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AVANT-PROPOS
Il m'a été demandé d'écrire quelques lignes en guise d'introduction au mémoire de Frédéric Luisetto, et je ne peux le faire sans ce sentiment de profonde mélancolie qu'inspire le destin trop bref qui a été celui d'un jeune chercheur disparu à l'aube d'une carrière qui s'annonçait prometteuse. Les qualités que révèle ce premier travail de recherche en avaient déjà fourni la preuve. Par le choix du sujet d'abord: « Ghâzan et les chrétiens orientaux» .. c'était en réalité embrasser la totalité du règne d'un souverain avec lequel l'histoire de l'empire mongol d'Iran, celui des Tartares du Levant, comme disait Marco Polo, prenait un nouveau cours sans abandonner celui qu'elle avait connu au temps de ses prédécesseurs: la construction d'une domination étendue à tout le Proche-Orient et qui se heurtait tant au sultanat d'Egypte qu'aux autres puissances nées du démembrement du premier empire mongol, d'une domination qui allait se situer dans la succession des empires musulmans alors que jusque là elle se situait dans une perspective gengiskhanide à laquelle l'exclusivité d'une croyance religieuse était étrangère, ce qui avait largement profité à des chrétiens jusque là réduits à une condition subordonnée. Et par là annonçant pour ceux-ci de nouvelles épreuves. Mais l'époque de Ghâzan reste celle d'une transition. La conversion des Mongols à l'islam a été obligatoire .. a-t-elle été complète? Le khan lui-même, que Frédéric Luisetto définit comme un croyant sincère bien que peu au fait des complexités de l'islam, garde pour ceux qui ne l'ont pas suivi, ou qui onl gardé leurs convictions malgré cette conversion, des sympathies certaines, dont a notamment profité ce prélat chrétien venu des confins de la Chine qu'était le catholicos Yahballaha III. Et il poursuit avec ténacité la lutte de ses prédécesseurs contre le sultanat d'Egypte, le principal adversaire des Mongols, en
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
PRÉFACE
associant à cette lutte les royaumes chrétiens qui se sont soumis à ces derniers et aussi les Occidentaux, ici malgré les difficultés liées à l'éloignement. De là les difficultés de ce champ de recherche. Les sources appartiennent à des domaines linguistiques différents et n'ont pas toutes fait l'objet de traductions. Frédéric Luisetto a eu l'ambition de surmonter ces difficultés; lors de sa disparition, il étudiait le persan, et il avait déjà acquis une belle maîtrise de l'arménien. Ce qui lui afourni une grande partie de son information, grâce à laquelle le petit royaume de Cilicie bénéficie d'un éclairage très bienvenu. Ce n'est pas seulement le khan mongol, ce sont aussi les rois arméniens et leur histoire très mouvementée que nous suivons le long de ces pages. Et l'on entrevoit aussi les rois de Géorgie, aux prises avec d'autres difficultés, et les empereurs byzantins eux-mêmes prennent place dans les projets et les actions du souverain mongol. Pour présenter une histoire aussi vaste, l'érudition ne suffisait pas, ni même l'acharnement à acquérir les moyens de /a recherche. Il fallait aussi concevoir de larges horizons, embrasser les problèmes de tout un des sous-continents qui constituent l'Asie, et ce à un des moments cruciaux de son histoire. Frédéric Luisetto y était parvenu, et avec un brio certain. Il s'annonçait comme un des bons historiens de l'Asie antérieure, et nous lui devons un tableau très attachant des mutations politiques et religieuses qui accompagnent le règne après tout très bref-d'un souverain au destin original. Ainsi nous quittons ce livre, qui nous apprend beaucoup, avec le poignant regret que ce bon historien ait vu son œuvre sitôt interrompue, mais aussi en nous félicitant qu'il nous en ait laissé un premier résultat de telle qualité. Jean RICHARD Membre de l'Institut
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Frédéric Luisetto a été mon étudiant de 1996 à 1999. Né près de Lyon le 23 juin 1977, ayant longtemps vécu, avec sa famille, à Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, il est décédé accidentellement le 2 septembre 2000. Quoique destiné par son baccalauréat, passé en 1995, et par les dispositions qu'il avait manifestées, à des études scientifiques, c'est pour l'histoire qu'il avoua, finalement, nourrir un véritable intérêt,' il effectua donc ses études superzeures à l'Université Paul ValéryMontpellier III, obtenant successivement son Diplôme d'études universitaires générales en Histoire/Géographie en 1997, sa licence d'Histoire en 1998, sa Maîtrise en Histoire en juin 1999. Ma première rencontre avec Frédéric se situe à la fin de l'année 1996, dans le cadre du cours sur l'Orient médiéval que je partageais avec madame Bernadette Martel-Thoumian (actuellement professeur à l'Université de Grenoble),' je vis s'avancer vers moi un grand jeune homme souriant, d'al/ure sportive, qui me demanda une bibliographie sur les Mongols, et, particulièrement sur Gengis Khan; je ne jùs pas en peine de la lui fournir, puisque j'enseignais dans une université où René Grousset, de l'Académie française - auteur de L'Empire des steppes, où il évoque les figures d'Attila, Gengis Khan, Tamerlan, et d'une vie de Gengis Khan, Le conquérant du monde - avait obtenu tous ses diplômes; j'avais également - et j'ai toujours - le privilège de profiter, pour les recherches confiées à mes étudiants (ou pour les miennes propres) des conseils de monsieur Jean Richard, Membre de l'Institut, Professeur émérite à l'Université de Dijon, dont nombre de travaux (et, plus particulièrement La Papauté et les missions d'Orient au Moyen Age, xme-xve siècles, ainsi que Au-delà de la Perse et de l'Arménie) abordent la question des relations entre Francs (mais aussi Arméniens) et Mongols. Je n'avais jamais pensé à demander à Frédéric la raison de sa passion pour les Mongols, que ses parents, Bernard et Maryse Luisetto, expliquent par la forte impression laissée par une de ses innombrables lectures, mais dont sa soeur, Florence, voit la
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
genèse dans le goût de Frédéric, manifesté dès l'enl'a 'À " À ' !l' nce, pour les Jeux ue strategIe et ue conquete, Peut-être était-il 'bl 'l"Ite ue À aussI, a, l'extraord"mazre vlta ce peuple, lui qu' sensl , •e 'À d ' , l, a coté d ,etuues con uztes avec enthOUSiasme, pratiquait no b d sports (passionné de football, il, était" allé en 1999 fètemr Ire, e tItree , de champlOn de France des G,rondins de Bordeaux a ' , 'd'IS e'l'eve d'une eco '1e primaire du département) mal's ' ryant ete' Ja , j, aUSSI, e~tr~ autrfies mstruments de musique, la guitare basse, et s averant zn gastronome, Selon son professeur m d "1e Roman, « c 'etait " un etudiant , ' a ame Dame rare », Une jeune historienne de l'Université de Bolo À 'II F ,,' gne, mauemOlse ' , ,e rancesca FIOn, alors etudiante à MontpeIl'1er, d me Isalt recemment,' « C'est vrai, les traits de son ' , l' h ' vIsage rappelazent et me dont il étudiait l'histoire », Il faut évoquer enc:o: e les ascen~a~ts de Frédéric,' sa famille paternelle était o;~gl~azre de Venetie, dont un illustre rejeton, Marco Polo s etazt rendu, avec son père et son oncle auprès de l'empereur mongol Kubzlay Khan, à Shangdu, et restant à son service de 1275 à 1291, , Parvenu au niveau de la Maîtrise, Frédéric était bien ar~e pour co~duire une recherche en histoire médiévale,' à ses s~lzdes connazssances en latin, en allemand et en anglais il ajouta un app,rentissage de l'arménien ancien et moderne e/ du rus~e (par aIlleurs étudié à l'Université de Montpellie~ avec ;.a ~me Maeva Peylhard), lors d'un séjour en Arménie - ce trait @mon e~tre l'Europe et l'Asie -, séjour de neuf semaines qu'il e ectua a l'Univer~i~é, d'Etat d'Erevan, à la fin de 1998, ~us la responsabzllte scientifique du Professeur Babken b ~r?ut~oul'/yan, alors doyen de la Faculté d'Histoire' il d:néficla'd~n outr~, de leçons particulières d'arménien an~ien ~ russe, Ispensees par deux Il' À Gouroen AI ky co egues ue ce dernier, monsieur o lVlanou an et madam V, Babken R ' e eronz'ka Haroutiounyan d'Hist' daroutlOunyan, actuellement chef de la Chair; DIre u peuple armén' l' de son ancien sta ' , l,en, sou Ignait récemment, à propos glaIre, « a vivacité de s 'l' h de ses connaissances h" on esprIt, a nc esse lStonques et son indéniable capacité 10
PRÉFACE
d'analyse scientifique », ajoutant qu' « i/ avait déjà clairement délimité le domaine de ses investigations et établi ses projets d'avenir », Quant à Gourgen Manoukyan, sensible par ailleurs à la modestie et à l'assiduité de son élève, i/ notait que ce dernier « tentait volontiers de comparer le système grammatical du grabar (arménien classique) avec ceux des autres langues qu'il connaissait », Frédéric avait également projeté d'apprendre le persan, puisque c'est à l'i/khanat mongol de Perse qu'il se consacra finalement,' en effet, l'étude de cet Etat mongol, en relations intimes avec les Arméniens, les Géorgiens et les Syriaques, et en conflit chronique avec le sultanat mamlûk d'Egypte, entrait plus dans mes compétences, et dans celles de madame Martel- Thoumian, arabisante et auteur d'une thèse sur Les civils et l'administration dans l'Etat militaire mamlûk (Ixe-d siècle), qui conseilla aussi Frédéric et participa au jury, C'est ce Mémoire de Maîtrise, soutenu en juin 1999, qui, en raison de sa qualité et de la bienveillance de madame Myra Prince, Président Directeur Général des Editions Geuthner, est publié aujourd'hui,' le texte de cet ouvrage, Arméniens et autres chrétiens d'Orient sous la domination mongole, L'I/khanat de Ghâzân (/295-1304) outre ma propre relecture, a bénéficié de celle de monsieur Jean Richard, de madame Isabelle Augé, Maître de Conjërences en Histoire du Moyen Age à l'Université Montpellier III, arménisante et géorgisante, et du talent d'informaticiens, généreusement dispensé, de madame MarieChristine Hadji et de monsieur Marc Cholvy, Monsieur Claude Mutajian, Membre à l'étranger de l'Académie nationale des Sciences d'Arménie, auteur, entre autres, du Royaume arménien de Cilicie, et coauteur d'un Atlas historique de l'Arménie, a bien voulu relire la bibliographie (très raisonnablement enrichie) et mettre sa cartographie à notre disposition, L'important travail de Frédéric Luisetto analyse avec finesse et objectivité les différentes phases de l'i/khanat de Ghâzân " ce règne d'une décennie est d'abord marqué par des persécutions à l'encontre des chrétiens orientaux, mais la disgrâce de l'émir Nawroûz manifeste un retour à la tolérance " Il
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
le catho/icos des nestoriens est comblé d'honneurs, les chrétiens indigènes - surtout les nestoriens - servent d'intermédiaires entre l'lI-Khan et le pape, l'auteur tente aussi d'évaluer le rôle des contingents chrétiens (surtout celui des Arméniens de Cilicie et des Géorgiens) dans les campagnes de Ghâzân contre les musulmans: bon connaisseur de la tactique mongole, il déduit de la place assignée à leurs troupes dans le dispositif des batail/es qu'elles sont moins estimées qu'auparavant; Frédéric Luisetto met en doute la participation de Het 'oum II - arrivé trop tard - à la victoire mongole de Homs, en Syrie, admettant cependant que le souverain arménien fot chargé de poursuivre les Mamlûks en déroute; il examine aussi la question de l'entrée (triomphale, selon certaines sources arméniennes) de Het 'oum à Jérusalem, entrée qu'il assimile à un simple pèlerinage aux Lieux saints .. il conclut en voyant dans le règne de Ghâzân la dernière phase de la coopération entre Mongols et chrétiens orientaux ou latins, mais se demande avec pertinence si l'IlKhan avait réellement l'intention de rendre la Terre sainte aux Latins et s'i! s'était conduit en protecteur du royaume d'Arménie ou en exploiteur des ultimes ressources de celui-ci. Frédéric Luisetto était apprécié de ses camarades d'études tant pour son équilibre personnel et son sens des responsabilités que pour les conseils qu'il leur donnait volontiers. Il bénéficiait aussi de toute l'estime de ses professeurs, sensibles à sa rigueur scientifique (il regretta de ne pas être davantage« interpellé» pendant sa soutenance). La publication de ce travail, qui porte sur une période charnière - celle où l'islam devient religion officielle de l'i/khanat de Perse - veut être un témoignage de l'intérêt que des spécialistes ont porté aux travaux de ce jeune chercheur, mort à l'âge de vingt-trois ans, et de la sympathie de ceux qui l'ont connu.
INTRODUCTION
Notre étude porte sur les relations entre le~ ~ongo!s ~t les chrétiens orientaux sous le règne du Khan Ghazan. Il s agit pour nous d'aborder l'ensemble des communautés chrétiennes orientales et non pas simplement une seule d'entre elles. Les recherches précédentes ont essentiellement concentré leur activité autour d'un seul groupe en faisant une étude générale des rapports établis entre les Mongols et la communauté choisie. 1 · Ainsi Jean-Maurice Fiey a centré ses efforts sur les Synaques. Pour sa part, monsieur Claude Mutafian oriente son travail sur l'étude des relations arméno-mongoles2. Ces recherches restent cependant générales dans le sens où elles observent ces contacts à la fois complexes et étroits sur la longue durée. Notre travail est, quant à lui, doublement distinct puisqu'il s'attache à englober l'ensemble des communautés chrétiennes orientales et qu'il se situe dans un cadre chronologique plus réduit. En effet, Ghâzân n'a régné que de novembre 1295 à mai 1304, soit un peu moins de neuf ans. Nous sommes donc assez éloigné des thèmes de recherches «traditionnels» sur ce sujet. Nous en sommes d'autant plus éloigné que nous étudions les Mongols et leurs relations avec les chrétiens orientaux et non pas celles de ces derniers avec les maîtres de la Perse. Toutefois notre étude tient une place primordiale dans ce contexte général, puisque le règne de Ghâzân représente un véritable tournant dans l'étude de ces rapports : c'est en effet un souverain musulman qui accède au pouvoir.
Gérard DEDEY AN Professeur d'Histoire du Moyen Age à l'Université Paul Valéry - Montpellier III
1 J.-M. FlEY, Chrétiens syriaques sous les Mongols (Il-Khanat de Perse, X1lf-X1V' siècles), CSCO 132, Subsidia, t. 44, Louvain, 1975.
Membre à l'étranger de l'Académie nationale des Sciences d'Arménie
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2 Etude
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en cours.
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Notre mémoire devait tout d'abord aborder les liens arméno-mongols à l'époque de Ghâzân, mais le manque de sources arméniennes nous a contraint à réorienter notre recherche en l'élargissant à l'ensemble des chrétiens orientaux. En effet les trois grands historiens arméniens de la période mongole, Kirakos de Gandzak, Grigor d' Akner et Vartan meurent avant l'accès au pouvoir de Ghâzân et nous privent d'informations qui auraient été, sans nul doute, précieuses et perspicaces. Nous avons comblé ce vide en adoptant un sujet plus large. Dès lors, s'est présenté à nous un problème matériel: l'abondance et la diversité des sources. En effet, l'immensité de l'empire bâti par Gengis Khan et ses successeurs a pour conséquence une très vaste répartition géographique des sources et donc des langues. Ces origines très diverses sont à la fois un obstacle majeur et un avantage, puisque l'on ne manque ni de renseignements ni de points de vue divers. Pour une simple étude de la Perse mongole il faut néanmoins pouvoir maîtriser des langues telles l'arménien, le géorgien, le syriaque, le persan et l'arabe, voire parfois des langues encore plus « exotiques ». C'est dans le but de pallier en partie ce handicap que nous avons entrepris, à l'invite de monsieur Gérard Dédéyan, un voyage en République arménienne où il nous a été donné de suivre une initi~tion à l'arménien classique, le grabar, ainsi qu'au russe. TouJo~ est-il que l'essentiel de notre travail s'appuie sur des traductIons. Le règne de Ghâzân, bien que relativement court n'en est pas ~oins très ~iche, de par la grande activité déployée ~ar ce souveram .. Ses. actIons ne sont donc pas inconnues, d'autant plus que son hIstOrien officiel, le ministre Rashîd al-dîn lui accorde une place ~sse?tielle. dans son œuvre, le Djâmi' al-/awârikh, qui est une !flStOlre umverselle. Cet historien, de même que son « co~plement» Wassâf, sont totalement inaccessibles pour un travaIl . de maîtrise' pUIsqU . "1 . . 1 n ' eXIste aucune traduction ~mplete de ces deux sources. Malgré tous nos efforts nous n avons pu consulter les fragments traduits, exception faite de 14
INTRODUCTION
l'édition de François Quatremère, qui s'arrête malheureusement au règne de Hoûlâgoû. Toutefois d'autres sources abord~nt c.ette période, chacune ayant une vision propre: Les h~s~onens syriaques mettent l'accent sur le~ . quest~ons rehgle~ses, notamment les persécutions qui ont SUIVI la pnse de: pouvo~r de Ghâzân. Pour leur part, les Arméniens et les Mamlouks écl.alrent pour l'essentiel la lutte opposant le Khan à son adver~al:e, le sultan du Caire. Nous nous retrouvons donc confronte a u~e sorte de découpage thématique de nos sources, q~i ~en~ diffiCIle leur croisement. Ainsi nous pouvons voir une dlstmctlon assez nette s'établir entre les différentes communautés chrétiennes orientales. Les populations syriaques sont plus concernées. par les questions d'ordre religieux, tandis que les Armé~l.ens, notamment, sont attirés par les considérations de pohtlque extérieure. Il est toutefois pratiquement impossible, au vu des sources de déterminer précisément la politique chrétienne oriental~ de Ghâzân, alors qu'il est aisé d'établir la po~itique mongole des chrétiens. Nous avons développé cette questIon en toute fin de notre mémoire. Notre choix s'est porté sur ce sujet parce que le règne de Ghâzân représente un véritable tournant dans les relations mongolo-chrétiennes. Ces dernières ont été jusque là favorables aux différentes communautés religieuses de la chrétienté orientale. En effet, l'arrivée des hordes nomades de Gengis Khan puis, quarante ans plus tard, celle de Hoûlâgoû, mettent à mal la domination musulmane dans les régions s'étendant du Khourâsân à l'Euphrate. La présence de nombreux chrétiens parmi les conquérants favorise l'acceptation de leur domi~a~ion par cette population. Pour leur part, les deux royaumes chretiens orientaux la Géorgie et la Cilicie, sont vassalisés. Les quelques scepticis~es sont définitivement éteints le 15 février 1258, lorsque Hoûlâgoû et ses troupes inve~ti~sent Bagd,ad.. Les contingents chrétiens, notamment armemens et georglens, participent activement à la chute de la ,m~tropole musul~ane et aux exactions qui y sont perpetrees. DésormaIS, les communautés chrétiennes sont des collaboratrices zélées du 15
AJtMÉNIENS ET AI.111tES CHRÉTŒNs D'ORIFNT SOUS LA DOMINAnON MONGOLE
pouvoir mongoL En effet, ce dernier assure l~ liberté ~ligieuse de chacun: toutes les confessions ont les memes droIts et les chrétiens Y trouvent parfaitement leur co~pte. D~ ~lus, ceux-ci sont favorisés par les épouses des souverams, tradItIOnnellement converties au christianisme sous sa forme nestorienne, dont la figure de proue est Dokoûz Khâtoûn. ,~ette ~~mière, est ~a femme de Hoûlâgoû et permet aux chretIens d etre preserves lors de l'avancée victorieuse de son époux, notamment à Bagdad. En outre, les adversaires de l'Il-Khanat sont tous musulmans et il est donc bénéfique de s'appuyer sur les minorités religieuses afin de mieux asseoir son pouvoir et de s'assurer un soutien fidèle et efficace. Hoûlâgoû et ses successeurs sont de farouches protecteurs des chrétiens, tout en respectant strictement les libertés de chacun. Leur inclination e!1 faveur du christianisme a suscité les plus grands fantasmes. A l'origine, les Mongols sont considérés comme les hommes du Prêtre Jean, ce souverain mythique devant venir au secours de la chrétienté. Puis, mieux connus, ils sont l'objet d'invites répétées à se convertir au christianisme. Ils ne le feront jamais, tout en accordant une place privilégiée aux éléments chrétiens.
PRÈSENTATION DES SOURCES Les sources sont à la fois abondantcs et variées: après une présentation de celles-do nous aUons mettre en évidence leur intérêt pour notre sujet. Tout d'abord, un constat s'impose: chaque auteur que nous avons pu consulter s'cst attaché à décrire un aspect des rapports mongolo-chl~tiens à l'époc.tllc du règne de Ghâzân. Certains ont mis l'accent sur les relations religieuses établies entre l'II-Khan et les chrttiens de ses Etats. d'autres (la majorité) sc sont intéressés aux questions de politique extérieure et, par conséquent, à III guerre contre les Mamloùks. Il est à noter qu'aucune des sources qu'il nous t\ été donné de consulter ne décrit explicitl!l11l!nt lu politklUC de Ghâzân à l'égard des chrétiens orientaux. De même. les centres d'intérêt de nos auteurs se regroupent en qlldque sorte par « nationalité », par l'appartenance à une même comlllummté. C'est pourquoi nous allons présenter nos sources en rl!spectant cette double répartition: chaqul! autl!ur sera présenté dans le cadre du thème qui a le plus attiré son attention.
LES SOURCES CONCERNANT LES QUESTIONS RELIGIEUSES
Qu'en est-il sous Ghâzân? C'est à cette question que notre mémoire va tenter de répondre. En effet, son arrivée au pouvoir provoque un profond bouleversement dans les relations mongolo-chrétiennes au sein du khanat de Perse. Afin d'étudier ces nouveaux rapports, nous aborderons successivement trois thèmes à la fois distincts et complémentaires. En premier lieu, nous observerons les changements survenus au plan religieux avec l'arrivée au pouvoir de Ghâzân pour, dans un deuxième temps, déterminer les liens politiques établis entre le Khan et les chrétiens. Enfin nous examinerons les questions d'ordre militaire.
Les sources franques d'Occident: Riccold de Monle Croce La grande majorité des Francs qui se sont rendus dans l'Empire mongol sont des religieux. Ils sont envoyés soit en tant qu'ambassadeurs et observateurs, tels Jean de Plan Carpin et Guillaume de Rubrouck 3, soit dans un but missionnuirl!, comme Riccold de Monte Croce. L'appartenance de ces hommes aux deux principaux ordres mendiants, respectivement les franciscains et les dominicains, en font des observateurs
3 Guillaume de Rubrouck n'est pas officiellement ambassadeur, ce qui lui créera des problèmes; son départ pour l'Empire mongol a cltc!, en premier lieu, motivé par l'annonce de la conversion au christianisme d'un prince mongol.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
naturellement enclins à s'intéresser aux questions d'ordre religieux. C'est le cas de Riccold de Monte Croce (1243?_ 1320). Ce Florentin, après avoir fait de solides études profanes dans diverses universités, entre chez les Frères prêcheurs en 1267, à Sainte-Marie Nouvelle. Il semble être un bon religieux, d'une grande dévotion, attaché à la règle, cultivé, plein de ferveur et grandement apprécié par le peuple. C'est un missionnaire dans l'âme, et il décide d'aller répandre la foi chrétienne en Orient. Il passe une dizaine d'années dans ces régions. Débarqué à Acre en 1288, nous le retrouvons en 1300 à Florence, où il rédige ses lettres, ainsi que l'ouvrage qui nous intéresse ici en premier sa Pérégrination. Il est, par ailleurs, l'auteur de deux ouvra~es didactiques plus connus, le Contra /egem Sarracenorum et le traité Ad Nationes orienta/es. Riccold de Monte Croce est donc présent en 1295-1296 ~ors de la vague de persécutions qui frappe l'ilkhanat de Perse' tl.en. est lui même victime et il doit fuir sous un déguisement: Amsl, outre une description de l'ilkhanat de Perse, il nous offre dans ses lettres,.un témoignage émouvant de ce qu'ont été, à se~ yeux, les exactIOns orchestrées par Ghâzân et Nawroûz et ce qu~tre ans après}a chute de Saint-Jean d'Acre. De même, il est p~es.ent ~s .1 .IIIchanat mongol de Perse lorsque celui-ci s onente 1defimtivement en faveur de l'islam', al'nsl' 1'1 nous tran . sme~ es raisons qui, selon lui, sont les causes de la ~onv~rslOn de~ Mongols à la religion musulmane. Ce sont là les mtérets essentiels de cet auteur pour notre e'tude d P," . . '1 car, ans sa ~regrmatlOn. 1 nous relate tous les lieux communs au sujet des ongols qu~.~ean de Plan Carpin et Guillaume de Rubrouck nous . ont deJa. rapportés avant lui. Il offre toutefois des renseignements mtéressants sur l'ilkhanat de Perse à l" d son passage. Néanmoins son té . epoque e persécut' . ' mOignage sur la vague de I~ns qUI a frappé les chrétiens, au tout début de la pn'se d u pouvoir par Ghâzân t 1 . notre étude. ' res e e pomt le plus important pour
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SOURCES
Les sources syriaques Dans l'historiographie des chrétiens orientaux, les sources d'origine syriaque sont celles qui se sont le plus attardées, et les seules à s'être véritablement intéressées aux persécutions religieuses et aux rapports établis entre leur communauté et le Khan. Cet intérêt peut être expliqué par le fait que les Syriaques sont avant tout rassemblés par une même confession religieuse, soit jacobite soit nestorienne. et qu'ils n'ont jamais eu, historiquement, d'État, ayant toujours conservé une place de minorité religieuse sous les différents pouvoirs qui se sont exercés en Perse. Deux informateurs majeurs nous apportent des témoignages de toute première main, du fait de leur qualité propre et surtout en tant que témoins oculaires. Il s'agit d'un jacobite et d'un nestorien. 1
Le continuateur de Bar Hebraeus Bar Hebraeus (1225/6-1286) a fait de solides études, tant en médecine qu'en rhétorique et en théologie, auxquelles s'ajoute la connaissance du syriaque, de l'arabe et de l'hébreu. En 1264, il devient maphrien, c'est-à-dire chef de l'Église jacobite pour les régions orientales, principalement Irak et Iran. La liberté religieuse mongole lui permet d'entreprendre de nombreuses constructions. Il laisse derrière lui trente et un ouvrages traitant de théologie, de philosophie ou encore de grammaire. Le texte qui nous intéresse, dans le cadre de notre étude est sa Chronographie. une Histoire politique s'étendant de la création à son époque. Mort en 1286, c'est son frère, Grégoire Bar Sauma al-Safi, qui prend sa succession, à la fois en tant que maphrien, de 1288 à 1303, et dans la rédaction de son œuvre historique, qu'il poursuit jusqu'en 1296. C'est cette continuation qui nous intéresse essentiellement pour notre étude. Le continuateur de Bar Hebraeus nous décrit de manière très précise les persécutions survenues au début du règne de Ghâzân, ce qui en fait un témoignage de première importance sur cette question. Nous avons placé la Chronographie de Bar Hebraeus comme une source mettant l'accent sur les questions religieuses (auxquelles est consacrée sa Chronique ecclésiastique), bien
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qu'il s'agisse, pour la gran~e maj~rité d.e. l'~uvra~e,. d'~ne Histoire politique. Notre chOIx peut etre cntJque" ma~s Il VIent du fait que le récit s'achève en 1296, avec les persecutions. Il ne contient donc, pour le règne de Ghâzân proprement dit, que des renseignements d'ordre religieux. Nous pouvons toutefois regretter l'interruption de cette Histoire, car la qualité du travail de Bar Hebraeus dans un premier temps, puis de son continuateur dans un second, nous laisse entrevoir quelle mine' inépuisable de renseignements, pour les questions politiques notamment, aurait été ce texte, comme l'illustre parfaitement le récit qu'il nous a fait de la lutte pour le pouvoir entre Ghâzân et Baydou. - L'historien de la vie du patriarche Mar Yâhballahâ III D'origine ongüt, Marcus est élu à Bagdad, en 1281, à la tête de l'Église d'Orient et prend le nom de Yâhballahâ III. Sous son long patriarcat, puisqu'il meurt en 1317, il voit passer huit Il-Khans. C'est l'archidiacre anonyme de Marâgha qui écrit la vie du patriarche. On ne sait rien de plus sur cet auteur, si ce n'est qu'il semble avoir assisté à certains événements rapportés dans la Chronographie. La rédaction de l'ouvrage a, quant à elle, été réalisée peu de temps après la mort de Mar Yâhballahâ III. Il s'agit de la source principale, voire unique, pour étudier les rapports entre chrétiens orientaux,-à travers les nestoriens-, et Mongols, dans l'i1khanat de Perse et ce, sur une période s'étendant de 1281 à 1317, avec toutefois un récit beaucoup plus lapidaire à partir de 1306. Par sa place, Mar Yâhballahâ III est en rapport direct et étroit avec Ghâzân. Tout d'abord l'une des principales victimes des persécutions, il retrouve peu après honneur et dignités. Tout au long de son ré~it, l'auteur n~~s décrit la situation de la communauté syriaque onentale .dans 1 Ilkhanat de Perse au gré des déplacements de so~ .patnarche. ~a source ne s'intéresse qu'aux questions reltgleuses, menttonnant simplement les expéditions de 12991300 et de 1301, oblitérant complètement la défaite de 1303.
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SOURCES
Il s'agit véritablement de la source essentielle à consulter pour une étude sur les chrétiens nestoriens dans l'ilkhanat de Perse. Les sources musulmanes,' Ibn Taymiyya
Ibn Taymiyya, pour sa part, nous éclaire sur un autre point, toujours en matière religieuse: l'islam de Ghâzân. :~ur le théologien, le Khan mongol n'est certainement pas un ventable musulman. Ibn Taymiyya (1263-1328) est un théologien et jurisconsu!te hanbalite. Dans son enfance, il doit fuir sa ville natale, Harran, pour Damas, devant une menace mongole. Sa rigueur d?ctrinale et son intransigeance lui attirent de nombreux problemes en Égypte et en Syrie et il fait plusieurs séjours en prison. En 1297, puis en 1300, il est chargé par le sultan, respective'!1ent L~djîn, puis al-Nâsir, de séances d'exhortation au djihâd. A. la su~te de la victoire mongole de Homs, en 1299, Damas est IllvestJe par les troupes de Ghâzân et Ibn Taymiyya est désigné pour participer à la délégation envoyée auprès de l'Il-Khan afin de demander la sauvegarde de la ville. Ses connaissances en matière religieuse sont très sûres, notamment en ce qui concerne sa propre école, mais aussi pour les autres écoles jurisprudentielles. Sa doctrine veut être avant tout une doctrine de synthèse et de conciliation. Dans le domaine du dogme, il veut s'en tenir avant tout au C?ran et au hadîth. De même, pour lui, religion et Etat sont indissolublement liés, l'un ne pouvant survivre sans l'autre. Son influence est profonde à l'époque des Mamloûks Bahriyya et il reste encore, de nos jours, un des auteurs qui a le plus marqué l'islam contemporain. Son œuvre est considérable; ce qui nous intéresse ici est la lettre qu'il a adressée à un seigneur croisé, peut-être Jean de Giblet, dans laquelle se trouve un passage où il critique fortement l'islam des Mongols car « ni Dieu, ni Son Messager, ni les croyants n'étaient satisfaits de ce qu'ils
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SOURCES
faisaient, étant donné qu'ils ne s'en tenaient pas à la religion de Dieu »4. Ainsi avons-nous le témoignage d'un théologien réputé sur la conversion des Mongols et, surtout, de leur souverain, à la religion musulmane. Lui aussi est un témoin oculaire, puisqu'il rencontre Ghâzân en privé au début de l'année 1300, peu après l'occupation de Damas par les troupes de ce de~i~r. Leur discussion a immanquablement dû concerner la rehglon. Ibn Taymiyya a donc pu se faire une idée très précise de ce qu'est véritablement l'islam de l'JI-Khan mongol. Son intransigeance dogmatique ne peut être satisfaite du mélange opéré par Ghâzân entre rosa et sharî'a. Son témoignage nous rapporte parfaitement la vision que se font les Mamloûks de la conversion à l'islam des Mongols: il ne s'agit, pour eux, que d'un faux semblant. Nous retrouvons d'ailleurs ceci dans la lettre que le sultan al-Nâsir adresse à Ghâzân en 1301, dans laquelle il met véritablement en cause la foi du Khan.
pour notre recherche. Cependant, ses observations se font à partir de Chypre et il n'est donc pas un témoin direct de ce qu'il relate. Toutefois, il est très bien informé et son Histoire ne contient que peu d'erreurs. L'auteur s'intéresse essentiellement à la lutte contre les sultans d'Égypte. En deux endroits, il nous parle des Mongols, à l'année 1260 (§ 299-304), et peu avant de se pencher sur Ghâzân. En effet, il accorde une place importante à notre Khan et c'est ce qui en fait toute sa valeur, car il est un témoin plus objectif, vis-à-vis des Mongols et des chrétiens orientaux; il mentionne notamment la conversion à l'islam du souverain mongol. De plus, il nous offre un regard extérieur, un peu plus détaché, en recul, de celui des chrétiens orientaux. Il met l'accent sur les deux campagnes dirigées contre la Syrie en 1299-1300 et en 1301. Le récit qu'il en fait est de qualité; il est le seul à nous expliquer clairement la raison de la démonte effectuée par Ghâzân à Homs, ce qui illustre bien la qualité de ses renseignements. Enfin dans le cadre de notre étude, il est le seul à relater une possible mésentente entre Hét'oum Il et son frère T'oros. Au total c'est un témoignage qui nous a été précieux dans le cadre de notre recherche.
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LES SOURCES CONCERNANT LES QUESTIONS MILITAIRES
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Les sources franques d'Orient: Les Gestes des Chiprois Les Gestes des Chiprois sont une compilation historique s'étendant de 1131 à 1309 environ. Trois distinctions nettes peuvent être effectuées dans cette œuvre. La première partie est une chronique des royaumes de Jérusalem et de Chypre de 1131 à 1224. Le deuxième ensemble, rédigé par Philippe de Novare, traite, pour sa part, de la lutte opposant le roi Henri 1er de Chypre à l'empereur Frédéric Il, entre 1228 et 1243. Enfin, la troisième partie, celle qui nous intéresse directement, est une Histoire des royaumes latins d'outre-mer depuis 1243 jusqu'au début du XIV: siècle. Il faut vraisemblablement attribuer la rédaction de cette dernière .partie à ~érard de Montréal, chevalier chypriote, qui semble etre témolD des événements qu'il raconte à partir de 1269. Il est donc contemporain des faits qui nous intéressent 4
Ibn TA YMIYVA, Lenre à un roi croisé, J.-R. MICHOT trad Lyon 1995
p.172.
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Les sources arméniennes
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Les sources arméniennes de Cilicie, très favorables à l'alliance arméno-mongole, concentrent leur intérêt sur les relations militaires établies entre les deux États et dirigées contre l'ennemi commun, les Mamloûks. Pour elles, la survie du royaume en dépend et elles ne s'attardent pas sur de quelconques considérations religieuses. Le continuateur du connétable Sembat
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Le connétable Sembat (1208-1276) est le frère ainé de Hét'oum 1er• Ce dernier l'envoie à Karakoroum, à l'annonce de l'avènement de Gtlytlk, afin de confirmer au nouveau Grand Khan l'allégeance faite par le royaume arménien de Cilicie à la
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puissance mongole. De son voyage, nous avons une lettre qu'il a écrite de Samarkand, le 7 février 12485 . Il reste connétable jusqu'à sa mort accidentelle, en 1276, lors de la victoire arménienne de Marach, son cheval ayant percuté un arbre. Outre ses activités militaires, Sembat est l'auteur d'une chronique ou du moins, il a pu en fournir en partie la matière - dans laquelle il relate l'Histoire du royaume d'Arménie (c'est-à-dire de Cilicie) et qui embrasse la période comprise entre 951 et 1275. La première partie n'est que la reprise d'auteurs plus anciens; l'ouvrage devient véritablement original quand Sembat aborde les questions de son temps. Son œuvre est très importante pour l'Histoire des relations arméno-mongoles. C'est un continuateur anonyme qui poursuit la rédaction de sa chronique jusqu'en 1331. Il s'agit vraisemblablement du moine uniteur Nersês Balianents. Ce dernier, farouchement attaché à l'Union des Églises armemenne et romaine, grossit considérablement, en ce qui concerne notre étude, le rôle de la Cilicie et de son roi, Hét'oum II. Il nous raconte succinctement les querelles de pouvoir se déroulant à Sis entre les trois fils de Lewon Il, puis il nous donne sa version de la bataille de Homs. C'est sur ce dernier point que nous désirons revenir. Dans le récit qu'il nous donne, Nersès Balianents attribue une place prépondérante à Hét'oum Il dans la victoire. Son témoignage est intéressant aussi, car il est le seul à parler d'un pélerinage du souverain arménien à Jérusalem. Cette affirmation suscite de nombreuses discussions et, bien qu'il ne faille pas prendre son récit au pied de la lettre, nous considérons cependant qu'il peut y avoir un fond de vérité. Haython , ~e no~ de Hayth?~ est la transcription franque de 1 armémen Hét oum. ~I est ICI question de Hét'oum, seigneur de Korykos, neveu du roI arménien de Cilicie Hét'oum 1er • Né entre
SOURCES
1230 et 1245, il joue un grand rôle dans les affaires de Cilicie, particulièrement entre 1299 et 1303. En 1305, il se fait convers au monastère chypriote des Prémontrés de Lapais, ce qui ne l'empêche toutefois pas de se mêler aux intrigues qui aboutissent à l'usurpation d'Amaury de Lusignan à Chypre en 1306. En 1307, il se rend en Occident, afin d'inciter le pape Clément V à lancer une nouvelle croisade dont la Cilicie aurait bénéficié. En 1309, il rentre en Cilicie où il exerce les fonctions de connétable jusqu'en 1314. Après cette date, nous n'avons plus de renseignement concernant sa vie. En 1296, Haython rédige une Chronographie, en arménien. Cependant, l'ouvrage qui nous intéresse essentiellement est sa Fleur des Histoires de la terre d'Orient qu'il dicte en français, à Poitiers, à l'intention du pape Cl.ément V. Nicolas Falcon, qui a mis cet ouvrage par écrit, en a fait une traduction latine. L'œuvre comporte quatre livres une description de l'Asie, une Histoire des empires d'Asie: une Histoire des Mongols et enfin un projet de croisade qui recommande de débarquer en Cilicie pour attaquer le sultanat mamloûk. Cet ouvrage est destiné à intéresser l'Occident au sort de la Cilicie et à l'alliance mongole; il donne donc de nombreuses indications sur la puissance des Il-Khans de Perse tout en étant très partial. ' Son intérêt. pour notre recherche est majeur, car Haython est contemporam des événements qu'il relate, signalant même parfois sa présence lors des batailles, mais ne dévoilant toutefois pas le rôle véritable qu'il a joué. Il est dithyrambique sur Ghâzân, qu'il semble avoir connu et dont il nous dresse un portrait de son vivant: « Il était étonnant de voir tant de vertus enfermées en un si petit corps, car, sur vingt mille chevaliers, on n'en aurait pas trouvé un seul plus petit ni plus laid. Mais il les dominait tous en prouesse et en vertu »6. HA YTHON, La Flore des Histoires de la Terre d'Orient, dans RHC, DA, t. Il, Paris, 1906, Livre lII, chap. XL, texte p.195, p.318, trad. par C. DELUZ, La Fleur des Histoires de la terre d'Orient, dans D. RÉGNIERBOHLER éd, Croisades et Pèlerinages, Paris, 1997, p. 850: « Et hoc erat precipu~ ad~i~andum. qualite~ i~ .tantilo corpusculo tanta virtutum copia poterat mvenm : nam mter C mlhtum vix potuisset stature minoris aliquis 6
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J. ~CHARD, "La le~ du connétable 5mbat et les rapports entre ChrétiensÉ et Mongols' au nuheu du XIII" siècle", dans. D KouyrnJlan .. Armeman . StwJ.' 1986~. 68~~.armémennes: ln memoriam Haig Berberian, Lisbonne,
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SOURCES
Il accorde une grande place au règne de Ghâzân dans son ouvrage, nous racontant en détail. les trois expéditions menées contre la Syrie sous ce souveram. Haython est un farouche partisan de l'alliance christiano-mongole et il s'attache à démontrer, tout au long de son œuvre, les bienfaits d'une telle entente dans la lutte contre les Mamloûks. Malgré un parti pris évident, il semble toutefois rester objectif; en effet, dans son travail destiné au pape, il signale le passage à l'islam de Ghâzân, que nous pouvons en quelque sorte considérer comme son héros. Néanmoins, son Histoire ne s'intéresse qu'à la relation des faits politiques et ne s'attache pas à nous éclairer sur la situation des chrétiens orientaux dans la Perse mongole.
essentiellement utilisé à travers sa géographie, le Takwîm 01bouldân, et son Histoire, le Moukhtasar ta 'rîlch al-bashar. Histoire universelle couvrant les périodes préislamique et islamique, jusqu'en 1329. Si, pour la partie la plus ancienne, il reprend Ibn al-Athîr, il est, pour notre époque, témoin l. _...aire, puisqu'il participe aux différentes batailles qui opposent Mongols et Mamloûks sous le règne de Ghâzân. 1\ nous apporte donc de précieux renseignements sur les expéditions syriennes effectuées en Cilicie. Toutefois, il est à noter qu'il ne s'attarde pas sur la défaite de 1299 à Homs, tandis qu'il s'étend plus largement sur l'éclatante victoire mamloûke de 1303. Par son témoignage il nous apporte la vision de l'adversaire des chrétiens orientaux et des Mongols, ce qui en fait son principal intérêt.
Les sources musulmanes AI-Djazarî Pour le sujet qui nous intéresse ici, les sources mamloûkes que nous avons pu consulter se concentrent uniquement sur le conflit qui oppose l'Égypte et la Syrie à la Perse ét à la Cilicie.
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Aboû I-Fidâ Aboû I-Fidâ (1273-1331) est un prince de la famille des Ayyoûbides; il est resté fidèle aux Mamloûks, malgré la suppression de la principauté ayyoûbide de Hamah. Il s'attire les faveurs d'al-Nâsir et obtient le gouvernement de cette ville en 1310. Dix ans plus tard, en 1320, il est publiquement investi des insignes du sultanat et du titre honorifique d'al-Malik alMou'ayyad, ce qui lui confère la suprématie sur tous les gouverneurs de Syrie. Il jouit d'une bonne réputation et de la faveur du sultan jusqu'à sa mort. .est l'au~~r de productions poétiques et d'ouvrages sur des sUjets reltgleux et littéraires. Aboû I-Fidâ est toutefois
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rcperiri, neque turpioris aspectus. Omnes tamen alios in probitate et virtibus excedebat. ».
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AI-Djazarî (1260-1338) est un brillant causeur, simple, sincère, droit, naturellement obligeant, il aime la compagnie des gens vertueux. Son œuvre historique est essentiellement connue sous le titre de Ta 'rikh al Djazarî, plus simple que le libellé initial. C'est un gros ouvrage, dont seule la dernière partie, en trois volumes, a été conservée ; celle-ci comprend les événements survenus entre 1326 et 1338. Son ouvrage se présente sous la forme annalistique: chaque année, avant le récit des événements, alDjazarî dresse un obituaire des personnages qui sont décédés, en en faisant parfois un éloge. Son travail est d'une remarquable qualité. L'analyse détaillée du fragment de Paris, donnée par Sauvaget, comprend une dizaine d'années, entre 1289 et 1299 environ. C'est une source qui s'est révélée des plus intéressantes pour nous, car l'auteur y relate des faits concernant les Mongols et les tensions qui existent entre ces derniers et les Mamloûks, à l'époque de Ghâzân et avant 1299. Ainsi il nous parle d'une première tentative de l'II-Khan, avortée en 1298, puis d'une deuxième, au début de 1299, qui échoue à cause de la révolte de Soulâmîsh. De même, il nous signale le passage des ambassades ciliciennes venues implorer la clémence du sultan.
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de Nous Pouvons regretter la disparition , ' . son œuvre. qui nous 't apporté sans doute, de tres precieux renseignements. aurai, . . "1 t l' d Nous en retrouvons toutefois une partie, pUlSqU 1 es une es sources utilisées par al-Moufaddal.
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AI-Moufaddal Historien du XIVe siècle, on ne sait rien de plus sur sa vie, si ce n'est son appartenance à la confession copte, ainsi que la date d'achèvement de son unique ouvrage connu, en 1358, l'alNahc(j al-sadîd wa-I-dourr al-farîd fimâ ba 'd Ta 'rîkh Ibn al'Amîd, qui est le récit de la période des Mamloûks Bahriyya, de 1260 à 1340. La question des sources utilisées par al-Moufaddal représente un difficile problème pour les spécialistes. Toutefois, il est avéré qu'al-Moufaddal s'appuie, pour l'essentiel, sur al-Nouwayrî, alDjazarî, Ibn al-Dawâdârî et sur Baybars al-Mansoûrî. Dans les passages pour lesquels il apparaît contemporain des événements, ses observations font de son récit un document d'une importance considérable; de même, il manifeste une cohérence et une pertinence remarquables dans l'organisation de ses sources. Dans son ouvrage, il se penche sur l'Histoire politique de la Syrie et de l'Égypte, mais il développe quelquefois des événements survenus dans d'autres régions du monde musulman, notamment dans !'I1khanat de Perse. Pour notre étude, la consultation d'al-Moufaddal a été très précieuse, car elle comble en partie l'absence de l'ouvrage d'al-Makrîzî que nous n'avons pas réussi à nous procurer, malgré de nombreux efforts et demandes. Outre les ambassades annéniennes reprises d'al-Djazarî et les expéditions militaires de Ghâzân, al-Moufaddal nous décrit précisément l'occupation mongole en Syrie et les exactions qui y sont commises. De même, il n~us a transmis des textes importants, comme celui de la déclaratIOn de Damas, tout comme il nous a communiqué le contenu des lettres échangées entre Ghâzân et al-Nâsir en 1301. Au total, c'est une source peu connue, mais très intéressante à consulter, qui éclaire de nombreux points de notre étude.
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SOURCES
Parmi les sources musulmanes, il faut bien évidemment prendre en compte le travail des historiens persans Rashîd al-Dîn et Wassâf. Ces deux sources sont essentielles pour une étude du règne de Ghâzân, mais l'absence de traduction globale nous les a rendues pratiquement inaccessibles. Nous allons tout de même en faire une présentation et souligner leur intérêt.
