tronques se rapproche du fonctionnement parabolique de la lecture, c'est á diré ses allers-retours (x = y) dans le texte pour récupérer un sens "perdu". Le Texte Phallus A 1' instar de Peter Schlemihl, le sygne d' Une Ombre est construit sur un centre problématique comme le "soleil noir" du cercle du zodiaque. Acentrique, la narration est constituée, nous 1' avons vu, de pauses, d' échos et de retours qui allongent et prolongent le sygne dans la división de 1' atiente. A 1' image du double personnage Célestin/Sirius d' Une Ombre. le sygne-étoile est associé á Sepdet, un autre nom pour Sirius, une ancienne déesse égyptienne qui en été disparut du ciel pendant quelques mois comme le Nil était bas. Sepdet réapparut juste avant 1' aurore á la
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fin de 1' été et le Nil monta. Les égyptiens qui avaient planté des graines le long des champs d' irrigation du Nil y virent un signe positif et Sepdet fut associée á la forcé de vie. En Egypte, la nouvelle année commence le premier jour oü Sirius/Sepdet se leve juste avant le soleil (aujourd1 hui vers le premier aoüt). Pour cette raison, on 1' appelait "wep-repet" qui signifie "ouvreuse de 1' année". La signification de Sepdet/Sirius, son symbolisme sont lies á la déesse Isis par 1' intermédiaire d1 Osiris qui est identifié lui-méme á Orion. Isis, femme et soeur d' Osiris 1' aurait ramené á la vie. Par association, 1' étoile Sepdet/Sirius est attachée au mythe de la résurrection ou du renouveau en general. Le temps du román Une Ombre est un temps cyclique divisé entre 1' hiver/1' été, la nuit/ le jour, 1' ombre/ le soleil. Fidéle á la roue du Zodiaque, \ étude lexicale met en relief les nombreuses références au sideral: Sirius/Célestin (O, 15), étoile (O, 28), "révolutions astrales" (O, 39), "ange sideral" (O, 40), "comete" (O, 47), "constellation" (O, 65), "nuit étoilée" (O, 64), "espaces celestes" (O, 66), "Signe du zodiaque" (O, 78), "aurore" (O, 106-7), "sagittaire" (O, 132), T Archer" (O, 145), "Séraphin" (O, 164). Également, Bosco contruit sa roue du ciel (et du sYgne) par de constants renvois au cercle et ses représentations: "centre" (O, 17), "rond de soleil" (O, 29), "croix" (O, 30), "cercle éclairé" (O, 55), "anneau" (O, 66), "ovale" (O, 206), "coeur" (O, 209), "noyau" (O, 240). Le temps du román refléte ce dualisme inhérent á la création bosquienne, "la roue de la fortune": les nuits sont difficiles en general et les matins sont magnifiques. L' aurore dans le temps bosquien a une valeur spéciale. L' aurore a ceci de particulier qu' elle correspond non seulement au point du jour, mais également au crépuscule, "la nuit", dirá un narrateur du román, "a aussi son aurore". Ce n' est pas une coíncidence que le chien de Sirius - qui protege le narrateur des ombres ródeuses - apparaisse avant 1' aube tout comme 1' étoile qu' il représente. La roue astrale est illustrée dans un passage poétiquc: La nuit monte de 1' Orient, car elle aussi, comme le jour a son aurore...Nous allons assister á son apparition. Deja il y a dans le ciel quelques signes avantcoureurs. N' est-ce pas par-dessus le mur pa premiére ciarte, 1' aube de 1' astre Sirius. Or á mesure qu' il parlait la ciarte annoncée devenait plus brillante, mais on eüt dit que 1' étoile elle-méme attendait pour paraítre d1 autres paroles lentes á
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venir. Sa lumiére peu á peu glissa le long de la créte du mur et je ne sais pourquoi 1' idee me vint alors que la apparaitrait le feu de 1' étoile, la surgirait un signe d' orientation. La naissance du plus bel astre de la nuil me dévoilerait 1' Orient. Las du fond du jardín insituable oü j' avais été transporté, un signe ne m' avait perrnis de trouver le point de naissance du jour et des translations siderales. Pour la premiére fois le ciel immobilisé sur ma tete semblait lenetement s' étre mis en marche. II avait déplacé les seules Figures celestes que je pouvais apercevoir depuis la terre. Je ne m' en étais pas tout d' abord rendu compte, mais 1' imminence de I1 apparition de Sirius avait attiré mes regards sur la voüte nocturne et j' avais surpris le déplacements des grands édifices celestes. Le ciel imperceptiblement avait tourné. II glissait tres loin dans 1' espace immense oü des troupes d' étoiles indifférentes á ce mouvement demeuraient immobiles. (O, 195)
A la pétrification genérale qui menace les narrateurs et leurs relations avec les autres - tout comme le narrateur avec son narrataire - 1' apparition de Sirius (le chien, Sirius/Célestin ou 1' étoile) est signe de changement, d' un nouveau cycle. Sirius tel Júpiter est 1' artisan du sygne dont il martéle les figures sur son enclume. Jodicaél qui est son assistant, le guide du narrateur, en est le souffle (Jodicaél est identifié par son petit roseau). Le sygne, symbole de l'annonciation/énonciation (du marteau au roseau) de 1' astre Sirius apparait comme au doigt et á l'oeil guidé par une sorte de priére silencieuse, 1' appel nocturne, 1' aurore. Dans Une Ombre. la maison oü séjourne le narrateur á la fin de son voyage intiatique est "née sous le signe de 1' ombre, 1' Année méme de la Fin du Monde jadis, un jour oü le vieux Soleil, las des hommes, s' était voilé la face de ténébres." (O, 213)L' Aurore apportera le sygne de 1' emergence d' une nouvelle conscience, la fin de 1' ignorance et de 1' obscurité. L' Aurore est 1' origine (la naissance) et le souffle de la voix. L1 asociation de la rose á 1' aurore n' est plus á démontrer nous renvoyons nos lecteurs á notre premier chapitre), chez Bosco, elle á 1' ombre est liée la rose et á celle-ci 1' aurore. La rose, "la rose sombre de la nuit" épinglée sur un grand manteau noir (!' ombre) représente la naissance du jour, 1' aurore. La thématique est renforcée par 1' unión symbolique de la rose au sygne de la croix. S' il est impossible de déterminer avec precisión si Bosco avait oui ou non des affinités avec les Rose Croix. Les exemples abondent dans le texte qui tendent á prouver que oui: magie, alchimie, astrologie, Sirius, Atlantis, Hermés, nouvelle conscience, rose-croix, le Sauveur et d' autres. Chez les Rose Croix, 1' Aurore a une importance cruciale: 145
Howbeit we know after a time there will now be a general reformation, both of divine and human things, according to our desire, and the expectation of otbers. For it is fitting, that before the rising of the sun, there should appear and break forth Aurora, or some cleamess, or divine light in the sky.xlvm
Les Rosicruciens sont également associés a 1' Aurore en raison de 1' ambiguité qui régne quant á 1' étymologie du nom "roscrucien". Une théorie ancienne affirme que c'est de "ros" (la rosee) et non de la rose, et de Crux que découle le nom. La combinaison de 'ros' et 'crux' aurait une combinaison alchémique: la rosee serait un solvant de 1' or et la croix, 1' equivalen! de la lumiére (The Rosicrucian Manifestos, 47) On trouve dans Monas Hieroglyphica de John Dee donne une indication supplémentaire de 1' association "rosee" et "aurore". Sur la page titre, on peut voir la rosee qui descend unissant le ciel et la terre. Cet ouvrage aurait influencé les textes des manifestos rosicruciens. II faut remonter dans la mythologie grecque pour avoir une idee plus détaillée du personnage d' Aurore. Dans les métamorphoses, Ovide fait référence á 1' origine de la rosee qui accompagne la naissance du jour. La rosee serait créée par les larmes d' Aurore en mémoire de la mort de son fils Memnon. Comme le corps de Memnon était brülé sur le pyre, Aurore demanda á Júpiter d' immortaliser son fils Memnon, ce qu' il fit en transformant la cendre en deux groupes oiseaux qui se battant 1' un 1' autre crient leur désespoir en cerclant le feu de ses funérailles- A la fin du combat, les oiseaux á leur tour se sacrifient dans le feu pour honorer leur créateur memnon. D' ailleurs, ees oiseaux furent nommés "menmonides" en mémoire de leur créateur Memnon. Quand le soleil a voyagé les douze signes du zodiac, ees oiseaux recombattent et meurent en honneur de leur pére Memnon*1". Dans une ombre, le sygne est assimilé á Sirius, un forgeron comme Júpiter. La constellation du sygne est semblable aux oiseaux crees dans le feu en mémoire de Memnon. Bosco écrit: ...1' image d' une nuil sobrement étoilée oü montaient un vol calme de cinq oiseaux d' or. Chacun tenait dans son bec un roseau de feu qui brílait verticalement et il en tombait á travers le ciel une pluie d' étincelles...Au-dessous de leur vol les collines s' illuminaient et une voix me murmurait le premier chant nocturne de la terre...Or, á mesure que la voix psalmodiait 1' antique litanie, sur la page de 1' antiphonaire apparaissaient cinq grandes lettres, celles-lá mémes frappées au marteau que j1 avais deja lúes. Elles formaient en croix une constellation. Cinq lettres, cinq étoiles pour orienter mon esprit. (O, 64-5)
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Le texte phallus (sans coupes et surtout sans visage) est done non seulement structuré par 1' ombre acentrique, elle est sa condition d1 existence, son aur-ore. La dualité par le systéme de duplications, copies, renvois, retours, échos á 1' intérieur du texte et d1 un texte á 1' autre - défait le texte et le nivelle á des échelons différents tout comme la lecture le reconstruit. D' un passage á 1' autre, d1 un état á 1' autre, la coupure du temps fait co'íncider le hasard. L' écriture bosquienne dans un tete á queue reveur tourne comme la roue du ciel qu' elle décrit. Aprés avoir fait 1' expérience d' une sorte de "dédoublement", le narrateur écrit: Je rentrai dans mon revé. L' église sombra dans la nuil, la Croix se dressa toute seule au milieu des ténébres, puis elle s' enfon?a elle aussi dans la terre, la terre s 'affaca au fond de mon sommeil dans 1' immensité d1 un grand ciel sideral oü 1' on voyait au loin une planéte blanche qui s' enfuyait rapidement vers la constellation du Sagittaire. (O, 162)
La thématique du román qui se resserre autour des noyaux ombre, aurore et Sirius si elle refléte cette hésitation du titre contribue néanmoins á enrichir la symbolique de 1' ombre. C est ainsi que le sygne du récit á mi-chemin entre Une Ombre et Sirius se construit dans un ciel transitoire et intermédiaire. Or, le sYgne zodiacal de 1' ombre qui apparaít dans le román Sirius/Une Ombre est construit á notre avis sur un román ultérieur, Le Mas Théotime dont la genése correspond schématiquement á la formule du sYgne dans Une Ombre.
