dem_de de
collection finance dirigée par E. M. Claassen H. G. Johnson P. Salin
D. E. Laidler la demande de monnaie J...
76 downloads
1889 Views
2MB Size
Report
This content was uploaded by our users and we assume good faith they have the permission to share this book. If you own the copyright to this book and it is wrongfully on our website, we offer a simple DMCA procedure to remove your content from our site. Start by pressing the button below!
Report copyright / DMCA form
dem_de de
collection finance dirigée par E. M. Claassen H. G. Johnson P. Salin
D. E. Laidler la demande de monnaie J. H. David la politique monétaire sous presse R. Munde!! monnaie, inflation, croissance en économie mondiale M. Friedman la monnaie: concepts et analyse H. G. Johnson l'inflation dans les économies nationale et mondiale
DAVID E. LAIDLER Université de Manchester
la demande de monnaie théories et vérifications empiriques
traduit par Monique Fitau
dunod PARIS - BRUXELLES - MONTRÉAL
ISBN 2-04-009139-4
© Bordas 1974 N" 011 3740208 "Toute représentation ou reproduction, intégrale ou portielle,
foile sans Je consentement de l'auteur, ou de ses
ayants-droit, cu ayants-cause, est illicite (loi du
ri
mors
1957. alinéa ,-- de ,'article 40). Celle representation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue-
rait une contrefacon sanctionnée par les orticles 425 et suivants du Code pénol. la loi du Il mors 1957 n'outorise, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, que les copies ou reproductions strictement réservées 6 l'usage privé du
copiste et non destinées à une utilisotion collective d'une pori, et, d'aulre port, que les analyses el les courles citalions dons un huI d'exemple el d'illustration",
T ABLE DES MATIÈRES
Présentation ................ E. M. Claassen, P. Salin Préface ........................... D. E. Laidler Introduction ...................................
7 13 17
TITRE 1 LA DEMANDE DE MONNAIE DANS LE CADRE MACROÉCONOMIQUE 1. Un modèle macroéconomique simplifié . . . . . . . . . . . . 2. Les différentes formulations de la fonction de demande de monnaie ................................. Appendice A : Présentation algébrique du modèle . . . . . . Appendice B : L'effet de richesse. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21 38 48 52
TITRE II LES THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE 3. Un aperçu des différentes théories. . . . . . . . . . . . . . . . 4. La théorie classique de la demande de monnaie. . . . . . 5. L'économie monétaire keynésienne et la théorie quantitative moderne .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6. Les développements récents de la théorie keynésienne de la demande de monnaie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
57 63 72 84
TITRE III LES VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES 7. Les données. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8. Les tests empiriques .......................... 9. Les résultats ................................
101 112 135
Bibliographie .................................. Index des auteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Index des matières ..............................
147 151 153
présentation
L'auteur du présent ouvrage, David Laidler, Professeur à l'Université de Manchester, est un des plus brillants économistes de la nouvelle génération en Angleterre. Son texte présente un exposé rigoureux de l'analyse de la demande de monnaie aussi bien du point de vue de l'explication théorique que de la vérification empirique. Tout au long de son ouvrage l'auteur se penche sur trois questions fondamentales, à savoir: (i) pourquoi il est d'une importance cruciale de connaître avec exactitude la fonction de demande de monnaie; (ii) pourquoi il existe un si grand nombre de formulations de la demande de monnaie; et (iii) pourquoi les tests empiriques sur les différentes hypothèses relatives à la demande de monnaie sont indispensables. i) Ce sont les agents économiques qui déterminent nécessairement la masse monétaire. La quantité de monnaie effectivement détenue est-elle pour autant entièrement désirée par les détenteurs de monnaie ou bien est-elle trop abondante ou insuffisante? Dans le cas où la quantité existante n'est pas la quantité désirée, les individus vont se débarrasser de la partie non désirée, ou augmenter leur détention de monnaie jusqu'au niveau désiré. Ce comportement d'ajus7
PRESENTATION
tement des encaisses effectives aux encaisses désirées ne peut se réaliser que par une variation de la demande .de biens dans d'autres marchés de l'économie, en particulier sur ceux des titres et des produits, ce qui déclenche une variation des taux d'intérêt, de la production (revenu) et du niveau général des prix. Cette variation des variables «stratégiques» de l'économie s'arrêtera au moment où elles auront atteint un niveau tel que la masse monétaire effectivement détenue sera également et entièrement désirée. Donc, la « demande de monnaie », c'est-à-dire la quantité de monnaie (1'« encaisse») que les ménages et les entreprises désirent détenir, est fonction de certaines variables économiques. La découverte de cette fonction et sa vérification empirique constituent le domaine même de l'étude de la demande de monnaie. Son importance pour l'ensemble de l'économie, c'est-à-dire pour la macroéconomie, peut être montrée encore en d'autres termes. La politique monétaire, lorsque son objectif est d'influencer l'activité économique, suppose de bien connaître la forme de la fonction de demande de monnaie, pour savoir, par exemple, quels effets une augmentation de la masse monétaire aura sur les variables stratégiques pour lesquelles la détention de la nouvelle quantité de monnaie sera désirée. De plus, il serait également indispensable pour mesurer avec précision l'impact des instruments de politique monétaire de savoir si la fonction de demande de monnaie est stable, en ce sens qu'il y a une régularité dans les comportements des détenteurs de monnaie. L'importance macroéconomique de l'analyse précise de la demande de monnaie est montrée dans la première partie de l'ouvrage. Certes, l'auteur ne se sert que d'un seul modèle macroéconomique, bien qu'il en existe à l'heure actuelle un nombre important qui se différencient en fonction des hypothèses que l'on choisit et des objectifs que l'on poursuit. L'exposé d'un modèle macroéconomique n'est donc fait qu'à titre indicatif pour montrer l'importance et de la forme et de la stabilité de la fonction de demande de monnaie pour prévoir les effets des politiques de stabilisation. ii) L'analyse proprement dite des fondements théoriques de la demande de monnaie est entreprise dans la seconde partie. Au début d'une telle analyse, une question fondamentale se pose: dans quelle mesure est-il justifié de parler de «la théorie de la demande de monnaie » au lieu de se référer à la théorie générale de la demande de biens dont le cadre analytique pourrait servir pour déterminer la demande de n'importe quel bien, y compris la monnaie. Ainsi, comme l'auteur le remarque, il n'y a pas de 8
PRÉSENTATION
«théorie de la demande des réfrigérateurs» - bien durable (ou «actif») comme la monnaie - parce que la demande des réfrigérateurs peut être dérivée des principes généraux de la théorie de la demande de biens, et en particulier, de la demande de biens durables. La procédure habituelle de cette théorie consiste à postuler que l'individu reçoit une satisfaction - une « utilité» - provenant de la consommation du bien en question, ou, dans le cas des biens durables, une satisfaction provenant de la consommation des flux de services procurés par le stock du bien durable en question; c'est sur la base de cette utilité que la demande du bien est dérivée et elle ne dépend plus que des prix et du revenu, ou encore du patrimoine. Cependant, lorsqu'il s'agit du bien «monnaie », les théoriciens choisissent une autre voie, une autre théorie qui est précisément celle de la demande de monnaie. La justification traditionnelle de cette approche consiste à dire que la monnaie est tout-à-fait différente des autres biens, que son utilité a une tout autre nature que celle des autres biens. Tout d'abord, la monnaie constitue le moyen de paiement universellement accepté, ce qui n'est pas le cas des autres biens; son utilité provient du fait unique qu'elle facilite les transactions ce qui fonde la première motivation de la demande de monnaie : le motif de transaction. Etant donné le cadre institutionnel des paiements, la demande de monnaie dépendra, d'une part, du volume de paiements dont l'indicateur peut être représenté par le revenu, et d'autre part des taux d'intérêt constituant le coût d'opportunité de la détention de monnaie. Mais la monnaie n'est pas seulement le moyen de paiement, c'est aussi un moyen de réserve de valeur qui est demandé lorsque l'individu anticipe une perte en valeur possible du capital sur les autres actifs de son portefeuille. Il diversifie donc son patrimoine en détenant également de la monnaie; son utilité est maintenant fondée sur le besoin d'éviter des risques, ce qui représente la seconde motivation, souvent appelée motif de spéculation de la demande de monnaie. Ce deuxième type de demande répondra différemment à une variation des taux d'intérêt et réagira plutôt à une variation du patrimoine qu'à celle du revenu. Il va de soi que les analyses qui soulignent le motif de transaction (<< approche classique») mènent à d'autre formes de la fonction de demande de monnaie que celles qui mettent l'accent sur le motif de spéculation (<< approche keynésienne»). Enfin, d'autres analyses évitent délibérément chaque type de motivation particulière et d'utilité particulière (de même qu'une «théorie de la demande de réfri9
PRÉSENTATION
gérateurs » est dépourvue de sens lorsque l'on veut la fonder sur le « motif de posséder des glaçons » et sur le « motif de disposer de lait froid») et appliquent rigoureusement la théorie générale de la demande de biens à la demande de monnaie (<< approche keynésienne»); ces analyses fourniront encore d'autres formulations de la demande de monnaie. iii) Etant donné qu'il y a plusieurs modèles (ou « théories») de la demande de monnaie, on pourrait être tenté par l'une ou l'autre des deux solutions. Ou bien on les considère comme des cas particuliers d'une théorie «générale», ou bien on souligne les différences de chaque approche et on soumet chacune à un test empirique d'où l'une d'elles ressortira comme (provisoirement) la meilleure explication, celle qui a résisté le mieux à la vérification empirique. Dans la troisième partie, David Laidler choisit cette dernière voie en comparant les différents tests empiriques qui ont été entrepris en· vue de distinguer le «vrai» modèle des «faux» modèles. Comme on pourrait s'en douter, aucun des tests ne donne une information satisfaisante sur le « vrai» et le «faux». Certes, si les travaux empiriques avaient fourni une solution définitive, le problème de la formulation de la fonction de la demande de monnaie serait réglé et aucune recherche future ne serait effectuée dans ce domaine, ce qui est évidemment encore une utopie à l'heure actuelle. Cependant, lorsqu'il s'agit de savoir quel modèle donne· une prévision correcte, chacun des différents modèles se révèle comme « bon» et « utile ». L'auteur en tire la conclusion qu'il vaut mieux employer le modèle le plus simple, à savoir celui qui est dérivé de la théorie de la demande de biens et abandonner les méthodes traditionnelles dans le domaine de la demande de monnaie qui postulent des fonctions d'utilité particulières en termes des motifs de transaction et de spéculation. Il reste encore un mot à dire à l'égard des résultats concrets des tests empiriques. La quasi totalité de ces tests confirme que la demande de monnaie est une fonction stable des taux d'intérêt (fonction décroissante) et du revenu, ou encore du patrimoine (fonction croissante). Les tests traités par David Laidler ne se réfèrent qu'à l'économie américaine. Cependant, une étude empirique récente sur «la demande de monnaie en France: tentative d'explication» par Jacques Melitz (1) donne de manière générale le même résultat pour l'économie française (1) Statistiques et Etudes Financières, n° 11, 1973, pp. 21-45.
10
PRÉSENTATION
que pour l'économie des Etats-Unis. La seule différence importante entre les deux pays tient plutôt à un fait « institutionnel » à savoir que les taux d'intérêt en France sont contrôlés, de telle sorte que le taux d'inflation anticipé ne se reflète pas nécessairement dans un ajustement des taux d'intérêt susceptible de compenser les pertes qu'engendre l'inflation. Les Français sont donc devenus d'autant plus sensibles au taux d'inflation en tant qu'indicateur du coût de détention de la monnaie. Emil CLAASSEN Pascal SALIN
11
préface à l' édi tian française
Bien que cela ne fasse que quatre ans que ce livre ait été écrit, un certain nombre de nouveaux ouvrages sur la demande de monnaie est paru depuis sa publication. Je suis assez content de constater que les résultats de ces travaux ont si souvent confirmé les conclusions que j'avais émises dès 1969. Néanmoins, le lecteur trouvera peut-être utile d'avoir un bref aperçu de ces ouvrages. En ce qui concerne la théorie de la demande de monnaie, le principal développement a porté sur l'élargissement de l'analyse keynésienne du motif de précaution de la détention de monnaie, mais plutôt sur le plan micro économique que dans le cadre du modèle global qui constitue le support de ce livre. Les idées fondamentales de cette théorie peuvent être aisément définies. L'individu en tant qu'agent économique doit déterminer la composition de son portefeuille et tout d'abord la quantité de monnaie qui y sera incluse, en fonction, premièrement, de l'incertitude sur le rythme de ses dépenses et de ses recettes au cours de la période de référence et, deuxièmement, de l'existence de coûts occasionnés par la conversion éventuelle d'actifs productifs d'intérêts pour faire face à des dépenses imprévues. Dans le modèle qui en résulte, la demande de monnaie est fonction 13
PRÉFACE
du patrimoine, des taux d'intérêts des actifs autres que la monnaie et de l'incertitude inhérente au rythme des transactions en espèces. Cette théorie paraît être particulièrement fertile dans son application au comportement des sociétés. Il est intéressant aussi de remarquer qu'elle introduit, au cœur même de la théorie de la période de référence et, deuxièmement, de l'existence de de la demande de monnaie, les concepts fondamentaux de la « nouvelle microéconomie» - l'incertitude et les coûts d'ajustement - appliqués en général à la théorie de l'emploi. Le lecteur de langue anglaise qui désire avoir quelques notions de cette théorie pourrait utilement consulter Daniel Orr, Cash Management and the Demand for Money, Praeger, New York, 1971. Sur le plan empirique, de récents ouvrages ont étendu à d'autres pays l'analyse principalement développée dans le cadre de l'économie des Etats-Unis. Ainsi, certains essais de l'ouvrage collectif publié par David Meiselman, The Varieties of Monetary Experiences, University of Chicago Press, Chicago, 1971, traitent de la demande de monnaie en Argentine, au Chili, au Brésil, en Corée du Sud, au Canada et dans un certain nombre d'autres économies. Ils confirment assez nettement l'existence d'une relation constante entre la demande de monnaie et son coût d'opportunité souvent représentée ici par le taux anticipé de l'inflation. Certaines de ces études, ainsi que d'autres effectuées ailleurs, confirment bien que la demande de monnaie réagit avec retard à des variations du revenu, retard qui peut sans doute être le mieux interprété comme étant la démonstration que le revenu permanent, et non le revenu mesuré, doit être inclus dans la fonction de demande de monnaie. Ces mêmes études fournissent aussi de nouvelles preuves de la proportionnalité de la demande d'encaisses réelles par rapport au niveau des prix. Toutefois, les travaux empiriques récents ne font pas que confirmer de vieilles conclusions. Ils ont aussi commencé à en établir de nouvelles, surtout en ce qui concerne la structure des retards de la fonction de demande de monnaie. La poursuite des travaux de Feige (voir les pages 101-102) a établi que les retards d'ajustement et de prévision (du revenu permanent) sont présents dans la fonction lorsque l'on utilise des statistiques trimestrielles (par exemple, D. Laidler et M. Parkin, «The Demand for Money in the U.K. 1956-1967, Preliminary Estimates », in H.G. Johnson (ed) Readings in British Monetary Economics, Oxford University Press, Londres, 1971). De même important, il semblerait que du point de vue des réponses à court terme, les retards en question sont différents selon les différents secteurs de l'économie (cf. Priee, «The Demand 14
PRÉFACE for Money in the United Kingdom: a Further Investigation» Bank of England Quarterly Bulletin, 12, (mars 1972), pp. 43-55, qui a démontré qu'en Angleterre, les sociétés et les ménages ajustent leurs encaisses réelles au cours de la période à des vitesses différentes et avec une périodicité différente des réponses et ceci sans doute parce que les renseignements concernant le marché ainsi que les coûts des transactions sont différents pour ces deux secteurs). En même temps, Motley, «Household Demand for Assets: A Model of Short Run Adjustments », Review of Economics and Statistics, 52, (août 1970), pp. 236241, a démontré qu'à l'intérieur même d'un secteur - le secteur des ménages aux Etats-Unis - le schéma des retards peut varier dans le temps suivant la composition générale des portefeuilles. Ces résultats laissent supposer qu'il y a une certaine limite à l'utilité des relations globales simples lorsqu'elles sont appliquées au comportement économique à court terme. Les ouvrages sur ce point sont encore peu nombreux et ce problème nécessite encore un certain nombre d'études. Ce qui précède n'est en aucune façon un exposé très complet des œuvres de ces quatre dernières années mais j'espère qu'il fera tout au moins ressortir leurs grandes lignes et qu'il sera, de ce fait, utile aux lecteurs français de ce livre. David E.W. LAIDLER
15
introduction
Les problèmes de base traités en macroéconomie sont la détermination du niveau du revenu national et de l'emploi, la détermination du niveau des prix et de son indice de variation, et la détermination de la progression du taux de croissance du revenu. Pour aborder ces problèmes, les économistes ont trouvé nécessaire de construire des modèles macroéconomiques qui prennent en compte beaucoup plus de variables que celles qui sont directement liées à la compréhension du sujet. En ce qui concerne la théorie de la croissance on laissait généralement de côté, encore jusqu'à une époque récente, l'offre et la demande de monnaie et presque tous les modèles de détermination à court terme des revenus et des prix, à l'exception des plus simples, comprennent un marché monétaire. Les prévisions faites par ces modèles à court terme sur l'interrelation entre les variables de l'économie dépend, de façon critique, de ce qui est supposé vrai sur la manière dont réagissent notre patrimoine. Ces deux genres de décisions ne sont pas l'offre et la demande de monnaie. Il est impossible de déduire de quelques principes premiers quelles hypothèses particulières du marché monétaire sont les plus vraisemblables. On peut trouver de fortes preuves a priori en faveur de plusieurs théories 17
INTRODUCTION
différentes sur le fonctionnement du marché monétaire. Ce n'est qu'en se référant aux travaux empiriques qu'on peut dire quelle théorie est la plus acceptable. L'objectif primordial de ce livre est de décrire l'état actuel des connaissances sur la demande de monnaie et sur le marché monétaire. Les deux premiers chapitres exposent le modèle macroéconomique de base qui constitue le corps des manuels les plus modernes sur le sujet et montrent comment s'intègre le marché monétaire. Ce livre démontre aussi comment des points de vue différents sur la nature de la fonction de demande de monnaie aboutissent à des conclusions différentes, et quelquefois contraires, sur le fonctionnement du modèle dans son ensemble. Le Titre II présente une discussion plus détaillée des théories sous-jacentes aux différentes formes de la fonction de demande de monnaie qui peuvent être introduites dans un tel modèle macroéconomique. Le Titre III décrit et compare ces théories concurrentes au vu des vérifications empiriques disponibles et présente quelques suggestions hypothétiques sur les implications macroéconomiques plus générales de ces preuves.
18
LA DEMANDE DE MONNAIE DANS LE CADRE MACROECONOMIQUE
1 un modèle macroéconomique simplifié Les problèmes de la macroéconomie à court terme sont liés essentiellement à la détermination du niveau du revenu national, de l'emploi et des prix. En particulier, la macroéconomie cherche à individualiser les facteurs susceptibles d'entraîner des fluctuations dans ces variables. Elle essaye, d'autre part, d'analyser comment ces variables peuvent être utilisées, sous contrôle du gouvernement, pour retarder de telles fluctuations lorsqu'elles sont indésirables ou, par contre, pour les provoquer lorsqu'elles sont souhaitables. Il est donc pratique d'avoir un modèle explicite de l'économie afin de traiter de tels problèmes. Celui que nous utiliserons dans ce chapitre est celui le plus généralement employé dans ce genre d'analyse. La règle générale veut que nous traitions en premier lieu du comportement du modèle en situation de sousemploi et c'est la méthode que nous suivrons ici. Supposons, tout d'abord, que l'économie à étudier est une économie dans laquelle il existe suffisamment de forces productives pour répondre à toute demande globale, quelle que soit son intensité. Supposons, d'autre part, que toute variation dans l'intensité de la demande de biens et services ne peut être satisfaite 21
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
que par des changements dans la productivité et que le niveau des prix peut être considéré comme une donnée fixe dans le temps (1). Dans une telle économie, les dépenses peuvent être engagées soit par les ménages, auquel cas elles s'appellent consommation, soit par les entreprises, et c'est l'investissement, soit par les gouvernements et il s'agit de dépenses publiques. On fait les hypothèses habituelles sur les déterminants des composantes de ces dépenses. La consommation est considérée comme une fonction croissante du revenu disponible, et puisqu'il est pratique de considérer pour le moment une économie exempte d'impôts, ceci entraîne que la consommation est uniquement fonction du revenu. Une autre hypothèse est que la propension marginale à consommer est inférieure à l'unité. L'investissement est considéré comme inversement proportionnel au taux d'intérêt, tandis que les dépenses publiques constituent un facteur exogène - c'est-à-dire une variable qui n'a pas d'effets sur les autres variables du modèle mais n'est pas affectée non plus par elle. Le modèle est en équilibre lorsque le niveau des dépenses dans l'économie considérée est égal au niveau des revenus. Le lecteur trouvera le modèle représenté par des figures géométriques connues dans le graphique (1.1). (A noter: pour indiquer les coordonnées, de nombreuses variables ont été affectées d'indices entre parenthèses. Cette écriture signifie que la variable affectée d'un indice prend une certaine valeur lorsque la variable de l'indice prend la valeur de cet indice. Par exemple: dans la figure (1.1), Y(ro) donne le niveau du revenu lorsque le taux d'intérêt est égal à ro). Le quadrant (a) décrit la fonction de consommation C = c (Y) et le niveau exogène des dépenses publiques 0, tandis que la fonction d'investissement 1 = i (r) est décrite dans le quadrant (b). Si l'on suppose que le taux d'intérêt est égal à ro, l'investissement est déterminé par 1 (ro). Dans le quadrant (c), l'investissement a été ajouté à la consommation et aux dépenses publiques pour tracer la courbe C + 1 (ro) + G qui détermine le rapport - implicite dans le modèle - entre les dépenses globales et le revenu. La première bissectrice détermine (1) Il est implicitement sous-entendu ici que les facteurs capital et travail entrent dans le processus de production en proportions fixes de manière à ce que le produit marginal du travail ne manifeste aucune tendance à la baisse au fur et à mesure que l'emploi augmente; ceci, parce que l'emploi du capital augmente parallèlement à celui du travail. La combinaison de cette hypothèse avec celle d'un niveau des salaires fixe entraîne un niveau des prix qui est indépendant du niveau de production. Un modèle plus complexe permettant d'utiliser le capital et le travail en proportions variables et admettant le plein emploi du capital introduit une relation fonctionnelle entre les prix et la production pour un niveau donné des salaires. Il n'y a pas de différences qualitatives importantes entre ces modèles tout au moins en ce qui concerne les problèmes qui nous intéressent, aussi ai-je choisi d'utiliser le modèle simplifié. Le lecteur trouvera le modèle plus élaboré entièrement décrit dans l'ouvrage de SMITH [391. (A noter: les chiffres entre crochets renvoient aux références à la fin du livre.)
22
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
tous les points pour lesquels les dépenses, mesurées sur l'axe des ordonnées, sont égales aux revenus mesurés sur l'axe des abscisses. En d'autres termes, elle définit une représentation géométrique de la situation d'équilibre du modèle. La courbe des dépenses coupe cette droite en un seul point: celui pour lequel les dépenses déterminées par les fonctions du modèle sont égales au revenu. r
C 1 G
C = cry)
~--------------G
1=
;(r)
OL----L---------I
O~--------------Y
Il roi
(a)
(b)
C 1
45°
G
C=c(YI
b-=9"------------+- liraI
G O~--------------~----Y
(c 1
(1.1). La géométrie simple de la détermination du revenu. est la consommation, 1 l'investissement, G les dépenses publiques, y le revenu, et r le taux d'intérêt. c et i représentent des relations de fonction alors que la barre au-dessus de G indique que c'est une variable exogène FIGURE
e
Y(ro) est alors le niveau du revenu d'équilibre et ceci tant que le taux d'intérêt demeure au niveau ro. Si ce dernier doit prendre une autre valeur, l'investissement et le revenu au niveau d'équilibre vont changer. Il existe une autre fonction implicite parmi les fonctions déjà examinées. C'est le rapport entre le taux d'intérêt et le revenu d'équilibre. Il est assez aisé de rendre cette fonction explicite. La figure (1.2a) définit la relation investissement - taux d'intérêt. Le quadrant (b) détermine plusieurs courbes dépenses globales-revenus, chacune étant fonction de la même courbe de consommation et du même niveau de dépenses publiques mais avec un taux d'intérêt inférieur au taux ro, r2 est plus faible encore. Plus ce taux est bas, plus le niveau d'investissement est 23
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
élevé comme nous le montre la figure (1.2a), et plus l'investissement est important, plus le niveau des dépenses globales est élevé. Ainsi, dans le quadrant (b) de la figure (1.2), la courbe 1 (r2) G est supérieure à C 1 (r 1) G qui est elleC même supérieure à C 1 (ro) G. A chacune de ces courbes de dépenses correspond un niveau d'équilibre du revenu. Comme on peut aisément le voir, plus le taux d'intérêt est faible, plus le revenu est élevé. Ces combinaisons entre taux d'intérêt et revenu d'équilibre sont déterminées par la courbe IS de la figure (1.2c) (2).
+
+
+
+
+
+
r
45°
ro ri r2
1= i(r) 1
0
L-~--~--~---r
~ro)
IUo ) ljr.) IV, )
~r.)
~r,)
(b)
(Il)
r
1 ro r1 r2
5 0 ~~--~~-----Y Y( ra)
Ylr.) Ylr,) (c)
(1.2). - La relation d'équilibre entre le taux d'intérêt et le niveau du revenu implicite dans le modèle du marché des biens et services.
FIGURE
Or, à première vue, cette analyse nous pose un problème. En effet, comme nous le montre très clairement la figure (1.2c), le modèle que nous étudions va nous dire quel devra être le revenu d'équilibre pour un taux d'intérêt donné ou alors quel devra être ce taux si nous connaissons le revenu d'équilibre. Il serait utile d'avoir un modèle qui nous donnerait le niveau du revenu à l'équilibre sans avoir à connaître en premier lieu le (2) Dans un modèle sans dépenses publiques, cette courbe est appelée IS parce qu'en tout point de cette courbe, l'investissement est égal à l'épargne. D'une manière générale, cette appellation est utilisée pour tout courbe d5équilibre sur le marché de biens et services.
24
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
taux d'intérêt. Mais ce modèle n'est pas de notre ressort. Il est incomplet, ce qui ne devrait pas surprendre. Après tout, nous décidons non seulement des flux de biens et services, de l'intensité de notre consommation ou de l'investissement, etc., mais aussi du niveau des stocks et de la gestion de ce qu'on pourrait appeler notre patrimoine. Ces deux genres de décisions ne sont pas indépendants l'un de l'autre et un modèle qui ne traiterait que de l'un ne pourrait être qu'incomplet. Comme nous allons le voir maintenant, nous pouvons compléter le modèle macroéconomique que nous étudions ici en examinant les problèmes liés au patrimoine et en analysant la manière dont ces problèmes interviennent dans la détermination des niveaux de biens et services. Il y a de nombreuses manières de disposer de son patrimoine. Un individu peut détenir des biens de consommation durables, des actions, des obligations, etc., mais pour notre modèle macroéconomique simplifié, il est suffisant de supposer qu'il existe seulement deux sortes d'actifs possibles: la monnaie et les obligations. En ce qui concerne la gestion de ses actifs, chaque individu a à choisir entre la monnaie et les obligations. Si nous supposons le niveau du patrimoine donné, l'absence d'encaisses suppose la détention d'obligations, de sorte que le problème est ramené à la détermination de la quantité de monnaie détenue. La suite de ce livre est consacrée à l'examen des différentes hypothèses faites sur les variables déterminant cette décision. Pour le moment, nous ne ferons que formuler une hypothèse simple généralement admise sur les composantes de la demande de monnaie et étudierons la manière dont elle peut s'intégrer dans notre modèle. Il est d'usage de dire que pour un niveau de prix donné, la demande de monnaie dépend principalement du niveau du revenu et du taux d'intérêt et que, si seuls les prix varient, les autres variables demeurent inchangées; la demande de monnaie varie dans les mêmes proportions que les prix. Ceci revient à dire que la demande de monnaie mesurée en unités de pouvoir d'achat, c'est-à-dire en termes réels, ne varie pas avec les prix. Puisque la monnaie est un moyen d'échange universellement admis, on dit que la demande de monnaie augmente avec le revenu. Il est démontré aussi que, puisque les obligations sont le pendant des encaisses monétaires, il faut renoncer aux intérêts lorsqu'on détient de la monnaie. Plus le coût d'opportunité des encaisses est élevé, plus le taux d'intérêt est élevé et plus la demande de monnaie est faible. En ce qui concerne l'offre de monnaie sur le marché monétaire, il est de coutume de dire 25
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
en première approximation que l'offre est entièrement contrôlée par les autorités monétaires dont le comportement peut être pris comme une variable exogène du modèle. Comme pour tout problème d'offre et de demande, ce marché est en équilibre lorsque l'offre et la demande de monnaie sont égales. r
Ms
p
rI Y,) rly, )
rlYa)
rl Ya )
P lyl )
Md P;-ye )
0
Md M
0
fi
L -_ _ _-----L_ _~PIYe) _
!!!. P
(b)
(a)
r
M
r{y2) r{Yl) r{ye )
L L-_ _ _
L-~~
ra
YI
_ _Y
Yz
(c)
(1.3). - La relation d'équilibre entre le taux d'intérêt et le niveau du revenu implicite dans le modèle du marché monétaire. M est la quantité de monnaie et P le niveau des prix de sorte que MIP est la quantité de monnaie mesurée en unités de pouvoir d'achat constant. Les indices s et d représentent l'offre et la demande et la barre au-dessus de M indique que c'est une variable exogène.
FIGURE
La figure (1.3) décrit géométriquement ce marché. Le plan (a) représente le rapport demande de monnaie/taux d'intérêt pour un niveau de revenu Yo. Pour une offre de monnaie et un niveau des prix donnés, le marché sera en équilibre lorsque le taux d'intérêt sera égal à r (Yo). Toutefois, sur ce marché monétaire, nous sommes confrontés à nouveau à un problème analogue à celui que nous avons rencontré précédemment dans le cadre du marché des flux de biens et services. La valeur d'équilibre du taux d'intérêt déterminée par le marché n'est une valeur d'équilibre que si le niveau du revenu demeure à Y o• La figure (1.3 b) illustre ce problème assez clairement. Le revenu Y 2 est supérieur à YI qui est lui-même supérieur à Y o• Puisque 26
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
la demande de monnaie pour différents niveaux du taux d'intérêt augmente lorsque le revenu s'élève, cela entraîne que la courbe reliant la demande de monnaie au taux d'intérêt se déplace vers la droite au fur et à mesure que le revenu s'accroît. A un niveau donné de l'offre et des prix, cela implique un taux d'intérêt d'équilibre supérieur. En ce qui 'concerne l'équilibre sur le marché monétaire, il existe un rapport positif et implicite dans ce modèle entre le revenu et le taux d'intérêt. Ce rapport est représenté dans la figure (1.3 c) et est appelé communément LM (3). Nous disposons maintenant de deux fonctions d'équilibre différentes entre le taux d'intérêt et le revenu. Toutefois, le marché des biens et services n'est pas totalement indépendant du système monétaire. Les personnes dont les décisions sont à la base des fonctions de consommation et d'investissement sont les mêmes personnes dont le comportement vis-à-vis des richesses détermine la fonction de demande de monnaie. Le niveau du revenu et le taux d'intérêt sur les deux marchés sont les mêmes de sorte que l'ensemble de l'économie ne peut être en équilibre que si les valeurs de ces deux variables sont compatibles avec l'équilibre de chaque marché. Cela implique que les valeurs en question doivent se trouver en même temps sur la courbe LM et sur la courbe IS. Ceci n'est possible de toute évidence que si les deux courbes se coupent. Dans la figure (1.4) les deux courbes sont représentées sur les mêmes axes et le revenu d'équilibre est donné par Y e pour un taux d'intérêt à l'équilibre 'C' Ces valeurs à leur tour déterminent les valeurs à l'équilibre de la consommation, de l'investissement et des encaisses. r
M
J
5
L
o~----------~-------y
FIGURE
(l.4). -
La détermination dans le modèle complet des niveaux d'équilibre du taux d'intérêt et du revenu
(3) LM signifie qu'en tout point de cette courbe, la demande de liquidités est juste satisfaite par l'offre de monnaie.
27
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
Or la figure (1.4) est assez simple puisqu'elle ne comporte que deux courbes qui se coupent mais cette simplicité est trompeuse. La courbe IS est la résultante d'une fonction de consommation donnée et d'une fonction d'investissement donnée ainsi que d'un montant fixe de dépenses publiques et d'impôts (jusqu'ici supposés égaux à zéro). A la base de la courbe LM ·se trouve une fonction donnée de la demande de monnaie, une offre de monnaie déterminée et un niveau des prix fixe. Nous devons voir, maintenant, comment le modèle réagit à des variations de ces différentes fonctions fondamentales. Toute variation d'un des facteurs déterminants de la courbe IS entrainera son déplacement; de même, tout changement dans r
O~--~~~~--~------Y
Y{I.S.1
Y{IoSol
Y(I1Sll
(cil
O~--~--~--~-----------Y
(b)
FIGURE
(1.5). -- L'effet des déplacements des courbes IS et LM sur les niveaux d'équilibre du taux d'intérêt et du revenu
28
i
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
les composantes de la courbe LM provoquera un déplacement de celle-ci. La figure (1.5) démontre quelles sont les conséquences de tels déplacements. Le plan (a) représente les conséquences des déplacements de la courbe IS. Comme on peut le voir aisément, lorsque cette courbe se déplace vers la droite, de 10So à 11S1> le revenu d'équilibre et le taux d'intérêt à l'équilibre augmentent tous les deux. Si la courbe se déplace vers la gauche, de l oSo à 12 S 2 , alors l'effet est contraire. Si la courbe· LM glisse vers la droite, de LoMo à L 1 M1> le revenu s'accroît tandis que le taux d'intérêt diminue, comme le montre la figure (1.5 b). Un déplacement vers la gauche de cette courbe, de LuMo à L2M2' a l'effet contraire. Si tels sont les effets des déplacements des courbes IS et LM, quelles en sont les causes? Regardons tout d'abord la courbe IS. Un retour en arrière à la figure (1.2) nous sera très utile à ce stade puisqu'elle démontre la composition de cette courbe. On rappelle que la relation entre le taux d'intérêt et le revenu a pu être déterminée parce que l'investissement est une composante des dépenses globales et qu'il augmente au C
r
J
6
J=i1(r) J= lo(r) O~~~--~--------I
JO(ra}
~----~----~----Y
J1(ra} (a)
r
O~--~--~--------Y
YO(ra}
Y1(ra} (c)
FIGURE
(1.6). - La dérivation d'un déplacement de la courbe IS produit par une modification de la fonction d'investissement
29
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
fur et à mesure que le taux d'intérêt diminue. Tout point de la courbe IS détermine un certain taux d'intérêt qui détermine un niveau donné de dépenses globales. Si la courbe IS se déplace, cela nécessite un changement dans le rapport entre le niveau des dépenses et le taux d'intérêt. Trois facteurs peuvent en être la cause. Si le rapport entre le taux d'intérêt et l'investissement se déplace vers la droite, cela implique des dépenses globales supérieures quel que soit le taux d'intérêt, de sorte que la courbe IS se déplace effectivement vers la droite (cf. figure (1.6)). Le raisonnement inverse en découle facilement. Si les dépenses publiques augmentent, une fois de plus les dépenses globales s'accroissent pour tout taux d'intérêt donné et la courbe IS glisse encore vers la droite. Une réduction des dépenses publiques aura de toute évidence l'effet contraire (cf. figure (1.7) ). r
C l
6
~--~----~--~-~ f---~-------+----+--Go O~---------L---L
__ y
O~--~--~--------y
Y(GoHrol
Y(61 llrol 1b)
la)
FIGURE (1.7). La dérivation d'un déplacement de la courbe IS produit par une modification du niveau des dépenses gouvernementales (G I > G,,)
Il faut observer avec soin les effets d'un changement dans la relation consommation-investissement puisque c'est en déplaçant la fonction de consommation que les impôts agissent sur l'économie. Rappelons que la consommation dépend du revenu disponible et considérons la figure (1.8 a) dans laquelle les impôts sont supposés tout d'abord égaux à zéro, si bien que la fonction de consommation est donnée par C = c (Y). Si un impôt d'une valeur T est maintenant prélevé, le niveau du revenu Yu correspondra à un revenu disponible Yu - T et la consommation sera alors égale à c (Yu - T). Un raisonnement analogue pourra être tenu pour chaque niveau du revenu. L'existence d'un impôt déplace la fonction de consommation vers la droite d'une valeur égale à T jusqu'en C = c (Y - T) de façon à déterminer la consommation pour un niveau donné de revenu avant impôt. 30
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
Cela revient à déplacer vers le bas la courbe de consommation d'une valeur égale à la propension marginale à consommer multipliée par le montant de l'impôt (cf. figure (1.8» (4). c
c C= clYl cl Yo} !----r-.....",,,.......-
c= eIY-T}
C= elYl el roI
I----.....",~
C=eIY-tYl
cOQ-Tl
o~--~--+-----Y '---v----1 llO-Tl T Yo la.}
oL-~~~-~~----Y
IYo-tYo~Yo
t Yo
1b }
(1.8). -- L'effet sur la fonction de consommation de l'introduction (a) d'un taux d'impôt constant T et (b) d'un taux d'impôt proportionnel t. Une modification des impôts équivaut à une variation inverse du revenu disponible de sorte que son effet sur la consommation à un niveau donné du revenu national est de réduire celle-ci par le produit de la propension marginale à consommer et du taux de variation des impôts.