Rashîd al-Dîn Rashîd al-Dîn (v. 1247-1318) est issu d'une famille juive de tradition professionnelle médicale, et c'est à ce titre qu'il entre au service de la cour mongole, sous le règne d'Abaka. Malgré sa conversion à l'islam vers la trentaine, ses origines hébraïques demeurent un handicap tout au long de sa carrière. En 1298, il est appelé par Ghâzân et, jusqu'à la fin de sa vie, il demeure au sommet des affaires de l'État, mais toujours avec un adjoint; il n'est donc jamais premier ministre à part entière. Sa position lui donne pouvoir et influence, tout en lui permettant d'accumuler des richesses. En 1318, il est accusé par un rival d'avoir empoisonné Oldjeytü, et est exécuté. C'est son œuvre d'historien qui contribue à la renommée de Rashîd al-Dîn. Son Djâmi 'a/-tawârîkh est probablement la source la plus importante pour l'ensemble de l'Empire mongol. C'est Ghâzân lui-même qui commande ce travail à son ministre. À l'origine, ce devait être un exposé de l'Histoire des Mongols et des peuples de la steppe les ayant précédés. Cependant, en mémoire de son frère, Oldjeytü demande à son ministre de poursuivre son travail, afin d'en faire une Histoire de tous les peuples avec lesquels les Mongols ont été en contact. C'est cette partie qui permet à Boyle de le qualifier de « premier historien universel )/. Les renseignements de Rashîd al-Dîn sont d'intérêt varié, selon la partie que l'on observe; ainsi, la période qui suit
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7 J.-A. BOYLE, "Rashîd al-Dîn, The First World Historian", Iran IX, Londres, 1971, p. 19-26; repr. dans ID., The Mongol World Empire, 12061370, VR, Londres, 1977.
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• ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
la mort de Gengis Khan est reprise mot pour mot de Djouwaynî. En revanche, la totalité du reste de son ouvrage revêt une importance considérable, no.tamment !e~ ,info,rmatio~~ qu'il apporte sur Gengis Khan, b~en q~e redlgees a un sIecl~ de distance. En effet, il s'appUIe fidelement sur une chromque mongole, J'Altan debter, aujourd'hui perdue. Toutefois, la partie la plus intéressante concerne l'Histoire des II-~ans dont il est le contemporain. En effet, ses hautes fonctIOns en font un observateur de première main, au fait de toutes les décisions, proche du souverain et ayant l'accès aux archives. Cependant, il ne peut être considéré comme objectif, car il a tout intérêt à noircir le tableau qu'il nous fait de l'I1khanat de Perse, avant son arrivée au pouvoir, et à signaler les succès des réformes bénéfiques entreprises par Ghâzân et Oldjeytü sous son égide. Notre principal accès a été, faute de mieux, l 'Histoire des Mongols de d'Ohsson. Dans cet ouvrage, l'auteur a traduit de nombreux passages de l'historien persan, qui n'ont fait qu'augmenter notre dépit de ne pas avoir pu consulter cette source dans son ensemble.
Wassâf Cet historien persan est employé à la collecte des taxes jusqu'à ce .9u 'il devienne le protégé de Rashîd al-Dîn, qui le présente à Oldjeytü en 1312. Son Histoire, le Ta'rîkh-i-Wassaf, est la continuation de 'Atâ Malik Djouwaynî et couvre la période 1257-1328. L'ouvrage contient des renseignements de très grande qualité sur les événements, ainsi que sur des questions d'ordre économique. Toutefois, ce travail est diminué pa~ son ,I?anqu: de méthode et un style lourd et imagé, à tel pomt qu Il a meme fallu aux Persans créer un dictionnaire afin de pouvoir lire l'ouvrage. '
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SOURCES
Un cas particulier: la Géorgie
L 'Histoire de la Géorgie, compilée au XVIIIe siècle et traduite par Brosset, est notre seule source en ce qui concerne le royaume de Géorgie. Ce. texte est largem~~t posté~eur, dan~ sa rédaction, à l'époque qUI nous concerne ICI, et les mformatIOns sont parfois sujettes à caution, notamment en ce qui concerne l'attribution des nationalités aux personnes. Toutefois, les informations peuvent être globalement considérées comme fiables. Ce qu'il ressort de la consultation de cette source, peutêtre du fait de sa postériorité, c'est qu'il s'agit d'un Histoire nationale. Tout le récit se concentre sur la Géorgie et sur ses rapports avec les autres États. Ainsi cette source aborde tous les points des relations mongolo-géorgiennes; les persécutions religieuses ne sont, par exemple, observées que dans la perspective du royaume géorgien. De même, est très largement rapporté le conflit politique qui oppose David VIII à Ghâzân, mettant ainsi en valeur l'orientation de la politique géorgienne de ce dernier. De leur côté, les expéditions militaires organisées par l'II-Khan contre la Syrie sont simplement notées, sans beaucoup de détail, car se déroulant loin du territoire national, et ne concernant pas directement le royaume de Géorgie, même si le roi et ses troupes y prennent part. L 'Histoire de la Géorgie est, elle aussi, une source importante pour la connaissance des relations entre Mongols et chrétiens orientaux sous le règne de Ghâzân.
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1 - UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIGUI LA CONVERSION DE GHAZAN
La place du christianisme et de l'islam Un rôle de plus en plus important de l'islam Maîtres d'un territoire à forte majorité musulmane, les Mongols sont influencés par cette culture. Alors que les chrétiens caressent le vain espoir de voir un jour se convertir un souverain mongol à leur religion8, c'est en fait un processus d'islamisation qui s'accomplit. La première alerte se place sous le règne de Takoûdâr (1282-1284). Son jeune âge - il meurt à vingt-trois ans - semble indiquer que sa conversion s'est faite sous l'influence d'une personne9• C'est le shaykh Kamâl al-dîn 'Abd al-Rahmân qui pousse le jeune souverain à embrasser l'islam. Sa conversion est attendue par les musulmans, notamment par les deux frères Djouwa~nî, qui jouent à fond la carte de Takoûdâr et de l'islamisation l . Les deux hommes ont un rôle prépondérant dans la politique de l'Il-Khan, car ils sont à la tête de son administration. La présence de fonctionnaires de confession musulmane au sein du dîwân est une évidence; leur influence s'exerce sur leurs maîtres, souvent à l'insu de ces derniers. En effet, très tôt, ces notables ont acquis des places
KIRAKOS DE GANDZAK, éd. E. Dulaurier, "Les Mongols d'après les historiens arméniens", fragments traduits dans JA, 1858, p. 192-255, p.426473, p. 481-508, ici p. 198: « Un bruit qui était sans fondement représentait ces peuples comme proférant le magisme ainsi que la religion chrétienne, et comme opérant des prodiges.». 9 J.-M. FlEY, "Pourquoi la tentative de rapprochement Mongols-Mamlouks échoua-t-elle sous TegUder-Ahmed et QalawUn", AHA Ill, 1984, Université Saint-Joseph, Beyrouth, p. 1-33, ici p. 2. 10 J. AUBIN, Émirs mongols et vizirs persans dans les remous de l'acculturation, S.Ir., cahier 15, Paris, 1995, p. 30. 8
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ARMéNIENS ET AUTRES CHRéTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
UNE SITUATION RELIOIEUSE AMBIOU1!
dans la haute administration il-khanienne et peuvent orienter les choix politiques du souverain en défaveur des chrétiens. Sous Hoûlâgoû, un des gouverneurs de Géorgie est musulman Khôdja 'Azîz: par son iniquité, il pousse David VI Narin~ (1245-1292) à la révolte". Nous retrouvons aussi des émirs musulmans, conseillers d' Abaka, mais secrètement acquis à la cause égyptienne. Ils écrivent à Baybars peu après sa victoire Sur les Arméniens à Mari (1266) : dans leur message, ils rapportent au sultan mamloûk qu'il lui suffit d'exiger du souverain arménien la cession d'un village. Par là, ils obtiennent la possibilité d'accuser Hét'oum le, de trahison devant l'II-Khan et de voir s'abattre sur lui les foudres de ce dernier. Leur projet échoue car le roi est averti par les princes de Grande Arménie l2 • Mê~e si cette H~stoire est sujette à caution, elle n'en révèle pas moms que les élItes musulmanes sont très bien placées dans la hiérarchie administrative. Elles se servent de celle-ci afin de discréditer les chrétiens aux yeux des Mongols. Ainsi, sous Arghoû.n (1284-1291), les musulmans portent de nouvelles ~ccusatlOns contre les chrétiens; une fois preuve faite de leur mnocence, aussi bien les juifs que les chrétiens obtiennent des postes de confia~ceI3. Pourtant cette confiance s'effrite à mesure q.ue .Ies accusatIOns se multiplient. Quoi qu'il en soit, cette rivalIté ent~e les deux communautés religieuses mine le pouvoir par la délation et les accusations mensongères.
Depui~ toujours, dans les pays d'Islam, les dhimmis sont
~:~sents au sem de.l'administr~tion. Sous Arghoûn, c'est un juif,
d al-d.awla, qUI est placé a la tête du vizirat, afin d'éviter toute ~érlve et de garder en main son pouvoir. L'homme est assassmé peu avant la mort de son maître. Un pogrom est alors IIM
.·F. BROSSEr Histoire de la Gé
J858, § 37J, p. 559:56 J
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org e, . vol., Saint.Pétersbourg, 1849-
12 Grigor d'AKNER /i' ,1' • trad. par Blake et FIS/ory OJ the NatIOn of the Archers (The Mongols) chap. XV P 367 rye, Harvard Journal of Aslatic Studles XII 1949' Il
t·.
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J.·M. FlEY, Chrétiens syriaques, op. cil., p. 52-53, 34
,
organisé contre la communauté juive l4 • Pour sa part, la vieille tradition de collaboration administrative des nestoriens est toujours d'actualité. Celle-ci remonte à la période des califes 'abbâsides, où ils sont chargés des questions relatives aux chrétiens. Ils étendent peu à peu leurs activités, le statut de la dhimma ne leur fermant aucune porte; le théoricien d'un redressement califal, al-Mâwardi (974-1058) va jusqu'à déclarer qu'il peut y avoir un vizir dhimmi, à la condition que ce soit un « vizirat d'exécution» et nory de décision. De plus, les nestoriens sont protégés par L'Edit du Prophète aux Chrétiens, un faux rédigé par leurs moines au IX· siècle, qui donne à ces derniers de plus grandes libertés que le statut traditionnel de la dhimma. Sous le règne d'Abaka et de Dimitri Il, c'est Sadoun qui est désigné comme gouverneur de la Géorgie: il est chrétien et favorise les monastères l5 • De plus, en 1289, le gouverneur de la ville de Mossoul est chrétien, c'est un Arménien 16, En outre, sous le bref règne de Baydou, les chrétiens, toutes Églises confondues, obtiennent des emplois civils. Depuis la conversion à l'islam de Takoûdâr, la situation religieuse au sein de la population mongole a considérablement évolué. À sa mort (il est assassiné le 16 août 1284), la majorité des Mongols n'est pas de confession musulmane. À la suite de son règne, un glissement de plus en plus prononcé vers cette religion s'opère. En 1288, le Syriaque Rabban Sauma peut 14 AL.MOUFADDAL, éd. et trad. par Blochet, "Moufazzal ibn Abi I·Fazail : Histoire des sultans mamlouks", PO XII, 1919, p. 345-550; XIV, 1920, ~. 375-672 ; XX, 1929, ici fasc. Il, p. 550. 5 M .• F. BROSSET, Histoire, op. cil., § 392, p. 589. Sadoun est le père de Koutloûshâh, le principal général de Ghâzân. Nous voyons plus loin, p. 594, que Sadoun rachète Thamar, sœur de Dimitri Il, afin de la soustraire à son mariage avec Nawroûz. 16 E.. A. WALLIS BUDGE trad., The Chronography of Gregory Abû '1 Fara} (1225-/286), the son of Aaron, the Hebrew physican commonly know as Bar Hebraeus. Belng the .tirst part qf hls «Politlcal History of the World.ll, translated lrom Syrlac, 2 vol., Londres, 1932, t. 2, p. 480; J.-M. FlEY, Chrétiens syriaques, op. cil., p. 52.
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2 ARM~NffiNS ET AUTRES CHRBl'lIlNS O'ORIflNT
SOUS LA DOMINATION MONGOLE
encore dire devant la Curie pontificale que de nombreux Mongols sont chrétiens ' ?, mais le processus est en cours. C'est un tout autre discours que commence à tenir le maphrien de l'Église jacobite, Bar Hebraeus. Le glissement est donc progressif: au temps d'ArghoOn il est surtout le fait du petit peuple et n'a pas encore touché la noblesse mongole 'H . Ainsi, en 1290, la grande majorité des conquérants est convcrtie ; seules les élites aristocratiques restent encorc fidèles à leur ancienne religion, mais la conversion à l'islam n'est plus qu'une question de temps. Lorsque Ghâzân accède au trône, cn 1295, ce sont cette t()is « tous les Mongols (qui ont) alors abandonné leurs institutions nationales et embrassé la religion musulmane »,I} Cet état de choses nous est rapporté par d'autres auteurs' chrétiens eux aussi, tels Bar Hebraeus, Riccold de Monte Croc~ ou encore. Gérard de Montréal dans Le.\' Gestes de.\' Chiproi.v, auteurs qUI attestent, chacurc de leur côté, que tous les Mongols lont devenus musulmans '. Pour sa part, Hay thon laisse 17 1.-B. CH~BOT. "Hi.'toir~ de Mar Jabal/uhu et du moine Rubban Cauma" trad. du Nyrlaque. ROL. Paris. IR9:!. vol. 4, p. S66-6IO: 1894, vol. 1-3, . 73~ I~~, ,~. 23S-304. p. 566-567. ici 1894, '. chal'. VII. p. 92 : (( Rubbun (~uma dIt. Sachez. Pères. que beaucoup de nos pères sont entrés duns leH contrées ~e. ,,!ongo!.v. des Turcs el des Chinois, ct leH ont instruits. Aujourd'hui e?ucoup de .Mongo!.!· sont chrétiens; il Ya deN enfants de roiN cl d. .' ' ~UI IIO~: b~ptlNéH et confessent le ChriNt. 118 onl avec eux deN é~liHc8 ed:~I:~: ~amp: ~ ..onorent grandement leH chrétienH ct il y a heaucoup de fidèles lIarml eux. ». E.-A. WALLIS HUDO!:l t d Th Ch op. cit.• p. 485-4K6.. J -M r~,ËY eCh r~JI1ography o.(Gregory AM'/ Fara), (4 N'cul8ent été cel hom'me~ d l ' ret/env .'yrlaque." op. clt., p. S4 : Mongols n'auraient jamais :ra~~n~gn~ (les .Qayatchuyé). dîNait-on, Ics beaucoup de Mongola IOn t' deve JamaIS, fall de m~1 aux Kurdcs. car jamai, de mal aux musulmans sn~; mu~~'man~. de nos Jours ct ne feraient noble•. ». • a peu - tre S Ils y étaient forcéa par leurs
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"M .-f. BROSSET
éd., Histoire de l
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~ière IivrailOn, Saint-PétenJbourg 18~ /o~nie par Stéphano.f Orhél/an, E.-A. WALLIS BUDOE trad Th 'Ch ,c ap. LXX, p. 261. op. clt., p. 505; Riccold de MONT: CRro~ography of Gregory Ahû '/ Fara), OCE, Pérégrination en Terre Salnle
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UNE SITUATION RP.UOfllUSI! AMBIOUI!
simplement entrevoir que des Mongols sont convertis, flans donner plus de précision11 • Ce rapprochement en faveur de l'islam est, !!emble-t-iJ, le résultat d'une « action missionnaire» plus efficace de la part des musulmans. En effet, les Mongols, très friands de débats théologiques, se voient expliquer la croyance musulmane. Cctte éducation spirituelle passe par l'enseigncment des pratiques et coutumes de l'islam 2 • C'est un réel retournement de situation car cette religion, loin d'être en position de f()rce au scin de l'empire au début de la conquête, parvient à réaliser ce que les chrétiens ne sont jamais parvenus à faire. Ces derniers bénéficient à l'arrivée des Mongols d'une situation avantageuse en rai!!on de l'existence de tribus mongole!! converties au christianisme ne!!torien. Le but des chrétiens, tant orientaux que latins, est de pousser les Khans à embrasser la foi du Christ. Leur situation en Perse présente, qui plus est, un second avantage. L'ennemi, le sultanat mamloûk, est musulman. Cependant le manque de discipline ecclésiastique pousse les différentes Églises chrétienne!! à demander l'intervention du souverain lors des élections. Ce dernier est transformé en patron et protecteur de ces communautés23 : ces dernières sont de plus en plus sous la dépendance des Mongols. Ainsi, loin de se montrer unis, les chrétiens se querellent entre eux, parfois au sein d'une même Église, et perdent toute considération aux yeux des maîtres. Le meilleur exemple vient de ce qui arrive à Mar Yâhballahâ III. Ce dernier passe une quarantaine de jours en prison sous le règne de Takoûdâr à la suite d'une accusation mensongère portée contre lui par deux et au Proche-Orient et Lettre.,. R. KAPPLER éd. ct trad., Paris, 1997, p. 226; Ge.fte., de.' Ch/proIN. dans RIfC, DA. t. Il, Paris. 1906, § S93. p. 844. 21 HA YTHON. La Flore de.' l1I.vtolre.v. op. clt., livre III. chal'. XXXVIII, f:' 190, p. 315 : trad. C. DELUZ. p. K4H. l A. WALLIS OUDOE trad .• The Chronography of Gregory Abû'/ Fara). op. cil.. p. S05 : Riccold de MONTE CROCE. Pérégrination en Terre Salnle. of' cil., p. 112. 2 B. SPULER, "Le Christianisme chez les Mongol .... dans /274. Ann.e charnière: mutations et ,·ontlnulté". (Lyon-Paris, 1974), Colloques internationaux du CNRS, N"SS8, Parifl, 1977, p. 49. 37
ARM~NIIlN!lIlT ÀUTRP.!I ('HRI\TIIlNR D'ORIIlNT
UNI! 511'UÀTION ItIlLIOII!USIl AMIJ10UI!
!!OUS LÀ I)OMINA'I10N MONClOL!;
6veques ambitieux, Il s'agit d'un certain Jésusabran , métropolitain de Tangout, ct de Siméon, évêque d'Ani. Les deux hommes calomnient le patriarche nestorien ct Rabban SUUIllR en les accusant d'être secrètemcnt partisuns d'ArghoOn. Preuve est faite de leur innocence, mais il n'en reste pas moins que c'est l'intervention de la propre mère de l'II-Khan, Koutouy KhdtoOn qui évite une mort certaine au cathlllicos 24 • ' De leur côté les musulmans !lemblent plus unis devant le désastre qui S'Clit abattu sur eux. Malgré leur image d'ennemis potentiels, ils ne sont pas dévalorisés par des querelles intestines et leur prosélytisme auprès des souverains s'en trouve renforcé2~.
GhAzAn, son enfance GhilAn, fils d'ArghoOn, fils d'Abaka, fils de HoOldgoQ fils de Tolouy, fils de Gengis Khan, est né le 4 novembre 1271 2t: ~c ~o~tlou~h Igadji. Sa mère ne professe pas le chrilltianisme : Il 8 agit vfltlsemblablemcnt d'une bouddhiste, tout comme lion époux. Dès sa na.issance, Ohôzdn n'a donc pas baigné dans une atmosphère chr~tlenne ct cc, même si l'on retrouve uux côtés de Ion père des princesses nestoriennes, telle la mère de Khdrbanda (I~ •futur kha~ ÛldjeytO), qui baptise son fils sous le nom de Nicolas en 1 honneur du pape Nicolas IV (12HH-1292). La présence de f~mmes chrétiennes auprès des II-Khans est chose courante.: la .hgné~ des 1I00ldgoOides ne descend-elle pliS d'une ~~.:, ~~réllen~c ? Ou sang chrétien coule dans les veines de . Il. p,:ovlent de Sorkoktani Beki, une KernYte, femme de Tolouy. Amsi HoQl4goQ, le fondateur de la dynastie, l'arrière~ 75.77. J.-B. CHABOT, "HirlCllrr de MIf Jabailaha, " arl. cil.• 1894, l, chap. VI, ~. .
, Il flul ajouter que la dynlslie mo 1 . .imil6c. taul comme en Chine 1 d ngo.e :e Pene esi progressivement l'ICllon dei mUlulman. CIl renf~ ynulle e. YOln ,'ett ,inillée. Ainsi, • 8. SPULER. art "OhIzln", El. Il,~. 1067.
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grand-père du prince, est le tils d'une nestorienne. Nous retrouvons d'ailleurs à ses cetés, comme épouse principale, la Kerarte DokoÛz Khâtoûn. Celte dernière protège sa communauté religieuse et les conjoints appamissenl, aux yeux des auteurs cltI'étiens, comme le « nouveau Constantin» et la « nouvelle Hélène »27. Mllme si cette image dispamH à la mort du couple, la présence chl'étienne reste toujours importante auprès des souverains mongols. Aux cetés d'Abaka nous retrouvons une princesse byzuntine, ln Oespinn Khâtoûn 2H • Ainsi lu pl'ésence chrétienne est loin d'être négligeable dans l'entourage des II· Khans: aux épouses s'ajoutentlcs nobles et dignitaires mongols issus des tribus converties au nestorianisme par ICI! missionnaires de l'Église d'Orient2Q • La présence du christianisme est donc exclusivement assurée par les chrétiens orientaux. C'est auprès de son grand-père que OhAzân reçoit son éducation. Cetle dernièl'e est typiquement mon~ole : dès l'Age de trois ans, il est capable de monter à cheval' (): il huit ans, 1\ participe il sa première chasse. Abaka pratique lui-même la traditionnelle incision de la main il la Imite de la première prise ~1 J.-M. FlEY, nrt. "Ndsdrd", El, VII, p, 973 (Référencc 1\ l'!c.:onoarnphic d'un évangéliaire jncohile de 12(0). 2M Il g'ngi! de Mode. lJue Pachymérès nous présenle comme III I1l1e naturelle de Michclll Pllléologuc, qui semble être ulle bRtarde, Bile eMt deMtln~e 1\ épouNcr HoOl6g00, l110is ln l110rt de l'II-Khnll l'n conduite Il s'unir à Abnkll, Bon t1IM cl successeur. (OeorgeM PACHYMÊRÈS. Re/aI/fins h/,vtorlque,y, A. FAILLER éd .. intro. el 110les, V. LAURENT lrad., 2 vo!., Les Bellci Lettres, Pllris, 1Q84, Livre III, 3, p. 234) 2Q P. PELLIOT. "Chrétiens d'AMie controle ct d'B"trême Orient", TP XV, 1914, p. 623-644 ~ J. RICHARD, [,eI pelpalllé tl le.' m/s.,/on,. d'Or/tnt ail Moyen Age (xllf-X/I!' .,.), Êcole Frllnçaise de Rome, Rome, 19Q8' pa~s/m: B. SPULER, "Christianisme chet les Mongols", (//./. l'II.. p. 4~-54 ~ A. VON DEN BRINCKEN, "Le nestorillnisme vu pllr l'Occident", danl /274. Ann~, ch"rnlèr.' ml/lallons tl contlnullé.,. (Lyon-PuriN, 1974), ColloqueB inlemationou" du CNRS, N°358, PllriN, 1977, p. 73-84. JO Aujourd'hui encore, en MonaoUe, la plupart des enfantllont.ur un eh.val • cet aae.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
de l'enfant. Cet enseignement laisse peu de place à une influence chrétienne; cependant, celle-ci joue un rôle dans l'éducation intellectuelle du jeune prince. L'Il-Khan veille en effet à ce que l'enseignement dispensé à son petit-fils développe son esprit et nous pouvons supposer que les princesses chrétiennes, notamment la Despina Khâtoûn, transmettent par ce biais une partie de leurs convictions. Quoi qu'il en soit, ce rôle est mineur: Abaka, tout comme son fils, est bouddhiste et l'éducation de Ghâzân est dispensée par les ministres de ce culte31 • C'est donc un « idolâtre» qui reçoit en apanage les provinces du Khourâsân, du Mâzandarân et de Rayy à l'avènement de son père en 1284. Le Khourâsân, la province la plus orientale de tout le territoire, est d'une grande importance stratégique: elle est un nœud sur la route de la soie. Elle suscite les convoitises du khanat de Djaghatay et doit résister à ces pressions. Il faut donc un h~~me d.'une autorité incontestée pour tenir et surveiller les frontIeres onentales. Les différents Il-Khans ont pris l'habitude de don~e~ en apanage le Kh?urâsân à leur fils aîné: c'est ainsi qu~ Ghazan prend la successIOn de son père. Son jeune âge - il a ~el~e ans - ~ontre qu'il est placé sous la tutelle d'un adulte plus a mem: de regler les affaires complexes de cette région. C'est à N.awro~z que, cette tâche est confiée; le prince, pour sa part, n est la,. au debut tout du moins, que pour représenter l'autorité sou~erame. Malgré son éducation et une intelligence que Rashîd al-dm ne c~sse de nous dire brillante, le jeune homme ne se montre pas. a la hauteur de la situation. Confronté à une révolte de son ancien tuteur, qui éclate en 1289, Ghâzân, incapable de Rashîd A • .. Paris l836L.D~94Hlls9tSO/:e des Mong~/s de Perse, F. QUATREMÈRE éd. , , p. . « Les ancetres de G Kh . ' extrêmement attachés' l''d 1" . .. azan an avalent été du Khataï et d ad'II 0 atne. Ils faisaient venir de l'Inde, du Kaschmir u pays gour des lamas idol"t 1 . ' des témoignages d'honneur ~t d 'd' ~ res auxque s Ils prodiguaient temples d'idoles pour lesquels ils ~éc~::~i:ratlon. Ils élev~ient partout des Khan confia aux lamas l'éd f dP n~ des sommes Immenses. Abaqa uca Ion e son pellt-fils Gazan Khan. » 31
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UNE SITUATION RRLIOIEUSE AMBlouA
résoudre le problème. s'enlisc dans un contlit qui va durer six ans 32 • 1\ passe son temps à boire et à chasscr en compagnie de KoutloOshâh et de NoûrÎn Akâ. Ce soulèvcment accentue l'éloignement de la province avec le centre politique de 1'11Khanat. situé en Adharbaydjfin. C'est NawroOz qui. en 1295. accomplit les démarches cn vue d'obtenir la paix. Ce rapprochement inattendu des deux partis va avoir des conséquences décisives pour l'orientation religieuse du jeune prince. Les influences religieuses Le manque d'information ne nous permet pas de rendre compte des relations de Ghâzân avec les chrétiens orientaux avant sa conversion. Malgré ce silence des sources, nous allons essayer de dresser un possible tableau des influenccs religieuses qui se sont exercées sur le futur Khan. Dans son apanage oriental, le prince, fidèlc à sa religion bouddhiste, érige des temples et effectue des donations à ces édifices religicux. Il doit être tolérant à l'égard des autres confessions religieuses, respectant par là l'esprit de liberté de ses ancêtres que l'éducation d'Abaka lui a transmis. Dans cette terre d'islam, l'implantation du christianismc s'cst faite par l'intermédiaire des nestoriens. Ces derniers, ade~tes de « l'hérésie» dyophysite inspirée de l'école d'Antioche J·, voient deux natures du Christ, une « humaine» et une « divine» mais unies en une seule personne. Ainsi Marie est mère du Christ (Christotokos), mais non pas mère de Dieu (Théotoko.y). Condamnée au concile d'Éphèse de 431, puis à nouveau à Chalcédoine en 451, « l'hérésie» nestoriennc s'cst disséminée dans les régions orientales où elle est la seule présence chrétienne durant plusieurs siècles. Les nestoriens ont pouss6
3l
J. AUBIN, Émirs mongols. op. clt., p. 53-56.
L'école d'Antioche reste fidèle à Aristote, le vocabulaire utilise volontiert les termes« Dieu» et« homme ». C'est une compréhenlion li",nlle du texte biblique, la tendance est rationalisante et non plus my.tique.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
. 34 d'é' . cntu~e SlnOjusqu'en Chine où la stèle ,de SI-nga~-!ou, syriaque fait remonter la presence chretienne à au mOins 635, , 35 l' date de l'arrivée du religieux A-Io-pen . Marco Po 0 mentIOnne la présence à la fois de nestoriens et de jacobites dans la ville de Yarkand dans le Sin Kiang 36 (région occidentale de la Chine, non loin de la frontière avec l'actuel Tadjikistan). De même, des communautés arméniennes sont présentes dans tout l' ExtrêmeOriene 7 . La présence de l'Église d'Orient au Khourâsân remonte, quant à elle, au début du v e siècle: des évêchés nestoriens sont attestés à Marw et à Herat. Sous le patriarcat de Mar Yâhballahâ III (1281-1318), l'Église nestorienne est très florissante: elle totalise quelque trente provinces et deux cent cinquante évêchés. Dans l'apanage de Ghâzân, les premières sont toujours présentes et prospères, notamment Herat et Marw, qui a pour siège secondaire Mshâpoûr. Ces deux provinces se sont maintenues au fil du temps38. De nombreux établissements nestoriens sont implantés dans cette région et nous pouvons supposer que c'est parmi eux que Rabban Sauma et son disciple Marcus, le futur patriarche Mar Yâhballahâ III, font halte lors de leur pélerinage pour Jérusalem. En effet les nestoriens sont disséminés tout le long de la route de la soie.
34 P. PELLIOT, "Chrétiens d'Asie centrale", art. cit., p. 623-644. Si-ngan-fou est l'actuelle Xi'an, capitale du Shaanxi, où est par ailleurs connu un pyrée mazdéen élevé en 671. 35 Un décret de 845 ordonne l'interdiction du christianisme en Chine, il y revient avec les Mongols. 36 Marco POLO, Le devisement du monde -Le Livre des Merveilles, L. HAMBIS trad., Paris, 19962, Livre l, chap. LIV, p. 122. J. DAUVILLIER, « Les Arméniens en Chine et en Asie centrale au Moyen Age », Mélanges de sinologie o.ffer~s à M Paul Demiévil/e, Paris, 1974, II, p. 1-17 (repr. dans Histoire des Eglises orientales au Moyen Age, VR, Londres, 1983). 38 Ce D'est pas le cas de toutes les provinces nestoriennes de l'Il-Khanat. Celle du Fârs, par exemple, disparaît au cours du xme siècle.
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De par sa position politique Ghâzân est amené à rencontrer les dignitaires religieux chrétiens et, si ce que nous dit Rashîd al-dîn sur sa curiosité et son intérêt est vrai, il s'est enquis de leur foi. Il nous apparaît cependant plus vraissemblable que son goût pour les discussions intellectuelles et, par là, théologiques ne se soit réveillé que plus tardivement et que ses connaissances sur la religion chrétienne lui aient été apportées par le patriarche nestorien lui-même, au cours de leurs nombreuses entrevues. L'influence chrétienne, si elle a un jour existé, est par conséquent toujours secondaire. Le Khourâsân est une terre d'islam et les communautés chrétiennes y sont très faibles numériquement et éparpillées géographiquement. Au contraire, aux yeux de Ghâzân, se présentent de très grandes et très anciennes cités musulmanes, Marw, Nîshâpoûr, Herat qui, malgré les destructions subies lors de la conquête de Gengis Khan, en 1220-1221, sont encore splendides et imposantes. Dans cette région, la grande majorité de la population suit les préceptes du Coran. Ce rôle du Khourâsân dans la conversion de Ghâzân est illustré par la conversion à l'islam de Nicolas, c'est à dire le futur Oldjeytü. L'archidiacre anonyme, auteur de la vie de Mar Yâhballahâ III, met en relation le passage à la religion musulmane du frère de Ghâzân avec sa présence dans cette province39 . Les Mongols, tout à la fois par intérêt politique, éloignement géographique et attrait, se sont convertis. Le plus bel exemple en est Nawroûz, révolté contre Ghâzân et chef de file de la faction extrémiste: sa famille est déjà passée à l'islam dans les années quarante du XIIe siècle. La conversion permet de rallier à soi les chefs musulmans locaux, la distance limite les relations avec la cour et nécessite donc une certaine assimilation à la culture dominante.
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J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit, 1894,2, chap. XVII, p. 268 ; « Or le roi s'était fait hagaréen dans ces régions (Khourisin). 11 avait reçu une autre éducation qui lui avait fait oublier la première et, sous l'influence des nombreux discours qu'il avait entendus, une certaine haine des chrétiens s'était emparée de lui. » 39
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIGut
La conviction réelle de Ghâzân
La conversion de Ghazan La lutte contre Baydou Onze ans après TakolÎdâr, Baydou se convertit à son tour à l'islam. Une fois GaykhâtolÎ renversé, il décide de garder le pouvoir et devient II-Khan en avril 1295. Il renie ici la ~romesse faite à Ghâzân de lui céder le trône. Cependant, contraIrement à son prédécesseur dans cette voie, sa conversion est loin d'être sincère. Il semble en effet avoir des inclinations en faveur du christianisme. Peut-être a-t-il même été chrétien avant de se convertir. Il entretient pendant très longtemps d'excellentes relations avec des fidèles de cette religion, notamment la Despina KhâtolÎn, femme d' Abaka. Il reçoit les religieux chrétiens avec honneur, il a même édifié une église et s'est donné un nom emprunté aux chrétiens. De plus, il dit à ces derniers qu'il partage leur foi et aux musulmans il annonce son passage à l'islam4o • Sa conversion relève donc plus du calcul politique que d'une véritable conviction. Ce fait semble corroborer les dires de Stép'annos Orbêlian qui présente sa conversion comme une concession à la demande insistante de ses généraux 41 • Son incapacité et sa mauvaise administration provoquent le mécontentement de tous; il peut espérer sauver son règne par cette conversion, mais cette ultime protection tombe avec l'adoption de l'islam par Ghâzân. Baydou prend la fuite et est tué par les Géorgiens42 •
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E.-A. WALLIS BUDGE tract.. The Chronography o/Gregory AM '1 Faraj,
':('. cil.. p. SOS. 4 Idem., M.-F. BROSSEr éd.. Hialoire de la Siounie par Sléphanos Orbélilln, op. cil., chap. LXX. p. 260. 42 AL-DJAZARi, La chronique de Damas d'AI-Jazari, J. SAUVAGET trad., Bibliothèque de l'École des Hautes Études, Paris, 1949, § 268, p. 43.
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C'est très certainement dans ce cadre politique que NawrolÎz arrache enfin à Ghâzân la décision de changer de religion. Si nous suivons Riccold de Monte Croce, sa conversion est due à la facilité de pratiquer la religion musulmane. « Apprenant des Sarrasins que ceux-ci étaient le peuple de Dieu et qu'eux seuls seraient sauvés par la loi du Coran et les prières de Mahomet, ils [les Mongols] s'enquirent de leur loi et trouvèrent que c'était une loi très large qui ne présentait presque aucune difficulté, ni dans la croyance ni dans la conduite. Ils acceptèrent cette loi et devinrent sarrasins surtout parce qu'eux mêmes, les Tartares, n'avaient ni loi ni prophètes. »43 En effet, pour les chrétiens, subsiste longtemps l'espoir de voir un jour les Mongols de Perse adopter le christianisme. Cet espoir vient de la place que cette religion tient, même sous sa forme nestorienne, dans certaines tribus mongoles ainsi que de l'hostilité affichée contre les musulmans. Cette espérance s'évanouissant, il faut trouver la raison de cet échec, ce que fait Riccold de Monte Croce. Or, il est plus vraisemblable que Ghâzân, par l'intermédiaire de NawrolÎz, ouvre les yeux sur les avantages politiques retirés d'une telle démarche. Le jeune prince, désirant ardemment le pouvoir, accepte de se convertir44 • Riccold de MONTE CROCE, Pérégrinalion en Terre Sainte, op. cit., p. 112: « Audientes vero ab eis quod erant populus Dei et quod ipsi sdi saluabantur per legem alcorani et preces Maccometti, ques iuerant de lege eorum et cum invenirent legem largissimum que quasi nullam difficultatem habet, nec in credulitate nec in operatione. acceptauerunt legem et facti sunt Sarraceni, maxime quia ipsi Tartari nec legem nec prophetos habedant». Marco POLO, Le devisemenl du monde, op. cit., Livre l, chap. XXXI, p. 8384. apporte sensiblement les mêmes explications. 44 HA YTHON La Flore des Histoires, op. cil., Livre III, chap. XXXVIII, p. 190, p. 315,' trad. C.DELUZ, p. 848 : « Iste, tanquam bonus christianus, rehedificari fecit ecclesias Christianorum et precepit quod nullus auderet dogma Mahometi inter Tartaros predicare. Et quia multi.plicati erant isti. qui sectam tenebant perfidi Mahometi, Baydo noluerunt patl mandatum, et Ideo occulte miserunt nuncios ad Casanum, qui fuit filius Argonis, et promiserunt sibi dare dominium Baydo et ipsum facere dominum super eos, si vellet 43
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UNE IIn!ATJOH REllCi'EUiE AMBIOUI
elt très prestigieux : IOn enseignement, de grande qualité, al renommé. Dès lors, nous pouvons estimer que le Khan devient, par l'intermédiaire de cette éducation religieuse, sincèrement musulman. Il apparaît, en outre, que ce shaykh possède une grande influence sur Ghâzân, puisque ce dernier prend pour linceul un vêtement de Zâhid. Le fils d' Arghoûn est amené à l'islam par des derviches et ne suit donc pas un enseignement (( traditionnel », Il pratique certainement, avec des tendances llOûfies, un islam hanafite4x . Cette école de droit religieux est présente très tôt dans le Khourâsân et y est influente. Qui plu. est, Nawroûz en suit les préceptes. De nombreuses indications tendent ft montrer les sympathies shî'ites de Ghâzân, parmi lesquelles se place une anecdote rapportée par Rashîd al-din . Dans cette dernière, le souverain mongol justifie, à travers un rêve, sa préférence pour les descendants de 'Alf'l. Il se couvre ainsi face à ses détracteurs, puisque c'est le Prophète lui-même qui établit les relations privilégiées entre Ghâzân et sa descendance. Il semble difficile de dire que le Khan est sunnite ca~ nous venons de voir que, lors de son passage à l'islam, qui se fait sous cette forme, il ne connaît absolument rien de sa nouvelle religion. Or, si Rashid al-din nous présente une telle anecdote, même si elle est pure invention, il est question, pour le ministre persan, de justifier les actions de son maître et héros qui visite les lieux saints shî'ites, édifie différentes fondations leur égard et les dote de wakJy. Lors des deux premières années de son règne, c'est l'émir Nawroûz qui dicte l'action et la conviction religieuse du maître qui ne sont pas alon véritablement affermies, Il en est tout autrement une fois l'émir éliminé: le souverain mène alors une politique en tout point
Noull pouvonll remettre en cau/le la conviction religieuse de la "mvcrllion lIurvenue ft la tin juin 12'JS, peut-être le 19. En effet il ne connalt rien de lia nouvelle religion. La profeKliion de foi mUliulmane lui eHt totalement inconnue. Pourtant cette dernière, li elle ellt dite avec "incérité une Heule fi)i" dan" la vic de quelqu'un, Huffit pour en faire un mu"ulman ct pouvoir être .auvé. Le IIhaykh Sadr al-din Ibrahim le fait entrer danli l'islam çt c'ellt un Ghâzân timide ct gêné 'lui "e préliente devant lui à la tortie dell bainli. Il répète apres le "haykh la profe!ision de foi non lia"" avoir demandé cCJO!ieil à Nawroûz lor!i de la cérémonie41 . Le Hhaykh a de "incere" sympathieH !ihi'itel; mais la double ,fhuhâdu qu'il fait prononcer ft Ghâzân el;t l;trictement • unnite. Cc dernier apporte toutef()iH "a plus grande amitié aux .hl'itell. AinHi noUl' voyonH 'lue Ghâzân ne connaît rien de sa nouvelle communauté de fi)i ct 'lue fia conver"ion, tout du moins au début, n'eKt pail deli pluli liincèreli, contrairement à ce qu'affirme RaKhid al-din 4(,. Le prince est ensuite infitruit dei précep~H de l'hdam, cc 'lui tend bien à montrer qu'il se convertit /janli connaître cc '1U'Cllt véritablement Ka nouvelle relî"ion. /1 devient le diHciple du shaykh Zâhid ü1lâni (121811301)47 'lui l'éclaire sur leH questions théologiques. Ce maître ~en~n~jllre "deI .chri.lla~~. Ca~8anu8 vero, qui l'arum curabat de fide chrilluma, et .domlnlul~.aflecta~at, concel.Ît quod faceret qUlcquid vellent. et r,opter hac Ca~~anu. lait rebelil •. n J. A~JRIN. "-mlfl Monl(o/N. op. cil., l'. S'J-6Q : « Il était accablé de timidité " ~ faulJe honte (... J. JI quitta le. bllin. et l'embarrllM le domina tellement qu, Il .de~lnl, encore ~'U.I WUie ( ... J. " me regarda et demanda : «comment ~I'-Je dire! Il. Je '.UI dl •••. en dreHant mon doigt: «je témoigne qu'iI n'y a de f)1I:U ».l' ce 'lU Il pwnon"a «el J'e IJ. • MleUh quel11lId . T ' Je dl. en"UI·'-· • Ki. u;;mOlgne que di'U' :~ envoyé. de Dieu., ». Il .·adrel.a alor. à Nôroûz en turc et 4t. Rutld AL.~r~u":i~II·:: ~u. ; ». ~ôroOz dit oui. el il prononça. ». Teh/" ulz Kh ' ,.1' ,. . /) OHSSON. lIil/toire de,y MO"KO/,y depui.f _~! an jUllljU a 7ïmour Bey ou l'amer/an 4 vol . L H #',;"ocrdam. IIB4-1~35" t. IV, l', 3S4, , . , a aye<.:cier....Nt"khle f' le ma lu:~ Iplrrtue' .. ..... de .SlItllll-dln Ardab1li (1252/3- 1334), Ce s.t'awide, é>ndIûeur d un ordre qUI prend le pouvoir en 150 l, la dynastie
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48 CALMARD, "Le chiisme imamite sous les IIkhans", dans L'Ira" face à la domlnalion mongole (Colloque de Pont à Mousson, 1992), Téhéran, 1997, l!i Rashld 26' -~92. . , AL-D1N, Cité par d OHSSON. Histoire des Mongols, op. cil., t. IV. p. 280-281 : «Je n'ai d'aversion pour personne; je reconnais les mérites des compagnons des prophètes. et Dieu me garde de ne pas les respecler ; mais comme j'ai vu Mahomet en songe. et qu'il m'a uni avec ses enfants. il est bien juste que je les préfère. ».
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
. d' d te E' duqué dans l'islam, il a fait son choix: son epen an . ""1 1 . actIOn se liCoal't en faveur des shI Ites, car 1 partage eurs . t'10ns , tout du moins officieusement. De plus nous. voyons convlc l'hostilité manifestée à son encontre p~r Ibn Taymlyya. Ce très fervent sunnite, ne peut tolerer les erreurs de ce shaykh , ..' .1 nI es croyants , nouveau Converti: « NI DIeu, nI son Messager,] Co" "ta' t satisfaits de ce qu'ils [les Mongols laIs aIent, etant n e len ., d D' 50 A' . donné qu'ils ne s'en tenaient pas à la relIgIOn e leu» . mSI le religieux met en doute la conversion des Mo~gols ~~ns leur ensemble et de Ghâzân en particulier. Il a constate ce qu Il en est lors de l'occupation de Damas par les troup~s. du ~an., Il a surtout à l'esprit l'image de Ghâzân, avec qUI Il a dIscute. De plus le shaykh est un hanbalite, il ne co~~ait d'autres. sources que le Coran et la Sunna et sa posItIon dogmatIque est intransigeante (ce qui lui créera même des problèmes en Égypte). Or le nouveau Khan présente en quelque sorte un « islam hybride» où se mêlent Yasa et sharî'a. La loi gengiskhanide et la loi musulmane sont conformes l'une en~ers l'autre dans l'esprit de Ghâzân. Nous comprenons donc mIeux pourquoi il s'attire les foudres du théologien. Sa religion n'est pas du tout conventionnelle: par exemple, il n'exclut pas les femmes de son entourage des cérémonies mystiques musulmanes. Quelques années plus tard, Oldjeytü porte ce jugement sur son frère: « Il était musulman de l'extérieur et mécréant de l'intérieur ». Pour sa part, le frère du Khan devient shi' ite en 131051 et donc sa méfiance à l'égard de la sincérité religieuse de Ghâzân peut venir du sunnisme de ce dernier. Cependant, Ibn Taymiyya critique la présence shî'ite dans l'entourage du Khan 52 . Pour conclure, nous pouvons dire, en restant très prudent, que Ghâzân confesse officiellement le sunnisme, tout en conservant de très fortes sympathies shîïtes. Au fil du temps, sa croyance s'est affermie, et nous pouvons III
Ibn TAYMIVYA, Lettre à un roi croisé, op. cit., p. 172. B. SPULER, art. "Îlkhans", El, 1. III, p. 1150. 52 CALMARD, "Le chiisme imamite", art. cit., p. 280.
UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIGut
affirmer que, hormis les premières années de son règne, Ghâzân est un musulman sincère. En témoigne le testament qu'il laisse, dans lequel il donne ses recommandations à son successeur, Oldjeytü: « Il s'efforcera de faire prospérer l'islamisme, et protégera les Musulmans; il fera scrupuleusement observer ce qui est ordonné ou prohibé par la religion de Mohammed, et ne souffrira qu'aucun ennemi de cette foi y porte atteinte »53. En fait Ghâzân est resté profondément mongol; ce sentiment d'identité lui vient de l'éducation dispensée dans son enfance. Converti en 1295, comment peut-il effacer vingt-quatre ans de bouddhisme et de culture mongole? Qui plus est, il a toujours vu cohabiter les différentes confessions en totale liberté, et notamment les chrétiens. Il est intéressant de remarquer que, dans tout ce processus qui mène à la conversion de Ghâzân, les chrétiens orientaux n'entreprennent rien pour contrebalancer cet état de choses. Sont-ils pris de court? Deux paramètres entrent en jeu. Premièrement, la décision de Ghâzân n'est pas subite, c'est après plusieurs tentatives que Nawroûz arrache l'approbation du prince. Ce fait tend à montrer que, pour Ghâzân, la conversion à l'islam n'est pas une nécessité première. Il semble donc qu'il montre un attachement certain à sa religion. Le fils d'ArghoÛll a vraisemblablement pesé le pour et le contre d'une telle décision, il est soumis à la pression de son entourage, mais il prend sa décision lui même: « Alors il fut évident qu'il l'avait embrassé par conviction, qu'il n'avait pas uniquement cédé aux insinuations de quelques émirs et sheikhs »54. Même si ce témoignage du ministre persan peut être sujet à caution, il nous montre bien que Ghâzân fait son choix en son âme et conscience. Celui-ci est certainement plus politique que religieux, contrairement à ce qu'affirme Rashîd al-dîn. Mais alors, pourquoi les chrétiens n'ont-ils pas cherché à argumenter Rashîd AL-DÎN, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, 1. IV,
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p.352. 54 ID., ibid., p. 354.