Le Mas Théotime: la Maison Zodiacale d' Une Ombre
Un tableau (voir le schéma á la fin du livre) sous forme de cercle représentant entre autre les signes planétaires et les Constellations établi en 1940 par Henri Bosco lui-meme pour la genése du Mas Théotime' illumine dans les cycles des romans les
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rapports développés entre Une Ombre et le Mas Théotime. II n'est absolument pas exclu que ce tableau servirá de point de référence pour les romans écrits aprés Le Mas Théotime étant donné la grande ressemblance des thémes et structures de ees derniers. Un récit tel que l'Antiquaire par exemple se situerait" a son commencement deux tranches a la droite de la partie coloriée et dans un mouvement d'horloge rejoindrait la tranche consacrée au debut du Mas Théotime en passant par celle d' Une Ombre. Que Bosco ait conqu son tableau de la genése du Mas Théotime comme symbolique d'un cycle systématique predeterminé et qu'il ait place ses romans a l'intérieur de ce tableau est fort possible en raison de la thématique de la maison - métaphore du labyrinthe - et de la Terre au centre de son oeuvre. Que le tableau serve de genése au Mas doit etre consideré dans toutes ses possibilités. Le Mas serait alors la Maison zodiacale Mere - la maison nótale puisque "mas" vient du provencal - correspondan! au sygne de la terre á laquelle sont attachées les autres maisons des autres signes planétaires. C'est également la Maison de Dieu: dans "Théotime", il y a bien évidemment le mot "théo". Le fait que la "fin" du récit du román Une Ombre comme nous allons le voir maintenant s'acheve exactement la oú commence selon le tableau le debut du récit d'un Mas Théotime est plus que troublant, mais nous laisserons aux lecteurs la possibilité d1 y songer. Ce qui apparaít tres nettement et que l'on prouvera done ici, c'est qu' Une Ombre appelée auparavant Sirius occupe done la tranche coloriée dans le schéma. On se rappelle le "cercle d'argent d'un zodiaque immense chargé de ses douze signes et des douze planétes" representé dans Une Ombre. Or Sirius est lié á la constellation dite "Canis Major" constituée en particulier d'Orion et celle-ci apparaít tres nettement dans la tranche du tableau que nous avons coloriée. Les annotations-commentaires-explications qui d' aprés Bosco y sont liées tels que le dualisme air-terre par exemple, correspondent á merveille á la structure et thématique d'une Ombre. On se souviendra en effet que la genése du récit de Monneval-Yssel située au printemps (en mars) éclot pour ainsi diré en juin au solstice d'été et atteint sa maturité en plein été. Que le récit ait été interrompu par la mort de l'auteur soit, cependant on
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voit dans le développement avorté d' Une Ombre un synchronisme pour ne pas diré une synesthésie - remarquables. Coíncidence, mouvement d'horloge parfait, Une ombre s'achéve exactement a l'endroit oü le récit du Mas théotime avait commencé. De plus, le román décalé de deux tranches dans le mouvement general du cercle s' est probablement développé selon le tableau. Méme si Henri Bosco nous met en garde dans un avertissement visionnaire1" la problématique du centre11" et du coeur a 1'origine de la création bosquienne n'en est pas moins prophétique du dernier silence, la seule et derniére fin - dans le sens de but également - possible. Un silence inaccessible et justement problématique, mais emblématique cependant de la mémoire du sYgne-ombre bosquien. Et c'est ici oü la magie opere exceptionnellement. Nous avons découvert sans aucun doute un rapport étroit entre le tableau ci-dessus discute et d r autres tableaux extraits de l'Art de la Mémoire de l'excellente Francés A. Yates. Dans cet admirable ouvrage, Francés retrace l'art mnémonique depuis l'Antiquité jusqu'au dix-septiéme siécle. Elle se concentre en partie sur Giordano Bruno et la tradition Hermétique sur laquelle elle avait écrit un livre précédemment - et étudie son systéme mnémonique. Vu ainsi, le systéme bosquien cosmologique s'inscrit dans la tradition mnémonique. Quoique Bruno soit "inclassable" étant donné l'originalité, l'eccentricité d'une oeuvre toute personnelle, et c'est en cela qu'il est extra-ordinaire, la nature et portee de 1' étude brunienne chez Francés Yates est tres bien résumée ainsi: Professor Yates retums to the subject of her highly praised Giordano and the Hermetic Tradition, and examines Bruno' s Hermetic art of Memory and the impact that it made in Elizabethan England. Bruno' s memory systems were based on associative principies linked to astrological systems, mixing Lullist combinations and caballistic magic. This work is the first to relate the art of memory to the history of culture as a whole.liv
Henri Bosco avait-il lu Giordano Bruno et ses prédécesseurs? Féru de grec et de latin, professeur agregé d'italien, tout porte á le croire. En tout cas, les tableaux representes, les thémes et les idees développés sont trop similaires pour n'étre que coíncidentaux. Nous avons joint á notre argumentation deux tableaux trouvés en fin de thése et auquels nous renvoyons nos lecteurs. Le premier tableau est celui de Giullo Camillo tiré de The 149
Memory of Theatre (AM, 145) qui replace le travail de Bruno dans le cadre de la tradition Hermétique et le deuxiéme est celui de Bruno trouvé dans le méme ouvrage (AM, 209) et tiré de De Umbris idearum. Avec ce tableau, Bruno comme le rapporte si justement Francés Yates, a fabriqué: an ancient Egyptian looking object, evidently highly magical, for the images on the central wheel are the images of the decans of the Zodiac, images of the planets, images of the mansions of the moon, and images of the houses of the horoscope. The descriptions of these images are written out from Bruno's text on the central wheel of the plan. This heavily inscribed central wheel is the astral power station, as it were, which works the whole system. (AM, 213)
Nous avons étudié en détails le sygne/sceau Bosquien dans notre troisiéme chapitre. Nous en rappelerons ici rapidement les caractéristiques. SYgne (c)hanté, (h)anté, cédant aux poussées dementes d'une folie s'insinuant a la frontiére du possible et du réel, le sygne bosquien se distingue par ses dédoublements et manifestations par de Techo de la Voix d'Ombre. L'Ombreapparition se construit comme réponse a un appel, l'annonciation d'une énonciation. La lecture du sygne magique vécue comme un réel envoutement, improbabilise l'élucidation, en raison des échos mortels raisonnant encoré dans l'appel du sygne, déplagant constamment sa nature et les valeurs représentatives qui lui sont attachées. II est singulier sinon également troublant que Bruno soit connu également non seulement pour son travail sur l'ombre (De Umbris Idearum) mais également pour celui sur les "sceaux" (Delmaginum. Signorum et Idearum Compositione) que Bosco comme nous l'avons vu affectionne tout particuliérement. Le titre est particuliérement éclairant puisqu'il propose une étude du signesceau en fonction de la mémoire: Ars reminiscendi et in phantastico campo exarandi; Explicatio triginta sigillorum ad omnium scientarum et artium inventionem dispositionem et memoriam; Sigillus Sigillorum ad omnes animi operationes comparandas et aerundem rationes habendas máxime conducens; hic enim facile invenies quidquid per logicam, metaphysicam, cabalam, naturalem magiam, artes magnas atque breves theorice inquiruntur. (CISI, 201)
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Bruno et Bosco: Deux Originaux ou copie (non) conforme??
Ce qui nous intéresse ici ce sont les ressemblances extraordinaires entre Bruno et Bosco dont nous nous étonnons que personne ne parle á notre connaissance dans la critique bosquienne dominante et sur lesquelles nous aimerions nous concentrer. L'oeuvre brunienne, M. Ramón G. Mendoza le fait tres bien remarquer - quoique différemment de Francés A. Yates mais, loin de la contredire, la complémentant tres bien -, est une oeuvre d'exception. L'étude brunienne selon celui-ci est résolument révolutionnaire et "prélude la cosmologie contemporaine." (AL, 7495) Nous avons été particuliérement fascines par ce que M. Ramón appelle "l'acentrisme du labyrinthe". En effet, il n'est pas suffisant de diré que Bruno comme Bosco sont "eccentriques" dans leurs systémes de pensée respectifs, il faut ajouter que tous deux sont "acentriques" comme "l'acentrisme du labyrinthe" pour emprünter cette expression á M. Ramón. Nous avons insiste sur l'importance accordée á 1' esthétique du passage dans l'oeuvre bosquienne. Nous avons vu qu' une des images affectionnées tout particuliérement par Henri Bosco est celle du labyrinthe divisé en trois centres: la maison, 1' église et la bibliothéque. M. Mendoza met en évidence les similarités entre Bruno et Borges, auteur de Labyrinthes lv . L'esthétique bosquienne qui présente des similarités troublantes avec l'esthétique brunienne (et done Borgique) précisément basée sur "l'acentrisme du labyrinthe". Les lieux bosquiens "maison" et "bibliothéque" sont alors á rapprocher du lieu brunien qui se manifesté justement par son acentrisme et les similarités entre Bruno et Borges ci-dessous exposées s'appliqueraient á celles entre Bruno et Bosco: The genius of Borges discovered the perfect symbol for the universe: the labyrinthian library. The similarities between Borges' labyrinthian library and Bruno's labyrinthian universe are indeed striking: both are infinite, acentric, cyclical, solitary, useless, incorruptible, eternal and above all, 'secret'...This was the riddíe of the library-universe and its most mysterious 'secret', which Borges refers to as the 'ancient problem'. Borges' insight was indeed remarkable because it focused precisely on the feature of Bruno's acentric labyrinth that we
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identified as its greatest conundrum when we described, in detail, Bruno's cosmological model, namely its apparently inexplicable order (AL, 228)
Dans le labyrinthe acentrique - toujours selon Ramón G. Mendoza - se trouvent des miroirs qui servent comme autant de centres au voyageur qui y erre. Ainsi, par ce jeux de miroirs et de couloirs, le déplacement des centres répéte l'eccentrisme méme de la nature de Vombre et prolonge les rapports entretenus entre celleci et les deux réseaux sémantiques miroir et echo sur lesquels nous avons axé notre étude. Une citation se revele particuliérement cruciale a la compréhension des interconnexions primaires entre ees modeles de reflexión: As a matter of fact, Borges delights, as André Maurois observes, in the magical interplay of mirrors and mazes. If the acentric labyrinth is Proteus, we shall let the god have bis way once more and transform himself into a mirror. This, of course, would imply that all the walls of the labyrinth become mirrors, and then Man, the lonely wandered along its endless pathways, would himself become a center. For now, inserted between the endless parallel mirrors, he is the center of the infinite series of doubles he projects on them, and henee the moving intersection of two infinite lines, the circular line of his path and the straight line of his reflections. Thus, the endless recurrence of time - eternity - meets, precisely in this mobile center, for the first time, and only here, the endless recurrence of space - infinity. (AL, 232)
Contrairement a Borges et Eco, il n'y a pas de miroir au centre de la bibliothéque bosquienne d' Une Ombre. mais l'image d'un arbre. Cette remarque n'est pas insignifiante, au contraire elle renforce les relations étroites entre le systéme brunien et bosquien. C'est pourquoi aprés ees remarques genérales, nous avons choisi en particulier - mais les exemples abondent - de commenter le sceau brunien numero six qui représente l'image de l'arbre. Cette image est spécialement importante pour l'interprétation du sYgne de l'ombre en particulier dans le dernier román. Nous rappelons au lecteur que le sygne de ce román est un sygne étoile au nom de SKIAIvl, Ombre que le(s) narrateur(s) rencontrent tout au long du récit et qu'ils ne comprennent qu'imparfaitement. La derniére fois que le sYgne apparait, il se présente "peint á la fresque, sur toute l'étendue du mur qui était d'un bleu sombre au milieu d'un ARBRE rayonnant d'étoiles (et oü) s'étalait le cercle d'argent d'un Zodiaque immense" (O, 193). Or Bruno consacre parmi les autres sceaux de son étude un sceau á l'arbre et ce qu'il en dit et les remarques qu'il
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suscite sont vraiment troublantes en raison de leur similarité avec la thématique bosquienne précédemment développée. Bruno - a l'instar de Bosco - écrit: The tree's roots and trunk refer to the chain, And are soon multiplied by branching in the same series. For, just as you seize things here, one by one, In their ascent an descent, here they change As well from left to right, And you will understand inside, outside, forwards, backwards So that bark and pith become known to you, Root, trunk, branch, palm, frond, seeds, flowers. For this reason, see it rising up into a pyramid From which there comes growing judgement, Wealthy intention For whatsoever you wish to comprehend From the monuments of others' And from your own light, and in their true order And whatsoever you wish to be given As what has been investigated Or appealed to as what has been thoroughly gone into We bid you to recall them to the norm of this plant Here are the roots which are from the first origin I mean the first beginning, that which founds things Cause and element To the trunk refer whatever is essence and being Let the different approaches be the branches; let the flowers Signify virtue's honors, fit the effects to the fruit; The leaves which refresh and omament You may consider the circumstances After that, around the extended roots of one tree Let the plants' offspring grow everywhere as a circle At this point there appears the great forests' Most celebrated species. (CISI, 247-8)
Ce sceau de l'arbre ne parle-t-il pas de lui-méme et n'est-il pas semblable a la thématique bosquienne du jardín? En fait l'un des commentaires que ce sceau evoque est le rapport précisément entre le cercle et le jardin. Bruno dit: "After that, around the extended roots of one tree. Let the plants' offspring grow everywhere as a circle. At this point there appears the great forests' most celebrated species" puis il juge nécessaire de donner plus de détails a la notion de "cercle" et lui ajuste l'idée d'ombre et de jardin justement. Bruno écrit: Qf the circular and squared wheel Under the shadow of our tree let a circular wheel be comprehended, whose figure is a circle first in the two parts of its divisions, as in A and B. Then let each of them be divided into two others, as A into C and D. Then C migrates
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into two others, E and F, and so on, where just branch A continuously grows and is increased by a two-member bipartite división, so too B, from where the figure is enlarged right out into a circle to its extreme differencess. The proper figure of this same tree was discussed in our De minimo and is labelled the GARDEN or the SUN'S BANNER.(250)
Or dans le Jardín d'Hyacinthe. le sygne du cadran solaire nous le rappelons - est justement determiné par une quadrature étoilée en poétique cercle qui ressemble a celui d' Une Ombre et par extensión rappelle un sceau brunien: Dans le cercle oü s'inscrit une rose des vents, les quatre directions de l'air sont indiquées par des figures: á la pointe sud, un oiseau, les ailes déployées (un épervier peut-étre); á l'Est, un arbre rond; á l'Occident, une petite barque; et en haut, au Septentrión, une étoile á sept branches. Tout autour court cette devise: Je suis méme sensible au rayón de I'étoile. Et stellae sentio lumen. Prés de chaqué figure, on a écrit un mot que le temps a trop effacé pour qu'on puisse le lire, sauf sur l'arbre, oü l'on peut encoré déchiffrer ees six lettres: Mais elles n'offrent aucun sens, du moins queje connaisse.( JT, 15-6)
Or, nous rappelons á nos lecteurs nos interprétations quant au "mystére" entourant la signification de FARDES. De plus, FARDES en hébreulvu signifie - Ceci ne retire en rien á la validité des observations precedentes, bien au contraire - "jardín" justement. En effet, á la lumiére de Bruno et en particulier l'image de 1' arbre développée dans le sixiéme sceau et auparavant étudiée, la quadrature du cercle d' Une Ombre rappelle celle du Jardín d'Hyacinthe. Une Ombre est alors le dernier maillon d'une chaíne centrée autour de Hyacinthe et le Jardinlvm et commencée sinon depuis Fierre Lampédouze. premier román de Bosco, du moins depuis le Mas Théotime. La notion de maillon est intéressante pour des raisons1" evidentes mais surtout parce que Bruno lui consacre un sceau dont la thématique présente des rapports étroits avec celle de Bosco. Nous pouvons y voir nous allons maintenant le constater la maison du zodiaque comme systéme mnémonique. Bosco dans des Notes1" qu'il joignit au manuscrit de son dernier román fit un schéma du Sygne magique qui représente la constellation d' Une Ombre. Or, ce schéma1" qu'il construit et croise entre l'axe horizontal et vertical y ressemble plutot qu'une étoile en forme de croix á une suite de maillons comme autant de cercles - ou planétes - relies entre eux par le paradigme, dans la d différance. Bruno - juste avant le sceau numero six de l'arbre 154
précédemment étudié - dans le sceau numero cinq a choisi "la chame" comme arbre-matrice de son systéme justement. Bruno joignant a sa chaíne cyclique le cercle du Zodiaque plus loin lié a l'arbre resume a merveille le systéme bosquien. Bruno écrit: In nature's order, how often would things be borne unjoined, inaccessible; our chain is strong enough to bind them tightly. For here where there are members migrating in cycles, As they touch, knit together, they are in tum embraced, So that, while the second's head snatches at the first one's tail, What has gone before is perpetually and equally harried by what follows In the direction where all are at length allowed to wind their way through one. Beings are what follow or succeed themselves by fixed degrees, As the chain which hangs down from high heaven demonstrates That Jove's hand lets down, and blind Homer With still better eyes comprehends as a chain That complete the species1 number by fixed degrees, So that what is up above is joined to that above, So is the low to the low, where each low species' upward step And each low and touching step of an upward species runs together in one. Let the signs'cycle proceed sideways for you, Just as in the deep sea A bend of the starry cosmos is fashioned in a circle Shining in the celestial field in twelve constellations, And enfolds the ñames of nature in many an arrangement. (CISI, 243-4)
Par l'abondance d'exemples de ce genre, il ne fait alors aucun doute que Bosco connaissait et avait étudié les diagrammes de Bruno, sinon comment expliquer cette ressemblance pour le moins singuliére? sYgne de (dé)génération, l'étoile du sygne Sirius est située au centre du récit bosquien dans Une Ombre dans l'éclatement du dédoublement en múltiples facettes. Selon Bruno, la lettre Y est "Jove's throne and what is in his región, and other species, as in Mercury the speaker, Sol the possessor, or Venus the lovely." (CISI, 220) - Mercure, le soleil, et Venus, voilá une trinité pour le moins " particuliére". Négligeant momentanément les masculins "Mercure" et "Soleil", nous étudierons á présent la branche féminine vénusienne.