FIGURE
D'une manière générale, un accroissement des impôts déplace la fonction de consommation vers le bas et une diminution des impôts la déplace vers le haut, déplaçant ainsi la courbe des dépenses globales dans la même direction et du même nombre d'unités. Ainsi, une augmentation des impôts déplace la courbe IS vers la gauche tandis qu'une diminution la ramène vers la droite. Nous n'avons parlé ici que de variations dans les « montants» des impôts, mais les mêmes conclusions peuvent être obtenues avec des variations dans les «taux» d'impôts. Une modification de ce taux peut toujours se ramener à un changement dans le montant. des impôts versés en multipliant la variation du taux par le revenu. La seule différence ici est que le déplacement de la courbe de consommation ne sera plus un déplacement parallèle. La figure (1.8 b) illustre ce point. Tout ce qui peut faire glisser vers le haut du graphique, la courbe des dépenses déplace la courbe IS vers la droite et modifie le revenu et le taux d'intérêt comme le montre la figure (1.5 a). Regardons maintenant ce qui peut provoquer des déplacements de la courbe LM. Puisque la courbe LM est obtenue à partir d'une fonction de demande de monnaie donnée, (4) Le lecteur qui désire s'assurer qu'il a bien compris le processus pourra essayer de démontrer qu'une augmentation égale des dépenses publiques et des impôts déplacera d'autant vers la droite la courbe IS. c'est-à-dire que le multiplicateur budgétaire est égal à un.
31
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
avec une certaine offre de monnaie et un niveau des prix fixe, une variation de l'un quelconque de ces facteurs peut provoquer le déplacement de la courbe, comme le lecteur le devine.
r
M,o
Ms1
P
P
r('"S) -f(r r(AI, --;- )!Yo) r(MS ) -T(r r(Ms) -T(ro) 1)
1)
M
P
0 (a)
FIGURE
(1.9). - La dérivation d'un déplacement de la courbe LM provoqué par un accroissement de la masse monétaire
Considérons en premier lieu une variation de l'offre de monnaie. La figure (1.9 a) est semblable à la figure (1.3 b) et l'on peut aisément constater qu'une variation de l'offre de monnaie, de Mo à Ml, entrainera un équilibre du marché monétaire nécessitant un taux d'intérêt plus faible quel que soit le revenu. Ceci apparait dans la figure (1.9 b) par la translation de la courbe LM de la position LoMo à la position LjMj. On peut démontrer par un raisonnement tout à fait analogue qu'une baisse de l'offre de monnaie déplacera vers la gauche la courbe LM . .Pour plus de commodité, nous reporterons au chapitre suivant l'examen de la demande de monnaie et de ses effets sur le comportement du modèle, mais il nous reste le problème des prix. Il est évident qu'étant donné un certain niveau de l'offre, 32
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
une baisse des prix déplacera la courbe LM vers la droite car cela a le même effet sur la masse monétaire mesurée en termes réels qu'une augmentation de la valeur nominale de l'offre de monnaie à un niveau des prix déterminé. De même, il est évident que le mécanisme jouera en sens inverse dans le cas d'une augmentation des prix. Ce facteur prend toute son importance lorsque nous étudions un modèle en situation de pleinemploi. Tant que nous limitons notre analyse à des situations de sous-emploi, il est assez raisonnable de supposer qu'un accroissement de la demande de biens aura pour résultat une augmentation de la production plutôt qu'une variation des prix. Il est utile aussi d'admettre qu'en ce qui concerne les périodes à court terme dont relève ce modèle l'existence de ressources inemployées n'entraîne pas la baisse des prix des biens de consommation ni même des prix des biens dans la production desquels elles interviennent. Toutefois, l'hypothèse d'un niveau des prix fixe n'est pas très judicieuse en situation de plein-emploi car dans ce cas, si la demande de biens et services est supérieure aux possibilités de production, il faudrait supposer que le résultat en serait une augmentation des prix de ces biens. Dès que l'on étend le champ d'application du modèle à des situations de pleinemploi, l'hypothèse d'un niveau des prix fixe doit être remplacée par celle d'un niveau des prix qui augmente en présence d'une demande excessive de biens et services. De fait, c'est précisément parce que le niveau des prix augmente sur le marché monétaire que les demandes excédentaires sont résorbées et que l'économie retourne à une position d'équilibre. En termes analytiques, il y a une demande excédentaire lorsque les courbes LM et IS se coupent à un niveau de revenu supeneur au niveau maximum de production (5). Ce dernier est fixé à y* dans la figure (1.10). Dans le cas d'une demande excessive, le niveau des prix est supérieur à sa valeur initiale Po tandis que l'offre de monnaie en termes réels diminue et la courbe LM se déplace vers la gauche. Tant que subsiste une demande excédentaire, ce processus continue. Il cesse lorsque les prix ont suffisamment augmenté pour que la quantité de (5) II doit être clair pour le lecteur qu'il y a un certain degré d'approximation lorsqu'on détermine un niveau de revenu précis qui puisse être identifié avec le plein-emploi. En termes empiriques, il est plus logique de considérer le « plein-emploi» comme étant une région plutôt qu'un point sur l'échelle des revenus. Toutefois, faire une distinction si précise ici nous aide à conserver la simplicité de notre analyse sans trop se tromper. Le lecteur notera que la demande globale n'est pas donnée par l'intersection des courbes IS et LM quand elle se produit à un niveau de revenu impossible à atteindre. Ce point d'intersection ne fait que représenter ce que serait la demande globale si un tel niveau de revenu était accessible.
33
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
r
l
r*
s o~------~--------r
r*
FIGURE (1.10). Les effets sur la courbe LM d'une hausse des prix provoquée par une demande excessive à l'origine. Y* est le plus haut niveau de revenu possible. (P, > Pu)
monnaie en termes réels offerte soit compatible avec la demande de monnaie à y* et ce au taux d'intérêt requis pour que l'équilibre se fasse à y* sur le marché des biens de consommation. Ceci se produit lorsque la courbe LM s'est déplacée assez loin pour couper la courbe IS en Y*. En ce point, le modèle est ramené à une situation d'équilibre avec un niveau des prix déterminé en Pl comme Je montre la figure (1.10). Cet élargissement du modèle à des situations de pleinemploi nous permet de connaître davantage les effets de certains changements sur l'économie. Tout ce qui a été dit demeure tant que nous traitions de situations de sous-emploi. Cependant, si nous partons d'un équilibre de plein-emploi, il est évident qu'on ne peut reprendre les prévisions faites sur les effets qu'ont les déplacements vers la droite des courbes IS et LM. Ces prévisions impliquent des accroissements du revenu
r
OL---~--~---------r
O~------~---------r
(a)
(b)
FIGURE (1.11). Les effets d'une demande excessive provoquée par (a) un déplacement de la courbe IS et (b) un déplacement de la courbe LM (M" > M.o' P, > Po,M,/P, M./P o)
=
34
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
qui ne peuvent avoir lieu. D'après la figure (1.11 a), une translation de la courbe IS afin qu'elle coupe la courbe LM à droite de y* déclenche une hausse des prix à partir de Po qui déplace vers la gauche la courbe LM. La conséquence de ce déplacement est en fin de compte un niveau des prix accru, Pl> et un taux d'intérêt supérieur plutôt qu'un niveau de revenu supérieur et un taux d'intérêt plus élevé comme dans le cas du sous-emploi. De même, le déplacement vers la droite de la courbe LM (cf. figure (1.11 b)) provoqué par une augmentation de l'offre de monnaie, de Ms o à Ms!, crée une demande de biens supplémentaire et une hausse des prix de Po jusqu'en Pl> point pour lequel l'offre de monnaie en valeur réelle est de nouveau compatible avec l'équilibre - c'est-à-dire reprend sa valeur initiale. Dans ce cas, le niveau des prix doit varier en fonction de l'offre alors que le taux d'intérêt demeure inchangé (6). Nous pouvons maintenant résumer les conclusions auxquelles nous avons abouti dans ce chapitre. Il a été démontré qu'en ce qui concerne une économie de sous-emploi, des variations dans le revenu d'équilibre peuvent être une conséquence de fluctuations de la fonction d'investissement, elles peuvent aussi être provoquées par des modifications des dépenses pùbliques et des impôts. L'accroissement des dépenses publiques entraine la hausse du revenu d'équilibre tout comme les impôts et vice versa. Il a été démontré d'autre part que des modifications de l'offre de monnaie donnent lieu à des variations semblables du revenu d'équilibre. En ce qui concerne une économie de plein-emploi, les modifications restrictives d'une variable quelle qu'elle soit aboutissent aux mêmes résultats qu'en situation de sousemploi. Toutefois, des variations expansionnistes ne peuvent (6) Ces résultats proviennent d'un modèle dans lequel la courbe IS reste invariable par rapport aux prix. Trois aménagements peuvent être apportés pour modifier ceci. Premièrement, dans une économie ouverte, le niveau des prix peut être un facteur important dans la détermination du volume des exportations qui à leur tour sont une composante de la demande globale. Si une hausse des prix provoque une diminution des exportations, la courbe IS se déplacera vers la gauche au fur et à mesure que les prix s'élèvent. Le niveau des prix devrait alors augmenter plus lentement par rapport à tout accroissement de l'offre de monnaie pour que le modèle retrouve sa position d'équili1bre. Un impôt progressif perçu sur des revenus nominaux plutôt que sur d.es revenus réels aurait le même effet car plus les prix sont élevés, plus la fraction de revenu réel payée sous forme d'impôts sera importante. Le troisième facteur agissant dans le même sens est le rôle qué pourrait jouer le patrimoine dans la détermination de la consommation et qui est communément appelé le «facteur richesse ». Ce dernier est à la fois subtil et trop important dans l'histoire de la macroéconomie pour être traité dans une simple note. Le lecteur intéressé par ce facteur le trouvera décrit dans l'Appendice B. Le fait qu'il en soit discuté dans une courte annexe et non pas dans un chapitre propre n'est pas fait pour lui retirer de son importance au sein de: l'étude macroéconomique mais tout simplement parce qu'il n'est pas lié à la fonction de demande de monnaie en tant que telle.
35
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
amener une augmentation de revenu lorsque celui-ci est déjà à son niveau maximum. Dans un tel cas c'est le niveau des prix qui varie et, comme nous l'avons vu, tout ce qui déplace la courbe 1S vers la droite - une augmentation des dépenses publiques, une réduction des impôts ou une modification de la fonction d'investissement provoquera une hausse des prix alors que l'augmentation de l'offre de monnaie entrainera en fait un accroissement proportionnel des prix. Ces conclusions sont à la fois importantes et intéressantes car elles laissent supposer que des fluctuations du revenu d'équilibre peuvent avoir pour origines des perturbations soit sur le marché monétaire soit sur le marché des biens et services. Elles suggèrent aussi que les trois variables qui sont généralement sous contrôle gouvernemental, à savoir: les dépenses publiques, les impôts et la masse monétaire, pourront être utilisées pour influencer le revenu d'équilibre. De plus, les effets quantitatifs de ces variations peuvent être évalués si l'on connait les paramètres du modèle (ceci sera tout à fait clair pour le lecteur qui prendra la peine de parcourir l'analyse algébrique à l'Appendice A). De telles conclusions ont la valeur du modèle dont elles découlent - ni meilleures ni moins bonnes. Si une partie quelconque de ce modèle est suspecte alors les conclusions obtenues le sont aussi. Si ce livre était un traité de macroéconomie, il serait souhaitable de prendre une à une chaque partie du modèle fonction de consommation, fonction d'investissement, etc. pour voir comment les différentes hypothèses faites sur leurs formes modifient le comportement du modèle. Il serait préférable aussi, dans la mesure où il existe différentes hypothèses possibles, de voir s'il y a un moyen de trier les hypothèses vraies et utiles des hypothèses erronées et trompeuses. Cependant, l'objet de ce livre demeure la fonction de demande de monnaie et ce n'est que cette fonction qui sera étudiée de la sorte. Dorénavant, pour la simplicité de l'exposé, toutes les expressions des fonctions de consommation et d'investissement définies ci-dessus seront considérées comme étant suffisamment précises pour ne pas fausser le modèle. Nous estimons, non sans quelques raisons quoique la place nous manque pour les exposer ici, qu'il est utile et pertinent pour l'analyse empirique de se demander comment différentes formulations de la demande de monnaie agissent sur le comportement d'un tel modèle. Le lecteur devra demeurer néanmoins quelque peu sceptique vis-à-vis des résultats que je présenterai dans le chapitre suivant car 36
1. MODÈLE MACROÉCONOMIQUE SIMPLIFIÉ
il ne doit pas oublier qu'ils reposent sur des hypothèses faites sur les autres fonctions du modèle. Sans perdre de vue cet avertissement nous allons maintenant aborder la discussion des problèmes soulevés par les diverses hypothèses faites sur la fonction de demande de monnaie dans le cadre d'un modèle macroéconomique à court terme.
37
2 les différentes formulations de la fonction de demande de monnaie La valeur des conclusions obtenues au chapitre précédent et qui portent sur les effets de la politique monétaire et budgétaire dépend du degré de confiance que nous voulons bien accorder au modèle sous-jacent. La précision et la pertinence de ce modèle ne peuvent être considérées comme étant des choses bien établies puisqu'il existe plusieurs expressions différentes pour chaque fonction qui le compose. Il y a un problème particulièrement aigu en ce qui concerne la fonction de demande de monnaie, car les diverses définitions disponibles de cette fonction peuvent changer du tout au tout le comportement du modèle. Deux points étroitement liés entre eux sont particulièrement intéressants. Le premier se réfère à la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt. Le second est plus général et traite de la stabilité de la relation entre la demande de monnaie et les deux variables sur lesquelles elle repose d'après l'analyse précédente. Il est commode de commencer par le taux d'intérêt. 38
2. FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE
Tout au long du chapitre précédent, on a supposé que la demande de monnaie était inversement liée par un rapport constant au taux d'intérêt. C'est une hypothèse fondamentale pour la dérivation de la courbe ascendante LM sur laquelle reposent nombre des conclusions précédentes. Cependant, certains économistes pensent que la demande de monnaie n'est que très faiblement influencée par le taux d'intérêt et qu'en conséquence on pourrait tout-à-fait la considérer comme étant indépendante de cette variable. D'autres économistes ont suggéré que lorsque le taux d'intérêt est très bas par rapport à son niveau normal, la demande de monnaie est si peu affectée par le taux d'intérêt qu'il devient alors très utile de considérer que cette relation est élastique. Ce n'est pas le moment d'approfondir ici les fondements théoriques de telles hypothèses. Elles seront reprises dans la seconde partie de ce livre, mais il est nécessaire maintenant d'étudier les effets. qu'ont ces différents postulats sur le comportement du modèle. La figure (2.1) illustre les fonctions de r
r
Md
Md
ptYo )
"P;"Yz)
;~~
PtY1 )
0
M
Md
Pty,)l
Md PtYz)
M
0
p-
P
la)
1b)
r Md
ptr ) l
M
O~--------p
Icl
(2.1). - La fonction de demande de monnaie représentée suivant différentes hypothèses faites sur la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt (Y. > Y, > Y o).
FIGURE
39
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
demande de monnaie établies suivant les différentes hypothèses avancées. La figure (2.1 a) reprend la figure correspondante du chapitre précédent où la relation demande de monnaietaux d'intérêt est supposée négative. La figure (2.1 b) parIe d'elle-même. On suppose ici qu'il n'existe aucune relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt mais que, plus le revenu est élevé, plus la quantité de monnaie demandée est élevée ; la fonction devient une série de droites verticales, celles à l'extrême-droite correspondant aux revenus les plus élevés. II n'est pas plus difficile d'interpréter la figure (2.1 c). On pose ici qu'à r*, la demande de monnaie devient infiniment élastique par rapport au taux d'intérêt. Pour des taux d'intérêt supérieurs à r*, la demande de monnaie s'accroit quand le revenu augmente. Les courbes tracées pour chaque niveau de revenu convergent toutes pour devenir parfaitement élastiques en r*, puisqu'à ce niveau du taux d'intérêt un accroissement du revenu ne peut provoquer une augmentation de la demande de monnaie déjà infinie. Regardons maintenant les conséquences que ces différentes théories peuvent avoir sur la forme de la courbe LM. r
r
M
M
L
L
OL-----------------y
OL-----~----------y
(o.)
(b)
r
M
r* f-"L______-"
OL-----------------y (c )
FIGURE
(2.2). -
Des courbes LM obtenues avec les fonctions de demande de monnaie représentées dans la figure (2.1)
40
~
2. FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE
L'hypothèse de l'indépendance de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt implique que la courbe LM est une droite verticale, comme le montre le plan (2.2 b), car le marché monétaire est en équilibre lorsque la demande est égale à l'offre de monnaie. Cette situation ne peut se produire que pour un seul niveau de revenu avec une offre de monnaie donnée,· si la demande est une fonction continue et croissante de cette même variable et ne dépend d'aucune autre. L'autre hypothèse extrême, à savoir l'élasticité infinie et non nulle du rapport demande de monnaie - taux d'intérêt, produit un effet analogue mais inverse sur la courbe LM. Si au-dessus de r* elle a une pente positive, elle devient horizontale à r*. Ceci est illustré par la figure (2.2 c) tandis que le plan (2.2 a) reprend la courbe LM du chapitre précédent pour donner au lecteur une base de comparaison (1). Etant donné les diverses courbes LM, nous pouvons examiner les conséquences des théories ci-dessus sur le comr
r
M
M
Il
rl
rl
ro
So 0
SI
Yo YI
Sl y
0
ra =Yl
(Cl)
y
(b)
r
M
Il
FIGURE
(2.3). - Les effets des déplacements de la courbe IS d'après les différentes formes de la courbe LM : sous-emploi
(1) Le lecteur qui éprouve des difficultés à passer de la figure (1.1) à la figure (2.2) devrait refaire lui-même le premier graphique, lui ajouter une offre de monnaie et en déduire la courbe LM d'après la métbode employée au chapitre précédent.
41
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
portement de l'ensemble du modèle. La figure (2.3) démontre les effets d'une courbe IS qui se déplace en situation d'équilibre de sous-emploi. Il est évident que les résultats diffèrent assez considérablement suivant la forme prise par la courbe LM. La figure (2.3 a) reprend les résultats obtenus au premier chapitre qui démontrent que le revenu et le taux d'intérêt s'élèvent et s'abaissent ensemble quand la courbe IS se déplace. La figure (2.3 b) représente l'indépendance de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt. Le seul effet obtenu en déplaçant la courbe IS dans un tel modèle c'est d'augmenter ou diminuer le taux d'intérêt. Par contre, la figure (2.3 c) démontre qu'une courbe LM horizontale produit des variations uniquement dans le niveau de revenu sans que le taux d'intérêt en soit modifié. r
r
Mo
Mo
MI
Ml
1
1 ra
ra
ri
Y Ya
0
YI
La Ya
(a 1
LI YI {b 1
5 Y
r
1
O~------~~-----Y
lé =Y1
(c
FIGURE
1
(2.4). - Les effets des déplacements de la courbe LM suivant ses différentes formes: situation de sous-emploi
La figure (2.4) représente les conséquences d'un déplacement de la courbe LM toujours en situation de sous-emploi. L'hypothèse étudiée au premier chapitre est reprise dans le plan (2.4 a)· comme élément de comparaison. La figure (2.4 b) 42
2. FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE
démontre que lorsque la demande de monnaie est inélastique au taux d'intérêt, des translations de la courbe LM affectent et le revenu et le taux d'intérêt. L'amplitude des variations de ces deux facteurs est plus grande que dans le cas où il existe une certaine élasticité pour un déplacement vers la droite de la courbe LM. Lorsque la demande de monnaie est parfaitement élastique au taux d'intérêt, nous obtenons un résultat quelque peu bizarre. En effet, la figure (2.4 c) nous montre que dans la partie de la courbe LM où le taux d'intérêt est voisin de r*, des déplacements de la courbe ne modifient ni le taux d'intérêt ni le revenu.
l'la
,
Il
M(Pol
M(P,I M(Pol
'1
Il la '1
'a 51
L(p,) L(Pol
0
ra
Sl
50
50
Y
y* (a.l
0
y*
r
1b1
, Il
M(P,I
M(Pol
la
'a =,*
L
(Pol
y* (c 1 FIGURE (2.5). Les effets des déplacements de la courbe IS d'après les différentes formes de la courbe LM: situation de plein emploi. Pl > Po mais P, du plan (c) n'est pas égal à Pl du plan (a)
Le mécanisme du modèle en situation de plein-emploi est décrit par les figures (2.5 et 2.6), la figure (2.5) illustrant les conséquences d'un déplacement de la courbe IS. Les résultats du chapitre précédent - à savoir que tout déplacement de la courbe IS se traduit par une hausse des prix et un taux d'intérêt supérieur - ne sont plus vérifiés quand on suppose 43
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
que la demande de monnaie n'est pas affectée par les variations du taux d'intérêt. La seule conséquence d'une telle modification est que le taux d'intérêt augmente (cf. figure 2.5 b». Lorsque dans une économie de plein-emploi, la : demande de monnaie est parfaitement élastique à l'intérêt, une translation de la courbe IS conduira à un taux d'intérêt plus élevé et à un niveau des prix supérieur. Le niveau des prix s'est élevé d'une quantité indéterminée car les prix augmentent jusqu'à ce que l'offre réelle de monnaie soit suffisamment réduite pour permettre au taux d'intérêt de s'élever au-dessus de r*, puisque pour un taux r*, il Y aura toujours une demande excédentaire pour tout déplacement de la courbe IS (2). Les divers déplacements de la courbe LM sont représentés par le graphique (2.6). Il est intéressant de noter qu'une demande de monnaie, qu'elle soit ou non élastique, ne change en rien les conséquences d'un déplacement de la courbe LM en situation de plein-emploi. Les deux figures (2.6 a et 2.6 b) nous montrent qu'après une translation de la courbe LM, l'économie retourne à l'équilibre avec le même taux d'intérêt initial mais pour un niveau des prix supérieur. Dans les deux cas, ce dernier a augmenté proportionnellement à la variation de l'offre de monnaie qui est à la base du déplacement de la courbe LM. Ce serait évidemment différent si la courbe IS se déplaçait avec le niveau des prix (cf. chapitre l, note 6). Les résultats concernant l'hypothèse de proportion alité ne seront alors valables que si la demande de monnaie est parfaitement inélastique à l'intérêt. Il est facile de voir, d'après la figure (2.6 c), qu'un changement dans l'offre ne peut avoir d'effet sur les prix, puisqu'un déplacement à droite de la courbe LM n'a aucun effet quand la courbe est horizontale (3). Tout au long de ces quelques pages, nous avons retracé le mécanisme des conséquences des différentes hypothèses rencontrées sur la nature du rapport demande de monnaietaux d'intérêt. Il est facile de dégager la signification économique de ces résultats. Nous avons vu que, si la demande de (2) Ce cas est certes un cas extrême qu'il est peu probable de rencontrer car il exige un taux d'intérêt exactement égal à r* pour obtenir l'équilibre sur le marché des biens et services en situation de plein-emploi. Si le taux est inférieur à r* l'économie sera en équilibre de sous-emploi, et s'il est supérieur à r* la portion horizontale de la courbe LM ne sera pas compatible avec l'équilibre du modèle. Ce cas est donc cité plus par souci d'ensemble taxonomique que pour sa valeur empirique. (3) Il faut remarquer encore une fois que ceci est un cas peu probable (cf. la note 2 de ce chapitre).
44
2. FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE
,
1
__~______~S~_y y* ( bl
(al
,
y* (c1
(2.6). - Les effets des déplacements de la courbe LM suivant ses différentes formes: situation de plein-emploi. (M, > Mo, P, > Po).
FIGURE
monnaie ne varie pas avec le taux d'intérêt, tout ce qui déplace la courbe IS ne fera que modifier le taux d'intérêt, le revenu d'équilibre (ou les prix en situation de plein-emploi) demeurant insensibles à ces variations. Cela signifie que des fluctuations de la fonction d'investissement ne peuvent jamais être à l'origine de fluctuations du niveau du revenu à l'équilibre. Cela signifie aussi que les impôts et les dépenses gouvernementales sont des moyens inutilisables pour contrôler l'équilibre de l'activité économique. La quantité de monnaie est la variable primordiale du modèle. Elle seule détermine le revenu d'équilibre en situation de sous-emploi et le niveau des prix pour l'équilibre de plein-emploi. En résumé, si la demande de monnaie est inélastique au taux d'intérêt, une politique budgétaire est inefficace en tant qu'instrument de contrôle économique et la politique monétaire est toute puissante. Des conclusions inverses sont obtenues si nous adoptons l'hypothèse d'une parfaite élasticité de la demande de monnaie 45
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROECONOMIE
par rapport au taux d'intérêt. Dans ce cas, des variations i de la masse monétaire n'ont aucun effet et seuls les facteurs . capables de déplacer la courbe IS auront quelqu'influence sur le revenu ou le prix. La politique monétaire est alors inefficace et la politique budgétaire efficace. Entre ces deux séries de résultats extrêmes, on a aussi démontré que, si l'élasticité de la demande de monnaie au taux d'intérêt est parfaite ou presque, chacune des politiques monétaire et budgétaire a un rôle i à jouer dans la détermination du revenu d'équilibre ou du niveau des prix en situation de plein-emploi. L'importance des conclusions ci-dessus est évidente. La nature de la relation demande de monnaie - taux d'intérêt sera longuement étudiée au cours de ce livre, car elle constitue une base fondamentale de la macroéconomie. On ne pourra étudier avec autant de détails les. autres thèses traitées dans la suite de ce livre mais elles demeurent néanmoins importantes. Ces thèses concernent le problème plus général de la stabilité de la fonction de demande de monnaie utilisée dans les deux premiers chapitres. L'instabilité de. cette fonction peut être due au moins à trois causes qui présentent toutes de l'intérêt pour notre exposé. En premier lieu, la demande de monnaie n'étant fonction que du revenu et du taux d'intérêt, il se peut que cette combinaison varie librement dans le temps. Si tel est le cas, la courbe LM varie de la même manière. En supposant que le' reste du modèle demeure inchangé, cela aboutira à des fluctuations inattendues, pour ne pas dire imprévisibles, du niveau du revenu et de l'emploi, si ce n'est également du ' niveau des prix. Savoir que la fonction de demande de monnaie est sujette à des variations non contrôlées serait important non seulement pour notre compréhension de l'histoire économique mais aussi pour notre appréciation de l'efficacité des politiques élaborées pour le contrôle des fluctuations économiques. En second lieu, l'instabilité de la relation pourrait ne pas être la conséquence d'un processus désordonné mais d'une quelconque variable (ou variables) exclue de la fonction et affectant la demande de monnaie indépendamment des autres facteurs s'y rapportant. Les hypothèses ne manquent pas quant .à la nature de ces variables comme nous le verrons aux chapitres suivants. Il est important de savoir si les différentes variables appartiennent à la fonction pour les incorporer dans le mo46
2. FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE
dèle. On pourra alors étudier leurs effets potentiels sur le comportement du modèle et mieux comprendre les mécanismes macroéconomiques. Enfin, il se pourrait que le nivea.u du revenu ne soit pas une composante de la demande de monnaie. Certains économistes pensent, comme nous le verrons plus loin, que le patrimoine serait une variable plus appropriée. Cela voudrait dire alors que notre modèle n'est pas correctement défini et pourrait être en conséquence faux. Dans un pareil cas, il serait sans doute nécessaire de construire une variante de ce modèle en incorporant la variable appropriée dans la fonction de demande de monnaie. Les prochains chapitres, en plus de l'examen de la nature spécifique de la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt, examineront le problème de la stabilité générale de la fonction de demande de monnaie afin d'établir si l'instabilité éventuelle de cette fonction est due à une omission de variables influentes ou à l'inclusion de variables inopérantes - ou au contraire si la demande de monnaie est sujette à des fluctuations désordonnées. Ceci ne limite en aucun cas IÇl. liste des problèmes qui seront abordés dans la suite de ce livre mais pose quelquesuns des thèmes fondamentaux soulevés par l'analyse .du rôle de la fonction de demande de monnaie dans le contexte de la macroéconomie. Il s'agit de convaincre le lecteur de la nécessité de bien comprendre la demande de monnaie. Examinons maintenant les différentes théories sur la demande de monnaie obtenues à partie d'hypothèses concurrentes sur la nature de cette fonction, en reportant au Titre 3 l'étude des preuves empiriques mises à notre disposition.
47
appendice A
présentation algébrique du modèle Certains lecteurs trouveront utile de présenter algébriquement les problèmes abordés dans cette partie du livre en regroupant tous les résultats. En nous limitant à des fonctions linéaires pour la simplicité de l'analyse, nous pouvons écrire le modèle comme suit, dans lequel Y est le revenu réel national, 1: l'investissement, C: la consommation, M: la masse monétaire nominale, P: le niveau des prix, G: les dépenses publiques, T:. les impôts et r: le taux d'intérêt. La fonction de consommation: C=A +c(y-
n
(A·I)
La fonction d'investissement: I=B- ir
(A-2)
Une fonction d'impôts proportionnelle: T=tY
(A-3)
Les dépenses gouvernementales: G=G
48
(A-4)
APPENDICE A
La condition d'équilibre sur le marché des biens et services: (A-S)
Y=C+/+G
La fonction de demande de monnaie: Md - =mY-lr
(A-6)
P
La masse monétaire: (A-7)
La condition d'équilibre sur le marché monétaire: Ms =Md
(A-S)
En remplaçant (A-l), (A-2), (A-3) et (AA) dans (A-5), on obtient: y
=A
+ B + G + C (l - t) Y - ir
(A-9)
qui s'écrit aussi: r = ~ (A + B + G) _ 1 - c(l - t) y i
1
(A-10)
C'est la courbe IS. Nous pouvons aussi substituer (A-6) et (A-7) dans (A-8) pour avoir: 1 Ms m r=--- +-y 1 P
1
(A-11)
C'est la courbe LM. En prenant l'égalité des deux termes de droite dans (A-lO) et (A-11) nous avons: 1 M m 1 1 - c(l -t) ---2 + - y =- (A + B + Ci) y 1 Pli i
- -
(A-12)
Dans l'équation (A-12), il Y a deux inconnues: le revenu et les prix. Cependant, si l'on suppose que le niveau des prix peut être considéré comme exogène en situation de sousemploi et si l'on prend un revenu correspondant uniquement au plein-emploi, l'équation (A-12) peut se ré-écrire de deux manières: l'une pour déterminer le niveau du revenu en situation de sous-emploi, l'autre pour définir le niveau des prix au plein-emploi. Avec p* un niveau des prix donné et Y* le revenu de plein-emploi, ces expressions deviennent: Y= - - - - - - (A +B+G)+----l--- Ms mi l[l-c(l-t)] P* i+[l-c(l-t)] m+ i
49
(A-13)
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
et P=
{l } 1 Ms y* m+i [1- c(l- t)] - j(A +B+G)
(A-14)
Si l'on veut étudier les effets des modifications de variables telles que les dépenses publiques, le taux d'imposition ou la masse monétaire sur le niveau du revenu en situation de sous-emploi ou même au plein-emploi, lorsque ces variations sont des variations restrictives, il suffit de prendre la dérivée partielle de l'expression (A-13) par rapport à la variable appropriée correspondante. L'étude des effets des modifications expansionnistes en situation de plein-emploi peut se faire à partir d'opérations semblables sur l'équation (A-14). Nous obtenons alors en situation de sous-emploi: oY
.
oG
1ml + [1 - c(I - t)]
oY=_cY mi
ot
1
>0
1
<0
(A-15)
(A-16)
+ [1 - c(I - t)] (A-17)
et au plein-emploi: (A-18)
oP
-
ot
=-
p2
1
Ms
i
cy- -<0
OP 1 >0 --=-=---;---------------
(A-19)
(A-20)
1 } 1 Y* { m+j[l-c(I-t)] -j(A+B+G)
Ces équations nous révèlent qu'avant d'atteindre le plein-emploi, l'augmentation des dépenses publiques, le fléchissement du taux d'imposition et l'accroissement de la masse monétaire induiront toutes un niveau de revenu d'équilibre plus élevé, tandis qu'au plein-emploi, des politiques similaires entraîneront 50
APPENDICE A
des augmentations du niveau des prix. L'équation (A-20) nous montre aussi que les variations des prix sont proportionnelles aux variations de la masse monétaire. Les équations (A-] 5) à (A-20) montrent les problèmes particuliers du rôle du taux d'intérêt dans la fonction de demande de monnaie étudiée au chapitre 2. Moins le taux d'intérêt affecte la demande de monnaie, plus le paramètre L reliant ces deux variables etnd vers zéro; plus cette liaison est sensible, plus le paramètre tend vers l'infini. En regardant les équation (A-15) à (A-20), il est évident que les expressions (A-15), (A-16), (A-18) et (A-19) tendent vers zéro en même temps que L, alors que (A-17) et (A-20) tendent respectivement vers l/m et I/Y*m. De même, lorsque L tend vers l'infini, (A-18) et (A-19) tendent aussi vers l'infini tandis que (A-17) et (A-20) se rapprochent de zéro. L'équation (A-15) tend vers 1/[I-c(1-t)] et (A-16) vers - c Y / [1 - c (1 - t)], En d'autres termes, moins le taux d'intérêt a d'influence sur la demande de monnaie, moins la politique budgétaire est efficace, et plus le niveau du revenu ou le niveau des prix dépendent de la masse monétaire. Inversement, plus la demande de monnaie est influencée par ces variables, moins le marché monétaire peut déterminer la façon dont réagiront le revenu et les prix aux modifications de politiques, et plus la politique budgétaire aura d'importance. Il faut interpréter avec précaution la manière dont les équations (A-18) et (A-19) tendent vers l'infini lorsque L tend lui-même vers l'infini. Cela signifie que tant que la demande de monnaie reste parfaitement élastique au taux d'intérêt, la hausse des prix sera illimitée si une politique budgétaire d'expansion est menée en situation de plein-emploi. C'est précisément à cause du fait que la fonction de demande de monnaie p,~rd de son efficacité au fur et à mesure que les prix montent que cette hausse des prix est enrayée. La hausse en question est indéfinie plutôt qu'infinie. Toutefois, l'ensemble de cet exposé concerne une série de circonstances très improbables comme on l'a indiqué précédemment (cf. chapitre 2, note 2). Les autres problèmes abordés à la fin du chapitre 2 traitent de la stabilité des paramètres m et L. L'analyse des équations (A-13) et (A-14) doit convaincre le lecteur que si ces paramètres ne sont ni constants ni prévisibles, les prix et le revenu ne le seront pas davantage.