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en défaveur de l'islam '1 Tout d'abord, Ghâzân est sous la coupe des musulmans extrémistes; les chrétiens, dans les derniers mois avant la conversion de ce dernier, sont très certainement plus qu'indésirables. Ils n'ont donc pas les moyens d'intervenir, s'ils l'ont voulu, dans les moments décisifs qui poussent le prince vers la religion du Prophète. De plus, tous ces événements sc placent dans le Khourâsân, où les communautés chrétiennes, bien que vivantes et prospères. ne pèsent d'aucun poids politique. C'est pourquoi, tout le long du mécanisme qui mène Ghâzân à la conversion, nous ne voyons aucune intervention des chrétiens. De toutes les façons, quelles que soient les raisons avancées contre l'islam, celles-ci ne peuvent tenir devant les avantages politiques retirés de la démarche du futur Khan.
La place de la religion
UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIOUl!
conversion qui porte Ghâzân au pouvoir. Il nous paraît donc intéressant de comparer la différence des réactions survenues lors des deux événements. Ces différences sont à la fois le fait des Mongols, mais aussi des chrétiens orientaux.
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La conversion de Takoûdâr rejetée Dans les luttes pour le pouvoir. il est nécessaire de rallier à soi les principaux chefs militaires, afin de soutenir son droit (C légiti~e». ~~nsi Takoûdâr est condamné car, à l'époque de sa conversIOn à. 1 Islam, la gr~nde majorité des no 'ins mongols est encore acquise au bouddhisme ou au christianisme. C'est cet état des ch(~ses qui fa.it que son règne est relativement tolérant Ss • Sa chute vient du fait qu'Arghoûn rassemble autour de lui les généraux mécontents de l'adoption de J'islam par l'II-Khan Cependant~ en 1295, il en va tout autrement: le christianisme et le boud~~ls.me ne sont pratiquement plus présents parmi les chefs Imh~lres. La force armée repose donc sur des musulmans ct elle d~slre ~vant tout se rallier à un homme de sa religion quel qu Il SOIt. Contrairement à son grand-oncle, c' est s~
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En 1282, le rejet de l'islam est absolu de la part des conquérants, c'est l'ennemi. L'Il-Khanat est encerclé par des adversaires musulmans: à l'ouest, le sultanat mamloûk de Kalawoûn, qui vient de remporter une victoire décisive à Homs sur les troupes mongoles (29 octobre 1281); au nord, les cousins ennemis du khanat de Kiptchak, passé à l'islam avec Berke, et contre qui les hostilités remontent à vingt ans (1262). Enfin, à l'est, le khanat de Djaghatay, qui voit d'un bon œil l'intégration du Khourâsân à son u/us. Or, deux mois après son avènement (6 mai 1282), Takoûdâr-Ahmad, sous l'influence de Kamâl al-Dîn 'Abd al-Rahmân, envoie une ambassade au sultan afin d'étudier les conditions de la paix entre les deux États 56 Les no 'ins mongols, déjà opposés à la conversion de leur maître ne peuvent accepter cette action, d'autant plus que la démarch~ est menée en désaccord avec la diète (koroultay). En effet, nous pouvons supposer que la tradition d'obéissance au souverain inculquée par Gengis Khan, ainsi que la totale liberté religieuse dont font preuve les Mongols, auraient permis à Takoûdâr de se maintenir au pouvoir. Il lui faut cependant garder la ligne politique traditionnelle d'hostilité vis-à-vis des Mamloûks. Ce qu'il ne fait pas et finalement la somme de toutes ses erreurs lui coiite la vie. Pour Ghâzân, nous l'avons déjà dit, la situation est bien différente. La réticence religieuse n'est plus d'actualité; au contraire, l'adoption de l'islam est souhaitée et même accueillie avec joie par les Mongols 57 • En outre, cette conversion
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J.-M. FlEY, "Tentative", art. cit. p. 7-16. E.-A. WALLIS BUDGE trad., The Chronography o/Gregory Abû '1 Faraj, op. cit., p. 505 ; HA YTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre Ill, Chap. XXXVIII, p. 190, p. 315, trad. C. DELUZ, p. 848. 56 57
U E.-A. WALUS BUOOE trad op. cil., p. 467. .,
™Chronography o/Gregory Abû '/ Fora}, 50
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ARMÉNIENS IlT AUTRES CHRÉTIENS D'ORIllNT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBlou2
n'entraine en rien une modification dans l'orientation politique du khanat, puisque Ghâzân se montre toujours fermement opposé aux MamloOks. En effet, bien que musulman, le maitre de la Perse ne désire nullement un abandon du conflit ct caresse encore l'espoir d'intégrer à son domaine la Syrie ct, pourquoi pas, l'Égypte. Le même retournement de situation se constate au travers des deux principaux alliés chrétiens des Mongols de Perse. Ainsi, malgré un jugement somme toute positif de Bar • . Hebracus ~H· , qUi reconnalt une certaine to lé rance à Takoûdâr, nous retrouvons, sous la plume des auteurs chrétiens, une farouche hostilité à l'encontre de ce dernier~'}. Il semble, en outre, que toute la population chrétienne sc désolidarise rapidement du sultan avec la révolte ouverte d'Arghoûn. Pour les chrétiens orientaux la déception est grande car, dans sa jeunesse, l'II-Khan a été baptisé. Une conséquence autrement plus importante se présente à Takoûdâr, la défection des . et gé ' Ml. Les rois chrétiens refusent de royaumes CI'1'IClen orglen lui prêter obéissance. Ainsi, lors de l'affrontement avee les troupes d' Arg.ho.On.' TakoOdâr voit ses contingents géorgiens, ,,?enés p~r Dimitri /1 (1270-1289), rejoindre l'armée de son rivai, où ~Is sont biens accueillisl>l. C'est Arghoûn qui a ordonné la d~fectlOn, et nous voyons par là le désaccord des soldats chrétiens. Il nous faut remarquer que les troupes de Lewon Il (1269-12.89) ne sont pas présentes, ce qui montre la plus grande autonomie dont bénéficie la Cilicie. La Géorgie, quant à elle, est
'8 E.-A. WALL! S BUOGE trad., The Chronography a/Gregory Abû '/ f',
W. cil., p. 467.
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ar , . ~8~ YTHON, La Flore des HI.flolres. op. cil., Livre III, Chap. XXXIV e·1 ABEL-REMUSAT J. p. 312-313. trad. C. DELUZ P 846 ' "Mé . •. . CS chrétiens, ct part;culièrcmen~~:8 r:~r /clations politiqucs des princes Mémoires dl! l'Inslltul R . c rance, avcc les Mongols", dans Lcurct. Paris VI 1822 ;y~~:~:;a~~i Académie des inscriptions et Belles 61 M -F BROSSE'T HI" '1 ; , 1824, p. 335-420, ici VII, p. 355. • • , ~. (J re, op. cil.• § 40 l, p. 602.
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sous le coup d'une occupation militaire. C'est donc une forte marque d'hostilité que manifestent les deux royaumes chrétiens, car l'aide militaire est le premier devoir d'un vassal des Mongols. Nous n'avons aucune information pour étayer cette supposition, mais les chrétiens de l'armée de l'II-Khan doivent très certainement déserter eux aussi et rejoindre à leur tour les troupes d'Arghoûn. La chute de Takoûdâr propulse de nouveau les chrétiens dans une situation de faveur. Il est surprenant de constater l'évolution des réactions quelque vingt et un ans plus tard. Le conflit qui oppose alors Baydou à Ghâzân est purement politique: les deux princes sont officiellement musulmans. Or, les chrétiens, tout au moins à ce niveau, -ils ne peuvent bien évidemment pas être d'accord au plan religieux-, sont présents et acceptent cet état des choses. Il n'y a pas de soutien plus marqué en faveur de Baydou, alors que celui-ci semble très bien disposé à l'égard des chrétiens. Ainsi Hét'oum Il décide de venir prêter allégeance à Baydou, car il a appris que ce dernier aime particulièrement les chrétiens. Pourtant l'II-Khan est officiellement converti à l'islam depuis plusieurs mois déjà, et il apparaît peu probable que le roi d'Arménie ne soit pas au fait de la situation religieuse du souverain mongol. Cependant, l'état de son royaume est tel 62 qu'il lui faut à tout prix obtenir une aide militaire de la part des Mongols, ce qu'il n'a de cesse de réclamer une fois Ghâzân bien établi('). Il est intéressant, par ailleurs, de voir la réaction de Hét'oum 11 devant la réflexion du Khan, lors de leur première entrevue à Tabriz, entrevue que nous étudierons plus bas en détail M . Le nouveau maître de la Perse lui reproche d'être venu pour son adversaire et non pour lui. Ce à quoi Hét'oum répond qu'il est de son devoir de faire acte d'allégeance à tout Perte de nombreuses places fortes, notamment Horomkla (KaIAt al-RoQm) et Bahasnâ, paiement d'un tribut à J'Égypte, raids contre la Cilicie. 63 Sembat (le connétable), Chronique du royaume de la Petite Arménie, dans RHC. DA, t. 1. Paris, 1869, p. 657. 64 Voir Infra. p. 77.
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descendant de Gengis Khan65 • Nous le voyons, sa réaction est toute différente de celle de son père, il sait bien que cette conversion revêt un caractère irréversible du fait de l'adoption de l'islam par l'ensemble des Mongols. La nécessité pour la Cilicie de l'alliance, par la vassalité, avec le khanat de Perse est telle que le roi fait abstraction des problèmes religieux. Ici se trouvent soulignées les graves difficultés politiques et militaires du royaume arménien. Hét'oum II est un très fervent chrétien,-il a déjà pris une fois l'habit de moine-, et le fait qu'il passe outre la religion de Ghâzân prouve à quel point il désire son soutien et à quel point il en a besoin. Ainsi ses relations avec le Khan sont cordiales, alors qu'il est témoin des débordements et des persécutions subis par la communauté chrétienne. Lui même en est d'ailleurs victime66 • Ce qu'un homme politique peut occulter, les religieux, pour leur part, ne le peuvent pas. Les colophons des manuscrits arméniens nous rapportent des propos farouchement hostiles à Ghâzân. Un certain Mekertitch, moine au monastère de Gladzor (au sud du lac Sevan), écrit en l'année 1302: « Durant le règne tyrannique de la sauvage et barbare Nation des Archers [les Mongols], le nom de leur chef est ~hâzân. Khan »67. Les, marques d'hostilité proviennent pour 1 essentiel des monasteres de Grande Arménie. Ceux-ci sont réputés pour leur nationalisme, tant politique que religieux, ils ne ~eu~ent accept~r ,la conversion et certainement pas les perse.c~t~ons. Il est mteressant de voir que les colophons rédigés e~ Ci!lcle s~n~ tous favorables à Ghâzân et aux Mongols 68 : la SituatIOn politique du royaume arménien exige de la part de ce 65
E.-~. WALLIS BUDGE tra(!., The Chronography of Gregory Abû '1 Faraj r~~m 1.-B: CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit, 1894, l, Chap XI, ~~K IBN TAYMIVYA, Lettre à un roi croisé, op. cit., p. 173. Pres~, è~~~g~Ni9~~/oPh405ns of Armenia manuscripts, Harvard University
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"p. . A . les exactions sont tellement i Sous le successeur de Ghâzan, uAld'~eytü, ~:~s que les colophons ciliciens deviennent, à leur tour, hostiles aux
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dernier de fermer les yeux sur ces problèmes religieux et les monastères ciliciens sont biens contrôlés par le pouvoir. De leur côté, les Géorgiens ne sont pas convoqués par Gaykhâtoû. Ce dernier, surpris par la révolte de Baydou et de Ghâzân, n'a pas le temps de les appeler. De même, lors de l'affrontement entre les deux rivaux, il ne semble pas y avoir de troupes géorgiennes wésentes. Ainsi le roi de Géorgie, David VIII, maintient son Etat dans une certaine neutralité. Ghâ~ân, contrairement à Takoûdâr-Ahmad, tire tout le profit pOSSible de sa conversion: il rallie à lui les no 'ins mongols et, dans le même temps, évite la défection de ses vassaux. Les titulatures Pour les chrétiens, les différentes titulatures adoptées par aucune illusion quant à sa religion. Ainsi, dès son mtrOnISatlOn, entre le 3 et le 9 novembre 129569 , il prend le nom de Mahmoûd: il affirme donc son adhésion à l'islam en adoptant un second nom musulman, à l'imitation de Takoûdâr qui, pour sa part, a pris le nom d'Ahmad. Qui plus est, Ghâzân prend le titre de sultan. Nous sommes donc en présence du sultan Ghâzân-Mahmoûd, très loin du « nouveau Constantin» et ~e la « nouvelle Hélène». Il ne fait aucun doute que cette tItulature est adoptée sous l'influence de Nawroûz. Le nouveau souverain est un sultan musulman qui a sous sa domination des chrétiens. Politiquement, les chrétiens orientaux se trouvent dans la même situation qu'avant la conquête mongole. Nous retrouvons mention de cette titulature à travers certains événements qui nous sont rapportés par les sources musulmanes, Ghâ~ân n~ lai~sent
SPULER, Die Mongolen in Iran, 3e éd., Wiesbaden, 1968, p. 91 et art. "I1khâns", El, t. III, p. 1150, penche pour le 9 novembre 1295. M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 152, place, pour sa part, l'intronisation le 3 novembre. F. RICHARD, « Un des peintres du manuscrit Supplément persan 1113 de l'Histoire des Mongols de Rasîd al-dîn identifié », dans L'Iran face à la domination mongole, Colloque de Pont à Mousson, 1992, Téhéran, 1997, p.307-319, ici p.318 date, lui aussi, le couronnement de Ghâzân du 3 novembre 1295.
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AI-Moufaddaf" nous rapporte le titre qui est donné â GhâzAn danJ la /chou/ha du vendredi, effectuée â Damas â la Huite de sa victoire (23 décembre 1299): «Le sultan auguste, Hultan de l'illam et de. musulmans, Mou
e.t chr6tien, c'e.t un copte, mail il recopie lIanl changement n..n.hi.~rien critIque, dCllOurce. mUlulmanel, notamment al-Nouwayrf 0'P 10 Cet
ADI>AL, Hllllolrl! dell .fullanf mamlau/c., ~.AL-MOUf 647. • . cil'.• fiSIIC. JI, 2 ID., p. 640. 71 AI-Nouwlyrf, ciU par M. D'OUSSON, Hllllaire deN Mangolll t IV p. 1~~~OUfA~~AL, HiII/nlre dell .,ul/an.' mamlouk.r, op. cil. f~8C: 11/: ~ le titretex: ci~;:'~u. rapporte, noua retrouvon. l'invocation â Allah, ID., fue. Il, p. 661.
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Dieu perpétue son sultanat! "7'. Sur d'autres est inscrite la profession de foi musulmane: «II n'y a pas d'autre Dieu que Dieu; Mohammed est l'apôtre de Dieu. Que Dieu lui soit propice ct lui donne la paix "7',. Son adhésion à l'islam est donc constamment affirmée. Cep'-"I1dant, nous connaissons l'existence de monnaies frappées en Géorgie par David VIII (1293-1311) qui portent au reverH l'inllCription chrétienne: « Au nom du Pére, du Fil" et du Saint Esprit en un seul Dieu »77. Ainsi, dans un État vassal, soumis à une occupation militaire, le Khan autorise la diffusion de ces monnaies ouvertement chrétiennes. L'exislcnce de piéccs bilingues n'est pa" une chose nouvelle en soi, Hét'oum l'" en a déjà frappé, en son temps, et ce atin de marquer son attachement au traité conclu avec le sultan de .Konya7H • Cc. n'cst donc ~as la frappe d'une monnaie bilingue qUI étonne, mais la profeSSion de foi qui s'y rattache. Tout en restant très prudent, nous pouvons estimer que cela vient des vestiges d'indépendance politique conservés par les rois géorgiens. Cependant, Rashid al-din signale la décision prise par Ohâzân de frapper des monnaies avec profession de foi musulmane en Géorgie7'J. Nous ne chercherons pas à entrer dans un dé~at trop pointilleux que nous ne sommes pas apte • soutenir. Quoi qu'il en soit, toutes les pièces frappées par GhAzAn affirment explicitement sa foi musulmane. Les chrétiens orientaux perdent toute illusion, s'ils en ont jamais eue. En effet. dès l'origine de "on pouvoir, Ghâdn manifeste sa foi. mais celle-ci est alors guidée par les extrémistes. Les chrétiens vont très vite l'apprendre â leurs dépens. Cependant. des ann6cs 75
E. DROUIN, "NoticeHlIur ICI monnaia mongoles faisant partie du Recueil
deN dflcument.Y de l'époque mongole, publié par le prince Roland Bonaparte".
JA VII, 11196, p. 4116-544, ici p. 533. ;; M. D'OHSSON, lII.yto/re dell Mongol.y, op. cil., t. IV, p. 152. B. UROU IN, "Monnaies", art. cI/., p. 533. 7H P.-Z. BHDOUKIAN, "Medieval annenian coinl", REA"" VIII. Puia, 1971,p. 365-431, ici p. 3H7-389. 79 M. D'OHSSON, HI.fln/re deN Mongols, op. cil., t. IV, p. 152.
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UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIG~
contredisent cette promesse. Nous voyons des populations malmenées, mais il ne s'agit jamais de massacres tels que ceux pratiqués par Gengis Khan ou Hoûlâgoû81 . Ces derniers réunissent la population d'une ville et la passent au fil de l'épée; ici, il n'est question « que» de mises à mort faisant suite aux débordements consécutifs à une victoire militaire et à la conquête d'un territoire ennemi. D'ailleurs, aucune distinction n'est faite entre musulmans et chrétiens. Ainsi, ces derniers n'ont pas plus à craindre que les autres et même, en certains endroits, ils sont plus certainement protégés par la présence de contingents géorgiens, arméniens, syriaques au sein de l'armée mongole. Tout de même, quel changement avec le temps de Hoûlâgoû, qui lui ne touche à aucun chrétien lors de la prise de Bagdad82 ! Ainsi, malgré la manifestation d'une certaine impartialité de la part des Mongols concernant les exécutions, la situation a évolué en défaveur des chrétiens.
libre de ses mouvements et de sa pensée, 1e sUverain après, o ,voie de l'islam. 1l s ' agit . donc b'ien de sa . d la contmue ans croyance personnelle. L'attitude de Ghâzân à Damas La conviction religieuse du Khan se manifeste ~u travers Damas. A la suite de son attitude à l'égard de la population 'de 11 . 1. de sa victoire, des représentants de la Vi e s~~le~ne UI sont envoyés, à la fin décembre 1299, afi~ qu Il epargne les habitants. Peut-être sont-ils plus effrayes en apprenant la présence des contingents chrétiens parmi les. troupes mongoles, ou bien la tradition de terreur de ces derniers est-elle encore d'actualité? La conversion de Ghâzân est connue depuis longtemps. Le Khan affirme avoir déjà accédé à la re~uête qui lui est présentée, nous pouvons voir là une manifestation de sa foi. En effet, cette dernière lui interdit, au moins officiellement, de verser le sang des musulmans. Le souverain mongol prend donc le contre-pied de ses prédécesseurs et, devant une population apeurée, sans défense, il ne fait pas suivre sa victoire par un massacre. Les habitants sont assurés de leur sauvegarde par le Khan et ce, quelle que soit leur confession religieuse. Les · . ,a cram 'dre80 : ce n 'est pas nouveau chré'tiens n ,ont donc nen puisqu'ils sont traditionnellement protégés. Mais désormais, ils sont épargnés au titre de la dhimma et non plus grâce à leur position au sein de l'empire. En effet, le Pacte de 'Oumar stipule expressément qu'aucun mal ne doit être fait aux Gens du Livre. Certes, des faits antérieurs (puis postérieurs) au firmân
En outre, à Damas, Ghâzân rencontre le shaykh Ibn Taymiyya. Ce dernier possède déjà une réputation de grand théologien. Il est chargé, en 1297-1299, par le sultan Lâdjin, de la tenue de séances d'exhortation au djihâd L'homme se trouve parmi les notables qui sont envoyés auprès de Ghâzân 83 • Ils ont alors une discussion autour de l'islam et c'est très certainement au cours de cette entrevue qu'il apprécie la réalité de la conversion du souverain mongol. De même, il doit obtenir, par la même occasion, la libération de prisonniers tant musulmans que chrétiens84 • Cette rencontre se passe dans le camp militaire de Ghâzân et elle revêt en quelque sorte un caractère officiel, Les exemples les plus célèbres sont la prise de Samarkand en 1220 et la prise de Bagdad en 1258. 5mbat, Chronique, op. cit., p.657, pour sa part, nous dit que Ghâzân refuse de brûler Damas. 82 Kirakos de GANOZAK, "Les Mongols", art. cit., p. 491; R.W. THOMSON trad., "The historical compilation of Vardan Arewelc'i", DOP43, 1989, p. 125-226, ici § 91, p. 217. 83 AL-MOUFAOOAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fasc. II, 1'4 637 . Ibn TAYMYYA, Lettre à un roi croisé, op. cit.,p. 174-175. 81
AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fasc. II, p.644: « [ ...] pour qu'ils ne causent aucun dommage aux hommes qui pratiquent des religions diverses, sous le prétexte que leurs croyances sont différentes des leurs, tant juifs, que chrétiens, que sabéens. Car puisqu'ils payent la capitation, le fait de les défendre est une des obligations de la loi coranique, suivant la parole d"AIi, sur lui soit le salut! ». M.O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., p. 248. AI-Nouwayrî rapporte les faits en des termes presque semblables. 80
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pourtant, ne remet pas en cause son attachement de plus en plus profond à la religion du Prophète. En effet, permettre un débat théologique n'est pas possible en terre d'islam, puisqu'un tel débat peut revenir à nier publiquement certains principes musulmans fondamentaux et être assimilé à une forme de prosélytisme.
. 'Il st rapportée par les sources. Ainsi Ghâzân profite pUISqU e e e . rt t Impo an pour etre de 1a présence d'un religieux musulman . Ra hAd 1 DA 85 , 1e . , sur l'I'slam" Or si nous sUivons s 1 a- m . . . enseIgne dogmes relIgIeux, Khan connaÎt avec exactitude les dIfférents .' 1 ma. que nota mment bouddhiste et chrétien. Nous Imagmons . h ce 't s Mar Yâhballahâ III en personne qUI ne se SOIt c argé nesO/pa ... A 1 &'. rcer ses connaissances sur le chrIstIanIsme. vant ce a, de renlo d 1" h' . Ghazan doit posséder quelques rudiments e re IglOn c firetIenne ' transmis par son entourage: n'oublio~s pas que son rer~ .est baptisé sous le nom de Nicolas. De meme, sa nouvel.le relIgIOn admet Jésus au rang de ses prophètes. Cependant, SI son goût pour les religions est vra!, c'est s~rement auprè~ ~u ~atriarche nestorien qu'il approfondIt ses notIOns sur le chrIstIanIsme. Ces discussions théologiques ont très certainement pour cadre leurs nombreuses visites mutuelles et la présence fréquente de Mar Yâhballahâ III à l'Ordu de Ghâzân. Ces entretiens conservent donc un caractère officieux que n'a pas l'entrevue avec Ibn Taymiyya. Nous devons en rester au stade de l'hypothès~ car aucune source n'atteste ce fait, pas même l'Histoire de la vIe du patriarche. Nous pouvons interpréter ce silence par le fait que le souverain mongol ne veut pas prendre le risque de choquer les musulmans en s'intéressant de trop près à la religion chrétienne. Par cette prévoyance et aussi ce manque de publicité, Ghâzân se montre donc bien un musulman, il ne peut plus se permettre de provoquer une discussion théologique entre différentes confessions comme il l'a fait en présence du franciscain Guillaume de Rubrouck86• Il manifeste ouvertement son intérêt pour l'islam, qui est certain, mais lui permet en quelque sorte d'affirmer à tous qu'il est musulman. Au contraire, il passe sous silence sa curiosité à l'égard des autres religions, curiosité qui, A
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L'adoption du turban
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Ghâzân adopte le turban le 1er novembre 1297. Cet acte est tout un symbole, puisqu'il est une manifestation extérieure de sa foi. En effet, « porter le turban », c'est embrasser l'islam. Nous pouvons dès lors supposer que le Khan est arrivé à l'aboutissement de sa pensée et que sa croyance est désormais sincère. Pour ce qui concerne les chrétiens orientaux, cette nouvelle affirmation, visible, de foi officielle les affecte très certainement. Hs ne peuvent plus avoir aucun espoir de voir un jour Ghâzân renoncer à sa religion, car il prend sa décision seul, sans être sous l'influence des extrémistes musulmans, (l'émir Nawroûz est mis à mort quelques mois auparavant). Cet espoir a-t-il seulement existé? Cependant, cette démarche est une démarche de foi personnelle du souverain, qui ne vise pas à être imitée par ses sujets. Il tient à manifester sa conviction profonde en adoptant l'emblème le plus symbolique. Dans ces régions, il est cependant vrai que le turban est la coiffe habituelle, tant des populations musulmanes que juives ou chrétiennes. Tout comme la conversion à l'islam est passée sous silence par la plupart des sources chrétiennes, aucune d'entre elles ne mentionne cette adoption du turban. Ce dernier garde d'ailleurs une image dévalorisante dans l'Occident chrétien jusqu'au milieu du siècle.
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Rashld AL-DÎN, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, t. IV, p. 365 : « Il connaissait les dogmes des autres religions; il les discutait avec leurs docteurs. ». 116 Guillaume de RUBROUCK, Voyage dans l'Empire Mongol (1253-1255), C. ~ R. KAPPLER trad. et commentaire, Bibliothèque historique, Payot, Pana,1985,p.209-212.
C'est ainsi que nous retrouvons, dans un manuscrit de Hay thon conservé à la Bibliothèque nationale de F.rance, d~ux images de Ghâzân : il y est représenté en compagnIe du rOl de Cilicie Hét'oum II au cours de leur entrevue en 1303, et tous
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d'autre part. Toutes leurs relations vont être régies par ce nouvel état des choses. Ce sont ces rapports que nous allons désormais aborder dans les deux parties suivantes.
S7 t Peints portant une couronne , Un autre document d eux son 's , hl'que , tiré du manuscrIt uppl'ement persan 1113, Iconograp an se rendant à une lecture du Coran: cette représen te le Kh " 88 d ' '11 scène est datée par monsieur Fran~ls RIchard e J~I et 1302; . lors Ghâzân ne porte-t-II pas le turban, d autant plus pourquoI a , h' . f~' ent iconographIque émane de son Istonen 0 lIclel que ce d0 cum ~ .. 1 d Rashîd al-Dîn, qui n'a de cesse d'affirmer le pallal~ IS am. e son >t ? Nous comprenons bien que la representatlOn de mal re. d' l'historien arménien ne montre pas le Khan couvert un turban car cette image est encore très négative dans l'esprit des Européens du début du XIV· siècle et Hay thon ~st le rédacteur d'un projet de croisade dont le but ~st de. susciter un élan en direction de la Terre sainte, avec 1 appuI des Mongols. Ces considérations ne peuvent cependant pas entrer en ligne de compte dans la pensée de Ras~îd a!-Dîn. Da.ns un autre manuscrit de l'historien persan, dlspomble au Dlez-Alben de Berlin, nous retrouvons cette fois le Khan coiffé de son turban 89 , Cet acte de piété musulmane du souverain mongol doit inquiéter les chrétiens, surtout après les résurgences persécutrices du Carême 1297. Même si Mar Yâhballahâ III constate, au printemps, le respect de Ghâzân pour les chrétiens, la masse des fidèles n'en doit pas moins avoir à l'esprit les exactions perpétrées à leur encontre depuis le début du règne. Il nous a paru essentiel de présenter dans un premier temps la conversion de Ghâzân, quitte à perdre un peu, en apparence, le sujet de vue. En effet, cette adoption de l'islam par le nouveau souverain est un élément essentiel, sur le plan religieux, des rapports entre les Mongols d'une part et les chrétiens orientaux
LE FANATISME RELIGIEUX DU DÉBUT DU RÈGNE L'émir Nawroûz Biographie Le rôle de Nawroûz dans l'attitude religieuse de son maître durant les deux premières années du règne est essentiel. Cet émir est d'origine mongole, de la tribu des Oirats; sa famille est passée à l'islam depuis de nombreuses années déjà. Son père, Arghoûn Âkâ, est musulman (mais rien de permet de contredire une conversion plus tôt dans le temps). Ce dernier est désigné comme nouveau commissaire pour l'ensemble des territoires mongols d'Iran avant d'être chargé, dix ans plus tard, en 1253, par le grand khan Mongke, d'effectuer le recensement des territoires qu'il vient de confier à son frère Hoûlâgoû90 , Il s'agit donc d'une famille de hauts dignitaires, puisque Arghoûn Âkâ et son fils occupent d'importantes fonctions administratives. Cependant, que penser d'un recensement effectué par un musulman dans les régions où se trouvent des chrétiens orientaux? En effet, parmi les provinces recensées, le royaume géorgien ou encore nous retrouvons d'Adharbaydjân. Les sources chrétiennes portent un jugement très négatif sur Arghoûn Âkâ et ce recensement. Sous la plume des lettrés chrétiens, les estimations d'un fonctionnaire musulman sont, bien évidemment, erronées, et n'ont pour unique but que de saigner à blanc les chrétiens.
87 Cotées respectivement, BNF. F36 et BNF. 2810, F251v. Voir la reproduction dans C. MUTAFIAN, Le royaume arménien de Cilicie,' XlfXIV' siècle, Paris, 1993, p. 75. 88 F. RICHARD, "Supplément persan", art. cit., p. 307-320, F239. 19 K. ROHRDANZ, "IIIustrationen zu Rasîd al-dîns Ta 'rih-i ubârak-i GâzânÎ in den Berliner Diez-Alben", dans L'Iran face à la domination mongole, Colloque de Pont à Mousson, 1992, Téhéran, 1997, p. 295-306. Cotée Diez-
KIRAKOS DE GANDZAK, "Les Mongols", art. cil., p. 461; GRiGOR D'AKNER, "History", art. cit., chap. X, p. 325; M.-F, BROSSET, Histoire, op. cit., § 364, p. 550.
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Alben, F72, S.16.
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de pouvoir. Afin Homme amb itieux , NawroOz veut. acquérir1plus bd' l' ~ d d'obtenir ce poids politique, l'émIr m?ngo ra~ It eten ard de la révolte en 1289, contre le jeune prtnce dont Il a la charge. La 1 tt dure six ans, six ans durant lesquels auc,une des deux u e ne réussit à obtenir la victOIre . sur l' autr.e. E ' ~ ré~ l'Iste parties pUIse, quant à l'utilité de ce soulève~ent, condscle~t dCu Idl éSI~ Id~ Ghâzân NawroOz propose la paIx à ce ernler. ce-cI UI apporte' ce qu'il n'a pu obtenir par les armes: le pouvoir .. 91 po1Itlque . Son rôle dans la prise de pouvoir La paix conclue, Ghâzân place NawroOz à la tête de ses hommes. Il peut alors exercer son influence sur le prince. En effet, leur réconciliation survient peu de temps avant que s'ouvrent les querelles de succcssion dans l'II-Khanat. C'est l'adversaire d'hier qui convainc Ghâzân de se battre pour monter sur le trône. La chose n'est pas facile, car le jeune homme est alors loin de l'image que nous a laissée Rashîd alOin: c'est un prince dépravé, qui passe son temps à boire et à chasser en compagnie de KoutloOshâh ct de NoOrîn Akâ. NawroOz prend en charge les destinées de son protégé, ce qui peut apparaître paradoxal. Quand la nouvelle arrive que Baydou conserve le trône pour lui, c'est encore l'émir qui réconforte le prince et lui redonne confiance. C'est à nouveau lui qui échafaude le plan visant à renverser, sans coup férir, Baydou, en exploitant à la fois le désir de paix de ce dernier et son tissu de relations et d'alliances92 • Enfin, c'est encore lui qui encourage les troupes avant la bataille. Chef de file des extrémistes musulmans, NawroOz porte littéralement Ghâzân au pouvoir. Ainsi, dans la conquête de celui-ci, des chrétiens sont intervenus: Hét'oum Il se rend à Marâgha pour Baydou et non : 1. AUBIN, Émirs Mongols, op. cil., p. 53-57. B.-A. WALLIS BUDOE trad., The Chronography of Gregory AM', Fora}, op. cil., p. SOI-S06. 64
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pour Ohâzân. Ce dernier est donc redevable de tout aux musulmans: c'est d'eux qu'il tire son pouvoir, et il ferme les yeux sur les mesures réactionnaires prises par ces hommes. La disgrâce de l'émir NawrolÎz
À la mi-octobre 1295, NawrolÎz obtient par un yarligh d'immenses pouvoirs: il se fait délivrer la lieutenance générale et le gouvernement absolu de la totalité de l'ulu.f, l'exercice inconditionnel du vizirat, le commandement des forces royales. Il est Ic véritable maître du khanat de Perse. De plus en plus arrogant, sa puissance est devenue trop grande aux yeux de OMzân, qui voit chaque jour sa personnalité s'affirmer; NawroOz voit trop tard le moment où la décision fatale est prise. Dès l'origine, sa situation est précaire: ellc ne repose que sur la puissancc de la faction musulmane qu'il dirige et sur l'ascendant qu'il exerce sur le jeune prince. Les persécutions qu'il organise vont à l'encontre des convictions personnelles de Ohâ7.ân. Ce dernier ne dit rien, dans un premier temps, car il n'en a pas le pouvoir, mais il n'en pense pas moins. « Les injustices, les exactions de NawroOz irritèrent aussi Qazan, qui était très bon, absolument sans malice ct aimait tellement l'équité, plus qu'aucun des qaens ses prédécesseurs. »Y3 À cette forte réserve quant au programme d'islamisation de Nawroûz s'ajoute le travail de dénigrement dont ce dernier fait l'objet de la part des proches de Ohâzân. Même si cela ne peut être prouvé, il n'y a pas de doute quant à l'identité des deux principaux opposants à l'émir. JI s'agit de Noûrîn Âkâ, « confident de ses secrets »'14, et de KoutloOshâh, les deux compagnons de longue date du Khan. Ils n'ont jamais accepté d'être subordonnés à l'ennemi d'hier. Le second doit, par ailleurs, être farouchement hostile à NawrolÎz, puisque c'est un mongol issu d'une famille
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M.-P. BROSSET, HI.ftalre. op. cil., § 411, p. 617. J. AUBIN, Émirs Mongol.f, op. cil., p. 54. 65
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chrétienne95. Son père, Sad~~n, gouverne~ de la Géorgi: so~s Abaka et Dimitri, est chretien et favons~ l.es. monas~eres . Koutloûshâh professe certainement le chrlstlamsme; Il doit cependant se convertir à l'islam en. même temps que. Ghâzân, sous le nom de Bahâ al-Dîn, à moms que son adoptIOn de la religion musulmane ne soit plus précoce; il semble, en effet, être en bons termes avec Takoûdâr-Ahmad97 • Cette conversion nous semble évidente, non par l'attachement de l'homme à cette religion, mais plus .vraisembla~lement ~fi? de ~auv~r sa. vie. ~~ pouvoir est aux mams de fanatiques qUi n auraient Jamais tolere la présence d'un chrétien dans l'entourage immédiat de Ghâzân. Ainsi Koutloûshâh ne peut être qu'hostile aux persécutions ordonnées par Nawroûz, d'autant plus qu'un contentieux de longue date oppose les deux hommes. En effet, Sadoun doit racheter Thamar, la sœur de Dimitri II, afin de la soustraire à un mariage avec Nawroûz98 • Par l'intermédiaire de son général, Ghâzân est en contact avec les chrétiens, certes indirectement, mais nous pouvons estimer que la chute de Nawroûz est précipitée par la présence des chrétiens, alors que ceux-ci sont au plus bas. Koutloûshâh représente un pont entre le Khan et ses sujets de confession chrétienne. Celui-ci est cependant en demiteinte, du fait de la conversion, plus que vraisemblable, de Koutloûshâh à l'islam. C'est lui, d'ailleurs, qui est chargé de poursuivre Nawroûz. L'émir est défait devant Nîshâpoûr ; il se réfugie à Herat, où le gouverneur Fakhr al-Dîn le livre. C'est Koutloûshâh qui le met à mort, le 13 août 1297. Dès lors, les chrétiens retrouvent dans leur souverain un maître tolérant et respectueux vis-à-vis de leur croyance.
95 J. RICHARD, Papauté, op. cit., p. 106. Selon Monsieur Jean Richard il ne faut, ~as tenir compte d'une quelconque ascendance géorgienne, 'voire armemenne que prête Brosse! à Koutloûshâh : M.-F. BROSSET éd., Histoire ~e /a Siounie par Stéphanos Drbélian, op. cit., chap. LXX, n. l, p. 261. 97 M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 392, p. 589. ID., ibid., § 398, p. 598. 98 ID., ibid., § 396, p. 594.
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Les musulmans, excessifs vis-à-vis des chrétiens Les édits de persécution Nous l'avons dit, mais il faut vraiment le souligner, Ghâzân est amené au pouvoir par la faction musulmane. tout comme l'a été Takoûdâr. Il est soutenu par des émirs, des ministres, des fonctionnaires musulmans. Ce sont des réactionnaires qui veulent mettre à bas la liberté de croyance instaurée, aussi bien qu'imposée, par les Mongols. En leur temps, les frères Djouwaynî l'ont, eux-aussi, vo.ulu. La persécution est alors organi~ée par des m~sulm,ans :~na!lques. L'initiative première est prISe par Nawrouz. L antenonté de son action est bien montrée par les sources: il donne ses ordres alors qu'il est encore à la poursuite d~ Baydou99 , c.'est-à-dire dès la fin septembre 1295, puisque la fUite. de c~ dernier remo~t~ ~u 24 ou au 25 de ce mois. C'est lUi qUi promulgue 1 edit de persécution, sans en référer à .Ghâzân, et qu~ v~i.lle à son application. Dans les textes chrétiens - les seuls a ventablem~nt mettre l'accent sur cet épisode peu glorieux du règne -, l'actIOn de l'émir se dégage nettement, alors que celle du souverain est moins visible, voire inexistante 100. Ceci correspond bien à la réalité des faits, puisque Ghâzân confirme les décisions prises par son vizir, une fois officiellement intronisé à la tête du khanat. En tant que souverain, il doit promulguer un yarllgh, afin de donner un caractère légal aux persécutions. Le Khan se contente donc de suivre les actions de Nawroûz et, à aucun moment, il ne peut mener ses propres choix. Il s.emble d'~iIIeurs que, au début de son règne, il ne se soi~ ?as senti concerne ?ar le pouvoir, car il se retire en AdharbaydJ~n pour chasser, laissant ainsi carte blanche à la fureur de Nawrouz. A
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E.-A. WALLIS BUOGE trad., The Chronography o/Gregory Abû '/ Fara},
op. cit., p. 506. J b Ilah .. t " 100 ID P 506-507; loB. CHABOT, "His/oire de Mar a a a, a~. CI: 1894, ~hap. XI, p. 134-135 ; M.-F. BROSSET éd., Histoire de la Sloume par S/éphanos Drbélian, op. ci/., chap. LXX, p. 261.
ï,
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L'édit de persécution vifie au rétabli~nt du pacte de
.Oumar.
Ce texte porte le nom ~u deuxle~e. successeur.,de
Mahomet calife qui regne de 634 a 644. En reallté, la premlere édaction 'date de l'époque d'al-Moutawwakkil, calife 'abbâside ~ 847 à 861 ; la rédaction définitive ne.remon~nt,quant à elle, qu'au xII" sieele. Ainsi, par cette attitude reactlOnnalre, lei mUlulmanr; veulent remettre en vigueur le statut de la dhimma. Lei Gens du Livre, à savoir juifs et chrétiens, obtiennent le droit de demeurer en terre d'islam, tout en gardant leur personnalité. Les libertés publiques sont garanties, de même que la jouissance des droits privés; en contrepartie, le respect de certaines .' . CIa ude Ca hen lOI , la conditionli elit nécessaire. S. nous SUivons vie deli chrétien li orientaux sous les sultans musulmans n'est pas particulierement dure; maili, en comparaison de la liberté totale inltaurée el imposée par les Mongols, le rétablissement de la lituation antérieure a dû leur apparaître bien difficile: ainsi les ecclésiastiques ne sont plus exemptés d'impôt et ce, au litre de la cijizya, la capitation exigée de tous les Gens du Livre. Les mesures vestimentaires à l'encontre des chrétiens et des juifs sont rétablies: pour les premiers, le port de la ceinture, zounnar; pour les seconds, l'obligation d'arborer un bout de tillu jaune sur leur turban 11)2. De même, un auteur chrétien nous apprend que « les chants et la sonnerie [sont] abolis» J(H. La sonnerie correspond au son de la simandre, planche de bois ou plaque de fer que l'on frappe pour appeler les fidèles à l'office; elle tient lieu de cloche chez les nestoriens. Or, dans le cadre de la liberté mongole, chaque personne était libre de pratiquer son culte lO4 ; aussi n'y avait-il pas d'impôt particulier à une religion, C. CAHEN. L'is/am. DeA' origines au début de l'empire ottoman Paris 1997. p. 163-164. ' , 102 E.-A. WALLIS BUOOE 1rId.. The Chronography of Gregory AbD'f Fara). op. ('/1., p. 507. 1111 J.-8. CHABOT. "Hia/aire de Mar Jaballaha" art. cil 1894 1 chap XI IlS. • • •• ., lUI
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Man:o POLO. Le deviaemenl du ma"', op. ci/., Livre l, chap. XXI, p. 65.
de même qu'il n'y avait pas de signes distinctifs. Chaque confession célèbrait son rite comme elle le désirait. Les chants liturgiques et les sonneries, manifestations bruyantes de la croyance chrétienne, étaient parfaitement acceptés, alo~ que totalement interdits en terre musulmane. Cependant, aussI dures que les décis~ons paraissent aux chr~tie~s, il ~e.s'~git ~ue d'u,o retour à l'ancien ordre des choses, qUi n'a pas ete SI temble malS qui, une fois goûtée la liberté absolue, apparaît comme une catastrophe aux chrétiens orientaux. Les violences, tant verbales que physiques, subies par la population chrétienne sont à mettre en rapport avec le sentiment de libération ressenti par les musulmans. En effet, avant la création de l'Empire mongol, les chrétiens nestoriens avaient, comme on le sait, disséminé des missions dans l'ExtrêmeOrient et converti de nombreuses tribus mongoles (Keraït, OngUt: Naïman)105. Ainsi, tout en gardant à l'esprit ce~ liberté absolue, les chrétiens sont-ils favorisés à certains endrOits. Pour les communautés orientales de la chrétienté, l'arrivée mongole est prise comme une délivrance. Les musulmans ont une très forte rancœur à l'encontre de ceux-ci, notamment pour leur attitude lors de la conquête d'Hoûlâgoû. Le souvenir de la chute de Bagdad et du califat 'abbâside est encore particulièrement vivace. Les quelque cent mille morts musulmans, la participation active de troupes a~~niennes e~ .géorgiennes aux massacres les manifestations de jOie des chretiens, ne sont pas oubliés. P~r là, nous pouvons essayer de voir une .expli~ation aux débordements qui font que des femmes sont msultées et frappées par les musulmans.
À l'intérieur même des décrets de persécutions, il Y a différentes échelles, ce qui montre bien que nous sommes ~ace à une réaction musulmane, et non pas uniquement anti-chrétlenne.
lOS Sur ce sujet, voir les travaux de Paul PELLIOT, notamment, "Chrétiens d'Asie centrale", art. cit., p. 623-644.
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AaMÉNŒNS ET AUTRES CHIlÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Ce fait nous est rapporté par le continuateur de Bar Hebraeus lO6 qui nous signale que les moines bouddhistes doivent être mis à mort, alors que les ministres des cultes chrétien et juif ne doivent, pour leur part, qu'être «juste» traités avec mépris. En effet, la situation des adeptes de Bouddha est très précaire, les musulmans se fondant sur le texte du Coran, notamment la Sourate IX, verset 5 : «Quand les mois sacrés seront écoulés, tuez les polythéistes là où vous les trouverez. Prenez-les, assiégez-les, guettez-les en toute embuscade. S'ils reviennent à Dieu par la pénitence, s'ils 8O."t zélés a~x offices ~ prière, s'ils donnent à l'aumône légale, laissez-les s en aller lIbrement sur leur chemin. Dieu est enclin au pardon, Source de miséricorde. » Pour. le~ Bouddhistes, qui ne sont pas polythéistes, mais consldéres comme tels, du fait de leurs offrandes aux statues de Bouddha, il n'y a de choix qu'entre la conversion ou la mort. Pour les. dhimmis, la situation est normalement différente, mais les tensIOns sont telles que des conversions forcées et des menaces de mort sont menées à bien. Il nous faut rester prudent, car les persécutions qui ont eu lieu nous sont rapportées uniquement par des auteurs chrétiens naturellement très néga~ifs et ~ui ont peut-être grossi les événements. Ces derniers attribuent au roi de Cl" Hét' II ~1 1 lCle, . o~m , un ro e prépondérant dans l'amélioration de la situation.