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Junon ou la branche Vénusienne de Y Archétype, la forme étoilée par son equilibre symmétrique attire l'attention sur son centre si cher á Bosco, méme si celui-ci reste souvent noir, le motif de l'étoile aux pointes múltiples suggére un secret caché derriére les apparences et en ceci s'apparente á l'ombre qui illustre la dualité apparence-vérité: "L'étoile est considérée comme une entité vivante, parfois ange, parfois héro légendaire, ame de ce qui est á venir ou ame du défunt. Certaines traditions d'ailleurs situent l'áme de chacun dans une étoile." (WD, 66) On peut diré que ce román Une Ombre est fondee sur un centre noir justement comme celui du cercle du Zodiaque et est symbolisé par l'amnésie des narrateurs qui cherchent á retrouver dans leurs souvenirs des échos de l'Autre. II est évident que les éléments ombre, lumiére, ame, corps, coeur qui lient et forment dans Une Ombre le sygne-étoile bosquien appartiennent á la méme thématique. Le sygne-étoile qui correspond au schéma suivant nous l'avons vu fait coexister le terrestre et l'au-delá, la vie, la mort, le corps, l'áme. Au centre de l'étoile palpite le coeur autour duquel gravitent ees dualités. D'aprés le Dictionnaire des Symboles. on peut identifier l'étoile bosquienne symbolique de la "double fourche" (voir reproduction en fin de livre): La fourche était la croix en forme de Y sur laquelle le dieu Egyptien Seth fut crucifié et signifiait son passage dans 1' autre monde pendant sa période d' eclipse jusqu' á ce que la nouvelle année le résurrecte. C est ainsi que la combinaison des deux figures en forme de Y, I1 une pointée vers le haut et 1' autre vers le bas representan le cycle des saisons et 1' unité fondamentale de sa nature. Cette figure á six pointes était également associée aux images grécoromaines de la Déesse, maitresse du temps, 1' une des caractéristiques du signe de Junon ...ou Minerve (WD, 67)
Or, ce symbole de la double fourche plié sur lui-méme pour insi diré re-presente le symbole de 1' androgyne (voir reproduction en fin de thése)qui fascine tant Bosco á notre avis et sur lequel nous reviendrons en détails dans notre derniére partie. II faut également voir en la représentation bosquienne de 1' étoile dans Une Ombre. le sYgne de la "terre vierge", c'est á diré la terre au debut de la création. Comme nous le rappelle Barbara Walker,
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Pour les gnostiques chrétiens, elle n' était pas une métaphore mais une personalité réelle, la cocréatrice de 1' univers avec un autre esprit féminin. La littérature gnostique affirma qu' Adam n' avait pas été creé par Dieu, mais par "deux vierges", 1' Esprit (Sophie) et la Terre Vierge1™. Comme d' autres symboles appartenant á la Déesse tels que le cercle, le triangle et yoni, le diamant de la terre est désignée comme l'embléme du sexe féminin. De plus, dans les traditions nordiques, on a associé le symbole avec la déesse Hel, le terre et mere de l'Enfer et Junon, l'archétype féminin. (WD, 50)
Dans les romans bosquiens le féminin (possession, sorcellerie, mort) est constamment menasant et, quoique désiré, constamment reprime par les narrateurs masculins. Si la femme d'ombre bosquienne reste généralement anonyme, rose taboue, elle n'en présente pas un danger moins réel et plus difficile a contróler parce que sans nom. En conclusión de notre étude nous nous intéresserons a la gYnésie de l'ombre, á savoir en quoi le sYgne d'ombre nous entendons, la propriété capitale "y" á 1' intérieur de la génésie est gYnérateur de sens.
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Chapitre 4 1
Le sygne bosquien plus qu' un " simple signe" est un Erre propre au Nom Mystique. ° Robert Baudry. "Les Signes symboliques". In José Corti. L' Art de Henri Bosco. Paris. 1981, p. 73. "' Souterrains c'est á diré tournés vers l'intérieur ce qui facilite la transition entre le labyrinthe, lieu extérieur au narrateur et le labyrinthe, lieu mental qui refléte l'internalisation du physique. 1V Alexis Chevalley Lire Henri Bosco. Delta, 1974, pp.23-9. v Le mot "voyages" est á prendre dans le sens large. En effet, ceux-ci se caractérisent par une exploration des passages souterrains de la maison des Antiquaires. " Jean-Mathieu Rosay. Dictionnaire étymologique. Belgique: Marabout, 1985 p. 312 vu Pour une étude du murmure de la voix bosquienne et du sygne echo, voir le Chapitre 4 et l'analyse du Récif. vm II est évident que les jeux de lumiére-ombre reflétent et intensifient cette élucidation progressive du mystére. K Est-il besoin d'insister sur les rapports étroits établis entre voix/voie et l'idée genérale de "communication"? x Dans l'Antiquaire. on pourrait voir en ce "front de pierre" massif et impenetrable sinon un équivalent du minotaure du moins un gardien du "mystére". xl .On peut référer le lecteur au livre de A. de Mijolla "Les Visiteurs du Moi, Fantasmes d' identiflcation". Paris: les Belles Lettres,1981. xu Hyacinthe est un personnage double. Félicienne est sa contre-partie "réelle" alors que "Hyacinthe" est son nom imaginaire. Hyacinthe, privée de mémoire cherche á se rappeller par 1' intermédiaire de Félicienne. X1 " .On remarque la présence continué de Hyacinthe tout au long de 1' oeuvre bosquienne. X1V Dans Malicroix. le narrateur declare accorder "une grande importance aux événements intérieurs; et ils ne se créent librement que pendant le temps oü le corps repose. Or ce repos du corps n'est pas le repos de l'áme, mais abandon de toute surveillance. La raison cede á la poussée des images latentes, et l'empire pur de l'esprit se dissout dans la confusión. Le temps, l'espace enfantent sans cesse des dimensions fíctives; ainsi tous les édifices de l'áme flottent sur le vide...Il n'est plus de pensée et rien de nous ne se refuse á croire. Fatalement cet univers évolue vers le malaise. C'est pourquoi, au réveil, le monde retrouvé apparaít si beau. Recomposé dans ses mesures, reñiré dans la stabilité, il est trop rassurant pour qu'on puisse y croire, et l'on pense rever alors qu'on s'échappe du revé. Les bruits, les mots, les objets et les étres les plus usuels de la vie s'allégent tout á coup et prennent une autre nature; ils deviennent irréels". (153) yu Le narrateur dit: "Car tout en les reconnaissant, je sentáis qu'ils venaient d'un autre que moi-méme, tant l'accent et le ton de la voix qui les accompagnaient, par leur grandeur et leur passion sauvage différaient des voix amicales et modestes dont ma mémoire garde les échos".(179) XV1 Nous référons le lecteur au chapitre 3 dans lequel le sYgne bosquien est étudié en détails. xvu Nous avons étudié les "voyages de l'áme" précédemment mais ne les avions pas liées au monde utérin. L'auteur fait du monde utérin la poche foétale de l'inconscient.
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XV1U
Dans Un Oubli moins profond, Bosco "romance" ses souvenirs d'enfance dont il a utilisé et réutilisé la matiére premiére pour ainsi diré. En effet, on trouve la plupart des thémes développés dans le livre dans ses autres romans. II est intéressant de noter qu'il appelle des "ombres" les souvenirs qu'il evoque. XK Par "état", nous entendons "contrée" et bien sur "état" physique et psychique. xx The Dreamer's Dictionary. New York: Wamer Books, 1974. "passage" (279) et "hall" (187). XX1 Au dix-septiéme siécle, la porte (de devant) est utilisée pour désigner le sexe féminin, voir Francion de Sorel, par exemple. (la porte de derriére designe le postérieur et s'utilise pour les deux sexes.) xx " D'oü les rapports étroits maison-matrice-temple. xxm Chez Bosco, l'incarcération est proche de l'incarnation. Lieu de l'attente, la mise en prison de la chair, du corps fait référence á la condition de l'áme, prisonniére de la chair, d'oü l'ouverture sur l'ombre pour la reconquéte de l'áme. La liberté de l'áme dépend de la (dé)libération avec au court du débat l'á-corps. XXIV Dans les rapports de sens homonymiques mére-mer. xxv Nous reportons á plus tard notre analyse de la femme d'Ombre d' Une Ombre. Etant donné la position céntrale - et terminale - qu'elle occupe et étant donné l'importance toute particuliére que ce román présente á nos yeux, nous leurs avons reservé la derniére partie de notre analyse. XXV1 Son nom est lié á peut-etre á "eudoxien". Les eudoxiens étaient des hérétiques du 4éme siécle. lis répondaient á Eudoxius de Constantinople. extreme xxvu La lectrice ne peut s'empécher de s'interroger sur la persistance d'un certain courant de pensée sadique qui perce et parfois envahit l'univers bosquien. Pourquoi cette fíxation sur les enfants, les filies étant essentiellement mauvaises appartenant á l'ombre et les gar9ons des guides? Un sentiment de malaise s'empare de la lectrice quand dans un autre román une petite filie dont nous parlerons est l'objet d'expérimentations dementes. xxvm Dans Un Oubli moins Profond. Bosco nous apprend qu' on avait conseillé á sa mere de parler á l'esprit de sa filie disparue. XX1X Ce qui retarde pour un temps les contacts entre le narrateur et cette femme "insaisissable". Des l'instant oü celle-ci se fait (re)connaítre, le drame éclate. xxx Rosemary Lloyd, que je remercie, m' a soufflé que ce nom evoque bien l'idée d'une clóture. Ceci est justifié par 1' étanchéité des frontiéres entre soi et 1' autre chez Bosco. Egalement peut-étre, vu que Bosco avait une parfaite connaissance des langues anciennes, Clotho est á relier du grec Klotho. Klotho, l'une des trois Destinées est une fíleuse (du grec "klothein", filer). Ainsi Clotilde tient réellement le "fuseau de la vie" entre ses mains et controle la vie (et mort) du narrateur. XXX1 Cette esthétique du morcélement rappelle le poéme de Baudelaire "Une Martyre" étudié dans le chapitre 1 auquel nous renvoyons nos lecteurs. Chapitre 5 xxxu
Juliet Mitchell. Psvchoanalysis and feminism. New York: Vintage Books, 1975, p. 124. xxxm pj ug q u i un nom commun, ie sYgne ainsi écrit est véritable nom Propre. XXX1V II n1 y pas de révélation "finale" puisqu'il n'y a pas de conclusión au récit, ce qui représente paradoxalement 1' ombre absolue.
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xxxv
C est á 1' intérieur de la clause que 1' on découvre la cause subordonnée á celle-ci. Bien sur, le contraire est également vrai. De la cause découle et derive la clause. D' oü pour simplifier cette friction la mise en parenthéses. Le sygne bosquien, nous ne pouvons que le remarquer une fois de plus ouvre le carré du sens par le tiers, obtenu par la división interne. XXXV1 Vue sous cet angle, la structure du román Une Ombre est bien similaire á celle de l'Antiquaire étudié auparavant et auquel nous référons le lecteur, dans la mesure oü dans tous deux, le narrateur ne peut s'empécher de retourner constamment sur le lieu du revé pour l'y continúen xxxvu r3ans son dernier livre Bosco, malade, semble anticiper sa mort prochaine et nous offre le dernier témoignage émouvant d'un homme qui veut fíxer et transmettre en héritage au lecteur pour l'étemité ce qu'il a vécu et ce qu'il imaginait en revé. xxxvii
Regarde!