51
appendice B
l'effet de richesse Comme nous l'avons vu au chapitre 1, l'effet de richesse est le mécanisme par lequel des variations du niveau des prix déplacent la courbe IS. Elles modifient directement le niveau de la demande globale au lieu d'influencer le taux d'intérêt. L'hypothèse fondamentale sur laquelle repose ce mécanisme est que la consommation dépend non seulement du revenu, mais aussi de la valeur réelle du stock d'actifs monétaires détenus dans l'économie. Plus ce stock est grand, plus la consommation est importante. Le stock de richesses réelles doit nécessairement varier avec le niveau des prix pour que l'effet de richesse se réalise. La valeur réelle du capital immobilier est nettement indépendante des prix puisqu'elle constitue un stock physique de biens. De plus, quoique les individus émettent entre eux des titres définis en unités de pouvoir d'achat, titres dont la valeur réelle varie avec les prix, cela n'entraîne aucune différence dans la situation d'ensemble du modèle puisque le patrimoine des créanciers et des débiteurs est inversement proportionnel aux modifications des prix. Tant qu'aucun chan52
1
APPENDICE B
gement n'apparaît dans la répartition des richesses, des titres émis par des particuliers demeurent en-dehors de l'effet de richesse. Son fonctionnement nécessite donc qu'une partie des actifs dans l'économie, exprimés en termes réels, ne constitue pour personne une dette dans l'économie. S'il existe de tels actifs, une hausse des prix désavantagera leurs détenteurs sans que quiconque puisse en bénéficier afin de réduire son endettement réel. Une chute du niveau des prix avantagera les détenteurs d'actifs et ne désavantagera personne. On considère, en général, que la dette publique y compris la partie de la masse monétaire qui représente les engagements du gouvernement et non ceux d'un système bancaire privé, constitue un patrimoine puisqu'il est détenu par un secteur privé de l'économie mais ne correspond à aucun endettement du secteur privé. Si on accepte ce raisonnement, il est évident qu'une hausse des prix entraînera une baisse de la valeur réelle de la dette publique, une diminution corrélative de la valeur du niveau global des richesses de l'économie et par suite une chute des dépenses de consommation. Le mécanisme de l'effet de richesse déplace la courbe IS vers la gauche quand les prix augmentent et vers la droite s'ils devaient diminuer. Il est intéressant de noter ici qu'on a introduit pour la première fois le mécanisme de l'effet de richesse en macroéconomie pour démontrer que, si les prix ont une tendance à la baisse et même si le taux d'intérêt minimum admis par la courbe horizontale LM était supérieur à celui nécessaire pour une demande globale de plein-emploi déterminée par la courbe IS, l'économie finit toujours par revenir à une position d'équilibre de plein-emploi. L'effet richesse déplacera la courbe IS vers la droite tant que les prix baisseront; ces prix fléchiront jusqu'à ce que le plein-emploi soit atteint. Depuis son introduction pour l'étude de ce problème particulier, le mécanisme de l'effet de richesse a suscité un grand intérêt analytique. Plusieurs modèles élégants du comportement macroéconomique et même micro économique ont été constitués à partir de ce mécanisme, en particulier par Patinkin [36]. L'importance empirique de l'effet de richesse en dehors de son avantage analytique, peut être contestée. Comme nous l'avons vu, les actions et les obligations qui constituent les engagements du secteur privé, souvent appelés patrimoine interne, sont exclus du mécanisme. Seuls les actifs qui ne représentent aucun engagement vis-à-vis de quelqu'un dans 53
DEMANDE DE MONNAIE EN MACROÉCONOMIE
l'économie - patrimoine externe - peuvent donner lieu à un effet de richesse. On peut se demander si la dette publique doit être considérée comme un patrimoine externe puisque ses intérêts sont alimentés par les impôts payés par le secteur privé. Lorsque le niveau des prix varie de telle sorte que la valeur réelle de la dette publique en soit modifiée, il doit également modifier, mais en sens inverse, la valeur réelle des impôts futurs. Si le secteur privé e~t conscient de ceci, la dette publique qui rapporte des intérêts ne peut plus, en fait, jouer un rôle dans le processus de l'effet de richesse; elle devient alors un patrimoine interne. Cette théorie étant admise, seule une dette publique ne donnant lieu à aucun intérêt pourra induire un effet de richesse. Une pareille dette est constituée par le papier monnaie émis par le gouvernement et ne représente qu'une infîme fraction de la richesse d'une économie moderne. Ainsi, malgré son attrait analytique et son importance dans l'histoire de l'économie monétaire, l'effet de richesse est sans doute une source bien moins importante de l'interrelation directe entre les prix et le niveau de la demande globale que ne le sont, d'une part, l'effet produit par l'influence des prix sur les exportations et, d'autre part, celui obtenu à partir de l'imposition progressive sur le revenu nominal.
54
LES THEORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
3 un aperçu des différentes théories Dire que la demande de monnaie en termes réels est fonction du niveau du revenu national et du taux d'intérêt constitue une hypothèse particulière sur la nature de la fonction de demande de monnaie. Les thèmes soulevés au chapitre 2 posent le problème de la validité d'une telle hypothèse. A première vue, nous pouvons répondre à cette question en nous référant directement aux vérifications empiriques. Il semble en effet logique de supposer que l'on s'interroge sur la part des variations de la masse monétaire de l'économie des Etats-Unis qui pourrait s'expliquer par des modifications de ces variables. On peut, en effet, procéder de la sorte mais avant de se lancer dans cette étude empirique, il faut savoir d'avance quelles genres de conclusions pourront être tirées à partir des résultats recherchés. On pourrait conclure à la perfection de la théorie s'il s'avérait que toutes les variations de la demande de monnaie peuvent être expliquées par les variables en question. Inversement, si ces variables n'expliquent rien du tout, la théorie 57
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
sera alors jugée parfaitement inutile (1). Aucune de ces déductions n'est très vraisemblable. Il est plus probable que la théorie rendra compte pour 50 % ou 90 % de la variation de la demande de monnaie. Or, savoir si une théorie qui explique 90 % des variations est bonne ou mauvaise n'est pas une question à laquelle on peut répondre de façon judicieuse. Tout dépend de la définition donnée aux notions de «bon» et de «mauvais ». A partir du moment où plusieurs théories ne diffèrent ni par leur portée, ni par leur simplicité logique ou ni par leur compatibilité avec d'autres modèles économiques, une théorie qui explique 90 % des fluctuations de la demande de monnaie sera dite meilleure qu'une théorie qui n'en expliquerait que 50 %. S'il Y a plusieurs théories en cause, on peut choisir la meilleure d'entre elles d'après ce critère car, tant qu'une théorie satisfait aux autres critères mentionnés ci-dessus, elle est dite «bonne» lorsqu'elle répond mieux qu'une autre à l'examen empirique, et «mauvaise» dans le cas contraire. Si l'on veut confronter les théories économiques par des preuves empiriques, il est nécessaire de disposer non pas d'une mais de plusieurs hypothèses qui puissent être simultanément testées, car ce n'est que de cette façon que les analyses théoriques valables pourront être départagées de celles qui sont erronées. La leçon à tirer de ceci pour la demande de monnaie est qu'il est impossible d'en savoir plus sur la validité de l'hypothèse de la stabilité et des variations prévisibles du rapport de la demande de monnaie au taux d'intérêt, tant que l'on n'aura pas comparé ces conclusions à celles qui résultent d'hypothèses contraires faites sur les variables dont dépend la demande de monnaie. Comme nous le verrons dans les chapitres suivants, il existe un grand nombre de théories différentes. Nous verrons aussi que nous avons déterminé la nature de la fonction de demande de monnaie à partir d'examens effectués en vue de comparer le comportement de ces différentes hypothèses. Il est donc préférable d'entrer plus avant dans le détail de ces théories avant d'en étudier les vérifications empiriques. (1) Mais «l'ensemble des variations» implique que l'on dispose de toutes les hypothèses qui s'y rapportent. Or, de telles hypothèses sont constamment en cours d'élaboration et l'on ne dispose jamais de l'ensemble de celles-ci. L'idée d'une théorie entièrement vérifiée par le jeu des hypothèses est totalement étrangère à la procédure scientifique. Même si l'on découvre une théorie expliquant parfaitement l'ensemble des hypothèses connues, il existe toujours la possibilité qu'un nouveau postulat apparaisse et soit incompatible avec la théorie en question.
58
3. APERÇU DES DIFFÉRENTES THÉORIES
Il peut sembler étrange au lecteur que l'on puisse même parler d'une «théorie de la demande de monnaie ». Ce n'est pas, pour un économiste, 1'approche classique de ce genre de problème. Les manuels de microéconomie ne contiennent pas de chapitre intitulé «la théorie de la demande de réfrigérateur» mais présentent plutôt un cadre analytique d'ensemble qui permet d'étudier la demande de n'importe quel bien. Quoiqu'il existe aujourd'hui un volume considérable de textes traitant la demande de monnaie comme un cas particulier de la théorie générale de la demande, ce n'est qu'au cours des années 1950 que cette manière de procéder a reçu une consécration réelle et valable (2). Avant cette date et même dans une certaine mesure jusqu'à nos jours encore, on considérait généralement la demande de monnaie comme un cas particulier nécessitant une analyse spécifique. Il n'est pas difficile de trouver les raisons de cette façon de procéder. L'approche la plus généralement employée est de postuler que la consommation de différents biens procure une certaine satisfaction à 1'individu et que c'est à partir de cette satisfaction, communément appelée 1'utilité, que découle sa demande de biens et services sur le marché. Dans le cas de biens durables, il y a une étape intermédiaire car la demande d'un stock s'obtient à partir de 1'utilité qu'un consommateur tire du flux de services qu'il lui procure. En général, la nature de cette fonction d'utilité n'est pas étudiée parce qu'elle relève de la psychologie. A part quelques considérations sur la nature et sur le principe de la décroissance du taux marginal de substitution entre biens de consommation, elle n'est guère approfondie par les économistes. Or, à première vue, la monnaie ne semble pas s'insérer très bien dans ce contexte. En effet, ce n'est pas un bien physiquement consommable; elle ne semble pas non plus engendrer, à 1'exemple des autres biens de consommation durables, un flux de services qui procure une satisfaction psychologique à 1'individu. Elle ne conserve pas les aliments au frais comme le fait le réfrigérateur, ne procure pas de divertissement comme la télévision. Les titres et obligations appartiennent à la même catégorie d'actifs mais ils produisent des revenus monétaires pour leurs détenteurs, qui pourront alors acheter des biens de consommation; en général, la monnaie ne possède pas ces propriétés. Dans certaines économies, certains actifs employés aussi comme monnaie produisent un faible intérêt mais ceci n'explique pas la détention d'encaisses liquides. Il existe de (2) Quoique l'esprit de cette méthode ait été nettement défini par Hicks [19] dès 1935.
59
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
nombreux exemples de monnaies qui ne produisent aucun intérêt, et que les individus, pourtant, détiennent. Il semble donc que la théorie de l'utilité ne puisse expliquer directement la détention d'encaisses si bien qu'il faut étudier la demande de monnaie avec une analyse spécifique. La monnaie possède deux caractéristiques particulières mais liées entre elles qui sont habituellement mises en évidence par les théories qui étudient la monnaie séparément des autres biens. La première est que la monnaie est un moyen d'échange contre des biens et services; la deuxième, que sa valeur marchande est, en général, hautement prévisible. Ces deux caractéristiques communément regroupées en ce qu'on appelle « liquidité» ne sont pas la propriété exclusive de la monnaie. D'autres actifs les possèdent aussi à des degrés variables. Il est possible de trouver, dans certains cas, un vendeur de bien qui accepte un titre en échange de ce bien. D'autre part, le prix de certains titres est souvent connu et varie peu. Néanmoins, à l'encontre des autres types d'actifs, la monnaie est universellement reconnue comme moyen d'échange et sa valeur est en général plus facile à estimer. La monnaie est la forme d'actif la plus liquide et deux raisons peuvent expliquer l'existence d'une demande de monnaie. Pour effectuer des transactions, il est évidemment nécessaire de disposer de monnaie pour effectuer les paiements mais ce seul fait ne peut justifier la détention de monnaie. Dans un monde parfaitement libre, un individu achèterait un actif productif d'intérêt dès qu'il reçoit un règlement et le revendrait seulement au moment où il aurait besoin de monnaie pour effectuer un paiement pour son propre compte. Ainsi, il ne détiendrait jamais de monnaie. Toutefois, le monde n'est pas sans contraintes. L'achat et la vente d'actifs demandent du temps, exigent des démarches et sont, par conséquent, coûteux. De plus, il n'est pas du tout évident qu'une action productive d'intérêts pourra se vendre à tout moment à son prix d'achat. Il existe toujours un degré d'incertitude et s'il y a un profit à tirer de l'achat de ces actions, il peut aussi y avoir une perte. Profits et pertes peuvent être évités en comblant l'écart existant entre le moment de la perception des règlements et celui de l'engagement des dépenses en détenant des encaisses plutôt que des actifs. La monnaie est détenue pour trois raisons: l'achat et la vente d'actifs est coûteuse, le prix de ces actifs est incertain et la monnaie est toujours facilement acceptée dans une transaction. De tels concepts sont à la base d'un grand nombre de théories sur la demande de monnaie. 60
3. APERÇU DES DIFFÉRENTES THÉORIES
L'utilisation de la monnaie pour les transactions n'explique pas seule la demande de monnaie car sa valeur prévisible sur le marché peut faire qu'on désire cet actif. Détenir de la monnaie ne donne droit à aucun revenu de sorte qu'il est en général préférable d'avoir un patrimoine sous forme d'actifs; mais «en général» ne signifie pas «nécessairement». De temps en temps, les prévisions sur les variations futures des prix de ces actifs peuvent amener leurs détenteurs à craindre des pertes massives. Dans un pareil cas, le gain nul qui résulte alors de la détention de monnaie est nettement préférable à la perte qu'on pourrait subir en détenant de tels actifs. La monnaie devient donc désirable pour une raison autre que son utilité dans les transactions. Les analyses de ce genre de comportement jouent aussi un rôle important dans les théories de la demande de monnaie. Nous venons de démontrer que la monnaie rend, en fait, d'importants services à ses détenteurs, même si de tels services ne produisent pas une satisfaction psychologique. Toutefois, puisqu'il ne s'est jamais avéré nécessaire d'examiner la nature des satisfactions psychologiques qui découlent de la consommation des autres biens pour analyser la demande de ces biens, on peut dire que le contexte psychologique qui entoure la théorie de l'utilité lui est indifférent. A vrai dire, les théories modernes de la demande adoptent ce point de vue. Si tel est le cas, le fait que les services rendus par la monnaie ne soient pas d'ordre «psychologique» devient sans importance dans l'application de la théorie de l'utilité au problème de la demande de monnaie. Il suffit de postuler que la monnaie rend des services à ceux qui la détiennent et d'analyser ensuite les facteurs de sa demande de la même manière qu'on le ferait pour tout autre bien. On appréciera mieux s'il s'agit d'une procédure valable ou non d'après la valeur prévisionnelle de la théorie qui en découle, plutôt qu'à travers les discussions philosophiques de ses hypothèses sous-jacentes. Enfin, les théories de la demande de mon.naie fondées sur l'application de la théorie générale de la demande ne sont pas logiquement incompatibles avec l'idée que la demande de monnaie résulte, en fait, de son utilité en matière de commerce, ni même avec l'hypothèse qu'elle constitue une parfaite protection contre le risque inhérent à la possession d'actions. Ces deux dernières thèses ne sont pas non plus contradictoires. Cependant, les théories qui soulignent l'importance des transactions produisent des modèles de la demande de monnaie différents de ceux qui résultent des théories de l'incertitude liée 61
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
à la possession d'actifs. La théorie qui élimine d'office toute analyse de motivation et applique tout simplement les concepts généraux de la détermination de la demande d'un bien quelconque à la demande de monnaie produit encore un modèle différent. Ces différents modèles pourraient être considérés comme faisant tous partie d'une théorie «générale» de la demande de monnaie. Or, pour des raisons de méthodologie, il est pratique de les envisager comme étant diverses possibilités et de se demander, ensuite, quelle part de la variation de la demande de monnaie peut s'expliquer uniquement par les facteurs supposés importants par chaque hypothèse particulière. On découvrira grâce aux résultats des expériences si, le cas échéant, aucun jeu de variables ne domine la fonction de demande de monnaie. Mais, si un ensemble de variables est prépondérant en fait, cette méthode permettra aussi de nous le dire. Ce type de renseignement serait d'un intérêt certain. Plus on explique de choses avec le moins de variables possibles, plus la théorie qui en découle sera simple et, par conséquent, plus malléable et facile à comprendre. Donc, c'est plus par méthode que par simple logique que présenterai, dans les chapitres suivants, les théories de manière à ce que leurs différences et non leurs ressemblances soient mises en valeur et de manière à ce qu'elles apparaissent comme des modèles concurrents et non complémentaires. Ce n'est qu'en procédant de cette manière qu'il sera possible de définir clairement, par la suite, les concepts qui ont été étudiés récemment grâce aux méthodes empiriques.
62
4 la théorie classique de la demande de monnaie L'une des analyses les plus complètes, si ce n'est celle qui eut le plus de portée, qui considère la monnaie comme un moyen d'échange, n'a pas explicitement formulé une théorie de la demande en tant que telle. Néanmoins, comme nous le verrons, ses résultats sont aisément transposables en de pareils termes. Le concept clé était la vitesse de circulation de la monnaie dans les échanges, la rapidité avec laquelle elle passe de main en main et non la notion de demande de monnaie. Irving Fischer [11], l'économiste le plus étroitement associé à cette théorie, a commencé son analyse par une simple identité. Dans toute transaction, il y a un acheteur et un vendeur et, par conséquent, pour l'ensemble de l'économie le montant des ventes doit être égal au montant des recettes. Or, la valeur des transactions est égale au nombre de transactions réalisées au cours d'une période multiplié par le prix moyen des transactions. D'autre part, la valeur des achats est égale à la quantité de monnaie en circulation dans l'économie multiplié par 63
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
le nombre de fois qu'elle change de mains au cours de la même période de référence. Donc, si Ms est la quantité de monnaie, V T: le nombre de fois où la monnaie change de mains c-'est-à-dire sa vitesse de circulation - P : le niveau des prix et T: le volume des transactions, on peut écrire l'identité: MSVT =PT
(4-1)
Seule une identité peut naître d'une autre identité; mais elle peut néanmoins constituer un moyen de classification dans la méthode d'élaboration des théories. Prenons les quatre variables ci-dessus et regardons ce qui détermine leurs valeurs. Les résultats de Fisher sont les suivants: la quantité de monnaie est déterminée indépendamment des trois autres variables et est considérée à tout moment comme donnée; de plus, T, le volume des transactions, peut aussi être considéré comme donné. Dans une économie qui n'a qu'un seul équilibre se situant au niveau du revenu de plein-emploi - point de vue envisagé par Fisher ainsi que par une majorité de ses contemporains il semblait logique de supposer qu'il y avait un certain rapport constant entre le volume des transactions et le niveau de production. Fisher a aussi considéré V T comme une variable indépendante mais constante à tout moment, si bien que la dernière variable P reste seule à être déterminée par les trois autres. Plus précisément, si V T et T sont des constantes, nous nous trouvons en face de l'hypothèse que les prix sont déterminés uniquement par la quantité de monnaie et lui sont proportionnels. Ces derniers résultats nous permettent de transformer l'identité ou «l'équation d'échange» en une théorie quantitative de la monnaie, ou théorie de la détermination du niveau des prix, qui s'écrit: MSVT=PT
(4-2)
Les barres au-dessus de V et T signifient que ce sont des constantes. Cette théorie est équivalente à la théorie du marché monétaire établie en termes d'offre et de demande telle qu'elle est décrite ci-dessous, bien que Fisher ne l'ait pas définie de cette manière. La demande de monnaie dépend du montant des transactions réalisées dans l'économie et est égale à une fraction constante de ces transactions. De plus, l'offre de monnaie est donnée; à l'équilibre, la demande doit être égale à l'offre. Ceci s'écrit : (4-3) (44)
64
4. THÉORIE CLASSIQUE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
Ces deux équations réunies donnent : Ms -
1
-
= MsVT
kT
=PT
(4-5)
Où -
VT
=-1 kT
(4-6)
Que l'on interprète ceci en termes de vitesse de circulation ou en termes de fonction de la demande reliant les encaisses au volume des transactions d'une économie, il reste toujours la question: qu'est-ce qui détermine la vitesse de circulation ou le rapport monnaie-transactions ? La réponse est donnée en grande partie en termes technologiques. Lorsque l'on a admis que la demande de monnaie dépend de son utilisation dans le processus des transactions, on peut alors dire que le montant exact de monnaie nécessaire pour effectuer un volume donné de transactions est déterminé par la nature du processus existant dans toute économie donnée. Une certaine analogie avec l'analyse du processus de production apparaît ici, le volume des transactions jouant le rôle d'output et la monnaie celui d'input. Si l'on pose le problème de cette manière, tout raisonnement sur la demande de monnaie entraine inévitablement l'étude de la nature de ce processus de production. Il faut alors examiner le cadre institutionnel qui définit les modes de paiement. Par exemple, il semblerait qu'une économie dans laquelle l'usage des cartes de crédit est très largement répandu nécessitera moins de monnaie pour financer un volume d'affaires donné qu'une économie où tous les paiements doivent se faire directement en espèces. Pour des raisons analogues, il faut tenir compte des usages commerciaux concernant les possibilités d'octroi de crédit. Par ailleurs, la qualité des communications d'une économie est également un élément important. Le fait que des déplacements de fonds puissent être transmis par téléphone ou télégraphe doit impliquer une demande de monnaie plus faible que celle qui existerait dans une économie où tous les messages sont envoyés par la poste. On pourrait multiplier sans fin de pareils exemples, mais on en a dit suffisamment ICI pour donner au lecteur une petite idée de ce qu'est cette approche de la théorie de la demande de monnaie. Ce qui est important pour nous dans ce genre d'analyse, c'est que les choses telles que les habitudes d'octroi de crédit, les communications et autres, si elles changent avec le temps, 65
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
ne se transforment pas rapidement. Donc, si on les considère comme étant les principaux éléments de la demande de monnaie, on démontre que, pour de courtes périodes, les possibilités de variations de la quantité de monnaie demandée par rapport au volume des affaires effectuées sont faibles. Il faut donc s'attendre à ce que la vitesse de circulation soit constante au cours de ces périodes. En élargissant le champ d'analyse, des variations de la vitesse de circulation ne se feront que lentement et d'une manière correspc:mdant ainsi à de lentes modifications structurelles. La vitesse de circulation dans les affaires devient alors une constante et représente ainsi une bonne approximation en court terme. En outre, il est aussi très intéressant de traiter de la même manière la relation entre le volume des transactions et le niveau du revenu national. En effet, le premier dépend, d'une part, du nombre d'étapes qu'ont à parcourir les produits entre l'état de matière première et celui de produit fini et, d'autre part, du nombre de sociétés indépendantes qui participent à leur production. Si l'intégration verticale des sociétés est possible et permet de réduire le volume des transactions associé à un niveau de production donné, elle n'est pas une procédure rapide et l'on peut, par conséquent, ne pas en tenir compte dans l'analyse à court terme; telle est la tendance qu'adopte ce genre de théorie monétaire. De même, la fraction du revenu national effectivement liée aux transactions du marché peut se modifier en cours de période au fur et à mesure que les unités économiques se spécialisent ' et deviennent interdépendantes, produisant de moins en moins pour leur propre consommation et de plus en plus pour le marché lui-même. Encore une fois, ces modifications ne se font pas rapidement et peuvent sans doute être écartées de l'analyse à court terme (1). Cette approche de la théorie monétaire par le biais des transactions nous amène alors à l'hypothèse suivante: la demande de monnaie est une fraction constante du niveau des transactions, qui est lui-même lié par un rapport constant au niveau du revenu national. De plus, le plein-emploi n'est : pas un élément fondamental de la théorie, quoiqu'à son origine il avait été postulé que le revenu de plein-emploi était le seul équilibre possible pour l'économie. Nous pouvons aisément écarter cette hypothèse pour insérer cette théorie du 1
(1) Néanmoins, ce raisonnement ne tient pas compte des fluctuations se succédant à un rythme accéléré qui peuvent avoir lieu dans le volume des transactions réalisées sur les marchés financiers.
66
4. THÉORIE CLASSIQUE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
comportement du marché monétaire dans le cadre macroéconomique et voir ce que représente le modèle qui en résulte. Si la demande de monnaie dépend uniquement du niveau du revenu, nous nous trouvons avec un modèle dans lequel tout repose sur l'importance de l'offre de monnaie et sur aucune autre variable. Le modèle est en fait un cas particulier du modèle plus général présenté à la section 1 dans lequel la demande de monnaie est totalement indépendante du taux d'intérêt. Que cette approche de la théorie monétaire entraine ou non des conclusions exactes est sujet à controverse, mais on ne peut nier qu'elle aboutit à des conclusions intéressantes qui, si elles s'avèrent exactes, auront des conséquences importantes sur la façon dont les gouvernements devraient mener leur politique économique. Elle implique tout simplement que le revenu d'équilibre ou les prix en situation de plein-emploi ne peuvent être en aucune façon influencés par une politique budgétaire. Ce genre d'analyse doit donc être envisagé très sérieusement et examiné avec beaucoup d'attention. L'interprétation de la théorie monétaire faite par Fisher présente de nombreux attraits. En effet, en posant comme hypothèse que la demande de monnaie dépend du besoin des individus de commencer entre eux, elle lie la demande de monnaie au volume des transactions dans l'économie à tout moment et, par suite, débouche directement sur une théorie macroéconomique de la demande de monnaie. Elle permet aussi de faire des prévisions assez précises sur la nature de la fonction de demande de monnaie et est, en conséquence, hautement vérifiable. Cependant, rien de tout ceci ne constitue une conséquence nécessaire et logique de l'analyse de la demande de monnaie faite à partir de son rôle dans le processus des transactions. Comme nous allons le voir maintenant, l'interprétation dite de Cambridge, telle qu'elle figure dans les ouvrages de Marshall et de Pigou, si elle part du même point et se termine par un énoncé formel de la fonction de demande de monnaie très proche de celui de Fisher, suit un trajet tout à fait différent pour y arriver [37]. Les économistes de Cambridge ne cherchaient pas à déterminer la masse monétaire nécessaire à l'économie pour effectuer un volume donné de transactions, comme le fit Fisher, mais essayaient plutôt de déterminer la quantité de monnaie désirée par un individu si toutefois la volonté d'échanger justifie la détention d'encaisses. Le problème était donc posé 67
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
en termes micro-économiques et mettait l'accent sur le comportement de choix des individus. Cette présentation ressemble beaucoup plus à une application de la théorie générale de la demande à un problème particulier qu'à une théorie particulière de la demande de monnaie. Si l'on pose le problème en ces termes, le type de variables envisagées par l'économiste diffère de celui utilisé par Fisher. Si on définit le problème en termes de quantité de monnaie désirée par un individu, le cadre de travail qui se présente est celui dans lequel les coûts d'opportunité et les contraintes sont les facteurs principaux agissant ensemble avec les goûts des individus. En ce qui concerne la théorie de Cambridge, la principale composante du désir qu'ont les individus de posséder de la monnaie se trouve dans le fait que c'est un actif pratique à détenir puisqu'il est universellement accepté contre des biens et services. Plus un individu ' effectue de transactions et plus il désirera détenir de la monnaie. Jusque là, cette présentation est semblable à celle de Fisher mais l'accent est mis sur la volonté de détenir de la monnaie plutôt que sur la nécessité de la détenir. C'est la différence fondamentale entre la théorie monétaire de Cambridge et l'analyse de Fisher. Un individu ne peut détenir toute la monnaie qu'il voudrait ne serait-ce que parce que son encaisse ne peut excéder sa fortune globale. C'est la contrainte sur ses encaisses. De plus, même s'il est possible pour un individu de conserver tout son patrimoine sous forme de monnaie, il n'est pas du tout certain que ce soit ce qu'il désire. Il y a d'autres manières de posséder des actifs et nombre d'entre elles présentent des avantages que la monnaie ne peut offrir. Les actions et les obligations produisent des intérêts et la monnaie n'en produit pas. Si l'on admet que plus le niveau de ses encaisses est élevé, moins on désirera l'augmenter, il est évident qu'à un certain moment, il sera préférable de sacrifier une partie de ce surplus de satisfaction pour obtenir un revenu supplémentaire. Par ailleurs, la possession d'actions et d'obligations comporte la possibilité de réaliser des gains (ou des pertes) en capital, tout comme la monnaie en période de fluctuations des prix. On peut supposer que toute personne cherchant à allouer au mieux sa fortune tiendra compte de ces choses avant de décider quelle part elle affectera à un actif en espèces. Tout ceci revient à dire que la demande de monnaie dépend du volume des transactions qu'un individu projette !
68
4. THÉORIE CLASSIQUE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
de réaliser et, de plus, varie avec le montant de son patrimoine et le coût d'opportunité - c'est-à-dire le revenu auquel on renonce en ne possédant pas d'autres actifs. Si on parle de monnaie en termes réels, elle variera aussi proportionnellement avec les prix. Ceci est dû au fait que l'utilité de la monnaie dans la réalisation des transactions nécessaires à l'obtention de biens et services lui confère le caractère d'un bien. Que les prix de ces choses viennent à augmenter d'une certaine proportion et la quantité de monnaie qu'un individu devra détenir de manière à se procurer exactement la même satisfaction que précédemment devra elle aussi augmenter dans les mêmes proportions. On n'a pas mentionné ici des facteurs tels que la disponibilité de substituts à la monnaie pour la réalisation des transactions, la disponibilité de bons moyens de communications, etc. (thèmes soulignés par la théorie de Fisher), mais il est évident qu'on ne peut guère les exclure de ce schéma. Ils doivent déterminer, en partie tout au moins, le degré de satisfaction qu'il y a à détenir de la monnaie plutôt que d'autres actifs. Cependant, l'analyse de l'école de Cambridge du problème de la demande de monnaie attribue une importance secondaire à ces facteurs. La présentation par l'école de Cambridge de la théorie de la demande de monnaie revient à dire que, si l'on aborde le problème des encaisses dans l'économie du point de vue du comportement des choix faits par les individus, il faut considérer la satisfaction obtenue par un individu à travers la détention de monnaie nécessaire pour les transactions, son patrimoine, le taux d'intérêt, les prévisions qu'il fait sur la marche future des événements, etc. comme ayant une influence potentielle importante sur la demande de monnaie. Elle ne fait pas état de la nature des rapports que l'on pourrait s'attendre à trouver entre ces variables et ne parle guère de celles qui pourraient être importantes. En élaborant leur modèle, ce groupe d'économistes, et en particulier Pigou, a choisi au contraire de le simplifier en supposant que, pour un individu, le rapport entre son patrimoine, le volume de ses transactions et le niveau de son revenu serait constant, tout au moins à court terme. Ils démontraient alors que, toutes choses étant égales par ailleurs, la demande de monnaie en termes réels est proportionnelle au revenu réel pour chaque individu et, par conséquent, pour l'ensemble de l'économie. Ainsi, ils écrivaient l'équation de la demande de monnaie comme suit: ~=~y
69
~n
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
Celle-ci associée à la condition d'équilibre du marché monétaire Md=Ms
(4-4)
= kPY
(4-8)
nous donne Ms
d'où 1
M s -k =Ms V=PY
(4-9)
Cette dernière équation semble très proche de celle de Fisher, si ce n'est que le symbole V représente non pas la vitesse de circulation de la monnaie par rapport aux transactions définie auparavant par V T, mais plutôt sa vitesse par rapport au revenu - c'est-à-dire non pas le nombre de fois qu'une unité de monnaie «boucle la boucle» mais sa vitesse de circulation par rapport au taux de production du revenu réel. Ainsi, la théorie de Cambridge envisagée en ces termes paraît aboutir à un modèle du marché monétaire semblable à celui de Fisher et semble attribuer les mêmes conséquences aux rôles des politiques monétaires et budgétaires sur le contrôle du revenu. Or, une telle interprétation serait une erreur. Fisher et les économistes de Cambridge ont défini leurs théories sur la base de «toutes choses étant égales par ailleurs». On peut s'attendre, avec raison, à ce que la constante de Fisher, à savoir le cadre institutionnel déterminant la nature technique de la procédure des transactions, ne varie qu'imperceptiblement sur de courtes périodes; on peut donc considérer que sa présentation définit une théorie du marché monétaire qui implique une vitesse de circulation constante à court terme. Il n'en est pas de même pour l'école de Cambridge car ces économistes donnent de l'importance au taux d'intérêt et aux spéculations, facteurs qui peuvent varier assez sensiblement sur de très courtes périodes. Définir le modèle de Pigou et de Marshall de manière à ce qu'il ressemble à celui de Fisher, c'est cacher d'importantes différences entre les deux formules et ignorer le fait que la théorie de Cambridge nécessitait une analyse plus approfondie des variables utilisées avant d'en déduire une théorie explicite du marché monétaire. Dans le cadre du modèle macroéconomique présenté au chapitre précédent, on pourrait dire que Fisher a établi une hypothèse sur le faible rôle du taux d'intérêt sur la demande de monnaie mais il est impossible de tirer une proposition· aussi formelle des 70
4. THÉORIE CLASSIQUE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
travaux de l'école de Cambridge. La contribution de celle-ci à la théorie monétaire fut précisément d'attirer l'attention sur le fait que des variables telles que le taux d'intérêt pouvaient être des composantes importantes de la demande de monnaie. Toutefois, elle laissa à ses successeurs le soin d'approfondir en détail ses hypothèses.
71
5 l'économie monétaire keynésienne et la théorie quantitative moderne Le développement par Keynes [24] de la thèse de Cambridge sur la demande de monnaie constitue à l'heure actuelle la base de l'étude sur ce sujet dans les manuels de macroéconomie (1). Keynes analysa avec plus d'attention que ses prédécesseurs les motifs qui poussent les individus à détenir de la monnaie et fut, par conséquent, plus précis qu'eux sur la nature des satisfactions à en tirer. Comme nous l'avons vu, la caractéristique particulière de la monnaie en tant qu'actif mise en valeur par Fisher et l'école de Cambridge est que seule la monnaie parmi tous les actifs est universellement acceptée comme moyen d'échange. Keynes n'a en aucune façon rejeté ce point de vue et a en fait classé (1) La distinction entre la théorie de Cambridge et les travaux de Keynes est quelque peu arbitraire. Le Tract on Monetary Re/orm est tout à fait dans la tradition de Marshall et de Pigou tout comme les parties du Treatise on M oney traitant explicitement de la demande de monnaie quoique le cadre général de cette œuvre se réfère à la dynamique de Wicksell. Ce n'est pas dans la Théorie générale que nous trouvons ce qu'on appelle maintenant la théorie monétaire keynésienne.
72
5. THÉORIE QUANTITATIVE MODERNE
le «motif de transactions» comme le premier mais non l'unique - motif à la base de la demande de monnaie. Il stipula, peut-être avec plus de clarté que ses prédécesseurs, que le niveau des transactions d'un individu puis de l'ensemble des individus est en rapport constant avec le niveau du revenu et qu'en conséquence la soi-disant «demande transactions» est proportionnelle au niveau du revenu. Il n'y a rien de nouveau dans cet aspect de la théorie keynésienne. Néanmoins, l'emploi du terme «motif de transactions» était limité à la description de la nécessité de posséder des espèces pour combler l'écart entre les recettes et les paiements régulièrement arrêtés. Pour les catégories de réglements ni réguliers ni planifiés, tels que paiement de factures inattendues, réalisation d'achats à des prix avantageux mais inattendus, nécessité de faire face à des dépenses soudaines dues peut-être à un accident ou à une mauvaise santé, Keynes suggéra de plus que les individus trouveraient plus prudent de détenir des espèces au cas où ils ne seraient pas en mesure de réaliser suffisamment rapidement d'autres actifs. Il appelait cela le motif de précaution de la demande de monnaie et disait que la demande de monnaie qui en découle dépendait très largement du niveau du revenu. Keynes lui-même ne voulait pas considérer comme techniquement constant le rapport enrte la demande de monnaie résultant des motifs de transactions et de précaution et le revenu car il voyait très bien que les individus ont à choisir entre détenir des espèces et percevoir des revenus en possédant d'autres actifs. Il fit des demandes de transaction et de précaution des fonctions du taux d'intérêt. Toutefois, il n'a pas approfondi le rôle du taux d'intérêt dans cette partie de son analyse. Nombre de ses vulgarisateurs l'ont tout simplement ignoré, non pas parce que le taux d'intérêt n'est pas important dans l'œuvre de Keynes mais parce qu'il joue un rôle primordial dans la «demande de spéculation» de la monnaie (2). Marshall et Pigou pensaient qu'un des facteurs susceptibles d'influencer la demande de monnaie était l'incertitude du futur et l'analyse du motif de spéculation faite par Keynes représente un essai de formulation d'un des aspects de cette hypothèse. Au lieu de parler d'incertitude en général, le (2) On se réfère souvent à la distinction entre la demande de transaction et de précaution, principalement définie par le niveau du revenu, et la demande de spéculation déterminée par le taux d'intérêt en parlant de la distinction entre la demande d'encaisses « actives» et la demande d'encaisses «passives ».