Un rôle actif de Hét'oum Il ? Lors des événements de l'automne 1295 1 . présent' Marâ ha S ' e rOi est ville l'is:ue du ~nflit ~ ordre de Baydou, il attend dans cette historiens' ntJ;e l~s deux prétendants. De nombreux attribuent au rOi d Arménie un rôle essentiel dans la 106 E.-A. WALLIS BUDGE trad FtII'aj, op. cil., p. 506-507. ., The Chronog1'aphy of Gregory Abû '/
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protection des populations chrétiennes confrontées au fanatisme musulman. Qu'en est-il réellement? Tout d'abord, nous voyons qu'il évite la destruction de l'église Saint-Georges, construite par Rabban Sauma, le vieux compagnon de voyage de Mar Yâhballahâ 111. Il assure la garantie de ce lieu de culte « grâce à ses nombreux présents et à ses troupes » 107 . A'mSI. 1es Mongols se montrent prêts à attaquer un allié! En effet, ce sont les dons en argent du souverain arménien qui détournent l'agitation de l'église Saint-Georges, et non pas ses troupes. Ces dernières ne doivent en effet être guère plus qu'une escorte et ne sont pas de taille à affronter la furie armée qui s'abat à ce moment. Le roi se trouve donc dans la cité patriarcale, dans l'attente de prêter hommage à son futur suzerain. La ville est toute proche de Tabriz, la capitale politique et économique du khanat, et il semble peu vraisemblable que les Mongols acceptent la présence de troupes trop nombreuses. Et si tel est le cas, pourquoi Baydou le renvoie-t-il à Marâgha, plutôt que de se servir de ces troupes chrétiennes contre ses ennemis musulmans? De la sorte Hét'oum Il protège l'édifice, mais plus certainement avec son argent qu'à l'aide de sa puissance militaire. Or, là, il n'agit pas autrement, ni d'une manière plus spectaculaire, que le reste de la population chrétienne. Comme cette dernière, il est obligé de racheter l'église s'il désire la sauvegarder. Donc, malgré son statut de roi, de vassal et d'allié de longue date, Hét'oum Il doit, lui aussi, payer les commissaires. La communauté chrétienne se mobilise dans tout le khanat afin de préserver ses édifices religieux. Pour les temples bouddhistes, il n 'y a aucun échappatoire: ils sont transformés soit en mosquées, soit en écoles coraniques lO8 • Le témoignage le I07J._B. CHABOT. "Histoire de Mar Jaballaha", art. cil. 1894. l, c:hIp. Xl. p. 138. 108 Riccold de MONTE CROCE. Pérégrinolion en Terre Sainte. op. cil., p. 222 : « À Tabriz. ville de Perse, la ttès grande et ttès belle église que lei
cbrétiens ont édifiée en l'honneur de ce disciple bien-aimé, ton "neveu" Jean. "évangéliste, à qui ton fils suspendu à la croix t'avait teIIdrcmeal 71
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plus im~ortant sur cette réaction chrétie~e n~us est donné par le contInuateur de Bar Hebraeus, temom oculaire des événements l09 . Face à la consigne de détruire les lieux de culte de la religion chrétienne, les fidèles ne se retrouvent pas complètement désarmés. La vénalité des commissaires chargés de l'exécution des ordres est telle que le rachat des églises est possible; nous verrons plus bas que cette vénalité n'est peut-être , qu ,apparen te 110. L es sommes I a ors ' eXlgees sont énormes quelque quinze mille dÎnârs pour les seules églises de Mossoul: Si nous estimons grossièrement que le dÎnâr pèse quatre l ' s"l' grammes III , 1e mon tan t é r came e eve donc a' soixante kilogrammes d'or ou d'autres produits d'une valeur équivalente. Le sacr~fice deman~é. est très lourd, et nous comprenons pourq,u?1 toutes les eglises. ne sont pas sauvées. Afin de payer c~s ven~bles ra,nçons, les lieux de culte sont dépouillés de leurs b.lens, s Ils n~ 1 ont pas été auparavant par des pillages purs et Simples. TOUjours à Mossoul, les musulmans prennent « les ~ases sa~rés des ~glis~s.; ils n'y laissèrent même ni croix, ni Image, ni encenSOir, ni livre d'évangile qui fût couvert d'or 0 tout cela était encore loin de compléter la eXlgee; Ils durent avoir recours aux chrétiens des environs »112 Cependant, l'historien anonyme de la vie du patriarche' M~ Yâhballahâ III nous rapporte que toutes les églises de la région d'Irbil sont d~truites, ainsi que celles de Tabrîz, de Hamadân et de Mossoul. A Bagdad, elles ont été rachetées « moyennant des
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~~=;~~S~:,):I en ont fait une école coranique pour blasphémer le Christ et 109
UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIGu2
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E.-A. WALLIS BUD
. conSI'dé rabl es» 113 . La communauté chrétienne . prIX se trouve donc considérablement appauvrie après les nouveaux impôts. les rachats, les spoliations. et nous pouvons penser que certains choisissent le chemin de l'exil. Les riches marchands arméniens de Grande Arménie prennent la route du nord vers l'Ukraine actuelle. afin d'échapper à cette situation, comme ils ont l'habitude de le faire depuis les califes 'abbasîdes. et dès que les problèmes éclatent dans cette région 114. L'attention de Nawrollz et de Ghâzân se porte essentiellement sur la destruction des lieux de culte non-musulmans. Cette action est la plus visible et la plus traumatisante pour la population. « L'ordre de détruire les édifices» est le premier dans la liste des persécutions donnée par Nawroûz lls • Cet acharnement contre les édifices religieux peut s'expliquer, entre autres, par le fait qu'en terre d'Islam. seule la rénovation des bâtiments religieux non musulmans est autorisée, et non la construction de nouveaux lieux de culte. Cette dernière est uniquement accordée par bakhshish, pratique remise au goût du jour par les commissaires. Or, depuis l'arrivée des Mongols dans les anciens domaines du Khwârazm-Shâh, la liberté religieuse autorise quiconque à bâtir des édifices au bénéfice de sa religion. Aussi des églises nouvelles sont bâties en territoire musulman. Voici quelques exemples pour l'Église jacobite: en 1262, à (rbil, on achève de construire une église et une maison d'habitation pour les moines: en 1272, à Tabrîz. une église est à nouveau élevée; la même année, à Marâgha. la place de la prière d'été et une cellule sont fondées par le maphrien Bar Hebraeus; en 1274, Bagdad voit l'élévation d'une nouvelle église. Enfin, les exemples les plus révélateurs et les mieux connus sont les constructions de ce même Bar Hebraeus, entre 1282 et 1286. À Tabrîz est érigée l'habitation d'été et d'hiver de
Faraj, op. ci/., p. 507_508.GE trad., The Chronography of Gregory Abû 'f
Voir inl"ra, p. 99 • ~, Ce n'est pas le poids exact de c tt . . variable que quatre grammes re . e e monnaie, mais celui-ci est tellement bien que très approximatl've NPresentent une moyenne à peu près correcte, . ous en avons parfi .te . . nous cherchons seulement ici . '11 al ment conSCience, mais 112 E.-A. WALLIS BUDGE a~stre;. notre propos. Faraj, op. ci/., p. 507-508. ., ne Chronography of Gregory Abû '{ 110 III
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J.-B. CHABOT, "His/oire de Mar Jaballaha", art. clt, 1894,2, chap. XII,
~.
237. Y. DACHKEVYTCH, "L'établissement des Arméniens en Ukraino ~endant les XI'-XVIII' siècles", REA/'m V, 1968, p. 329-367. IS B.-A. WALLIS BUDGE trad., The Chronography of Gregory Abü '/ Faraj, op. cit., p. 507 ; J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cl', 1894, l, chap. XI, p. 135. 14
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> ARMÉNlBNI HT AUTRHS CHRÉTIIlNS O'ORIIlNT 80UII LA DOMINATION MONGOLH
UNI! SITUATION RELlOII!USI! AMBlOut
Le roi de Cilicie ne sauve donc qu'une seule église. Par là, il fait un acte de foi personnel qui a de la valeur, mais une valeur toute
J'év&Jue (1282); à Bartella sont construits, une église et un 'é8 à fiaint Jean (1285) ; entin, 1 année de sa mort monall 1ère déd, . h 116 ' en 1286, à Marâgha, l'église où II est enterré est ac evée '. Au traverl de celi quelques exemples, nous. pouvons mieux comprendre le sentiment des musulmans ~UI, pendant presque quarante ans, voient sous leurs ~eux se réal.ls~~ quelque .chose. de totalement prohibé, sans avoir la POSSibilité de nen dire. L'acharnement contre les lieux de culte chrétiens se trouve ainsi expliqué. Cependant, nous pouvons nous demander dans quelle mesure ces « dons~) He Hont avérés efficaces. Selon l'auteur chréticn, les édifices rachetés sont définitivement sauvés. Pourquoi, dans ccs conditions, retrouvons-nous des propos chargés d'amertume dans la bouche de Mar Yâhballahâ III '1 En 1297, le patriarche nestorien rappelle à Ghâzân la destruction complète deN églises de Bagdad, Marâgha, Tabrîz, Hamadân. Dans touleN ces villes où sc trouvent des résidences patriarcales, plus une église n'est présente. Il souligne qu'/rbil reste le seul Iliègc de quelque importance pour les chrétiens l17 • Pourtant, Mossoul n'est certainement pas la seule ville à avoir racheté ses égliseH. Les déHa8tres subis par les quatre grandes villes patriarcules doivent tenir de leur 8tutUt religieux. Qui plus est, Bagdad eHI toujours la métropole de l'islam et il n'est pas étonnant de voir éclater dans cette ville une violente réaction anti chrétienne. Quant à /rbil, ses églises sont détruites en 1295 (fin novembre), mais la possession de la citadelle permet aux chrétiens de sc mllinlenir. La communauté chrétienne se trouve donc très affaiblie à la suite des persécutions menées contre elle.
symbolique. Le catholicos des nestoriens a, pour sa part, grandement souffert lors des exactions commises à l'encontre de sa communauté. Ici aussi, la tradition accorde à Hét'oum Il un rôle déterminant pour la protection de Mar Yâhballahâ III. Celui-ci est fait prisonnier par deux fois. La première, le patriarche est pris dans sa résidence de Marâgha, le ~7. septembre 12~5. 1.1 est donc une des premières personnes victimes des persecutions. Tout est fait pour le faire apostasier. Il est battu, suspendu la tête en bas, sa résidence est pillée. La motivation des hommes qui le maltraitent semble être l'argent: ils cherchent à lui soutirer ses trésors en échange de la vie sauve et, une fois la rançon versée, les malfrats se retirent. Lors de cette véritable prise d'otage, qui dure deux jours, le roi de Cilicie n'intervient pas et il paraît peu probable qu'un tel événement ne soit pas parvenu. à la connaissance du souverain chrétien. Cependant, le patnarche vient chercher refuge auprès du prince. La mort de Mar Yâhballahâ III est ordonnée par Nawroûz; Hét'oum Il joue alors un rôle déterminant, puisqu'il permet la fuite du vieil homme, âgé de cinquante et un ans, par la corruption de l'émir chargé d'arrêter le patriarche. Ainsi un certain respe~t de la personne que représente le roi de Cilicie se dégage, pUisque l~s Mongols savent que le chef des nestoriens est. auprès de lUI; mais, pour en obtenir la restitution, ils n'emplol~nt, pas la force et c'est un émir qui est envoyé. La fureur qUi s abat .sur le~ chrétiens ne permet tout de même pas de toucher à un alité aussI important que Hét'oum II.
116 p, KAWERAU, L 'Ég/ls/' jacohlte au M(~yen Age el/a Renaissance ayrllmne, trlld. dans A. FRETA Y. Edes,y/, el,wn comlé (107/-1159). thèse de Doctorat de troi.iôme cycle, UPV, Montpellier 111 1983 vol 2 app 1 ,165. ' , .• "
Le catholicos et le roi d'Arménie se rendent tout deux à Tabrîz, le premier sous le couvert de l'anonymat. Q~ant au second il s'empresse de faire acte d'allégeance au vainqueur. Malgré la présence de Hét'oum II dans la ville, le pat~i~che pénètre en inconnu auprès de Ghâzân. Il se présente, le féhc~te ~t se retire sans que rien lui soit accordé par le futur souveram, II
~1 L-sR, CBABOT, "Hlalolrtl de Mar Jabldlah.... arl, cil.• 1894, 2, chap. XIV,
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
, t même pas reconnu. II nous apparaît donc comme un nes " es tb a attue sur ses homme bien seul face à la tourmente qUI S'h ' è' fidèles et sur lui-même. Il repart pour Marag a ou, tr s VIte, il doit affronter de nouveaux commissaires, après la Noël 1295. Ces derniers lui réclament dix mille dÎnars que l'Il-Khan Gaykhâtoû lui a offerts 118. Le pat~!ar~he.prend la ~ite ~ne fois de plus. Ici aussi, nous voyons qu Il ~ agit plus d: recu~erer des richesses, puisque les hommes de marn de Nawrouz craIgnent de se faire accuser de l'assassinat du saint homme. De plus, peu de temps après, alors que le catholicos se cache ~ncore, ce sont trente six mille dînârs qui sont à nouveau réclames. Comme Mar Yâhballahâ III reste introuvable, les envoyés s'en prennent alors à ses disciples et les soumettent à la torture. La population parvient à libérer les malheureux contre paiement de seize mille dînârs l19 • Durant ces événements, le roi d'Arménie est sur le chemin du retour: il a donc laissé le patriarche à son sort sans se soucier plus particulièrement de lui que d'un simple chrétien. Il est tout de même question ici de la plus haute autorité religieuse de 1'« Église d'Orient» ! En résumé, il ne nous apparaît pas que Hét'oum Il adopte véritablement une attitude protectrice à l'égard des malheurs traversés par le saint homme. Tout d'abord, c'est le patriarche qui sollicite son aide en se rendant auprès de lui, et non pas le souverain qui le tire des griffes de ses agresseurs. De plus, le roi arménien, une fois son entrevue achevée, rentre dans son royaume sans autrement se soucier du sort de Mar Yâhballahâ III. Au total nous avons donc du mal à dégager, au vu de sa situation politique avantageuse, une quelconque protection en faveur du catholicos nestorien, voire en faveur du christianisme dans son ensemble. En e~et, les historiens chrétiens nous signalent que, lors de son entretIen avec Ghâzân, Hét'oum II obtient l'arrêt des ::: ID., ibid., 1894,1, chap. XI, p. 141. ID., Ibid., p. 142.
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persécutions, soit par son influence soit tout simplement en mettant le Khan au courant de la situation l2o ! Cependant, cette entrevue a lieu au tout début de décembre 1295, et les persécutions ne cessent véritablement qu'après Pâques de 1296, qui est alors le 25 mars. Il y a là une contradiction flagrante, d'autant plus que Hét'oum Il rentre immédiatement à la suite de sa visite à Ghâzân. Cette rencontre revêt un caractère éminemment politique, bien plus que religieux, comme l'attestent les premiers mots échangés entre les deux hommes: « Le Roi des Rois lui dit: "Tu es venu pour Baydou et non pour nous." Le roi Hét'oum répondit: "II est de mon devoir de rendre hommage à tout descendant de Gengis Khan, et de venir adorer d i t' . qUIconque e sa race occupe e " rone. » \2\ Il ne s'agit là que de souveraineté et non pas de religion; or, nous sommes en pleine période de persécutions! Il est cependant évident que, dans leur discussion, le roi de Cilicie aborde la question des persécutions qui ont cours à ce moment là. Cependant, le roi d'Arménie ne peut pas se permettre de rompre les relations avec les Mongols, comme cela a été le cas sous Takoûdâr, car Ghâzân est le seul espoir pour la Cilicie. Le royaume arménien est de plus en plus confronté aux attaques conjuguées des Mamloûks et des Karâmânid~s. Ave.c B.aydou, Hét'oum II caresse l'espoir de voir un souverarn chrétIen Installé sur le trône, c'est pourquoi il entreprend son voyage. En présence de Ghâzân, il ne peut se faire d'iII~sion.; ses. craintes s'apaisent toutefois à la suite de cet entret.len: II VOIt que I~ situation actuelle n'est pas véritablement déSIrée par le Khan qUI ne peut s'être départi de son ouverture d'esprit en quelques mois. Nous pouvons donc avancer plusieurs raisons qui expliquent la quasi-« non-intervention» de Hét'oum II dans les problèmes \20 M.-F. BROSSET éd., Histoire de la Siounie par Stéphanos Orbélian, op. cit., chap. LXX, p. 262 ; E.-A. WALLIS BUOGE trad., The Chronography of Gregory AM'l Faraj, op. cit., p. 506. \2\ ID.
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·, Tout d'abord , au cœur du khanat. mongol, il ne dispose re1tgleux. . pas de suffisamment de force pour pouvoIr ~mposer un arret des é utions là où il se trouve. En outre, JI est venu chercher persc .. , '1' td 1 auprès de Ghâzân un soutien militaire qUI UI es e'p us en plus indispensable. Enfin, ~ la, suite de s~ co~versatlOn avec le souverain mongol, il dOIt s'etre persuade et fait rassurer quant au fait que le Khan cessera les pers.écutio?~ ?ès qu'il en aura la possibilité. Au total, le r?le du roi de. CIliCie, au travers de son action en faveur du patnarche nestonen ou de la communauté chrétienne dans son ensemble, ne paraît pas déterminant. Au mieux, il obtient un adoucissement du sort de ses coreligionnaires, mais ceci est loin d'être prouvé, et nous en doutons très fortement. A
Un retour au calme progressif Les limites territoriales de la persécution Les exactions frappent essentiellement les populations chrétiennes sous la domination directe des Mongols. Ainsi l'Adharbaydjân a-t-il certainement le plus souffert, du fait de la forte concentration de fidèles et de la proximité du centre politique, Tabrîz. D'un autre côté, cette forte minorité leur permet de mieux faire front face à l'ennemi qui se dresse devant eux. À Bagdad, les persécutions sont, elles aussi, très virulentes. La ville irakienne, malgré la chute du califat, reste le grand centre de l'islam: les décisions discriminatoires y sont donc plus fermement appliquées. Nous disposons d'informations très nombreuses pour la partie occidentale du khanat, car c'est dans cette région que se trouvent nos historiens. Quant aux provinces situées à l'est du Tigre, rien ne nous est rapporté par les sources chrétiennes que nous avons pu consulter. Il ne fait cependant auc~ doute que .Ies communautés nestoriennes, pour l'essentiel, subtssent de pleIn. ~ouet ces événements. Dans cette partie du khanat, ces dernleres sont à la fois peu nombreuses et
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dispersées, elles sont donc particulièrement vulnérables, la solidarité confessionnelle ne pouvant pas jouer. De plus, l'éloignement de certaines régions, tel le Khourâsân, limite le contrôle sur les commissaires, ce qui doit se traduire par des exactions encore plus terribles. De leur côté, les royaumes chrétiens ne sont pas touchés. La Cilicie n'est pas concernée: elle est indépendante, tout en étant vassale du khanat, et il s'agit quand même de ne pas la maltraiter, d'autant plus qu'il est question d'une remise en ordre intérieure. La Géorgie, quant à elle, semble dans une situation moins favorable. Il faut mettre ceci sur le compte de la moindre liberté dont dispose ce royaume. Nawroûz lui-même ordonne de . . . • . 122 porter les exactIOns en temtOlre georgIen . « Les portes des sanctuaires furent démolies, les tables saintes renversées, mais les chefs principaux, en considération des troupes géorgiennes, ne permirent pas de détruire les églises »123. Faut-il voir là une intervention de Koutloûshâh qui s'oppose ainsi à une extension des persécutions dans un territoire où il possède de nombreux biens et certainement des connaissances? De même, faut-il voir dans l'ordre de Nawroûz une vengeance personnelle contre le royaume géorgien, à la suite de la mise en échec, par Sadoun, du projet de mariage royal avec Thamar? Il ne nous apparaît pas que l'émir, dans son désir d'éradiquer le christianisme de la surface de la terre, et dans un premier temps, de Perse, prête attention à cet aspect. La Géorgie fait partie pour lui, au même titre que l' Adharbaydjân, du domaine de Ghâzân,. et les décisions prises sont appliquées dans tous les domames de l'empire, le royaume chrétien -contre lequel il nourrit très certainement une grande rancœur- ne faisant pas exception. De son côté, une intervention du général du Khan n'est pas à écarter; cependant, Stép'annos Orbêlian, qui n'a ~e cesse .de louer Koutloûshâh, ne signale pas une quelconque mterventlon M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit.• § 411, p. 617. .. M.-F. BROSSET éd., Histoire de la Siounie par Stéphanos Orbellan. op. cit., chap. LXX, p. 262. 122 123
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINAnON MONGOLE
de la part de ce dernier. Peut-être est-ce lui, nous. ne pouvons pas sa part monsieur Jean RIchard nous a tranc her. Pour , ' 1 d Gh" . azan qUI . bl ment signalé l'intervention d un onc e e alma e dé . 1 é r . interdit aux commissaires mongols de trulre es g Ises ou leurs pères sont enterrés. La limite septentrionale des persécutions n?us a~paraÎt se situer sur l'Araxe. Il ne semble pas que les ex~tJOns ~ étenden~ au-delà de la ville de Nakhidjevan. Cette dernlere VOIt, quant a elle la destruction de ses églises. Ain~i les chrétiens orientaux « extérieurs» au khanat même sont épargnés. Les populations chrétiennes locales supportent seules tout le poids des malheurs qui s'abattent sur leur communauté. Les conversions C'est au sein de cette même population que nous retrouvons les apostasies. Ce fait est passé sous silence par les sources chrétiennes orientales, mais nous est signalé par le dominicain Riccold de Monte Croce qui s'en lamente; le missionnaire a dO lui-même s'enfuir en 1295 devant les persécutions. «Car, misérable pécheur que je suis, j'ai été envoyé prêcher la foi du Christ aux Sarrasins et aux Tartares en un temps où non seulement les Tartares et les autres nations deviennent Sarrasins, mais aussi les chrétiens. »124 La peur joue un rôle essentiel, puisque des menaces de mort pèsent sur la population. Les intérêts économiques peuvent également amener à la conversion à l'islam et ce, afin de se soustraire à la c:!jlzya, remise en vigueur par NawroOz. Déjà sous 'Othmân (644-656), le troisième calife, des chrétiens se convertissent pour échapper à la capitation. Pour les plus
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fortunés, l'apostasie vise à éviter la spoliation de leurs biens. Parmi ces derniers, il y a ceux qui préfèrent le chemin de l'exil. tels, pour l'époque qui nous intéresse, les riches marchands arméniens qui quittent la Grande Annénie pour l'Ukraine actuelle et ce, toujours pendant les temps de troubles politiques. Dans l'ensemble, les conversions à l'islam sont nombreuses: ainsi, au XIVe siècle, après le passage de Tamerlan (1336-1405), nous ne retrouvons des populations chrétiennes que dans l' Âdharbaydj ân 125 • La situation des bouddhistes est, quant à elle, encore plus précaire: ils ne sont ni Gens du Livre, ni considérés comme monothéistes. Face à la mort, la seule issue est la conversion. De nombreux bouddhistes sont alors assassinés ou convertis. Toutefois, Ghâzân se rappelle que cette religion a été la sienne il n'y a pas si longtemps et il accorde un délai à ces derniers afin qu'ils quittent son territoire. Nous pouvons estimer que, par ces conversions, un des buts des persécutions est atteint, à savoir affaiblir, détruire, les autres communautés religieuses afin que, dans le futur, elles ne jouent plus un rôle politique. Dès lors, une accalmie apparaît vers Pâques 1296. Cependant, signe des temps, on ne parle plus d'évêque syriaque occidental à Tabriz après 1302 126• Quelques dérapages L'accalmie ne dure qu'un temps: la révolte de NawroOz remet le feu aux poudres. Les affrontements se réveillent dans de nombreuses villes. A Marâgha, un certain Shenak al-Timoûr répand le bruit que, si les chrétiens n'abjurent pas, ils seront mis à mort 127 • La population musulmane pille à nouveau la résidence J.-M. FlEY, "Âdarbâygân chrétien", Le Muséon, LXXXVI, Louvain, 1973, p. 397-435, ici p. 397. 126 ID., ibid., p. 429. Il? J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit, 1894,2, chap. XUI. p.239. 12S
124 Riccold de MONTE CROCE, Pérégrination en Terre Sainte, op. cil., p.226.
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UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIQult
. 1e, ou. est dérobé le sceau de Mar Yâhballahâ III. Les patnarca l ' autorités de la ville cherchent à ramener le ca m~, car Ghâzâ~ , promulgué d'édit en ce sens. Quant au samt homme, Il n a pas , d l'ff'18 /olre ' de sa vIe . d01't, une r101's de plus , se cacher. L auteur e 1 ~ '1 · d' ectement le soulèvement de Nawroûz avec crevel du re 1le Ir . l" . ~ 1 fl 't à Irbil 12N . Dans cette dernière ville, anlmoslte entre es con 1 . dé . dé'à deux communautés est vive, depuis plUSIeurs cennle~ ~. En 1274, la procession du dimanche des Rameau.x est. dIspersée ~ oups de pierres par les musulmans. La ha me farouche qUI ~ppose les deux confessions à Irbil vient de la lutte entre les Qayatchayés, les chrétiens de la montagne, et les K~rdes. Les premiers descendent dans la plaine et ravage~t les vlllage.s des seconds qui répondent en attaquant les chrétIens des envIrons. De plus, en 1271, le patriarche nestorien Denha 1er est contraint de s'enfuir a,près avoir suscité, une fois encore, la colère des musulmans l2 . De la sorte, à plusieurs reprises, le siège de la citadelle d'Irbil est entrepris comme en ce mois de mars 1297, Parallèlement aux événements survenus à Marâgha, l'historien syriaque anonyme de la vie du patriarche nous rapporte la mention de faits similaires à Bagdad. Cette fois, c'est un certain Nasr al-din qui se présente comme porteur d'un édit de persécution de Ghâzân. La population chrétienne doit payer . . et porter I ! J ( ). Ce passage pose un 1a capItatIon a ·cemture problème: ne s'agit-il pas, en fait, de l'édit de Nawroûz de 1295 ? Il semble peu probable que la population chrétienne ne paye plus la djizya, alors qu'en 1299, devant la population de Damas, il est affirmé que les Gens du Livre sont protégés par le paiement de cette capitation!Jl, conformément à la loi muaulmane. D'un autre côté, notre anonyme est en général assez 10., Ibid., chap. XIV, p. 243. 129 J.-M. FlEY, MÂdluubAygin", art. clt., p. 406. IJO J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. clt, 1894,2, chap. XIV,
bien informé. Il n'esl pas totalement impossible qu'un second édit de persécutions soit promulgué, même si cela reste peu vraisemblable. Cet événement est donc révélateur, qu'il ait eu lieu ou non, de la mentalité de l'époque et de l'ambiance lourde qui règne entre les deux communautés. Face à celle fièvre populaire, Ghâzân adopte une attitude ferme. Tout d'abord, il impose la paix à Irbil. Dans un premier temps, il envillage de déplacer la population chrétienne, afin que les affrontements deviennent impossibles. Devant le plaidoyer de Mar Yâhballahâ III, il change d'aviH. La réconciliation est difficile, mais le Khan en a donné l'ordre ... 132 Les saccages et les assassinatH commis à Marâgha attirent sur la population musulmane la colère du souverain. Cette dernière reçoit la bastonnade conformément aux exigences de Ghâzân. Qui plus est, elle doit rendre les objets volés et entreprendre, à ses frais, la reconstruction des églises détruites. « Après beaucoup d'efforts, lorsqu'ils [les musulmans 1 curent enduré des tourmentH, ils rendirent une faible partie de ces choseH; le reste resta introuvable »JH. Nous constatons ici un changement qui illustre bien que les temps glorieux sont révolus. En effet, à l'époque de Hoûlâgoû, Ibn Shaddâd nous rapporte que des contingents arméniens ont brûlé une mosquée lors de la prise d'Alep. L'IIKhan, à cette nouvelle, les fait exécuter pour non-reHpect de la liberté religieuse J14 ! Ainsi, quelques années plus tôt, la population de Marâgha aurait très certainement subi une fom: répression, même serait passée au fil de l'épée. Peut-être aussI qu'elle n'aurait pas commis de tels actes? Après les coups très durs portés cont~e eux, ~es chrétiens doivent de nouveau faire face, dans les premIers mOIs de 1297. à
121
~.
JI
249-250.
AL-MOUFAOOAL,
p.644.
Histoire da
82
lU/toM
mamloulu, op. clt.,
fsac.
Il,
132
J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", arl. cil, 1894,2, chap. XIV,
~. 249.
ID., Ibid., chap. XIII, p. 242. . 80 P. JACKSON, "The criai, in the Hol)' Land, 1260", EHR, 95,Julllot 19 , p. 481-513, ici p. 495. 3J
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
d
actions perpétrées à leur encontre. Considérablement a~iblis, ils trouvent néanmoins, cette fois, ~e soutien de Ghâzân qui les protège par une réaction ferme et rapide.
LE RETOUR A LA TOLÉRANCE, « TOLÉRANCE MONGOLE» ?
Le pouvoir de Ghâzân s'est affermi Le « réveil» de Ghâzân Une fois son pouvoir bien affermi, Ghâzân laisse libre cours à son esprit tolérant. Les persécutions ne sont pas véritablement son fait; ce sont des concessions qu'il a faites afin de satisfaire les extrémistes 135 • Donc, bien installé au pouvoir, le Khan peut envisager de se débarrasser de son imposant tuteur. Nous l'avons vu, il y parvient, mais sa mort ne veut pas dire celle de son parti. Ce dernier compte encore de nombreux personnages influents très attachés à Nawroûz 136 • Aussi sont-ils les premiers à être éliminés par une attaque subite de leur campement. De même, Ghâzân doit s'imposer face aux princes mongols hostiles à l'orientation prise par le régime. Tout au long de son règne, nous trouvons mention de révoltes, mais celles du début du règ~e sont les plus nombreuses et surtout les plus menaçantes. A son accession au trône, il doit éliminer les partisans de Baydou; au début de l'année 1296, il réprime la JJS HA YTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XXXIX, p. 191, p. 316, trad. C. DELUZ, p. 848 : « ln inicio sui dominii non audebat contraire pr?missionibus quas fecerat iIIis qui ipsum in dominio posuerunt, modo supenus enarrato, qui Mahometi sequebantur fidem et sectam, et ideo : austerum osten,dit. nimium Christianis. ». J. AUBIN, Emirs Mongols, op. cit., p.67, parle de «faction des Nôroûzîs ».
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UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBlOut
révolte menée conjointement par Sougây et Baroulây, reprise peu après par Arslân, un prince de sang impérial 137 ! Les révoltes sont innombrables mais, par des mesures énergiques prises dès I~ dé~ut de son gouvernement, el~es ne se révèlent, par la suite, Jamais dangereuses pour le pouvOIr. Ghâzân asseoit donc son autorité et peut, dès lors, gouverner comme bon lui semble. Tout comme la dynastie des Vllan, fondée en Chine par Koubilây, se sinise, les II-Khans, de leur côté, sont intégrés au cycle historique de la Perse. Déjà Takoûdâr est inséré, en son temps, dans la lignée des grands souverains mythiques de l'Iran ancien. C'est le même phénomène qui se. produit avec ~h~n;. Une des barrières symboliques est le~ee par sa ~o~v,erslon a 1 Islam. En etTe~, ~s un premier temps, Il est conSidere comme un nouvel Afrâslyab, l'ennemi antique de l'Iran, mais très respecté. Au contraire, une fois devenu musulman, il devient le second Kay Khousraw, le souverain de l'Iran 138 . Dès lors, c'est un souverain persan, et il se comporte comme tel. Tolérance réelle de Ghâzân Nous pouvons reprendre, pour notre propos, une réflexion de Jean-Paul Roux au sujet de la conversion des Turcs à J'islam:
Il7 Il descend de Djoûtchî-Kazar, frère de Gengis ,Khan. Cette .révol~ est suffisamment importante pour que Stép'annos O~han la ~n~lonne. ~. F. BROSSET éd., Histoire de la Siounie par S/ephanos Orbéllan, op. cU., chap. LXX, p. 2 6 3 . , . i voir AIls Sur cet aspect que nous n avons pas à dévelo~per IC. IÎe S. MELIKIAN-CHIRVANI, "Conscience du passé et resistance culture de dans l'Iran Mongol", dans L'Iran/ace à la domina/ion mongole (COlloqU~'Le Pont à Mousson, 1992), Téhéran, 1997, p..135-177 ~!: d~Am~~~~i984, Shâh-Nâme, la gnose soufie et le pouvOIr mongo. , p,249-377.
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,UMéH'ENIi ET MI'J1lES CHBÉTmNS O'OIlJENT SOIJS LA OOMINATION MONGOLE
Mjlli la conversion à l'IslamiIiJlle, même liin~ère, ~me ~ nde ne peut-elle s'accompagner de la conservatiOn d ldéeli pr~l~ '} 1J9 ,,~hlieuses non-musulmane" . » ,. Cetle question, nOUIi pouvons Y répondre par 1 affirma.tlve pour Ghâzân. Converti à vingt-quatre ans, com~ent peu.t-~I efface~ IQutes celî annéelt de wlérance, ~ pratIques rehg.eus.es s. ditférentes de l'islam? Cet aspect éVIdent de la person~ahté du jeune liOuverain elit un importa~t atout pour les ch~~t.e~s c~r. mali ré tta conversion et sa fOI de plus en plus sJOcere, Ils trouvent encore en lui un protecteur. II.
JI ne faut cependant pas IiC voiler la face, car un profond chllniemcnt Ii'est opéré: Ghâzân a beau conserver un esprit ouvert, il ne peut pluli être question de liberté! C'est, en quelque liorte, une tolérance mongole qui est installée. En eff~t, le rétllblililiel1lent de la capitation devient permanent, même s. Mar V4hballahâ III obtient un allégement de la djizya: au contraire dei signes discriminatoires, il s'agit donc bien d'une acceptation cc musulmane », c'est à dire la reconnaissance de l'existence d'autres communautés religieuses, mais d'un statut inférieur. On peut donc purler de tolérance, mais non plus de liberté, car seule l'aUitude première des Mongols de la conquête s'avère être une attitude respectueuse de la croyance de chacun. Par contre Ghbén, par son héritage, n'accepte pas certaines choses, comme les exactions commises contre la population à Marâgha ou encore à Irbil. Cependant, dans cette dernière ville. au lieu de chAtier leli coupubles, il pense tout d'abord à faire évacuer la cité paf les chrétiens qui l'occupent. pour les réinstaller ailleurs. Il Clt vmi que, dès qu'il peut cesser les persécutions. il le fait, preuve viliibk de son rejet de telles méthodes. Dans son esprit, lCIIl chrétiens lIlont des Gens du Livre et, en tant que tels, sont prol4aéli par le IIltatut de la dhlmma.
1"
J.-.P. ROUX, La ""'WiOlt d#s Tul'C.f " dft Mongols, Bibliothbque HiItoriquo, IlOlloctiun l' His/oire dol Reli,ianl, Paya\, Paria, 1984, p. 40.
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UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIGU2
NouS devons parler, à partir de Ghâzân, de tolérance mongole dans le khanat de Perse, et non plus de liberté de culte. Le retour à l'honneur du patriarche nestorien
L'obtention d'exemptions Après les malheurs qui se sont abattus sur lui pendant près de deux ans, Mar Yâhballahâ III voit enfin sa situation s'améliorer. «Des lueurs d'affection commencèrent à briller pour le Catholique »140. Ce retour en grâce s'est fait en plusieurs étapes: la première manifestation intervient après Pâques 1296. En effet, le patriarche envoie au Khan un moine, afin de le féliciter et d'exposer sa situation (il est alors obligé de se cacher). Un édit, selon la coutume, est accordé au catholicos et, par là, à sa communauté l41 • Cette dernière ne doit pas abandonner sa religion: J'existence d'une telle mention dans un yarlîgh tend à prouver que des apostasies ont eu lieu. De même, il faut remarquer la contradiction entre cet ordre et les rumeurs qui ont couru, tant à Marâgha qu'à Bagdad où, respectivement Shenak al-Timoûr et Nasr al-dîn, répandent de fausses rumeurs qui raniment les persécutions. Mar Yâhballahâ III retrouve son statut, c'est-à-dire que les Mongols et les musulmans doivent respecter le rang qui lui est dû. Mais le plus révélateur vient du privilège accordé aux chrétiens - il faut d'ailleurs plutôt lire au clergé chrétien -, de ne pas payer la djizya. Ainsi les iirkii'ün' 42 sont à nouveau considérés comme étant tharkan et sont donc dispensés du paiement de certains impôts l43 • Ceci est en contradiction flagrante avec la sharî'a et se rapproche au
140 J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar laballaha", art. cit. 1894,2, chap. XV, p" 251. Il s'agit du catholicos. 41 ID., Ibid.• chap. Xli, p. 236. 142 J.-M. FlEY, Chrétiens syriaques, op. cit., p.14. Pour cet auteur, les lirkli 'Un désignent le clergé chrétien. 143 M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 365, p. 552.
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ARMENIENS ET AUTRES CHRÉTIENS p'OJUENT SOUS LA OOMINA TlON MONGOLE
UNE SITUATION REUGIEUSE AMeKllJf:
144 T ' mes. ous c~ . lus des traditionnels édits gengl'skha'd contraIre p . . '1 1" . ent sur les conceptIOns sUIvantes: SI es re Igleux, derniers repos . '. . 1 confession que ce SOit, pnent, le CIe d'"pour la 1 de queque longévité de l'empereur, ils n'auront pas a payer Im~ots. chamans ceux que les Mongols appellent pretres Comles me, . L'd sont des hommes de Dieu, censés entretemr a~ec UI es relations privilégiées. On les respecte. On les epargne. On , ttend d'eux que des prières dont le but n'est autre que la ;I~ire de l'empire. Aussi importe-t-i1 peuyour le~ ~ongols ~ue l'QD croit au Christ, en Allah ou en Tengn: « Ma.,s comme Dieu a donné à la main plusieurs doigts, de ~ême Il a do.nné au~ hommes plusieurs voies », selon la formule attribuée a Môngke I45'. Traditionnellement, le clergé est exempt,.à condition que ses prières soient adressées en faveur ~~ souveraill. ?r, pour Ghâzân, musulman, que lui apporte la pnere des chrétiens? 11 s'agit bien là, pour le Khan, d'un édit de tolérance. Ce dernier est difficilement compatible avec l'islam, car la prière adressée par des infidèles n'est d'aucune utilité; il semble d '.ailleurs très peu probable que cette condition s?it même ex~gée par le SQuverain. Qui plus est, cette exemption est contraIre au statut de la dhimma. Ghâzân, par cet édit, se montre bien plus comme un Khan mongol que comme un sultan musulman. Cet aspect mongol, nous le retrouvons, quelque temps plus tard, lors de la deuxième entrevue entre le souverain et le catholicos. Ghâzân est issu de la lignée impériale; Mar Yâhballaha JU, pour sa part, est un Ongüt, donc également d'origine turco-mongole, c'est
d'ailleurs pour cette raison qu'il a été choisi comme patriarche. La réconciliation entre les deux hommes, le nouveau départ. CIl scellé selon une antique coutume: Ghâzân offre à son hôte sa propre coupe et, ainsi, les relations sont redevenues amicales entre eux 146 , surtout, il faut bien le dire, du côté de Ghâz.ân, puisque le patriarche n'a jamais eu les moyens de faire quoi que ce soit à celui-ci. Là aussi, le souverain se présente sous un jour mongol. L'obtention de dignités Les autres signes forts de l'affection de Ghâzân à l'égard du patriarche nestorien sont les dignités qui lui sont accordées. Malgré sa conversion, le Khan est resté profondément mongol: en témoigne le fac-similé exécuté à sa demande, en 1298, du sceau patriarcal. Ce dernier est dérobé lors des émeutes du Carême 1297 à Marâgha. L'original, réalisé par le Grand Khan Môngke, met le catholicos chaldéen, Makhika, en position de représentant de tous les chrétiens. À son avènement. en 128 J, Mar Yâhballahâ lJj reçoit le sceau des mains d'Abaka. Tout le texte est écrit dans le plus pur style mongol 147 • Tout comme pour les édits, le Grand Khan demande que l'on célèbre les messes en son honneur et celui de sa famille, afin que la protection du Dieu des chrétiens soit établie sur les siens. Nous retrouvons là une attitude typique: toutes les confessions religieuses bénéficient des mêmes libertés à la condition que les ministres du culte adressent leurs prières en faveur du souverain 14<> J.-B. CHABOT, "His/oire de Mar Jaballaha", art. dt. 1894,2, cbap. Xl. p. 141-142. Cette coutume mongole nous est. rap/>?rtée par de no~reux. voyageurs occidentaux; elle est encore très vIvace a celte époque, pwsque Riccold de Monte Croce, p. 82, nous signale que les Mongols oublient toutes leurs disputes et se réconcilient en buvant ensemble. 147 Le texte du sceau se retrouve à partir des empreintes rouges laissées sur les lettres envoyées par le Patriarche aux papes Boniface VIII, en 1302, et Benoit XI, en 1304. J. HAMILTON, "Le texte turc en caractères syriaques du grand sceau cruciforme de Mar Yahballâhâ III", JA, CCLX, 1972, p. ISS·
144 J.-P. ROUX, ReligiQn, QP. cil., p. 114, nous rapporte ce qu'il pense être le prototype d'un tel édit: I( L'empereur Gengis Khan. Édit. Dans mus les édifices religieux et les habitations où l'on pratique la conduite (= le taoïsme) el. qui dépendent du solitaire divin Kieou sont des hommes qui passent leurs j.ouri à réciter lei textes des livres saints et à invoquer le Ciel; ce sont des gellIi qui demandent pour l'empereur une longévité de dix mille tois dix mille iIlIIées ... C'est pourquoi toutes les réquisitions et mutes les taxes, grandes et ~,j'intecdis qu'on les leur applique. ». 4! Guülawne de RUBRDUCK, Voyage, op. cil., p. 213.
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ARMÉNIBNIIET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT KOU!! LA DOMINATION MONUOLE
· . kh 'd 144 T contraire plus des traditionnels éd.'1S gen~,s anl ~s . ~u~ cel derniers reposent sur les conceptIons. sUlv~ntes : SI I,~s religIeux, de quelque confession que ce SOIt, prient le CIel ~our la longévité de l'empereur, ils n'auront pas à payer d'Impôts, Comme les chamans, ceux que les Mongols appellent prêtres sont des hommes de Dieu, censés entretenir avec Lui des relations privilégiées. On les respecte. On les épargne. On n'attend d'eux que des prières dont le but n'est autre que la gloire de l'empire. Aussi importe-t-il peu. pour le~ Mongols ~ue l'on croit au Christ, en Allah ou en Tengn : « MaIS comme DIeu a donné à la main plusieurs doigts, de même il a donné aux hommes rlusieurs voies >l, selon la formule attribuée à Môngke l4 • Traditionnellement, le clergé est exempt, à condition que ses prières soient adressées en faveur du souverain. Or, pour Ghâzân, musulman, que lui apporte la prière des chrétiens'? 11 l'agit bien là, pour le Khan, d'un édit de tolérance. Cc dernier est difficilement compatible avec l'islam, car la prière adressée par des infidèles n'est d'aucune utilité; il semble d'ailleurs très peu probable que cette condition soit même exigée par le souverain. Qui plus est, cette exemption est contraire au statut de la dhimma. Ghâzân, par cet édit, se montre bien plus comme un Khan mongol que comme un sultan musulman. Cet aspect mongol, nous le retrouvons, quelque temps plus tard, lors de la deuxième entrevue entre le souverain et le catholicos. Ghâzân est issu de la lignée impériale; Mar Yâhballaha III, pour sa part, est un ÙngUt, donc également d'origine turco-mongole, c'est ,•• J.-P. ROUX, Religion, op. cil., p. 114, noui rapporte ce qu'il pense être le prototype d'un tel édit: « L'empereur GengiN Khan. FAit. Dans tous les 6dificcl religieux et les habitations où l'on pratique la conduite (. le taoïsme) et qui dépendent du 80Iitaire divin Kieou sont des hommes qui passent leurs jOUl'l à réciter lei textes des livres laints et à invoquer le Ciel; ce sont des acn• qui del1\llndent pour l'empereur une longévité de di" mille foi8 dix mille ~ •.:;("ell. pou~quoi toute. les réquisitions et toute.lea taxes, grandes et ~1eI., J interdit qu on lei leur applique. ». Oualtaumc de RUBROUCK, Voyage, op. ctl., p. 213.
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d'ailleurs pour cette raison qu'il a été choisi comme patriarche. La réconciliation entre les deux hommes, le nouveau départ, est scellé selon une antique coutume: Ghâzân offre à son hôte sa propre coupe et, ainsi, les relations sont redevenues amicales entre eux l4l), surtout, il faut bien le dire, du côté de Ghâzân, puisque le patriarche n'a jamais eu les moyens de faire quoi que ce soit à celui-ci. Là aussi, le souverain se présente sous un jour mongol. L'obtention de dignités Les autres signes forts de l'affection de Ghâzân à l'égard du patriarche nestorien sont les dignités qui lui sont accordées. Malgré sa conversion, le Khan est resté profondément mongol: en témoigne le fac-similé exécuté à sa demande, en 1298, du sceau patriarcal. Ce dernier est dérobé lors des émeutes du Carême 1297 à Marâgha. L'original, réalisé par le Grand Khan Môngke, met le catholicos chaldée~, Makhika, en position de représentant de tous les chrétiens. A son avènement, en 1281, Mar Yâhballahâ \II reçoit le sceau des mains d'Abaka. Tout le texte est écrit dans le plus pur style mongol 147. Tout comme pour les édits, le Grand Khan demande que l'on célèbre les messes en son honneur et celui de sa famille, afin que la protection du Dieu des chrétiens soit établie sur les siens. ~ous retrouvons là une attitude typique: toutes les confeSSIons religieuses bénéficient des mêmes libertés à la condition que I~s ministres du culte adressent leurs prières en faveur du souverain 146 J.-B. CHABOT, "HI.YIOlre de Mar Jaballaha", art. cil, 1894, 2. chap. Xl, p. 141-142. Cetle coutume mongole nous est. rapportée par de nom~reux voyageurs occidentaux; elle esl encore très vivace à cette époqu~. pUisque Riccold de Monte Croce. p. H2, nous signale que les Mongol.y oublient toutet leurs disputes et se réconcilient en buvant ensemble. . 147 Le texte du sceau se retrouve à partir des empreintes rouges laissées sur les lettres envoyées par le Patriarche aux papes Boniface VIII, en. 1302, et Benoit XI, en 1304. J. HAMILTON, "Le texte turc en caractères syriaques du grand sceau cruciforme de Mar YahballAhA 111", JA, CCLX, 1972, p. ISS-
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eci est valable dans le cadre de la vieille et de ses proches. C . '1 ,' hamaniste voire bouddhIste, des premIers J -Khans, relIglon c ' fi' , n cas pour une personne pro essant l" IS'1 am. Il est maIS en aucu ~ "lé d ir que Ghâzân réalise un JaC-Slml e ce sceau , " surprenan t de vo . 1298 il Y a déjà troIs ans que sa conversIOn a eu heu pUIsque, en , f~ • 'Gh" et que sa foi nous apparaît sin~re., En e Jet, ~em~ ~I azan se '1 't e un prince tolérant, II n en est pas mOins musulman. é J1 ve e e r é 'fi b ddh' Or nous retrouvons des termes sp CI Iquem,ent ou Iques , 1 texte l4W , Dès lors que Ghâzân déSIre accorder des dans e ' é l' . ntages à la communauté nestorienne, pourquoI ne r a Ise-t-II ava l ') C un nouveau sceau, mais en des termes musu mans. ar, et pasmême si le texte ne nouS le dit. pas, 1'1 est questIOn. ' d ans un ce second plan d'accorder des exemptIOns au c1e~gé nes~n~n pour les prières adressées en faveur du sou~e~aln. JI s agIt pou~ Môngke de favoriser la commu~auté rehgl~use de Sork~ktana Beki sa mère, qui, en tant que pnncesse kérafte, est nestonenne. Ce fait est-il présent dans la pensée de Ghâzân? JI est impossible de répondre. JI doit, quant. à, lui, bien se m,oquer, de ces prières. Nous retrouvons donc ICI la conservatIOn d un caractère mongol du Khan : il laisse l'introduction traditionnelle de tous les décrets, ordres ou yarligh: « Tngri-yin Kütchündür }), « Par la force du Ciel éternel )). Comme on le voit, ni Allah, ni Mahomet ne sont nommés. Ghâzân conserve donc son ouverture d'esprit, même si elle n'est plus absolue, comme au temps de son grand-père. Peut-être cède-toit à la pression de ses femmes chrétiennes? Peut-être est-ce par considération envers Mar Yâhballahâ III qui est, en quelque sorte, son compatriote? Peut-être est-ce tout simplement par esprit de tolérance que Ghâzân donne « au patriarche un sceau pareil au grand sceau qui lui avait été dérobé et portant les mêmes caractères que celui-ci ))149 '! De toutes les façons, c'est une décision personnelle du Khan, car les chrétiens sont alors
.. ID., Ibid. J_ JAl. CHABOT, "Hiltotre de Mar Jaballaba", art. cil, 1894,2, chap. XV, p,25l.
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UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBlOU2
dans l'incapacité de résister au moindre mouvement d'humeur des musulmans. Ainsi, ce sceau est peut-être rendu dans le but de protéger la communauté chrétienne par une marque d'autorité officielle?