-Tout en haut la Lumiére -entre le corps et l'ombre -le coeur dans le coeur de la Croix -Et portant tout le poids de ees cinq mots terribles -sur ses freles épaules -L'áme -Notre ame humaine. (O, 65) XXXK d au( j e Giraut a fait le resume d' Une Ombre en couverture d' Une Ombre. Nous "résumerons" á notre maniere. xl II est impossible de déterminer qui est qui du deuxiéme (aprés) ou du premier (avant), 1' un étant 1' autre pour 1' autre. L' ombre de 1' un est introduite en 1' autre sans distinction entre le mort et le vivant et leurs conditions d' existence entremélées ne permettent pas cette decisión ou división habituelles. Le Sygne tel 1' echo reverbere sans restituer un ordre predeterminé. Ainsi, afín et avant d' exister le grand'oncle devait deja faire partie du petit-fils, une clause plus difficile á concevoir que son inverse. L1 histoire de la poule et 1' oeuf, cette "énigme" populaire se retrouve ici. xl ' Le narrateur découvre que "dans un moment d'extréme d'exaltation et d'égarement, j'avais revécu l'aventure - oü le songe - qu'avait rééllement revécu un vieux parent passé de ce monde dans l'autre depuis un demi-siécle. C'était le retour sur la terre d'une ame qui dormait au fond de mon ame... Elle avait réussi á me mettre en chemin sur la piste de son aventure qui n'avait pas pu aboutir et queje devais accomplir, moi jusqu'au bout. J'allais étre elle-méme."(173) xül Nous ne le savons pas. Ce que nous savons c'est que ce dernier est hanté et que l'exorcisme ne pouvant étre matérialisé dans ce monde-ci, il est condamné á continuer son voyage, son exil et ainsi se "dépayser", une illusion qui seule peut mettre fin provisoirement a son aliénation. xh " Les méandres du labyrinthe on détoumé une fois de plus notre narrateur de son chemin, xl v ' NOUS allons revenir á cette representaron du zodiaque Nous demandons aux lecteurs qu'ils mettent cette image pour ainsi diré en abyme. xlv II ressemble également á Jorge, le personnage principal d' Eco dans le Nom de la Rose lvi * La lecture, ensemble de sygnes "magiques", ensorcéle tout autant que les caracteres grecs ou latins. xlvu La lumiére vient d'apparaítre Voyez comme ce corps a projeté son ombre et comment en naissent des songes
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Mais le corps diparaít, il n'en reste que l'ombre, et de cette ombre solitaire Naissent encoré plus de songes qui étoufferont la pensée Bientót par milliers, de ees songes monteront des corps éphéméres Fantomales foules oú désespérée Inutilement l'Ombre appellera ce corps qu'elle avait tant aimé et qu'elle a perdu par folie... jusqu'á ce que lassée de sa vaine poursuite sur toutes les routes du monde A son tour elle disparaisse... A moins qu'un dieu, un dieu lassé de son corps qui n'est que lumiére sans ombre Pour pouvoir se méler secrétement aux hommes ne capture cette Ombre abandonnée... Mais sera-t-elle encoré une Ombre de la terre la méme ombre qu'une ombre humaine?...(0,219) xlv "' Francés Yates. The Rosicrucian Enlightenment. London: Routledge, 1972, p. 249. xUx Ovide: Metamorphoses. Cambridge: Harvard University Press, pp. 301-2. 1 Les Cahiers de Henri Bosco: Aix-en-Provence: Edisud,1982, pp.138-9. '' L'Antiquaire est un román travaillé par les forces souterraines. Le cycle "forces nouvelles:secrétes-bourgeonnement-floraison-expansion-graines-maturité-fruits que nous trouvons dans la moitié du tableau correspond fort á la description qui est donnée de Mathias des forces souterraines: "le Dionysos souterrain dont la puissance fait germer, croítre fleurir, fructifier, les plantes et les arbres; car il est Roi de la vegétation. De Zeus, il tient l'étincelle de vie qui s'épanouit en transports sauvages dans les antres et, de sa mere Perséphone, qui régne sur les Ombres, la puissance germinative, ténébreuse et la lente poussée des semences ensevelies dans le sein tiéde de la terre. Dionysos est l'áme du monde...(50)" '" Bosco dans la Genése du Mas Théotime écrit: Le secret d'une création n'est jamáis saisissable. II est vrai qu'on le circonscrit. Tout autour on trace des cercles concentriques et qui serrent le point central de plus en plus prés - mais sans y atteindre. Un point, en soi, n'est justiciable d'aucune mesure. Celui-ci entre autres dont on pourrait diré qu'il ne situé nulle part. On sait qu'il existe, mais si tout se construit sur lui, il demeure toujours inaccessible. Ibid 56, p. 20. '"' Bosco décrit le coeur du Zodiaque : "Au centre, rayonnant de ténébres, un Soleil noir" p. 193. Bv Pour une analyse détaillée, nous référons les lecteurs au troisiéme chapitre de notre étude. lv Jorge Luis Borges. Labvrinths: Selected Stories & Qther writings. New York: Grove Press, 1962Voir la figure en fin de thése. lvi Voir la figure en fin de thése. lvu Barbara G. Walker. The Woman's Encyclopedia of Myths and Secrets. San Francisco: Harper @ Row Publishers, 1983, p. 33. ^ Ibid 65, p. 164.
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fa La plupart des critiques qui ont cherché á situer le dernier román de Bosco ont des vues différentes á ce sujet. Certains comme Michel Mansuy - qui articule Hvacinthe et Une Ombre autour d' Un Rameau de la Nuit - avancent l'idée de la trilogie. D'autres comme Daniel Moutote - qui fait pivoter Une Ombre autour d' Un Rameau de la Nuit.l' Antiquaire et Le Récif 1' envisagent comme une tétralogie. In José Corti, L' Art de Henri Bosco, Paris, 1981, pp.37-8 et 97-8.lis ont tous raison! Cependant pourquoi limiter ainsi á une poignée d'oeuvres ce qui pour nous représente le dernier maillon d'une chaíne commencée avec la premiére oeuvre? Alors, plus précisément et plutót qu'une trilogie, l'espace-temps se divise en une serie de triangles crees á l'intérieur du cercle pour un cycle sinon con9u du moins systématisé á partir du Mas. "* Oú fíxer le corps qui n'a pas de n'ombre? C'est justement le probléme de Bosco: oú fixer Hyacinthe (le féminin par extensión) qui le hante mais qui lui échappe constamment? Ici, nous le verrons plus loin, le maillon est toujours manquant. Mais c'est la justement la condition d'existence de l'ombre (á la mémoire) bosquienne: elle est parce qu'elle ne peut erre. 1X1 Voir la reproduction á la fin de notre travail.
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Chapitre 6 Au Nom de la Rose
All I can do now is be silent...I shall sink into the divine shadow, in a dumb silence and an ineffable unión, and in this sinking all equality and all inequality shall be lost, and in that abyss my spirit will lose itself, and will not know the equal or the unequal, or anything else: and all differences will be forgotten. I shall be in the simple foundation, in the silent desert where diversity is never seen, in the privacy where no one finds himself in his proper place. I shall fall into the silent and uninhabited divinity where tbere is no work and no image. It is cold in the scriptorium, my thumb aches. I leave this manuscript, I do not know for whom; I no longer know what it is about: stat rosa prístina nomine, nomina nuda tenemus. Umberto Eco, The Ñame of the rose
Dans le contexte de l'ensemble des romans de Bosco, il me semble plus que probable que l'Ombre dans l'absolu représente la partie féminine irreconciliable de l'áme des narrateurs et de l'auteur lui-méme. J'y verrai de plus une tendance homosexuelle refoulée1. Les critiques semblent avoir fait l'impasse sur cette partie "cachee" de la personnalité bosquienne. Peut-étre voulaient-ils proteger un Bosco légendaire, idéalisé, peut-étre qu'en ees temps troublés ce n'étaient pas des choses dont on parlait "ouvertement", peut-étre ceci nous semble plus que probable - n'avaient-ils pas "voulu voir" 1' évident. Néanmoins, au cours du deuxiéme colloque sur Henri
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Bosco, certaines conversations" reportées en fin des lectures avancent tres pudiquement sans la développer 1' idee de l'androgynie des personnages bosquiens. Bosco avait un ideal de l'androgyne, son ideal d'androgyne. Les textes qu'il a laissés le prouvent. Or cet ideal, loin d'intégrer les oppositions fémininmasculin en un tout parfait met en évidence plus que jamáis son irréconciabilité. La glorification de THomme chez Bosco qui se manifesté incontestablement par la supériorité masculine et le dégoüt du caractére inférieur de la personnalité "féminine" masque plus précisément un désir "homoérotique". C'est ce que nous nous proposons d' examiner en nous appuyant sur la symbolique de l'androgyne en general et l'étude des rapports entre "intégrité" et "androgynie". Androgynie et Angélisme Selon 1' Encyclopédie illustrée des Symboles traditionnels. "l'androgyne est un modele de perfection primordiale comme l'union de la terre et du ciel et une entilé inconditionnelle dans la reunión des forces males et femelles".m Les symboles traditionnels qui sont attachés a la représentation de l'androgyne sont parmi d'autres le serpent, un point dans un cercle et surtout la croix, et qui sont particuliérement utilisés chez Bosco. D'aprés 1' Encyclopédie des Mythes et des Secrets. on apprend que Bien des religions Indo-Européennes ont essayé d' intégrer les sexes masculin et féminin dans un méme corps. Shiva et Shakti-Kali, Brahma et Vishnu, le Yang1 et le Yin apparaissent comme autant de représentations de l'androgyne. L Occident également ahonde en mythes sur l'androgyne. Dans la tradition Orphique, la partie féminine du Dieu Eros s'appelait Psyché, l'équivalent grec de Shakti, Hermés tenait sa sagesse phénoménale de son existence androgyne avec Aphrodite, d'oü le terme 'hermapnrodite'...Un livre du seiziéme siécle représente Satán lui-méme en androgyne comme la plupart des moulures de diables des cathédrales et dans les jeux de Tarots'v.
Ces remarques sont tres intéressantes non seulement parce qu'elles s'appliquent au modele bosquien, mais également parce que 164
si Ton se rappelle nos recherches étymologiques exposées dans notre premier chapitre elles mettent en lumiére la fixation du genre féminin de rjombre au seiziéme siécle. Nous avons vu que jusqu'alors l'ombre était utilisée au féminin comme au masculin. Nous avons expliqué cette féminisation de l'ombre par le souci de résoudre la confusión possible a l'indéfini avec un nombre. II est aussi probable que la fixation définitive du féminin soit précipitée par l'infemalisation de l'androgyne a la renaissance, en particulier la représentation de Satán comme homme et surtout femme. Comme B. Walker le souligne, .... Bien que les Orthodoxes abandonnérent l'androgyne dans leur imagerie religieuse, les Gnostiques les utilisérent. Comme Kali était la partie féminine de Shiva, Sophie était la partie féminine du Christ: Le Sauveur était representé comme un androgyne couplé avec Sophie, la Mere universelle. Aprés l'écrasement des sectes gnostiques, l'androgyne fut consigné en Enfer et donna naissance á de bien curieux démons avec des attributs et masculins et féminins."
Le Nombre étant par définition le Verbe Paternel, il ne fait plus de doute dans ees conditions que les hommes aient préféré une ombre a un ombre Satanique et cela méme si l'androgynie fondamentale de sa nature subsiste au definí, l'ombre (avec l'article I1) étant et masculin et féminine ("le" ombre ou "la" ombre.) L1 éditeur de Henri Bosco dans la méme tradition aura choisi d'intituler son román Une Ombre et non pas l'Ombre. Nous rappelons que jusqu' á la fin, Henri Bosco - et par conséquent son éditeur posthume - hésitérent quant au genre de 1' Ombre. Henri Bosco, nous rapporte Sandra Beckett, Aurait longtemps hesité au sujet du sexe de 1' Ombre, comme en fait preuve le manuscrit du récit, oü les deux "inconnues" de la page 154 figurent au masculin (QS, 139)... Trois jours avant sa mort, (il) était tourmenté encoré de ne pas savoir ce qu' allait devenir l'Ombre. C est á la demande de 1' éditeur que le titre: Une Ombre fut substitué á celui choisi par 1' auteur au debut de 1974: L' Ombre. (QS, 103)
Dans le contexte de l'ensemble des romans d' ombre de Bosco, l'Ombre dans l'absolu représente non seulement 1' ame androgyne mais en particulier la partie féminine généralement satanique et irreconciliable d'un narrateur dédoublé. Bachelard 1' a bien vu qui écrit: "Qui parle d' androgénéité, fróle, avec une double antenne, les profondeurs de son propre inconscient".vl Pour Bosco, 1' 165
androgyne est le modele jungien d'intégration idéale. Cependant, puisque - la partie féminine de - 1' ombre ne peut étre directement intégrée au personnage pour des raisons que nous expliquerons plus loin, 1' opération doit étre faite en deux temps. D'abord le personnage masculinvu doit étre couplévm a un double, son ombre pour ensuite étre uni a la femme. C'est le cas dans Un Rameau de la Nuit. Frédéric Meyrel est amoureux de Clotilde mais ne peut lui étre uni. Leur "unión" doit passer par l'intermédiaire de son ancien amour, Bernard Lutrel, qui pénétrant l'áme méme de Frédéric, permet 1' unión symbolique - il n'y a pas de rapport physique entre les deux - de Clotilde et Frédéric. C'est ainsi que les rapports amoureux sont essentiellement masculins: ainsi Eros doit d' abord étre couplé a l'ombre d'Eros pour étre couplé a Psyché"! Et bien évidemment afín de faciliter 1' opération, il faudra absolument "écarter"* Psyché, comme il fallait "écarter" Clotilde de Bernard Lutrel. Ainsi 1' ideal de 1' androgyne loin d'intégrer les oppositions féminin - masculin en un tout "parfait" met en évidence plus que jamáis son irréconciabilité. II affirme plus encoré la glorification de l'Homme qui se manifesté incontestablement par la supériorité masculine et le dégoüt du caractére inférieur de la personnalité "féminine" qui masque un désir "homoérotique". C'est ce que nous nous proposons maintenant de prouver en nous appuyant sur la symbolique de l'androgyne en general et l'étude des rapports entre "intégrité" et "androgynie". Dans son excellent livre, Janice G. Raymond met en évidence au contraire de l'idéal d'intégration et de perfection développé dans l'androgyne - homme et femme en un seul corps - la réalité de ses inégalités fundamentales que perpetué un mythe traditionnel. Janice raymond écrit: The word androgyny is formed from integrating the Greek Ander and gyne (with the male classically coming first). This gives the impression that if one puts together the archetypal masculine and féminine together, one will somehow arrive at an adequate whole - but a whole that is formed of two inadequate halves. The question thus becomes, how can two inadequate halves form an adequate whole? As Mary Daly has phrased it, 'androgyny connotes scotching John Wayne and Brigitte Bardot together.1" (TS, 159)