73
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
domaine d'étude se limite à l'incertitude d'une variable économique: le niveau futur du taux d'intérêt. Une obligation est un actif dont on sait qu'il va rapporter chaque année à son détenteur un certain revenu défini en termes nominaux. La décision d'acheter une obligation équivaut à la décision d'acheter un droit à un revenu futur. Ce qu'un individu acceptera de payer pour acquérir cette obligation, c'est-à-dire la valeur marchande de celle-ci, dépend essentiellement du taux d'intérêt car l'acheteur éventuel voudra bénéficier au minimum de la valeur actuelle du taux d'intérêt appliquée à la fraction de son patrimoine qu'il détient sous forme d'obligations. Ainsi, si le taux d'intérêt est de 5 %, il sera prêt à payer jusqu'à 100, et pas plus, pour une obligation qui offrirait un revenu de 5 par an. Or, si le taux d'intérêt est de 1 %, personne ne voudra payer plus de 50 pour la même obligation. Il s'ensuit donc que, d'après la nature même des obligations, des variations du taux d'intérêt entrainent des variations de leur prix: une hausse du taux d'intérêt signifie que leur valeur marchande baisse et une chute de ce taux entraine sa hausse. Ainsi, des fluctuations du taux d'intérêt impliquent des gains ou des pertes en capital pour les détenteurs d'obligations. Toutefois, ces mêmes fluctuations n'entrainent aucune modification dans la valeur de la monnaie. Si l'on considère le choix entre détenir de la monnaie ou détenir des obligations, il est évident que les obligations (en plus d'offrir l'attrait d'une rente d'intérêts que la monnaie ne peut pas toujours offrir) présentent aussi la possibilité de faire des gains en capital lorsqu'on suppose que le taux d'intérêt va baisser. En de pareils cas, il devient très intéressant de posséder des obligations. Mais lorsque le taux d'intérêt augmente, c'est la situation inverse car ceux qui possèdent des obligations doivent faire face à des pertes en capital. Ainsi, Keynes supposa que, lorsqu'on prévoit une baisse du taux d'intérêt, la demande de monnaie est relativement faible car les individus détiennent des obligations puisqu'ils anticipent des gains à réaliser. Cependant, lorsque sa hausse est prévue, la demande de monnaie est plus forte puisque les individus cherchent à éviter des pertes en capital. Tout ceci est parfait mais la variable qui détermine quand et comment doit varier le taux d'intérêt est absente de la théorie telle qu'elle a été décrite jusqu'ici. Keynes a résolu ce problème en considérant le niveau du taux d'intérêt courant. Il pensait qu'à tout moment il y avait une valeur du
°
74
5. THÉORIF QUANTITATIVE MODERNE
taux d'intérêt dite normale, si bien que, lorsque le taux était au-dessus de ce niveau normal, les gens auraient tendance à prévoir sa baisse, et, s'il était en-dessous de ce palier, à prévoir sa hausse. Dans cette optique, tout individu, à un moment quelconque, prévoit soit la chute du taux d'intérêt - auquel cas il anticipe des gains en plus des intérêts s'il possède des obligations et il cherchera effectivement à en acquérir - soit la hausse du taux d'intérêt - auquel cas il anticipe des pertes sur les obligations. Tant que les pertes anticipées ne sont pas suffisamment importantes pour compenser les revenus des obligations, l'individu continuera à conserver tout son patrimoine sous forme d'obligations. Toutefois, si ces pertes sont jugées assez importantes pour compenser les revenus d'intérêt, l'individu ne détiendra alors que de la monnaie. Il existe une troisième possibilité: les pertes envisagées sont égales au revenu en intérêt de sorte que le bilan final sera nul. C'est le cas lorsque le taux anticipé des fluctuations du taux d'intérêt (qui varie en sens inverse du taux de fluctuation du prix des obligations) est égal au niveau courant du taux d'intérêt. Dans de pareilles circonstances, le montant de son patrimoine détenu sous forme de monnaie sera indifférent à l'individu. Pour un individu faisant de bonnes prévisions sur l'indice futur du taux d'intérêt, la demande spéculative de monnaie est une fonction continue du niveau courant de ce taux. Il y a une valeur fixe du taux courant au-dessus de laquelle le revenu escompté des obligations est positif; en-dessous il est négatif et à égalité il est nul. A leur tour, ces revenus entrainent une demande de monnaie (1) nulle, (2) égale au patrimoine de l'individu et (3) se situant entre ces deux extrêmes. Cependant, pour l'ensemble de l'économie, les individus font des prévisions différentes sur les fluctuations du taux d'intérêt autour de la valeur normale de ce taux. Plus le taux normal est bas, plus la hausse du taux attendue par les individus sera rapide et par suite, plus les individus désireront posséder tout leur patrimoine sous forme de monnaie. De même, plus le taux est élevé, plus la demande spéculative globale sera faible. La fonction de demande spéculative globale de la monnaie devient une fonction négative et continue du taux courant de l'intérêt à condition que la part de monnaie et d'obligations détenue par chaque individu soit insignifiante par rapport au total pour l'économie et qu'il existe à tout moment une certaine divergence d'opinion sur l'indice de variation du taux d'intérêt. 75
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
Dans son expression la plus simple la demande de monnaie de transaction et de précaution est fonction du revenu et la demande de spéculation est fonction du taux courant de l'intérêt et du niveau des richesses. Keynes introduit cette dernière variable parce que la demande de monnaie de spéculation est présentée comme correspondant à la fraction des actifs détenue en espèces. De plus, ces deux fonctions sont considérées comme complémentaires. On obtient alors la fonction de demande de monnaie Md = (kY+À(r)w)p
(5-1)
où W représente le patrimoine réel. Le premier terme à droite entre parenthèses représente les demandes de transaction et de précaution et le second terme la demande de spéculation (3). Si nous limitons l'analyse à de courtes périodes pendant lesquelles le niveau des richesses ne varie pas, on peut tout simplement négliger cette variable et nous avons alors une équation de la demande de monnaie semblable à celle utilisée dans le modèle du chapitre 1 de ce livre. Elle est semblable mais non identique car la partie de l'analyse keynésienne ayant un intérêt particulier pour le comportement du modèle concerne la demande spéculative de monnaie et stipule qu'elle ne peut être en rapport linéaire négatif et constant avec le taux d'intérêt. Examinons ce point de plus près. Un individu peut détenir son patrimoine soit sous forme de monnaie soit sous forme d'obligations selon ses anticipations sur le taux d'intérêt. L'uniformité du rapport négatif entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt provient du fait que les individus font des prévisions différentes sur les fluctuations futures du taux d'intérêt à divers niveaux de cette variable. Plus le taux d'intérêt est bas, plus les individus anticiperont une hausse rapide et plus ils chercheront à détenir de la monnaie plutôt que des obligations. (3) Les parenthèses autour de r dans cette équation indiquent que ).. est une fonction et non un paramètre linéaire. La fonction en question est certes négative mais, comme nous le verrons plus loin, tout l'intérêt de l'analyse keynésienne de la demande spéculative de monnaie est de supposer que le rapport entre la demande spéculative et le taux d'intérêt ne peut être bien défini par une combinaison linéaire constante. Le fait que toute l'expression soit multipliée par P, le niveau des prix, signifie que cette théorie, tout comme les précédentes, est une théorie de la demande de monnaie en termes réels - que, toutes choses étant égales par ailleurs, la demande de monnaie est proportionnelle aux prix. A noter cependant, qu'ici «toute chose égales par ailleurs », comprend le niveau des richesses réelles. Une variation des prix peut entraîner une modification de ceci lorsqu'une personne détient une partie de sa fortune sous forme d'instruments définis en valeur nominale. Ainsi, dire que la demande nominale est proportionnelle aux prix n'est pas la même chose que de dire qu'une variation des prix entraînera une variation proportionnelle de la demande nominale. Ce n'est vrai que si tout le reste n'est pas affecté par les modifications du niveau des prix.
76
i
!
5. THÉORIE QUANTITATIVE MODERNE
De là, il n'y a pas loin à dire avec Keynes qu'à un faible niveau du taux d'intérêt chacun dans l'économie anticipera une hausse suffisamment rapide de celui-ci de sorte qu'il préférera la monnaie aux obligations ou bien leur sera indifférent à tous deux. A ce moment là, la demande globale de monnaie devient parfaitement élastique par rapport au taux d'intérêt. Cette dernière variable ne peut plus diminuer et toute augmentation de la quantité de monnaie sera tout simplement absorbée sans nouvelle baisse du taux. C'est la théorie de la trappe monétaire qui stipule que l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt peut prendre une valeur infinie pour de faibles niveaux de l'intérêt. Comme nous l'avons vu au chapitre 2, cette hypothèse implique que la politique monétaire demeure parfaitement inefficace, la politique budgétaire étant le seul moyen de politique économique. Il faudra comparer avec beaucoup d'attention cette théorie aux tests empiriques. Le théorie de la trappe monétaire, tout en étant le plus étonnant résultat de l'œuvre de Keynes dans l'étude de la demande de monnaie, n'est pas le seul résultat important dans le cadre du modèle décrit à la Section 1. Son analyse de la demande de monnaie de spéculation repose sur l'hypothèse qu'à tout moment il y aura un niveau du taux d'intérêt qu'on pourra considérer comme normal. Rien dans l'analyse ne permet de supposer qu'un tel taux normal puisse être constant dans le temps. Cependant, la quantité de monnaie requise par l'économie pour les besoins spéculatifs dépend du taux d'intérêt courant par rapport à son niveau normal.' Si ce dernier change, la quantité de monnaie demandée variera aussi quelle que soit la valeur du taux d'intérêt. Le modèle suppose donc l'instabilité du rapport dans le temps autour du niveau normal si bien que l'efficacité des politiques monétaire et budgétaire ne peut être établie sur la base d'un modèle supposant ce rapport constant. Encore une fois, ceci constitue une hypothèse qu'il serait intéressant d'approfondir. L'analyse keynésienne de la fonction de demande de monnaie aboutit à des conclusions tout-à-fait contraires à celles énoncées par Fisher. Ce dernier suppose implicitement que la demande de monnaie n'est pas affectée par le taux d'intérêt et qu'elle est dans un rapport constant avec le volume des transactions (et donc du revenu) sur de courtes périodes, ce rapport variant peu à peu sur de plus longues périodes au fur et à mesure qu'évolue le cadre institutionnel des marchés. Tout en admettant la stabilité de la demande 77
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
de monnaie de transaction, Keynes, en suivant la tradition de Cambridge et en considérant le problème de la demande de monnaie comme un problème du comportement en face des choix, avait quelques raisons de croire que la demande globale de monnaie pouvait être dominée par des comportements spéculatifs, à tel point que toute prévision à partir des seuls motifs de transactions serait erronée - voire même tout à fait contradictoire avec la réalité de ses conséquences pour un modèle macroéconomique. L'œuvre de Keynes sur la demande de monnaie constitue le développement d'un aspect de la théorie précédente de Cambridge puisqu'elle est fondée sur une analyse des motifs qui poussent les individus à détenir des encaisses plus approfondies que celle figurant dans les ouvrages de Marshall et de Pigou. L'idée que la demande de monnaie ne doit pas être traitée comme un problème à part mais bien plutôt comme une application particulière de la théorie générale de la demande n'est jamais tout à fait absente de la pensée des économistes de Cambridge. Un autre type d'analyse, souvent appelée la théorie quantitative moderne et dont Milton Friedman [ 12] a donné la meilleure définition, met en évidence cet aspect de l'œuvre de Marshall et Pigou et fait de la théorie générale de la demande le point de départ principal de l'analyse. La contribution de Friedman à la théorie monétaire est précisément de ne pas s'occuper des motifs qui inspirent la détention d'encaisses et d'analyser soigneusement les facteurs qui déterminent la quantité de monnaie désirée par les individus dans différents cas, étant admis que les individus détiennent réellement de la monnaie. Ainsi, il traite la demande de monnaie de la même façon qu'un économiste aborderait tout autre bien durable s'il devait construire un modèle de demande. Il définit une fonction de demande dont la forme est dictée par le désir final de tester empiriquement ses résultats. Friedman commence son analyse en postulant que la monnaie, comme tout autre actif founit à son détenteur un flux de services. Il n'y a pas d'analyse précise des motifs qui sont satisfaits en-dehors de la remarque que ces services résultent du fait que la monnaie est une «source de pouvoir d'achat facilement accessible» (4). Tout ce qui est dit à propos de ces services est que plus il y a d'encaisses, moins ces (4) Un cynique dirait que d'entrer dans les détails d'une telle question équivaut à analyser les motifs du « cube de glace» et du « lait frais» pour l'achat d'un réfrigérateur.
78
1
i
1
s.
THÉORIE QUANTITATIVE MODERNE
services seront significatifs par rapport à ceux des autres actifs. Ceci n'est qu'une application particulière du principe général de la décroissance du taux marginal de substitution entre biens de consommation. Comme pour tout autre cas particulier de la théorie de la demande, l'accent est mis sur l'analyse de la contrainte budgétaire et sur le choix des variables adéquates pour mesurer le coût d'opportunité de la monnaie. Il va sans dire que le patrimoine est la contrainte appropriée pour la détention d'actifs et, par conséquent, pour la demande de monnaie et que les taux des recettes perçues sur les actifs autre que la monnaie constituent dans ce cas son coût d'opportunité. Tout ceci apparaît dans l'œuvre de Marshall et Pigou mais ce qu'on ne trouve pas chez eux c'est un examen minutieux de ce que devrait être la définition du patrimoine à utiliser dans l'analyse empirique de la demande de monnaie, ni même une liste précise des différents taux de rentabilité appropriés. C'est en cela que consiste la contribution de Friedman. Voyons tout d'abord le problème du concept du patrimoine. Le rôle joué par la contrainte budgétaire dans la théorie de la demande est de définir la quantité maximum d'un bien quelconque qui peut être achetée ou, dans le cas d'un actif, la valeur maximum qui peut être détenue. Si un individu devait libérer son actif - biens durables, obligations, etc. il s'en débarrasserait certainement et les remplacerait par de la monnaie. Ce lot d'actifs constitue ce qu'on appelle son patrimoine. Toutefois, si le lecteur veut bien envisager un instant un monde sans restrictions sur les achats et les ventes, il verra que cela n'impose pas une limite maximum au montant de la monnaie détenue. Si un individu reçoit un revenu du travail, il n'y a aucune raison qu'il ne puisse vendre le droit à cette source de revenu et en transformer le produit en monnaie. Tout compte fait, une obligation n'est pas autre chose qu'un droit à un revenu d'intérêt futur et une action un droit sur le revenu futur d'un élément d'un bien de capital. Il n'y a pas beaucoup de différences économiques entre l'échange de tels actifs et l'échange de revenus futurs du travail. Cette façon de voir suppose que le concept du patrimoine dont on a l'habitude de parler en économie doit être élargi pour y inclure aussi la valeur actuelle du revenu du travail ou comme on l'appelle maintenant le capital humain. La précision analytique veut que ce soit là une bonne marche à suivre car l'argument ci-dessus généralise considérablement le concept du patrimoine en établissant très précisément que 79
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
le revenu produit par une source quelconque constitue un revenu i du patrimoine et que celui-ci n'est, ni plus ni moins, que la valeur actualisée d'un flux de revenus. Cependant il y a des arguments pratiques qui supposent : l'existence d'une distinction importante à effectuer pour l'analyse empirique entre le capital humain et la richesse matérielle. • Cette dernière peut être achetée et vendue et il peut y avoir une substitution presque illimitée dans cette catégorie de richesses. Il n'y a toutefois pas de marché du capital humain en-dehors de l'esclavage et, par conséquent, pas beaucoup de i possibilités de substitution entre capital humain et capital physique dans un portefeuille. Néanmoins, il y en a une: un individu est toujours libre de vendre quelque actif et de consacrer le produit de sa vente à des études plus avancées afin d'augmenter sa rentabilité ou, à l'inverse, de négliger son éducation et d'accumuler des richesses physiques. Les' possibilités de telles substitutions sont limitées. La question de savoir si la richesse physique seule n'est pas une meilleure mesure de la contrainte que le patrimoine doit être posée dans le contexte de la demande de monnaie. Il existe certainement un problème ici. La solution de Friedman est de préconiser une définition globale du patrimoine mais, en vue i des problèmes soulevés par l'inexistence du marché humain, sans doute doit-on aussi considérer le rapport des richesses humaines et physiques comme une variable secondaire de la fonction. On suppose alors que, pour un montant donné de richesses globales, plus la composante humaine est grande, plus la demande de monnaie sera élevée afin de compenser l'absence d'un marché du capital humain. Le problème est empirique. D'autres économistes, tout en suivant la thèse fondamentale de Friedman, ont préféré une définition plus étroite, plus conventionnelle. Comme nous le verrons plus loin, le choix du concept le plus approprié peut encore donner lieu à de multiples discussions. Le coût d'opportunité de la monnaie est le profit à gagner par la détention d'obligations, d'actions (au sens de biens durables produisant des services ainsi que les emprunts) et, si l'on incorpore le capital humain dans la contrainte, le rendement de celui-ci. Le principe du taux marginal de substitution décroissant entre la monnaie et les autres actifs veut que, lors- , que la recette d'un seul d'entre ces actifs augmente, la demande . de monnaie diminue. Or, le rendement de ces actifs comporte deux composantes. L'intérêt ou le service qu'ils produisent doit être envisagé en 1
1
1
80
s.
THÉORIE QUANTITATIVE MODERNE
premier lieu, puis la façon dont leurs prix sont supposés varier car les gains (ou les pertes) en capital déjà réalisés font tout aussi bien partie intégrante du coût d'opportunité de la monnaie. Comme on l'a exposé précédemment, le prix d'actifs productifs d'intérêts varie inversement avec le taux d'intérêt du marché si bien qu'on peut utiliser le pourcentage estimé des variations du taux d'intérêt pour évaluer le pourcentage des gains ou pertes obtenus par la détention de ces actifs. Le pourcentage des fluctuations du taux d'intérêt est évidemment de signe contraire à celui du taux de ces gains (OU pertes) ainsi mesurés et doit être soustrait du taux d'intérêt lui-même pour obtenir la recette escomptée sur l'actif correspondant - ce rendement étant ce qui serait perdu si on détient de la monnaie et non des actifs (5). Quoique nous ayons parlé des taux de rendement des différents actifs en tant que variables distinctes, il est clair qu'une modification d'un de ces rendements modifiera les rendements des autres actifs. Si, par exemple, le revenu des obli~gations augmente, il sera plus intéressant de posséder des obligations de sorte que les individus voudront convertir d'autres actifs en obligations et ceci jusqu'au moment où les taux de rendement des différents actifs s'équilibreront à nouveau. Si les taux de rendement des différents actifs varient ensemble, on peut simplifier la fonction de demande de monnaie en choisissant un seul taux qui sera représentatif de l'ensemble des taux. Déterminer ce taux est un problème empirique. Pour l'instant, nous l'appellerons tout simplement le « taux de l'intérêt» et nous l'incorporerons, ainsi que son indice de variation, dans la fonction de demande de monnaie - laissant pour plus tard le soin de trouver la variable empirique correspondante. Si le taux de rendement de la monnaie était constant, on pourrait s'arrêter ici mais si le niveau des prix varie, ce n'est pas possible. En effet, si les prix augmentent, la valeur réelle des encaisses (telle qu'elle est définie en termes nominaux) diminue et vice-versa. Quand les prix augmentent ou diminuent, le rendement de ]a monnaie est négatif ou positif. Si l'on peut prévoir l'indice de variation des prix, cela signifie donc que l'on peut prévoir le rendement de la monnaie et, toutes choses étant égales par ailleurs, plus ce rendement sera élevé plus on détiendra de la monnaie et plus il sera faible moins (5) C'est évidemment la même variable qui est à la keynésienne, mais cela ne veut pas dire que les idées de les mêmes que celles de Keynes. L'étape essentiellement d'intérêt à son niveau normal, ce que Friedman ne fait
81
base de la demande spéculative Friedman développées ici soient keynésienne est de lier le taux pas.
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
il Y aura d'encaisses. Ainsi, l'indice de variation des prix devient une variable importante dans la fonction de demande de monnaie.
Le niveau des prix et son taux de variation doivent être mentionnés ici. Puisque la monnaie est détenue pour les services qu'elle procure à ses détenteurs et puisque ces services proviennent de ce qu'elle est une source de pouvoir d'achat, il s'ensuit que la fonction décrite ci-dessus détermine la demande de monnaie évaluée en unités constantes de pouvoir d'achat. C'est une fonction de demande d'encaisses réelles et si l'on veut la transformer en une fonction de demande nominale, il faut donc la multiplier par le niveau des prix. Le modèle s'écrit alors de la manière suivante, où Md est la demande de monnaie nominale, r: le taux d'intérêt, W: le patrimoine, h: le rapport capital humain sur capital physique, P: le niveau des prix, les dérivées représentent les taux de variations: Md = t
(w, r -
dr ~ dP h) P r dt' P dt'
l
1
(5-2)
les conditions suivantes étant imposées aux relations entre les variables ainsi dénommées. <0
(5-3)
(toutes choses étant égales, plus les rendements des autres actifs sont élevés, plus la demande de monnaie est faible) : ô
(J... dP) <0
(5-4)
P dt
(toutes choses étant égales, plus le taux de variation des prix est important, moins la demande de monnaie est importante): ôMd ÔP
=t(w, r- 1r dt' dr J.. dP) P dt
(5-5)
(toutes choses étant égales, plus le niveau des prix est élevé, plus la demande de monnaie est proportionnellement forte): ôMd
M
>
0
(5-6)
(toutes choses étant égales, plus le rapport du capital humain sur le capital physique est élevé, plus la demande de mon82
!
5. THÉORIE QUANTITATIVE MODERNE
naie est importante). Et comme la monnaie est un bien «normal» par opposition aux biens inférieurs, nous avons aussi: (5-7)
(toute choses étant égales, plus le patrimoine est élevé, plus la demande de monnaie est grande). Ainsi, cette théorie définit les composantes importantes de la demande de monnaie et détermine le signe des dérivées partielles. Cependant, elle ne précise ni la valeur ni l'importance de ces dérivées dont l'étude est laissée à l'analyse empirique. On ne peut en dire plus sur cette présentation du problème de la demande de monnaie sans faire appel à l'analyse empirique et cela n'a rien d'étonnant. On ne s'attend pas à ce que la théorie traditionnelle donne des précisions sur l'importance relative des différents facteurs affectant la demande des autres biens de consommation et il n'y a pas de raison d'en attendre plus pour la demande de monnaie. . Dans l'optique adoptée par la méthode analytique de Friedman, la théorie a atteint son but si elle pose le problème de façon à trier les questions empiriques qui seront utilement posées. Une fois ceci fait, il reste à poursuivre les vérifications empiriques qui permettront de déterminer si les relations entre la demande de monnaie et les variables mentionnées ci-dessus sont importantes et si elles sont constantes dans le temps. Puisque c'est le patrimoine, sans doute défini de façon arbitraire, et non le revenu qui figure dans cette fonction particulière et puisque le taux d'intérêt n'est qu'une des différentes variables ayant quelque importance, ce modèle élaboré d'après les «principes premiers» de la théorie de la demande suggère que la fonction de demande de monnaie utilisée dans le modèle décrit au chapitre 1 pourrait être une bien mauvaise approximation de la réalité. Ainsi, les solutions aux problèmes empiriques soulevés par cette thèse seront d'une très grande utilité.
83
6 les développements récents de la théorie keynésienne de la demande de monnaie Dans les deux chapitres précédents, nous avons examiné des théories de la demande de monnaie qui ont été, dans l'ensemble, élaborées dans le but d'une application macroéconomique. Elles étaient soit explicitement macroéconomiques de par leur formulation, telle l'œuvre de Fisher, soit à l'exemple de la thèse de Friedman, parties d'une fonction de comportement «typique» en supposant implicitement que ce qui est vrai pour un individu l'est aussi pour l'ensemble de l'économie. Or, les théories de la demande de monnaie ne sont pas toutes semblables à ce schéma. L'œuvre récente de Baumol et Tobin, en élargissant l'analyse keynésienne des motifs de transactions et de spéculation, présente des résultats du comportement individuel qui ne sont pas aussi facileIpent transposables, par analogie, à l'ensemble de l'économie. Néanmoins, cette œuvre attire notre attention sur certains facteurs de la 84
6. THÉORIE KEYNÉSIENNE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
décision de détention de la monnaie que nous aurions négligés sinon; pour cette seule raison, il convient de l'étudier. Les études théoriques modernes de la demande de monnaie de transactions dues à Baumol [2] et Tobin [43] cherchent à rendre l'analyse plus rigoureuse et à en déduire des résultats plus précis sur les variables qui la déterminent. Pour obtenir des conclusions précises à partir d'un modèle, il faut en général poser des hypothèses explicites. Celles faites par Baumol sont les suivantes (1). Il analyse le comportement d'un agent économique, que ce soit une société ou un ménage, et il suppose que celui-ci reçoit un revenu une fois par période, par exemple une fois par mois (2). Cependant, l'agent économique doit étaler ses achats dans le temps. On suppose, pour la simplicité de l'analyse, qu'il dépense la totalité de ses recettes à un rythme constant au cours de la période. Ainsi, à tout moment sauf à l'instant final en fin de mois lorsque la dernière dépense est faite, l'individu possède un certain volume d'actifs, la fraction de son revenu non-encore dépensée. Son problème consiste à déterminer comment détenir cet actif, étant donné d'une part qu'il existe des obligations productives d'intérêts qu'il peut acheter au même tifre que les encaisses et, d'autre part, qu'il y a un coût fixe lié à la conversion d'obligations en monnaie. De toute évidence, il essayera de minimiser ses coûts sur toute la période. On peut résoudre ce problème de la manière suivante. Supposons que T est la valeur réelle du revenu de cet individu qui est· aussi égal au montant réel du volume des transactions réalisées; r le taux d'intérêt par période supposé constant sur toute la période; b le coût réel de la conversion des obligations en monnaie (ce que Baumol appelle les «frais de courtage») et K la valeur réelle des obligations transformées en monnaie chaque fois qu'un tel transfert se produit. Les coûts supportés par l'individu ont deux composantes. Tout d'abord, chaque fois qu'il vend des obligations, il doit payer des frais de courtage et puisqu'il dépense tout son revenu et vend ses obligations par lots d'égale valeur K, les débours en frais de courtage seront égaux à b(T / K). En (1) Baumol et Tobin ont travaillé séparément sur ce problème mais sont arrivés à des conclusions très semblables. Des deux, Baumol utilisa une approche du problème un peu plus simple. C'est son analyse qui est suivi ici. Une présentation géométrique du modèle peut être trouvée chez Johnson [21]. A noter aussi que Whalen [47], en rationnalisant la demande de monnaie de précaution chez Keynes, établit un modèle similaire. (2) Le laps de temps réel utilisé est de peu d'importance car il suit de l'analyse présentée ci-dessous que le niveau des encaisses requises pour un niveau donné de revenu annuel est indépendant de la fréquence des paiements. Cf. note 3 de ce chapitre.
85
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
~ême temps, s'il détient de la monnaie à la place d'obligations,
Il doit renoncer aux intérêts et ceci aussi doit évidemment être considéré comme un coût. Puisque le flux des dépenses est constant, la valeur moyenne de monnaie détenue au cours de la période est K12, c'est-à-dire la moitié de ses recettes dues à la vente d'obligations. Ceci, multiplié par le taux d'intérêt de la période, nous donne le coût d'opportunité de la monnaie. Le coût total des transactions peut alors s'écrire avec y le coût: T K "(=b-+,K
(6-1)
2
Or, pour trouver la valeur de K qui mInImise le coût, il suffit de prendre la dérivée de (6-1) par rapport à K, l'égaler à zéro et résoudre. Cela nous donne: 8"( - bT , - = - - +-=0 8K K2 2
de sorte que: K=
(6-2)
12~T
(6-3)
Et puisque la quantité de monnaie détenue au cours de la période a une valeur moyenne de K12, comme nous l'avons vu précédemment, l'équation de la demande de monnaie qui résulte de cette analyse est : (6-4)
C'est-à-dire que la demande d'encaisses de transactions en termes réels est proportionnelle à la racine carrée du volume des transactions et inversement proportionnelle à la racine carrée du taux d'intérêt (3). Cela peut encore s'écrire Md =
~ 12~T ·P=aT"5. ,-.5. P
where a == ~ yu;
(6-5)
(3) Certains lecteurs auront remarqué que ceci n'est qu'une application particulière de la théorie générale bien connue de la gestion de stock. Il faut noter que, d'après l'équation (6-4), une prolongation de la période de revenu, qui entraîne une augmentation de T pour un niveau donné de revenu annuel, provoquera une hausse de r proportionnellement égale, laissant inchangée la demande de monnaie. Le lecteur pourra remarquer aussi que, si l'équation (6-4) semble être une fonction continue, il y a en fait ici un problème d'interprétation. Cette fonction résulte d'un modèle qui suppose que la multiplication de la valeur moyenne des retraits de monnaie par le nombre de ces retraits est exactement égale à T, le volume des transactions. Cette hypothèse donne des limites arbitraires à la valeur de K. Par exemple, la valeur maximum de K est égale à T. Si nous donnons à r la valeur zéro dans l'équation (6-4) et si nous la résolvons pour K, nous pourrions penser qu'un retrait de valeur infinie pourrait en résulter. C'est à Alvin Marty que je dois d'avoir attiré mon attention sur ce problème.
86
6. THÉORIE KEYNÉSIENNE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
Or, le lecteur aura remarqué qu'en établissant cette soidisant «règle de la racine carrée» on ne dit rien d'explicite sur l'utilité de la détention d'encaisses pour effectuer des transactions, ni sur le fait qu'en détenant de la monnaie, on renonce à percevoir des intérêts. L'un des grands apports de la théorie de Baumol est qu'elle ne nécessite pas de tels concepts. Il suppose seulement que la monnaie est un moyen d'échange dans l'économie, qu'il y a un coût impliqué dans la transformation d'actifs productifs d'intérêts en monnaie et qu'il y a des frais de courtage. Si b prend la valeur zéro dans l'équation (6-4), l'expression sera évidemment réduite à zéro, ce qui veut dire que si la vente d'obligations ne comporte pas de coûts, il n'y aura pas de demande de monnaie même pour une économie où elle serait le seul moyen d'échange. Sans frais de courtage, il serait intéressant de synchroniser parfaitement les ventes d'obligations avec l'achat de biens, de sorte que la monnaie ne serait détenue que pendant l'instant où elle passe entre les mains de la personne qui vend des obligations et achète des biens. Les frais de courtage constituent donc une variable capitale. Il est important de l'interpréter avec soin. Il serait erroné de l'interpréter comme étant, dans la pratique, des honoraires facturés par un intermédiaire pour la vente d'actions pour le compte d'un client, car c'est une interprétation trop étroite. Dans le modèle, elle joue le même rôle que n'importe quel autre coût résultant de la vente d'actifs productifs d'intérêts; cela pourrait aussi bien être la peine et le dérangement d'un individu pour vendre lui-même son actif. En simplifiant à l'extrême, s'il est peu pratique d'aller au coin de la rue dans une caisse d'épargne pour y retirer de la monnaie en fonction de ses dépenses, on suppose des frais de courtage si l'on payait quelqu'un pour vendre des titres d'Etat sur un marché financier organisé. En interprétant le concept des frais de courtage de cette manière, le malaise qu'aurait pu avoir le lecteur en pensant qu'il n'est pas réaliste de les considérer comme une valeur fixe plutôt que comme une fraction de la valeur du transfert effectué doit être largement dissipé. Cependant ce point de vue attire l'attention sur le fait que le paiement des revenus est en général effectué sous forme d'encaisses, et non d'obligations, et qu'il est tout à fait justifié d'envisager l'existence de coûts pour l'acquisition d'obligations en début de période. Tant que ce coût ne varie pas avec le montant de l'achat, il ne joue aucun rôle. L'équation (6-1) devient alors: 87
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
T
K
r=b-+r- +g K 2
(6-1 ')
où g est le coût fixe de l'achat des obligations. Puisque g ne varie ni avec le montant, ni avec la fréquence des retraits de monnaie, les valeurs optimum de ces variables sont indépen- ' dantes de g, sauf dans le cas où le coût d'achat est tellement élevé que l'individu préfère garder ses ressources sous forme d'encaisses, si à l'origine il a été payé de cette façon. Toutefois, même modifié de la sorte, le modèle prévoit toujours en général que la demande de monnaie augmentera moins vite que le ' volume des transactions et qu'il y a des économies d'échelle pour les encaisses détenues par un individu (4). Cette hypothèse comporte deux points importants sur le plan macroéconomique. Le premier est que, pour l'ensemble de l'économie, la demande de monnaie dépend de la répartition des revenus aussi bien que du niveau des revenus. Si nous supposons, comme précédemment, que le rapport du volume des transactions effectuées dans l'économie au niveau du revenu national est constant, il est alors évident que plus un montant donné du revenu est concentré dans les mains d'un groupe restreint d'individus, plus la demande de monnaie pour un revenu global donné est faible. Cela résulte de ce que les économies d'échelles étudiées ci-dessus se rapportent à l'individu effectuant des transactions de sorte qu'une seule personne réalisant un volume donné de transactions détiendra moins de monnaie que deux personnes effectuant chacune la moitié de ce même volume. Si la répartition des revenus varie, la demande de monnaie sera aussi modifiée (5). Le second point remarquable de ces économies d'échelle est que la politique monétaire peut avoir plus de poids que (4) On remarquera que dans l'ensemble de l'économie, il est impossible que chacun ne reçoive qu'un seul revenu par période et le dépense de façon régulière. Il y aura toujours quelqu'un qui recevra un flux continu de recettes mais qui effectuera une seule grosse dépense par période. Il est facile de démontrer que tant qu'il y a des frais de courtage, ce type de demande individuelle sera aussi proportionnelle à la racine carrée du volume des transactions et inversement proportionnelle au taux d'intérêt de la période. Ce point est étudié par Baumol [2]. Il faut aussi noter qu'en ajoutant une nouvelle composante aux frais de courtage, on ajoute aussi un terme au niveau des transactions correspondantes. L'élasticité de la demande de monnaie par rapport au volume des transactions nécessaire pour que les économies d'échelle prévues par le modèle deviennent négligeables, est un problème empirique. De toute façon, des efforts considérables ont été entrepris pour rechercher les preuves empiriques de ces économies. (5) Cela ne veut pas dire que les premiers modèles envisagés, fondés sur le concept des transactions, rejettent ce point; ils n'en font rien. Cependant, dans la discussion précédente, il a été implicitement supposé qu'ils aboutissent à une fonction de demande de monnaie pour n'importe quel individu qui est non seulement proportionnelle à son revenu mais est très semblable à celle de toute autre personne. De telles hypothèses permettent de négliger la répartition des revenus pour la mise en équation d'une fonction globale.