JI Y a beaucoup de suppositions, difficiles à étayer, car il est délicat de se faire une idée sur la volonté véritable de Ghâzân. Cependant, ce dernier semble conscient des problèmes rencontrés par la communauté chrétienne et, par cette décision, renforce son premier édit de 1296, qui n'a pas suffi à empêcher une deuxième vague de persécutions. Le patriarche nestorien peut ainsi communiquer directement avec le souverain sans restriction et signaler au Khan des exactions menées à l'encontre de ses coreligionnaires ou les problèmes auxquels ils sont confrontés, afin qu'il intervienne en personne, En outre, Mar Yâhballahâ III est confirmé comme le représentant officiel et unique de la chrétienté à la cour mongole. Afin de bien montrer que le chef de l'Église chaldéenne est placé sous sa protection, Ghâzân lui accorde le parasol, un emblème de dignité très élevé chez les Mongols, Seuls les membres de la famille impériale sont autorisés â en avoir un. Ce long manche surmonté d'un dôme forme un abri contre le soleil lso . C'est un attribut spécifiquement royal: obtenir le droit de se déplacer sous le parasol est signe d'immense prestige et d'une grande considération de la part du Khan, seul habilité â promulguer une telle autorisation, De plus, en présence du souverain, ce personnage a droit à un siège d'argent et, quand il se déplace, it a le pouvoir de réquisitionner tous les chevaux dont il a besoin et de se faire garder par l'armée entière du prince, sujet du Khan, dont il traverse le territoire lSI . Que le ISO J.-P. ROUX, Le roi. Mythes et symboles, Fayard, Paris, 1995, p, 216 : «[.... ] le parasol se réduit à un long manche sunnonté d'un dôme formant abri, respectivement représentations microcosmiques de l'axe de l'univers et de la voûte céleste, » 151 l-M. FlEY, ''Tentative'', art, cil., p. 6.
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ARMÊNIBNS ET AUTIH!S CHRBTIBNS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
patriarche nestorien se voit a.ttribuer ce~te ~istinction ,pro~ve à quel point il se trouve estImé par Ghâ1: ân . ~e temps des persécutions et du malheur est bel et bIen. revolu. pour. le catholicos. Personne ne peut oser port~r la mam sur lUI, car .JI a en sa possession tous les signes de la faveur du Khan. AssocIé à une payza, Mar Yâhballahâ III détient à nouveau toutes les c~efs pour permettre à son Église de sc développer .ou? tout du, moms, de panser ses plaies à la suite de l'ouragan qUI vIent de s abattre sur elle. Un premier retour en grâce du patriarche a pu être observé après les événements de l'hiver 1295-1296. Cependant, celui-ci n'a pas suffi à préserver l'intégrité du saint homme qui est à nouveau maltraité. La marque de sa faveur renaissante est visible au travers de la peur que suscite une accusation de sa mort dans l'esprit de ses bourreaux d'alorsJ~2. En effet, musulman ou non, toute désobéissance à un souverain mongol est punie de la peine capitale, telle est la loi fixée dans le Yasa de Gengis Khan. Mais, si l'on soutire de l'argent au patriarche, on peut espérer s'en tirer à bon compte: au pire, il faut restituer l'argent dérobé. C'est ce qui arrive à la population de Marâgha en 1297. Ghâzân exige que soient rendus les biens volés, il ferme les yeux si tout n'est pas remis. Avec le parasol, tout ceci est impossible: le personnage est véritablement intouchable, son immunité et son intégrité sont totales. Porter atteinte à un homme sc déplaçant sous un parasol est apparenté à un crime de lèse-majesté, à une révolte contre Dieu! Confirmant ce retour en grâce, nous pouvons voir, au travers de l'Histoire de la vie de Mar Yâhballahâ III, les nombreuses visites mutuelles que se rendent Ghâzân et le patriarche. Le souverain a même les plus grandes marques m J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. clt, 1894, 2, chap. XII, p.239. 92
UNE SITUATION RELIOJEUSE AMBIOUIt
d'affection pour ce dernier, ce qui suscite le mécontentement des « NawroClzis ». Il y a des échanges de cadeaux, traditionnels, mais très nombreux et très précieux de la part du Khan. Le chef chaldéen le suit dans ses déplacements, notamment quand il se rend à Bagdad ou encore Tabrîz. Au cours de ces voyages, le catholicos rend très certainement visite aux membres de sa communauté installés dans la région qu'il traverse alors en compagnie du Khan. Il bénéficie de la protection du souverain et son prosélytisme, même s'il ne concerne que des chrétiens, peut s'exercer en toute sécurité. En effet. Mar Yâhballah III doit faire face à une vague de conversions à l'islam apparue à la faveur des persécutions. Il doit donc maintenir son « troupeau )) dans le droit chemin, mais cela ne peut se faire sans problème. " suffit de se rappeler la réaction des musulmans de Bagdad, en 1268, lorsque le patriarche Denha Icr décide de prendre des mesures 1S3 En un temps ou' 1a l'b contre un apostat·. 1 erté re 1"Igleuse est totale et où la population chrétienne est protégée, le catholicos est contraint à la fuite: il quitte la ville et installe sa résidence à Oushnou (rive ouest du lac d'Ourmiya). Nous n'avons donc aucun mal à imaginer l'attitude d'hostilité des musulmans face à l'arrivée du chef de la communauté chrétienne. Tout ceci n'est que supposition, mais nous apparaît tout à fait probable. Par sa venue, le catholicos tourne vers lui la conscience religieuse de ses ouailles; accompagné de Ghâzân, il leur montre que les chrétiens bénéficient à nouveau de la protection et de la bienveillance de l'I1-Khân. N'en est-il pas la preuve vivante? Nous le retrouvons donc en compagnie du souverain dans les régions d'Irbil et de Mossoul en octobre 1299 et, une nouvelle fois, pendant l'hiver 1300-1301. L'attention du patriarche est particulièrement tournée vers cette région où les relations ehristiano-musulmanes sont déplorables. Aussi fait-il de nombreux séjours à Irbit, en restant toutefois à l'abri dans la citadelle. La zone n'est pas sClre pour le représentant de la
J'J B.-A. WALLIS BUDGE trad., The Chronography of Gregory A/)/l'/ Farqj, op. cil., p. 447-448.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
hrétienté qui est même blessé par une flèche kurde J54 • En ~anvier 13'03 Mar Yâhballahâ III se rend à Bagdad: « Il y avait {ongtemps -'à peu près neuf ans- qU'il.n.'était ~as allé à c~ grand siège. Le motif principal [de sa vIsite] était que le rOI . • d victorieux avait résolu IUI-meme e s' y ren dre» 155 '.A tou tes ces visites, il faut ajouter celles effectuées par le cathohcos d~ns le Moûghân auprès du souverain, ou celles de ce dernier à Marâgha. Il est évident qu'il faut placer d'éventuelles discussions théologiques dans le cadre de ces très nombreuses rencontres. La construction de la nouvelle résidence patriarcale Mar Yâhballahâ III obtient de Ghâzân l'autorisation de reprendre la construction de sa future résidence, le couvent Saint-jean-Baptiste, à Marâgha. Gaykhâtoû donne son consentement, en 1294, et les travaux débutent la même année. Un an plus tard, les extrémistes sont au pouvoir; avec les persécutions, est interrompue l'élévation du bâtiment. Qui plus est, cette résidence, apparentée à un lieu de culte, n'a pas lieu d'être selon le droit islamique. En effet, en terre d'islam, la construction de nouveaux édifices religieux pour les dhimmis ne peut être autorisée, si ce n'est par bakhshîsh. L'aval des autorités musulmanes n'est pas donné, et pourtant Ghâzân autorise la poursuite des travaux. Le couvent est achevé en 1301. En septembre de cette même année, la résidence est consacrée par Mar Yâhballahâ III qui dépense à l'occasion, pour les frais de construction et de réception, quatre cent vingt mille ZOUZ I56 • Cette somme s'élève donc à soixante-dix mille dinars! Ainsi, malgré la tempête qui s'est abattue sur la population chrétienne, son représentant le plus éminent garde toujours les CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit, 1894,2, chap. XV, 253. 55 ID., ibid., chap. XVI, p. 258. 1S61D., ibid., chap. XV, p. 257.
UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIGUe
moyens d'achever l'édification d'une nouvelle résidence patriarcale, qui devient dès lors quasi permanente; il peut, en outre, se permettre de dépenser de très fortes sommes d'argent. Le patriarche dispose donc de moyens financiers importants. Peut-on cependant considérer que ce redressement est le même toute proportion gardée, pour l'ensemble des chrétiens? Rien n; nous permet de l'affirmer. Mais, à la santé pécuniaire de Mar Yâhballahâ III, doit tout de même faire pendant celle des fidèles.
Ghlizlin ménage les chrétiens Les chrétiens, des collaborateurs traditionnels du pouvoir mongol Depuis les tout débuts de l'II-Khanat, les chrétiens sont des collaborateurs zélés du pouvoir. Cette collaboration, qui passe pour une trahison aux yeux des musulmans, débute véritablement avec la prise de Bagdad, le 15 juillet 1258. A la demande de Dokoûz Khâtoûn, les chrétiens sont épargnés 1S1 • Ces derniers ressentent alors un sentiment de libération. De fait, les Mongols sont accueillis avec joie par les Églises orientales. Ces dernières, fidèles à leur tradition administrative, se mettent au service du nouveau maître et participent à la conduite des affaires de l'État aux côtés des bouddhistes, des juifs et des musulmans, tous mis sur un pied d'égalité. Avec Ghâzân, dans un premier temps du moins, la situation des fonctionnaires chrétiens doit être particulièrement précaire. Avec Nawroûz à la tête du gouvernement, il y a fort à parier qu'une purge à l'encontre du personnel non-musulman est effectuée et que bon nombre de chrétiens en sont les victimes. Cependant, il semble qu'une fois la tempête passée, les dhimmis sont de nouveau présents au sein de l'administration du Khan. Plus tard, nous
154 J.-B.
~.
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Il7 KIRAKOS DE GAN DZAK, "Les Mongols", art. cit., p. 491; Grigor d'AKNER, , "History", art. cit.. chap. XII, p. 341 R.-W. THOMSON trad., "The historical compilation ofVardan Arewelc'i", art. cit; § 91, p. 217.
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AllMtNlIi:N~ 1l1' MffllJj~ CHI.u'i1'IIlN~ /J'OlllftNT fj{llJ~ I.A OOMINATION MONClOU';
retrouvon~ ce~ derniers à dell pOlltell éle~éll" Par ~~mple" la ""Pulation mUliulmane de MoltftQul liublt 1 OppreliltlOn d un chrétien, un certain Fakhr 'lita al-Ghiyath. Ghazân donne l'ordre au liultan Nadjm al-din de Mârdin de /te rendn: en perlionne (janll cette ville, et de mettre à mort le fonctionnaire, à. I~ ~ratlLje joie (jell habitafltlil5~. /1 eljt à fI(Iter 'lue Fakhr 'lsâ al·(jhlyath elit tué, Mn parce qu'il elit chrétien, mai" en railtOn de l'abu~ qu'il a tilit du pouvoir 'lui lui a été confié. Cc cali n'est certaInement pail iiOlé et, dans le khanat, il doit fie trouver d'autreli chrétienfi char~éfi de collecter lefi impôtli ou d'accomplir d'autre!; mi!;!;ions pour le liouverai/l 'W . LeN chrétienli /le Nont donc pail excJUN dell Nrviceli prochefi du pouvoir et ilfi obtiennent même la confiance du liouverain 'lui choitsit Nell collaborateurll en limction de leurll .LIeur appartenance re 1"Ig/euse Il>1) , qualitéli pmprelî, et non pail UÇ
li est intéreltsant, par ailleurlî, de conlltater qu'en Égypte, la collecte d'une taxe ellt détournée par lefi ficribeN lîamaritainll, à la luite de la confulîion qui règne danli le sultanat avec l'épi;t,ootie de 1300· 1301 1111. Lelî Ilamaritainli reprélienWnt une tendance confiervatrice du judarltme, qui s'en tient au texte du Pentateuque; ainlii, même dans « l'Empire de l'ililam », d'importanteli tâches adminilitratives liont conliéeli aux dhlmm/,y, Le" juif;' continuentloujourli à jouer un rôle important au sein du diwân puilî'lue, IîOUIi le règne de Ghâ7.ân, nous retrouvons, entre IWtreli, 'ùtlîhid al-din et Nadjib al·dawla al·Kahhal al·Yahoudi, I~. IÙI.hid AIA)!N, cité PlIr M. U'OHSSON, IIlNtoire dell MlJngo/lI, op. t!1f.,I.IV, p. 32". II'J Il n"u~ /1 été impt/~~ible dl: co/lNulter '(lIlihid /ll-din d#lIij 11011 ell~emble, el MU. /lV"II~ dû IIOU~ cHiltenter de l'éditiol1 dl: F. Qualremère, qui ~e termille à IJ nn du rèlf,lII! d'Hoûlâ8l)û, ainsi que de~ pll~~lIge~ cité~ dllilli O'OUSSON, H/ffll/rl! dl'b' M()ng()/~', V. " IllJ elil dl: même pour WII~S4t: qui ellt I.oII&k!melJl in.llCl.!e~~ible puur un '"wllil dl: IIwH";". 1l1li It/llihld AL-nIN, cité pllr M, D'O/fSSON, lIi.l'lo/re de.~ Mong()I.~, 1. 'V, p. 344 : 1111OU~ rllppu/'W que Ohâ:t.ân " IIvllilll! talllnl dl! récompl!n"r Illj iC nN 'eur mér~k,lln IIOrk Ijue l''!rllOnlJe n'était mécontenl. ii.
1.'
.", .. A ' l" f., • élevé'a la l"UI haute deux jUhS palilk;S li lfi 1am Il,2 . a..,è premIer, (onction de l'État, en 129~, par le Khan, fiemble avoir favorisé NS anciens coreligionnaireli. " reste au pouvoir pendant vingt anfi et il est l'historien ofliciel de la vie de Ghâl.An. Pourtant, il est vraisemblable que, WU!; ce dernier, la préfoiel1ce de. fonctionnaires musulmans s'accroit fiensiblement et que, donc, le souverain elit intluencé dans ses jugements par ces c<mseillers et leurs dénigrements. Dans un second temps, une fois bien installé !;ur !;on trône, il apparaît suffisamment clairvoyant pour ne pas se laililier guider œnli de!; décisions qui peuvent s'avérer malheurcuses. AUlisi demande-1-il à fieS c<)mmissaireli de ne pal prendre pour argent comptant tout ce qui leur elit rapporté, et de faire une enquête minutieuse et sérieuse quant à la véracité dei (aitli énoncés et ce, atin de vérifier que les fonctionnaires musulmans ne cherchent pas à nuire à leurs collègues chrétien•.
Pour leur part, les deux royaumes chrétiens fournissent dei contingents militaires. Ghâzân se doit donc de ménager cette communauté religieuse sous peine de perdre à la fois dei administrateurs qualitléli et expérimentés, ainsi que des troupes, li les vassaux fie révoltent. Un apaisement est donc entrepris â l'intérieur de la Perse mongole. En compensation de fieS excès et afin d'asliouvir la soif de vengeance de Hét'oum Il, Ghâz.4n aulorilie Ics débordements â al-Sâlihiyya. Le rôle des chrétienli orientaux danl papauté
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NU/ft/m' mt/rn/OUM, op. dl.,
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f.Iie.III,
rapports avec la
Malgré quelques tensions, les Églifies arménienne et romaine ont rapproché leurs doctrines, au point qu'en 1198 l'Union e!it proclamée. Nous en sommes loin en 1295, l'Église arménienne, autocéphale depuili le VIC siècle, reste farouchement attachée à son indépendance, religieuse aussi bien que politique. Cependant, les contacts sont nombreux, avec
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UNe SITUATION RELlGlP..USE AMBlûUt
ftt/IJH LA 1I0MINATlilN MOitie/m,ii
l';mpl.nlali,,n de IrancilicainN .cm, CHic~e ct l'envoi de miNIl;"nn.ireN, leI Jean de Monle Corvlnu 'lUI débarque en 1288, ct qui timdcra quelqucH annéCH pluN tard l'archcvêché latin de KIt'IIba"", Cil ChillC, Il cxiHle d'ailleurll un mouvement qui prôllc cclle ullion IWCC unc particulière inlli"tancc : ceux ~ui cn fonl partic HCrllnl appeléll plull lard lCII Unileurll"', Ce ').il ,II' S' 1114 qUI'é rapprUl.:hcmcnl uvec /{omc CHI néCCHIIUJrC l' al'Ille, de pluN cn pluli, quc le licul uppui dCH MongolH nc lui elll pJUIl Iluni.anl. Il faul "blenir l'aidc dc la papauté cl, à traverll elle, penNc-I-un, dc l'Occident dallll IiO" cnticr, On prêlc Huuvcnt li lIét'uum Il l'originc de la calholicillation en pru/bndeur dl: la CiliC,,;:'h~ : ccci pl:ut apparaitre vrai puur la tin de ",on rè"nc, muiH nI: l'l:lit ablmlument l'aH li l'origine de lion ""UVCf'llClllcnt, AillNi, en 121N, li p':Jnc inHtallé HUI' le trône, déplI/tc+jJ Ic Ciltholicwi KONll1ndin Il de CéHarée, trop lalinophih: li l1/on "oût /IIf., LorH dc Hon premicr rctrait du pouvoir, Cil 12'J:l,lIét'oum Il cndolillC l'hllbit de moinc, maili ce n'eNI pas cclui dCH fi'lmci/tcllinH ; jJ entrc danH un cUuvl:lllllrménien, JI eHt Vl'lti !outc/(,il1/ "U'jJ pl'cn" le nOln de Jean, en l'honneur de Jean de Monle ('orvino, lini! uutre pl'eUVi! vil:nt a nOUN IIU tmver" des mUllltNICreH de (lmn"c Âl'ménii!, /ërocellli!nt hOHliles a Ioule idée d'Union cl "lui n'émettcnt uucune criti4uc a l'l:ncontrl: de Ilé,'oulllll. ('c n'cHI qu'/\ lu Huile dl:H qucrelleH de pouvoir qui l'Opl,ollcnl direclelllcnl à HeH li'creH et à l'uttilude udoplée par Oh4:t.An quc lIét'oullllI réuliHe qLlc III papauté doit devenir un /tllié 1,'uH imllorlllnt. LCH Ih~l'eH du roi dc Cilicie He révèlent, qU1l1l1 Aeux, ne~h~mi!nl pluN lutinophiles, En enel, Sem but rédige uvec, le cltthollclIH une lellre deNtinée IIU fupe, utin de lui _l"nlne!' le chun"elllent dc Houveruin 'h , POUl' l'Église lM
N"r~i\N U"li~II"II'~,
arménienne, indépendante, cet acte est en soi révélateur de J'inclination religieuse et politique des deux hommes les plus importants du royaume, Sembat et Grigor VII d'Anazarbe, Peutêtre est-cc pour cette raison que le Khan soutient leur action, car il espère une intervention de la chrétienté latine sur le champ d'action oriental. Pour que la Cilicie espère voir un jour débarquer deN troupeH franques, la condition sine, qua non est un rapprochement plus que sensible entre les deux Eglises et même une réelle union, Hét'oum Il entreprend ce rapprochement: désormais les Latins sont désirés et il prend lui-même, pour sa seconde entrée au couvent, l'habit franciscain, tout en gardant son nom de Jean, De plus, la Cilicie, royaume chrétien, est utilisée depuis longtemps comme instrument de contact entre les II-Khans et les souverains d'Occident. C'est ainsi que Lcwon Il est chargé d'écrire des lettres aux rois européens'(,H, Un rapprochement religieux des Arméniens, voire des chrétiens orientaux, avec Rome eHt en tout point bénéfique pour la politique de Ghâzân. Cette dernière est favorisée par le patriarche nestorien qui écrit par deux fois sous son règne: en ,1302 et 1.304, au pap: pour, lui exprimer son attachement Il 1 Église catholique et romaine. C est la continuité religieuse, puisque Rabban Sauma, lors de son ambassade, est interrogé sur sa croyance ~ar la Curie pontificale et donne même une profession de foi 69, Dès cette époque, Latins ct ncstoriens sont considérés comme unis dans la même Église. Mar Yâhballahâ 111 envoie d~nc, lui aus.si, une profession de foi, très certainement éCrite sous la dlcté~ du dominicain Jacques d' Arles-sur-Tech. Cependant, comme Il l~ souligne lui-même, sa démarche n'es~ suivie.ni ~ar son clergé nt par ses fidèles. Toutefois, son actIon dO,lt etre fav~rab~e à GhAzAn, dans la perspective d'une aide OCCIdentale, pUlsqu elle
a'
mnillc ulllhm.', IINI III cllntlnulltllur UtiN chronique! du
r,::nll6tllhll.l Sl.lll1b~, 1:' d~ SUlIluuel d'Ani, 1.•1.l ~h)l'C: du cdlhuilcuN uJ'lnllnlCIl "HI 1"HI1Mlaré ft SIM "l,rèN III prise de lfuhllUkl1l Jl!!f lc~ MUIIIIU/ikH, C/1 1292, :: (', MIJTM'IAN. HOYI//IIII/', tI/l. 1'/1, ,p, 71l, lM 1111111111161 d'ANl,ll, 462.4"1 Il,, ('HAMI( '1i,1I/.~1/lr.I' li/A,.mtINlu, 2 vul, Cailluttli 1H27 vol 2 272 . '" ,p. ,
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HA YTI-ION, La Flore des H/.Ylolres, op, cil, ,Livre III, chap, XXXI, p, 181, p, 310, trad, C, DELUZ, p, 844, 169 J,-B, CHABOT, "Hlslolre de Mar Jabllllaha", arl, cit, 1894, l, chap. ,~ p, 92, a,l.U . 16N
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,UMf.M- f.1 AtfTJlf.JCff.m~ ,,'OR'fNT ~JIJ~ /.A "O,.,'MTfl1N W1H()OLl'.
couche le pape dam tell aJJ)iratiom ICI l'hUI profondet.: l'unité de ta chrétienté autoUr de !la per!lOOnc. Voilà pourquoi, en 1302, J'amm..lIIIde de Ghà1'.An et la lettre du P'.striarche doiv"'11t prendre ememble la rouk de R01Jle, la premiére pour demander le lOUtien militaire de l'Occident, la !lCC(mde manif"~tant IlOl1 attachement à l'Union. La oonverllion de Ghâ'l'.ân à l'islam rcpréKJlte donc un véritable toUrnant dam. IC!i rappolÙ religieux entre Mongol. et chrétienll orientaux. CCli dt.-mi""'II!1e troUV"'11t désormais face à un pouvoir qui pt.'Ut, à tout moment, leur devenir hOlltile, comme œta a été le cali au début du règne. Toutefois, J'i"lam de GhâL".ân est fortement teinté de culture mongole ,,1 il I)'av<'.,.e L'1re un IOUverain ouv,,-rt ,,1 toll.,.anL Dell qu'il t..'11 a la p<1§sibilité, il met un terme aux pt..,.~-utionll dont les chrétien" !;(mt vi"1imcs, et il ICI rétablit dans leurll fon"1i'1Oll. JI inlltaure à nouveau des relationll normali!léell avec "~II dirigeant» chrl1i,,'11s et plus partk-ulier".,-n"'111 avec le P'.striarche nestorien Mar YâhIY.sJJahâ HL NoUli pouvonll Ct..1'C11dant nous demander si les communautéll chrl1iennell, au traverll de leurs chefs spirituels, ne ...",11"411 déllormaill l'lUI' méfiantell, ni plus en retrait il l'égard du pouvoir mongol ,,1 cc, malgré toute,. les garanties de tolérance et de rellJ'C"1 apportée/! p'.sr GhâL".ân. En effet, mis à part le début de ...", règne, il te montre attl..'11tif à cc que chacun pratique sa religion en relltant toutef(,ill dan,. le cadre de 1'''i1am. Par son ouverture d'cllprit, il permet aux communauté,. chrl1iennes orientale. de le maintl..'11ir dans fICS États et il continue â entretenir dell relation,. de bonne entente avec ccs demiéres. Ain.i, d'une maniere certes atténuée, il poursuit la traditionnelle collaboration mongolo-chréti"'11ne, tout comme il suit les traces de se. prédéce.8Cur. dans 8C1) différents choix politiques.
CHRÉTIESS ORIESTAU~ roLlTlQUEMENT TROP f' AIBLES
Il - LES
DES
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LA Rf.-CHER('''HE DE L'ALLIANCE OCCfOBrTALE
Gbizân reprend la politique de ses prédéceHeuB Afin de mener à bien sa politique extérieure, hostile aux MamJoûks, Ghâ7.ân envoie des amba'isade§ auprés du pape et des différentes cours royales d'Europe, Il suit en cela la f~ activité diplomatique de son père. De ~e, le, ,souveram mongol e
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LBS CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
débutent très tôt, par des envois d'ambassades. Elles s'adressent tout d'abord au roi de France, Louis IX. En 1248, Aldjigiday fait les premières avances; elles ne sont reprises que plus tard, sous Hotîlâgotî, en 1262, où l'entreprise est bloquée en Sicil e l72. Les actions mongoles se tournent ensuite vers la Papauté. Ces missions diplomatiques sont menées par des chrétiens, le plus souvent nestoriens: on peut citer à titre d'exemple celle dirigée par Rabban Sauma, le compagnon de route de Mar Yâhballahâ III. Envoyé en Occident par Arghoûn, son périple, qui couvre les années 1287 et 1288, nous est transmis p,ar un résumé qu'en a fait le biographe de Mar Yâhballahâ III 73. Au cours de son ambassade, il se rend aux cours de Rome, de Paris et de Bordeaux. Le récit de son voyage ne nous intéresse pas ici. Rabban Sauma sait se faire apprécier, tant auprès de la Curie que du nouveau pape, Nicolas IV, de la main duquel il reçoit la communion. Les différents II-Khans ne sont jamais devenus chrétiens mais, par l'envoi de délégations menées par des chrétiens, ils cherchent à montrer leurs bonnes dispositions à l'égard de ces . 174 . Devant les échecs répétés de leurs démarches, les dernlers ~ongols . t~ntent alors de porter leurs messages par 1 mtermédlalre de Francs. Ghâzân appuie toutes ses démarches par la présence de chrétiens latins. Ceux-ci sont des laïcs issus des colonies marchandes italiennes, très présentes en Ir~n. En effet, ce pays est le point de départ des relations économiques 172 J. RICHARD, "D'Âldjigidlli à Ghâzân. La continuité d'une politique franque chez les Mongols d'Iran" dans L 'lranface à la dominalion mongole Colloque de Pont à Mou~son, 1992, Téhéran, 1997, p. 57-69; ID., "Un~ ambassade mon~ole à Pans en 1262", JS, Paris, 1977, p. 295-303; ID., "Le début des relations entre la Papauté et les Mongols de Perse" JA CCXXXVII, 1949, p. 287-293 • ' , 173 174 J.-~. CH,ABOT, "/lisloire de Mar Jaballaha", arl. cil, 1894, l, p. 91-122. . C ~st ce que fait notamment ArghoOn qui souligne cette attitude bienveillante dans une lettre. datée du 18 mai 1285 porté O'd .J B CHABOT "N te l ' e en CCI ent. .. , 0 8 sur es relations du roi Argoun avec l'Occident" ROL 1894, III-IV, p. 566-638, ici p. 570-571. ' ,
102
avec l'Asie, tout en étant « l'extrême prolongement du commerce du Levant» I75. Depuis 1264 est attestée l'existence d'une colonie marchande italienne à Tabrîz, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de commerçants avant. En fait, les ambassadeurs sont des aventuriers, partis tenter leur chance en Orient. Le premier d'entre eux est un certain Buscarello Ghisol fi . Ses activités commerciales s'interrompent en 1289, lorsqu'il est chargé par Arghoûn de diriger l'ambassade envoyée en Occident. La position du marchand à la cour de Perse est assez élevée pour qu'il se voit confier une mission dont le but est d'organiser une attaque conjointe des troupes de Philippe le Bel et de celles de l'Il-Khan 176 • Qui plus est, il a toute latitude pour négocier les questions d'ordre technique, ce qui montre la grande contiance du souve~ain mongol.à l'ég~~d de Buscarello. Ce dernier s'efface ensUIte de la vIe polItIque et nous le retrouvons en 1300, porteur d'un message de Boniface VllI pour Ghâzân. C'est encore par son intermédiaire que le Khan répond au pape, dans la seconde moitié de 1301. De même, nous le retrouvons porteur d'un message adressé au roi d'Angleterre, au début de l'année \302 177 • Sous le règne de Ghâzân, nouS retrouvons l'existence d'un certain Isol le Pisan. Ce dernier est déjà mentionné dans la lettre du 18 mai 1285 qui est remise au pa~e. Isoi y est décrit comme « ambassadeur et interprète»1 8. Tout comme Buscarello Ghisolti, il est familier de l'entourage des Il-Khans, à tel point qu'il est même choisi comme parrain de Nicolas, le frère de Ghâzân et futur Khan OldjeytU. Il est donc envoyé auprès du roi Henri Il de Chypre en 1299, atin de .dem~nd,er le soutien des Francs pour l'offensive mongole en Syrte qUI debute alors. Is01 semble être un intermédiaire privilégié pour les 175
L. PETECH, "Les marchands italiens dans l'Empire mongol", JA, CCL,
1962, p. 549-574, ici p. 560. 176 J.-B. CHABOT, "Notes", arl. cil., p. 575. 177 M. D'OHSSON, Hislolre des Mongols, t. IV, p. 34; L. PETECH, "Marchands", art. cil. ,p. 564. 178 ID., Ibid., p. 570. 103
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLmQUEMENT TROP FAIBLES ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
discussions entre Rome et Tabrîz. En effet, le marchand italien entretient de bonnes relations avec Boniface VIII, en dénonçant les contrebandiers qui s'adonnent au commerce des denrées prohibées avec le sultan d'Égypte. À la suite de la victoire mongole de 1299-1300, il porte un message au pape afin que ce dernier envoie le plus vite possible des troupes prendre possession de la Terre sainte. Une bulle du 20 septembre 1300 attribue à Isolle Pisan le statut de gouverneur de la Syrie et de la Palestine 179. Or, dans les diplômes d'investiture remis par Ghâ.zân ~ont al-Moufaddal nous. livre le contenu lHO , l'émir Sayf al-dm Klptchak est nommé VIce-roi « des pays de Damas Ba'lbek, Homs, des rivages de la Palestine, d'Alep, 'Adjloun' Rahba, de al-' Arish à Salamiyya ». De même Baktimour al~ Silâhdâr obtient, pour sa part, « la lieutenance de la souveraineté a~gus~e dans les ro~aumes d'Alep, de Hamah, de Shal'zar, d AntIOche, de Baghras, sur toutes les forteresses et districts de l'Eu~hrate, sur Kal'at ar-Roum, Bahasna, les districts et villes fron.tlères qui en dépendaient ». Quelle est donc la place d'Isol le PIsan dans cette organisation? . Quoi qu'il en soit, les positions respectives de Buscarello Ghlsolfi et d'Isolle Pisan illustrent l'inclination de plus en plus poussée des souverains mongols de Perse pour l'envoi d'Italiens comme ambassadeurs. Pourquoi ces missions diplomatiques ne sont-elles plus con~ées aux chrétiens orientaux? Il semble que les échecs successIfs des précédentes tentatives, notamment celle. . de Rabban Sauma vIser 1eur , . ' ont décidé les II - Khans à ré' posItion quant à 1 ongine des hommes envoyés en négociation 11~
J. RICHARD, "Isol le Pisan: un aventurier franc ' province mongole?" , CAJ XIV 1970 18 .. gouverneur dune 180 , ' p. 6-194 , ICI p. 187. AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans 1 b . p. 651-654 ; J. RICHARD "Isol 1 p." "'.am ou . art. Cil., fasc. Il, mêmes fàits e " e Isan, art. Cil., p. 187, nous rapporte les M n s appuyant sur AI-MakrîzÎ' WASSÂF 'té par . D'OHSSON, Histoire des Mongols op cit t'IV 256 ,CI :~;;::~end que la Syrie est divisée e~ trois p~~inc~s~ de Da~a~: ~~H~%~
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auprès des souverains européens. En effet, Ghâzân cherche à réveiller « l'esprit de croisade» en Occident. Pour arriver à ses fins, une intervention franque en Syrie, il compte sur l'effet positif produit par la prése~ce de chrétiens ~atins. Si la démarche et les ouvertures sont portees par ces dernIers, peut-être serontelles mieux appréhendées par les autorités chrétiennes de l'Europe? Les ambassadeurs se concentrent sur des problèmes exclusivement politiques, et non plus théologiques, car ils n'ont pas justifié la. véracité de I~ur foi l.SI : À cette époque, la papauté est très attentIve aux questIOns relIgieuses; elle cherche à attirer dans son giron les communautés orientales. Ghâzân veut probablement éviter que des ambassadeurs de confession nestorienne, voire jacobite, soient considérés comme hérétiques et ne soient ainsi détournés de leur objectif premier. En outre, ces hommes proviennent du monde occidental, ils connaissent l'état d'esprit des différentes cours et peuvent donc argumenter en faveur d'une coopération militaire, tout en employant les termes adéquats, susceptibles de plaire aux dirigeants européens et de remporter la décision. De plus, les marchands italiens commercent avec la Perse et ne sont pas sujets du Khan, ils sont donc plus indépendants de Tabriz et apparaissent, moins que les chrétiens orientaux. comme des instruments d'une politique mongole qui n'a peut-être que faire des idéaux de la chrétienté. Enfin, le dernier avantage des « Italiens» sur les « Orientaux» vient de l'obstacle de la langue. Les communautés syriaques utilisent essentiellement le syriaque et l'arabe; or, dans les cours européennes. il est difficile de s'entretenir par l'intermédiaire d'une autre langue que le latin. Dans un premier temps donc, les Francs sont cantonnés à un rôle de traducteurs, ainsi « Ise l'interprète ))182, pour. dans un second temps, être placés à la tête de ces ambassades. Par là, l'obstacle linguistique est contourné et les risques d'incompréhension de part et d'autre sont éliminés. C'est la somme de toutes ces 181 182
De son côté. Rabban Sauma est soumis à un véritable interrogatoire. loB. CHABOT, "Notes", art. cit., p. 570.
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raisons qui fait que, sous Ghâzân, les chrétiens orientaux n'ont plus leur place au sein des missions diplomati.ques envoyées en Occident. Ce sont même des musulmans qUi sont chargés de porter les lettres de Ghâzân et de Mar Yâhballahâ III en 1302'83 ! L'appui des chrétiens orientaux Même si ces ambassadeurs sont latins, Ghâzân n'en appelle pas moins au soutien des deux plus importantes figures du christianisme oriental: le roi de Cilicie et le patriarche nestorien. Hét'oum II demande, de son côté, une intervention militaire de l'Occident, tant du pape que des rois de France et d'Angleterre. Il appelle de tous ses vœux une action de la chrétienté européenne: ainsi, en 1291, à la suite de la chute d'Acre, écrit-il à Nicolas IV et aux différents souverains, pour demander leur assistance, après avoir vainement réclamé l'aide d'Arghoûn I84 . Il est parfaitement conscient de la nécessité d'une entente franco-mongole pour venir à bout des Mamloûks et éloigner, par là, la menace qui plane sur son royaume. En 1299, deux franciscains envoyés par Ghâzân sont présentés comme étant aussi les ambassadeurs du roi Hét'oum II. Comme on le voit, le Khan s'appuie sur le souverain arménien pour donner plus de poids à ses demandes en direction de l'Occident. Cette attitude est traditionnelle puisque, déjà en son temps, Lewon II est chargé d'écrire des lettres destinées « au pape et autres seigneurs d'Occident »185. Cependant, cette action exige, de la part de la Cilicie, une certaine soumission à Rome. Cette
~8~ l-A. BOYLE, "Rashîd al-dîn and the Franks", CAJ, XIV, 1970, p. 62-67,
:~ p. 65 ; L. PETECH, "Marchands", art. cit., p. 564.
M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 162. HA YTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre III, chap. XXXI, p. 181, p:.310, trad: C. DELUZ, p. 844: « Unde rex Armenie ad patriam s~ redut, e~ nunclos suos misit ad Summum Pontificem et ad alios reges et domInOS parclUm Occidentis. ». 185
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dernière cherche, en effet, à rallier au catholicisme les chrétiens orientaux. Pourtant les démarches de Hét'oum Il sont soutenues par le clergé arménien et son catholicos. Il est vrai que celui-ci, depuis le transfert de son siège à Sis, à la suite de la chute de Horomkla, a perdu toute indépendance politique. La présence de la Cilicie aux côtés de Ghâzân est importante, car elle reste le seul royaume chrétien continental en contact direct avec les affaires proche-orientales. Hét'oum II appuie en quelque sorte l'action du Khan et, par sa présence, il rassure l'Occident sur l'intérêt porté à la cause chrétienne. La chrétienté, dans la perspective d'une croisade, peut donc espérer débarquer sur le rivage cilicien, en territoire ami, pour se porter ensuite contre les 1 ûk s 186 . Mamo Pour sa part, le patriarche des nestoriens, Mar Yâhballahâ III, affirme dans plusieurs lettres sa volonté d'Union avec l'Église romaine; celle-ci est d'ailleurs confinnée par Nicolas IV dans une lettre du 7 avril 1288 187 • Pour le patriarche, homme de peu de doctrine l88 , le pape représente l'autorité suprême de la chrétienté. Cet aplanissement des positions religieuses peut avoir des conséquences au plan politique, puisque, si les nestoriens sont reconnus unis à Rome, il s'agit alors d'intervenir en Orient afin de sauver des croyants. Les ordres mendiants, implantés en Orient, jouent un rôle non négligeable dans ce rapprochement. C'est ainsi que la profession de foi catholique contenue dans la lettre envoyée au pape, en 1304, est probablement écrite sous la dictée de Jacques d'Arles-
186 C'est ce que préconise HAYTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre IV, chap. XIX, p.242, p.355, trad. C. DELUZ, p.871. Cependant, nombreux sont les projets de croisade hostiles à un débarquement en Cilicie (Marino Sanudo, Pseudo-Brochard, (Guillaume Adam 187 l RICHARD, Papauté, op. cil., p. 109. 188 loB. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit, 1894, 4, chap. V. p. 605-606: « Je manque, dit-il, de la science et des ~o~naissan~ ecclésiastiques. Je n'ai aucune éloquence, comment pu"s-Je de~emr Patriarche 7 Je ne connais pas non plus votre langue synaque qw est absolument nécessaire. »
7».
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sur-Tech, supérieur du couvent dominicain de Marâgha. Il faut en outre, ajouter à cela la forte impression laissée par l~ franciscain Jean de Monte Corvino lors de son passage en 1289 tant d'ailleurs auprès de Mar Yâhballahâ III que de Hét'oum Afin de souligner un probable rôle joué par le patriarche chaldéen au plan politique, il est intéressant de constater que en 1302, Ghâzân et Mar Yâhballahâ III adressent tous deux une lettre au pape Boniface VIII. La lettre du Khan, datée du 12 avril 1302, demande le soutien de l'Occident l89 • Quant à celle du patriarche, elle affirme le désir d'union de ce dernier. Les deux lettres sont do~c remises en même temps au pape: le message du chef de l'Eglise d'Orient appuie la requête du souverain mongol. Il ne nous est pas possible de savoir si la missive de Mar Yâhballahâ III est envoyée à la demande de Ghâzân, afin de soutenir, par la religion, sa politique, ou s'il s'agit d'une initiative personnelle du catholicos, profitant de l'occasion qui lui est donnée de s'adresser au pape. Cependant, dans sa deuxième lettre, datée du 18 mai 1304, Mar Yâhballahâ III signale au souverain pontife son isolement, ainsi que le rejet de l'Union par les autorités religieuses nestoriennes et le peuple. En effet, tout comme le clergé arménien de Grande Arménie les di~~taires chaldéens sont attachés à leur indépend~nce rehgleuse. Ils sont en cela renforcés par la très forte hostilité des jacobites vis-à-vis d'un rapprochement avec Rome. En notifiant ce fai~ au pape, le patriarche nestorien ne réduit-il pas, au cont:alre , I~s chances de voir se lever une croisade en O~cldent? A quoi bon se battre pour des hérétiques? Les demarches de Mar Yâhballahâ III nous apparaissent donc co~~e plus profondément religieuses, sans arrière-pensée ~ol~tlque. Un autre indice penche en ce sens: cette lettre est ecnte en 1304, avant la connaissance par le patriarche de la mort
II:
de Ghâzân 190 • Elle ne peut donc revêtir aucun caractère politique. Nous pouvons donc estimer que, si les messages du catholicos ont pu influencer le pape dans sa volonté de prêcher une croisade et, par là, soutenir la politique de Ghâzân, tel n'est pas leur b~t premie~. Quoi qU'Il en SOIt, nous ~onstatons un décalage entre les aspirations des clergés des Eglises orientales et celles de leurs dirigeants. Ces derniers, que ce soit pour des raisons religieuses ou plus politiques, cherchent un soutien de la part de Rome et, à partir de là, espèrent-ils, de toute la chrétienté d'Occident.
Les propositions mongoles La restitution de Jérusalem et de la Terre sainte Afin de simplifier l'intervention des Francs en Syrie, Ghâzân, toujours à l'imitation de ses prédécesseurs, fait des propositions qu'il pense susceptibles de faciliter l'entrée en vigueur d'une coopération franco-mongole. Cette dernière est lancée par Hoûlâgoû'9'. Les bases de l'accord reposent sur la restitution de la Terre sainte aux chrétiens, en échange de leur aide militaire contre les Mamloûks'
J.-B. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit. 1894,2, chap. VI,
~.
189 J -A BOYLE" • al-~m • " , art. clt., . p.65 : «Préparez vos troupes, .. , Ra~hld passez le mot aux roiS des différentes nations et ne ratez pas le rendezvous. ».
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264-265. 91 J. RICHARD, "Continuité", art. cit.. p. 62. 192 HA YTHON, La Flore des Histoires. op. cit., Livre III, chap. XX. p. 170, p. 301, trad. C. DELUZ, p. 838 : «Hulagu manda au roi d'Annénie de venir le trouver, car il avait l'intention de reconquérir la Terre sainte pour la rendre aux chrétiens. » 109
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORJENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
longtemps déjà que les critères religieux ne font plus prendre les armes aux souverains européens ... Rabban Sauma, pour sa part l'a bien compris; il adresse des propos pleins d'amertume à l~ Curie pontificale: « Voici une année entière d'écoulée. Le siège papal est vacant. Que dirai-je et que répondrai-je aux Mongols, à mon retour? Ceux qui ont le cœur plus dur que le roc veulent s'emparer de Jérusalem et ceux à qui elle appartient ne se préoccupent pas de cette affaire: ils n'y attachent aucune importance! »193 Sans reprendre la théorie avancée par Jean-Maurice Fiey l94 d'un grand khanat d'Orient, il est évident que de telles propositions suscitent l'intérêt des communautés chrétie'}nes locales qui désirent jouer un rôle actif dans un éventuel Etat chrétien. Les Églises orientales, tant par le nombre de leurs fidèles que par leur traditionnel soutien au pouvoir mongol, peuvent espérer se voir attribuer un rôle en Terre sainte. Cependant, il est bien stipulé que cette dernière doit être restituée aux Latins. Les chrétiens orientaux se trouvent donc devant le risque de voir s'établir une dépendance, politique et religieuse, vis-à-vis de Rome. Sur ce point, nous l'avons déjà souligné, l'opposition est farouche et le refus clair: la restitution de la Terre sainte exclut les co~munautés.c~rétiennes locales. Ces dernières représentent une pUIssance rehgleuse, elles ont des fidèles dans tout l'Orient e~ jusqu'en Chine pour les nestoriens et les jacobites, mais n~ dl~posent d'aucun poids politique. Seule la Cilicie combine à la fOIS pouvoir politique et Église nationale. Les autres co~munautés, à l'image des jacobites, ne possèdent pas de vé~table organisation politique et n'ont même jamais pu établir d'Etat propre. • Pourquoi alors ne pas confier la Syrie à la Cilicie, un allié sur et fidèle? Le royaume arménien est beaucoup trop affaibli et
~/ii~' CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit, J.-M. FlEY, Chrétiens syriaques, op. cit., p. 17. 110
1894, l, chap. VII,
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP fAIBLES
sa puissance militaire insuffisante. Ainsi les territoires confiés par Hoûlâgoû en 12.58-1261 s?nt-ils p~ogre~sivement tous perdus devant la p~esslOn mamlouk~. A.ussl ?hazân préfère-t-il prendre les conq.uetes sous sa ~oml?atlOn drrecte, quitte à les restituer aux OCCIdentaux une fOlS qu Ils se seront manifestés l9S • La proposition d'un soutien logistique En plus des propositions de restitutions, emmemment politiques, Ghâzân propose une aide matérielle aux éventuels croisés. Depuis longtemps, les souverains mongols s'attachent à faire du soutien logistique un atout important en faveur de la . coopératIon ml'1"Italre 196 . En ef~let, tout ce que les Mongols s'engagent à fournir allège d'autant la charge financière de l'expédition et facilite de manière non négligeable les problèmes d'intendance. Nous retrouvons ces propositions dans les différentes lettres envoyées par le biais des ambassades. Ce sont donc chevaux, nourritures, fourrages ... , qui sont proposés, en nombre suffisamment important pour que les chrétiens ne pâtissent Ras d'une infériorité militaire face à leurs adversaires 97. De son côté, Buscarello de Ghisolfi, dans une note qu'il remet à Philippe le Bel en 1289, signale qu'ArghoÛD est prêt à donner ou à vendre, à un bon prix, de vingt à trente mille chevaux. À l'époque d'Oldjeytü ce sont deux cent mille 19l HAYTHON, La Flore des Histoires, op. cit., chap. XLI, p.197-198, p. 319-320, trad. C. DELUZ, p. 851. « Roi d'Arménie, lui dit-il, nous aurions volontiers confié les terres de Syrie à la garde des chrétiens s'ils étaient venus. Quand ils viendront, nous avons donné ordre à Qutlugchah de rendre la Terre sainte aux chrétiens et de les aider à remettre en état les terres ravagées. ». 196 ABEL-REMUSAT, "Mémoires sur les relations politiques des princes chrétiens, et particulièrement des rois de France, avec les Mongols", dans Mémoires de l'Institut Royal de France, Académie des inscriptions et Belles Lettres, Paris, VI, 1822, p. 396-469; VII, 1824, p. 335-420, ici VII, p. 345346. 197 HAYTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre IV, chap. XXVI, p. 250, p. 361, trad. C. DELUZ, p. 877 : « Les Tartares fourniraient à l'année chrétienne du ravitamement. ».