Un peu plus loin dans sa discussion de l'androgyne, Janice Raymond souligne la ressemblance entre les termes androgyne et androgéne qui vient renforcer la supériorité du male sur le sexe 166
féminin. Janice Raymond écrit: In appearance, the words androgyne and androgen are quite similar. In fact, androgyny is soraetimes spelled androgeny. Thus to speak of androginizing humanity comes dangerously cióse to androgenizing or "male-izing" humanity. (TS,160)
II est done évident que le mythe de l'androgyne loin d'égaliser les sexes contribue á préserver la subordination de l'un par rapport á l'autre. L'androgyne est un mythe d'hommes, par les hommes et pour les hommes. Les remarques de J. Raymond sur la priorité d'une tranformation - un changement de sexe - encouragé chez les femmes mais non chez les hommes pour intégrer l'élément opposé sont analogues au phénoméne d'androgynie développé dans la thématique bosquienne. Elle écrit: On a mytho-metaphorical level, the Gnostics exhorted women to attain the androgynous state of unified humanity by first making themselves male. 1 'For every woman who makes herself male will enter the Kingdom of Heaven. No comparable process of making one's self female is necessary for men to attain androgynous actualization and salvation. Once more, now in the scientific litterature on sex differences, androgenizing - or making one's self male" become normative for androgyny. (TS, 160)
Cette remarque s'applique parfaitement aux romans bosquiens dans lesquels on observe cette constante: comme la femme ne peut étre directement masculine, elle s'androgynise en ombre en adoptant un caractére masculin -pour étre appropriée finalement par le narrateur. Comme 1' Ombre dans Une Ombre. Frédéric dans Un Rameau de la Nuit est le résultat probable de cette "greffe". Frédéric remarque: Or Clotilde était presque un songe. mais de tendresse ambigüe nulle lumiére ne me parvenait. Elle se dressait entre moi et celui qui me doublait dans 1' invisible. Pour le connaítre (et par la vraiment me connaítre) ne fallait-il pas écarter Clotilde? Or 1' avénement de Clotilde avait suscité la tempéte. Depuis nous errions aveuglément. Elle absenté, sans doute aurais-je atteint celui qui cherchait á m' arteindre; il nous aurait suffi d1 une simple lampe; nous aurions découvert les deux visages de cette créature étrange que nous composions et qui sans doute s' opposaient. L' un regardait la ciarte de la vie, 1' autre 1' immobilité de la mort. L' identité mystérieuse qui nous unissait eüt peut-6tre dévoilé un troisiéme visage. (RN, 357-58)™
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Ce "troisiéme sexe" emblématique de la triangulation du désir bosquien est dans la thématique bosquienne l'ombre androgyne. L' envié d1 ¿cárter le féminin comme Clotilde, de connaítre par son absence V autre masculin s' observe en general chez Bosco dans la démonisation des filies et femmes d' ombre et par le systématisme d' angélisation des gargons. Nous aimerions á ce point étudier deux personnages bosquiens capitaux: Jodicael dans un premier temps, puis la figure légendaire de Hyacinthe qui a été ignorée par les critiques. Jodicael: Janus et Hermés ou 1' androgynie bosquienne Jodicael, personnage central au román Une Ombre est un personnage janique, ange et démon: Dans le demi-jour de la chambre, c'était tantót le visage d'un démon pueril, tantót le visage d'un ange. lis se ressemblaient. Et si bien que parfois je ne savais plus qui me regardait du démon ou de Tange. Quand la fiévre montait trop vite, les visages se confondaient et j'avais peur. (O, 156)xm
Chez Bosco, Tange - contrairement á sa nature originelle est un personnage divinisé et masculin: Jodica¿7, Gabriel sont autant de représentants. Nous avons deja parlé des noms bosquiens qui se terminent souvent en -el, ce qui signifie Dieu en hébreu. Plus généralement, il faut ajouter á cette remarque les rapports entre 1' alphabet hébreu et le zodiac. En effet, cet alphabet était lié aux planétes et leurs éléments, d1 oü le pouvoir "divin" de ees noms. Or T angélisme bosquien fidéle á la tradition patriarchale qui masculinisant Tange renforce la suprématie d' un sexe (masculin) sur Tautre a comme corrélation directe le modele de Tandrogynie auparavant discute. B. Walker écrit: A l'origine done, les anges étaient de sexe féminin. Les anges qui représentaient pour l'homme la recompense celeste supréme aprés la mort - celui-ci jouirait au ciel de leur présence étemelle - étaient le symbole de la sexualité, c'est á diré en fonction de Thomme bien sur, de son plaisir. Cependant, la tradition patriarchale avec son rejet ascétique de la sexualité et des femmes masculinisérent Tange. (WD, 232-4)
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Ainsi, il existe une relation directe entre Tange et Tandrogyne. Chez Bosco, dans le méme esprit, on ne peut parler de Tange Jodicaél au double visage sans mentionner Janus qui représente parfaitement les rapports d'altérité entre T identité et les frontiéres. Comme Jodicaél, Janus "aux deux visages," est le dieu romain, gardien de la porte qu'il regarde des deux cotes. A la période impériale, il fut associé au dieu Júpiter aux deux visages dont le nom - parmi d'autres - fut donné au diable dans la littérature chrétienne du quinziéme siécle. Avant la période impériale, Janus est representé comme le gardien des frontiéres des propriétés des tribus voisines dont chacune a son propre "ianus". L'un des deux visages janiques est Jana, assimilée á Junon. Ce couple qui représente le mythe ancien de l'androgyne vient probablement de la déesse elle-méme. Les écrivains du Moyen-Age acceptérent l'image d'un Janus au double masculin qu'ils transmirent á leurs successeurs et que nous considérons maintenant comme l'archétype de la dualité. (WD, 208)
Jodicaél dans le román exerce la fonction non seulement de gardien ou veilleur mais également celle de messager et de guide. Done, la "masculinité" de Jodicaél - la priorité qui est accordée sur sa féminité - Tangélise. A ce sujet, Sandra Beckett écrit: Comme le petit Jodicaél, T enfant porte-croix' (O, 41) de la procession nocturne des cinq Ombres, tous ees enfants sont des symboles du salut, d' une ascensión vers la lumiére. Porteur de salut, 1' enfant se sacrifie pour le salut de 1' ame d' un homme, comme le Christ s' est sacrifie pour la rédemption de tous les hommes. (O, 92)
Jodicaél^ est proche du caractére mythologique de Hermés (ou Mercure),qui est "messager des dieux et conducteur des ames á Hades". Nous allons voir que son symbolisme est particuliérement utilisé chez Bosco et pour cause. S. Beckett qui par ailleurs égréne son oeuvre de remarques fort intéressantes ne "voit" pas que c' est le garlón qui est á la base de T esthétique bosquienne du salut. La filie - et la femme - damne plus qu' elle ne sauve et si elle se sacrifie, c' est en s' immolant! S. Beckett qui écrit: "Deja dans le Sanglier, le premier román de Bosco qui illustre sa vraie maniere, la pauvre Marie-Claire, T innocence méme en son vétement blanc, s' immole pour sauver son ami monsieur Rene. "(QS, 92) Bosco, .insiste S. Beckett est proche de Bernanos et de son "dogme catholique". (QS, 92) C' est sans compter sur le
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paganisme bosquien qui se mélange hétéroclitement a son catholicisme pour le moins ambigú, plus mystique et "hermétique" qu' autre chose (a la brunienne dirions-nous). Jean-Cléo Godin le remarque qui écrit tres justement: De toute maniere, il est clair que Bosco a voulu intégrer ces tendances mystiques á son catholicisme. Mais il le fait de maniere imprécise, en usant la terminologie et les symboles de telle fa£on qu' ils ne puissent etre rattachés á un systéme particulier."
C' est pourquoi il est délicat d' aborder 1' oeuvre de Henri Bosco avec une approche "systématique" et qu' il faut avoir recours á de diverses sources pour mieux appréhender sa sémiotique. De nos lectures se dégage cependant une remarque moins genérale: le narrateur bosquien développe une relation idéalisée et ambigue avec les gar?ons et plus généralement les hommes par "1' archétype de la dualité" Janus, modele de 1' ombre androgyne ou hermaphrodite. Dans Une Ombre le narrateur (le grand'oncle) Gabriel est bien évidemment lié á l'ange Gabriel. Or ce dernier "permet" á son grand'oncle Gabriel de "pénétrer" - une "introduction" á laquelle nous reviendrons - problématiquement son áme-méme et de s' y réincarner pour revivre et ainsi continuer une histoire inachevée. On connait la fascination de Bosco envers 1' astrologie et la numérologie et sa prédilection en particulier pour le triangle et le carré. Or Gabriel est relié plus spécifiquement au chiffre quatre. Nous avons vu dans la derniére partie de notre quatriéme chapitre que le symbole de l'androgyne était précisément un hexagramme (voir reproduction en fin de thése) qui se présente sous la forme de deux triangles rassemblés en un carré. Or, nous apprend B. Walker, le carré est le symbole du masculin. Uni au triangle, symbole féminin, il correspond au chiffre 7 sacre. La división de l'univers en cadrans, cañés, en croix ou autres figures á angles droits semble étre associée á la montee progressive de la civilisation patriarcale. Les cadrans étaient associés aux quatre vents, aux quatre éléments, quatre saisons et aux quatre anges gardiens. On pensait autrefois - est-il besoin de le rappeler - que la terre était píate et avait quatre coins. (WD, 46)
Le cadran de la rose des vents dans le Jardin d' Hyacinthe est un carré justement. Dans Une Ombre. le cercle du Zodiaque symmétrique á celui du Mas ressemble, nous le rappelons ici, á la 170
"roue carrée" développée chez Giordano Bruno. En resume, le carré est chez Bosco aussi important symboliquement que le triangle. On connaít également la fixation bosquienne sur la croix. Or, Les lignes droites imaginaires tracées depuis les quatre coins de la terre annonaient nos paralléles de latitude et de longitude. Les rencontres des lignes au point central formaient la croix. Les croix représentaient les dieux males bien avant le christianisme. Elles symbolisaient méme le sacrifíce divin qu'on assumait avoir lieu au centre des choses oü toutes les forces se réunissaient: généralement centrées sur l'Arbre de Vie, l' axis mundi, 1' omphalos, source des quatre riviéres mystiques, sommet du mot montagne, centre du corps du monde, et autres interprétations de X, qui 'désigne 1' endroit'. (WD, 46)
Gabriel narrateur d' Une Ombre justement appartient á cette symbolique propre au carré. La "protection magique inherente au carré de la terre" était basée comme le fait remarquer B. Walker : sur l'idée ancienne des quatre esprits - plus tard les quatre archanges - gardiens Michagl, Gabriel, Uriel et Raphael postes aux quatre coins de la terre et qui soutenaient le ciel. Gabriel est également lié á l'un des attributs de la vierge aux deux visages Junon et la vierge Marie: la fleur - de - lis. Cette fleur qui á l'origine représentait pour Junon sa capacité á se fertiliser elle-méme - c'est ainsi d'ailleurs qu'elle conc.ut son fils Mars - sans l'intervention masculine, est également le symbole de l'imprégnation de la Vierge Marie. Bien évidemment, la versión patriarchale substitua á cette initiative féminine le truchement masculin. C'est Gabriel qui aurait donné á Marie la fleur et par conséquent le pouvoir de concevoir. (WD, 51, 97, 378, 426, 428, 508)
Bien évidemment, Marie est également liée au symbolisme de la fleur dont la rose, qui occupe une si grande importance chez Bosco. Bosco place la rose á l'intérieur de la croix. Ce symbole est directement relié á l'androgyne qui était utilisé comme un signe bisexuel en raison de l'union du masculin (la croix) et du féminin (la rose). L' iconographie Chrétienne associa done la croix au Christ et la rose á Marie, ce qui n'empéche pas le concept de leur unión "sexuelle" dans le sens mystique. Les sauveurs pai'ens consideres étaient presque toujours réincarnés par leur propre mère, la Déesse. Si le Christ est Dieu, alors, il est aussi l'amalgame du fils et de 1' époux. (WD, 59)
C'est ainsi que central á l'oeuvre bosquienne, le symbole multidimensionnel de la rose, attribut de Marie qui elle-méme porte le titre de "Rose Mystique", est au coeur d'une érotique propre á celle de l'ombre, ideal de l'androgyne. C'est ainsi que le modele androgyne/androgéne est caractéristique de l'oeuvre bosquienne par la división sexiste en ange(andro)-démon(gyne) qu' il crée. II faut 171