88
6. THÉORIE KEYNÉSIENNE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
ne le laissaient supposer les théories antérieures. Etant donné une certaine répartition des revenus, toute augmentation ou diminution de la quantité de monnaie aura plus d'effets sur les revenus en situation de sous-emploi que si la demande de monnaie était proportionnelle aux revenus. Pour un taux d'intérêt donné, doubler la quantité de monnaie, dans le cas de la proportionnalité, nécessite pour absorber l'augmentation un doublement du niveau des revenus. Si l'économie se conforme à la simple «règle de la racine carrée», il en résulterait un quadruplement du revenu réel. Toutefois, en situation de plein-emploi, le niveau des prix variera proportionnellement à la quantité de monnaie tout comme dans les autres modèles car la valeur nominale des transactions ainsi que celle des frais de courtage varient proportionnellement avec le prix établissant un rapport proportionnel entre la demande de monnaie et les prix. Voilà donc ce qui justifie de prendre ce modèle au sérieux. Les résultats précédents laissent supposer non seulement que la fonction linéaire de demande de monnaie utilisée au chapitre 1 peut être une trop grande simplification de la réalité, mais aussi que les caractéristiques d'une fonction qui ne comprend que le niveau des revenus et le taux d'intérêt ne sont pas suffisamment complètes pour lui permettre de faire partie d'un modèle dont on attend des prévisions précises sur une économie quelconque. En particulier, cette théorie moderne de la demande de monnaie de transactions démontre que la répartition des revenus est un facteur dont il faut tenir compte. Toutefois, dans le concept keynésien, la demande de transactions ne constitue qu'une partie de la demande globale et comme nous l'avons vu, la nouveauté de l'approche keynesienne au problème du rôle de la monnaie en macroéconomie résidait dans son analyse de la demande de monnaie de spéculation. Il n'est donc pas surprenant que des recherches aient été effectuées dans cette voie. Comme nous allons le voir maintenant, cette analyse en a été considérablement améliorée. Le motif de spéculation de la monnaie apparaît, d'une part, parce que la valeur en capital de la monnaie ne varie pas avec les modifications du taux d'intérêt à l'inverse des autres actifs financiers et, d'autre part, parce qu'il y a une incertitude sur la variation future du taux d'intérêt. Keynes a résolu ces problèmes en posant que pour choisir entre la monnaie ou les obligations, chaque individu agissait «comme si» il était certain du taux d'intérêt futur et par conséquent, 89
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
détenait soit des obligations soit de la monnaie, suivant ses prévisions. Ce n'est qu'en supposant qu'à tout moment les individus auront des opinions différentes sur les variations de ce taux que Keynes arriva à une relation uniforme pour l'ensemble de l'économie entre la demande de monnaie de spé- ' culation et le taux d'intérêt. Les études modernes sur ce problème, et qui sont dues principalement à Tobin [44], présentent une analyse plus sophistiquée du comportement de l'individu (6). Ceci est de toute évidence nécessaire puisque même un regard rapide montre qu'on ne trouve pas d'individus qui détiennent tout leur patrimoine soit uniquement sous forme de monnaie soit uniquement en obligations ou en tout autre actif. Les individus diversifient plutôt leurs portefeuilles. On ne peut expliquer un tel comportement par une théorie qui stipule que les individus agissent «comme si» ils étaient certains de l'avenir. S'il en était ainsi, ils ne détiendraient que les actifs dont ils escomptent les plus grands bénéfices. Il faut donc expliquer pourquoi les portefeuilles sont diversifiés. La théorie qu'on va maintenant décrire, même si, ici, elle est limitée à l'étude du problème de la diversification entre monnaie et obligations, peut fournir une application très générale de ce problème. La clef de l'analyse se trouve dans une affirmation très simple sur les goûts des individus: les gens considèrent la richesse comme un bien mais envisagent le risque comme un mal, c'est-à-dire comme quelque chose qui réduit la satisfaction que procure la détention de richesse. Pour donner un exemple concret, on suppose que les individus préfèreront, par exemple recevoir 100 $ avec certitude plutôt que 50 $ ou 150 $ avec seulement 50 % de chances. Dans les deux cas, le gain escompté est de 100 $. En effet, dans le premier cas, la somme est certaine et dans le second, si l'offre était acceptée plusieurs fois, la moitié du temps on obtiendrait 50 $ et l'autre moitié 150 $ pour chaque éventualité ce qui donne une moyenne de 100 $. Toutefois, dans le second cas il existe un risque inférent au résultat, ce qui diminue le désir de recevoir les dollars de cette manière. Si le risque était encore plus élevé, mettons (6) L'analyse qui suit n'est pas tout à fait conforme à l'article de Tobin. En particulier, elle diffère lorsqu'elle fait de l'utilité une fonction du patrimoine et des risques anticipés plutôt qu'une fonction du taux de rendement escompté sur un portefeuille et du risque. Cette dernière méthode veut que la composition d'un portefeuille soit indépendante de son volume. que l'élasticité de la demande de monnaie et d'obligations soit égale à l'unité. Cette hypothèse élimine la possibilité attrayante d'un rapport inverse entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt examiné auparavant (pages 72 à 74). Le premier article de Tobin n'est pas d'une grande précision à ce sujet et je suis reconnaissant à Peter Diamond d'avoir tout d'abord attiré mon attention sur quelques-uns des problèmes en cause.
90
6. THÉORIE KEYNÉSIENNE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
que les possibilités soient de 175 $ et 25 $, ce choix serait encore moins désiré (7). Voyons maintenant comment ce concept simple et riche peut s'appliquer au problème de la demande de monnaie de spéculation. Considérons un individu qui reçoit son revenu une fois par période et qui de plus épargne. Entre chaque période, il doit conserver cette épargne sous une forme quelconque. Supposons donc qu'il a le choix entre la monnaie et les obligations. Le niveau des prix étant supposé constant, la monnaie ne peut produire des intérêts ni constituer un risque pour le détenteur. Cependant, puisque les obligations sont productives d'intérêts et sont sujettes à des fluctuations de prix, elles engendrent un profit, quoique celui-ci soit incertain. Ce revenu a deux composantes: les paiements des intérêts dus à l'obligataire dont le montant est connu, et les gains ou pertes en capital qui devront être estimés. Pour simplifier l'analyse, nous supposerons que l'individu, lorsqu'il évalue les probabilités de réaliser des gains ou des pertes sur des obligations le fait de façon à annuler ces gains et ces pertes entre eux. Ainsi, la valeur estimée de la rémunération des obligations devient juste égale au taux d'intérêt du marché (8). Cependant, il y a (7) L'idée d'un échange entre le risque et le rendement provient en fait de ce que l'utilité marginale du patrimoine diminue lorsque le patrimoine s'accroît. Considérons le diagramme suivant où le patrimoine figure sur l'axe des abscisses et l'utilité sur l'axe des ordonnées. Vne offre certaine de 100 $ donne une utilité de V (100 $), alors qu'une probabilité de 1/2 d'obtenir 50 $ ou 150 $ produit une probabilité de 1/2 d'avoir V (50 $) ou V (150 $) car un gain de 50 $ sur un total de 100 $ est moins important qu'une perte de 50 $ sur un montant de 100 $. Ceci est dû à ce que l'utilité marginale du patrimoine est décroissante.
UI$1501 UI$lOOI 0.5UI$1501+0.5UI$501 UI$501
U
~U:fIWI f"
-------;: - - - '/ 1
----:/1 -
1
1
1
1 1 1
:
1
1
1
1
1
1
1
1
L---~--~--~---W
$50
$100
De même un raisonnement analogue démontrera qu'une probabilité de 1/2 d'obtenir 25 $ ou 175 $ produit une utilité encore plus faible. Cette analyse devient plus complexe lorsque des distributions continues sont attachées à de possibles situations éventuelles mais tant que ces distributions sont normales il est posible de faire de l'utilité une fonction du patrimoine et d'étudier l'écart-type de la distribution, cette dernière variable mesurant le risque. (8) Cette hypothèse n'est pas essentielle. Il est possible de prévoir une valeur positive ou négative des gains ou pertes en capital sans pour cela modifier le fond de l'analyse. Toutefois, un tel point de vue complique quelque peu les choses car, dans ce cas, la pente de la contrainte budgétaire dans les figures qui suivent n'est plus donnée par le taux d'intérêt mais par la combinaison du taux d'intérêt avec l'indice des gains escomptés. Le rapport
91
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
un risque sur le profit possible qui peut être évalué par l'écart- i type - une mesure habituelle de la dispersion - de la distri- ' bution de probabilités à partir de laquelle l'individu détermine ses prévisions sur l'évolution future des prix des obligations (9). i Le problème qui se pose alors à l'individu en fin de période est de déterminer la manière dont il va allouer son épargne, dont la valeur est supposée déjà fixée, entre la monnaie et les obligations afin de maximiser l'utilité qu'il espère en retirer. Posséder un nombre important d'obligations augmente les bénéfices réalisables sur l'épargne et puisque cela accroît , le patrimoine dont il espère disposer au cours de la prochaine période, son utilité tend à s'accroître. Or, cela augmente aussi la dispersion des valeurs possibles de son patrimoine dans la période suivante. Plus son portefeuille comportera d'obligations à prix variables plus les fluctuations éventuelles de la valeur de ce portefeuille seront importantes (10). Et puisque le risque diminue l'utilité, 1
1
1
1
1
oL-------------------~--------0'"0
FIGURE (6.1)
entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt obtenu à l'aide de cette théorie devient alors assez obscur sauf si les gains en capital peuvent être reliés au taux d'intérêt, ce qui serait peut-être possible avec la théorie keynésienne. (9) L'usage de l'écart-type de cette distribution n'est pas arbitraire; il est en fait dicté par la théorie de l'utilité qui est à la base du modèle. Sur ce point, le lecteur sceptique peut consulter Tobin [44]. (10) Dans le modèle décrit ici, introduire de nouvelle obligations augmente le risque. Ii n'est pas difficile d'imaginer un modèle dans lequel la monnaie joue le rôle de l'actif aléatoire. Par exemple, si les obligations en question sont réalisables au cours de la période suivante à une valeur donnée en termes réels et si les prix de cette prochaine période sont incertains, c'est la monnaie qui supporte alors le risque. Néanmoins, dans un tel modèle, un individu possède ra quand même un portefeuille diversifié et la demande de monnaie variera quand même avec le taux d'intérêt. Matthew [31) étudie plusieurs aspects de ce genre de problèmes.
92
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
toute introduction de nouvelles obligations dans le portefeuille augmente à la fois la valeur escomptée du patrimoine futur et le risque sur le portefeuille. Quelques figures géométriques permettront d'illustrer ceci et de poursuivre plus avant notre analyse. Dans la figure (6.1), le patrimoine de la période suivante (w) est porté sur l'axe des ordonnées et le risque (J sur l'axe des abscisses. Les courbes lu, Il> etc., sont des courbes d'indifférence dont on connaît bien l'interprétation. Chaque courbe représente le lieu géométrique des combinaisons du patrimoine et du risque entre lesquelles l'individu est indifférent. La pente ascendante à droite de chaque courbe résulte de l'hypothèse selon laquelle un supplément de patrimoine est un « bien» qui augmente l'utilité et que le risque est un «mal» qui diminue cette même utilité. Il s'ensuit que, si son patrimoine est accru, l'individu s'en trouvera satisfait à moins que le risque n'augmente aussi et le maintienne au même niveau de satisfaction qu'auparavant. Pour la même raison, les courbes d'indifférence représentent des paliers d'utilité croissante au fur et à mesure que l'on monte vers la gauche. Une hausse du patrimoine sans risque accru ou une diminution du risque sans baisse corrélative du patrimoine améliore la situation de l'individu. Les courbes sont convexes vers le bas, car on suppose que plus le patrimoine est grand, moins un supplément de richesse attire l'individu et par conséquent plus faible sera l'augmentation du risque qu'il acceptera d'encourir pour accroître son patrimoine. La droite W o - W'j (1 r) représente la contrainte budgétaire qui illustre les combinaisons entre le risque et le patrimoine parmi lesquelles l'individu peut choisir pour constituer son portefeuille. S'il décide de conserver tout son patrimoine sous forme de monnaie, il n'en retirera aucun bénéfice mais il ne supportera plus de risque. Ainsi, la contrainte budgétaire passe par le point W o qui représente la valeur de son patrimoine initial et final s'il ne possède que des encaisses. De même, s'il choisit de détenir des obligations, son patrimoine est égal dans ce cas à W o (l r), où r représente le taux d'intérêt tandis que (Jo est le risque maximum qui puisse être encouru: ce que l'individu devra supporter s'il détient tout son patrimoine sous forme d'obligations. Si l'on suppose que toutes les obligations produisent un même intérêt et engendrent des risques, tout point de W o - W o (1 + r) est disponible au choix de l'individu. Il peut à la fois détenir de la monnaie et des obligations dans son portefeuille. Plus il aura d'obliga-
+
+
93
6. THÉORiE KEYNÉSIENNE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
tions, plus le revenu escompté sera élevé, tandis que le risque qu'il encourt augmentera proportionnellement au volume des obligations détenues dans son portefeuille. Or, le souci de l'individu qui possède un portefeuille est de retirer un maximum d'utilité de son portefeuille, pour un taux d'intérêt et des risques possibles donnés. Son but est d'atteindre la plus haute courbe d'indifférence possible, c'està-dire le point E où la contrainte budgétaire est tangente à la courbe d'indifférence Il' En ce point, il aura un portefeuille composé à la fois de monnaie et d'obligations. L'analyse parvient alors à expliquer la diversification d'un portefeuille mais son intérêt va plus loin, car elle peut être utilisée pour établir le lien entre le taux d'intérêt du marché et la demande de monnaie. w
oL-----------~--~--~----------~ ~o
FIGURE (6.2)
Considérons la figure (6.2) qui est essentiellement la même que la figure (6.1). Si le taux d'intérêt du marché est Y1 plutôt que Yu, le degré du risque engendré par les obligations restant le même, la pente de la contrainte budgétaire devient de toute évidence plus raide. Au lieu d'être en situation d'équilibre en Eu, le propriétaire d'un patrimoine sera satisfait au point El qui dans la figure (6.2) se situe en haut et à droite de Eu. Il gagne plus et encourt plus de risque. Or, si le taux d'intérêt est le même dans les deux cas, il n'en est pas de 94
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
même du risque, si bien que la conclusion qui veut qu'on accepte alors plus de risque implique ipso facto qu'il y a un grand nombre d'obligations détenues à un taux d'intérêt plus élevé, c'est-à-dire qu'à un taux d'intérêt élevé correspond une demande de monnaie faible. Il est possible à partir de cette analyse d'établir pour l'individu une courbe de demande de spéculation qui est continue et dont la pente est inclinée vers le bas, à l'inverse de la théorie keynésienne qui n'obtient une relation continue que pour l'ensemble de l'économie. w
w
woll +'il 1 - - - - - - - , 1 '
o~--~~-~----u
o~---~-~----u
(a)
(b)
(6.3). - (a) Un schéma d'indifférence qui produit une demande de monnaie supérieure pour des taux d'intérêt plus élevés. (b) Un schéma d'indifférence qui produit la même demande de monnaie pour des taux d'intérêt différents
FIGURE
Il n'est pas nécessaire que la pente soit négative car sa nature dépend des courbes· d'indifférence dont elle découle. Il est possible de dessiner celles-ci de telle façon qu'à un taux d'intérêt plus élevé le risque soit moindre, c'est-à-dire qu'une plus grande quantité de monnaie sera détenue ou tout au moins la même quantité. La figure (6.3) décrit ces diverses possibilités. La nature de la fonction de demande de monnaie obtenue par cette analyse dépend de la nature du schéma d'indifférence qui en est le fondement; son étude relève de l'examen empirique plutôt que de la théorie. Cela ne doit pas surprendre car de telles conclusions sont fréquentes en économie (11). (11) Un exemple très connu de ceci est la possibilité d'une courbe d'offre d'emploi ayant une pente «concave ». En effet, dans la figure (6.1) il suffit de substituer le revenu à w sur l'axe des ordonnées et le nombre d'heures de travail à ". sur l'axe des abscisses, de remplacer la contrainte budgétaire par le revenu autre que les salaires et d'interpréter la pente de cette droite comme étant le taux des salaires pour obtenir un modèle analogue.
95
6. THÉORIE KEYNÉSIENNE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
Ceci n'est ni plus ni moins que le cas où l'effet de substitution et reflet de revenu (qu'il serait préférable d'appeler ici l'effet-richesse) agissent en sens contraire. Considérons la figure (6.4) qui reprend la figure (6.2). Le passage de Eo à El ' peut être considéré comme étant en partie un déplacement
Wo
O~------~--~~----~-------u
a
(6.4). - La distance a représente l'effet de substitution, b l'effet richesse et a + b l'effet total d'un taux d'intérêt ri plutôt que ro
FIGURE
autour d'une courbe d'indifférence et en partie le passage à une courbe supérieure. L'effet de subtitution Eo - El signifie très nettement qu'on détient moins de monnaie pour un taux d'intérêt plus élevé, mais l'effet richesse E~ -- El peut aller dans les deux sens. Tant qu'un accroissement du patrimoine amène les individus à désirer plus d'obligations, l'eflet-richesse, pour un taux d'intérêt plus fort, renforcera l'effet de substitution et augmentera le volume d'obligations détenues, et par conséquent les individus détiendront moins de monnaie. Puisque ceci semble être un postulat valable sur la nature du rapport entre le niveau du patrimoine et la demande d'obligations, la possibilité d'une relation perverse entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt est virtuellement inexistante. Il faut préciser que nous étudions ici la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt pour un individu ayant un montant donné de richesses à allouer entre la monnaie et les obligations. Ce n'est pas nécessairement la même chose que le rapport entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt lorsque celui-ci varie. En effet, des variations du taux 96
THÉORIES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
d'intérêt n'affecteront pas les patrimoines des individus ne possédant pas d'obligations au moment où le taux varie. Par contre, pour ceux qui détiennent des obligations, une hausse du taux d'intérêt entraîne une diminution de richesse, et viceversa. Pourvu que la demande de monnaie varie dans le même sens que le patrimoine et que la monnaie ait une élasticité positive de demande par rapport au patrimoine, ces effets renforceront encore la tendance négative du rapport entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt déjà examiné.
w
~(1+~1~------------~~----~~
O~---------------L------~-----~ ~o
FIGURE
(6.5). L'effet d'un accroissement du risque inhérent aux obligations provoque un déplacement de En à El
On peut également étudier l'effet des modifications du risque sur la demande de monnaie. D'après nos graphiques, un accroissement du risque entraîne un déplacement de cro vers la droite, de sorte que la contrainte budgétaire devient moins aiguë pour un taux d'intérêt donné. La figure (6.5) illustre ceci. Le lecteur verra aisément qu'un risque plus grand produit un effet en tout point équivalent à un taux d'intérêt plus faible en augmentant la quantité de monnaie demandée. De même, une diminution du risque provoquera une baisse de la demande de monnaie. Ces résultats sont tout à fait plausibles. C'est le taux d'intérêt qui fait que les obligations sont intéressantes à posséder et le risque diminue leur caractère désirable. Une hausse du taux d'intérêt et une baisse du risque sont deux 97
6. THÉORIE KEYNÉSIENNE DE LA DEMANDE DE MONNAIE
moyens de rendre les obligations désirables et il n'est pas surprenant qu'elles agissent de la même manière. Nous avons donc ici une théorie de la demande de monnaie de spéculation pour un individu. Elle stipule que la demande dépend du patrimoine de l'individu, du taux d'intérêt qui représente dans cette théorie le bénéfice escompté sur les obligations pendant une période, et l'écart-type de la distribution des probabilités attribuées par l'individu aux taux possibles des gains ou pertes en capital, c'est-à-dire le risque lié aux obligations. Quoique rien ici ne soit explicitement dit sur le niveau des prix, il est évident que la fonction d'utilité liée à cette analyse et qui fait de l'utilité une fonction du patrimoine réel, est une fonction dans laquelle la demande de monnaie évaluée en termes nominaux est proportionnelle au niveau des prix, toutes choses étant égales par ailleurs (12). Or, il s'agit d'une théorie du comportement de l'individu et, par conséquent, d'une partie seulement de la fonction globaIe de demande de monnaie, de sorte qu'il ne faut pas s'attendre à ce qu'elle nous renseigne beaucoup sur la fonction globale. Néanmoins, étant donné qu'il s'agit d'une théorie qui explique la diversification des portefeuilles, il n'est guère douteux que les mobiles spéculatifs - importants pour l'ensemble de l'économie - seront mieux analysés à l'aide d'un tel modèle qu'à travers l'analyse keynésienne. Cette dernière ne considère pas l'existence de portefeuilles diversifiés. Mais cependant, ce genre d'analyse ne nous avance guère. Elle ne fait que stipuler qu'il serait sans doute profitable d'inclure dans la fonction de demande de monnaie l'estimation économique du risque attaché aux actifs autres que la monnaie. L'importance réelle de ce type d'analyse ne se situe pas dans sa conception de l'économie de l'ensemble mais dans ce qu'elle représente une thèse intéressante sur l'établissement d'une relation entre la demande de monnaie et l'existence du risque, thèse qui offre sans doute de grandes possibilités de développement dans l'avenir.
(12) Mais n'oubliez pas que ce n'est pas la même chose de dire que «la demande de monnaie est proportionnelle au niveau des prix» (toutes choses étant égales) que de dire qu'« une variation des prix entraînera nécessairement une variation proportionnelle de la demande de monnaie ». Les «autres choses» peuvent ne pas rester égales. (Cf. note 4, chapitre 6).
98
' : '
, :
LES VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
7 les données Avant d'aborder l'étude empirique, il faut parler des données qu'elle emploie ainsi que des techniques statistiques utilisées. Au cours des études théoriques précédentes, nous avons parlé de monnaie, de taux d'intérêt. de patrimoine, etc .. en supposant ces notions bien définies. Le lecteur sait sans doute en gros ce qu'on entend par chacun de ces mots, ce qui suffit pour la compréhension de la logique des théories. Cependant, pour entreprendre des tests empiriques, il faut donner des définitions précises à chaque terme afin de rassembler les données et d'établir des hypothèses empiriques précises sur les différents modèles de la demande de monnaie. Voyons tout d'abord le problème de la définition empirique de la variable «monnaie». Il n'y a pas dans le monde de distinction bien établie entre «monnaie» et «autres actifs », mais seulement un spectre d'actifs dont certains sont plus proches que d'autres de l'idée qu'on se fait de la monnaie. Si certaines théories sont assez explicites sur la distinction à établir entre ces actifs, d'autres ne le sont pas. Les théories fondées explicitement sur le motif de transactions mettent 101
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
l'accent sur le fait qu'il existe une demande de monnaie parce que la monnaie est un moyen d'échange à l'inverse des autres actifs. Ce sont des théories de la demande d'actifs facilement acceptés et transférables dans les transactions de tous les jours. Le concept monétaire auquel elles se réfèrent est aisément définissable dans le contexte de l'économie. Il n'y a que deux actifs qui possèdent cette caractéristique. Ce sont les espèces et les dépôts à vue bancaires. L'ensemble de ces actifs disponibles à tout moment pour le public constitue l'évaluation du stock monétaire pour les théories de la demande de monnaie de transactions. Mais toutes les théories ne sont pas fondées sur le motif de transaction. Les théories de la demande de monnaie de spéculation ignorent totalement cette caractéristique (la monnaie comme moyen d'échange) et insistent au contraire sur le fait que la monnaie est un actif dont la valeur intrinsèque ne varie pas avec le taux d'intérêt. Les dépôts à vue et les espèces possèdent, certes, cette autre caractéristique mais ne sont pas les seuls actifs à la posséder. De ce point de vue, les dépôts à terme bancaires, les dépôts dans les caisses d'épargne et les bons des caisses d'épargne représentent tout autant de la «monnaie» (1). Les théories qui ne considèrent la monnaie que comme un actif produisant un flux de services à leur détenteur posent, elles aussi, des problèmes. Tout actif produit des services. Définir un type d'actif comme étant de la monnaie et un autre comme tout ce qui n'est pas de la monnaie, c'est prétendre que les services rendus par les différents actifs de la première catégorie sont suffisamment semblables les uns aux autres pour qu'il soit possible de les traiter comme un seul actif mais assez différents de ceux produits par d'autres actifs pour que ces derniers ne soient pas éligibles au classement de la première catégorie. C'est le détenteur d'actifs et non l'économiste étudiant son comportement qui détermine quels actifs sont de bons substituts les uns des autres et quels actifs ne le sont pas. Le seul moyen de savoir ce que pensent les détenteurs d'actifs est d'étudier leurs comportements. Dans le cadre de cette approche plus générale du problème de la demande de monnaie, la définition correcte de la monnaie devient un problème empirique. (1) Ces derniers actifs produisent un intérêt pour leurs détenteurs qui est supeneur à celui sur les dépôts à vue et les espèces (pour lesquels le taux est égal à zéro). Le fait que les individus détiennent des espèces et des dépôts à vue en quantité appréciable élimine immédiatement la possibilité que le motif de spéculation soit le seul motif de la détention de monnaie. Mais cela ne signifie pas qu'il ne soit pas important.
102
7. DONNÉES
Or, si l'économiste souhaite examiner la nature de la fonction de demande de monnaie et s'il est convaincu d'avance que le motif des transactions domine la fonction, il définira la monnaie comme, d'une part les espèces détenues par le public et d'autre part, les dépôts à vue. Toutefois, l'un des principaux buts de la recherche empirique est de découvrir si le motif de transactions domine en fait la fonction. L'on ne pourra guère résoudre le problème en supposant la solution connue dès l'élaboration du test. Ainsi plusieurs définitions de la monnaie ont été utilisées lors des vérifications empiriques des théories de la demande de monnaie. La majeure partie des travaux empiriques a limité les définitions employées aux espèces plus les dépôts à vue, ou aux espèces plus les dépôts à vue plus les dépôts à terme. Il est tout-à-fait justifié de limiter les définitions de la monnaie car les théories empiriques, non seulement clarifient la théorie de la demande de monnaie en tant que telle, mais aussi sont supposées indiquer les effets de la politique économique et en particulier de la politique monétaire. Il est donc souhaitable de connaître le rôle joué dans l'économie par les actifs dont le volume peut être contrôlé par les autorités monétaires: ce sont le volume de la monnaie en circulation et le volume des exigibilités des banques. Ainsi, il n'est pas illogique de se concentrer sur ces actifs à l'exclusion des autres, quoique évidemment s'il s'était avéré qu'une fonction constante de la demande de monnaie ne pouvait être établie sans élargir le concept monétaire on n'aurait pas pu s'arrêter là. Cependant, dans le cas présent, il ne semble pas nécessaire d'étendre davantage la définition de la monnaie car, comme nous le verrons plus loin, on peut trouver des fonctions constantes dont les unes adoptent une définition qui exclut les dépôts à terme et d'autres les incluent. Il n'est pas facile d'évaluer le patrimoine. Si l'on se contente de limiter la définition au patrimoine physique, il existe bien des éléments pour l'économie américaine qui permettent d'établir une série mesurant le stock des actifs détenus par le secteur privé de l'économie (2). Toutefois, comme il a (2) Il y a ici un problème concernant le degré de consolidation des éléments du patrimoine nécessaire à l'établissement d'un chiffre global. Par exemple: si des ménages possèdent des participations dans les sociétés comme cela arrive, et si l'on suppose que le patrimoine des ménages constitue la contrainte sur la quantité de monnaie détenue par eux et que la richesse des sociétés est la contrainte sur leurs encaisses, doit-on pour obtenir le total des contraintes sur la monnaie détenue par les ménages et les sociétés, ignorer le fait que le patrimoine des sociétés est inclu dans le patrimoine des ménages constituant le portefeuille de ces derniers? Doit-on ajouter tout simplement les deux sortes de patrimoine ou doit-on retirer tous les éléments doubles du patrimoine total de ces deux secteurs? Il n'existe pas de
103
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
été dit plus tôt, Friedman pensait qu'il fallait utiliser un concept plus large comprenant le capital humain et le patrimoine physique pour évaluer la contrainte patrimoniale de la demande de monnaie. L'estimation par des moyens directs de cette contrainte soulève d'innombrables difficultés. Il est heureux qu'on ait trouvé un moyen relativement direct de contourner ce& difficultés. Le patrimoine est la valeur actualisée du revenu futur. Tant que le taux d'actualisation est supposé constant, le patrimoine va varier exactement de la même manière que le revenu. Si le revenu s'accroît de 10 %, le patrimoine augmentera d'autant; si le revenu baisse, le patrimoine diminuera aussi. On s'intéresse surtout à l'étude du rapport entre les variations du niveau des richesses et les variations de la demande de monnaie et de ce fait, il est tout-à-fait indifférent d'utiliser comme substitut à cette variable, les richesses évaluées directeme.nt ou le revenu escompté. Si le revenu escompté était un concept difficile à mesurer, cette substitution ne serait pas d'une grande utilité. Cependant, il s'est avéré que souvent dans une étude empirique, la valeur future d'une variable peut être utilement estimée en prenant une moyenne pondérée exponentielle des valeurs passées et présentes de cette variable. L'hypothèse très simple à la base de ce processus est ni plus ni moins que les individus prennent en considération les expériences passées et plus particulièrement du passé récent pour essayer de prévoir l'avenir. Que cette procédure soit bonne ou mauvaise relève de l'analyse empirique, mais en ce qui concerne l'évaluation du revenu escompté ou «permanent» (comme on l'appelera dorénavant), une moyenne pondérée exponentielle des niveaux passés et présents du produit national net semble donner des résultats satisfaisants. C'est la variable qui a été employée dans les travaux empiriques comme substitut au concept plus général de la richesse élaboré par la théorie de la demande de monnaie de Friedman (3). réponse théorique à cette question mais l'œuvre empirique de Meltzer [32] semble démontrer que les résultats obtenus ne sont pas sensiblement affectés par le degré d'une telle consolidation dans les données utilisées. Ainsi, la thèse la plus simple a été adoptée et l'usage maintenant est de définir le patrimoine comme valeur nette consolidée du secteur privé y compris la dette publique détenue par ce secteur. Les travaux de Meltzer semblent montrer qu'il y a une différence dans les résultats obtenus lorsqu'on dit que le secteur privé «possède >} le gouvernement et par conséquent lorsqu'on ajoute l'actif public au lieu de la dette de l'Etat à l'actif du secteur privé. Toutefois, certains résultats de cet auteur semblent aller à l'encontre de cette conclusion. Envisager la dette publique comme une ressource nette du secteur privé revient à la définir comme étant une richesse « extérieure >}. (Voir Titre 1 Appendice B). (3) Cette même variable s'est très bien comportée dans la fonction de consommation et a été en fait, à l'origine, développée à partir des travaux dans ce secteur. Voir Friedman [13].
104
7. DONNÉES
Une autre variable qui nécessite quelques explications est le rendement des actifs autres que la monnaie. Le problème principal ici est de déterminer de quels actifs il s'agit. Le choix est limité à deux séries pour les Etats-Unis, en raison surtout de la disponibilité des renseignements sur de longues périodes, quoique le rendement des bons des caisses d'épargne ait été utilisé pour la période après la deuxième guerre mondiale. Les séries employées pour les études de plus longue durée sont le rendement des obligations à 20 ans et le rendement du papier commercial à 4 ou 6 mois. Ce sont les recettes à percevoir sur des effets remboursables sur 20 ans (ou 4 à 6 mois), ces recettes étant par définition le rapport du revenu moyen annuel à gagner par la possession de l'instrument en question jusqu'à sa maturité, au prix courant du marché. Ce rendement comprend donc toute modification qui pourra se produire dans le prix de l'actif afin d'amener son prix courant au niveau de son prix à échéance. Il se trouve que les deux séries en question évoluent très étroitement dans le temps, et l'une et l'autre peuvent être prises pour étudier l'importance du taux d'intérêt dans la fonction de demande de monnaie. Cependant, pour certains problèmes, il est important de savoir lequel de ces taux est plus étroitement 1ié à la demande de monnaie. Il existe des arguments a priori tout à fait acceptables pour justifier l'une ou l'autre de ces séries. D'une part, certains économistes disent -que le taux à long terme est préférable parce qu'il est plus représentatif du taux moyen de la rémunération du capital à tout moment dans l'économie. Il est donc un meilleur indicateur du coût d'opportunité global de la monnaie que le rendement des dettes commerciales à court terme. D'autre part, certains économistes pensent que ces derniers qui ont une courte échéance sont de meilleurs substituts à la monnaie que ne le sont les obligations à plus long terme, si bien que leur rendement est particulièrement intéressant parmi toutes les possibilités qui sont exclues par les encaisses. Chacun de ces arguments a du mérite mais ils ne tiennent pas comptes des nombreux travaux effectués récemment sur le problème de la structure des taux d'intérêt, l'inter-relation des recettes d'actifs à échéances variables. La théorie de la structure des taux d'intérêt la plus satisfaisante est celle qui repose sur l'hypothèse selon laquelle les revenus périodiques prévus pour des actifs à échéances multiples tendent (avec un ajustement approprié pour le risque) à s'égaliser sur le marché. Le revenu escompté à percevoir toutes les semaines sur, mettons, des obligations à 20 ans tend à être égal à celui perçu sur des titres à échéances variables. Ce revenu 105
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
périodique escompté comprend évidemment les gains ou pertes en capital réalisés pendant la période. Or, si c'est le cas - et si la période prévue pour la détention d'encaisses et d'obligations est courte au sens où les décisions de posséder de la monnaie ou des obligations ne lient pas irrévocablement pour de longues périodes de temps celui qui les prend - , alors les revenus escomptés sur les différents actifs pendant une courte période constituent les coûts d'opportunité correspondants de la monnaie. Si la théorie de la structure des taux mentionnée ci-dessus est exacte, le revenu de l'un quelconque de ces actifs serait plus ou moins égal au revenu de tout autre actif. Le rendement d'un effet commercial à 4 ou 6 mois est donc sans doute mieux approprié pour mesurer les recettes périodiques à court terme des actifs autres que la monnaie, et par conséquent du coût d'opportunité correspondant de la monnaie que ne l'est le rendement des obligations à 20 ans (4). Certes, ceci est un problème empirique et les deux taux d'intérêt ont été utilisés dans différents tests. Il faut noter que la discussion précédente sur les propriétés du taux d'intérêt à court terme signifie qu'il existe des actifs pour lesquels le taux de rendement au cours de la période est sujet à très peu d'incertitude. A son tour, ceci fait penser que les théories de la demande de monnaie de spéculation ont peu de champ d'application dans la pratique à cause de l'existence même de ces actifs. Ce point relève toutefois de l'étude empirique, car il n'y a aucun moyen de savoir ce que constitue «très peu d'incertitude ». La seule autre variable d'importance employée par les tests utilisant les statistiques américaines est le niveau du revenu qui non seulement représente un substitut du volume des transactions dans beaucoup de théories mais nécessite aussi plus d'attention parce qu'elle constitue l'un des principaux éléments de la fonction de demande de monnaie utilisée dans le modèle macro-économique type du Titre I. L'évaluation de cette variable soulève peu de problèmes puisque les deux séries - les données du produit national brut et net qui ont été employées - évoluent si étroitement ensemble qu'il est pratiquement indifférent dans les résultats obtenus de prendre l'une ou l'autre. Le lecteur remarquera qu'on n'a pas mentionné ici certains facteurs tels que la répartition du revenu et le risque inhérent aux obligations, pour n'en citer que deux. La raison en est très (4) Le lecteur intéressé par un examen plus approfondi trouvera une bonne introduction à la théorie de la structure des échéances chez Michaelson [34].
106
7. DONNÉES
simple: on n'a jamais essayé de les incorporer directement dans les tests de la fonction de demande de monnaie. Ceci s'explique sans doute, d'une part parce qu'il est difficile de donner à ces variables une définition quantitative précise, bien que l'on puisse espérer que ce ne soit pas impossible, mais surtout parce que les économistes qui ont travaillé sur la fonction de demande de monnaie ne se sont tout simplement pas encore intéressés aux rôles que pouvaient jouer ces variables. En dehors de cette simple remarque, nous manquons ici de place pour poursuivre plus loin la discussion. Il existe des statistiques pour l'économie des Etats-Unis sur la plupart des variables utilisées qui remontent à 1900 et dans certains cas jusqu'en 1869. C'est un point important qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on jugera de l'importance des tests empiriques qui seront décrits au chapitre suivant, car c'est une période fertile en expériences monétaires. Toute théorie qui se comporte bien au cours de la période après 1900 pour l'économie américaine est une théorie capable d'expliquer la demande de monnaie dans de nombreuses situations. Jusqu'en 1913, la quantité de monnaie aux Etats-Unis était déterminée par le mécanisme du flux international des espèces, car le pays se référait au système de l'étalon-or et il n'y avait pas de banque centrale. Il n'y avait virtuellement pas de politique monétaire au sens moderne du terme sous le National Banking System. La création du Federal Reserve System en 1913 changea ceci et l'histoire monétaire du pays à compter de cette date a été très variée au fur et à mesure que la banque centrale apprenait à manier la politique monétaire (ou peut-être à s'abstenir de toute intervention). La première tentative réfléchie de la part des autorités pour contrôler l'économie fut suivie presque immédiatement par la courte mais violente chute des affaires de 1920-1921, elle-même suivie par la croissance remarquablement régulière et presque non-inflationniste des années 1920. 1929 a vu le commencement de ce qui a été sans doute la plus terrible dépression économique de l'histoire américaine, dépression qui ne prit réellement fin qu'avec le début de la deuxième guerre mondiale. Des années 1946 à nos jours, il y eut au contraire une période de croissance inégalée dans l'histoire du pays, d'une part par l'étendue de la période de référence et, d'autre part, par le peu d'amplitude des variations cycliques du revenu et de l'emploi qui l'ont accompagnée. En somme, pratiquement tous les types d'expériences monétaires, sauf l'hyperinflation, se sont manifestés aux Etats-Unis depuis 1900. Une théorie ayant de bonnes 107
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
performances dans le contexte de telles statistiques a passé un test des plus rigoureux (5). En fait, tous les tests dont je parlerai au chapitre suivant sont fondés sur l'analyse de la régression et de la corrélation. C'est une méthode bien connue qui consiste à adapter les relations fonctionnelles aux statistiques. Il n'y a pas de place ici pour entrer dans les détails d'une telle méthode. Toutefois, il y a un aspect de cette technique particulièrement pertinent pour notre problème qui doit être exposé ici. C'est le problème de l'identification. La quantité de monnaie demandée n'est pas une variable que l'on peut observer. Seule la quantité de monnaie offerte peut être mesurée et ce n'est qu'en supposant l'équilibre sur le marché monétaire que ce second concept peut servir à évaluer le premier. Il existe aussi une fonction d'offre de monnaie et la question se pose de savoir si, en reliant la quantité de monnaie à différentes variables, l'on ne mesure pas en fait, par inadvertance, cette fonction d'offre ou bien les effets combinés des deux fonctions au lieu de la seule fonction de demande. r
O~----------------------------M
FIGURE (7.1)
Un graphique nous aidera à mieux saiSir ce problème. Dans la figure (7.1), nous avons représenté la demande de monnaie comme une fonction négative du taux d'intérêt et l'offre comme une fonction positive du taux d'intérêt. Le problème est alors de mesurer le rapport entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt à partir des observations faites sur le (5) Un récit extrêmement détaillé, pour ne pas dire indigeste, de tout ceci se trouve dans l'ouvrage de Friedman et Schwartz [15].