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIeNS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
chevaux et autant de charges de blé qui sont proposés. Le tout est rassemblé en Cilicie; le Khan annonce, par ailleurs, sa présence durant l'expédition, accompagné de cent mille cavaliers 198. Ces chiffres, à défaut d'être exacts, nous donnent un ordre d'idée sur l'intérêt croissant porté par les Mongols pour une intervention des Occidentaux. Cette proposition de soutien logistique ne semble pas avoir d'incidence sur les chrétiens orientaux. C'est une démarche toute personnelle du Khan, qu'il se charge lui même de mettre en œuvre. De toute façon, les vassaux chrétiens sont dans l'incapacité de fournir ce qui est promis et ils ont besoin de la totalité de leurs forces vives pour défendre leur territoire. La seule exigence, sous entendue, est l'acceptation par la Cilicie de voir débarquer les troupes franques dans ses ports. JI semble peu probable que, si une telle chose se produit, le roi d'Arménie marque de l'hostilité à ce soutien militaire qu'il appelle de tous ses vœux. Dans la perspective d'une lutte armée, Ghâzân, qui a l'initiative en Orient, tente de vains efforts pour coordonner l'action de ses troupes avec celles de ses vassaux et, enfin, avec l'Occident. Des efforts de coordination Le souverain mongol tente de vastes efforts de coordination militaire. JI perçoit bien la nécessité d'une action commune des différentes troupes, afin de lutter efficacement ~ontr~ la ~achin~ militaire mamloûke. Cependant, au Moyen Age, II est ImpOSSible aux hommes de maîtriser l'espace-temps. ~ntre les Mongols et la papauté, les distances en jeu sont trop Importantes et les communications trop lentes. Ainsi, malgré de no.mbreuses te~tatives, un constat d'échec doit être dressé. À la SUlt.e de monsIeur J~an Richard, nous pouvons dire que « le projet de collaboratIOn franco-byzantino-mongole était sans
191
ABEL-REMUSAT, "Mémoires", art. cit., VII, p. 401. 112
LES CHRÉTIENS ORIeNT AUX : DES ALLIÉS POLmQUEMENT TROP FAIBLES
. se réal'Iser» 199 . Ce sujet n'intègre doute trop vaste pour pOUVOIf pas le cadre de notre. ~émoir~, ~ais ,il est intéressant de souligner que, sous Ghazan, la reusslte d une action commune s'est jouée à peu de choses.
De leur côté, les chrétiens orientaux vassaux des Mongols reçoivent des convocations. II s'agit, pour ces souverains, de ne pas faillir au rende.z-vous pr~~la~lement fixé par le Khan: la fourniture de contmgents mlhtalres est le premier de leurs devoirs. Pour les Mongols, il ne se dresse théoriquement ici aucun obstacle. Les rois de Cilicie et de Géorgie sont tenus de se rendre en lieu et date fixés par le Khan, accompagnés des troupes demandées 20o • Pour la coordination des actions entre Mongols et chrétiens orientaux, il ne se pose donc pas de problème: les civils de confession chrétienne du khanat sont intégrés dans l'armée en tant que soldats mongols; de même, quoi que les troupes géorgiennes soient distinctes du reste de l'armée, eUes sont plus ou moins intégrées à celle-ci. Il n'en reste pas moins que la distance qui sépare le maître de Tabriz et les vassaux de Sis et de Tbilissi, qui est relativement courte, permet ces convocations et leur réalisation. De plus, les lieux de rencontre établis sont généralement fixés sur la rive gauche de l'Euphrate, c'est à dire en territoire mongol. Ainsi, si l'un des protagonistes manque à l'appel, le seul préjudice en est une marche inutile. En aucun cas les hostilités ne sont entreprises avant et, donc, il n'y a pas de risque pour les troupes présentes. Tout ceci n'est bien sûr pas possible avec l'Occident, d'où
J. RICHARD, "Chrétiens et Mongols au Concile: la papauté et les Mongols de Perse dans la seconde moitié du XIII· siècle", dans /174 Année charnière : mutations et continuités. (Lyon-Paris, 1974), Colloques internationaux du CNRS, W558, Paris, 1977, p. 31-44, ici p. 39. 200 HA YTHON La Flore des Histoires. op. cit., Livre \II, chap. XX, p. 170, p. 301, trad. C.' DELUZ, p. 838; M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit.• § 365, p.552.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
l'intérêt manifesté pour la Cilicie, voire pour Chypre, par . projets . de crOIsa . de201 . certams Les réactions de l'Occident
Il ne nous intéresse pas ici d'examiner dans les détails l'attitude des Occidentaux face aux propositions de Ghâzân, mais un bref résumé est nécessaire afin de montrer que politiquement, et donc militairement, les Mongols et les chrétiens orientaux sont seuls, face à leur adversaire commun. La sensibilité des papes pour la croisade En Europe, l'appel lancé par les Mongols en faveur de la Terre sainte suscite peu d'enthousiasme. Nous avons déjà mentionné la réalité qui s'ouvre aux yeux de Rabban Sauma. Cependant, les papes conservent toujours vivace une sensibilité pour la croisade. Boniface VIII la conçoit comme un passage général de toute l'Europe. Outre la récupération des Lieux saints, il s'agit, pour le souverain pontife, de rasseoir son autorité religieuse sur des rois occidentaux de plus en plus maîtres de leur destin. En effet, la croisade -même si dès l'origine, ses buts sont purement politiques, du fait de la s~if de conquête des nobles- reste officiellement une affaire religieuse. C'est au pape qu'il revient de prêcher et de réveiller ainsi un esprit .~e guerre sainte. Par là, il récupère un ascendant religieux et polItIque su~ des souverains qui le contestent de plus en plus. En effet, Bomface VIII est en conflit ouvert avec le roi de Fr~nce, Philippe le Bel; il lui faut donc retrouver son autorité qUI est alors bafouée. Po~rtant Boniface VIII, comme auparavant Nicolas IV semble véntablement s'intéresser au sort des chrétiens orienta~x. Il est ;;:'bid, Livre IV, chap. XXV, p. 248, p. 359-360, trad. C. DELUZ, p. 875114
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
entreprises par Hét'oum II et Mar vraI. que les démarches . . Yâhballahâ III lals~ent ent~evo,lr a~ pape les possibilités d'une ·on. Il sait très bIen aussI qu en echange de ce rapprochement ~~gieux est demandée une intervention militaire occidentale en ~rient. Boniface VIII, dans l'attente de la mise sur pied d'une e'n'table expédition, promet à la Cilicie le maintien du blocus vmaritime sur le sultanat mam10 ûk202 . Une indifférence générale Auprès des princes laïcs, les appels mongols restent lettres mortes. Le roi de France, notamment, est occupé sur plusieurs fronts à la fois. Il mène en parallèle sa lutte contre le pape et la préparation de l'élimination des Templiers, auxquelles s'ajoute l'hostilité qui l'oppose au roi d'Angleterre. En outre, il faut souligner le peu d'intérêt que porte Philippe le Bel aux affaires de l'Orient et aux chrétiens qui s'y trouvent. De plus, il favoriserait indirectement le pape, la croisade étant placée sous l'égide de ce dernier. La restitution des Lieux saints, si elle a lieu, renforcera considérablement le prestige du trône de SaintPierre. Ainsi des avantages politiques certains seront ménagés au pape! En outre, une absence prolongée du souverain peut être exploitée par ses adversaires afin d'affaiblir ses positions en Europe. Ce sont des raisons de politique européenne qui font que les différents souverains occidentaux ne prennent pas les armes. Quelques propositions Malgré tout, Ghâzân reçoit quelques promesses, toujours .' vagues et ne lui laissant que peu d'espoir. Si Édouard d'Angleterre écrit son désir de soute~lr l'~ctlO~ mongole dans son projet de reconquête de la T~rr~ s~mte, 11.dOIt tout d'abord régler ses problèmes en Europe: II s agIt du chmat 202 S. SCHEIN, Fideles crucis. The Papacy, the West, and the Recovery of the Holy Land, 1274-1314, Oxford University Press, New York, 1991, p. 150.
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ARMéNIENS eT AIJTRES CHRÉTIENS D'ORIENT WU!! LA OOM'NATION MONGOLE
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES AllIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
LES ALLIÉS EN ORIENT
d'hostilité latente qui existe entre Édouard et Philippe. Dans sa lettre, toutefois, il fait la promess.e de men'1or expédition à bien des que les événements vont le lUI permettre . De son côté, le roi d'Aragon, Jacques Il, fait des propositions qui sont plus pr~ises .. ,?ans sa lettre, r~digée à Lérida et datée du 18 mai 1300, ,1 féliCIte Ghâzân, « ROI des rois de tout le Levant », pour sa conquête de la Syrie. Il propose de mettre à disposition du Khan ses navires, des vivres et des troupes. En échange, il demande un cinquième de la Terre sainte et des territoires conquis sur les MamloClks 2fJ4 • Le souverain espagnol fait donc des propositions concrètes. Cette fois-ci, c'est l'effondrement des Mongols en Syrie qui annule la possibilité d'une coopération. Ce souverain, qui vit à l'heure de la Reconquista, est véritablement intéressé par le sort des communautés chrétiennes orientales. Nous retrouvons son action en 1304, auprès du sultan al-Nâsir, afin d'obtenir la libération des prisonniers chrétiens capturés lors des luttes mon golomamloClkes : il est donc question du sort de chrétiens orientaux. De même, il cherche à améliorer la situation des communautés chrétiennes et obtient l'ouverture, au Caire, de deux églises, 1'une melkite et l'autre jacobite2os •
JI est donc évident que, pour mener à son terme leur volonté de combattre, les Mongols ne peuvent compter que sur le soutien des chrétiens orientaux.
203 M. D'OHSSO.N, Histoire des Mongols, op. cit., 1. IV, p.346-347, lettre datée. de Westminster, le 12 mars 1302: « Les guerres qui troublent la chrétl~nté nOU8 ont de~uis longtemps empêché de prendre, comme nous le voudrlo~H, une. ~é8olutlOn à l'égard de la Terre sainte. Mais lorsque le .ouve~aln pontife. nous aura mis en état de nous en occuper, nous empl?lcrons volonll~rs tous nos efforts à cette entreprise, dont nous désirons ~ succès, plus que d aucune autre affaire en ce monde. ». 20' S. SCHElN, "Non-event", arl. cit., p. 817. P,9:L-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op, cit., fasc. III,
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La Cilicie, un vlI6slll affllibli Les conséquences de la chute de la Terre sainte Les derniers vestiges de la présence franque en Syrie, à savoir le royaume d'Acre, tombent le 17 juin 1291. Le sultan mamloûk , al-Ashraf Khalîl, déjà en possession des Lieux saints, emporte les dernières positions franques. Celles-ci, par leur situation littorale, sont de possibles voies d'accès pour une attaque menée par la chrétienté latine. La présence de cette tête de pont au cœur de la Syrie explique l'acharnement des différents sultans du Caire à s'en emparer. Désormais maîtres de toute la frange maritime syrienne206 , les musulmans réduisent de beaucOUp la menace d'un débarquement franc. En effet, les seuls points d'attache pour rejoindre la Terre sainte sont Chypre et la Cilicie. Par sa position insulaire, le royaume chypriote ne sert que de lieu d'escale et de rassemblement; le problème du débarquement reste entier. Sans position préétablie, débarquer sur une plage ennemie est chose dangereuse et nécessite l'installation d'une tête de pont, afin de faciliter l'écoulement des troupes et des chevaux débarqués. Or, la réalisation de cette opération est à la fois difficile et risquée. Ce risque s'accroît par la fortification intensive du littoral effectuée par les différents sultans. Une fois la frontière maritime sécunsee, ces derniers s'attachent de plus en plus à lancer des raids conm: la ~il!cie. L'objectif, et ce depu~s l'épo~ue de ~a~bars, est d ,affal~hr le dernier royaume chrétien contmental hmltrophe de, ~ E~plre de l'Islam. Ceci amène les Mamloûks à essayer d elOigner les Arméniens de leur puissant protecteur. Cette m~nœ~~e est facilitée par le peu d'intérêt que portent en defimtlVe les Abofi 1-FIDÂ, Résumé de l'Histoire des croisades tiré des «Annales» d'Abou'l Fedâ, RHC, HO, t. l, Paris, 1872, p. 164.
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p AaMtH'flIH' t.T AIJTllI'AL'Hlltn~ o'OIUriNT fifllJ1i LA J}(""HAll"'" W1HlJlIl.t,
MoogoI, â Jeu" margeli, En outre, ~r la,~uJti~lication de leur. attaque., leli Égyptiem rendent la vOIe d Invas.on P'M la Cilicie moinli liure et limitent donc, d'une (X,"J'laine manière, l'efficacité d'une éventuelle alliance latino..arméno.. mongole, En effet l'occuJY"tion de" f(,rk,'reli.eli de l'Amanu!!, par leur JX)fiitio~ litratégique, interdit une dejOCCnte en Syrie, Qui plufi efit, avec la di.JYMiti,m de. FrancII, leI Mongolli voient leur frontière sud· oueIit perdre lia pmte4.-1ion, ec qui JlCrmel aux Mamloûb de lancer de* attaqueli dans celi régions2/: , route la volonté mamloûke ellt d'affaiblir durablement et de manière fîigniticativc le .cul allié du Khan danli la région. C'elit pourquoi de" coups trés grave" sont POrtéK au royaume arménien, afin que celui ..ci ne repréKCnte pluK une aide eoenticlle au liouverain de J'erKe. Au temps de Ghâzan, le roi de Cilicie e"t donc contraint, par la t,,,ce deK choKCfi, â s'en remettre de plUl~ en pluli ,",uvent au Khan ou, pire encore, pour l'alliance, d"it mener "a propre politique extérieure, Quant aux Maml"ûkli, illi allcgent, par celi expéditions victorieuses, la menace qui pCKe Hur la Syrie. L'initiative leur revient et ils en tirent tOUN leN avantagefi: gain. territoriaux, éloignement du danJer, llfiCCndant pHychologique. Pace â cet état de chmle, il Cllt essentiel de comprendre la pertonnalité du roi d'Arménie. Hét'oum Il, un roi politiquement faible Hét'ou~ Il, r~i .• II~nll couronne, est une personnalité ~plexe
qu II eHt d,ff.clle de cerner. FilH a1né de Lewon JI il 1289. O'une fervente piété, qui lui vient de ~on éd~elltlon, " llC Hent proche de la vie monafitique, Il fait vœu de ~hbat2l1H .et ret'uHe de HC faire couronner. Sans remettre en cause 1 affirmatIon de mon.ieur Claude Mutatian qui avance une lUI
.u~cde. en
us (,lf.œllEHS QlUENT AUX ; DES AWB 1'OI..lTIQUEMf:HT nor f AI8U.S influence. franciscaine, notamment celle de Jean de Monte
eorvimlfJ, qui exacerbe ~ penchants monacaux, ne pouvonsnous JY4S supposer tout SImplement qu'il ne s'agit
la que de pratiq"':fi de !,h~mil~té chréti~ne, valabl~ pour l'ensemble de la chrétienté ! En SUIvant la meme hypothese que pour Ghâzân, Hét'oum est élevé dans un cadre annénien. Son pere est attaché à l'indépendance religieuse de la Cilicie, Il en résulte d'ailleurs des tensions avec l'Église romaine: en effet, lors du deuxième concile de Lyon, convoqué par Grégoire X en 1274, le roi et le cathol icos arménien ne répondent pas à l'invitation21O, De même, il semble peu probable que le clergé accepte de voir l'héritier de la couronne recevoir une éducation latine, alors que lui .. même lutte contre l'Union, Il faut rappeler que le catholicos réside encore il Horomkla : sa position l'autorise à donner son avis; son déclin politique ne commence qu'à la suite de la chute de son siège, en 1292, Nous ne nions pas l'influence de Jean de Monte Corvino, cependant, est-elle aussi importante ?
D'un autre côté, Hét'oum Il est attiré par le pouvoir et le désir profond d'en découdre avec les Mamloûks, ennemis de toujours, La situation politique qui se dégage pour cette période nécessite, pour la Cilicie, un monarque fenne, puissant et dont l'action s'inscrive dans la durée, comme cela a été le cas pour son père et son grand..père, Pour sa part, Hét'oum Il est un valeureux guerrier, mais sa constante hésitation entre le couvent et le trône diminue son autorité. Son règne est marqué par son retrait du pouvoir en 1293, puis par les usurpations successives de ses deux frères, Sembat et Kostandin, et entin par un dernier retrait, où il se ménage cependant le contrôle effectif de la politique. Nous voyons donc que la Cilicie, au moment où son avenir repose sur l'existence d'un pouvoir stable et, par là. puissant, qui exige d'avoir à sa tête un chef qui prend sa destinée en main, ne dispose pas du souverain dont elle a besoin. NOUK remercions monsieur Claude MutaflBn pour noUl avoir communiqu6 cet article, 210 C. MUTAPIAN, Royaume arménien, op. cil.• p. 65,
2/19
:: Ibn TAVMIVV A, Lel/re li un roi cro/Né op C/I p 28 Samullbl d'ANI, p. 463. • . 'f' • 118
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jiiP
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Il n'est pas l'homme de la situation, ses tergiversations Hé ' 'Ir 1 t ha toum entre la vie monastique et la vIe a ~~e PI~ra ys.en.téson c mp d'action et ne lui permettent pas de lal~e . una~lml au~ur de sa personne. Un des exemples les plus ,sIgnificatIfs nous vIent de la révolte menée par le prince Hét oum de K?ryk~s, notre historien Hay thon, qui se soulève contre son roI qUI e~t, par ailleurs son cousin. Nous retrouvons cette atmosphere de complo~ au sein même de la f~mille royale, dans les ambitions politiques des frères du souveram, Les luttes politiques Des luttes pour le pouvoir secouent le royaume de 1293 à 1298, Tout d'abord, Hét'oum Il se trouve confronté à son cadet, T'oros. Il cède le trône à son frère en 1293, à la suite de la ~rise de Horomkla et des cessions territoriales qui l'ont suivie2 1. Il estime T'oros plus apte à défendre le royaume et prend, pour sa part, l'habit monastique. Il récupère son trône peu de temps après, puisque le pouvoir lui est restitué dès 1294. Selon monsieur Claude Mutafian, qui utilise des sources dont nous avons connaissance mais qu'il nous est impossible d'exploiter2l2 , Hét'oum laisse une seconde fois la royauté à T'oros en 1296, peu de temps avant que tous deux se rendent à Constantinople auprès de leur sœur Rita. Cependant, s'il y a un nouveau roi, pourquoi donc laisser la régence à Sembat? À la vue du contexte politique difficile, marqué par une hostilité croissante de la part des Mamloûks, T'oros, s'il est bien roi, n'a pas de temps à perdre en visites de courtoisie. De plus, Hét'oum possède suffisamment d'autorité pour mener seul les négociations auprès de l'empereur grec, négociations qui sont 211
HAYTHON, Table chronologique, p. 489; Gestes des Ch/prols, op. cU.,
f 578, p. 839; AL-DJAZARi, La chronique de Damas d'AI-Jazari, J. SAUVAGET trad., Bibliothèque de l'École des Hautes Études, Paris, 1949,
'11147, p. 26; M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, t.IV, p. 163.
V. HAKOBJAN éd, Chroniques mineures, 2 vol., Erevan, 1951-1956 (en
arm.).
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LES CHRÉTIENS ORIENTAUX : DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
vraisemblablement le but non avoué de cette rencontre. Ici, rien ne semble indiquer une quelconque mésentente entre les deux frères, pourtant, dans les Ge.Yles des Chiprois, nous trouvons mention d'un fait, jusqu'à présent non souligné par les historiens, qui ternit cette image. Nous avons décidé, pour plus de clarté, d'insérer ce passage dans le corps de notre travail: « Le roi Hét'oum alla chez les Tatars, et laissa son frère T'oros, qui était son cadet, à sa place; et, quand il revint de chez les Tatars, il accusa son frère de vouloir lui voler son royaume, et accusa de ce fait plusieurs princes de son pays. Après, ce roi Hét'oum se rendit à Constantinople et emmena T'oros, son frère, avec lui; et Sembat, son troisième frère, qu'il avait laissé à sa place, se fit couronner roi d'Arménie, car Hét'oum, en son temps, ne voulut jamais se faire couronner, et prit l'habit des frères Mineurs, et se fit appeler frère Jean d'Arménie. »213 Dans ce passage, rien ne contredit la cession de la couronne à T'oros entre 1293 et 1294. Par contre, à la suite de son absence, Hét'oum Il, parti rendre hommage au futur Khan, laisse la régence à T'oros. C'est en fait en 1295 qu'il faudrait replacer les événements que nous rapportent les Chroniques Mineures, et non en 1296. T'oros veut profiter du voyage de son aîné pour réoccuper le pouvoir. Il est soutenu dans son action par des barons, parmi lesquels se trouve peut-être le turbulent prince de Korykos. Ainsi T'oros désire-t-il reprendre le pouvoir; c'est donc qu'il ya pris goût et que la restitution du trône en 1294 ne s'est pas faite dans une ambiance des plus fraternelles. Hét'oum Il se méfie, dès lors, des appétits de son cadet et décide d'entreprendre son voyage vers Constantinople en compagnie de 21l Gestes des Chiprois. op. cil., § 552, p. 833: « Le roy Haiton ala [as) Tatars et laissa son frère Toros, que estoit segont de luy, en son leue; et quant 'il revint des Tatars, il mist sus a son frère qui il li vol~it totir son royaume, et chaisona de se fait plusors barons de son paYs. Apres, cestu roy Haiton s'en ala en Costantinople et mena Toros, son frère, aveuc luy; et Senbat, son tiers frere, que il avoit layssé en son leue, se fist tant toit corouner dou royaume d'Ermenie, car Haiton, a son tens, ne se vost onques encorouner, ains vesty l'ab il des freres Menors, et se fist apeler frere Johan d'Ermenie.»
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> Lf§ cHJŒneNS OR.IENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMEHr TIDP FAJBl.fS AftMÉNleNS ET AUTIleS CHIlÉTIfNS o'OIUENT SOUS LA DOMINATION MONGOI.E
T'oros, afin de ne pas le tenter â nouv~au par son ab~ence. Nous ne pouvons rien certifier car, pour bâtIr cette hypothese, nous ne appuyons que sur ce seul passage des Gestes des Chiprois. ~';ndant, cette source est traditionnellement bie~ informée et nous avons vu qu'elle se recoupe plus ou moms avec les ChronÎque,~ Mineure~·. 11 nous .apparaît i?téressan~ d'explorer plus profondément cette piste qUI peut écla~rer certams points de la situation politique mouvementée du regne de Hét'oum Il ; cependant, nous ne l'entreprendrons pas dans cette étude. C'est un autre frère du roi qui assume la régence en soo absence. Sembat, le troisième fils de Lewon Il, est chargé par Hét'oum de s'occuper des affaires du royaume pendant la durée de son voyage. Comme on n'est jamais mieux trahi que par les siens,« Sempad, d'après le conseil du patriarche et des grands, se fit sacrer roi d'Arménie à Sis »214. Afin que son usurpation soit reconnue, il se rend auprès de Ghâzân qui le confirme comme roi de Cilicie. Là se révèle un aspect intéressant des relations arméno-mongoles de cette période. En effet, le Khan conforte Sembat dans son usurpation et, qui plus est, contracte une alliance matrimoniale avec ce dernier ls . C'est une attitude traditionnelle des souverains gengiskhanides que de donner en mariage à un vassal des femmes proches de leur famille. Déjà, auparavant, le connétable Sembat, lors de sa venue à Karakoroum, avait épousé une parente du Grand Khan, dont il eut un fils, Vasil T'at'at 1b • Alors que nos chroniqueurs nous parlent des relations cordiales, voire très amicales, établies entre Hét'oum 11 et Ghâzân 2l7 , ce dernier, par pur pragmatisme 114 Samouêl d'ANI, p. 464. ::: ID., Ibid ; Ge.vte" deN Chlprol.v, op. cil., § 553, p. 833. Sembat, La chronique attribuée au connétable Sembat, G. OÉOÉYAN intro., trad. el notea, (Documents relatifs à l' Hi.vtolre des Croisades publiés ~r l'Académie deK In8criptions et Belles LettreN, XIII), Paris, \980, p. 114. M.-F. BROSSET éd., HI.vlalre de la Siounle par S/éphano.v Orbéllan. op. cil.. chap. LXX, p. 262 ; E.-A. WALLIS BUDGE trad. The Chronographyof Gregory Abû'l Fara}, op. cil., p. 506. '
politique, n'hé~i.te .pas à abandonner son ancien protégé. Pour les expéditions mIlitaIres, les Mongols exigent la participation des vassaux et refusent que ces derniers soient affaiblis par des " JO . te St'mes21~ ., Sur 1e chemm . du retour,ler riva1ItéS nouveau O i. de fi rencontre ses ux reres venant porter leurs doléances à Ghâzân et se plaindr~ de. cette. usu~ation manifeste2l9 . Hét'oum et T'oros sont fal.ts pnsonmers, Jetés dans un cachot. Peu de temps après, le premIer est aveuglé et le second assassiné220 • Peut-être eit:ce le ~rtyre de T'~ros, ~allié à son frère pour le cas présent, qUI ~ faIt que, dans 1 espnt des chroniqueurs arméniens, les relatIons entre les deux hommes sont apparues meilleures que ce qu'elles ont véritablement été. De leur côté, Sembat et Grigor VII d'Anazarbe écrivent au pape, afin de lui notifier le changement de souverain et placer le royaume dans le giron du pouvoir romain22~. Pour le .~oyaume de Cilicie et son Église. autocéphale depUIS le VI slccle, peu importe que le pape soit averti de l'évolution de I~ si~tion politique. Ce fait indique fortement les penchants latJOophlles des deux principaux acteurs de la prise de pouvoir, ce qui sous-entend donc que Hét'oum ne recherche pas encore, à cette époque, l'alliance de Rome. En effet, si ce dernier a eu de telles !ntentions, le catholicos, qu'il a lui même placé à la tête de l'Eglise arménienne, et qui nous apparait ici comme latinophile, n'a aucune raison de ne pas lui rester fidèle. Or, il est l'un des instigateurs du complot qui a détrôné Hét'oum. Nous pouvons donc estimer que les sentiments de ce dernier envers l'Église romaine, en 1296, ne sont pas ceux qu'il éprouve à la fin de son règne. En soutien à notre raisonnement vient le continuateur de Samouêl d'Ani qui nous indique que Kostandin (( de Césarée, catholicos en 1289, converti à la foi de l'É~lise latine, est exilé par Hét'oum Il, tout fraîchement sacré roe 2 • Pour monsieur Claude Mutafian, cette C. CAHEN, La Turquie pré-ottomane, Varia Turcica Il, Institut français d'Études Anatoliennes d'Istanbul, Istanbul, 1988, p. 246. 119 Samouêl d'ANI, p. 464. 1llJ GeNte,v des Chiprois, op. cil.. § 553, p. 833. 221 CHAMICH, His/ory, op. cit.• vol. 2, p. 272. 111 Samouêl d'ANI, p. 462-463.
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p LES CHRÉTIENS ORIENT AUX : DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
lecture de l'annaliste arménie? est fausse et. l'historien penche plutôt pour une interprétation mverse, à sa~01r q~e le catholicos latmophlle. Pourtant, en t remplacé parce qu'il n'est pas assez es 1307 c'est sous le second catho l'Issocat d,e Kostand'm que se déro~le le concile de Sis qui unit les deux Eglises223 . Ce dernier provoque d'ailleurs un tollé parmi la population arménienne, et une partie du clergé fait sci~sion224. Le fait que Hét'oum Il rappelle sur le trône Kostandm de Césarée ~end ~ montr;r, au contraire, que c'est pour ses tendances latmophlles qu Il est destitué en 1289. Une fois celles-ci adoptées par le souverain, plus rien ne les oppose et l'Union peut être menée de concert par les deux hommes. Cependant, Sembat, trop confiant, oublie son autre frère, Kostandin, qui prend à son tour l'étendard de la révolte. Officiellement, il est outré par le sort réservé à Hét'oum et . repara , t'IOn225 . Of~llCleusemen . t , nous pouvons T'oros, 1'1 veut tirer raisonnablement croire en des raisons plus bassement politiques. Il se peut que le prince rallie sous sa bannière les opposants à l'Union avec Rome qui sont nombreux, tout à la fois parmi les nobles et le clergé. Sembat est renversé, Hét'oum délivré et Kostandin monte à son tour sur le trône, son frère aveugle ne pouvant gouverner. Seule complication, Hét'oum recouvre l'usage de la vue, tout du moins d'un œil. Ici se pose alors un grave problème, puisque le souverain légitime redevient Hét'oum. Son frère n'est cependant pas du tout disposé à lui abandonner le pouvoir, ce qui montre que ses intentions ne sont pas à l'époque si « chevaleresques ». Hét'oum doit l'emprisonner; Kostandin partage alors sa cellule avec Sembat. Ils sont ensuite exilés à Constantinople sous la surveillance de l'empereur grec. Ainsi, en cette année 1298, Hét'oum II retrouve le trône. Il ne le garde cependant pas longtemps. ID., p. 465. C. MUTAFIAN, "Héthoum de Korykos historien arménien. Un prince ~8mopolite à l'aube du XIV· siècle", CRM l, 1996, p. 157-176, ici p. 172. Gestes des Chiprois, op. cit., § 553, p. 833.
223 224
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N'étant pas,ma~ié, il cède le pouvoir à son neveu Lewon, fils de T'oros. Il s at~nbue, pour sa part, la régence et prend le titre de grand baron; Il reste .cependan~ le chef effectif de la Cilicie. Les dates ne sont pas claires, certames sources fixent le changement de royauté en 130 l, alors que d'autres le situent plus vers 1306. De nombreux colophons portent: « sous le règne du roi Hét'oum Il)) et ce, jusqu'en 1306; pour l'année 1307 ce dernier est cependant mentionné comme grand baron' et ·226 ' Lewon Ill, comme roI . En outre, un document iconografhique, disponible à la Bibliothèque nationale de France22 , représente, pour l'année 1303, Hét' oum Il couronné, ce qui ~ignifie. qu'il e~t r~i. Q~oi qu'il en soit, roi ou grand baron, c est toujours lUI qUi préSIde aux destinées de la Cilicie. La situation politique est très confuse pendant ces cinq années où les frères se déchirent et nous avons dû étendre assez loin notre raisonnement pour en démêler les tenants et les aboutissants. C'est une période critique, qu'il est essentiel de bien comprendre afin d'éclairer convenablement l'affaiblissement politique du royaume arménien.
La dislocation de l'entente arméno-mongole L'embargo Dans le contexte d'hostilité entre les musulmans et les chrétiens, l'arme la plus couramment employée par les papes est l'embargo. Depuis longtemps, ces derniers interdisent, sous peine de sanctions religieuses, de fournir du matériel stratégique aux Mamloûks. En effet, les Latins détiennent la supériorité maritime en Méditerranée. De nombreux projets de croisade expliquent les problèmes d'approvisionnement de l'Égypte. A.-K. SANJlAN, Colophons, op. cit., p. 45-54. m BNF 886, f'36 et BNF 2810, f'251 v. : voir C. MUTAFIAN. Royaume armenien, op. cit., p. 75.
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p LES CHRETIENS ORIUNTAUX : DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES ARMÉNIENS ET AUTRES CHRETIENS D'ORIBNT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Henri II de Chypre nouS dit qu'il ~~nque même à. cette dernière le fer qui sert à ferrer les chevaux . « Les Égypttens manquent leur armée de ~ler" de bois de poix et d'esclaves ,pour renforcer229. et n'en ont que si on leur en apporte d a~tres p.ays» . Or, SI les par leur maîtrise navale, mterdlsent au sultanat h étiens c r , de se fournir de tels pro d' mamloûk Ults, c,est t oute l' armée qui en souffre. Aussi les papes mettent tout en œuvre pour rendre le blocus le plus efficace possible: la liste des « denrées prohibées »2~O est élargie, les sanctions so~t aggravées et vont jusqu'à l'excommunication ~ajeure. Bomface VlIl, par deu~ buIles, la première du 12 mal 1295, ,et la secon~e du 16 aVril 1299 interdit tout commerce avec l'Egypte. Le role de Chypre est i:Uportant, car c'est à ce royaume, dont les liens avec la Cilicie sont très importants, qu'incombe la charge de la mise en application de l'embargo. Quatre galées sont attribuées au « ratissage» des côtes, en vue d'interpeller les contrebandiers. Cette surveillance ne doit pas être efficace, d'autant plus que les moyens mis à disposition sont faibles. Aussi, à la suite de la guerre qui oppose Venise à Gênes, la flotte papale est dissoute; il ne reste que Chypre, qui n'entretient qu'une escadre de quatre galées231. Un point stratégique dans le dispositif franc est l'île de Rouwâd, face à Tortose qui, par sa position, permet de surveiIler la côte syrienne et d'intercepter tout navire suspect. Son rôle doit être important puisque des témoignages nous sont rapportés
J. RICHARD, "Le royaume de Chypre et l'embargo sur le commerce avec l'Égypte (fin xIIIe-début XIV' siècle)", Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Compte-rendu des séances de l'année 1984, p. 120-134, ici p. 122. 229 HA YTHON, La Flore des histoires, Livre IV, chap. X, p. 234, p. 349, trad. C. DELUZ, p. 867. « Res vero que deficiunt in Egipto, et quibus magis indigent, nec iIlas habere possunt Ilisi ab alienis partibus deferantur, sunt li§na, pix, ferrum, et sclavi de exercitus roboratur ». 23 C. CAHEN, Orient et Occident au temps des Croisades, Paris, 1983,
228
f' 132-133. 31
J. RICHARD, "Embargo", art. cit., p. 127. 126
sur les dommages que peuvent causer les Francs à partir de cette
tle232 La multiplication des interdictions pontificales montre le peu de respect manifesté à l'égard de ces dernières. Entre 1302 et 1304, Venise conclut des traités avec le sultan et les émirs de Syrie, certainement afin de contrebalancer la prééminence génoise en Perse. L'appât du gain suscité par ce fructueux commerce est trop fort, Isoi le Pisan a donc de nombreux actes de contrebande à signaler au pape233 . Cet embargo prend une véritable dimension politique, puisque Boniface VIII en promet le maintien à Hét'oum li. De même, avec les avances renouvelées de Ghâzân au souverain pontife, ce dernier montre, en conservant le blocus, ses bonnes dispositions à l'égard des propositions du Khan. Ainsi un soutien en amont est porté aux Mongols. En effet, si les Mamloûks ont des problèmes d'équipement, alors leur armée est moins performante et une expédition menée par les troupes de Ghâzân peut s'avérer victorieuse, le Khan prenant possession de la Syrie. Il faut cependant fortement nuancer l'impact d'une teIle politique, d'autant plus que cet aspect stratégique est un domaine où la chrétienté occidentale a toute autorité et toute latitude pour agir. Ni les Mongols ni les chrétiens orientaux n'ont les moyens d'imposer leurs vues sur cette question. Il semble toutefois que ces derniers soient demandeurs sinon, pourquoi le pape promet-il le maintien du blocus au roi d'Arménie 234 ? De même, Ghâzân cherche par tous les moyens à affaiblir son adversaire et il paraît probable que la poursuite de l'embargo soit un des points de discussion entre Tabrîz et Rome. La Cilicie, par ses relations privilégiées avec le royaume de Chypre, représente un atout pour les Mongols, qui se servent du souverain arménien pour influencer les décisions. m Aboli I-FIDÂ, Annales, op. cit., p. 165 ; AL_MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fasc. 111, p. 82. m J. RICHARD, "Isolle Pisan", art. cU., p. 188. 234 S. SCHEIN, Fideles crucis, op. cil., p. 150. 127
~,;r~~"'~ vJf.AtA Ol}I)M~IIWJt> tAlJ/JiOU,
U ne f.aut ",. ooblja qu't* enttepri...e de cette ~ ne peut éUe ~ Il étatJC~ ~' c)ui p~ M, ~ marchandl ne r~ 1"'" ~ tjfdt~ pooU(~x, ~ n.avlfefldélrdrqumt leur' marcbandl- en Syrie. en infractiorl completA: av~ la bulw du II, avril 129'J l En outre, II: wltan parvient lui-même â
~ l'em1Y.M~, En effet, l~ JJlUjUlman~ du JWûm (ennent te. yeux ~ te. oonvm. traver.ant leur territoire et te rendant en Syrii~; en œla, l'aide dei. Karàmànlda ~ ~11e, Sou. avon. id l'une ~ explicati{m~ poIliib~ du renforumen t miHtaire établi P'.M Ghitzân qui a pour but, entre autr~ c~, d'éviter qu'un td trafic ne liOit potiiibll:, Mai. "'l1OOt, II: .ultan mamloUk rMllit à faire en tWrte, pour un du me,in., de contourner l'emlY.M~ P'dt la Cilicie, la (Idèle vaMale dell Mon~I., Ce point que nowt allom maintenant _der a ae. réperclOOiioM .ur ~ relati"". entre leJ deux ÉtatJ, N~ allon. tAcher d' ~lairer CeJ nouveaux rappoaU,
~
La trêve de 1285 Un événement antérieur â notre période chronologique JWUI éclaire JYmaitement lIur lell nouveaux rapports qui
l'établioent entre II: khanat de Perie et lj(m vasliaL
 la lIuite d'une offensive JYdrticuliérement appuyée de Kalaw(lûn, la Cilicie !te trouve dam! une "ituati"n tréll délicate Le mi d'Arménie, Lewon Il, n'a d'autre IIOlution que ta trêve que lui impofle le sultan mamloûk, en 12~5. Aucune paix n'ellt pmillible, car œ ne ItOnt pas deux État" mUliulmans qui fie font face ; la trêj~e doit durer dix ans et dix j(lurll.  travers le texte de œ trai~ f noufl constatonlt que Kalawoûn n'use que
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AMIT AI·PfU~HH, Mong(J/1I and MamtdukN, op. dl., p. 2()K. V.I.ANCIUlIH, Lu IréllfJr deN charlell d'Arménie ou cartulalre de la chan~'fllurlu ~~/ya/f dl'II RfJupénlen/I, Venille. IH63, p. 217-231 ; ~t <.:ANAIU), I.i: myaumt d'Arménie-Cilicie et lell Mamelouk. jUllqu'au tr,llé dll2lW,/utArm 4, l'J{)7, p. 217·259, ici p. 24')-2511.
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Par son traité, KalawOÛR évite ces embUcbes et tire des avantages su~1a1ltiel!; de la part de son adversaire. Le roi de Cilicie ne peut entreprendre la fortification de son pays, ce qui bypOthêque donc ses ~hances de résister à une future expéditioo dirigée contre cel~i-cil37. Mais surtout. l'embargo que les papes ont tant de mal a lmposer se trouve étre totalement annihilé. En effet, KalawoUn stipule dans le texte que la Cilicie doit fournir, à titre de tribut, « de bons chevaux et de bons mulets au nombre de cinquante têtes, à savoir vingt-cinq bons chevaux ikdish (de race mélangée" vingt-cinq bons mulets, dix mille plaques de fer de bon fer avec leurs clous "m. Or, nous avons w précédemment que, pour le sultanat mamloûk, se posent d'énonne s problèmes d'approvisionnement, en bois et en fer notamment. Le sultan reçoit donc du fer annénien, réputé pour sa qualité, et peut, par conséquent, équiper son année et ferrer ses chevaux. De plus, l'établissement de la liberté de commerce est notifié dans l'accord. Donc, ce que Kalawoûn n'a pas ouvertement exigé de la Cilicie, il l'obtient d'une manière détournée de la part des marchands italiens. Ces derniers ne sont soumis â aucune interdiction de commerce avec le royaume 2J1
V. LANGLOIS, Trésor, op. cil., p. 229 ; M. CANARD, "'Traité", art. cil.,
~.256. JI
V. LANGLOIS, Trésor, op. cil.• p. 253 ; M. CANARD, "'Traité", art. ciL,
p.224.
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> LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
annénien. Le bois et les jeunes mamloûks sont donc directement importés de l'Ayas. Tous les problèmes pour l'ach~~.i~ement de marchandises stratégiques se trouv.ent résolus. La Ciltcle se voit, en outre, contrainte de payer tnbut au sultan du Caire. La somme exigée est de cinq cent mille dirhams, dont la moitié est payée par les concessions en natu.re. Q~ant a~x deux cent cinquante mille dirhams restants, Ils dOIvent etre payés en 239 espèces sonnantes et trébuchan~s . De ~Ius, tous les termes du traité placent bien le souveram arménten comme vassal du sultan mamloûk. Par là, Lewon Il se déclare implicitement le vassal du sultan mamloûk ; or, il se trouve déjà être l'obligé de l'Il-Khan Arghoûn ! La Cilicie se trouve donc soumise aux deux ennemis implacables que sont les Mongols et les Mamloûks. Nous pouvons penser que cette soumission est acceptée à titre d'échappatoire temporaire. En effet, à la suite de la défaite des troupes mongoles, menées par Mangoû Timoûr, dans les environs de Homs, le 29 octobre 1281, une trêve de dix-sept ans est conclue entre les deux puissances24o • Ainsi le royaume arménien se retrouve seul, pour un temps, sur la scène proche-orientale, et il ne dispose pas des moyens suffisants pour résister à la pression mamloûke. Cette trêve n'est jamais rentrée en application, tout du moins en ce qui concerne l'arrêt des raids; mais, dans l'esprit, le roi arménien n'a pas le choix. Il est d'ailleurs intéressant de noter que cette même année une expédition des troupes syriennes pousse jusqu'à Mârdîn. Nous pouvons supposer, sans avoir de preuves concrètes, que le sultan décide de narguer les Mongols, à la suite de cette victoire tout à la fois militaire et diplomatique. Plus vraisemblablement, il s'agit, pour Kalawoûn, de prévenir une éventuelle riposte en appliquant la tactique de la terre brûlée, dans une région que doivent obligatoirement traverser les
t oupes mongoles pour se rendre en Syrie. Contrairement à la t~êVe arméno-m~mloûke, celle conclue. entre le khanat et le sultanat est partIellement respectée, pUisque le prochain vrai combat qui engage des troupes régulières a lieu en 1299. Cependant, signe des temps" l~ Cilicie reste trib~ta~re du Caire et ce malgré des attaques répetees contre son temtOlre. Son tribut es~ même doublé en 1293241 • De même, une expédition est menée contre le royaume chrétien, en 1302, pour refus de payer le tribur42 • Ainsi le royaume arménien est maintenu dans la soumission au sultan mamloûk, et ce, malgré une mauvaise volonté évidente. De leur côté, les Mongols ne peuvent rester indifférents devant cette trêve, d'autant plus qu'une large part du texte du traité se consacre à distendre les liens entre Sis et Tabriz. Il est stipulé que le royaume arménien ne doit, en aucun cas, apporter son aide à un ennemi du sultan: il s'agit, bien entendu, des Mongols. Au contraire, le roi se d?it d'avertir ce dernier si une éventuelle menace pèse sur son Etat. Nous assistons là, de la part de Kalawoûn, à une véritable tentative pour rompre l'alliance arméno-mongole. Son but est d'affaiblir le khanat de Perse en lui faisant perdre un soutien important. Il ne peut cependant aller trop loin, au risque de voir une réaction de ses adversaires qui ne peuvent pas tolérer une telle chose. Les sultans ne respectent pas les accords conclus et, en mai 1292, ils enlevent la forteresse et siège catholissocal de Horomkla. Les liens sont donc considérablement affaiblis entre la Cilicie et la Perse. La première, en acceptant de se placer dans une certaine vassalité vis-à-vis de l'ennemi commun, reconnaît que l'aide mongole n'est plus suffisante et ~u'il I~i fa~t donc trouver un terrain d'entente avec les Mamlouks, qUitte a perdre un peu le soutien des Il-Khans. Cet état de choses est encore AL-DJAZARt Chronique, op. cil., § 147, p. 26; AL-MOUFADDAL. Histoire des sultans mamlouks. op. cit.. fase. Il, p. 559. . 241 Abo(\ I-FIDÂ, AUIObiographie d'Abou'l Fedâ, dans RHC, HO. t.I. Pans.
24\
uV f402~3~ANGLOIS, Trésor, op. cil., p. 224; M. CANARD, ''Traité'', arl. cil., J.-M. FlEY. "Tentative". arl. cil., p. 10. 130
1872, p. 172.
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·----LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
valable sous le règne de Ghâzân, puisque la Cilicie est toujours tributaire du Caire et ce, même si ~lIe est agressée constamment par les troupes musulmanes de l'Egypte et de la Syrie. Ghâzân, pour sa part, essaye d'agir encore comme un protecteur des Arméniens. pourtant, ses désirs ne correspondent pas forcément à ses possibilités d'action. Néanmoins, les Arméniens doivent sentir les effets de cette volonté, puisqu'ils refusent de verser le tribut au sultan en 1302 et sont alors victimes d'une attaque. Cette trêve de 1285 est un tournant, car elle est à l'origine d'un sentiment naissant parmi les Arméniens qui se trouvent devoir répondre à une question: Peut-on véritablement compter sur le soutien du maître mongol? Une moindre confiance en la puissance mongole Pour les Mongols, la Cilicie est une marche éloignée243 ; nouS avons trop tendance à observer les relations arménomongoles comme essentielles pour Tabrîz. Or, l'étendue des territoires sous le contrôle des Il-Khans est telle que la traditionnelle animosité manifestée à l'encontre des Mamloûks ne correspond pas à la priorité des souverains mongols, alors qu'elle l'est pour les Arméniens, voire les chrétiens orientaux de l'empire. Déjà Hoûlâgoû s'est vu reprocher son éloignement de la Syrie après la défaite de 'Ayn Djâloût, le 3 septembre 1260244 • L'ancien maître de Damas, al-Malik al-Nâsir Youssoûf, fait remarquer à l'II-Khan que les troupes syriennes l'ont trahi, du fait de la distance qui sépare l'Âdharbaydjân de la Syrie. Celleci n'est que le dernier espace de conquête libre qu'il reste aux Mongols de Perse. Leur territoire se compose: « du Khoraçân, dont. la capitale était Neïsapour; de l'Irak el-Adjem, appelé aussI le pays d'El-Djebel, dont la capitale était Ispahan; de 243
f4.