d'aileurs souligner qu' un des personnages féminins "secondaires" d' Un Rameau de la Nuit s'appelle Rose Manet. Or Rose a l'instar de l'ange androgyne Jodicaél est une créature ambigüe. Le narrateur qui ne peut décider du séxe de cette forme floue presque fantómale écrit: Derriére le rideau de verre, quelqu'un se tenait, immobile, et qui m'observait avec attention...C'était une forme assez grande; une femme, sans doute...Alors un corps fendit en deux le rideau de perles; et je vis. C'était une femme, en effet ...Ce masque clos et sombre semblait recouvrir un second visage. (RN, 19)
Rose, femme au "second visage" comme Jodicaél tient un café, le Café du Souvenir. On peut alors voir un rapport direct entre Rose, attribut de MarieXVI et le prénom composé "Rosemarie" qui est lié a la mémoire justement. Le passage: "Alors un corps fendit en deux le rideau de perles; et je vis. C'était une femme, en effet." (RN, 19) est intéressant, il faut le souligner ici, dans la mesure oü la "perle" est également un des symboles de 1' androgyne. En effet, la perle était sacrée á "Aphrodite Marina" comme la Perle de la Mer, qui fut vaguement christianisée par 1' intermédiaire de la mystique Sainte Margaret, (la "Perle") dans de nombreuses légendes. Mais la "porte perlée" d' Aphrodite, la symbolique "yoni" qui la conduit au paradis sexuel devint aussi un symbole de la tradition chrétienne. Dans la mythologie Musulmane également, le paradis est representé par une perle qui représente la satisfaction sexuelle. Tout héros touché par la gráce ira vivre avec son houri dans un ensemble de perles. Ici, les1 principes masculins et féminins se joindront comme le symbole parfait de "I nomine sphérique" ou 1' androgyne qui signifie la "Perle de la Sagesse" qui auparavant se rapportait á la sagesse parfaite de la Déesse. (WD, 519)
Nous avons vu que Rose "la peile" - comme Jodicaél, personnage janique par son archétype de la dualité - est hermaphrodite. Or Kermes était originellement liée á Aphrodite, d' oü á notre avis, la composition pour le moins "étrange" du neveu de Rose, fils de la "Perle". Le neveu de Rose en effet qui s'appelle Marcellin est également un personnage ambigú, tiré entre deux identités. Son nom qui charme tant le narrateur par son cote vieillot est á relier á Marcel, qui vient du latín "marcus". Or, "marcus" est lié au germanique "mark" qui designe la frontiére. De plus, "mark" est associé au latin "margo" qui designe la marge. Petit étre marginal, Marcellin est émerveillé par un petit livre apporté par le narrateur et qui relate les aventures de 1' imaginaire Hyacinthe et
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d'un áne. Que le petit gar$on Marcellin, personnage "réel" se substitue á l'imaginaire Hyacinthe est tout a fait dans la lignée des remarques précédemment avancées. Ainsi Marcellin vit entre deux frontiéres, Tune imaginaire et l'autre "réelle". Cette prédisposition au revé chez Marcellin se manifesté par son amour du dessin. D'ailleurs 1* un de ses coloriages trouvés par le narrateur ressemblent á s' y tromper á 1' un des sygnes bosquiens et porte la marque indélébile de notre créateur: Je trouvai Marcellin endormi, la tete sur le coude, le coude sur la table, seul. Le cahier était ouvert. II avait mis le cerf sur une barque, la barque sur la mer; et la barque portait á l'avant une voile gonflée par un vent impétueux. Elle voguait ainsi vers une íle visible, sur l'horizon marin entre deux petites étoiles. II n'y avait pas de rivage. Mais Marcellin avait écrit deux mots, l'un au bas de la page, c'était: ici; l'autre, au-dessus de l'íle: lá-bas; Et il avait aussi dessiné un oiseau qui volait sur les flots, en avant de la barque, vers la haute mer (RN, 29)
Marcellin, le marginal, doit étre associé á Diakos, l'enfant du Récif qui á son tour a la méme fonction que Jodicael dans Une Ombre. Diakos est le guide, messager, ange gardien de Didier Markos dont le nom propre s'apparente á Marcellin justement. Etymologiquement, Diakos s'apparente á "di" qui signifie "double" en grec et "achos" qui a le sens anglais de "acné" et doit étre relié á Achéron encoré connu sous le nom d'Hadés. Diakos personnage hermétique est le gardien du passage entre la vie (ici) et la mort (lábas) dans le Récif. Sa mort entraíne la mort du narrateur Markos auquel il est inséparablement lié. Contrairement á la relation idéalisée entre le narrateur bosquien et les autres personnages masculins, Diakos, Jodicael et Gabriel entre autre, la relation avec les femmes et les petites filies - comme Eudoxie et surtout Hyacinthe - est complexe. En opposition á Jodicael, messager des dieux dans Une Ombre. la petite filie Eudoxie personnage du Récif est démonisée et représente la voix hostile qui par le silence fait obstacle á l'information et par extensión la connaissance. Eudoxie dans Le Récif n'est pas á proprement parler androgyne, mais la relation tres étroite tissée entre son personnage et celui de son frére Diakos fait de l'ensemble un couple androgyne. Le frére comme Jodicael sert de messager et de guide qui fait progresser l'action - la direction - du récit par les informations qu'il offre constamment á un narrateur particuliérement desorienté. Diakosxvu l'angélique par
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son nom double constitué de "di" et "achos" représente deux des riviéres du fleuve de l'Achéron, Achéron et Cocytus connus sous le titre de fleuve des regrets et des lamentations et Eudoxie démonisée représente alors les fleuves du Styx et du Léthé. On pourrait diré que Henri Bosco utilisait l'androgyne comme modele ideal d'intégration "au masculin", le féminin par définition inférieur ne pouvant servir que de supplément au masculin et non le contraire. On dirait que Bosco était comme bien d'autres "sexiste". On pourrait s'arréter la. Or, étant donné la peur du contact physique avec la femme (d'ombre), le dégoüt qu'elle lui inspire, il est évident qu'il faudra aller plus loin. L'Ombre masque non seulement la misognynie bosquienne mais plus encoré un désir homoérotique refoulé, d'oü Tamnésie" xvm qui survient systématiquement aprés son apparition: le narrateur qui veut oublier ce qu'elle représente la refoulé dans son inconscient. De plus, il faut souligner la fantaisie de "pénétration" qui revient obsessionnellement et qui est indubitablement la preuve de Thomoérotisme bosquien. II faut ajouter que ceci m'iritéresse seulement - la vie sexuelle de Bosco en tant que telle ne m' intéresse ni me regarde - en ce que l'Ombre serait l'image du désir et du dégoüt irreconciliables de l'homosexualité. C'est pourquoi les narrateurs qui sont effrayés, dégoütés et luttent contre leur désir (fantaisie) de pénétration se disent "possédés". Ici, la possessionpénétration impliquent doublement les forces du mal(e). Ceci apparaít d'ailleurs tres distinctement dans un passage tiré de l'Ombre oü aprés avoir été menacé de la pénétration de 1' Ombre, le narrateur est abordé par un guidem non moins "pénétrant": Je sentáis son corps (I1 ombre) et il était si prés du mien que sa tiédeur, une tiédeur qui n'était pas humaine, pénétrait dans mon sang et atteignait jusqu'á mon coeur, qui se troublait. ..Je ne pensáis á rien, je jouissais du trouble qui lentement m'envahissait. II s'était étendu á travers tout mon corps. II menacait les confins de mon ame qui s'était repliée sur elle-mSme. A peine gardait-elle une étroite retraite tout au fond de ma chair, mais elle refusait de ceder á l'ivresse. Ce qui m'irritait, car je revais de m'y abandonner et peut-étre de m'y perdre tant mon désir d'en penetrar la profondeur était vif. (O, 71)
D'ailleurs, un peu plus loin dans le passage, le narrateur explique lui-méme le caractére "inavouable" de son "étrange" désir. Guidé jusqu'á un "homme méditant", le narrateur engage une conversation silencieuse avec celui-ci: Quand interrogé, "que nous 174
voulez-vous?", le narrateur est incapable de repondré (il se dit: "savais-je ce que je voulais?"), L'homme ajoute: II est encoré temps de repartir...On nous voit et on nous écoute. Pensez-y." Le narrateur qui n'ose pas dit-il "avouer (ma) sa faiblesse" ne peut que garder le silence. A ce moment, le méditant lui demande pourquoi il reste silencieux et si "le silence couvre un désir. Est-il inavouable?"(O, 73) Le narrateur, trop avide de savoir et maítriser Tinformation, aprés 1' avoir interrogó a son tour sur sa propre identité rompt le charme et provoque l'apparition une fois encoré de l'ombre (d'abord comme cachee, puis qui sort soudain de l'ombre) suivie de l'évanouissement previsible du narrateur. Dans un autre passage, l'image de la possession (sado-masochiste) se file dans l'utilisation de la métaphore de la frondaison**: Pendant un moment je me débattis, mais en vain. Car l'événement était tel qu'il échappait á la raison et aux prises de la volante. Je savais qu'il allait ceder. II ceda á une premiére poussée. Car c'était la premiére fois que la pensée d'un mort (ici la derniére pensée) pénétrait dans la mienne. Cette pénétraíion, je ne la sentís pas, je la vis. Elle traversa l'os frontal et glissa. Je la vis, j'en suis sur, qui se dirigeait vers les tempes. Elle lan?ait rapidement de múltiples rameaux. lis vibraient... Or cette volonté avait dit non. J'avais ressenti le coup d'abord sans y croire. Mais l'envahisseur s'était arrété, et pourtant il était en train d'étendre partout ses rameaux""...La puissance de la poussée semblait irresistible...(239240)
C'est encoré une fois le modele androgyne/androgéne d'union sexuelle qui est développé ici en l'image de la "poussée". Bosco y contráete par l'idée du mouvement de pénétration celle de la "Création": la germination (par la semence) Tc(s)Tj1.164 TwTwTwTw o6
fructifying" qui sont autant de métaphores affectionnées par Bosco. Bruno relie au mouvement Hermétique quatre processus qui imitent a merveille les pérégrinations des personnages bosquiens dans le labyrinthe. Bruno insiste dans un premier temps sur 1' idee de cycle: Direction, Obliquity, Circuitousness, Rotation, Spinning, Bending in, Rotation, Curving back, Reciprocity, Revolution, Remigration, Flowing Back, Tuming Back, Return, Cycle, vértigo, Vértigo, Reiteration, Repetition, Conversión, Inversión, Catastrophe, Upwards, Downwards, Beforehand, Afterwards, On the Right, On the Left, Inwards, Outwards, Lofty, Deep, High, Low, and Broad (CISI, 169).
Dans un deuxiéme temps, il développe 1' idee de Fáltente: Striking against, Striking towards, Breaking in, Impact, Intorsion, Detour, Offense. Along them are momentary Opportunity, prone to flight Rux, varying inconstancy, fickle Mobility, versatile Lubricity, skin changing Vacillation. There are images of Glaucus, Euripus, Vertumnos, Erysichton, Proteus, Chameleon. With them are mutation, Variation, Alterity, Difference, Conversión, Aversión, Diversión, Transfiguration, Transformation, Metamorphosis, Otherness (CISI, 169).
Dans un troisiéme temps, il développe l'idée du passage: Passage, Leading Through, Transportation, Transvection, Starit Crossing, Transmission, Advance, Journey's End, faring Forth, Travelling Across, Crossing Over, Flying, Creeping, Walking, Crawling, Swimming, Boating (CISI, 170).
Finalement, il evoque l'idée de la séparation: Digression, Abstraction, Desertion, Remigration, Revocation, Deposition, Deduction, Estrangement, Séparation (CISI, 170).
Mercure selon Bruno est également identifiable au "Polymathe" et au "Combinateur" qui sont les sujets des deux derniers sygnes de son livre de Sceaux. Le Polymathe selon Bruno, un type d'androgyne d1 oü sa relation á Mercure fera connaitre without making a mistake the genera of the ñames, that is of the two seasons in space, completely divided into three classes, of sun and moon and sky; certainly of male, female and neuter; while the common and universal genra remain abandoned at the gates and at the atrium in front of the gates. As they journey through the classes' parts they will discover the multitude of their images (in the expression of the conspicuous images of those things that are signified.) For the words' conjugation the polymath has the four"*" atria of regular relationships and the same number of atria excépticos, which are quickened by their proper spirits, and through all of them run, under the leadership of the Chainer of Theutis, anímate beings. (CISI, 274)
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Dans le dernier sceau, Mercure apparaít comme un combinateur: Bruno dit: And what limit can there be in this sort and in similar and in all sorts of discoveries, where one seal's form, material, virtue, means, operation, effect and end unite with the same, similar, different and the contraríes of other seáis, and by a sepárate plan of movement, scurry away from them? (CISI, 74)
La séparation d' avec les femmes est exemplifiée contrairement á la relation idéalisée développée entre le narrateur bosquien et les gargons par la relation pour le moins problématique avec les petites filies comme celle avec Eudoxie dont nous avons deja parlé et surtout de Hyacinthe comme nous le verrons maintenant. Le personnage mythique utilisé par Henri Bosco est done la légendaire Hyacinthe avec quelques révisions au mythe cependant il est vrai. Fleur parmi les fleurs, la femme d'ombre bosquienne est par excellence Hyacinthe(hZacinthe), la compagne de songes idéale qui hante l'inconscient bosquien. Cité en permanence ce personnage légendaire occupe une place d'importance dans l'ensemble de son oeuvre. Bosco lui a consacré deux romans , Hyacinthe et le Jardin d'Hyacinthe et on ne se trompera pas si 1' on voit en Une Ombre - similaire dans ses thémes, ses images, sa quéte - le dernier volet de la trilogie.