108
7. DONNÉES
marché. Comme le montre la figure (7.2), ceci ne sera possible que si seule la fonction d'offre se déplace tandis que la fonction de demande demeure fixe (plan (a)). Si c'est la fonction de demande qui se déplace, la courbe d'offre sera celle décrite par le plan (b), alors que si les deux courbes se déplacent, la situation du plan (c) apparaît et l'on obtient une dispersion se situant entre les deux courbes qui ne nous renseigne guère sur l'une ou l'autre. A ce moment-là, on peut toujours, à l'aide de l'analyse de régression, leur adjoindre une fonction telle que la droite FF. r
r
Md
oL...------------------Md
L------------------M (a J
(b J
r
~----~----------M (c J
FIGURE (7.2). (a) Seule la courbe d'offre se déplace, garantissant ainsi que toutes les observations (marquées d'une croix) sont bien sur la même courbe de demande. (b) Seule la courbe de demande se déplace de sorte que les observations décrivent la courbe d'offre. (c) Les deux courbes se déplacent fournissant un ensemble d'observations qui produiront, si une analyse de régression leur est appliquée, une courbe telle que FF qui n'est ni une fonction d'offre ni une fonction de demande. M est une variable-facteur ici
Il s'agit ici d'un cas à deux variables mais le problème est le même dès qu'il y a plus d'une variable dans l'analyse de la demande de monnaie. Il faut être certain de deux choses avant de pouvoir tirer des conclusions sur la quantité de monnaie, les 109
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
relier au niveau du revenu et au taux d'intérêt et appeler le résultat une fonction de demande de monanie. Tout d'abord, il faut s'assurer que la fonction d'offre varie indépendamment de la fonction de demande de monnaie, que la fonction d'offre possède au moins une variable qui n'apparaît pas dans la fonction de demande. Ce n'est pas difficile d'établir ce point puisque le niveau des réserves mises à la disposition du système bancaire par la banque centrale figure de façon prééminente dans toute théorie de l'offre de monnaie alors qu'elle n'apparaît dans aucune théorie de la demande. Il y a aussi , de nombreuses preuves que cette variable varie dans le temps, nous assurant la possibilité d'obtenir des informations aux différents points de la courbe de demande de monnaie. Le second point dont il faut s'assurer est que toutes ces observations se situent bien sur la même fonction de demande. Ce n'est pas suffisant de supposer que la fonction d'offre de monnaie varie indépendamment de la fonction de demande; il faut supposer de plus que cette dernière demeure fixe entre les observations (6). On ne peut s'attendre à ce que la relation entre la demande de monnaie et le niveau du revenu (ou patrimoine) et le taux d'intérêt demeure constante à travers le temps que si ce sont les deux seules variables déterminant la demande de monnaie. S'il y a une ou plusieurs autres variables d'importance dans la fonction de demande et si elles sont omises de cette fonction, l'on se retrouvera alors dans la situation décrite dans la figure (7.2 c). L'importance des autres variables ne peut être éliminée a priori. En effet, tout ce qui n'est pas une fonction parfaitement stable va créer un problème de sorte qu'il faut trouver un moyen de résoudre cette difficulté. Heureusement, certains économistes ont utilisé dans leurs études du marché monétaire des techniques qui surmontent cette difficulté en permettant l'ajustement simultané des fonctions d'offre et de demande. D'autres, y compris moi-même, ont employé des techniques plus simples et dans cette mesure les résultats obtenus sont suspects. Néanmoins, comme nous le verrons plus loin, il existe de nombreuses preuves démontrant que les résultats afférents à la demande de monnaie ne sont pas en fait modifiés de beaucoup ni de manière importante 1
(6) Si l'offre de monnaie était tout à fait exogène, c'est-à-dire si elle ne dépendait en aucune façon d'une variable qui détermine aussi la demande de monnaie, les variations de la fonction de demande ne nous empêcheraient pas de mesurer avec précision ses paramètres. Il est intéressant de noter, d'après la figure (7.2 c), que plus la fonction de demande varie par rapport à l'offre, plus la droite FF sera proche de la fonction d'offre et vice-versa.
110
7. DONNÉES
lorsque l'on tient compte explicitement de l'offre. Ainsi, au chapitre suivant, je tiendrai pour dignes de foi les résultats des tests qui ne tiennent pas compte de ce problème. Le problème de l'identification n'est certes pas la seule difficulté statistique que l'on rencontre au cours des travaux empiriques sur la fonction de demande de monnaie. De nombreux autres problèmes se posent dans l'interprétation des résultats mais ils ne sont pas d'une portée aussi générale que le problème de l'identification et seront mieux traités au fur et à mesure qu'ils apparaissent. Poursuivons donc maintenant l'étude de la théorie empirique elle-même.
111
8 les tests empiriques Les chapitres précédents ont soulevé un certain nombre de questions intéressantes sur la fonction de demande de monnaie. Les plus importantes peuvent s'énumérer comme suit : 1. Le taux d'intérêt est-il une variable importante de la fonction? 2. L'élasticité de la demande de monnaie par rapport à l'intérêt peut-elle devenir infinie ? 3. Mis à part le taux d'intérêt, faut-il inclure dans la fonction de demande de monnaie le revenu ou le patrimoine (ou les deux suivant la théorie keynésienne) ? 4. La demande nominale de monnaie est-elle proportionnelle au niveau des prix ? 5. La relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt est-elle constante dans le temps ou varie-t-elle avec les variations du risque inhérent aux obligations ou du niveau «normal» du taux d'intérêt? 6. Existe-t-il des preuves que d'autres variables dont il n'est pas fait mention ici doivent être incluses dans la fonction? 112
8. TESTS EMPIRIQUES
7. Existe-t-il des preuves attestant l'existence d'économies d'échelle pour les encaisses comme le suggèrent les théories modernes de la demande de monnaie de transaction? 8. Le taux d'intérêt de la demande de monnaie est-il un taux à court ou à long terme ? 9. La notion de patrimoine comprend-t-elle ou non le capital humain? 10. La monnaie est-elle mieux définie lorsque 1'on inclut ou lorsque 1'on exclut les dépôts à terme? Comme on peut s'y attendre, la valeur qualitative des réponses qu'on peut donner à ces questions varie de 1'absolue certitude à l'incertitude expérimentale. Une difficulté propre au test des hypothèses du comportement économique est 1'impossibilité de maintenir « toutes choses égales» pour n'étudier qu'une seule relation à la fois. Le monde ne fournit pas de statistiques aussi pratiques. Pour analyser une relation particulière, il est nécessaire de faire des hypothèses sur la nature des autres relations. On ne peut pas étudier la relation, disons, entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt avec les statistiques fournies par l'économie des Etats-Unis sans introduire une variable telle que le revenu ou le patrimoine dans la fonction appropriée. Le résultat d'un tel test dépendra très nettement du choix de cette autre variable et de la forme particulière de la fonction adoptée. Il se trouve que les réponses obtenues à certaines questions posées ci-dessus ne sont pas affectées par ce genre de problème. Les résultats sont les mêmes quelles que soient les autres variables introduites ou la forme de la fonction utilisée, et ceci est vrai pour bon nombre de points, ce qui est encourageant. Ainsi, 1'importance du taux d'intérêt pour la demande de monnaie est maintenant établie sans aucun doute possible alors qu'il est un peu moins évident que l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt ne tend jamais vers l'infini. De même, une certaine forme du patrimoine semble nettement préférable à la variable du revenu pour la fonction de demande de monnaie et il ne semble pas y avoir de place pour que les deux variables puissent agir simultanément (1). 11 n'y a qu'une preuve très faible provenant presque exclusivement des statistiques de 1'après-guerre permettant de croire l'existence d'économies (1) Toutefois, comme le démontre Johnson [20], le revenu est la rémunération du patrimoine et le patrimoine est la valeur actualisée du revenu. La présence du taux d'intérêt et de l'une de ces deux variables dans la fonction aurait pour effet de rendre l'autre redondante.
113
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
d'échelle pour les encaisses. En ce qui concerne le niveau des prix, il semble bien que la demande d'encaisses lui soit propor- i tionnelle. Les réponses aux autres questions ne sont pas aussi évidentes. Il semble qu'il y ait eu un rapport constant entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt pendant les quelques soixante dernières années, et le taux «normal» de l'intérêt ne semble pas être très important. Toutefois, il serait dangereux d'éliminer tout à fait le risque inhérent aux obligations comme influence possible sans avoir de preuves directes provenant d'expériences tenant compte explicitement de cette variable. De même, si des expressions relativement simples de la fonction de demande de monnaie produisent des relations remarquablement constantes pour 1'économie américaine, on ne peut pas dire qu'une fonction plus complexe utilisant un plus grand nombre de variables ne fournirait pas une relation encore plus stable tant qu'on n'a pas réellement essayé de formuler une telle expression. En effet, il y a quelques preuves suffisantes de la variation du rapport entre la demande de monnaie et le niveau ' des richesses (ou du revenu) pour justifier de nouvelles études. Une autre variable a d'ailleurs été étudiée à ce propos le taux de variation des prix - mais elle ne semble pas être importante pour les Etats-Unis. Or, puisqu'on a trouvé qu'elle avait une importance considérable dans les situations hyperinflationnistes de l'Europe après la première guerre mondiale et dans le cadre de 1'inflation galopante que le Chili a connue plus récemment, c'est sans doute parce que le niveau des prix en Amérique n'a jamais varié suffisamment vite pour que les effets de cette variable soient assez grands pour les mesurer. Quant aux problèmes de la définition des variables appropriées, à savoir: le choix entre la monnaie définie avec les dépôts à terme ou la monnaie définie sans ceux-ci, définitions désignées souvent par Ml et M2' le choix entre le capital humain et le concept plus général dont la variable de substitution est le revenu permanent, ou celui entre les taux d'intérêt à court ou à long terme, rien n'est définitivement établi. Les choix sont. inter-dépendants de sorte que si, par exemple, on utilise Ml> ' un taux à long terme est quelque peu préférable alors qu'un taux à court terme convient mieux à M 2' Sans perdre de vue ce très court résumé des preuves existantes, regardons maintenant les tests qui y ont conduit, en commençant par le problème de 1'importance du taux d'intérêt. 114
8. TESTS EMPIRIQUES
Aux Etats-Unis, nombre de travaux empmques sur la fonction de demande de monnaie ont considéré que le point fondamental à étudier était la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt. Cette optique très keynésienne a amené les économistes à établir des tests centrés sur cette variable et construits sur des notions très simples du rôle de « l'autre» ou «des autres» variables de la fonction de sorte qu'il est assez difficile d'accepter leurs résultats en tant que tels. Dans une étude antérieure faite par Tobin [42] et dans celle plus récente de Bronfenbrenner et Mayer [3], la distinction entre encaisses actives et encaisses passives a été maintenue et on a supposé que le taux d'intérêt n'affectait que les encaisses passives. Le problème abordé était alors l'évaluation du degré de cette influence. Le processus suivant a été adopté pour obtenir une estimation des encaisses passives. On a supposé que la demande d'encaisses actives était proportionnelle au niveau du revenu et que, à un moment donné, lorsque le rapport de l'ensemble des encaisses au revenu était à sa valeur minimale observée, les encaisses passives étaient égales à zéro. Ce rapport minimal observé mesurait alors le paramètre m dans l'équation Md p=mY+À(r)
(8-1)
de sorte qu'en supposant l'équilibre sur le marché monétaire, les encaisses passives pouvaient être évaluées par Ms --mY p
et leur demande pouvait alors être reliée au taux d'intérêt. Les différences entre ces deux études dans les définitions précises des variables utilisées, qui ne nous intéressent pas ici, ne les ont pas empêchées d'aboutir à la conclusion qu'on pouvait observer une relation négative précise entre la demande d'encaisses passives et le taux d'intérêt. L'ennui ici, c'est que les résultats obtenus reposent sur des hypothèses très strictes sur la nature de la fonction de demande de monnaie. Bronfenbrenner et Mayer s'en sont aperçus et de ce fait ont établi une fonction de demande de monnaie de la forme : Md {3 -=bY'r p
(8-2)
Ainsi, en supposant l'équilibre sur le marché monétaire, ils ont pu mesurer l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt à l'aide de l'équation: 115
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
Ms = b. r{3
(8-3)
PY
Ils ont adapté ceci à des senes successives d'années, reliant la variation du logarithme du rapport de la monnaie au revenu à la variation du logarithme du taux d'intérêt. Ils ont encore trouvé que ~ était en général négatif et que ce paramètre représentait un indice prévisionnel du sens de variation de la demande de monnaie mieux adapté que ne le serait une variable quelconque (2). Une étude un peu similaire effectuée par Latané [28] commençait avec la fonction de demande de monnaie suivante Md _} -=aY+bY·r
(8-4)
P
à partir de laquelle on pouvait déduire Md 1 -=a+b-
PY
(8-5)
r
En utilisant l'analyse de régression, Latané trouva que le paramètre b était positif de façon significative, ce qui indique que la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt est négative. Il a aussi démontré que son équation avait un certain pouvoir de prévision sur les statistiques obtenues endehors de la période de référence. Or, l'inconvénient de tous ces tests est que chacun suppose que la demande de monnaie est proportionnelle au revenu, (2) ~ représente bien l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt dans l'équation (8.2) puisqu'il s'ensuit que
d (::) = (3br({3-1)
dr
et que d
(if:)
(3br({3-1) dr
Md/PY -
br{3
dr = (3-;
L'estimation de ~ s'obtient en prenant la transformée logarithmique des variables et en ajustant la fonction log ( : : ) = log b + (3(log r) Il faut noter que Bronfenbrenner et Mayer ont aussi utilisé une régression directe de la forme
et ont constaté que le taux d'intérêt était une variable importante.
116
8. TESTS EMPIRIQUES
hypothèse qui est récusée par ceux qui considèrent le patrimoine comme une variable plus appropriée aussi bien que par ceux qui supposent l'existence d'économies d'échelle. Néanmoins, l'insistance !,!vec laquelle ils démontrent l'importance du taux d'intérêt dans la détermination de la demande de monnaie est impressionnante, et il est heureux que d'autres travaux qui ne sont pas fondés sur des hypothèses aussi strictes confirment ce résultat. A tout prendre, ces travaux sont fondés sur l'analyse de régression et quoique ce genre d'analyse entraine une contrainte sur les formes des fonctions utilisées pour les relations à l'étude, ses limites ne sont pas aussi étroites. D'après la plupart des travaux récents sur la question, on peut dire que la fonction de demande de monnaie peut être approximée par Md
p
= b'X{30'r{31
(8-6)
dans laquelle X représente soit le revenu (Y), soit le patrimoine physique (W), soit le revenu permanent (Y p ), les symboles ~ étant des élasticités et on peut prendre une équation de régression pour trouver les valeurs des deux élasticités (3). Les travaux effectués par Alain Meltzer [32] ont estimé de telles fonctions pour la période 1900-1958 en utilisant les trois substituts possibles pour X, les définitions de la monnaie qui excluent les dépôts à terme (Ml)' les incorporent (M 2 ) et y ajoutent les dépôts dans les caisses d'épargne. En prenant le taux d'intérêt r sur des bons à 20 ans, Meltzer obtint un rapport négatif mais significatif entre la demande de monnaie, quelle que soit sa définition, et le taux d'intérêt, indépendamment de toute autre variable de la fonction. Malgré l'enregistrement de quelques variations de l'élasticité de la demande par rapport au taux d'intérêt, cette variable prenait en général une valeur voisine de -0,7. De plus, lorsque Meltzer divisa ses périodes en tranches de dix années, en estimant pour chaque période une fonction différente de vitesse de circulation de la monnaie, il constata une similitude remarquable dans les rapports entre la vitesse de circulation et le taux d'intérêt pour les différentes périodes (4). (3) Comme il a déjà été dit à la note 2 de ce chapitre, une régression linéaire sur les logarithmes des éléments donnera des estimations de ces élasticités. (4) Il est évident qu'une fonction de vitesse de circulation s'obtient à partir d'une fonction de demande de monnaie en posant que la demande est égale à l'offre, en divisant les deux côtés de l'égalité par le revenu et en inversant la fonction. Ainsi, si M d=f(X, r) P=M,
PY
PY
-=--=v Ms f(X,r)P 117
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
Dans une étude conjointe avec Karl Brunner [4], ce même économiste estima pour une période de temps semblable des fonctions de vitesse de circulation dérivées de la fonction de demande de monnaie et utilisant des permutations et des combinaisons diverses des variables comprenant le revenu, le revenu permanent et le patrimoine matériel. Au lieu de s'en remettre uniquement aux résultats de la régression, ils ont utilisé un test prévisionnel. Une équation de régression a été établie pour les dix premières années de leurs statistiques et ses paramètres ont servi à prévoir la vitesse de circulation de la Ile année; puis les années 2 à Il ont été utilisées pour prévoir la vitesse de circulation de la 12" année et ainsi de suite, ce processus étant reporté à travers toutes leurs séries. Ils ont calculé la moyenne des erreurs de prévisions faites par les différentes fonctions et ont démontré que le taux d'intérêt jouait un rôle important dans la détermination de prévisions précises tandis que l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt restait relativement constante quelles que soient les autres variables incluses dans la fonction.
!
Des fonctions de demandes telles que l'équation (6) utilisant successivement un taux d'intérêt à court terme puis à long terme et prenant le revenu permanent comme «autre» variable ont été établies par l'auteur [26] pour la période 18921960; et une fois de plus, quelle que soit la définition de la monnaie utilisée (qu'elle comprenne ou non les dépôts à terme), il a obtenu des élasticités de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt d'environ - 0,7 pour le long terme et d'environ - 0,15 pour le court terme. Il a aussi utilisé différentes sous-périodes (1892-1916, 1919-1940, 1946-1960) dans ce test et il s'est avéré que les rapports entre la demande de monnaie et les différents taux d'intérêt étaient presque les mêmes pour ' chaque période. Pour les années 1951-1964, Lee [29] s'est servi de statistiques sur les différences de taux d'intérêt entre les dépôts à vue et divers autres actifs, y compris les dépôts à terme et les dépôts auprès des caisses d'épargne, pour expliquer la demande de monnaie, la monnaie ayant ici la définition la plus restreinte. Avec une définition plus large de la monnaie, il utilisa les différences de taux d'intérêt entre les dépôts à terme et les autres actifs, et en prenant le revenu permanent comme « autre» variable dans tous ses tests, il obtint des résultats significatifs avec pratiquement tous les taux employés mais surtout avec ceux des dépôts auprès des caisses d'épargne. Toutefois, à l'inverse de Hamburger [16], il n'a pas trouvé que le rendement des emprunts 118
8. TESTS EMPIRIQUES
obligataires était une composante très importante de la demande de monnaie. Or, tous ces tests ont un défaut commun; ils ignorent le problème de l'identification. On ne peut admettre que ce soit un point sans importance et par chance Brunner et Meltzer [5], ainsi que Teigen [41], ont effectué des études qui tiennent tout particulièrement compte de ce problème en estimant simultanément des fonctions d'offre et de demande de monnaie. La fonction de demande employée par Brunner et Meltzer utilise le patrimoine physique et le taux d'intérêt à long terme et, tout en tenant compte de la fonction d'offre, ils ont démontré que l'élasticité de la demande de monnaie était voisine de - 0,7. L'élasticité de la demande de monnaie par rapport au patrimoine (environ 1,0) était voisine de l'estimation de Meltzer obtenue à partir d'une seule équation. Teigen obtint une élasticité d'environ - 0,15 avec les variables suivantes: le niveau du revenu, un taux d'intérêt à court terme et la quantité de monnaie retardée, ainsi qu'une définition un peu différente de la fonction d'offre (5). Comme on pourra le constater, les résultats donnés ici sont les mêmes que ceux obtenus avec des taux d'intérêt semblables par les travaux ne tenant aucun compte du problème de l'identification. Cela laisserait supposer qu'en ce qui concerne le calcul de l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt, l'omission n'est pas très grave. Néanmoins, les conclusions de Teigen font penser que pour l'estimation de la fonction d'offre, le problème de l'identification ne peut être facilement écarté. Parmi les nombreuses expériences qui ont été effectuées, une seule a pu établir un rapport entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt: celle de Friedman pour les années 18691957. Il pensait que, puisqu'une grande partie des variations du taux d'intérêt se situe au cours du cycle des affaires, une fonction de demande de monnaie établie suivant des statistiques faisant abstraction de ce cycle et utilisée afin de prévoir des fluctuations cycliques de la demande, fera des erreurs de prévision sur le taux d'intérêt. Il considéra donc des statistiques sur les valeurs moyennes des variables en cause au cours de chaque cycle. Les variables employées étaient la monnaie, définie avec les dépôts à terme, et le revenu permanent, auxquelles (5) L'étude de Teigen couvre les années 1924-1941 (avec des données annuelles) et 1947-1959 (avec des données trimestrielles). L'introduction de la quantité de monnaie retardée avait pour but de prendre en considération la lenteur du public à ajuster ses encaisses aux niveaux d'équilibre, mais une autre interprétation est donnée ultérieurement. Il convient de noter que puisque le taux d'intérêt à court terme varie plus que celui à long terme, l'élasticité de la demande de monnaie utilisant le premier sera forcément plus petite.
119
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
était adjointe une régression linéaire logarithmique dont les paramètres servaient à prédire des variations annuelles de la vitesse de circulation. Il n'obtint aucune relation précise entre les erreurs de prévision et le taux d'intérêt. Si Friedman ne voulait pas en conclure que cette expérience éliminait le taux d'intérêt comme composante importante de la demande de monanie, ce résultat soulevait des doutes sérieux sur ce point et il est heureux qu'une réfutation y fût apportée. Le test de Friedman n'est valable que si l'abstraction du cycle des affaires à la base des statistiques libère complètement celles-ci de toute influence d'un rapport quelconque entre ' la demande de monnaie et le taux d'intérêt. Or, il se trouve que pour les Etats-Unis, il y a eu une très faible tendance à la baisse du taux d'intérêt au cours de la période de référence. En omettant le taux d'intérêt de sa régression des moyennes cycliques, Friedman fit en sorte que la part de la variation de la demande de monnaie qui était la conséquence de cette baisse du taux d'intérêt fut attribuée, à tort, à la variation du revenu permanent. Ainsi, il mesura de façon erronée le rapport entre la demande de monnaie et le revenu permanent de sorte que ses prévisions ann.lelles n'étaient plus valables. Un test semblable à celui de Friedman fut réalisé par l'auteur [26] dans lequel le taux d'intérêt fut introduit dans la régression des moyennes cycliques. Cette introduction a eu pour effet d'accroÎtre le pouvoir de prévision de la fonction pour des statistiques annuelles, confirmant ainsi l'importance du taux d'intérêt comme composante de la demande de monnaie (6). Ainsi, en résumé, que l'on dise que la fonction de demande de monnaie a pour contrainte le revenu, le patrimoine ou le revenu escompté, que l'on définisse la monnaie avec ou sans les dépôts à terme, que l'on choisisse d'écarter le problème de l'identification ou bien de le prendre en considération, que l'on utilise un taux d'intérêt à court ou à long terme, les exigibilités des intermédiaires financiers ou le bénéfice réalisé sur les emprunts obligataires, il y a un nombre considérable de preuves en faveur de la thèse d'une relation négative, mais constante, entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt. Parmi tous les problèmes d'économie monétaire, celui-ci semble avoir été résolu de la manière la plus décisive. Les preuves contre l'hypothèse de la trappe monétaire sont presque aussi fortes, comme nous allons le voir maintenant. 1
(6) Il n'était pas possible d'obtenir des statistiques sur le taux d'intérêt pour toute la période de Friedman et par conséquent les données utilisées ici commencent à partir de 1892.
120
8. TESTS EMPIRIQUES
Cette hypothèse stipule que pour de faibles niveaux du taux d'intérêt, la demande de monnaie devient parfaitement élastique par rapport à cette variable. Or, il n'est pas possible de trouver directement à l'aide de l'analyse de régression une fonction qui a une pente négative sur une partie de sa courbe et une pente nulle sur une autre partie de cette même courbe. C'est pourquoi il faut employer ici des tests moins directs. Ils ne sont pas difficiles à imaginer. Si l'hypothèse de la trappe monétaire est vérifiée, il faut que l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt augmente quand le taux d'intérêt diminue puisque c'est la seule façon de passer d'une valeur finie à une valeur infinie. Il ne semble pas y avoir beaucoup de preuves que ceci soit en fait le cas. Comme on l'a dit plus haut, Bronfenbrenner et Mayer [3] ont étudié l'élasticité M/PY par rapport au taux d'intérêt pour des observations annuelles successives. Pour la période considérée (1914-1957), ils n'ont noté aucune tendance à la hausse des élasticités mesurées pour de faibles taux d'intérêt. L'auteur a effectué un test quelque peu semblable à celui-ci [26]. Toute la période de référence (1892-1960) fut divisée entre, d'une part, les années pour lesquelles le taux d'intérêt était au-dessus de sa valeur moyenne pour la période et, d'autre part, celles pour lesquelles il était en-dessous. Cette division a été faite aussi bien pour le taux d'intérêt à court terme que pour celui à long terme. Une régression de la quantité de monnaie sur le revenu permanent et le taux d'intérêt a été effectuée séparément pour ces deux séries de données. On utilise plusieurs définitions de la monnaie (avec ou sans les dépôts à terme). Pratiquement, on ne décela aucune tendance à ce que l'élasticité soit plus forte pour des taux d'intérêt faibles plutôt qu'élevés (7). Il n'y avait pas non plus de preuves que la fonction soit plus instable pour des taux d'intérêt assez bas. Il y a un nombre appréciable de preuves indirectes sur ce sujet; ceci est dû en grande partie au fait que beaucoup d'économistes ont utilisé des périodes de courte durée aussi bien que des périodes plus longues pour élaborer leurs fonctions. Teigen, par exemple, établit ses fonctions d'offre et de demande séparément pour des statistiques d'avant et d'après la deuxième guerre mondiale. Quoique la première période soit dominée par les années 1930 (les taux d'intérêt étaient remarquablement faibles et l'économie dans un état dépressif, ce qui amena, (7) Une régression utilisant la première série de variantes des données, à savoir une définition étroite de la monnaie et un taux d'intérêt à long terme, a montré une certaine tendance dans ce sens.
121
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
tout d'abord, Keynes à formuler sa thèse de la trappe monétaire), Teigen ne peut trouver d'importantes différences de l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt entre les deux périodes. De même en établissant des fonctions de vitesse de circulatiOn de la monnaie par périodes de dix ans Meltzer [32] décela pour les années 1930 une élasticité légèrement inférieure à celles d'autres époques. Les tests prévisionnels de Brunner et Meltzer donnent des résultats encore plus surprenants. Ils ont exclu les années 1941-1950 de leurs données et ont, malgré tout, démontré que des régressions très riches en observations sur les années 1930 produisaient une fonction capable de prévoir la vitesse de circulation des années 1950 sans aucune baisse sensible de la précision obtenue par rapport aux autres prévisions effectuées pour d'autres périodes. De même, ma propre variante du test de Friedman, qui utilisa des statistiques de moyennes cycliques afin d'établir une fonction de demande de monnaie qui servait alors à prévoir les variations annuelles de la quantité de monnaie détenue, ne montra aucune tendance à être moins précise dans ses prévisions pour les années 1930 que pour les autres époques. Or, il se peut qu'aucune de ces preuves ne démontre de façon certaine l'inexistence de la trappe monétaire mais il semble bien qu'elles démontrent que cette trappe n'a jamais été un facteur d'une importance quelconque pour l'histoire économique des Etats-Unis, du moins pour ce siècle-ci. De plus, Teigen, Bronfenbrenner et Mayer partirent d'un taux d'intérêt à court terme et d'une définition étroite de la monnaie; Brunner et Meltzer utilisèrent les deux concepts - étroit et plus général - de la monnaie et un taux d'intérêt à long terme, tandis que ma propre étude s'est servie des deux définitions de la monnaie et des deux taux d'intérêt. J'ai utilisé dans ces tests des fonctions dont les contraintes sont le patrimoine, le revenu permanent et le revenu futur, et les conclusions semblent être toutes les mêmes en ce qui concerne les très nombreuses possibilités de permutations et de combinaisons des statistiques en cause. Tout comme la conclusion sur l'importance du taux d'intérêt dans la détermination de la demande de monnaie, le résultat qui montre que la théorie de la trappe monétaire n'est pas empiriquement significative, ne paraît dépendre en aucune façon d'une expression particulière de la fonction de demande de monnaie. Nous en arrivons maintenant au problème du type de 122
8. TESTS EMPIRIQUES
variable (revenu ou patrimoine) à inclure dans la fonction de demande de monnaie. Les preuves, ici, semblent être très favorables au patrimoine. On a précisé au chapitre précédent que deux concepts du patrimoine pouvaient avoir un rapport avec la demande· de monnaie. En premier lieu, des statistiques obtenues directement sur la valeur des actifs dans l'économie américaine ont été rassemblées pour établir une série des richesses physiques détenues dans l'économie. En second lieu, on a utilisé le revenu permanent estimé par la moyenne pondérée exponentielle du produit national net passé et présent comme substitut à un concept plus général qui inclut, dans la masse actuelle du patrimoine, la valeur actuelle de l'évaluation du produit du travail à venir. Ces deux notions semblent pouvoir expliquer une plus grande part des variations de la demande de monnaie. Pour étudier un tel problème, il est nécessaire de comparer avec les mêmes données et avec les mêmes techniques statistiques, les effets des fonctions de demande qui sont identiques mais en incluant le patrimoine dans l'une et le revenu dans l'autre. Meltzer [32], Brunner et Meltzer [4], Chow [8] ainsi que l'auteur lui-même [25] ont réalisé de telles expériences. La technique fondamentale de Meltzer [32] était d'effectuer des régressions à l'aide des variables de revenu et de patrimoine combinées ainsi que des régressions pour chaque variable séparément. Il a constaté tout d'abord que l'introduction du patrimoine (à l'exclusion du capital humain dans ce cas) déterminait une fonction de demande plus stable que le revenu, puis si les deux variables étaient introduites dans la fonction, que le patrimoine était suffisamment lié à la demande de monnaie pour que le revenu n'ait rien de plus à expliquer. La variable revenu était donc redondante lorsqu'on avait introduit le patrimoine. Il a aussi utilisé une ou deux fonctions comprenant le revenu permanent et a établi que cette variable avait plus de pouvoir explicatif que le revenu escompté. Ces résultats ne varient pas, que la définition de la monnaie comprenne ou non les dépôts à terme. Chow [8] effectua des régressions pour la période 1897-1919, en utilisant tour à tour le revenu permanent et le revenu futur et démontra qu'en ce qui concerne la demande de monnaie à l'équilibre, la première variable était plus efficace. D'autres arguments favorables proviennent des tests de prévisions de Brunner et Meltzer [4] déjà cités. Ils ont comparé, de manière directe, des fonctions comprenant le revenu, le patrimoine physique et le revenu permanent et utilisé les 123
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
deux définitions de la monnaie. Ils démontrèrent que les fonctions utilisant le concept du patrimoine donnaient de meilleures estimations de la vitesse de circulation qu'avec le revenu et ceci quelle que soit la définition donnée à la monnaie. Ils démontrèrent que le pouvoir prévisionnel plus élevé du patrimoine n'était pas dû uniquement à sa plus grande précision sur de courtes périodes mais qu'au contraire il était uniformément plus précis au cours de toute la période à compter du début du siècle. Et ce résultat fut tout aussi important. Les conclusions de Brunner et Meltzer sont renforcées par les preuves fournies par l'auteur [25] avec une technique quelque peu différente. Il a pris pour ses tests les variations d'année en année des données, au lieu de leurs valeurs annuelles, et a calculé la valeur du patrimoine sans le capital humain d'une autre façon indirecte. La variation du patrimoine détenu par le public au cours d'une année doit être égale à l'épargne. Il existe un certain nombre de preuves que la consommation est une fraction constante du revenu permanent, et puisque l'épargne est égale au revenu moins la consommation, elle doit être encore égale au revenu escompté moins le revenu permanent (variable connue en général sous le nom de «revenu transitoire ») plus une fraction constante du revenu permanent (un moins la propension à consommer). Ainsi, au lieu d'une estimation directe de la variation du patrimoine, deux variables - le revenu transitoire et le revenu permanent - ont été introduites dans la régression et liées aux variations du montant des encaisses. La fonction élaborée était une fonction linéaire et les résultats obtenus ont été comparés aux formules semblables des fonctions reliant les variations de la demande de monnaie aux variations du revenu escompté et du revenu permanent (8). On introduisit un taux d'intérêt à court terme et on employa des définitions étroite et large de la monnaie. Avec l'une ou l'autre définition, le patrimoine et le revenu escompté donnaient de meilleurs résultats que le revenu calculé, dans (8) On peut schématiser ceci. Si C
== c Y p
où Y T est le revenu transitoire on a alors
S=Y-C=Y T +(1-c)Yp
(II faut noter que puisque Y est le revenu national, il est sous-entendu ici que la dette publique est une richesse « interne ».) Il a donc été stipulé que !:,Md = bOY T + b 1(l- c)Yp + b 2!:,r C'est la forme de la fonction du patrimoine utilisée. La période de référence de ces tests était 1892-1960.