C. MUTAFIAN, La Cilicie au carrefour des Empires, 2 vo!., Paris, 1988, 435; ID., Ro{'aume arménien, op. cit., p. 60. Abofl 1-FIDA, Annales, op. cil.• p. 147.
l'Irak el-Ar~b, dont ~a capit~le était Baghdad; de l'Aderbeidjân, dont la capItale é~alt TebrlZ; du Khouzestân, dont la capitale était Chiraz ; du Dlar Beer, dont la capitale était Mosul; du pays d' Er-Roum, dont la capitale était Icone, et de quelques autres . . rta t 245 provinces molUS Impo n es. » Finalement, l'hostilité manifestée à l'encontre des Mamloûks réside plus dans la volonté de faire plier le seul État qui leur a tenu tête que dans un désir de conquête proprement dit. Par ses expéditions, Ghâzân cherche avant tout à laver l'affront des différentes défaites infligées à ses prédécesseurs, notamment à 'Ayn Djaloût et à Homs; ce n'est que dans un second temps que vient la perspective des gains territoriaux. Il en va tout autrement de la Cilicie: pour cette dernière. la Syrie représente son espace géographique immédiat. La plupart des problèmes politiques lui viennent de ces Mamloûks, musulmans, qui n'ont qu'un désir, éliminer le dernier royaume chrétien encore présent sur la scène proche-orientale. Toute la politique des rois arméniens se tr0';lve concentrée dans la résistance et la guerre au sultan d'Egypte. Pour cela, deux possibilités leur sont offertes: la vassalité à l'égard des Mongols ou l'union religieuse avec Rome. Le but est toujours de s'attirer la protection de l'un ou de l'autre, voire des deux conjugués. Ainsi le raid mamloûk de 1274/1275 est justifié par Le Caire comme la conséquence de la politique pro-mongole de Lewon n246. Cependant, très vite, se manifeste la divergence des intérêts, non pas que les Mongols ne se soucient pas de leur vassal cilicien, mais, tandis que pour le royaume chrétien, les Mamloûks sont le principal danger, il n'en est absolument rien pour les Il-Khans, confrontés à des adversaires autrement plus puissants. En 1277, Abaka se trouve dans l'incapacité d'intervenir, car il est alors opposé à d'autres ennemis247 : ceux 245 ID., 246 Ibn
ibid., p. 150-151. SHADDÂD, Description de la Syrie du Nord, A.-M. EDDE ttad.,
Damas, 1984, p. 217. 241 HAYTHON, La Flore des Histoires, Livre Ill, chap. XXVlll, p.l77,
p. 307, trad. C. DELUZ, p. 842. 133
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ARMÉNffiNS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
de la Perse ne sont pas ceux de la Cilicie. Ceci est une constante qui éloigne constamment les M?n~ols d'~e plus. grande implication à l'ouest de leur temtOlre et d un soutIen plus conséquent à leur vassal. Sous Ghâzân, les choses n'ont pas changé. En effet, selon Haython, après sa conquête de la Syrie, le Khan est détourné des affaires occidentales par une attajue des Mongols de Transoxiane sur ses frontières orientales 48. Cette divergence des intérêts et des perspectives créée une moindre confiance de la part des Arméniens à l'égard des maîtres de la Perse. Ils sont soumis en permanence aux coups de boutoir mamloûk:s et se retrouvent pratiquement seuls pour s'occuper de la question syrienne, délaissée par les Il-Khans.
~
...
Ce climat de méfiance se trouve renforcé par l'attitude toute pragmatique de Ghâzân. Face aux luttes politiques internes de la Cilicie, celui-ci embrasse le parti du plus fort. Il faut voir là une détérioration des relations entre les deux États. En effet, au temps de Hét'oum 1er et de Lewon II, les rapports entre le vassal et son suzerain sont clairs et biens définis. Le premier doit une coopération militaire; quant au second, il doit prêter assistance, secours et protection. Pour les différents Il-Khans, Hét'oum 1er et son fils représentent la stabilité politique en Cilicie. Hét'oum II ne possède plus cette caractéristique, du fait de ses tendances monacales. Sous son règne s'exacerbent les luttes des factions. Ghâzân choisit le vainqueur du moment, quel qu'il soit. En lui assurant sa bénédiction et sa protection, il espère stabiliser le royaume au plan politique. La situation géographique du royaume arménien en fait un point essentiel dans toute la straté~ie m.ilitaire mongole, les maîtres de Perse y veulent un po~vOlr pUIssant. En se rattachant au parti du plus fort, Ghâzân rallie à. lui la majorité du moment, qu'il espère permanente. Celle-cl lui est entièrement dévouée, puisque c'est à travers lui qu'elle accède au pouvoir. Nous voyons là un profond bouleversement dans les rapports arméno-mongols, puisque le
}{han, l?in ?e confin~er le n?~~eau. souverai~, créée en quelque sorte IUI-meme les rOIs ~e CIlicIe: Il ne soutIent pas Hét'oum II face à Semba~, le ~remler ayant pourtant obtenu de sa part son assentiment bIenveIllant. Le second est renversé par Kostandin sanS qu'une fois de plus le Khan intervienne en faveur de ~ protégé! Enfin Hé~'oum reco~v~e le pouvoir et il reprend ses relations avec Tabnz comme SI nen ne s'était passé. Comment. dans de telles conditions, le roi arménien peut-il avoir confiance en Ghâzân? C'est un fait connu que les territoires sous la domination des Mongols ont vu leurs cadres politiques se désagrége.-24Q • Ces différentes régions sont placées sous l'autorité directe d'un administratew' mongol. Tel n'est pas le cas pour la Cilicie qui garde sa spécificité politique, avec une relative indépendante. Cependant, les exigences venues de Perse créent cette désagrégation institutionnelle. Caractère aggravant, l'hostilité mongole envers les Mamloùks pousse les Arméniens à accéder à toutes les demandes de Tabrîz et non pas à chercher un terrain de conciliation avec Le Caire. Le royaume arménien se trouve donc dans une situation des plus inconfortables que nous rapporte, quelques années plus tard, Marino Sanudo : «Le royaume d'Arménie est sous les dents de quatre fauves. D'un côté, à l'intérieur, le lion, c'est à dire les Tartares [Mongols), auxquels le roi d'Annénie paie un lourd tribut. D'un autre côté, le léopard, c'est à dire le sultan [d'Égypte], qui chaque jour ravage son pays. Le troisième côté est tenu par le loup, c'est à dire les Turcs [Karamanides l, qui minent son pouvoir. Le quatrième côté est le serpent, c'est à dire les pirates, qui rongent les os des chrétiens d'Arménie. »250 A cette description, il manque la papauté: en effet, afin de mieux résister, les souverains arméniens recherchent des C. CAHEN, Turquie, op. cit.,p. 292; J. PAUL, "L'invasion mongole comme "révélateur" de la société iranienne", dans L'Iran face à la domination mongole, Colloque de Pont à Mousson, 1992, Téhéran, 1997,
249
~. 50 248
ID., ibid., chap. XLI, p. 196, p. 319, trad. p. 851. 134
37-53. Cité dans C. MUTAFlAN, Royaume arménien, op. cir., p. 81. 135
l1li----ARMÉNIENS ET AUTRES cHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
lutions pour compenser l'absence des Mongols. L'une d'elles :t le rapprochement avec Rome. C'est dans ce cadre que se placent les luttes politiques, comme nous l'avons vu; peut-être pouvons nous l'interpréter com.~e. l'une des causes de la désagrégation polit~que e~ Cthc:e? En ~mploy~nt, une expression anachromque, 10l~ d~,« 1 umon sa~,ree » ,qUI ~revaut pendant presque tout le XIII slecle, la dernlere decenme voit celle-ci se briser pour un choix d'alliance. Le royaume, déjà affaibli, se trouve, en plus, désuni. Cet aspect est une conséquence indirecte de la domination mongole. En Perse, celle-ci s'est faite par la mise en place d'un système se superposant à l'ancien251 • Pour la Cilicie, c'est la présence mongole qui change les données politiques qui, à terme, vont affaiblir le royaume et bouleverser les rapports entre les deux États. Ainsi, les Mongols n'interviennent dans le champ d'action du royaume arménien qu'en très peu d'occasions, qui s'avèrent autant de désillusions. Pour leur part, les Il-Khans se contentent des initiatives en Syrie du Nord menées par les rois chrétiens. Or, c'est pour ce soutien que le lien de vassalité est établi à l'origine. C'est pour cette raison que les souverains chrétiens ont accepté une implication des maîtres de la Perse dans leur politique intérieure. Malgré ces concessions, rien ne revient en retour et les Arméniens se doivent de rechercher ailleurs une aide plus conséquente. La manifestation de cette moindre confiance en la puissance mongole est visible au travers des différentes ambassades envoyées par les rois d'Arménie aux sultans mamloûks. Celles-ci ont pour but de préserver la Cilicie des attaques successives des troupes syriennes. Moyennant tribut, 251 A. K. S. LAMBTON, "Mongol fiscal administration in Persia", S. Is. LXIV, 1986, p. 79-99.
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LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
ssion de places fortes, la menace est écartée. Cependant, ~ersque nous observons de plus près ces ambassades, nous :Oncluons qu'elles sont la manife~tation de l'impuissance des Mongols à défe~dre leur .vas~al. A la ~uite de monsieur Jean Richard: «Il n es~ pa~ mutile. tou:efOls de se souvenir que l'armée mongole n allait pas meme etre en mesure d'empêcher l'écrasement du royaume d 'Arm"eme ... »252 . A1ors que llét'oum 1er refuse la paix avec Baybars253 , ce qui semble surprenant et est sujet à caution, Lewon II n'hésite déjà plus à faire des approches afin de traiter avec le sultan254 . Hét'oum Il et Kostandin envoient à leur tour des ambassadeurs auprès du sultan afin de détourner de leur pays une attaque. C'est une continuité de pensée entre les frères, puisque la mission de llét'oum Il se place en 1293 255 et celle de Kostandin en 1297256 • Deux ans plus tard, un ambassadeur arménien passe à nouveau . 257 . Toutes 1es par Damas, accompagne, d' un envoye' byzantm ambassades ont pour but d'éloigner de la Cilicie les attaques mamloûkes . Elles proposent toutes les mêmes conditions à la reddition: le paiement d'un tribut, effectif depuis 1285, et des cessions territoriales. Nous sommes loin du temps où Abaka n'aurait pas toléré la restitution d'un village258 ! Dans l'esprit des Arméniens, les Mongols ne sont donc plus en mesure de les protéger.effica~e~ent, puisqu'ils a~cèdent à toutes les exigences du Caire. Amsl, en 1293, le tnb~t est doublé: il s'élève donc à un million de dirhams. Les rOlS de Cilicie n'ont pas d'autre choix, puisqu'ils ne sont pas en mesure J. RICHARD, "Concile", art. cit. p. 35. m Grigor d'AKNER, "History", art. cit., chap. XIV, ~. 359; R. AMITAlPRESS, Mongols and Mameluks, op. cit., p. 116, ex~h~~e par les sources égyptiennes que c'est Baybars qui rejette les avances d Het oum 1 . 254 M. CANARD, "Traité", art. cit., p. 247. 255 AL-DJAZARÎ, Chronique, op. cit., § 147, p. 26; AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fasc. 11, p. 557. • 256 AL-DJAZARÎ, Chronique, op. cit., § 441, p.69; Aboû L-FlDA,
252
Autobiographie, op. cit., p. 170. 257 AL-DJAZARÎ, Chronique, op. cit., § 508, p. 83. 258 Grigor d'AKNER, "History", art. cit., chap. XV, p. 367. 137
111----LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
de s'opposer aux Mamloûks et qu'ils ne peuvent espérer une intervention mongole. Les premiers sont très échaudés par les initiatives arméniennes, puisque Baybars en arrive à la volonté d'envahir la Cilicie, dans un esprit de vengeance259 . Cependant nous voyons bien que telle n'est pas leur volonté puisque, dè~ que renaît l'espoir de voir les Mongols reprendre leur rôle de protecteurs, les Arméniens suspendent la soumission qui les lie au sultan d'Égypte. C'est ainsi qu'en 1299, Hét'oum II participe à l'expédition de Ghâzân, et qu'en 1302, il refuse de verser le tribut. La Cilicie doit donc composer avec les Mamloûks, tout en ayant besoin de conserver le soutien des Mongols. Ces ambassades sont des initiatives personnelles des souverains de Sis qui se démarquent ainsi de la ligne politique établie par Tabrîz. L'heure n'est plus aux revendications territoriales de l'époque de Hét'oum 1er , mais bien à la survie du royaume.
Les autres alliés chrétiens La Géorgie, un vassal turbulent Tandis que les relations entre le royaume arménien et le khanat de Perse se distendent, ce dernier doit également c?mposer avec son autre vassal, la Géorgie. Dès l'origine, celuiCI es~ source de problèmes, qui prennent naissance dès les premiers temps de la conquête. Les hordes mongoles se ortent sur les terres la reine Roussoudane en 1230_1231 2fo . Les ravages sont teITlbles, la souveraine et son fils doivent se replier dans la partie occidentale du royaume, au delà des monts Likh.
d~
259 RAMI r 260'
Les différents pr~nc.es géorgiens. s~ s~umett~nr61 et la partie orientale du teITltOlre est concedee a DaVid, demi-frère de ' D'd RouSsoudane, qUI. d eVIent aVI VII Oulou262 . Le puissant royaume géorgien se trouve donc scindé en deux en quelques années. La partie occidentale, protégée par ses montagnes et ses puissants chât~au~, n'a jamais ét~ con~uise et mène une vie pratiquement mdependante, au meme titre que la Cilicie. La Géorgie est tout de même réorganisée en huit régions militaires263 . Quant aux provinces sous domination mongole, elles subissent la dure occupation traditionnelle de tout territoire conquis par la force des af!lles. Une situation politique délicate se crée puisque, pour un Etat, il y a deux souverains. Celle-ci atteint son paroxysme sous Ghâzân. Face aux révoltes permanentes de David VIII, le Khan décide de le remplacer par le jeune Ghiorghi V en 1299264 . Deux ans plus tard, c'est Wakhtang III qui est mis sur le trône par Ghâzân, pour mettre fin aux soulèvements de David vnf65. Il Y a donc trois rois pour le seul royaume de Géorgie! Le jeune Ghiorghi, du fait de son âge, n'est qu'une potiche dans les mains du Khan. Quant à Wakhtang III et David VlIl, ils cohabitent et ne manifestent pas d'hostilité l'un envers l'autre266 • Ce que Ghâzân a évité en Cilicie, à savoir un fractionnement politique du royaume, il n'y parvient pas en Géorgie, un territoire qui lui est pourtant plus étroitement soumis. Ce sont les conditions de vie rudes qui amènent tous ces problèmes politiques. Tout d'abord, le pays est ruiné, il ne s'est jamais
26\ 262
KlRAKOS DE GANDZAK, "Les Mongols", art. cit., p. 216-217. K. SALIA, Histoire de la Géorgie, Paris, 1980, p. 228. David est le fils
illégitime de Ghiorghi Lacha (1213-1222). 263 ID., ibid., p. 226. . . 264 M.-F. BROSSEr, Histoire, op. cit., § 413, p.621-622. Ghlorghl V le Brillant (1299-1314-1346): il ne joue absolument ~ucun rôle sous mais, sous son véritable règne, à partir de 1314, li restaure la pUissance
?bâzin
~I-PRESS,
Mongols and Mameluks, op. cit., p. III. é ~n pr~mler as~aut a eu lieu en 1219 lors de la chevauchée des deux ~Lneraux e Gengis Khan, Djebe et Sübetey. KIRAKOS DE GANDZAK es 339, Mongols", cit.,§ p. 518. art. cit., p . 244 -245', M .-F. BROSSEr, Histoire, op.'
~éorgienne. 65 266
ID., ibid. § 415, p. 624. ID., ibid., § 417, p. 626. 139
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remis de l'invasion. À cette dernière s'ajoute un état de guerre permanent. Dans le conflit constant qui oppose le khanat de Kiptchak et les différents Il-Khans, la Géorgie se trouve au centre du contentieux qui oppose les deux ulus. La présence de troupes mongoles pour la défense des défilés de la frontière entraîne de grandes exigences en matière de ravitaillement et de ressources, qui sont prélevés sur le territoire même. De plus, le passage des soldats détruit les cultures qui sont, en outre ravagées par ceux-ci lors de la répression des révoltes, pa; exemple par Koutloûshâh en l298,puis, en 1300, dans les terres sous le contrôle de David vm 26 • Déjà, en 1274 ou 1275 Arghoûn Âkâ constate l'appauvrissement de la région 268 . C'es~ ce même Arghoûn Âkâ qui, en 1254, a effectué le recensement de la Géorgie demandé par Mongke. Il détermine donc les contributions exigibles du royaume chrétien. Le cens est évalué à cinq cent dînârs par personne taxée 269 . C'est une somme importante, puisqu'elle doit subvenir aux besoins de l'ulagh, de l'armée et de son équipement. Nous voyons donc que la situation de la population géorgienne est difficile, d'autant plus que les fermiers chargés de la collecte de l'impôt remboursent l'achat de leur charge par des exigences encore plus importantes 27o • Il ne semble pas que Ghâzân désire alléger et améliorer la condition de la Géorgie. Cependant, nous pouvons penser que, tout comme la destruction des églises lui est épargnée, le paiement de la djizya ne lui est pas non plus ~~mandé. De même, nous pouvons supposer que, sous 1 mfluence de Koutloûshâh, un gouverneur chrétien, voire musulman tolérant, est placé à la tête du royaume. Ou encore que, comme dans le Diyâr BaV71 , les impôts sont prélevés par :: ID., i?i~. § 412, p. 620 et § 413, p. 622. . ID., Ibid., § 393, p. 59 ; KIRAKOS DE GANDZAK, "Les Mongols", art. Clt., p. 461-462, p. 498. l69 A. K. S. LAMBTON "Fiscal" art CI't p 88 270 " • 'J' • 271 K. SALIA, Géorgie, op. cit., p. 229. C. CAHEN, .. Contributions à l' Histoire du Diyâr Bakr au XIV· siècle" JA C CXLIII, l, 1955, p. 65-100, ici p. 71. ' '
des fonctionnaires payés directement par le Khan, afin de limiter les abus. Tout ceci n'est que supposition: aucune des sources que nous avons pu consulter n'apporte de telles informations. Un examen approfondi de ces trois points peut permettre de mieux comprendre les relations mongolo-géorgiennes au temps de Ghâzân et l'état de dépendance de la Géorgie à son égard. Quoi qu'il en soit, c'est par peur que David Vlll se révolte. Fils de Dimitri II, il n'a pas confiance en Ghâzân et., quand ce dernier le convoque, il n'ose pas veni~72, car son père a été mis à mort sur l'ordre d' Arghoûn. Il est difficile à la Géorgie d'accepter la domination mongole: les velléités d'indépendance et les conditions de vie extrêmement rudes imposées par les Mongols par le biais de leurs exigences sont les principales causes de l'hostilité manifestée à l'encontre du pouvoir de Tabrîz. pour Ghâzân, c'est une catastrophe politique que la tentative de sécession de David Vlll. La Géorgie, en effet, est le principal objet du conflit qui oppose le Khan de Perse à son visà-vis de Russie. Celui-ci a encore envoyé une ambassade à la cour de Ghâzân pour exiger la restitution des territoires anciennement attribués à Bâtoû. Ce n'est rien de moins que ce que propose David dans les missions qu'il adresse à Saray. puisqu'il offre d'ouvrir les passages du nord afin de permettre aux troupes de Tokto'a (1290-1312) d'attaquer Ghâzân. On comprend dès lors mieux pourquoi ce dernier recherche avant tout une solution diplomatique. Koutloûshâh est envoyé constamment auprès de David VIII pour mener les négociations et faire en sorte que celles-ci soient les plus courtes possibles. Nous avons vu la place tenue par le général et sa famille en Géorgie: il représente un atout important pour le Khan d~s sa politique géorgienne. Koutloûshâh possède des terres, 11 est connu et son père est respecté. Le souverain mongol espère donc que des relations de confiance vont s'établir entre les deux 272
M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 412, p. 619. 141
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hommes et que, par la suite, le roi gé~rgien les étendra au Khan. demandes et De so n côté , Koutloûshâh accède a. ,toutes lesD'd toutes les assurances eXlgees par aVI VIII. Ce à é d rpon . '1 dernier envoie en 1296 une délégatIOn ~t rec ame serment et otages. « Les Tathars, non contents de faire le serment, suivant leur religion, donnèrent en otage les fils de. Ko.utl~u-Chah, [· .. l, et quelques autres fils de noïns ; en outre, Ils hvrerent l'anneau . d 1 d ' 273 A' . de Qazan, comme garantie e a pe.rson ne u. roi» : mS1, au travers de son général, le Khan accede sans discuter a toutes les requêtes du roi géorgien. C'est d'ailleurs certainement l'une des raisons pour lesquelles Wakhtang III reste en bons termes avec son frère. Si Ghâzân porte la guerre sur les terres de David VIII par l'intermédiaire de Wakhtang III, le premier n'a plus aucune raison de bloquer les défilés et laisse donc libre passage aux troupes du Kiptchak. Cette situation politique est difficile à vivre pour les populations qui voient l'arrivée régulière des soldats mongols venus mettre fin à la révolte de David VIII. Cependant, c'est cette place sur l'échiquier diplomatique qui devrait inciter Ghâzân à répondre aux demandes des Géorgiens quant à une amélioration de leurs conditions de vie.
ID., ibid., § 412, p.619. Pour une version apparentée, voir M.F. BROSSEr éd., Histoire de la Siounie par Stéphanos Orbélian, op. cit., chap. LXX, p. 263-264.
L'Empire byzantin L'empereur de Constantinople, pour sa part, est totalement 'ndépendant. Il bénéficie, en outre, d'une position stratégique ~ajeure, puisqu'il contrôle le Bosph?re: ce goulot d'étranglement entre la mer Noire et la mer Egée est le passage obligé des navires venant de la plaine du Kiptchak. De plus, son rôle est capital dans les rapports entre les Mamloûks et les Mongols de Russie. Depuis Baybars et Berke, des relations se sont établies entre les deux puissances, se concluant par une alliance politique. Cette dernière consiste à prendre la défense de l'autre État s'il est agressé par l'Il-Khan. C'est donc un accord capital, puisque le souverain de Perse se trouve exposé sur deux fronts. Les Mamloûks, plus vulnérables, s'assurent ainsi que les maîtres de l'Iran n'aient pas la possibilité d'aligner toutes leurs troupes en Syrie. Cet accord est toujours en vigueur sous Ghâzân et nous voyons ce dernier envoyer des hommes en Géorgie, dans le Roûm et dans le Fârs, afin de prévenir des attaques sur ses autres frontières durant son expédition contre la Syrie en 1299274 . Ainsi, sans l'assentiment de l'empereur grec, les relations diplomatiques sont rendues très difficiles, voire impossibles, entre l'État du Nil et la Horde d'Or. Le B~sphore est donc un point névralgique dans la politique des trois Etats. Il l'est encore plus pour le sultanat égyptien, sa société militaire repose sur ses contingents d'esclaves-soldats, ~es mamloûks. Ces derniers, d'origine turque, proviennent exclUSivement du khanat de Kiptchak et, ici aussi, l'aval de Constantinople est nécessaire pour pouvoir faire passer les jeunes gens ach~tés. Georges Pachymérès nouS le dit bien: « Comme C:éta1t un Scyth~ [Baybars] qui était installé à même le pOUVOIr, on, recher~halt l'élément scythe [turc] pour s'en composer une armee ; ~als les acheteurs ne pouvaient le transporter autremen! que SI, par le détroit, on pouvait aborder dans le Pont Euxm; c~la on ne pouvait le faire sans le demander à l'empereur [Michel VllI
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142
274
M. D'OHSSON, Histoire des Mongols. op. cit., t. IV, p. 228. 143
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Paléologue] »275. Le rôle de l'Empire byzantin est donc essentiel puisque, si le Bosphore est fermé, les Mamloûks sont coupés des Mongols de Russie et perdent, par la même occasion, la seule voie d'alimentation en « recrues fraîches» de l'armée sultanienne.
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L'empereur est donc soumis aux pressions des deux adversaires, Mamloûk et Kiptchak d'un côté, khanat de Perse de l'autre. Michel VIII, puis Andronic II, cherchent à se concilier leurs puissants voisins par des échanges diplomatiques. Au départ, la balance penche en faveur des Mongols du nord puisque, malgré une alliance matrimoniale avec Abaka276 prévue à l'origine avec Hoûlâgoû, le Bosphore reste ouvert au~ adversaires de ces deux derniers. Andronic II propose à Ghâzân de renouveler ce lien familial afin que le Khan stoppe les assauts turcomans sur les frontières orientales de l'Empire byzantin277 • Il s'agit des Germiyân qui, à partir de leur territoire situé au sudouest d'Ankara et au nord-ouest de Konya, pénètrent sur les franges orientales grecques. Selon Claude Cahen, c'est le retour du pouvoir à Constantinople qui provoque un désintérêt pour les confins asiatiques, qui sont pénétrés par les pasteurs turcomans. La dé,m~rche Andronic II est effectuée trop tard puisque, maIgre 1 emplOi de la Grande Compagnie catalane, il n'y a plus, en 1304, ~( de forces byzantines dans l'arrière-pays asiatique de ' 278 . Les tn'b us turcomanes sont, depuis de 1a mer Egee» nombreuses années déjà, hors du contrôle des Mongols. C'est ~ourq~oi, durant l'hiver 1291-1292, l'II-Khan Gaykhâtoû mte~l:nt co~tr: celles-ci et commet à leur encontre les pires atrocltes. Ghazan accepte l'alliance qui lui est proposée par
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;.52~:orges PACHYMÉRÈS, Rela/ions historiques, op.
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
constantinople et promet d'arrêter les incursions279 • En a-t-il ulem ent les moyens? S'il veut venir à bout de ces Turcomans, se , . militaire. Il semble il faut qu'il prepare une vé' ntabl e expéd'Itlon que la mise au pas d~s t~~bulents. nomades soit confiée aux trOUpes du Roûm. QUOI qu Il en SOIt, les efforts du Khan, bien qu'éphémères, ont pourtant dû être efficaces au vu des regrets manifestés par Pachymérès à sa mort280 . Aucune source ne nous le rapporte, mais Ghâzân a très certainement profité de ces négociations pour obtenir la fermeture du Bosphore. En effet, il apparaît vr.a~semb~able ~~e le ~han ~e ~ers~ a sou~is so~ aide à cette condition. Fm polItique, II VOlt bien 1 occasIOn qUI lui est donnée de couper Le Caire de Saray et également le sultanat de ses apports de mamloûks. Cependant, son initiative n'est-elle pas rendue caduque par les marchands italiens? Ces derniers, à partir de leurs comptoirs de Crimée et de la mer Noire, passent jusqu'en Syrie où ils déversent leur « chargement ». Qui plus est, il semble que les Mamloûks bénéficient de collaborations en Anatolie, qui leurs permettent de faire venir à eux des produits de contrebande, fer, bois, esclaves. Le Khan escompte bien porter un coup aux relations diplomatiques de ses deux ennemis et, par là, mieux isoler politiquement son adversaire en Syrie. Ce dernier est, par la même occasion, affaibli par la carence en nouveaux contingents mamloûks. Si telle a été l'exigence de Ghâzân, celle-ci n'est pas tenue par les Byzantins qui laissent passer sans restriction Vénitiens et Génois. Quoi qu'il en ~oi~ la courte durée de son règne n'en permet pas une applIcatIOn significative. Nous formulons cette hypothèse comme pouvant être vraisemblable, mais sans pouvoir nous appuyer sur aucune source.
cil., Livre III, 3,
ID., p. 234. Ri.ccold de MONTE ~ROCE, Pérégrination en Terre Sainte. op. ci/.• Pla' 076 • « Ces Turcomans s en prennent surtout aux Orees qui habitent près de rande Mer.» me. CAHEN, Turquie, op. cit.• p. 343. 76
277
144
279 PACHYMÉRÈS cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit.• t.1V, p. 314-315. 28oM. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. ci/.. t. IV, p. 350-351.
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LE KHANAT DE PERSE FACE A DE NOMBREUX PROBLÈMES
La politique intérieure de Ghâzân La nécessité du rétablissement des finances
.i
Lorsque Ghâzân accède au trône, il trouve un trésor vide Les caisses de l'État ne contiennent plus un dînâr. Le~ responsables sont les deux Il-Khans qui l'ont précédé, notamment Gaykhâtoû qui, durant les quatre ans de son règne dilapide l'argent. Parmi les bénéficiaires de ses largesses nou~ retrouvons les chrétiens. Ceux-ci n'ont pas été les derniers à profiter de cette manne puisque l'auteur de la vie du patriarche Mar Yâhballahâ III encense ce souverain et loue sa prodigalité en faveur de la religion 281 . Pourtant l'homme n'a laissé qu'une réputation d'incapable aux mœurs corrompues. Au début de l'année 1295, il donne dix mille dînârs au chef de l'Église de Perse. Cette somme est d'ailleurs exigée durant les persécutions du début du règne de Ghâzân282 . Peut-être est-ce une manière de renflouer les caisses de l'État? Les différentes guerres de succession qui opposent Gaykhâtoû à Baydou et Ghâzân, puis le conflit entre ces deux derniers, ont achevé de vider le trésor. C'est un fait connu que celui des fonctionnaires qui vont piocher sans scrupule dans les fonds de l'État. Nous avons parlé plus haut des Samaritains qui détournent un impôt en Égypte à la suite de la confusion créée par l'épizootie de 1300_1301 283 . Les Mongols, à leur arrivée, laissent en place les administrations indigènes, notamment sur le plan financier. Comme, dans la Perse mongole, il se trouve des chrétiens, ces derniers doivent, plus que les. autres, en prévision de temps durs à venir, se servir dans les caisses. Il n'est pas impossible que Nawroûz et ses 281
loB. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha" art cit 1894 1 chap IX
82 283
ID., ibid., p. 141. Volr . supra, p. 96
g.125.
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hommes, l?rs ~es persécuti~ns" ne cherchent pas à récupérer les sommes derobees. PourquOi, des lors, ne pas faire retomber tout le poids des res~onsab~lités sur les dhimmis ? De ce point de vue, il n'es~ pas Impossible, ~lors, que les commissaires chargés de superviser la destructIon des édifices religieux non musulmans acceptent l'argent des chrétiens sur ordre de Nawroûz et de Ghâzân. En effet, ces envoyés sont très certainement ~es .h?mmes de.l'influent é~llir. En ce temps, c'est Nawroûz qUi dmge effectIvement l'Etat: nous avons vu l'antériorité de son action. Or, les membres de son parti sont des musulmans extrémistes qui ne cherchent qu'une chose, le triomphe de l'islam par la disparition des autres communautés religieuses. Il leur importe donc bien plus de mettre à bas les églises que de les laisser et en obtenir de l'argent. Cependant, Nawroûz ordonne bien la destruction des églises et la mise à mort des principaux chefs religieux chrétiens et juifs284 • Il semble donc bien que telle soit la réelle volonté de l'émir et que les rançons ne soient véritablement que le fait de la vénalité des commissaires, comme l'affirme Bar Hebraeus285 • En effet, cet argent peut tout de même être soutiré, et ce après les destructions. Toutefois, c'est une hypothèse qu'il serait intéressant de pouvoir approfondir et qui expliquerait en partie le rapide redressement des finances. Aucun historien, peut-être avec raison, ne s'est encore penché sur cette éventuelle possibilité, mais il nous semble que cette piste mérite d'être explorée. Bar Hebraeus ne le relève-t-il pas quand il note qu'il « leur importait plus d'amasser de l'argent que de détruire des églises» ? Plutôt que d'adopter l'aspect individuel du maphrien, ne peut-il pas révéler un choix délibéré des deux maîtres? En effet, ces derniers ont besoin de liquidité, et nous savons qu'en période de troubles, les impôts ne sont plus versés. Or, il faut
284
loB. CHABOT, "Histoire de Mar Jaballaha", art. cit, 1894, l, chap. XI,
g.135. 8S E.-A. WALLIS
BUDGE trad., The Chronography of Gregory Abû'l
Faraj, op. cit., p. 507. 146
147
p
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des fonds pour faire tourner la machine étatique en attendant la remise en ordre du khanat.
.1
Ghâzân entreprend un vaste programme de réformes que Rashîd al Dîn nous décrit dans les moindres détails, étant l'un des principaux acteurs de cette action286 • Tout d'abord, le Khan cherche à protéger les masses laborieuses: il reproche à ses cavaliers les déprédations qu'ils occasionnent sur les terres cultivables, réduisant à la fois les récoltes et l'impôt percevable. En effet, il désire ardemment augmenter la productivité de ses champs et, par là, sa protection s'étend à tous les propriétaires, musulmans ou non. Toutefois, afin d'améliorer les rentrées fiscales, Ghâzân entreprend la rationalisation de la levée des taxes. Il est bien conscient que les fermiers pressurent le peuple et que celui-ci ne peut se défendre. Aussi le Khan décide-t-il de soustraire la levée des taxes aux gouverneurs locaux. Elle est désormais effectuée par des fonctionnaires payés par le souverain lui-même, afin de limiter les abus. Pourtant, la rationalisation entraîne bien souvent une perception fiscale plus féroce encore. Cependant, il semble que Ghâzân soit attentif à l'action de ses envoyés et qu'il surveille ces derniers avec une grande rigueur. Les terres ont alors une meilleure productivité et les recettes de l'impôt passent, sans augmentation des prélèvements, de dix-sept millions à vingt et un millions de " " 287 . De p1us, pour les terres cultivables laissées en friche dmars ou abandonnées, Ghâzân les attribue à qui le désire et lui accorde des avantages temporaires pour la remise en état288 • Dans cette décision, rien n'est stipulé concernant les chrétiens et rien n'interdit de penser que ces derniers puissent se porte; acquéreurs. Ils bénéficient certainement, eux aussi, de cette 286 Rashîd AL-DÎN, cité par M. D'OHSSON Histoire des Mongols 0'P CI't t. IV, p. 370-386. ' , . ., 287 B l'E '. SPULER, ~ongolen, op. cit., p. 316; J.-P. ROUX, Histoire de '!'plre mo~gol, Lille, 1993, p. 432 ; R. GROUSSET, L'Empire des steppes. Âttlla, Gengis Khan, Tamerlan ' Paris , 1939,p. 456. 288 M . . D OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 342.
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LBS CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
alisation de la levée des taxes mais, grand changement, ils norrn . , sont de nouveau abstremts ad~ p.ale~ent dl~ ~a dj~~a. Cet impôt erso nnel a pour ase une lstmctton re 19leuse . Il a disparu ~es territoires conquis par les Mongols, car il n'a plus lieu d'être u regard de la liberté de culte. Le rétablissement de cette ~apitation constitue une g~and.e vict~ire pour les musulmans. La d/ïzya qui pèse sur les dhlmmls represente, au temps de Saladin, ' " . . Gh âzân deux dînars par personne290 . Par cette d'eClSlon, augmente les sommes v~rs~es ,au tr~sor. La ~ituation financière des chrétiens se trouve amSI degradee. Par aIlleurs, la levée des taxes ne semble pas être confiée à une communauté religieuse particulière. Tout comme en Russie mongole, où les Khans sont musulmans depuis Berke, nous retrouvons dans le khanat de Perse des receveurs chrétiens. Ainsi, ce Fakhr 'Isâ al-Ghiyâth, dont nous avons parlé plus haur91 et dont les habitants de Mossoul se plaignent, n'est-il pas un percepteur peu scrupuleux? La sanction est immédiate puisque Ghâzân ordonne sa mise à mort: dans l'esprit du souverain, il s'agit de mettre un terme aux abus, la levée des taxes se fait régulièrement sous son règne. Sous la plume de Rashîd al-Dîn, ces réformes sont un plein succès, il en est un des maîtres d'œuvre, et le rétablissement de la situation financière s'est fait sans souffrance pour le peuple. Pourtant, le ministre reproche à son fils, Mahmoûd, gouverneur du Kirmân, de ruiner la province par toutes sortes d'impôts. Il lui ordonne donc d'exempter celle-ci . . 1e Khan d'lspose des de taxes pendant troIs ans292 . D'esormalS, ressources suffisantes pour équiper son armée et mener à bien Mentionné dans le Coran, sourate IX, verset 29 : « Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu, ni dans le Dernier Jour, qui ne consi~èrent pa.s comme illicite, qui ne pratiquent pas la religion de la Vérité, pa~1 ~eux qu~ ont reçu le Livre révélé. Cela, jusqu'à ce qu'ils donnent, de la mam a la mam, la part de contribution fixée pour eux, en supportant l'abaissement.)). 290 C. CAHEN, art. "Djizya", El, t. Il, p. 576. 291 Voir supra, p. 96. 292 A. K. S. LAMBTON, "Fiscal", art. cit., p. 90-91.
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Il
'tl' on En effet avec Ghâzân, un complexe militaroune expédl , ' 2 9 3 ' Co d 'd triel est mis en place ; Il .aut one payer les frais ln U8 d'équipement. Ceux-ci sont d' al'II eurs beaucoup p1us élevés , temps de la conquête, époque pendant laquelle les armes qu au 'd .. " défensives sont fabriquées à partl~ es matleres premIeres des nomades le cuir et l'osIer; les arcs et les chevaux teurs p as' 1294 S • appartenant, pour leur part" à ~haque Mongo : ous Ghazân, l'armée n'est plus à majorité mongole et Il faut fournir l'équipement des troupes ~ersanes, ~r, RashÎd al-Dîn arrive au pouvoir en 1298; la première tentatIve du Khan contre la Syrie se place, quant à elle, dès 1298, ~ais avo~ c~rtainement à la suite des intempéries29S , Le deuXIème essaI a heu au début de 1299 et est annulé à la suite de la révolte de Soulâ!l1Îsh296 , Nous voyons donc que la restauration des fina~ces de .1'E~t, ne seraitce qu'en partie, a débuté ~vant que Rashld a~-Dm S~lt placé à la tête des affaires, son action ne pouvant faIre sentir ses effets positifs que quelques mois après. JI faut donc replacer la première tentative de restauration financière sous Sadr al-din Hâlidi, ministre de Gaykhâtoû, que Ghâzân rappelle en 1296297 • Ce sont donc les mesures économiques prises par cet homme qui permettent la mise sur pied de l'armée qui va vaincre le sultan en 1299. Ce sont d'ailleurs ces mesures qui permettent, entre autre, à al-Nâsir de souligner le caractère prémédité de
R. AMITAI.PRESS, Mongols and Mameluks, op. cil., p. 216 j M. O'OHSSON, HI.v/olre des Mongols, op. cit., t. IV, p. 341. 294 J. RICHARD, "Les causes des victoires mongoles d'après les historiens occidentaux du xIII·sièclc", CAl, Wicsbaden, 1979, p. 104-117. 29\ AL-OJAZARI, Chronique, op. clt.. § 482, p. 75. 296 AL-MOUFAODAL, Hlsloire de.' .vultans mamlouk.v, op. cil., fasc.II, g,623.624. 97 C'est à conlre·cœur que Ghâzân le rappelle, car il est l'instigateur de l'introduction catastrophique en Perse du papier monnaie, à l'imitation du ch'ao chinois. Dans 80n apanage du Khourâsân, Ghâzân a d'ailleurs refusé la mise en circulation de cette monnaie papier. J. AUBIN, Émirs Mongols, op. cI/., p. 49.
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l'offensive du Khan, puisqu'il passe deux ans à rassembler son atmée298 . Une occupation plus effective des territoires occidentaux Jusqu'à Ghâzân, les régions occidentales du khanat ne sont pas véritablement occupées; l'emprise même des souverains mongols sur la frontière est de plus en plus faible299 • Une garnison stationne à Harrân et une autre à Karkîsiyâ. Partout, la présence des troupes est minimale. Or, devant la poussée mamloûke en Syrie du Nord, il devient nécessaire pour le nouveau Khan d'affirmer son autorité dans cette zone frontalière. C'est pourquoi des troupes sont envoyées dans le sultanat saldjoûkide de Roûm. Celui-ci voit son sultan, Mas'oûd, destitué et le territoire divisé en quatre provinces. Ghâzân espère, par ce découpage, mener une lutte plus efficace contre les Turcomans, notamment les Karamanides, qui commettent de nombreuses déprédations dans la région et ne cessent de s'attaquer à la Cilicie, affaiblissant le vassal chrétien. Ils sont, de plus, de farouches partisans du sultan mamloûk3OO • Devant l'échec de son initiative, Ghâzân restaure Mas'oûd en 1303. En Anatolie, le pouvoir du sultan saldjoûkide est donc réduit à néant puisque le Khan peut le révoquer à son gré, comme un simple fonctionnaire. Cet abaissement profite aux ministres qui sont, eux aussi, nommés par le souverain de Tabriro l . De même, à la suite des déprédations dont est victime le Diyâr Bakr, Ghâzân organise une occupation plus effective des troupes mongoles dans la région. Pour cela il rétablit le système de /'iktâ', c'est à dire la rétribution foncière des troupes selon la tradition musulmane302 • La province voit donc chacune de ses AL.MOUFAOOAL, Histoire des sullans mamlouks, op. cit., fasc.m, g.67. 99 J.• M. FlEY, Chrétiens syriaques, op. cit., p. 45·46. 300 M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cil., t. IV, p. 204. 301 C. CAHEN, Turquie, op. cit., p. 292·293. 302 C. CAHEN, art. "Iktâ"', El, t. III. p. 1/16.
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villes occupées par un corps armé mongol. De plus, quatr familles s'installent, à savoir cell.e~ de Sâdî, ~akbâyeh, Zakarî e~ Karmagi303. Peu après l'expéditIOn de l'hiver 1299-1300 en Syrie, Ghâzân accorde à al-MansoClr de Mârdîn « le sultan t .• Bakr et Rab"1 a »304 . Le Kh an Installe . complet des Dlyar donc ua vassal sur la rive gauche de l'Euphrate, en contact direct avec I~ Syrie. Celui-ci se voit accorder le droit de battre monnaie en son nom propre, tout comme d'autres princes, ce qui montre bien que l'attitude de Ghâzân est similaire dans tous ses domaines On le voit, le souverain mongol renforce sa position am: frontières occidentales de son empire: il ne peut plus se permettre d'avoir un no man 's land dans les régions en contact direct avec son adversaire, positionné en Syrie. Cela est da en grande partie à l'affaiblissement militaire rapide, profond et constant du royaume arménien de Cilicie, à qui incombe l'essentiel de la défense des marches occidentales. Or, à la suite de la pre~ière alerte en 1277, avec l'occupation pendant quelques Jours du RoClm par Baybars après sa victoire à Elbistan, les raids des troupes syriennes n'ont plus cessé. En 1285, une attaque pousse jusqu'à Irbil ; en 1286, le pillage a lieu dans la région de Mossoul. En 1299, c'est Mârdîn et son arrière pay.s. qui subissen~ des déprédations. Dans ces réorganisations pohtlques successIVes et peu évidentes à suivre, surtout dans le ~oClm, . les chréti~ns n'ont joué aucun rôle, puisqu'il parait tmp?sstble que qUiconque appartenant à cette religion ait accédé un Jour à une position politique si élevée. Cependant, tout com~e cell.e des populations musulmanes, la situation des chrétiens onentaux devient plus difficile car il faut désormais subveni.r aux besoins de corps de troupes plus nombreux. Les popu~at~ons d~ ~ette zo?e géographique, quelle que soit leur conVictIOn rehgleuse, vivent dans l'insécurité. Soumises aux
attaques mamloClkes,. elles ~e sont pas épargnées par les dégâts occasionnés par les mcendtes, les pillages, les enlèvements ou encore les meurtres.
Un contexte international difficile L'indépendance vis-à-vis du Grand Khan de Khanbalik
À l'origine de la formation du khanat de Perse se trouve l'action du Grand Khan, descendant de Gengis Khan. C'est Môngke qui, en 1251, donne ce territoire en apanage à son frère HoCllâgoCl. Ce dernier prend alors le titre d'Il-Khan qui, selon l'interprétation la plus courante, signifie « Khan soumis »30S. Ainsi les Mongols de Perse reconnaissent toujours leur dépendance vis-à-vis du Grand Khan. C'est ce lien que rompt Ghâzân dès son accession au trône. Il semble que cette TUJture soit autorisée par la mort de Koubilây un an plus tôe . La coupure du lien qui a uni Tabrîz à Khanbalik est visible dans la diplomatique de cette période, au travers des différents décrets, avec l'apparition d'une nouvelle « adresse », cette dernière étant jusque là dédiée au Grand Khan 307 . Cette annulation du lien de dépendance est très bien rapportée par l'auteur arabe du Mesalek-alabsar308 . Ce dernier signale que « Mahmoud Gazan, fils d'Argoun, à son avènement au trône, fit graver sur la monnaie son nom seulement, et retrancher celui du kâan ». Le souverain abandonne donc son titre d'II-Khan pour celui de Khan. Néanmoins, les relations entre la Perse et la Chine restent bonnes, vraisemblablement parce que la rupture, de fait, est consommée depuis longtemps. Une ambassade envoyée par Pour une discussion sur l'origine et la traduction du terme d'li-khan, voir R. AMITAI-PRESS, Mongols and Mameluks. op. cil., p. 13-14. 306 B. SPULER, Mongo/en, op. cit., p. 91. 301 ID., ibid. 308 Rashid AL-DîN, Histoire, op. cit., p. 12.
305
:: c. CAHEN, "Diyâr Bakr", art. cil.. p. 71.
Mo!D~I/b/:., p.72; Rashî.d AL-DîN, F. QUATREMÈRE éd., Histoire des M JO~SS~NPeHr~e, Pans, 1836, p. 379; Rashid AL-DiN cité par . , Isto/re des Mongols, t. IV, p. 328.
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a ARMÉNIllNS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Ghâzân en 1298 est accueillie en grande pompe par Mangofl Timoflr et reste quatre ans à la cour impériale avant de prendre le chemin du retour 09 . Même si le Grand Khan, dans sa lettre lui témoigne son amitié, Ghâzân ne peut plus compter sur u~ éventuel soutien extrême-oriental pour mener la lutte contre ses rivaux mongols. D'ailleurs, la rupture s'est très certainement faite parce que le soutien n'a jamais été autre que nominal. Malgré les liens très forts qui unissent les deux dynasties (Houlâgoû est à la fois le frère de Mongke et de Koubilây) jamais une action militaire n'est entreprise dans le but d~ soulager l'II-Khanat sur ses provinces orientales, afin de favoriser son action en Syrie. Aussi Ghâzân décide de rompre sa vassalité qui, bien que peu contraignante, n'en reste pas moins avilissante. Dès lors, le Khan mène les destinées de son u/us en son nom propre, il est « le premier des ÎI-Khâns à se conduire à tous égards en souverain de l'Iran plutôt qu'en prince étranger régissant son fief»310.
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Les menaces des autres khanats mongols Tout comme ses prédécesseurs, Ghâzân se retrouve confronté à l'hostilité de ses cousins de Djaghatay et de Kiptchak. Les Mongols de Transoxiane cherchent, de leur côté, à s'emparer des provinces orientales du khanat de Perse, Khourâsân, Kirmân, Fârs. Ces régions sont régulièrement soumises à des raids. Déjà, du temps de la révolte de Nawroûz, ce dernier avait pu trouver refuge dans les régions frontalières. Sous le règne de Ghâzân proprement dit, une de ces attaques a des conséquences très importantes. Si nous suivons Haython 311 , l'attaque menée par Koutlough-Khôdja, fils de Douwâ, dans le
LES CHRÉTIENS ORIENT AUX : DES ALLIÉS POLmQUEMENT TROP FAIBLES
Fârs et le Kirmân, en 1300, oblige le souverain perse à se retirer de syrie, accompagné ~'une grande partie de ses troupes. PiuS graves sont les eXI~en.ces ~es Mongols de Russie. Celles-ci nt fondées sur un drOit hlstonque. Une ambassade est envoyée 90 . 1 ar Tokto'a pour eXIger e retour de l'Arrân et de Âdharbaydjân dans son apa~age3l2. En effet, le Yafa de Gengis Khan attribue ces deux réglons aux descendants de Djoûtchi. Ainsi la Géorgie est placée sous l'autorité de Bâtoû3l3 , de même que le sultanat saldjoûkide314 . Nous voyons donc que le conflit qui oppose les Mongols de Perse aux Mon~ols Occidentaux. pour reprendre l'expression de Pachymér~s 15, est autrement plus grave que la lutte frontalière de l'Amoû Daryâ. Avec l'arrivée de Hoûlâgoû, en 1256, ces régions pas~nt sous son contrôle; il installe même son centre politique en Adharbaydjân, à Marâgha. Telle est la véritable origine du différend qui oppose les deux khanats: celui-ci éclate sous le règne de Berke qui ne tolère pas l'usurpation manifeste de terres qui lui appartiennent de droit. Par là, les Il-Khans se trouvent paralysés et ne peuvent plus intervenir en Syrie avec autant d'efficacité, à la grande joie du sultan mamloûk 316 et à la déception des chrétiens. Face à l'hostilité des Mongols de Kiptchak, les chrétiens ne semblent pas faire contrepoids. En effet, ils sont n~mbreux d~ns. cette région, puisque l'on trouve concentrées les dlffé~entes E.gh~s et communautés chrétiennes orientales: les GéorgIens, qUI sUIvent l'orthodoxie grecque; les Arméniens et les Jacobites monophysites, avec cependant quelques nuances entre le~ deux; les Chaldéens qui sont, quant à eux, adeptes du dyophyslsme. Il semble peu probable que tous ces chrétiens n'a~ceptent pas d'être soumis à Hoûlâgoû : en effet, Berke s'est faIt musulman. tandis qu'accompagné de Dokoûz Khâtoûn, l'Il-Khan favorise
f.