hYacinthe: Janus et Junon, ou la gYnésie bosquienne Le revé bosquien, nous 1' avons vu dans le chapitre quatre, est non seulement le lieu oü Ton se souvient, mais également il est lieu de passage ou communication privilégiée d'une ame á l'autre: "Ainsi je soup9onnais que ce n'était pas moi qui me souvenais de ees choses, mais un étre inconnu se servait de moi, cette nuit, pour retrouver ses souvenirs en les déposant doucement dans ma tete fragüe. "(JH, 216) II devient de plus en plus évident comme le lecteur progresse dans le Jardin que 1' étre inconnu qui cherche á se souvenir n' est autre que Hyacinthe/Félicienne3""" que le sorcier Cyprien, pour "reconstituer" le paradis, nous 1' avons dit, a privée de sa mémoire et de son ame. Mais Hyacinthe, en resume, ne reconnait 177
rien du paradis á son réveil et Cyprien, son "créateur" est obligé de lui "restituer" sa mémoire, et comment? Par 1' intermédiaire de 1' ombre de Constantin Gloriot! Sygne dégénérateur, gynérateur, Hyacinthe, l'ombre anonyme, "noire/blanche", paradoxale, attache á sa suite un narrateur -réveur réfléchi comme battant, en sursis. La répression, le renvoi qui s'ensuivent vont s'inscrire dans les basfonds d'une mémoire rendue amnésique. Symbole d'une lutte incessante, le renvoi á l'Autre, son retour, se traduisent par une voie sans issue. L'osmose est inconcevable et la réintégration au "Jardín perdu" impossible. En situation constante d'échec, les mouvements (in)conscients du narrateur (erratiques pour ainsi diré) limitent dans les allers-retours d'une mémoire défectueuse un voyage (une quéte) aléatoire. Blanc contre noir, le souvenir emerge á moitié pour aller s'enterrer plus loin. II est évident que le sursaut de conscience comparé au secours de Tange gardien - qui protege Hyacinthe de sa propre zóne d'ombre, de sa nature "vicieuse" s'il secoue un peu les chaines n'en cree pas moins d'autres maillons plus subtils peut-étre parce que moins visibles. Prisonniére de son double masculin, Hyacinthe comme le sygne d'ombre EL/LE est gynériquement ombrigué. Dans Les Metamorphoses d'Ovide, Hyacinthe qui est aimé d1 Apollon est un jeune homme, non pas une jeune filie. Mary Daly dans son étude de la mystification patriarchale propose une analyse radicalement fascinante du mythe d' Apollon vu comme la négation du lien maternel et légitimant les rapports homosexuels et la pédophilie - en Gréce Antique. (GY, 62-3) Mary Daly écrit: Although Apollo was fathered by Zeus and had a mother - Leto - he could well be described as "not of woman born". Fittingly, he was born in a place of NotEarth, a floating island in the sea named Délos. Fittingly, too, he encouraged matricide. Slater observes that 'the myth of Apollo seems to express an infinite process [sic] of doing and undoing, of affirmation and négation of the maternal bond.' The more accurate term, of course, would be procession, for this is a dcadly circle. It should also be noted that the myth of Apollo functioned to legitímate male homosexuality in ancient Greece: 'Apollo had relationships with many youths, the first of whom was Hyacinthus; the summer festival Hyacinthia commemorated this relationship'.(GY, 62-3)
L' interdit, le "tabou" qui pésent sur ees rapports serait alors, selon Mary Daly, á 1' origine de leur éroticisation. Elle écrit: "This deceitful taboo titillation tactic is employed widely in 178
patriarchal propaganda, reaching hysterical heights in the hidden messages of advertising." (GY, 63) Dans Les Métamorphoses. Hyacinthe est tué de celui-ci lors d'un lancer de disque. Apollen, extrément affecté s'exclame: laberis, Oebalide, prima fraúdate iuventa, videoque tuum, mea crimina, vulnus. tu dolor es fascinusque meum: mea dextera leto inscribenda tu est. ego sum tibi funeris auctor. quae mea culpa lamen, nisi si lisisse vocari? atque utinam tecumque mori vitamque liceret reddere! quod quoniam fatali lege tenemur, semper eris mecum memorique haerebis in ore. te lyra pulsa manu, te carmina nostra sonabunt, flosque novus scripto gemitus imitabere nostros. tempus et illud erit, quo se fortissimus heros addat dum vero memorantur Apollinis ore.IUUV
C'est ainsi que de la blessure de Hyacinthe naquit une fleur qui honorera son nom a jamáis et ainsi consolera quelque peu Apollen de la perte de son ami et dont Apollon se promet de chanter les louanges (de Hyacinthe) en sa mémoire pour l'éternité. On ne peut s'empécher de s' interroger sur la symbolique de cette "coupure" mortelle. Bien évidemment, l'idée de la recréation (la floraison) aprés la mort, c' est celle de la réincarnation si chére á Bosco. De plus, cette idee de coupure est incontestablement liée au fil de la destinée, la fatalité. Dans la littérature classique, les fileuses Clotho - que nous avons associée á Clotilde chez Bosco - Lachesis et Átropos sont appelées les Destinées. De plus, le fil de la fatalité est associé en particulier á Ariane, qui aida Thésée á sortir du labyrinthe en le guidant de son fil. (WD, 158) Le labyrinthe, nous l'avons vu, représente un voyage utérin qui se concluí par un retour ou une re-naissance. Done, le fil par analogie est le cordón ombilique qui separe l'enfant de sa mere, d' oü l'image de 1' utérus et de la naissance. Egalement, si l'idée de coupure en general est liée á celle de séparation (et naissance), elle est associée en particulier á celle de séparation des sexes, en liaison avec la téte-phallus. Or, Ariane (WD, 129, 158) qui s'appelle également Aphrodite est elleméme liée á Hermés: la séparation des sexes semble alors étre subordonnée á leur "reunión" dans le texte androgyne/androgéne. Chez Bosco, la séparation, la "coupure" entre la femme et son 179
"Homme", la mere et son fils, est exacerbée par le traumatisme d'une naissance problématisée par la mort prématurée de quatre enfants et plus particuliérement celle de la derniére enfant avant lui, sa soeur - son double féminin - rivale. Bosco était le cinquiéme enfant (le seul vivant, 1' Elu, 1' héritier done) de cette malheureuse famille. Le chiffre 4 auquel Bosco accorde tant d'importance est - ce n'est pas fortuit - le chiffre du Sygne de la croix-rose d' Une Ombre. Le Sygne de 1' androgyne comme nous 1' avons vu, alors que le chiffre 5 qui est au centre de la croix est le "carrefour de son imaginaire". C'est ainsi que 1' ideal de 1' androgyne representé par "Jodicael" chez Bosco indique le désir et la peur d' étre reintegré "chez soi" avec l'autre : la soeur ou encoré "I1 ombre" de hy"vacinthe qui s' y est substitué, c'est a diré qui a "poussé" á sa place, d1 oü la tensión. Hyacinthe ou "Jacinthe" est á notre avis 1' autre visage de Jodicael que le narrateur bosquien á l'image de l'auteur lui-méme cherche á oblitérer. En effet, nous avons deja mentionné Janus qui á l'instar de Jodicael représente les rapports d'altérité entre 1' identité et les frontiéres. Jodicael est "Janus aux deux visages, le dieu romain, gardien de la porte qu'il regarde des deux cotes". Chez Bosco, le symbolisme de "D " ou de la "porte" ou du "seuil" en general est tres prononcé. Le seuil représente l'espace "C " de transition entre l'intérieur et l'extérieur. Janus, nous 1' avons vu, est representé comme le "gardien des frontiéres des propriétés des tribus voisines dont chacune a son propre "ianus"". Cependant, l'un des deux visages janiques est Jaría, assimilée á Junan, et ainsi 1' histoire de Janus est toute autre: c'est Junon, la déesse aux deux visages qui est á Vorigine "oubliée" de l'archétype: the two-faced Goddess, addressed at her festival of the year's tura in January as she who looks backward and forward, Postvorta and Antvorta. She was the Mother of Time, ruling the Celestial Hinge at the back of the North Wind, around which the universe revolved at the transitional "gate" of midwinter." (WD, 208)
Janique, le mythe bosquien qui représente done le mythe ancien de l'androgyne vient, il faut la remettre á sa place, de la déesse Junon elle-méme: Junon, Reine Romaine du ciel et mere des Dieux est 1' archétype féminin par excellence: de plus, chaqué femme était une "Junon". C'était le nom de son ame, comme "genius" (le pére créateur) était le nom de l'áme d'un homme. Le
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terme remonte á une tradition ancestrale, quand Junon Curiitis la mere de tous les clans (curiae) était l'objet d'adoratíon de tous. Le jour de leur naissance, les Romaines avaient pour coutume de faire des offrandes á leurs "Junons" respectives. Bien évidemment, la société patriarchale retint le mot "génie" pour idéaliser l'áme male et oblitera le mot "junon".(WD, 209)
II n'est pas étonnnant ainsi que Bosco, fidéle á la tradition janique phallogocentrique oblitere "Jacinthe" arrachant sa racine junique, en lui substituant en agraphe le janique Hyacinthe ou Jodicael. Bien évidemment, la substitution ne peut que partiellement réussir vu la forcé, la "re-poussée" d'une ame réincarnéexxvl mais qui toujours désincarnée suit Bosco comme son ombre. Bosco, lui-méme le confirme: "N'oublions jamáis que la femme que nous avons devant nous était autrefois une petite filie, c'est á diré un personnage inaccessible qui nous échappait" et dans un passage du Mas "II y a en chacun de nous deux sangs ennemis".^" Ce qui expliquerait alors en partie son ex-il au Maroc qui, nous explique J. C. Godin: apportait encoré á 1' écrivain 1' exemple d' une vieille civilisation médiévale; Société patriarcale dont la femme est pratiquement exclue, demeurée féodale comme á 1' époque de Philippe-Auguste...Bosco y a trouvé un grand dépaysement et des richesses humaines et religieuses dont il a su tirer pwfit. C est au Maroc qu' il a écrit la plus grande partie de son oeuvre."™
Nous ne pensons pas nous fourvoyer en affirmant non seulement que "Hyacinthe" est au coeur de la gynésie bosquienne mais aussi que Bosco a concu Hyacinthe comme le trouble féminin de Jodicael. On se rappelle l'androgynie de celui-ci, "mi ange, mi démon". Plus androgéne qu'autre chose cependant, Jodicael relié á Hermés par sa fonction de messager des Dieux est plus ange que démon. On se rappellera la métaphore de la perle. Or Jodicael étymologiquement est lié á "Joel" qui lui-meme a dónné "joyau" comme Hyacinthe est reliée á "jacinthe" qui est une fleur bien sur mais également une pierre précieuse, un saphir. De plus, le mot "joyau" est lié á "jeu" qui est lié á "jocus". Nous avons vu que Hermés selon Bruno est souvent designé comme tel, un "joyeuxluron" comme le sens anglais de "trickster" ou "joker". II faut mettre en évidence la similarité des couples d' initiales "J" Jacinthe et Jodicael, et "H" Hyacinthe (Jacinthe) et Hermés qui á l'image du dieu hermaphrodite, décentrent la problématique bosquienne sur jod 181
ou yod, a mi-chemin de "Jeovah" qui, Dans la tradition mystique juive est consideré comme un androgyne. Son nom composé du nom pré-hébrai'que d1 Eve, Havah ou Hawah a donné yod, he, vau, he en hébreu. L'ensemble des quatre lettres le tetragramme sacre, YHWH, du nom secret de Dieu. En fait, il y avait deux versions du tetragramme, le tetragramme masculin habituel et un tetragramme féminin EHYH". (WD, 223)
Ceci correspond done aux deux premieres lettres de la quadrature inversée de Hyacinthe: YHWH ou HY(acinthe). II n'est ainsi pas du tout exclu qu'au centre de de la problématique bosquienne au couvert de la figure mythique de l'androgyne ou de l'hermaphrodite se cache 1 'ame du "je(u)" Bosquien lui-méme. II faut se souvenir que Cyprien le vieux sorcier du Jardín d'Hyacinthe a enfermé 1' ame de celle-ci a 1' intérieur d1 un arbre. La rose au milieu de 1' arbre constitue 1' élément central au sygne d' ombre bosquien. Cyprien dont le nom - qui résonne des accents sylviens de Sylvius, autre magicien de 1' imaginaire bosquien - est derivé de "cyprés" et done lié a "bosco'ixxix. C'est un Bosco vieilli, endeuillé*** qui cherche a se souvenir et qui ne se rappelle plus la location de son arbre: Je ne peux plus retrouver 1' arbre et il faut que je le retrouve...Un malheur est toujours possible...Et le malheur erre partout...!! habite meme dans cette maison...H faut que j' en sorte...Nous irons ensemble dans cette forét oü je sais que j'ai marqué 1' arbre. Je 1' ai marqué d' un signe dans 1' écorce, d' un signe á peine visible, le mien...Mon signe, c'est le nom secret de la Terre...H est le sceau dont j' ai celé cette ame. (CM, 247)
Acentriquexxxl, Bosco aura cherché - sans les trouver - (en tout cas la oü il pensait) des points de repére dans le labyrinthe de la connaissance. Autre revé, désir sororal, Bosco irreconciliable s'est-il probablement sentí pour couper a tout soupgon, "coup'able"? Probablement. II est fascinant de constater sur le zodiac (voir le schéma) du Mas Théotime la formation triangulaire avec pour origine "janvier", période de croissance fourchue symmétriquement en "juin" et "juillet", périodes de décroissance. Ce n'est pas un hasard d'y voir également figurer le nom de Saint Jean Bosco. Bosco, ce n'est pas une coíncidence a préféré St Jean Bosco á (Ste)Geneviéve, personnage "secondaire" du Mas! Comme Bosco oblitere "Jacinthe" au profit de "Jodicael", tout porte á croire qu' il oblitere Geneviéve au profit de Jean. En effet, la féte de Sainte 182
Geneviéve fétée également au mois de Janvier - le trois précisément - est le cote féminin de St Jean. "Geneviéve", il faut le remarquer vient du bas latin "genovefa" qui vient de "genos" ou "genus" justement. Alors Janus aux doubles visages, c'est Henri (ou Hermés: Hyacinthe/Jodicael) et Bosco, c'est - substitué a Ste Geneviéve - St Jean Boscoxxxu, son double idéalisé, son ombre. Dans leur dernier voyage, l'homme Bosco et l'enfant Henri, main dans la main, se confondent et disparaissent. Guidé par Jodicaél, Bosco part guidé par d'autres méandres vers une autre partie de la maison. Elle était immense - sans lui je m'y serais perdu. Je n'y retrouvai rien de ce qui m'était familier. L'enfant m'emmenait vers un autre séjour et vers d'autres appartements. On me dépaysait(...)
Le voyage et le songe ne pouvaient pas - et pour cause distraire ou "dépayser" un narrateur deja débordé par un désir dérangeant les frontiéres et les normes. Henri Bosco n' aura pu que masquer l'Autre féminin - l'image de sa soeur rivale disparue - en découvrant sous l'Ombre androgyne désintégrée un désir homoérotique irreversible. II apparaít done que le sygne d'ombre est le sygne irreconciliable en Y, d'un andro-gyne tiré entre deux identités interchangeables comme les mythes de Narcisse et Echo, Hermés et Aphrodite, Eros et Psyché ou Hyacinthe. II ne fait plus aucun doute que le désir bosquien masqué par 1' ideal androgyne est essentiellement homoérotique. Refoulé comme il paraít, le désir laisse des traces constamment déguisées mais qui ne peuvent tromper la lectrice attentive. Attiré par le masculin, Bosco neutralise a l'outrance 1' ombre du souvenir espérant y cacher entre les lignes le sygnexxxmde ses inversions.
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Chapitre 6 ' Je ne posséde malheureusement pas assez d' informations sur la vie amoureuse de Bosco. Mais tout porte á croire qu'il avait dü lutter centre une homosexualité latente. " L' Art de Henri Bosco. París: José Corti, 1981. p. 98. m 3. C. Cooper. An Illustrated Encvclopedia of Traditional Symbols. Thames and Hudson. 1979, p. 12. 1V Barbara G. Walker. The Woman's Encvclopedia of Myths and Secrets. San Francisco: Harper@ Row, 1983, pp. 32-4. v Ibid. V1 Gastón Bachelard. La Poétique de la Réverie. Paris: PUF, 1960, p. 50 ™ U n'y a absolument aucune femme á la recherche de sa propre ombre chez Bosco. la femme n'a pratiquement aucune existence - crédible, j'entends - physique. Quant á l'áme (ou l'ombre), généralement, on Ten prive pour la greffer á un hornme (voir notre analyse de Hyacinthe plus loin). vm C'est bien par la mystérieuse triangulation de l'ombre que le narrateur (trois en un) peut faire l'expérience - par procuration - de la jouissance de l'intégration tout comme il faut le souligner ici la non moins mystérieuse Trinité: Marie couplée á l'ombre de Dieu donnant naissance á Jésus-Christ. Nos recherches sur l'ombre exposées dans le premier chapitre portent ici leurs fruits, pour ainsi diré. K Ne faudrait-il pas voir dans la représentation du coeur au centre de la réverie bosquienne le symbole de l'androgyne. En effet, tout en haut du sygne - étoile bosquien est place entre le corps et 1' ombre le coeur encérele du centre. Or le point au centre d' un cercle - qui représente le soleil - est justement un des symboles de l'androgyne constitué des jumeaux Apollon/Artémis. (WD, pp. 14-15) x L' écartement" prendra bien des formes chez Bosco, du rejet á 1' appropriation á 1' élimination puré et simple. xl On ne peut que penser au méme phénoméne - androgyne/androgéne - développé dans Mademoiseile de Maupin de Gautier. xu C' est moi qui souligne afín de faire ressortir par cette lecture (le choix des mots et 1' exclusión d' autres) la dialectique mystére-clarté entre autre oü se cache justement le cfe/ní-regard de soi au tiers énigmatique. X1 " Peu aprés ees remarques le narrateur est témoin d'un phénoméne semblable. Aprés l'enfant, c'est cette fois-ci une ombre qui est dédoublée, ce qui prouve une fois de plus leur intercorrélation: Je me refugiáis dans le sommeil, mais l'étrange visión me poursuivait jusqu'au fond le plus éloigné de ma retraite, la oü je me croyais á l'abri de mes revés. La veilleuse brülait á mon chevet et sur le mur, il y avait deux ombres (156). X1V Jodicael, le juge peut étre apparenté á JOSHUA qui dans la Bible jeta un "deathcurse on cnnemies by saying 'their shadow is departed from them'". (14:9 Numbers) xv Jean-Cléo Godin. Une Poétique du Mvstére. Montréal: Les Presses de 1' Université de Montréal, 1968. Note 43, p. 73. m Le romarin, en anglais "rosemary", signifíe '"rose de la mer'. C' était 1' un des titres de Venus. Shakespeare repela la vieille croyance que cette íleur est un charme de la mémoire ppeut-étre parce que son parfum s' attarde pour ainsi diré. En Angleterre cette rose était plantee sur les tombes en signe symbolique du souvenir. D' oú les associations inextricables entre souvenir et rose chez Bosco. (WD, 451) xvu Diakos peut également représenter "Aeacus", l'un des juges des morts, qui assignait á chaqué ame sa destination finale.