124
8. TESTS EMPIRIQUES
la mesure où ils donnaient des fonctions qui expliquaient une plus grande part de la variance des modifications annuelles de la demande de monnaie. Un autre test, non encore publié, effectué par l'auteur, donna des résultats analogues pour la période 1919-1958, avec cette fois-ci les mêmes séries de patrimoine que Brunner et Meltzer. On estima des fonctions différentes aux statistiques des moyennes cycliques et on employa une fois de plus, les deux définitions de la monnaie ainsi que des taux d'intérêt à court et à long terme. Si les fonctions comprenant le revenu calculé convenaient aux données des moyennes cycliques tout aussi bien que d'autres fonctions, elles avaient très nettement moins de succès pour les prévisions des variations d'année en année de la demande de monnaie. Ainsi, toutes ces expériences laissent supposer que le patrimoine plutôt que le revenu doit être introduit dans la fonction de demande de monnaie, mais il y a un point quelque peu subtil qu'il convient d'examiner avant d'affirmer une telle conclusion. Le revenu permanent est mesuré par la moyenne pondérée des niveaux de revenus passés et présents. Plus précisément:
où b est égal à 0,33, valeur obtenue à partir des travaux de Friedman sur la fonction de consommation. Avec un taux d'intérêt constant, la relation entre la demande de monnaie et le niveau du revenu permanent peut s'écrire: Md p-t=m(Ypt)=m[bYt+b(l- b)Yt - 1
·•
'+b(l- b)nY(t_n)]
(8-8)
En définissant de la sorte le revenu permanent, on ne peut être certain en fait que l'on n'établit pas tout simplement une relation entre la demande de monnaie et le revenu calculé pour laquelle les individus ont des réactions lentes pour amener leurs encaisses au niveau d'équilibre. Si le taux d'intérêt reste constant, et si la demande de monnaie dépend du niveau du revenu calculé mais qu'à tout moment le public n'ajuste que partiellement les encaisses au niveau désiré, nous avons: Md Md d) Md pt=pt1 -tb (M~ pt- M p t- 1 =mbYt+(l- b)pt- 1
(8-9)
où M d * est le niveau désiré, ce qui est tout à fait équivalent à l'équation (8-8). C'est-à-dire que si on écarte le taux d'intérêt, 125
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
on ne peut distinguer entre l'hypothèse selon laquelle la demande de monnaie dépend du revenu permanent de l'hypothèse qui stipule que la demande de monnaie dépend du revenu calculé mais que le public réagit lentement pour ajuster les encaisses à la situation d'équilibre. Bronfenbrenner et Mayer [3] ainsi que Teigen [41] ont introduit des valeurs retardées de la quantité de monnaie dans leurs équations de régression pour obtenir un effet de retard dans ce qu'ils appelaient une fonction de demande de monnaie du revenu calculé. Il y a ici un véritable problème dans la distinction entre deux interprétations très . différentes de la même relation statistique mais une étude récente de Feige [10] semble avoir opté pour une solution en faveur du revenu escompté (9). La thèse précédente a supposé le taux d'intérêt constant; or, de toute évidence, cette variable ne peut demeurer en fait constante. Si ce n'était qu'une question de lenteur d'ajustement des encaisses par le public, on devrait avoir un effet-retard aussi bien pour les variations du taux d'intérêt que pour les modifications du niveau du revenu. De plus, ce retard devrait être le même pour le taux d'intérêt et pour le revenu. Feige utilisa une technique statistique qui permit à l'analyse de régression de distinguer, s'il .s'avérait important, le retard lié à 1'établissement des prévisions sur le revenu permanent du retard compris dans l'ajustement des encaisses à leur niveau d'équilibre. Sa technique lui permit aussi d'évaluer l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au revenu escompté et par rapport au taux d'intérêt. Ses résultats sont les suivants. Les encaisses retrouvent leur niveau d'équilibre après un peu plus d'un an, mais il y a un retard supplémentaire qui apparaît dans la réaction à une variation du revenu. Cette réaction s'explique mieux par le fait que les individus font des prévisions sur le niveau futur du revenu. De plus, son estimation de l'élasticité de la demande de monnaie par rapport !
1
(9) Le fait qu'il y ait une relation si étroite entre l'expression de l'effet-retard et la demande de monnaie exprimée en fonction du revenu permanent explique sans doute le résultat apparemment anormal donné par Chow [8], à savoir que la demande de monnaie est mieux définie en situation d'équilibre par une fonction comprenant le revenu permanent plutôt que le revenu escompté mais, dès qu'on tient compte de l'effet-retard, le revenu escompté devient alors la variable la plus appropriée des deux. Il est vraisemblable que, dans les deux cas, Chow évaluait la même relation entre la demande de monnaie et le revenu permanent. Cependant, il convient de noter que Chow a aussi introduit un effetretard dans une fonction comprenant le revenu permanent et qu'il l'a trouvé significatif, résultat qui n'est pas compatible avec ceux de Feige [10] ou de Lee [29]. Ce dernier suivit une méthode analogue à celle de Chow (mais pour des statistiques réunies après la deuxième guerre mondiale) se préoccupant uniquement des ménages. Il obtint des différences marquées dans les schémas de retard d'avant guerre et d'après guerre, la première période ayant un retard apparemment plus long.
126
8. TESTS EMPffiIQUES
au taux d'intérêt était d'environ - 0,15 pour un taux d'intérêt à court terme, et celle de l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au revenu permanent tout juste au-dessus de 1,0, valeurs tout à fait compatibles avec les résultats obtenus par d'autres moyens plus simples. Ce qui est plus étonnant encore, c'est que les résultats de ses tests étaient constants pour une valeur du paramètre b utilisée dans le calcul du revenu permanent, valeur peu différente de celle obtenue initialement par Friedman dans l'étude de la fonction de consommation. Les constatations de Feige rendent difficile d'accepter l'idée selon laquelle les résultats obtenus avec cette variable ne sont que le reflet de la lenteur des réactions du public à amener les encaisses à leur niveau d'équilibre. Ainsi, la contrainte appropriée de la fonction de demande de monnaie semble être le patrimoine plutôt que le revenu escompté, quels que soient le taux d'intérêt, la définition de la monnaie ou le concept du patrimoine utilisé. Une fonction de demande utilisant le patrimoine paraît mieux se comporter, quel que soit le test ou le critère employé, qu'une fonction dont la contrainte est le revenu (10). Toutes les théories présentées aux chapitres 4, 5 et 6 supposent que la demande de monnaies en termes réels est indépendante du niveau des prix, autrement dit que la demande d'encaisses nominales est proportionnelle aux prix. Un certain nombre des tests déjà décrits dans ce chapitre ont admis cette hypothèse, et les fonctions de demande de monnaie élaborées au cours de leurs réalisations ont été établies en termes réels. Les statistiques initiales sur le patrimoine nominal, le revenu nominal et la quantité de monnaie nominale ont été divisées par les prix avant d'être utilisées dans l'analyse de régression. La raison en est la suivante. Si la fonction de demande de monnaie considérée est, disons, Md
-
P
=b' wPo .,PI
(8-10)
l'un des éléments d'information qu'on attend de l'analyse de (10) Quoiqu'une étude réalisée par Helier [18] et utilisant des statistiques trimestrielles d'après guerre contredit cette conclusion. Il y a trois raisons majeures pour mettre en doute ses résultats. En premier lieu, Helier dut effectuer des interpolations pour obtenir des séries trimestrielles du patrimoine et l'échec de l'hypothèse du patrimoine peut refléter tout simplement le fait que l'interpolation n'a pas donné de très bonnes séries. En second lieu, l'étude de Feige démontre très clairement que des observations trimestrielles ne constituent pas des situations d'équilibre, mais la technique d'une seule équation de régression employée par Helier nécessite ce type d'observations. Les travaux de Teigen en tenant tout particulièrement compte des retards ne sont pas aussi sujets à ce genre de critique. En troisième lieu, Helier n'a pas essayé la version du revenu permanent.
127
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
régression est la valeur des ~. Si l'on admet que la demande d'encaisses nominales est proportionnelle aux prix, la fonction peut s'écrire en termes réels en multipliant chaque terme par P; ainsi
(8-11)
Ce n'est pas la même fonction que Md = b' (p. W).Bo • ,.BI
(8-12)
qui est celle obtenue si les statistiques étaient laissées en termes réels car alors ~o donnerait une moyenne de l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au patrimoine et ~1 l'élasticité de la demande par rapport au niveau des prix. La première peut, en principe, prendre toutes les valeurs alors que la seconde, dans l'équation (8-11), est supposée égale à un. Si l'élasticité de la demande de monnaie par rapport aux prix est égale à un, l'estimation de l'élasticité par rapport au patrimoine à partir de l'équation (8-12) tendra vers un (11). Afin d'éviter cela, des expressions telles que l'équation (8-10) ont été en général préférées pour les études empiriques. Cette procédure est acceptable tant que l'on est convaincu que l'élasticité par rapport aux prix est bien égale à un. Si ce n'est pas le cas, en divisant une expression telle que Md = b . p.B2 . w.Bo • ,.BI (P2
=1=
1)
(8-13)
par P, on n'obtient pas l'équation (8-10), mais plutôt Md =b .p(.B2-l). w.Bo .,.BI P
(8-14)
C'est-à-dire que, si l'équation (8-13) plutôt que (8-14) s'avère exacte, la demande d'encaisses réelles dépendra aussi du niveau des prix. Toute omission de cette variable se ressentira par l'instabilité et la pauvreté de l'ajustement dans tous les tests utilisant des données en termes réels. Le fait qu'une telle instabilité n'est pas apparue fait penser que l'élasticité de la demande (11) Relier la quantité de monnaie nominale demandée à quelque autre variable estimée au prix courant du marché peut aussi produire une relation étroite mais erronée entre ces variables. On a tendance à attribuer à cette variable les effets des variations des prix sur la demande d'encaisses nominales. Ce phénomène est particulièrement important en période de forte inflation lorsque la plus grande part de la variation est due aux modifications du niveau des prix de sorte que presque toute variable choisie - pourvu que sa valeur varie aussi avec les prix - pourrait expliquer la demande de monnaie. Ce fait explique sans doute les résultats obtenus par Allais [1] avec une équation de demande de monnaie utilisant le revenu nominal escompté et négligeant le taux d'intérêt. Ils sont nettement meilleurs pour des périodes d'hyperinflation que pour d'autres. Il est difficile d'évaluer J'importance des résultats d'Allais car il ne les compare pas à ceux obtenus par d'autres hypothèses. Toutefois, il ne faut pas porter de jugements trop hâtifs sur cet article puisqu'il représente le résumé de nombreux travaux disponibles en français seulement. Il se pourrait que beaucoup d'observations qu'on pourrait y faire soient examinées dans cette œuvre originale.
128
8. TESTS EMPIRIQUES
de monnaie par rapport aux prix est effectivement égale à un et que le niveau des prix n'affecte pas le niveau des encaisses réelles. Il existe d'autres preuves que celles-ci, car Meltzer [32] ne voulait pas admettre que la demande d'encaisses nominales soit proportionnelle aux prix. Il examina directement ce point. Tout d'abord il élabora des fonctions (utilisant le patrimoine et le revenu dans différentes expressions) pour des statistiques établies en termes nominaux et des statistiques en termes réels. Autrement dit il a évalué ~() dans le cadre d'expressions du type de l'équation (8-10), puis de l'équation (8-12). Ses résultats démontrent d'une façon très nette que l'estimation de ~() tend vers un dans le second cas comme on peut le prévoir si la demande d'encaisses nominales est proportionnelle aux prix. Mais Meltzer ne s'en est pas tenu là. Il a appliqué directement aux statistiques une régression sur l'équation (8-13) pour obtenir une estimation directe de ~o. L'estimation qui en résultait était à tous égards égale à un. Ainsi, les preuves directes de Meltzer confirment ce que toutes les preuves indirectes suggèrent, à savoiI que la demande d'encaisses nominales est proportionnelle aux prix et que, par conséquent, la demande d'encaisses réelles demeure invariable par rapport aux variations des prix. Nous venons d'examiner les quatre premières questions posées au début de ce chapitre et ce de manière assez longue, d'une part parce que ce sont des points relativement importants, mais aussi parce que les preuves sont plus ou moins définitives. Les choses ne sont pas aussi nettes lorsqu'on en arrive aux autres problèmes et ceci en grande partie parce qu'on n'a pas encore réalisé les études nécessaires pour leur donner une réponse décisive. Voyons en premier lieu le problème de la stabilité du rapport entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt. Si l'on considère la période de 1892 à 1960, on peut dire que l'élasticité de la demande de monnaie M 2 par rapport à un taux d'intérêt à court terme semble avoir varié entre environ - 0,12 et - 0,15, et celle par rapport à un taux d'intérêt à long terme de - 0,2 à - 0,6. (Si l'on utilise Ml. les élasticités correspondantes sont - 0,17 à - 0,20 et - 0,5 à - 0,8). Or il faut admettre, surtout en ce qui concerne le taux d'intérêt à court terme, que ces variations sont faibles, plus faibles qu'on n'aurait pu le penser. Toutefois, il n'y a aucun moyen de savoir si ces rapports sont « constants» 129
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
ou non, à moins d'avoir un point de comparaison. Il serait sans doute plus approprié de prendre une relation qui tiendrait compte de la variation du risque inhérent aux obligations ou des variations du taux d'intérêt «normal» pour une telle comparaison, mais seul le deuxième type de relation a fait l'objet de mesures pour l'économie américaine. Starleaf et Reimer [40] ont calculé un taux d'intérêt anticipé en prenant la moyenne pondérée exponentielle des valeurs passées et présentes de ce taux, ont pris la différence entre cette variable et le taux courant puis ont lié la demande de monnaie à cette variable très keynésienne. Ils ne constatèrent pratiquement aucune preuve de son importance. Les preuves de l'importance du risque inhérent aux obligations sont indirectes. Les théories de la demande spéculative de monnaie font penser qu'en période d'instabilité du marché financier, il y aura aussi une nette instabilité de toute fonction de demande de monnaie qui ignore le fait que les obligations sont des actifs risqués en de pareils moments. Il serait difficile de trouver une époque où le marché financier soit plus instable qu'au début des années 1930 aux Etats-Unis. Si les arguments précédents s'avèrent exacts, on pourrait s'attendre à ce qu'une fonction de demande de monnaie n'utilisant que le patrimoine et le taux d'intérêt, se comporte moins bien au vu des preuves issues de cette période et non d'une autre époque. En fait, cela ne semble pas être le cas. La fonction de vitesse de circulation de Meltzer [32] est tout aussi stable pour les années 1930 que pour les autres périodes. Les tests de prévisions de Brunner et Meltzer [4] ne fonctionnent pas plus mal pendant les années 1930, alors que les prévisions de l'auteur sur la demande de monnaie fondée sur une régression des moyennes cycliques, (Laidler [26]), ne démontrent aucune tendance à de plus grandes erreurs pendant cette même période. Ces preuves ne sont peut-être pas concluantes, mais elles démontrent assez nettement que le niveau escompté du taux d'intérêt et le risque lié à la possession d'obligations n'ont que de faibles effets sur la demande de monnaie. Cette conclusion serait certainement compatible avec la constatation que cet autre concept issu de l'analyse de la demande spéculative de monnaie, la trappe monétaire, n'est pas non plus très satisfaisant pour l'étude empirique. Quant a~x autres variables qui pourraient être importantes dans la fonction, il est encore difficile de conclure de façon bien décisive. Il faut signaler que les études de Cagan [7] sur les hyperinflations européennes, de Derner [30] sur l'inflation à l'intérieur des Etats Confédérés et de Harberger [17] sur 130
8. TESTS EMPIRIQUES
l'expérience inflationniste récente au Chili, ont toutes fourni de fortes preuves de l'importance de l'indice de variation des prix comme composante de la demande de monnaie. Friedman [ 14] et Sel den [38] ont tous deux recherché, sans grand succès, l'influence de cette variable sur la demande de monnaie aux Etats-Unis mais puisqu'elle a été jugée importante d'autre part, leur échec tient au fait que le niveau des prix aux Etats-Unis a été relativement constant pendant la période de référence plutôt qu'au fait que les américains ignorent cette variable en décidant de la quantité de monnaie à détenir. Ce n'est certainement pas une variable à exclure de la fonction sur la seule base de ces preuves. Toutefois, ce n'est qu'un facteur parmi les autres. On a aussi cité la répartition des revenus et le cadre institutionnel des transactions. Sans tests directs, il est difficile d'affirmer quelque chose mais, encore une fois, il est toujours possible de donner une conclusion, quitte à la réviser par la suite. L'élasticité de la demande de monnaie (en incluant les dépôts à terme) par rapport au revenu permanent semble avoir été d'environ 1,6 entre 1890 et 1916 puis être tombée à 1,2 au cours des années 1919-1940 et jusqu'à 0,8 pour la période après la deuxième guerre mondiale. Le résultat diffère peu si l'on prend le patrimoine en excluant le capital humain ou si la définition de la monnaie ne comprend pas les dépôts à terme. Il démontre un déplacement lent dans le temps de la fonction, déplacement qui semble inexpliqué pour le moment (12). Ce pourrait être le fait de pas mal de choses, d'une simple amélioration de la précision des statistiques employées pour le calcul des variables utilisées à la lente transformation de la préférence du public pour les encaisses. Cependant, on a pu très bien omettre de la fonction une quelconque variable qui aurait lentement évoluée dans le temps et qui serait à la base de ce résultat particulier resté inexpliqué. La répartition du revenu et du patrimoine et le cadre institutionnel des transactions sont tous deux des facteurs que l'on pourrait s'attendre à voir varier peu à peu au cours du temps. Ils sont, par conséquent, en tête de liste en tant que causes possibles pour l'étude de ce déplacement de la "fonction. Mais on ne peut en dire plus sans se (12) Il Y a peu de chances qu'une élasticité de la demantle de monnaie par rapport au patrimoine supérieure à l'unité apparaisse à une époque quelconque lorsqu'une définition de la monnaie excluant les dépôts à terme est utilisée, mais il y a une tendance à ce que ce chiffre devienne plus petit. L'élasticité par rapport au revenu qui est inférieure à l'unité pour la période de l'après-guerre est évidemment le reflet statistique de la hausse souvent constatée de la vitesse de circulation de la monnaie dans l'après-guerre.
131
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
référer explicitement à une série de tests et ces tests n'ont pas encore été réalisés. Les preuves mentionnées au paragraphe précédent sont aussi valables pour le problème de l'existence d'économies d'échelle pour les encaisses. La réponse ici serait en grande partie négative, car ce n'est que pour la période d'après-guerre que les preuves apparaissent. On ne peut prendre des preuves vérifiées seulement pour 15 à 20 ans pour affirmer quelque chose qui n'est pas vrai pour une période précédente de quelques 50 ans. Toutefois, ce n'est pas une conclusion sur laquelle l'auteur veut beaucoup insister puisqu'un problème se pose quant à la variation dans le temps de la valeur de l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au patrimoine. Il convient de noter, malgré tout, que ces prévisions sont fondées sur la théorie des transactions qui pourrait très· bien convenir au comportement des sociétés et que Meltzer [33], dans une étude particulière de la demande de monnaie des sociétés, ne constata aucune preuve qu'elle soit autre chose que proportionnelle au volume de leurs ventes. Edward Whalen [46], dans une étude analogue, obtint à peine un début de preuve de la présence d'économies d'échelle pour les encaisses des sociétés. Ainsi, dans l'ensemble, l'hypothèse de l'existence d'économies d'échelle ayant une influence sur la fonction de demande de monnaie globale reste à démontrer, étant donné que, pour le moment, il existe un grand nombre de preuves contraires. Le problème que nous allons maintenant aborder, celui de la définition exacte des variables incluses dans la fonction de demande de monnaie, ne peut être considéré comme tout à fait résolu. Ces problèmes devront attendre que des travaux , soient effectués sur d'autres économies que celle des Etats-Unis pour en tirer des résultats définitifs. Il suffira donc de présenter ici l'état actuel des preuves et d'essayer d'en tirer une série de conclusions expérimentales en laissant au lecteur le soin d'en décider pour lui-même. Les problèmes sont les suivants. La définition de la monnaie doit-elle inclure ou non les dépôts à terme? Le patrimoine doit-il inclure ou non le capital humain? Le coût d'opportunité de la monnaie est-il mieux estimé par un taux d'intérêt à court ou à long terme? On ne peut donner que des réponses partielles. D'après les tests prévisionnels de Brunner et Meltzer [4], le patrimoine (sans le capital humain) semble être une meilleure estimation de la contrainte sur la demande de monnaie que ne l'est le revenu permanent, que la monnaie soit définie avec 132
8. TESTS EMPIRIQUES
ou sans les dépôts à terme. De plus, pour les tests utilisant un taux d'intérêt à long terme, il semble préférable d'associer une définition étroite de la monnaie avec le patrimoine sans le capital humain. Certains résultats de l'auteur [25], ceux obtenus à partir de l'application d'une régression linéaire aux différences de premier ordre dans les données et du calcul des différences premières du patrimoine physique dans une relation d'épargne, sont arrivés à des conclusions inverses. Ils montrent que le revenu permanent est légèrement supérieur, que la définition de la monnaie soit étroite ou plus générale. Mais ces tests utilisent un taux d'intérêt à court terme et emploient le patrimoine d'une autre façon. Une autre série d'expériences [26] utilisant le revenu permanent démontra qu'avec une technique statistique plus directe (la régression linéaire logarithmique), l'élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d'intérêt était à son niveau le plus constant quand on adaptait une définition large de la monnaie (avec les dépôts à terme) et un taux d'intérêt à court terme (13). Ainsi, les résultats obtenus pour chaque variable dépendent des hypothèses faites sur l'introduction appropriée des autres variables utilisées dans le test. La seule façon de sortir de cette impasse est d'essayer toutes les permutations et toutes les combinaisons de ces variables et de choisir la meilleure. L'auteur a effectué récemment un tel test (non encore publié) : il a fait des régressions sur des moyennes cycliques pour la période 1919-1958, puis a déterminé le meilleur test et quelle combinaison de variables lui permettrait de prévoir le plus exactement possible les valeurs de la demande de monnaie (13) Dans tous les cas, les différences dues aux différentes définitions de la monnaie sont peu importantes. Il est difficile de concilier ceci avec les résultats de Feige [9]: ce dernier en essayant de calculer des élasticités croisées de la demande des différents actifs constata que celle entre les dépôts à terme et les dépôts à vue était presque inexistante, ct montra par là que les différents dépôts n'étaient pas des substituts proches. Ses résultats pourraient être dus à sa mauvaise interprétation du taux de rendement des dépôts à vue. Ce sont les différences de taux d'intérêt entre les dépôts à vue et les autres actifs qui sont valables pour évaluer leur degré de substitution. Feige prit le rapport des charges bancaires globales sur l'ensemble des dépôts à vue et interpréta celui-ci comme étant le taux de rendement (négatif) des dépôts à vue. Il est vrai que les intérêts versés sur les dépôts à vue doivent être payés en cachette puisque leurs versements sont illégaux et ils sont souvent réglés en déduction des charges. Les variations de ces charges mesurent donc les variations des intérêts si le rapport de ces charges était d'autre part constant. Malheureusement, les charges bancaires dépendent, en partie au moins, du taux de roulement de ces dépôts de sorte que les variations du rapport utilisé par Feige reflètent d'une part les variations dans les paiements d'intérêts et d'autre part les variations de la vitesse de circulation des dépôts bancaires. L'importance de ce problème ne peut être évaluée au vu des informations disponibles. Il faut noter cependant que Lee [29] constata une relation entre la demande de monnaie définie au sens étroit et les différences de taux d'intérêt entre les dépôts à vue et les dépôts à terme.
133
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
d'une année sur l'autre. Le test le plus satisfaisant est celui qui inclut une définition large de la monnaie, le revenu permanent et un taux d'intérêt à court terme. Même en substituant un taux d'intérêt à long terme dans la fonction, la supériorité des deux autres variables était maintenue. Ce résultat, tout en favorisant l'hypothèse du revenu permanent et une définition plus large de la monnaie, soulève aussi un problème. Comme on l'a dit plus haut, les tests prévisionnels de Brunner et Meltzer ont montré qu'on obtenait de meilleurs résultats en combinant monnaie (sans dépôts à terme) et patrimoine physique avec taux d'intérêt à long terme. Cela contredit un des résultats ci-dessus et laisse penser que la performance des différentes définitions des variables dépend du test particulier effectué et peut-être aussi de la période de référence. Lorsque de tels problèmes ont un effet aussi important sur le résultat des expériences, il ne serait pas sage d'affirmer des conclusions définitives, si ce n'est la nécessité d'autres travaux sur ces problèmes particuliers.
134
1
9 les résultats Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, les travaux empiriques effectués jusqu'à présent sont loin d'avoir résolu les problèmes soulevés par les différentes théories de la demande de monnaie. Il est peu probable aussi que toutes ces questions reçoivent une réponse. Dire qu'elles le seront un jour équivaut à dire que les économistes pourraient abandonner leurs travaux sur la théorie de la demande de monnaie et ceci ne constitue guère une hypothèse réaliste. Cependant, comme nous l'avons vu aussi, les preuves afférentes à certains problèmes semblent être suffisamment probantes pour que leurs solutions soient considérées comme étant passablement établies. Il serait donc bon de voir très rapidement maintenant la validité des preuves empiriques présentées dans les derniers chapitres.aussi bien pour les théories de la demande de monnaie sous-jacentes que pour le type de modèle macro-économique décrit au chapitre II dont le comportement dépend aussi largement de la nature de la fonction de demande de monnaie. Examinons tout d'abord les questions se rapportant aux théories de la demande de monnaie. 135
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
La question fondamentale ici est de savoir si oui ou non il est intéressant d'établir un modèle de la demande de monnaie en partant d'une analyse précise du comportement des individus. Ce faisant, il apparaîtrait que jusqu'ici rien de très positif n'ait été gagné. L'essentiel n'est pas que les preuves nous démontrant très clairement que des notions telles que celles qui suggèrent que la demande de monnaie résulte principalement de son utilité dans les transactions ou de son usage comme palliatif contre le risque inhérent à la possession d'autres actifs seraient erronées; mais bien plutôt que ces concepts ne nous ont pas encore permis de prévoir des choses établies par ces preuves, qui ne puissent l'être par une approche plus simple. Regardons en premier lieu le motif des transactions. La version de Irving Fisher [11] de la théorie quantitative de la monnaie qui veut que la monnaie entre et sorte en proportions constantes du processus des transactions est très nettement réfutée par l'abondance des preuves relatives à l'influence du taux d'intérêt sur la demande de monnaie des individus. L'autre modèle fondé sur le motif des transactions et qui présente quelque intérêt à savoir le modèle de stocks de Baumol-Tobin - n'est guère mieux car s'il prévoit, à juste titre, que le taux d'intérêt est une variable importante de la fonction, cette prévision seule ne le distingue pas des autres modèles. L'idée mise en valeur par les défenseurs de cette théorie est qu'il .::xiste peut-être des économies d'échelle pour la détention de monnaie. Il ne semble pas y avoir de preuves de ce phénomène dans les statistiques établies pour les EtatsUnie à l'exception des années après la deuxième guerre mondiale. Il se pourrait évidemment, quoique l'auteur pense que celà soit peu vraisemblable, qu'à des époques antérieures il s'avérait que des modifications dans la répartition des revenus contrebalançaient les effets de ces économies au fur et à mesure que le volume des transactions augmentait. Toutefois, en l'absence de preuves directes, ceci ne doit rester qu'une possibilité. Il existe d'autres preuves, plutôt circonstantielles, allant à l'encontre des théories fondées sur le motif de transactions. Dans les ouvrages, on a supposé généralement que le niveau du revenu était un meilleur substitut du volume des transactions que le patrimoine mais, comme nous l'avons vu, les tests empiriques démontrent que le patrimoine est une variable plus appropriée que le revenu dans la fonction de demande de monnaie. Cela ne constitue pas un argument décisif contre cette interprétation, car il se pourrait que le patrimoine soit en fait plus étroitement lié au volume des transactions que ne l'est le 136
9. RÉSULTATS
niveau du revenu. L'auteur pense cependant que cette interprétation est difficilement acceptable tant que l'on ne disposera pas de preuves supplémentaires (1). Il faut souligner ici un autre point intéressant, à savoir qu'il est difficile de justifier l'introduction des dépôts à terme dans la définition de la monnaie si l'on considère la demande de monnaie avant tout comme une demande de moyen d'échange. Cependant, comme nous l'avons vu, introduire les dépôts à terme n'entraîne au moins aucune différence pour la stabilité des fonctions et pourrait même améliorer quelque peu leur comportement dans certains tests. Ce n'est pas un résultat auquel on pourrait s'attendre si le motif de transactions dominait la détention de monnaie. Or, aucun de ces arguments n'écarte complètement l'hypothèse selon laquelle le motif de transactions détermine la demande de monnaie, mais ils montrent bien qu'une analyse précise des motifs tels que ceux-ci ne permet pas d'améliorer la précision des prévisions sur le comportement de la fonction de demande de monnaie. Le cas est presque semblable si l'on considère le motif de spéculation. En premier lieu, comme il a été démontré précédemment, le seul fait qu'il existe certains actifs dont la valeur nominale ne varie pas avec le taux d'intérêt du marché mais qui produisent des intérêts à un taux supérieur à celui engendré par les exigibilités des banques commerciales (à savoir les actions des caisses d'épargne et les dépôts dans les caisses d'épargne), montre que les motifs spéculatifs ne peuvent dominer la demande de monnaie aux Etats-Unis. S'ils la dominaient, les individus ne détiendraient pas un volume important d'exigibilités des banques commerciales quand, du point de vue de la satisfaction de ce motif, il existe des substituts apparemment parfaits produisant un intérêt supérieur (2). De plus, quand on se rend compte qu'aucune des deux propositions particulières résultant des théories de la demande spéculative de monnaie - l'existence de la trappe monétaire et l'instabilité de la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt - n'est vérifiée par les tests empiriques, l'analyse du motif de spéculation paraît encore moins utile. Il est sans (1) Mais il faut noter que Feige [10] suggère cette interprétation pour le rôle du revenu permanent dans la fonction de demande de monnaie et que l'auteur [25] a étudié attentivement cette possibilité. (2) Il faut faire attention ici. Tout organisme d'épargne américain - Mutual Savings Banks, Savings and Loan Association, et ·les Commercial Banks en ce qui concerne les dépôts à terme - a un droit légal d'exiger un préavis pour le retrait de fonds. Ce ne sont donc pas des substituts tout à fait parfaits pour les dépôts à terme, mais le fait qu'on ne semble pas exercer ce droit rend ce facteur difficile à évaluer. Dans l'ensemble, les ménages peuvent retirer des dépôts sur simple demande alors que les sociétés ne peuvent le faire aussi facilement.
137
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
doute possible de trouver des alibis pour chacun de ces résultats et de maintenir que l'analyse de la spéculation doit encore être à la base des théories de la demande de monnaie, mais le fait demeure que, jusqu'ici, rien de très nouveau, ni ayant quelque valeur empirique, n'a été engendré par de telles théories. Le lecteur doit faire très attention aux conclusions qu'il tire des arguments précédents. Ils n'impliquent pas que les individus ne détiennent pas de monnaie pour des besoins de transactions ou de spéculation. Ils ne signifient pas non plus que l'analyse de ces motifs ne fournira pas de meilleurs modèles de la demande de monnaie à l'avenir. L'analyse précédente indiquait simplement que le modèle fournissait les mêmes prévisions qu'une analyse qui traiterait la demande de monnaie comme une demande de bien durable. De plus, ceci ne signifie pas que ceux qui ont travaillé à une telle analyse ont perdu leur temps car, comme nous l'avons vu, leurs travaux ont permis de mettre à l'épreuve leurs résultats qui, s'ils se sont avérés faux, ont quand même obligé les économistes à effectuer des expériences à partir desquelles ils ont appris tout ce qu'ils savent à l'heure actuelle sur la fonction de demande de monnaie. Il ne sert à rien d'effectuer des recherches empiriques si l'on ne dispose pas d'hypothèses concurrentes, et si l'on a de telles hypothèses, certaines seront nécessairement fausses. Si les conclusions que l'on peut tirer de la théorie de la demande de monnaie sont relativement expérimentales, il est possible d'être un peu plus précis sur le modèle macro-économique décrit au Titre 1 et sur son application à l'économie réelle. Si l'on admet pour le moment les autres relations de l'économie - à savoir que la consommation dépend du niveau du revenu, l'investissement du taux d'intérêt et que l'offre de monnaie peut être considérée comme une variable exogène les constatations décrites ci-dessus sur la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt permettent d'établir un point primordial. Aucune des deux possibilités extrèmes soulignées au chapitre 2 ne s'avère avoir une signification empirique quelconque. Il n'est pas vrai que la demande de monnaie n'est liée au taux d'intérêt ni que cette fonction devient parfaitement élastique par rapport au taux d'intérêt, quel que soit ce taux à court terme. Il s'ensuit que, pour permettre d'évaluer les effets sur l'économie d'une modification des dépenses gouvernementales, du taux d'imposition ou de l'offre de monnaie, il faut utiliser un modèle global de l'économie et non pas se limiter à un seul secteur. 138
9. RÉSULTATS
D'après le Titre I, on peut utiliser le modèle dont la pente de la courbe LM est positive. Les paramètres de chaque marché sont importants et il est évident qu'il faut en connaître beaucoup plus que la seule fonction de demande de monnaie pour pouvoir prévoir les effets d'un changement de politique. Pour commencer, le modèle est établi à partir de l'hypothèse selon laquelle l'offre de monnaie est une variable exogène et ceci n'est pas du tout évident pour l'économie américaine d'aujourd'hui. Il n' y a pas suffisamment de place ici pour entrer dans les détails. Toutefois, il faut au moins noter que ce sont la quantité de monnaie à «haut pouvoir» et le taux de réescompte du Federal Reserve qui sont sous contrôle des autorités monétaires, et qu'étant donné les valeurs de ces variables, l'offre de monnaie tend à varier avec le taux d'intérêt. Ce résultat ne modifie pas les conclusions qualitatives qui peuvent être déduites du modèle dont on parle ici, mais si l'on donne des valeurs à tous les autres paramètres du modèle, une modification au niveau des dépenses gouvernementales aura plus d'influence que si le taux d'intérêt n'influence pas l'offre de monnaie (3). On aboutit à une conclusion semblable s'il y a une modification du taux des impôts. On ne peut pas vraiment faire des comparaisons de politique monétaire puisque les variables appropriées de cette politique sont maintenant la quantité de monnaie à « haut pouvoir» et le taux de réescompte et non plus l'offre de monnaie. Il suffit de dire ici que la politique monétaire demeure quand même un instrument efficace dans le cadre d'un tel modèle modifié. La seconde série de facteurs sur laquelle l'information doit être accrue concerne le rôle du taux d'intérêt dans le modèle. Les expériences faites sur la fonction de demande de monnaie nous ont révélé que «le» taux d'intérêt est une variable commode des modèles économiques mais que, dans le monde réel, il y a de nombreux taux d'intérêt qui, tout en étant reliés les uns aux autres, sont loin d'être les mêmes. Comme nous l'avons vu, les preuves obtenues sur les encaisses suggèrent que la demande de monnaie serait plus étroitement liée à des taux d'intérêt courts qu'à des taux longs, si bien que des variations (3) Une politique budgétaire ~xpansionniste tend à provoquer, pour une quantité de monnaie donnée, la hausse des taux d'intérêt et c'est cette tendance qui empêche le bon fonctionnement du multiplicateur sur le marché des biens et services. Si la quantité de monnaie augmente au fur et à mesure que s'accroît le taux d'intérêt, une partie de cette influence néfaste du marché monétaire est neutralisée par cette expansion induite des encaisses monétaires et le taux d'intérêt n'augmente plus autant qu'i! ne l'aurait autrement fait. La réduction de l'investissement est donc moins importante. Il s'ensuit un niveau du revenu plus élevé.
139
VÉRIFICA TIONS EMPIRIQUES
de la quantité de monnaie affecteront tout d'abord ces taux à court terme. Ainsi, il faut avoir des informations non seulement sur la relation entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt à court terme mais aussi sur les rapports existant entre ce taux et les taux des autres actifs avant de pouvoir dire comment une telle augmentation de la masse monétaire pourrait agir sur l'économie. On peut partiellement résoudre ce problème en se référant aux travaux sur la structure des échéances des taux d'intérêt car ils traitent de la manière dont les variations des taux d'intérêt à court terme influencent les taux à long terme. Toutefois, il faut aussi tenir compte de l'interaction des taux de rendement des différents types d'actifs émis par les emprunteurs. C'est une chose de dire qu'une augmentation de la masse monétaire provoque une baisse des taux d'intérêt sur, mettons, des obligations publiques à courte échéance et que cela entraine une chute des taux d'intérêt sur des titres à long terme. C'est tout autre chose de dire que cela entraine aussi une baisse du taux de rendement requis par les individus pour les inciter à posséder, mettons, des actions ou même des emprunts obligataires à long terme. La première proposition se réfère à la structure des taux d'intérêt alors que la seconde traite du degré de substitution entre actifs qui diffèrent autrement que par leurs échéances. En ce qui concerne l'évaluation de l'investissement, on pourrait s'attendre à ce que les taux ayant le plus d'influence soient ceux pour lesquels les sociétés pourront souscrire des emprunts à long terme. Ainsi, le taux à long terme des emprunts obligataires et la rémunération des actions sont susceptibles d'être particulièrement importants si bien que les deux problèmes mentionnés ci-dessus concernant les relations entre taux d'intérêt nécessitent une analyse plus détaillée. En ce qui concerne la structure des taux un nombre important de preuves semblent indiquer maintenant que les taux d'actifs à échéances différentes, mais qui sont semblables par ailleurs, sont en fait très proches les uns des autres. Il faut noter toutefois que si l'on peut interpréter le choix entre la monnaie et les autres actifs d'un portefeuille comme étant l'échange d'une recette contre un risque, de même on peut analyser de façon analogue les choix parmi l'ensemble des autres actifs. Les obligations à long terme ont plus de chances que les instruments à court terme de voir varier leurs prix et sont par conséquent plus risquées. On pourrait s'attendre alors à ce que leurs propriétaires exigent un bénéfice supérieur pour 140
9. RÉSULTATS
compenser ce risque. Il y a de nombreuses preuves que de telles primes de liquidité existent bien pour les fonds d'Etat et il se pourrait qu'elles fixent un minimum au-dessus de zéro pour les taux d'intérêt des valeurs à long terme. Il est vraisemblable, quoiqu'il y ait encore peu de preuves, qu'une situation analogue apparaît pour les taux d'intérêt auxquels empruntent les sociétés. S'il existe un minimum pour ces taux, ce qui serait particulièrement justifié pour l'investissement, les effets d'une politique monétaire sont peut-être limités. En d'autres termes, le fait que le concept de la trappe monétaire n'a pu matérialiser un aspect important de la fonction de demande de monnaie ne signifie pas qu'elle ne pourrait avoir une importance sur une autre partie de l'économie. Il serait nécessaire d'effectuer une étude très complète avant de pouvoir déduire des conclusions définitives sur l'efficacité réelle d'une politique monétaire. De plus, même ici une solution ne cernerait pas tout à fait le problème. Il faut encore connaître les effets d'une modification des taux d'intérêt sur l'investissement. En transposant cela dans le modèle simplifié du Titre 1 de ce livre, une fois que l'on sait que la courbe LM a une pente positive par rapport aux taux d'intérêt à court terme, il faut encore voir comment ces taux réagissent sur les taux à plus long terme, lesquels pourraient avoir une importance particulière pour la détermination du comportement d'investissement, ainsi que le degré de la pente de la courbe IS par rapport à ces taux à long terme, avant de pouvoir affirmer quelque chose de précis sur l'efficacité de la politique monétaire. On peut résumer les arguments de ces dernières pages. Le fait que la demande de monnaie soit liée par un rapport constant aux taux d'intérêt, en particulier les taux à court terme, à travers une fonction qui ne comprend pas de trappe monétaire dans sa structure élimine un point important du problème de l'efficacité des variations de la masse monétaire comme instrument de la politique monétaire. Il est maintenant certain qu'une modification de la masse monétaire peut provoquer une variation des taux d'intérêt à court terme, quoique ce n'est là qu'un aspect important parmi tant d'autres. Avant d'en arriver à des conclusions définitives sur l'efficacité de la politique monétaire et même de l'importance relative du marché monétaire sur la politique budgétaire, il faut savoir comment les taux d'intérêt influencent l'investissement, comment les différents taux agissent les uns sur les autres, aussi bien que la valeur du mécanisme par lequel les autorités monétaires contrôlent la masse monétaire. 141
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
Chacun de ces titres constitue un sujet trop étendu pour un petit livre comme celui-ci et il est impossible de faire honneur ici à chacun d'entre eux. Il suffit de dire qu'au fur et à mesure que les preuves s'accumulent, il semble que la masse monétaire est suffisamment bien contrôlée par les autorités monétaires, que les taux d'intérêt des différents actifs sont liés les uns aux autres et varient sensiblement de la même façon et que certains taux ne sont pas sans avoir quelqu'influence sur le niveau de l'investissement. Ainsi, ce qui se passe sur le marché monétaire semble avoir un rôle certain dans la détermination du revenu et du niveau des prix (4). La discussion précédente sous-entend que la demande de monnaie est une fonction constante du revenu. Il est nécessaire d'inclure cette variable dans les fonctions de consommation et de demande de monnaie pour que l'on ait un modèle de la détermination du niveau du revenu. Il semblerait que les preuves favorables à l'introduction du patrimoine dans la fonction de demande de monnaie plutôt que du revenu (et un certain nombre de preuves, non citées ici, semblent indiquer que le patrimoine est la variable appropriée de la fonction de consommation) sapent la base même du modèle et ne nous donnent aucun renseignement très précis sur le mécanisme de détermination du revenu. Il suffit de réfléchir un peu à ce problème pour se rendre compte que les choses ne sont pas aussi graves qu'on aurait pu le penser tout d'abord. Le patrimoine et le revenu sont, après tout, des concepts très proches l'un de l'autre puisque l'un est la valeur actualisée du niveau futur de l'autre. Comme nous l'avons vu, il s'est avéré que le revenu escompté ou permanent est une variable très utile pour la fonction de demande de monnaie et pour l'explication de la propension à consommer des individus. Pour les besoins de l'étude empirique, on a défini le revenu permanent comme étant la moyenne pondérée des valeurs passées et présentes du revenu constaté, variable dont la valeur actuelle est supposée déterminée par des modèles macro-écono(4) Il est inutile de dire que les preuves pour certains de ces problèmes sont plus complètes que pour d'autres. Il semble presque certain que la masse monétaire peut être étroitement contrôlée par les autorités monétaires en agissant sur la quantité de monnaie à «haut pouvoir» et sur le taux d'escompte. Il paraît également bien établi que les taux d'intérêt à échéances différentes sont étroitement liés. Par ailleurs, un nombre croissant de tests semblent prouver que les taux auxquels empruntent les sociétés déterminent d'une façon importante leurs décisions d'investissement. Cependant, les relations entre ces taux et ceux sur lesquels la politique monétaire pourrait avoir un effet premier sont loin d'être tout à fait nettes.
142
9. RÉSULTATS
miques à court terme. L'usage du revenu permanent et non du revenu réel dans les fonctions de demande de monnaie et de consommation n'élimine pas de ces fonctions l'emploi du revenu courant mais au contraire permet d'y laisser ce dernier en y ajoutant des niveaux de revenu passés. Ainsi la fonction de consommation peut s'écrire: Ct
=C YPt =C [b Y t + b (1
- b) Y t -' l
...
b (1 - b)n Y t- n 1
=cbYt +c(1- b)YPt _ 1
et la fonction de demande de monnaie (en termes linéaires pour la simplicité de l'analyse devient: Md/Pt
=mYpt -
Irt
= mbYt + m(l
- b) YPt -
l - Irt
Le résultat final est de garder telles quelles les fonctions du Titre I, sauf pour les termes qui reposent sur des valeurs passées et donc indépendants des niveaux actuels du revenu. Ainsi, le modèle peut être modifié en y introduisant la notion de revenu permanent sans changer ses caractéristiques fondamentales, quoiqu'il faille les interpréter avec un peu plus de soin. Une réduction de la masse monétaire entrainera, par exemple, une réduction du niveau actuel du revenu d'équilibre, mais cela ne signifie pas que le revenu sera définitivement en baisse mais seulement qu'il sera moins élevé que prévu. Par la présence même dans le modèle des niveaux passés du revenu, cela entraine à son tour que les effets des variations antérieures sont transmis aux périodes en cours de telle sorte qu'il serait possible d'empêcher des variations du revenu pour plusieurs périodes après une première modification. Cela n'est guère un fait nouveau car cela revient à dire que des variations des niveaux du revenu et de l'emploi survenant d'une cause quelconque mettent du temps à agir et, pendant ce temps là, les effets d'autres variations sont plus difficile à prédire. Ainsi, par exemple, lorsque le revenu s'élève à un nouveau niveau d'équilibre, un durcissement de la politique monétaire provoquera une baisse du niveau auquel tend le revenu. On ne peut prévoir si cela correspondra à une baisse réelle du revenu de la période ou à un simple ralentissement du taux de croissance du revenu sans avoir de plus amples informations quantitatives sur ces différentes modifications (5). (5) Pour avoir plus de détails à ce sujet, il faudrait effectuer une analyse assez longue et complexe. Cependant, le lecteur intéressé trouvera cette analyse chez Tucker [45] et Laidler [27]. Il faut noter que cette analyse démontre que l'emploi du revenu permanent au lieu du revenu courant ne ralentit pas nécessairement l'accession à de nouveau niveaux d'équilibre du revenu. Ces retards peuvent tout aussi bien se manifester dans une procédure étirée de mise à l'équilibre du taux d'intérêt.
143
VÉRIFICATIONS EMPIRIQUES
En ce qui concerne les modèles du revenu à court terme, les modifications lentes dans le temps des variables économiques, le problème de la substitution du revenu permanent au revenu courant dans les différentes fonctions sont dus à ce phénomène. Si le modèle est en situation de plein-emploi, le niveau du revenu y* (cf. Titre 1), tant qu'il demeure à un niveau d'équilibre dans le temps, peut être interprété comme étant égal au revenu permanent, si bien que le comportement du modèle n'est pas le moins du monde influencé par l'introduction de la variable de revenu permanent. Les conclusions de ces dernières pages sont les suivantes. Il est très vraisemblable que la politique monétaire agit toujours avec efficacité sur le niveau de l'activité économique mais l'importance de cette efficacité dépend de choses telles que la détermination des structures des taux d'intérêt, la réaction des dépenses au taux d'intérêt, les fonctions d'offre et de demande de monnaie. Ces conclusions indiquent aussi que, si l'on tient compte des marchés autres que le marché monétaire, de même il faut tenir compte du marché monétaire pour l'étude de la politique budgétaire dont les effets se font sentir tout d'abord sur le marché des biens et services. En ce qui concerne la théorie de la demande de monnaie, on a conclu que la méthode traditionnelle de la théorie de la demande (qui supposait une fonction d'utilité mais sans la détailler) convenait aussi bien pour la monnaie que pour les autres biens. Une analyse détaillée des motifs de transactions et de spéculation n'a jusqu'à présent rien apporté, ou très peu, quant aux prévisions sur la demande de monnaie ayant une valeur empirique. Ces conclusions peuvent paraître très anodine au lecteur et correspondre peut-être à ce qu'il aurait prévu en tous les cas sans l'appui des vérifications empiriques. S'il en est ainsi, tout ce qu'on peut dire c'est qu'il est rassurant d'avoir des preuves qui confirment ses propres idées. Toutefois, si ce sont effectivement les idées du lecteur, ou bien il a lu les bons livres avant celui-ci, ou bien c'est un individu particulièrement perspicace car, si l'on en juge d'après les nombreux manuels, ces conclusions sont loin de ce qu'on a enseigné sur le marché monétaire. En ce qui concerne les motifs de la détention de monnaie et les formes particulières de la fonction de demande de monnaie, les motifs de spéculation et de transactions ont souvent tenu l'avant-scène alors que pour la nature de la fonction elle-même, on l'a fréquemment considérée comme fonction du niveau du 144
9. RÉSULTATS
revenu et du taux d'intérêt avec presque toujours comme caractéristique principale et la plus remarquée une trappe monétaire pour des taux d'intérêt faibles. Ainsi la politique monétaire a été en général présentée comme un instrument peu précis, les effets de la politique budgétaire étant par contre très efficaces et relativement bien estimés par un modèle de détermination du revenu sans marché monétaire. De tels concepts paraissaient également logiques et vraisemblables avant l'explosion récente des travaux empiriques sur la demande de monnaie. Ce sont maintenant des positions difficiles à maintenir. La leçon à tirer de tout ceci est que les résultats des travaux empiriques seront rarement surprenants ni sensationnels. On y a recours dans la plupart des cas, non pas pour faire la différence entre des idées apparemment logiques et des idées très improbables qui révolutionneraient l'économie politique si elles s'avéraient exactes, mais plutôt pour différencier des hypothèses également possibles et néanmoins contradictoires restant toutes dans les limites de ce qu'on pourrait appeler la théorie classique. C'est certainement la façon dont les techniques empiriques ont été utilisées en économie monétaire. Même s'il y a encore beaucoup à faire et s'il est possible que les points de vue existant à l'heure actuelle soient rejetés à l'avenir par de nouveaux tests, il semble que des progrès énormes ont été accomplis dans la distinction entre hypothèses correctes et hypothèses incorrectes.
145
bibliographie
1.
M. ALLAIS, «A Restatement of the Quantity Theory of Money», American Economic Review, 56 (Décembre 1966), pp. 1123-1157.
2. W. J. BAUMOL, «The Transactions Demand for Cash - An Inventory Theoretic Approach », Quarterly Journal of Economics, 66 (Novembre 1952), pp. 545-556, traduit dans Théorie Monétaire, sous la direction de R.S. Thorn, Paris, Dunod, 1971, pp. l38-153. 3.
M. BRONFENBRENNER et T. MAYER, «Liquidity Functions in the American Economy», Econometrica, 28 (Octobre 1960), pp. 810834.
4.
Karl BRUNNER et Allan H. MELTZER, «Predicting Velocity: Implications for Theory and Policy », Journal of Finance, 18 (Mai 1963), pp. 319-354.
5.
Karl BRUNNER et Allan H. MELTZER, «Sorne Further Evidence on Supply and Demand Functions for Money », Journal of Finance, 19 (Mai 1964), pp. 240-283.
6.
Karl BRUNNER et Allan H. MEL TZER, «Economies of Scale in Cash Balances Reconsidered », Quarterly Journal of Economics, 81 (Août 1967), pp. 422-436. Phillip CAGAN, «The Monetary Dynamics of Hyperinflation », dans Studies in the Quantity Theory of Money, de Milton Friedman, (Chicago, IlL, 1956).
7.
147
BIBLIOGRAPHIE
8.
9.
Gregory CHOW, «On the Long-Run and Short-Run Demand for Money», Journal of Political Economy, 74 (Avril 1966), pp. 111131. Edgar FEIGE, The Demand for Liquid Assets: A Temporal Cross Section Analysis (Englewood Cliffs, N.J., 1964).
10.
Edgar FEIGE, «Expectations and Adjustments in the Monetary Sector », American Economic Review, 57 (Mai 1967), pp. 462-473.
11.
Irving FISHER, The Purchasing Power of Money (New York, 1911).
12.
Milton FRIEDMAN, «The Quantity Theory of Money, A Restatement », dans Studies in the Quantity Theory of Money (Chicago, Ill., 1956), traduit dans Théorie Monétaire, sous la direction de R.S. Thorn, Paris, Dunod, 1971, pp. 69-91.
13.
Milton FRIEDMAN, A Theory of the Consumption Function (Princeton, N.J. 1957). Milton FRIEDMAN, «The Demand for Money - Sorne Theoretical and Empirical Results », Journal of Political Economy, 67 (Juin 1959), pp. 327-351, traduit dans Théorie Monétaire, sous la direction de RS. Thorn, Paris, Dunod, 1971, pp. 91-127.
14.
15.
Milton FRIEDMAN et A.J. SCHWARTZ, A Monetary History of the United States, 1867-1960 (Princeton, N.J., 1963).
16.
M.J. HAMBURGER, «The Demand for Money by Households, Money Substitutes and Monetary Policy », Journal of Political Economy, 74 (Décembre 1966), pp. 600-623.
17.
Arnold C. HARBERGER, «The Dynamlcs of Inflation in Chile », dans Christ et al., Measurement in Economics, Studies in Mathematical Economics and Econometrics in Memory of Yehuda Grunfeld (Stanford, Calif., 1963). H.R HELLER, «The Demand for Money - The Evidence from the Short-Run Data », Quarterly Journal of Economics, 79 (Juin 1963), pp. 219-246. J.R HICKS, «A Suggestion for Simplifying the Theory of Money», Economica, 2 (Février 1935), 1-19.
18.
19. 20.
H.G. JOHNSON, «Monetary Theory and Policy », American Economic Review, 52 (Juin 1962), pp. 335-384, traduit dans Théorie Monétaire, sous la direction de R.S. Thorn, Paris, Dunod, 1971, pp. 6-58.
21.
H.G. JOHNSON, «Notes on the Theory of Transactions Demand for Cash », 1ndian Journal of Economics, 44, Part l, No. 172 (Juillet 1963), 1-11. J.M. KEYNES, A Tract on Money (Londres, 1923). J.M. KEYNES, A Treatise on Money (Londres et New York, 1930).
22. 23. 24.
J.M. KEYNES, The General Theory of Employment, 1nterest, and Money (Londres et New York, 1936); traduction française, La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Paris, Payot.
148
BIBLIOGRAPHIE
25. 26.
27. 28.
29.
30.
31.
32.
33.
34. 35.
36. 37. 38.
39.
40.
David LAIDLER, «Sorne Evidence on the Demand for Money», Journal of Politieal Economy, 74 (Février, 1966), pp. 55-68. David LAIDLER, «The Rate of Interest and the Demand for Money - Sorne Empirical Evidence », Journal of Political Eeonomy, 74 (Décembre 1966), pp. 545-555. David LAIDLER, «The Permanent Income Concept in a Macroeconomie Model », Oxford Economie Papers, 20 (Mars 1968), 11-23. H.A. LATANÉ, «Cash Balances and the Interest Rate-A Pragmatic Approach », Review of Economies and Statisties, 36 (Novembre 1954), pp. 456-460, traduit dans Théorie Monétaire, sous la direction de R.S. Thorn, Paris, Dunod, 1971, pp. 127-138. T.H. LEE, «Alternative Interest Rates and the Demand for Money: The Empirical Evidence », American Eeonomic Review, 57 (Décembre 1957), pp.1168-1181. Eugene LERNER, «Inflation in the Confederacy, 1861-65 », dans Studies in the Quantity Theory of Money de Milton Friedman, (Chicago, Ill., 1956). R.C.O. MATHEWS, «Expenditure Plans and the Uncertainty Motive for Holding Money », Journal of Politieal Economy, 71 (Juin 1963), pp. 201-218. Allan H. MELTZER, «The Demand for Money: The Evidence from the Time Series », Journal of Politieal Economy, 71 (Juin 1973), pp. 219-246. Allan H. MELTZER, « The Demand for Money-A Cross Section Study of Business Firms », Quarterly Journal of Eeonomics, 77 (Août 1963), pp. 405-422. J. MICHAELSON, The Term Structure of Interest Rates (Scranton, Pa.). B. MOT LEY, «A Demand-for-Money Function for the Household Sector-Some Preliminary Findings », Journal of Finance, 22 (Septembre 1967), pp. 405-418. D. PATINKIN, Money Interest and Priees, 2e édition (New York, 1965). A.C. PIGOU, «The Value of Money», Quarterly Journal of Economies, 37 (Novembre 1917), pp. 38-65. Richard SELDEN, «Monetary Velocity in the United States» dans Studies in the Quantity Theory of Money de Milton Friedman (Chicago, Ill., 1956). W.L. SMITH, «A Graphical Exposition of the Complete Keynesian System », Southern Economie Journal, 23 (Octobre 1956), pp. 115-125. D.R. STARLEAF et R. REIMER, «The Keynesian Demand Function for Money: Sorne Statistical Tests », Journal of Finance, 22 (Mars 1967), pp. 71-76. 149
BIBLIOGRAPHIE
41. 42. 43.
44.
45.
46. 47.
R. TEIGEN, «Demand and Supply Functions for Money in the United States », Econometrica, 32 (Octobre 1964), pp. 477-509. James TOBIN, «Liquidity Preference and Monetary Policy », Review of Economics and Statistics, 29 (Mai 1947), pp. 124-131. James TOBIN, «The Interest Elasticity of Transactions Demand for Cash », Review of Economics and Statistics, 38 (Août 1956), pp. 241-247. James TOBIN, «Liquidity Preference as Behavior Towards Risk », Review of Economic Studies, 25 (Février 1958), pp. 65-86, traduit dans Théorie Monétaire, sous la direction de R.S. Thorn, Paris, Dunod, 1971, pp. 153-183. Donald TUCKER, «Dynamic Income Adjustment to Money Supply Changes », American Economic Review, 56 (Juin 1966), pp. 433449. Edward L. WHALEN, « A Cross Section Study of Business Demand for Cash », Journal of Finance, 20 (Septembre 1965), pp. 423-443. Edward L. WHALEN, «A Rationalization for the Precautionary Demand for Cash », Quarterly Journal of Economics, 80 (Mai 1966), pp. 314-324.
bibliographie complémentaire
Emil M. CLAASSEN, Analyse des liquidités et théorie du portefeuille, collection S.U.P., Presses Universitaires de France, Paris, 1970, Chap. III et IV. Jacques ME LITZ, «La demande de monnaie en France: tentative d'explication », Ministère de l'Economie et des Finances, Statistiques et Etudes financières, 1973/11, pp. 21-48. Richard S. THORN (sous la direction de), Théorie monétaire, Dunod, Paris, 1971.
150
index des auteurs
ALLAIS, M. 128, 147. BAUMOL, W.J. 84-85,
LATANÉ, H.A. 116, 149. LEE, T.H. 118, 126, 133, LERNER, E. 130, 149. MARSHALL, A. 67, 70,
87, 88, 136,
147. 115, 116, 121, 122, 126, 147. BRUNNER, K. 118, 119, 122-125, 130, 132, 134, 147. CAGAN, P. 130, 147. Omw, G. 123, 126, 148. DIAMOND, P.A., 90. FEIGE, E. 126, 127, 133, 137, 148. FISHER, 1. 63, 64, 67-70, 72, 77, 84, 136, 148. FRIEDMAN, M. 78, 80, 84, 104, 108, 119, 120, 122, 127, 131, 148. HAMBURGER, M. 118, 148. HARBERGER, A.C., 130, 148. HELLER, H.R., 127, 148. HICKS, Sir J.R. 59, 148. JOHNSON, H.G. 85, 113, 148. KEYNES, Lord J.M. 72, 74, 76, 77, 81, 85, 89, 90, 92, 95, 98, 115, 122, 148. LAIDLER, D. 120, 124, 130, 133, 143, 149. BRONFENBRENNER, M.
149. 72, 73, 78,
79. MARTY, A.
86.
92, 149. 104, 117, 119, 122125, 129, 130, 132, 134, 149. MAYER, T. 115, 116, 121, 22, 126. MICHAELSON, J. 106, 149. PATINKIN, D. 53, 149. PIGOU, A.C. 67, 70, 72, 73, 78, 79, 149. REIMER, R. 130, 149. SCHWARTZ, A.J. 108. SELDEN, R. 131, 149. SMITH, W.L. 22, 149. STARLEAF, D.K. 130, 149. TEIGEN, R. 119, 121, 122, 126, 150. TOBIN, J. 84-85, 90 ,92, 115, 136, 150. TUCKER, D. 143, 150. WHALEN, E.L., 85, 132, 150. WICKSELL, dynamique de. 72. MATTHBWS, R.C. MELTZER, A.H.,
151
index des matières
permanent-facteur de la consommation; patrimoine, facteur de la consommation. Consommer, propension marginale à, 22,31. Contrainte budgétaire, 91, 93-95. Courbes d'indifférences, 91-98. Courbe IS, 24, 27-31, 33-35, 36, 4146, 49, 52-54, 141. Courbe LM, 27-32, 33-35, 39, 40-44, 49, 139, 141. Crédit commercial, 65.
Actions des caisses d'épargne, 102, 118, 137. Amérique, 103, 114, 137, 139; voir Etats-Unis. Biens durables, 25, 59; monnaie en tant que, 78; voir Monnaie, la demande de - cas particulier de la théorie générale de la demande. Capital, 53, 54; rémunération du, 80, 84, 118-122, 124, 141, 142, 144145. Capital humain, voir Patrimoine humain. Cartes de crédit, 65. Chili, 114, 131. Confédérés (Etats), 130. Consommation, 22, 52-54, 124, 138. Consommation durable, voir bien durable. Consommation, fonction de, 22-23, 27, 30, 31, 36, 48, 104, 124, 125, 143; voir revenu, facteur de la fonction de consommation; revenu,
Demande excédentaire de biens, 3335. Demande globale, 33, 54. Demande précautionnelle de monnaie, voir Monnaie, demande de, de précaution. Dépenses globales, 22, 29, 30. Dépenses publiques, 22, 35, 36, 4851, 138, 139; voir Politique fiscale. Dépôts à terme, 102, 103, 113, 114, 117-119, 120, 131, 132-133, 137.
153
Masse monétaire; voir Monnaie, offre de. Mécanisme du flux international des espèces, 107. Monnaie, demande de, 25, 27,36-38, 44-47, 49, 57-59, 64-66, 144; de précaution, 73-76; cas particulier de la théorie générale de la demande, 59, 61-62, 68, 78-83, 144; de spéculation, 75-77, 95, 98, 102, 106, 130, 137; de transaction, 64-65, 66-68, 76, 77, 84-89, 136; voir Revenu, facteur de la demande de monnais, permanentfacteur de la demande de monnaie; Prix, niveau des, demande de monnaie proportionnelle à la, indice de variation-facteur de la demande de monnaie; Risque inhérent aux obligations, facteurs de la demande de monnaie; Transactions, facteur de la demande de monnaie; Patrimoine, facteur de la demande de monnaie, définition empirique de, 101-103; moyen d'échange, 25, 60, 63, 72, 87, 102; voir Monnaie, demande de transaction fonction d'offre, 108-110, 119, 144; quantité de, 33-36, 44-46, 49, 50, 51, 53, 64-65, 67,·89, 107-110, 138140, 141-143; valeur prévisible sur le marché, 60-61. Monnaie à « haut pouvoir », 139. Motif de spéculation, 73, 84, 89, 102, 137, 144; voir Monnaie, demande spéculative de. Multiplicateur d'équilibre budgétaire, 31.
Dépôts à vue, 102, 103, 118, 133. Dette de l'Etat, 54. Economies d'échelle pour les encaisses, 88,113,117,132,136. Effet commercial, 4 à 6 mois, 105, 106 voir Taux d'intérêt, court terme. Effet de substitution, 95-97. Effet revenu, 95-98. Effet richesse, 35, 52-54. Encaisses actives, 73, 115; voir Transactions, demande de monnaie. Encaisses passives, 73, 115, voir Monnaie, demande spéculative. Equation d'échange, 64. Etats-Unis, 105, 114, 115, 122, 130, 137; voir Amérique. Exigibilités des banques, 103, 137; voir Dépôts à vue; Dépôts à terme. Exportations, 35, 54. Federal Reserve System, 107; voir Taux d'escompte. Frais de courtage, 85-89. Gain en capital, 68, 74, 81, 91, 98, 106; voir Taux d'intérêt, lié aux prix d'obligations. Hyperinflation, 107, 114, 128, 130. Impôts, 30-31, 35, 36, 50, 51, 138139; voir Politique Fiscale. Incertitude, 41, 60, 89, 106; voir Risque inhérent aux obligations. Inflation; voir Prix, niveau des; Indice de variation du; Hyperinflation. Inventaire, approche théorique à la demande de monnaie, 84-90, 135137, 140-141; voir Economie d'échelle; Monnaie, demande transactionnelle. Investissement, 21-25; fonction d', 27, 35-36, 48; voir Taux d'intérêt, facteur d'investissement.
National Banking System, 107. Obligations, 25, 59, 74, 87, 91, 93; prévisions sur les prix futurs des, 92; voir Risque inhérent aux, valeurs à 20 ans, 105-106. Patrimoine, 25, 47, 61, 71, 76, 90, 92-94, 96-98, 101, 103-104, 136137; voir Revenu, permanent; facteur de la demande de monnaie, 67-69, 75-76, 79, 84-85, 104, 112114, 122, 127-128, 130-132, 142;
Liquidités, 60; prime, 141; trappe des, 77, 120-122, 137, 141, 145; voir taux d'intérêt, élasticité infinie de la demande de monnaie par rapport.
154
voir Revenu, permanent-facteur de la demande de monnaie; facteur de la consommation, 53, 142; interne, 53, 124; externe, 54, 104; hors capital humain, 80, 103, 114, 124, 132, facteur de la demande de monnaie, 117, 120, 123, 127, 130, 133-134; avec capital humain, 80, 113, 132. Plein-emploi, 33, 34-35, 43-45, 46, 50-51,53,64, 144. Politique budgétaire, 38, 45, 53, 77, 139, 141, 145; voir Dépenses publiques; Impôts. Politique monétaire, 38, 45, 77, 8889, 103, 107, 139-145. Portefeuille diversifié, 90, 92, 94, 98, 140. Prévisions, 68-71; voir Risque inhérent aux obligations; Prix, indice de variation. Prix, niveau des, 32, 33-35, 36, 44, 46, 49-51, 64, 91, 142; fluctuations du, 21, 68; voir hyperinflation; incertiture sur le niveau futur, 92; indice de variation-facteur de la demande de monnaie, 81-82, 131; tendance à la baisse, 53. Problème d'identification, 108-111, 119-121.
Monnaie, demande de; Patrimoine, facteur de la demande de monnaie; répartition des, 88, 106, 131, 136: variation du, 21, 45, 107, 143; transitoire, 124. Risque inhérent aux obligations, 9098, 106, 112-114, 130, 136; voir Monnaie, demande spéculative de. Sous-emploi, 21, 42. Taux d'actualisation, 104; voir Taux d'intérêt. Taux d'intérêt, 23-25, 29, 35, 43, 60, 85, 89, 91, 93-95, 101, 125, 136, 139, 141; à court terme, 113, 114, 118, 132, 139; facteur de la demande de monnaie, 118-120, 134, 138, 141; à long terme, 113, 114, 118, 132-133, 139, 141; facteur de la demande de monnaie, 118, 120, 125, 134; comme coût d'opportunité de la monnaie, 25, 68, 80, 93, 105; des actions des caisses d'épargne, 118; effet retard sur la demande de monnaie, 126; élasticité infinie de la demande de monnaie par rapport aux, 38-41, 43-45, 52, 112-113, 138; voir Liquidités, soupape; facteur de la demande de monnaie, 7, 25, 3839, 46-47, 49, 51, 57, 67, 69-70, 75, 83, 86, 89-90, 94, 96, 105, 108,112-115,117, 119, 122, 126, 130, 133, 135-139, 144-145; facteur de l'investissement, 23-24, 30, 49, 138-139; voir Investissement, fonction d'offre de monnaie, 107109, 138; indice de variation, 75, 76, 81, 90; voir gain en capital; liés aux prix des obligations, 74; voir Taux d'intérêt, niveau escompté, indice de variation; Gain en capital; niveau escompté, 74; voir Taux d'intérêt, niveau «normal» du; niveau «normal» du, 39, 7477,112-113,130; effet commercial à 4-6 mois, 105-106; voir Taux d'intérêt, court terme; sur exigibilités des intermédiaires financiers, 120; sur obligations à 20 ans, 105-106, 117; voir Taux d'intérêt long terme; structure des,
Régression, 108, 117, 121, 123, 126, 127, 130, 133. Réserves-facteur de l'offre de monnaie, 110; voir Monnaie à «haut pouvoir ». Revenu, 106, 136-137, 144; facteur de la consommation, 22, 30-31, 49, 138; voir Fonction de consommation; facteur de la demande de monnaie, 25, 57, 67, 73, 89, 109110, 112-114, 117, 122-124, 126128, 142, 144; voir Monnaie, demande; disponible, 22, 30; effet retard sur la demande de monnaie, 126-127; escompté, 104; voir Revenu permanent; niveau d'équilibre, 23-24, 34-37, 43; permanent, 114, 144; facteur de la consommation, 124, 143; voir Fonction de consommation; facteur de la demande de monnaie, 117-124, 125-127, 131, 132-134, 143; voir
155
transactionnelle de; volume de, facteur de la demande de monnaie, 64-87. Travail, courbe d'offre concave, 95.
144; échéances, 105, 140; tendance à la baisse, 120. Théorie de Cambridge, 67-72, 78. Théorie quantitative de la monnaie, 64, 136; voir Théorie de Cambridge; moderne, 78-83; voir Monnaie, demande de, cas particulier de la théorie générale de la demande. Transactions, 41, 60, 63-66, 68-69, 85-86, 88, 106, 131-132, 136-137; motif des, 72-73,84, 101-102, 136, 138, 144; voir Monnaie, demande
Utilité, 59-61, 92-94, 98, 144; voir Courbe d'indifférence. Vitesse de circulation des dépôts, 133. Vitesse de circulation de la monnaie, revenu, 70, 117, 122-124, 130131; transactions, 63-66. Vitesse de revenu; voir Vitesse de circulation de la monnaie, revenu.
Imprimé en France Dépôt légal: 3" trimestre 1974 D/1974/1498/83
156
la politique monétaire Jacques Henry
DAVID
L'auteur essaie de répondre à deux questions fondamentales que les événements monétaires ont récemment portés au premier plan, à savoir: - quelle est l'importance de la monnaie et de la politique monétaire dans la détermination du niveau de l'activité économique et dans la répartition des richesses, - quels sont les moyens dont les autorités monétaires disposent pour contrôler l'évolution de la quantité de la monnaie en circulation. Cette analyse très complète des mécanismes monétaires s'appuie sur de nombreuses références à l'actualité. Sa compréhension ne nécessite ni connaissance préalable ni formation particulière.
collection Finance 206 pages. 16 X 25. Dunod. Broché
les instruments de mesure des échanges internationaux Georges MossÉ
préface de Valéry GISCARD D'ESTAING «Le livre de Georges Mossé fournit une analyse claire et simple d'une question généralement considérée comme complexe et ésotérique. Il fait apparaître la signification exacte, et parfois les artifices des diverses présentations des comptes extérieurs des nations ... ... Il suggère enfin diverses voies de recherche pour une amélioration de la comptabilisation des échanges extérieurs et la mise en place de nouveaux instruments de mesure ... ... Le livre de Georges Mossé fait honneur à l'école économique française ». (V. Giscard d'Estaing).
220 pages. 16 X 25. Dunod. Broché
157
la monnaie Roy HARROD L'auteur présente une étude originale et complète sur la monnaie. Il expose les différentes formes de la monnaie et ses fonctions dans une économie libérale et présente un bref rappel sur les théories monétaires. Après avoir analysé le cadre institutionnel et les politiques monétaires actuelles, R. Harrod aborde les principes de la politique monétaire, fondée sur la théorie de la croissance, dans un cadre libéral. Cet ouvrage traite de l'économie politique positive, c'est-à-dire de ce qui est, et non de ce qui devrait être.
Collection Finance et Economie appliquée 352 pages. 16 X 25. Dunod. Relié.
théorie monétaire Contribution à la pensée contemporaine Richard S. THORN Ce livre se présente comme un véritable manuel de la pensée monétaire actuel. Il est constitué des études marquantes publiées ces dernières années par les plus grands économistes: H.G. Johnson, M. Friedman, W. Baumol, J. Tobin, G. Gurley et E. Shaw ... Il traite de la demande de monnaie, de la théorie de la préférence pour les actifs, de l'offre de monnaie et du taux d'intérêt. R. S. Thorn a su, par le choix et la présentation des textes, mettre en yaleur les positions r~spectives des keynésiens et des néo-classiques.
collection Cournot 368 pages. 16 X 25. Dunod. Broché.
158
l'équilibre et la croissance économiques principe de macroéconomie Lionnel
STOLERU
L'ouvrage englobe l'analyse de la conjoncture, décrivant les équilibres de l'épargne, de l'emploi, de la monnaie et leurs relations mutuelles; l'analyse de la croissance en démontant les rouages des mécanismes du développement à moyen terme et l'analyse prospective du progrès économique à long terme. Il s'adresse à tous ceux qui s'intéressent à l'essence de la vie économique, depuis les chefs d'entreprise et hautes personnalités jusqu'aux étudiants, notamment en sciences économiques. Ce livre est accessible aussi bien aux littéraires qu'aux scientifiques.
collection Finance et Economie appliquée. 688 pages 16 X 25. 3 e édition mise à jour en 1973. Dunod. Broché.
monnaie et financement essai de théorie dans un cadre de comptabilité économique Jean DENIZET préface de Valéry GISCARD
D'ESTAING
L'auteur montre qu'une analyse keynésienne est un instrument d'enrichissement des approches monétaires néo-classiques du type walvasien et que ces deux analyses se complètent mutuellement, aboutissant sans difficulté à une synthèse à partir de laquelle l'action à mener commence à se dessiner clairement. . Cet ouvrage s'adresse aux administrateurs, financiers, économistes, banquiers, hommes d'affaires ainsi qu'aux professeurs et aux étudiants des Facultés de sciences économiques.
272 pages. 16 X 25.
]e
édition. Dunod. Broché.
159
pouvoir et économie François PERROUX
ce qu'en dit la presse
« La théorie traditionnelle de l'équilibre économique néglige complètement les problèmes de « pouvoir». Le grand mérite du dernier livre du professeur François Perroux est de nous le rappeler en proposant une reconstruction des schémas traditionnels.: . ... un livre à lire et à méditer ... » Le Monde Diplomatique « ... on pourrait qualifier l'un des traits fondamentaux de l'œuvre de F. Perroux en mettant l'accent sur son rôle de critique de la science économique ... »
Le Figaro « ... beaucoup de clarté, de rigueur, d'encyclopédisme ... »
Le Monde « En France ... la première étude directe et analytique des rapports entre pouvoir et économie ... »
La Nation « ... le fruit des analyses les plus récentes des faits économiq ues et sociaux de notre temps effectuées par F. Perroux ... »
La Croix collection Etudes économiques 144 pages. 16 X 25. Dunod. Broché.
IMPRIMERIE LOUIS-JEAN Publications scientifiques et
litt~raires
TYPO - OFFSET
05002 GAP -
Téléphona 51-35-23 ..
Dépôt légal JJ6 . 1974