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xvm
Voir notre étude de l'amnésie des personnages bosquiens dans notre chapitre 4. Ceci représente fort bien 1' androgynie-androgénie de l'Ombre par la masculinisation indispensable du féminin avant le couplage au narrateur. xx II est intéressant de noter que d'aprés le Dictionnaire des Revés, la frondaison symbolise "les histoires du coeur et les relations sexuelles". (160) xx> C'est une image que Bosco affectionne particuliérement. II lui a d'ailleurs consacré un livre: Un Rameau de la Nuit xxu C est nous qui soulignons ce chiffre mystique de 4. XX1U Dans ce cas, la double Hyacinthe-Félicienne est une sorte d' Hermeline. Hermeline est le nom de la femme - tres effacée - de M Carre-Benoit un román peu connu de Henri Bosco. II faut remarquer une fois de plus les rapports entre Ie"carré" et le symbole de 1' androgyne (Hermés). XX1V Ovide. Metamorphoses. Cambridge: Harvard University Press. 1984. p. 79. xxv Nous soulignons ici la bifurcation de l'identité du personnage janique par ce sygne qui, il ne faut pas 1' oublier reste integré á Junon, representante oblitérée de Janus. XXV1 Certains des attributs de Junon sont 1 'étoile, la rose et la vierge Marie si chers á Bosco. xxvu Ibid 2, p. 99. xxv '"Ibid 15, p74. XX1X Bosco est lié au proven9al "bosc" et l'italien "bosco" qui signifíent une "reunión d'arbres" et par extensión le bois. On sait que l'arbre est au centre de la maison du zodiaque dans Une Ombre et le jardin (en hébreu, pardes) dans Hyacinthe. xxx Selon le dictionnaire des symboles, le "cyprés" , symbole du deuil, est lié á la tradition orphique de 1' au-delá. En effet, un cyprés blanc surplomblant la fontaine du Léthé serait la premiére chose que 1' ame assoiffée verrait une fois arrivée dans 1' autre monde. L' ame "élue" cependant ne pourrait boire de la fontaine qui efface toute mémoire des vies precedentes. L' initié Orphique doit chercher la fontaine de Mnemosyne (la Mémoire). ! tx " ' Bosco, nous l'avons dit, ne se sera jamáis tout á fait remis de la mort de sa jeune soeur et de l'épouvante que cette tragédie crea dans sa famille et particuliérement chez sa mere. Illustré par les souvenirs d'Un Oubli moins Profond. on y voit le drame quotidien d' une mere évoquant á longeur d'années la mémoire de l'absente. Bosco, négligé par l'amour maternel, s'est sentí menacé par cette morte envahissante, d1 oü des romans oü l'amour/amitié est essentiellement porté aux hommes et particuliérement aux gar9ons (anges, guides et messagers) et l'antipathie, l'horreur et la hantise aux femmes et aux filies d'ombre, désirables mais surtout repoussantes. xxx " Henri Bosco a écrit diverses biographies de St Jean Bosco dont Saint Jean Bosco. París: Gallimard, "Leurs figures", 1959. XXXUI La lumiére représenterait le sygne. L' ame et le corps: les sygnes du songe ou le "synge" du récit androgyne. L' ombre. le janisme de 1' interprétation (du coeur). Le coeur, la soeur (la gynésie de la rose). X1X
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Conclusión
Le mythe de la coupure
Reviendrait , á la fin du texte, une certaine forme d' 'incompréhension'. Et ici, fort clairement, ce qui n' est plus compris, ce qui est exclu, c' est précisément le rapport référentiel. 'Désigner', dans le contexte de la littérature, rejoint 1' enseignement de 1' attentat. Mieux: face á ce qui, dans 'enseignement', implique encoré les saignements de la dénotation (bégaiements, blessures, débris), 'désigner' nous dit tout net qu' il n1 y a plus de signe(s). 'Gratuit', 'étranger' et 1 'vain , le 'littéraire' designe un langage sans référence. Anne-Catherine Aubert. Mallarmé et la bombe de Zola
La signification n' est plus á la mode, ou y revient-elle? Du pareil au méme, retrouver le sens premier véritable, n' est-ce pas le désir de Henri Bosco, magicien de 1' ombre? Et quand je dis "retrouver", qu'entends-je sinon une faille, un retour fatal á 1' envoyeur dans le double parler, la double entente. L' écriture bosquienne ne réfléchit pas. Elle s'ombre delirante. Retrouver chez lui implique 1' oubli de soi en dehors de la césure, 1' usure de l'Etre. Le temps ne sera pas prévu comme un r' appel á soi, méme si la mémoire est échocentrique. Les narrateurs sont conscients de 1' undifférence de 1' espace moi, mais ils savent qu'elle ne reviendra pas au méme instant. Le temps, c' est le souvenir de 1' autre qui est en soi, 1' ombre. Poete magicien, astrologue alchimiste, penseur hermétique, Bosco, en tiers, instaure au sygne un á-devant ródeur, 1' avant-dernier sauveur, un "sens premier". Son chiffre cependant annonce plus qu' il n' énonce. Le signe reste trouble, trois fois double. II n' y a pas de sens premier á retrouver dans la mesure ou 1' ordre reste 1' illusoire. C' est la le£on d' Une Qmbre. Ce qui vient
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aprés dépend de sa médiocrité, la moyenne sinon sa tangente. Le signe reste sygne. L' aurore abolie du chant bosquien, c' est une reflexión mirrée, choeur de 1' éternel abandon, la dentelle amie de son ame, un accent qui roulerait de mirages en rimages. Bosco poétise. Miroir sombre echo d' un rythme incandescent, sa chandelle en sapho dans 1' idéale fusión. Répétition supréme d' un sanglot ancien, Janus lutte avec sa Junon et 1' echo qui en resulte témoigne a jamáis d1 un tout premier désir. Chez Bosco, la pamoison du souffle vire á 1' embléme. II faudra faire illusion dans la coupure mortelle du sygne, la oü se prolonge le doute dans ses passages. Sygne catastrophié au vingtiéme de notre siécle, furie poétique et sainte folie s' accordent en une ronde celeste, 1' aureole sirienne. Les forces inconscientes au travail de 1' écriture bosquienne labourent la voix des anges. Terre, ciel, tout enfante ici bas sous cieux d1 airain. Une lutte constante il est vrai tourmente un ideal qu' avilit le néant baudelairien. Chez Bosco, 1' echo de la voix intérieure est ou ou moins encoré un dialogue avec r"autre-méme". II y a dans son sygne un aveu, un envoi, un envol, un appel qui demande réponse. Souvent immédiate, la réponse est sa propre moyenne, car 1' écrivain qui dialogue á deux présente la mémoire de 1' Etre. Aveu souvent double d' une mémoire mal rincée des dégoüts du Léthé, son ame en frólant le supplice a rencontré 1' ivresse. Elle touche bas á terre pour rencontrer le ciel. C' est cette proximité comprometíante qui témoigne le mieux d' un bien-étre irréel entre le divin et 1' odieux. Cede, 1' ancrage résisíera aux tempes et 1' aveu profond qui transparaít murmure entre ses ailes, dans sa déliquescence, un néphrétique rejet. Enigmatique corps déchu, prosaique laisser faire, diré devient un spectacle désincarné. L' ame bosquienne cherche á se retrouver et le point de rencontré se trouve entre les lignes, sans plus autant n' en pécher. Bosco n' écrit pas vraiment, il incante et puis enfm guidé, il muse et se souvient ostensiblement. II n' invente pas vraiment non plus. Avec les voix antérieures, il fait correspondre au désir du rappel le retour originel, peut-étre un retour d' ame justement. Acte créateur, la gynésie, reflexión sur elleméme, comme un frein sombre entraíne encoré la voix. L' aveu s1 étale et dans la double entente qui s' annoce, une ombre passagére 187
fait un aller-retour orphique. Chez Bosco, trouver 1' autre á hanter fait platoniquement de 1' ame poétique un corps á habiller. J.P. Richard écrit: "Prolongement, provocation: voilá la double face du Janus critique. Double face qui n' en forme en réalité qu' une seule, puisque prolonger le sens...cela revient á le forcer á toujours renaitre dans la sensibilité d' un autre á vif et á neuf. Fidélité médiatrice, infidélité provocante, c' est sans doute le double ressort de la fonction critique." Or si 1' eautre est chacun ce qu' un ailleurs vit naitre, le sygne alors, c1 est 1' autre toujours á incorporen Comme le dit si bien Mary Daly, "Patriarchy perpetuales its deception through myth". (GY, 44) Lubrique diablesse dont il faut contróler 1' appétit bestial, "rose" mystique taboue que pour posséder il faut s1 approprier, sens anonyme, le mythe (de la femme) d' Ombre, construit marginalement dans la coupure parenthétique, appartient á la traduction phallogocentrique. Si 1' idee de coupure en general est liée á celle de séparation (et naissance), elle est associée en particulier á celle de séparation des sexes. Chez Bosco, celle-ci est subordonnée á leur reunión illusoire dans 1' androgyne-androgéne. L' histoire d' Une Ombre - directement inspirée de celle de Peter Schlemihl - qui est centrée autour de 1' impossibilité du "mariage", faute d' ombre, implique par la quéte de celle-ci, la possession et 1' échange de femmes, la substitution finale, par la greffe homoérotique de 1' homme á 1' homme. Par sa convergence triangulaire vers lui-méme, 1' homme y est en perpétuelle incisión qui laisse sa marque nuptiale. L' homme á son ombre, c1 est du semblable au m' aime. La racine indoeuropéenne "sem" qui designe "un" et est reliée á "homo" en dit long (voir la figure á la fin de la thése). Réparation des copules, rémunération du défait de la langue, le sygne bosquien, ombre de 1' ame, développe cette obsession masculine de la coupure des sens. Redondant á fusión, prolixe á rever, rimer et mirrer, rimages et mirages á tensión, le sens veut se marier, et qui l'empécherait, sinon nous peut-étre? En césure future, gardée entre ses lignes mais levant 1' enere, une silhouette fait circuler de plus riches échanges que les sceaux n' en imprimerons au Nom de la Femme. Cela serait la coupure.
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11 Memory System from Giordano Bruno's De umbris idearum (Shadows), París, 1582 (pp. 212 ff.)
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1591 versión
Tocco's version 192
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HORIZONTALEMENT
corps
ombre
Coeur centre
equilibre sur terre la vie de l'homme entre le corps et I'ombre VERTICALEMENT le coeur au centre attire l'áme vers la Lumiére celeste
<sataniquement> — FEU passionnel
•? y^
Divinement — LUMIÉRE spirituelle
K soma
S
Kardia
I
skia
Y psyché Satán elimine le coeur (l'Amour) la Psyché en contact direct avec le Feu brüle et s'éteint
Fac-similé d'une feuille appartenant á des Notes jointes par Henri Bosco au manuscrit de Une Ombre. Nous remercions le Prof. L. Van Bogaert d'en avoir autorisc la reproduction.
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OOUBLE FURKA
ANDROGYNE
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Bibliographie 1.
Oeuvres de Henri Bosco Fierre Lampédouze. París: G. Crés, 1924. Irénée. París: Gallimard, 1928. Le Trestoulas. Paris: Gallimard, 1929. Le Sanglier. Paris: Gallimard, 1932. L'Ane Culotte. Paris: Gallimard, 1937. Hyacinthe. Paris: Gallimard, 1940. Le Jardín d'Hyacinthe. Paris: Gallimard, 1946. Malicroix. Paris: Gallimard, 1948. Sylvius. Paris: Gallimard, 1949. Le Rosean et la source. Paris: Gallimard, 1949. Un Ramean de la nuit. Paris: Gallimard, 1950. Le Mas Théotime. Paris: Gallimard, 1952. Antonin. Paris: Gallimard, 1952. Monsieur Carre-Benolt a la campagne. Paris: Gallimard, 1952. L' Enfanr et la riviére. Paris: Gallimard, 1953. L'Antiquaire. Paris: Gallimard, 1954. Les Balesta. Paris: Gallimard, 1955. Sabinus. Paris: Gallimard, 1957. Barbeche. Paris: Gallimard, 1957. Bargabot. Paris: Gallimard, 1958. Un Oubli moins profond (Souvenirs). Paris: Gallimard, 1961. Le Chemin de Mondar (Souvenirs). Paris: Gallimard, 1962. L'Epervier. Paris: Gallimard, 1963. Le Jardín des Trinitaires (Souvenirs). Paris: Gallimard, 1966. Mon Compagnon de Songes. Paris: Gallimard, 1967. Le Récif. Paris: Gallimard, 1971. Tante Martine. Paris: Gallimard, 1972. Une Ombre. Paris: Gallimard, 1978. DesNuages, des voix, des songes... Aix-en-Provence: Edisud, 1980.
2.
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