312
WASSÂF, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p.321. ~JO MELIKIAN-CHIRVANI, "Le Shdh-Ndme la gnose soutie et le pouvoir w?ngol",JA CLXXII, 1984, p. 249-377, ici p.250. HAYTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre III, chap. XLI, p. 196, p. 319, trad. p. 851.
309
154
MOÛKHW ÂNO, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongol$, op. cit.,
t.IV, p. 319-320. 313 M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit .• § 342, p. 523. 314 C. CAHEN, Turquie, al? cit., p. 232. .' )Il Georges PACHYMÉRES, Relations historiques, op. cil., pas~,m. 316 AL-MAQRÎZÎ, Histoire des sultans mameloules de 1 Égypte, trad. F. QUATREMÈRE, 2 voL, Paris, 1837-1845, voL l, chap. IV, p. 180.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
1
grandement le christianisme. Quant aux Mongols de Kiptchak, ils conservent sous leur domination d'autres peuples chrétiens tous fidèles de l'Église grecqu~, les Russes, les Alains, le~ Ziques dans le Caucase septentrIonal, les Goths en Crimée3l7 • Ainsi, par opposition à l'II-Khanat, les Mongols de Russie n'ont pour l'essentiel, qu'une seule communauté en face d'eux: Hofllâgoû et ses successeurs sont confrontés, pour leur part, à un grand nombre de communautés religieuses, ce qui nuit d'ailleurs au prosélytisme de celles-ci en direction des II-Khans et de leur classe dirigeante. Loin de ces considérations religieuses, les successeurs de Bâtoû n'ont de cesse de réclamer leur dû, au besoin par les armes. C'est ainsi que l'ambassade que reçoit Ghâzân importune ce dernier, à la fois par une suite trop nombreuse - il faut à chaque relais de poste trois cent vingt-cinq chevaux - et par les exigences dont sont porteurs les ambassadeurs. Devant la menace d'une guerre, si les anciennes provinces dévolues à Bâtoû ne sont pas restituées à son descendant, Ghâzân répond que celles-ci appartiennent à sa famille et qu'il entend les garder3l8 . Les hostilités sont donc loin d'être éteintes entre les deux khanats. De part et d'autre du Kour, les parties adverses continuent donc de s'observer comme au temps d'Abaka3l9, et attendent l'occasion de lance; une attaque. C'est ici que rentre en ligne de compte l'importance stratégique des Géorgiens et les graves problèmes politiques que soulèvent les révoltes de David VIII. Avant d'envahir la Syrie en 1299, Ghâzân est contraint d'envoyer des troupes dans le Caucase, afin de renforcer ses contingents christiano-mongols : autant de soldats qui ne sont pas alignés en Palestine. En effet, a~n de lutter contre leur adversaire commun, les Mongols de Klptchak et les Mamloûks contractent une alliance. Leur accord repose sur une politique non pas offensive, mais au contraire
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLmQUEMENT TROP FAIBLES
défensive: si l'un ~es deux territoires est attaqué, le second 'engage à intervemr sur son front, dans le but de créer une ~'version ou d'affaiblir suffisamment les troupes de Perse pour q~e leur action se conclue par un échec. Ghâzân ne peut pas disposer de toutes ses forces pour combattre en Syrie De la sorte, le khanat de Perse se trouve contraint de . fironts320, dont deux partlcu . 1"lerement faire face a, trOIS menaçants, à l'est et au nord. L'étendue de son territoire, 1~ nombre de ses ennemis, font que, pour « la grande œuvre »32 qui intéresse au plus haut point les chrétiens orientaux, Ghâzân ne dispose pas de toutes ses forces pour lutter en Syrie. Il se retrouve contraint d'envoyer des troupes, tant dans ses régions orientales qu'en Géorgie, afin de défendre les différentes voies d'accès de son territoire. Les contingents fournis par la Cilicie sont donc importants pour le Khan, puisque les dix mille hommes envoyés par Hét'oum n322 compensent les pertes dues à l'envoi nécessaire de soldats dans le Kirmân et le Fârs323 . La frontière géorgienne, quant à elle, est sécurisée par l'envoi de quelques corps de troupes qui se joignent aux effectifs déjà présents et suffisent à s'assurer la fidélité des chrétiens. Dans ce contexte politique tendu, l'attitude de chacun repose sur la capacité militaire du moment d~ l'adversaire. Ainsi l~s ac~ords conclus entre le Kiptchak et l'Egypte ne sont que defenslfs. Il s'agit, pour le premier, de garantir avant to~t sa fronti~re, t?ut en profitant, si elle se présente, d'une occasion P?ur recupere~ la partie du Caucase qu'il revendique. De leur cote, le~ ~amloûks n'ont pas la puissance armée suffisante pour ve~tabl~ment inquiéter Ghâzân; d'ailleurs, hormis quelques raids, Ils ne Nous excluons de notre raisonnement la frontière de l'Inde. B. SPULER, art. "Ghâzân", El, t.ll, p. 1067. Expression tirée de la lettre du 12 avril 1302 adressée par Ghâzân au pape Boniface VlIl. 122 5MBAT, Chronique, op. cit., p. 657. . 12l Rashîd AL-DÎN, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. CIl.,
320
::: J. RICHAR!?, Papauté, op. cit., p.S. t. 1~~?3~~WANO, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., lJV R .-W. THOMSON trad., ''The historica) compilation of Vardan Arewelc'i", art. clt., § 98, p. 223. IS6
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t.IV, p. 228.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINA TiaN MONGOLE
peuvent adopter qu'une attitude défensive et non pas offensiv De tous les protagonistes, le khanat de Perse apparaît com;' celui dont les effectifs sont les plus importants: il doit s: protéger de tous côtés. Nous ne pouvons pas suivre madame Reuven Amitai-Preiss qui affirme qu'en 1299 plus du tiers de l'armée mobilisée par les Mongols est composée de leurs alliés 324 • Comment les Arméniens et les Géorgiens peuvent-ils aligner autant de soldats? Sur les près de quatre-vingt dix mille hommes alignés par Ghâzân, les diffërents contingents chrétiens ne peuvent en aucun cas en fournir trente mille. Le continuateur de la chronique du connétable Sembat, qui a une forte tendance à enjoliver le rôle joué par la Cilicie, ne parle que de dix mille soldats fournis par le royaume 325 • De leur côté, même si ils sont présents, les Géorgiens sont principalement laissés pour surveiller la frontière nord et la passe de Darband : ils ne sont pas en mesure de fournir les vingt mille hommes de troupes supplémentaires. De plus, nous ne pouvons tenir aucun compte des chiffres avancés par Hay thon : ces derniers apparaissent vraisemblables pour ce qui concerne le khanat de Perse, mais sont totalement erronés pour les deux autres ulus mongols 326 • Nous pouvons véritablement nous poser la question de savoir qu'elle est réellement l'indépendance des deux royaumes chrétiens pris, chacun de son côté, dans un étau. En effet, c'est la force militaire qui fait le poids politique et ni la Cilicie ni la Géorgie ne peuvent rivaliser, sur ce plan, respectivement avec les Mamlofiks et les Perses, le Kiptchak et l'Il-Khanat. Que ce soit Hét'oum II, David VIII, ou les autres les souverains chrétiens orientaux n'ont absolument aucune 'initiative dans la
I.,IlS CHRÉTIENS ORIENT AUX : DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
olitique extérieure de Ghâzân. Les sources arméniennes tentent
~e nOUS ~aire ~r~ir~ que ce ~O?t les demandes insistantes du roi
d'ArménIe qUI mCltent Ghazan à attaquer la Syrie327 • De son côté, Gérard de Montréal, dans Les Gestes des Chiprois, affirme que le Khan pense tous les jours à attaquer le sultan et lea Sarrasins32H . Pour les sources musulmanes, reprises par alMoufaddal, la venue des émirs transfuges est une des causes de ·· 329 . N ous'1 e voyons, l l'expédItlon es ' cIrconstances ne sont pas claires, mais il apparaît plus que probable que c'est la volonté réelle de Ghâzân de porter les armes en Syrie qui pousse ce dernier à combattre. JI se justifie d'ailleurs différemment dans une lettre adressée à al-Nâsir, puisqu'il présente son expédition de 1299 comme une réaction à un raid syrien dans le Diyâr Ba~3(). Contrairement à la Géorgie, la Cilicie demande l'attaque mongole et y trouve son intérêt; mais ce n'est certainement pas pour son vassal que le Khan se lance dans l'aventure. Les deux royaumes chrétiens ne pèsent d'aucun poids politique parce qu'ils n'ont, en aucune manière, la puissance armée pour mener leurs affaires avec indépendance. Ils sont donc entraînés dans la lutte mongolo-mamloûke, contre sa volonté pour la Géorgie, par opposition à la Cilicie farouchement partisane de la lutte contre l'Empire de l'Islam.
L'adversaire: les Mamloliks Un pragmatisme politique de part et d'autre En effet Sis et Tabrîz sont très proches l'une de l'autre, en raison de l'opposition au Caire qui les unit. Pour Ghâzân, il ne s'agit en aucun cas de pragmatisme politique. Tout d'abord
324 R. AMITAI-PRESS, Mongols and Mameluks, op. cil., p. 227. m
5MBAT, Chronique. op. cil., p. 657 .. HAYTHON, La Flore de.I' HI.vtolres: l'auteur parle de quatre mille hommes à cheval pour le khan de Djaghatay, Livre III, chap. XLVI, p.214, p. 335: trad. DELUZ: p. 8~6. De même, pour notre historien, Tokto'a pu co~~~lr~ au combat SIX ml!le ~avaliers, Livre III, chap. XLVII, p.215, p'. ,rad: p. 85.1. Au contraire, Il fixe pour ÙldjeytU ses troupes à trois cent mille cavaliers, Livre III, chap. XLVIII, p. 215, p. 336, trad. p. 858.
326
C:
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321
5MBAT, Chronique. op. cit., p. 657.
:28 Gestes des chipro/s. op. cit., § 594, p. 844. 29
AL-MOUFADDAL, Histoire de.ç sultans mamlouk.s. op. cil., flllC.lI,
f·30609 ID.,. fasc. Ill, p. 43 ; AL-NOUWA YRl, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cil.. t. IV, p. 288.
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3 AllMÉHIEHS ET AlJTllfll CHafTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MON(jOLlo
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parce qu'il tient â ces ~ions. contre I~. Syri~ et que, dans un second temps, son devoIr de selgne~r lUI .'mp~se de protéger IOn vassal. C'est son devoir, mais aussI son ,"téret, car, si la Cilicie est trop affaiblie, alors ce sont ses possessions occidentales qui se trouvent être menacées. Comme pour beaucoup d'autres choses en politique extérieure, dans cette région et durant cette période, les chrétiens ori~n~ux sont trè~ peu concernés. Tout au long de son règne, le princIpal adversaIre ~ers I~quel se tourne IOn action est le sultanat mamloûk. DepUIS touJours, entre les deux États, passent des transfuges, les moukaffizoûn. Ainsi le sultan Kitbougha accueille avec beaucoup de sympathie une horde d'Oirats qui traverse l'Euphrate au début de janvier 1296. Cette dernière, composée de dix mille familles 33 !, est menée par Tarakây KUregen. Différentes raisons sont avancées quant au revirement de cette troupe. Pour le continuateur de Bar Hebraeus, Ghâzân exige que les hommes restituent le butin d'un pillage effectué aux dépens des Turcomans, sous peine de mort. Traités avec dureté par les commissaires, ils les tuent et prennent la fuite. AI-Nouwayrî-que reprend al-Moufaddal-, quant à lui, estime que la horde est contrainte de se rendre en Syrie du fait de ses prises de position en faveur de Baydou. Nous avons déjà signalé les sympathies chrétiennes de ce dernier; or, les Oirats font partie des tribus mongoles touchées par la prédication nestorienne. N'ont-ils pas conservé leur religion'! Et, devant la vague de persécutions qui s'est abattue sur l'empire, n'ont-ils pa!! préfëré prendre le chemin de l'exil'! Rashid al-Din les cantonne dans le Diyâr BakrJ32 , une région où la présence du christianisme est encore forte, ce qui peut donc favoriser la conservation de la foi de cette horde. Les faits que nous J3I AL-()JAZARI, Chronique, op. cI/., § 310, p. 48 ; E.-A. WALLIS BUDGE trad., The (~ronography of Gregory Abû '1 Faraj, op. ci/., p. 508; ALNOUWAYIU, cité par M. O'OHSSON, Hi.y/oire des Mongols, t.IV, p.160, ~ui parle de dix-huit mille. 2 Rawhld AL-DIN, eité par M. D'01-1SS0N, Hi.y/oire des Mongols, op. cil., t.IV, p. IS9; AL-MOUFADDAL, His/oire des sul/ans mamlouM, op. cI/., fale. 1\, p. S89.
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LES cHKÉ11ENS ORIENTAUX: DES ALUÉS POUTIQUEMENT TROP FAlBU.S
rapportent le ~ntinuateur de Bar Hebraeus .d'un côté, et aINoUWayrî de 1 autre, se recou~t ~nc, pU\~ue la prise de position ~ ~aveur de Baydou a tres bien .pu se faire. à partir d'un critère rehgleux, tout comme la sommation de restituer le bétail dérobé aux Turcomans, pillards s'il en est, peut très bien se reptaccr dans I~ cycle d.e la,~rsécut~on. Tou~ ceci n'est encore qu'une hypothese. QUOI qu II en SOit, Tarakây Küregen et ses hommes sont très bien accueillis par le sultan Kitbougha qui les T 1 h' . , dent pour dire que, installe à 'At1-333 II . ous es Istonens s accor d'origine turque, ce dernier prend plaisir à retrouver des gens de même origine, avec qui il peut s'entretenir dans sa langue natale. De toute façon, la défection d'une horde de cette importance, qui représente à elle seule un toûman, c'est à dire dix mille hommes, est un grand coup, à la fois politique et militaire, que celle-ci soit chrétienne ou non. Militaire, puisque ce sont des soldats en moins dans l'armée de Ghâzân, et politique, car il peut inciter d'autres mécontents, quels qu'ils soient, à traverser l'Euphrate. Cependant, les liens établis entre Tarakây Küregen et Kitbougha sont forts puisque, quelques années plus tard. en 1299, les Oirats se soulèvent pour remettre l'ancien sultan sur le trône334 • De son côté, Ghâzân accueille lui aussi des transfuges: il s'agit de quatre autres émirs syriens qui fuient avec leurs troupes la menace que fait peser sur eux le sultan Lâdjîn. Ce sont Sayf al-Din Baktimour al-Silahdâr, un des généraux de l'armée d'Égypte, Sayf al-Dîn al-Baki, gouverneur de la province de Safad, Sayf al-Dîn 'Azaz, menés par Sayf al-Dîn Kiptchak33S • Ce dernier est le plus important de tous, puisqu'il est nâ'jb de Damas. Tout comme Kitbougha, Ghâzân accueille avec bienveillance ces personnages influents de Syrie. Le Khan leur III 114
AL-DJAZARî, Chronique. op. ci/., § 310, p. 48. . AL-MOUF ADDAL, His/oire des sul/ans mamlouks. op. cil., fase.
p.632-633.
n,
AL-DJAZARÎ, Chronique, op. ci/., ~ 487, p. 77-79 ; A~MO~F ~~~. His/oire des sul/ans mamlouM, op. CI/., fase. li, p. 608, M. D O , His/oire des Mongols, op. cil., t. IV, p. 220.
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
porte les marques de la plus haute distinction ~t il fait même épouser à chacun d'eux une fem~e ~on~oJe. ~Ip~chak est uni, sœur de Bouloughan Khatoun, la propre Pour sa part, à une . 1336 , femme du souveram mongo . Il Ya cependant une différenc~ notable e~tre les deux faits que nous venons de relater. ~es Ol~ats ont. fuIt sans. ~spoir de retour, que ce soit pour des raIsons economlques, pohttques, ou religieuses. Les émirs syriens, de leur côté, fuient un homme, Lâdjîn ; une fois celui-ci disparu, nos sources musulmanes nous . de tous d' e'tre passes ' en Pe~se 337 . En outre, signalent le chagrm Kiptchak garde le contact avec Damas, pUIsqu'un de ses mamloûks informe la ville que son maître est arrivé à Hamadân338 • Nous pouvons donc douter du véritable attachement de ces hommes à la personne du Khan contrairement aux Oirats à l'égard de Kitbougha. D'ailleurs, il~ trahissent Ghâzân dès que l'occasion leur en est donnée. Les luttes politiques ,
.11
Pendant les premières années du règne de Ghâzân, le sultanat mamloûk est confronté à des luttes politiques qui affaiblissent l'autorité du sultan en Syrie. La succession de Kalawoûn s'avère difficile. Son fils et successeur, al-Ashraf Khalîl, mécontente tout le monde et est assassiné 339 • Son jeune frère monte alors sur le trône, en 1293, il est placé sous la tutelle de Kitbougha qui le dépose un an plus tard et devient sultan34o . Ce dernier est alors renversé en 1296 par Lâdjîn qui suscite à
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
n tour la désapprobation de tous, tant par l'affection qu'il à son mamloûk, Mankoûtamour, que par sa révision du podastre, dans laQuelle il se réserve les meilleures terres et les C a ) 4 1 C' t d " fiOIS . qu'al-Nâsir plus gros revenus .' es, ~nc une d e.uxleme st porté au pOUVOir, en fevner 1299; Il est encore jeune et se eetrouve à nouveau placé sous la tutelle de deux grands émirs, ~alâr al-Mansoûrî et Baybars Djâshnikîr, respectivement vice. dant 342 . régent et mten
SO rte
À cette même époque, entre 1295 et 1299, Ghâzân est, lui aussi, confronté à des problèmes intérieurs. Tout d'abord, il y a les persécutions contre les chrétiens. Puis, le Khan doit affronter de nombreuses révoltes, notamment dans le Roûm, où Tougashar se révolte, battu puis imité par Baltoû en 1295, également vaincu en 1297 par Soulâmîsh343 • Toujours en 1297, c'est Nawroûz 2ui réaffirme son opposition et se soulève contre son souverain34 • Ghâzân doit concentrer ses efforts dans la lutte contre le puissant émir. Cette dernière est suivie par la révolte de David VIII, roi de Géorgie345 . Soulâmîsh prend à son tour l'étendard de la révolte en 1299. Ce dernier soulèvement est bien connu car, d'une part, il reçoit un ferme soutien de la part du sultan d'Égypte et des Karamanides, mais surtout parce qu'il provoque l'annulation de l'offensive programmée par Ghâzân 346 • Or, la situation politique peut encore être favorable au Khan: en effet, al-Nâsir est remis sur le trône en février 1299 et son pouvoir n'est peut-être pas suffisamment affermi en mars, date de la révolte de Soulâmîsh. Enfin, en Cilicie, les frères ennemis s'affrontent pour le pouvoir et le pays ne joue plus son ID., p. 596-597 et 601, AL-KALKASHANDÎ, La Syrie au début du ~ siècle d'après Qalqachandi, GAUDEFROY-DEMOMBYNES trad., Pans,
341
AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cif., fase. Il, E· 609 . M. D'OHSSO~, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 225. AL-DJAZARl, Chronique. op. cit., § 504, p. 82; AL-MOUFADDAL, f!~toire des sultans mamlouks, op. cit., fase. II, p. 618. /., "ase 1; • II, AL-MOUF ADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. c't 336
3::
~S75-576.
ID., p. 576-585.
1923, intro, p. XL. HOLT art. "al-Nâsir", El. t. VII, p. 993. C. CAHEN, Turquie, op. cit., p. 293 ; ID.,"Diyâr Bacla", art. cit., p. 71. 344 J. AUBIN, Émirs Mongols, op. cit.. p. 66-67. 345 M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 412, p. 619. 346 AL-MOUF ADDAL, Histoire des sultans mamloulcs. op. cit., fasc.
342 343
p.623-624. 162
163
n,
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
rÔle d'État-tampon. Désormais, il es~ tr?p tard f~ce au danger que représente le nouveau. Khan; 1 unJon se fait, ~n Égypte comme en Syrie, autour du Jeune Mouhammad al-Nâslr. Lutte d'influence entre Mongols et Mamloûks
'.
Une opposition se développe pour savoir lequel des deux sultans peut s'arroger l'hégémonie au nom de l'islam. Les MamloOks, de leur côté, ont traditionnellement pris le titre de sultan de l'islamisme. Quant à Ghâzân, il se proclame Pâd/sM lslâm, c'est-à-dire l'Empereur de l'Islam. Nous retrouvons ici le principe mongol de domination universelle. Avec Gengis Khan le Khan Océanique, c'est à dire le Khan Universel, les Mongol~ se considèrent comme les élus de Dieu; ce dernier, souverain du Ciel, leur a accordé le pouvoir sur terre. Cette idée est particulièrement reprise par les différents II-Khans qui en font l'idéologie officielle de leur Étae 47 • Converti à l'islam, Ghâzân tente de mettre en application celle-ci, par l'intermédiaire de sa communauté de foi; il intègre donc les Mamloûks dans son discours. Toutefois, il s'agit toujours de soumettre ceux-ci à l'autorité mongole. Peu après son accession au pouvoir, Wassâf nous rapporte une annonce faite aux Égyptiens par le nouveau Khan: « Si mes bons pères furent les ennemis de votre pays, ce fut à cause de la différence de religion. N'ayez plus peur désormais d'être attaqués par nos troupes victorieuses. Que les commerçants des deux royaumes les parcourent librement. Contre l'usage des temps passés, considérez la bonne harmonie avec nous. comme le principe de votre éternelle prospérité. Soy~z œrtams que .tou~es les contrées nous doivent aujourd'hui obéissance, et particulIèrement l'Égypte, dont le trône a passé
LBS CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP fAIBLES
où il n'y a plus de différences entre des rois aux esclaves, 348 ma1tres et va1ets. » Ainsi le Khan appelle à la paix, puisque les deux États partagent désormais la même reli.gion. Cependant, la situation politique du sultanat ~amloûk est mtol~rable pour un Mongol. Il faut donc que Le CaIre se ~oumette a Tabrîz afin de rétablir l'ordre naturel des choses. A peine converti, Ghâzân tente un pari politique ambitieux qui n'a, dès l'origine, que peu de chance d'aboutir. Il cherche par la religion ce que ses prédécesseurs ~:ont pu ?btenir par I~s armes: l'intégr.ation de la Syrie et de 1 Egypte a ses domaInes. Le souveraIn mongol essaye donc de se servir de l'islam pour atteindre ses prétentions universalistes. Il est intéressant de voir que, plus de vingt ans auparavant, Takoûdâr-Ahmad, ou plutôt le shaykh Kamâl •Abd al-Rahmân, a tenté la même chose auprès de Kalawoûn 349 • Ghâzân persiste longtemps dans cette voie. Il tente de prendre pour base son islam afin de se détacher de l'image plus que négative des Mongols, présente dans l'esprit des musulmans de Syrie et d'Égypte. Rashîd al-Dîn nous relate une anecdote significative à cet égard350 • À la suite de sa victoire sur les troupes de Mouhammad al-Nâsir, le Khan interroge les habitants de Damas, venus lui rendre hommage, sur ses origines. Ces demiers répondent qu'il est fils d'Arghoûn, fils d'Abaka, fils d'Hoûlâgoû .... Satisfait, le Khan demande de même pour le sultan: la population ne sait pas remonter plus loin que le propre père d'al-Nâsir, Kalawoûn. Et le ministre de conclure: « Ils comprirent que leur sultan devait le trône au hasard et non au droit de sa naissance, et qu'ils étaient les sujets des descendants de Houlagou». Il est plus que probable que cette entrevue ne s'est jamais tenue, mais l'Histoire révèle bien la volonté universaliste de Ghâzân. Celle-ci se réalise autour de l'islam. l4K
WASSÂF, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cil.. t.IV,
~.
227. 49 J.-M. FlEY, "Tentative", art. clt., p. )-33. llO Rashtd AL-oIN, cité par M. d'OHSSON, Histoire des Mongols, op. clt.,
147
R. AMITAI-PRESS, Mongols and Mameluks, op. cil., p. 231.
164
t.IV, p. 251.
165
$
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Nous imaginons sans peine l'hostilité des chrétiens orientaux à une politique de surenchère musulmane mettant en avant le préceptes du Coran au détriment de leur propre religion. D8 même, Ic risque de voir le danger des persécutions se révei11: doit en inquiéter plus d'un: Mais,. comme toujours dans la politique du khanat, les chrétIens ne Jouent aucun rôle majeur et sont obligés de suivre la volonté de leur maître, malgré toutes leurs réticences. Toutefois, avec Ghâzân, les communautés chrétiennes peuvent espérer en sa justice et en son équité. Elles sont traitées suivant le statut de la dhimma, ce qui correspond certes à une dégradation de leur position, mais aussi leur assure une certaine sécurité puisque, dans le Pacte de 'Oumar, il est bien stipulé que l'on ne doit pas maltraiter les Gens du Livre. Le Khan n'entend en aucun cas tolérer des agissements semblables à ceux survenus au début de son règne. En témoigne la sauvegarde promise aux dhimmis, lors de la proclamation de Damas, à la condition qu'ils payent la djizycl 51 • Toujours en Syrie, Ghâzân adopte, après sa conquête une attitude conforme à sa foi, mais qui ne convient en aucu~ cas à ses troupes chrétiennes, notamment arméniennes. Il refuse de brOler Damas352 et de la laisser au pillage de Hét'oum II. En outre, nous voyons que les notables de Damas connaissent la nouvelle situation des chrétiens à la cour de Ghâzân. En effet la ville n'envoie aucun représentant de la communauté chrétie~ne avec la délégation adressée au Khan. Or, nous nous souvenons qu'en 1258, dans l'ambassade que le calife 'abbasîde de Bagd~d, al-Mousta'sim, adresse à Hoûlâgoû, se trouve Makhlka II (1257-1265), patriarche nestorien. Parmi les membres de la députation envoyée à Ghâzân se trouvent le shaykh Ibn Taymiyya, le grand kâdî Nadjm al-Dîn ibn Sasari et
15I
AL·MOUFADDAL, p. 644.
)52
Histoire des sultans mamlouks' op. cit., fiasc. II ,
SMBAT, Chronique, op. cil., p. 657 .. 166
LES cHRÉTIENS ORIENT AUX : DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
de nombreuses autres personnalités religieusesm . En 1299, la présence. d'u,n représentant chré!ien n'est nullement nécessaire pour inCIter a la clém~nce .le. maltre ":,ongol. Nous voyons donc que cette communaute rehgleuse ne Joue plus désonnais qu'un rôle réduit et secondaire dans la vie politique. La proclamation dite de Damas, lue en chaire à la mosquée, le vendredi 2 janvier 1300 (elle est rédigée le 30 décembre. 1299) a pour but ~e rassure~ la population ~uant à l'occupatiOn mongole, ce qUI est partiellement réussi 3 • Des promesses sont faites, mais les événements vont montrer qu'elles ne sont pas tenues. Ainsi, sous le couvert de l'occupation mongole, de terribles exactions sont commises en l'absence de Ghâzân 355 . Dans le texte qui est lu, le Khan porte la responsabilité de son attaque sur les erreurs du sultan, (( ennemi rebelle» (aux ordres d'Allah)356. Le Khan se place une nouvelle fois en défenseur de l'islam, ce que réfutent catégoriquement le sultan al-Nâsir et Ibn Taymiyya. Le premier, dans sa lettre datée du 3 octobre 130 l, reproche violemment à Ghâzân la présence de corps de troupes chrétiens dans son armée357 . Le second, pour sa part, ne fait absolument aucune confiance à ce nouveau m AL-MOUF ADDAL, Histoire des sultans mamloub.
op.
cit., fasc. Il,
f·637. 54 ID., p. 645. m Voir infra, p. 213-214 356 AL.MOUFADDAL, Histoire des sultans mamloub,
op.
cit.• fasc. n,
f·57642 Ibn. TAGHRÎBIRDÎ, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cil., t. IV, p. 297. « 11 ne fallait pas marcher sur un pays mahométan av~ une multitude composée de gens de diverses religions; ni faire entrer la crolll sur des territoires sacrés, ni violer la sainteté du temple de Jérusalem ». Idem, p. 304. « Les prisonniers musulmans sont soumis par vous à la pl~ étroite surveillance' ils sont livrés entre les mains du Tacafour [le roI d'Arménie]; ce qui ~ontredit ce que vous dites de votre hu~anité )~. .' À cette attitude s'oppose celle d'Ibn TA YMIYY A, L.e/tre a u~ rOI croISe, op. cil.. p. 174.175, qui fait libérer de nombreull prisonmers chrétiens. De m6me. les musulmans traitent les chrétiens convenablement. AL·MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit.• fasc. Il. p. 668. 167
s ARMÉNiENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
converti qui entend donner des leçons, alors qu'il ne pratique . l" IS1am358 . pas véntablement . , Malgré tout, Ghâzân ne confie pas la Syne a des chrétiens: il la remet aux émirs transfuges, pour la plus grande joie des habitants. Il s'agit probablement, pour le Khan, de mieux faire accepter sa domination sur les populations musulmanes. Ainsi les chrétiens orientaux se trouvent, une nouvelle fois, exclus. La grande perdante est la Cilicie qui ne retrouve que très peu des territoires et places fortes cédés dans sa longue lutte contre les Mamloûks. Peut-être est-ce du fait de la possible absence des troupes arméniell',1es lors de ,l'a~frontement?. Nous y reviendrons plus lom, quand nous etudlerons la ~ataIlle plus en détail. Par voie de conséquence, les différentes Eglises doivent abandonner l'espoir de se reconstruire et de se restructurer. En effet, malgré le statut de dhimmi, si le territoire est confié à Hét'oum II, alors le redressement des communautés chrétiennes est rendu possible, car ce dernier ne peut permettre l'application des mesures restrictives de la dhimma. Ce n'est pas le cas. Enfin, dans une lettre de la fin mai 130 1, Ghâzân propose la paix à al-Nâsir. Une offre dans laquelle le Khan se présente comme supérieur au sultan, qui est simplement nommé roi, ce qui implique que Ghâzân se place comme empereur, et dont les modalités sont irrecevables. Ces dernières nous sont • d359 : SI. ce que d'It l'auteur est vrai al' par M0 ûkh wan rapportees Nâsir doit reconnaître la suzeraineté de Ghâzân par le paie~ent d'un tribut annuel, insérer le nom du Khan dans la khoutba du vendredi, et enfin frapper sur les monnaies ce même nom sous celui . d~ calife. Nous le voyons, Ghâzân propose plus une sowrusslon qu'une paix véritable. Cependant, si cette dernière par des prises de position moins intransigeantes de part et d'autre, s'était réalisée, la Cilicie en aurait alors tiré de nombreux avantages, puisque la paix entre Mongols et
LES CHRÉTIENS ORIENTAUX: DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP FAIBLES
Maml oûks a pour corollaire, dans l'esprit de Ghâzân, la paix, ou plutôt une sorte de trêve perpétuelle, entre son vassal et le sultanat. Au plan politique, les relations mongolo-chrétiennes sous Ghâzân sont très complexes et très difficiles à démêler, puisque tout entre en ligne de compte, que ce soit des considérations d'ordre religieux, militaire, ou autres. Durant son règne, ces rapports sont encore plus ardus à établir, car sa conversion à l'islam établit de nouveaux contacts et des intérêts différents entre les protagonistes. Toutefois, le Khan reste encore fidèle à l'attitude de ses prédécesseurs, ménageant les chrétiens sur le plan de la politique extérieure. Cependant, son règne est marqué par une dislocation de plus en plus prononcée des relations entre les deux royaumes chrétiens et le khanat de Perse. L'hostilité de Ghâzân à l'égard des Mamloûks lui permet tout de même de s'attirer un soutien toujours aussi fervent de la part des Arméniens de Cilicie. C'est le conflit qui oppose Tabriz au Caire qui représente la ligne directrice des rapports ~ongo.lo chrétiens sous le règne de Ghâzân. C'est la mamfestatlon effective de ce conflit que nous allons maintenant aborder au travers de ses actions militaires.
JS81b
n ~AYMIYYA, Lettre à un roi croisé, 0'1' cit p 172 MOUKHW' ., . ',' . t IV 316 AND, Cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., JS9
,p.
.
168
169
p
m - LE CONFLIT MILITAIRE À l'intérieur de ce troisième thème il faut noter le r6le effacé des c~mmuna~tés syriaques et chrétiennes en général et ce, même SI, parmi les troupes mongoles, sont inclus des contingents chrétiens, notamment de Grande Arménie. Ici les deux royaumes chrétiens jouent un rôle effectif. ' LE FACE À FACE
La Cilicie face aux Mamloûlcs Les récupérations territoriales Dans le conflit qui les oppose aux Mongols, les Mamloùks tentent, par des opérations périphériques, d'affaiblir les positions occidentales de leur adversaire. Celui-ci, trop puissant. est préservé: il ne risque pas de se trouver confronté à une invasion conquérante. Les Mamloûks sont parfaitement conscients de la différence du rapport de force et se contentent seulement de mener des raids et des razzias dans les régions frontalières. Mais, surtout, l'attention des sultans se porte constamment sur l'allié traditionnel des Mongols dans la zone géographique de la Syrie: la Cilicie. À la suite de son frère Sembat, Hét'oum 1er (1226-1269) se rend à Karakoroum, auprès du Grand Khan Môngke, en 1253_125436 Le roi arménien s'assure la protection et la bienveillance mongole par son entrée en vassalité. Avec les conquêtes réalisées par Hoûlâgoû durant les années cinquante du XIIIe siècle, les Arméniens obtiennent la restitution de places fortes pour prix de leur participation
°.
KIRAKOS DE GANDZAK, "Les Mongols", art. cit., p. 463-467 ; Grigor d'AKNER, "History", art. cit., chap. VII, p. 313-315; R.-W. THOMSON trad., "The historical compilation of Vardan Arewelc'i", art. cil.. • 90, p. 216; 5MBAT, Chronique, op. cit., p. 651.
360
s LE CONFLIT MlLrrAIRE
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
nimés d'un puissant esprit de vengeance à l'encontre des
.i
ctive361 • De nombreuses forteresses sont confiées à la garde des ~ontingents ciliciens, telles Bahasnâ,. ~ar'ash. ou encore Darbsâk362 • La Cilicie voit donc son terntOire considérablement agrandi. Faisant suite à une ph~se défensiv~, le roy~ume a, de manière spectaculaire, aug~ente ses. possessIOns terntoriales et, pour la première fOlS depuIs longtemps, participe victorieusement à une campagne contre les musulmans qui amène Hét'oum le, jusqu'à la Ville sainte, Jérusalem 363 . En outre, ces troupes chrétiennes participent avec joie à la libération de la Terre sainte et même, auparavant, à la chute du califat 'abbâside de Bagdad. Ainsi, en se {'laçant sous la protection mongole, Hét'oum le, permet à son Etat de survivre. Ce choix politique, très osé, apparaît après coup comme le plus judicieux, puisqu'est ajoutée aux domaines une vaste zone géographique, qui s'étend approximativement du nord de Bahasnâ et de Mar'ash à 'Ayntâb. Cette nécessité de l'alliance avec les Mongols s'impose à en juger par la vigueur avec laquelle les successeurs de Hét'oum le, maintiennent leur vassalité à l'égard de l'Il-Khanat. Ainsi l'attaque subie par la Cilicie de la part du sultan Baybars en 1275 est justifiée par la politique par trop promongole de Lewon 11364 . De même, au cours de leurs querelles, les fils de ce dernier recherchent constamment le soutien de Ghâzân pour justifier leur place sur le trône royal.
~éniens. Celui-ci a pour origine la prise de Bagdad. Les hrétiens étaient jusqu'alors restés circonspects devant l'avance la .c~ute de la m~tropole musulmane, ils exultent et prennent défimtIvement parti en faveur des Mongols. Dans les esprits des musulmans sont toujours présentes les images des quatre vingt dix à cent mille victimes. Or, parmi ces dernières, il n'y a théoriquement aucun chrétien, puisque Dokoûz Khâtoûn est intervenue en personne, afin d'assurer la sauvegarde de ses coreligionnaires. De plus, le rôle des contingents arméniens et géorgiens dans le désastre infligé à la ville et à ses habitants est loin d'être négligeable. La population musulmane n'a jamais pardonné les actes de barbarie dont les Arméniens se sont rendus coupables. Ainsi, à des raisons stratégico-militaires se superpose un aspect sentimental pour expliquer les attaques incessantes dont est victime le royaume de Cilicie. Les raids se font de plus en plus nombreux et de plus en plus vers le cœur du territoire. Le but est de faire mal au pays, c'est pourquoi la population est menée en esclavage, le~ champs sont brûlés. et les villes deviennent également la prOIe des flammes. SIS est incendiée à plusieurs reprises, de même que l'Ayas. En 1266, la capitale est incendiée, puis à nouveau en 1275, cette fois en compagnie du grand port marchand. De m~me,. en 1292, Hét'oum II est obligé, devant la menace, de se refugler dans les . montagnes; SIS est. mise a'fieu et'a sang365 .
~ongole. À
L'acharnement mamloûk Le royaume arménien de Cilicie est directement en contact avec la Syrie mamloûke. Il représente par là une cible privilégiée et, en tant que tel, est soumis aux attaques de son adversaire. Les Mamloûks et les musulmans, en général, sont
361 HAYTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre III, ehap. XVII, p. 166, f6?98, trad. C.I?ELUZ, p. 836. 363 Ib~ SHA,DDAD, Description, op. cif., passim. 364 Gngor d
AK!:'IER, "History", art. cit., ehap. XIII, p. 349. Ibn SHADDAD, Description, op. cit., p. 217. 172
Pour mener à bien leurs expéditions, les Mamloûks empruntent deux voies de passage. Nous pouvons .les déterminer au travers des différentes expéditions qUI nous sont rapportées366 • La première passe par Baghrâs et Darbsâk et remonte vers le nord à travers l'Amanus. Le passage par ce défilé est aisé, les forts qui le gardent sont sous l'autorité du 'l' '1299 qu'il faut Gestes des Chiprois, op. cit" § 579, p. 841 ,a annee , corriger en 1292.. ." MOUFADDAL, 366 Aboû I-FIDA, Autobiographie, op, Clt" p, 169, ALHistoire des sultans mamlouks, op. cit., fase. III, p, 92.
365
173
5 ARMéNIP.HS ET A(ml/i" CHRÉTIEN" fJ'()'U/lHT !'OH" l,A DOMINATION MONGOL"-
La cession et la perte de places fortes stratégiques lultan d'Égypte. Baghrâs est occupée par Baybars en 1268 m~me temps qu'Antioche. Quant à Darbsâk, sa reconq:;; remonte à 1266, à la /!uite de la terrible défaite arménienne de Mari, où l'un deH fils de Hét'oum JC' e/!t tué (.,-1 le second emmené en captivité. Une foi/! la chaine traversée, les troupe/! syro. égyptienne/! peuvent /!e déver/!er dans la plaine et y commett , . d'"invasIOn est 1a p1us communément re IcurH ravage". Cette vOIe utilisée par leI! Mamloûks pour mener à bien leurs raids. En peut cependant être as/!ociée à un second itinéraire lore d'offensiveH de plus grande envergure, comme en 1297, ~ù troupeH pénetrent par le défilé de Mari ~ui traverse l' Amanus tandiH que d'autre/! pasHent par Baghrâs 1(, • En 1305, par contre' leH deux routes choisies sont, d'une part, celle de Kalât al.Roû~ ct Malatya, donc tres au nord ct, d'autre part, celle qui passe par . . . d . Le'H troupes sc rejoIgnent 1e Dcrben· sur le Djayhân, l'ancien Pyrame. Ainsi elles prennent en tenaille la Cilicie et elles distendent seH IigneH de ~é!ense" pour, da~~ un second temps, effectuer une attaque conjointe. Cette dernJere a lieu contre les fo~re8seH 8Îtuées li proximité de Sis. Elles sont plus puissantes et Il faut donc la totalité des troupes présentes pour entreprendre a~ec quelques c?ances de succès, un siège. Quand il es; SImplement questIon de razzias, toutes ces mesures tactiques ne 8o~t. pa~ prises ct seule la voie d'accès la plus proche est PflVllé~lée, car elle permet une action plus rapide dans son exécutIOn ct Hon retraIt. En affaibli"sant d'aussi forte manière la Cilicie, les MamloOks comptent r~ndre la ~ituation plus difficile aux Mongols dans leurs. provinces oC~ldentales .et éviter ainsi une trop forte pressIon de ~es derniers en Syrie. En effet, le royaume arménien Joue un rôle Important dans le dispositif des II-Khans.
de:
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La situation annéni.enne devient de plus en plus précaire d'année en année: les dIfférente; souverains sont contraints de restituer les forteresses constituant leur système de défense reculant la frontière jusque sur la rive du Djayhân. • Dès 1268, Hét'o~m 1er , a,fin de ré~u~er son fils, rend Darbsâk., Ra'bân, Marzaban et Shlh al·Hadld . Le roi de Cilicie obtient de ne pas restituer Bahasnâ, trop importante pour les relations arméno-mongoles. En 1292, c'est Horomkla, siège du catholicos arménien, qui tombe (on l'appellera, en arabe, Kalât al-Roûm). La ville est prise après trente-trois jours de siège37o • La catastrophe est terrible, Stép'annos IV est enfermé à Damas, où il trouve la mort peu de temps après. Un an plus tard, Hét'oum Il est contraint, devant la menace d'une nouvelle expédition, de céder trois forteresses d'une importance capitale pour la protection de son royaume. La première est Bahasnâ, qui défend le défilé entre le Khôdja Dagh et le Kanli Dagh et qui, par sa position, menace Alep et la Syrie du Nord, tout en protégeant la Cilicie et le Roûm. Mar'ash est également laissée à l'occupation rnamloûke : cette place défend le défilé qui mène à Sis, entre l'Ashir Dagh et le Dourdoun Dagh. Enfin, Tell·Hamdoûn : cette dernière forteresse est, pour sa part, située sur les abords immédiats du Djayhân ; elle est l'ultime rempart de la capitale. La frontière annéno-mamloûke est donc repoussée ju~ue sur ce fleuve: il n'y a plus de défense pour protéger Sis ". Cette importante victoire stratégique est remportée sans combat par alAshraf Khalil qui occupe, peu de temps ~rès, la forteresse arménienne d'Alaya, ainsi que trois autres3 • La Cilicie a un
Abolll.PIDÂ, Annales, op. cit., p. 152. AL-DJAZAR1, Chronique, op. cil.. § 84, p. 15-16; AL-MOUfADDAL. Histoire des sultans mamloulcs, op. cit.. fase. Il, p. 552-554 ; HA YTHON. Table chronologique, op. cil., p. 489. 371 AL.DJAZARI, Chronique, op. cit.. § 147, p. 26; AL-MOUfADDAL, Histoire de.' .,u/tans mamloulcs, op. cil.. fase. Il, p. 557-558. m AL-DJAZAR1, Chronique, op. cit.. § 163, p. 29.
369 370
::92~~J6J/)Â, Autabiagraphie, op. cil., p. 169. Le 0 U:ADDAL. HI.ftolre de.' .ful/am mamlouk.Y, op. cil., fale.lII, p..
er end eat le pa••aac que protèaent à la foi. BaghrAl et Darb.4k. 174
175
5 LE CONFLIT MILITAIRE
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
genou à terre: toutes ses lignes de d~fense s.ont c?~quises, son tribut à l'égard du Caire est doublé, c est-à-dlre qu Il passe à un million de dirhams! Nous voyons que la trêve de dix ans conclue en 1285 n'est pas respectée; c'est vraiment une dislocation de l'entente arméno-mongole, puisque Lewon II, à cette occasion, concède d'énormes avantages au sultan, pour ne rien avoir en échange puisqu'il n'obtient même pas la paix. En 1297, ce sont à nouveau onze places qui sont perdues, à la suite du siège de Nadjîma. Celle-ci est située non loin de Hamoûs, ce qui tend à faire penser que les Arméniens, peut-être aidés des Mongols stationnés dans la région, ont récupéré certaines forteresses, notamment Tell-Hamdoûn. Cette dernière est d'ailleurs occupée par les troupes mamloûkes le 18 juin 1298. Outre l'écroulement militaire de la Cilicie, ce sont les frontières méridionales du Roûm et occidentale du Diyâr Bakr qui se trouvent dégarnies de leur première ligne de protection; ainsi, les attaques mamloûkes en territoire mongol sont plus aisées. Conséquence inverse, la frontière syrienne à l'ouest de l'Euphrate est à nouveau bien protégée dans ses limites septentrionales. En effet, il est difficile, pour un adversaire, de traverser cette zone où se dressent de nombreuses fortifications. Peut-être est-cc pour cette raison qu'al-Ashraf Khalîl démantèle ses défenses en Syrie même? Devant l'absence de réaction mongole face à ses importantes conquêtes et au coup très rude qu'elles portent dans le dispositif mongol de cette région, le sultan estime que la menace est durablement écartée373 • Toutes ces forteresses ont un rôle éminemment stratégique. Elles sont le principal enjeu lors des négociations de paix. En 1268, le roi arménien obtient, grâce à l'intervention en sa faveur des émirs syriens, de ne pas restituer Bahasnâ. Toutefois, chaque conclusion de trêve, hormis en 1285, se
traduit par des cessions territoriales de la part du royaume hrétien. En 1297, afin de demander au sultan de ne pas attaquer con État, Kostandin propose la restitution directe de places. La ~osition stratégique de celles-ci fait que des luttes acharnées se déroulent: ainsi Mar'ash est prise en 1293 par les Mamloûks, mais nous la retrouvons en 1297 dans la liste des forteresses que le roi d'Arménie doit céder. De même, si les troupes du sultan assiègent Nadjîma, cela signifie que Tell-Hamdoûn a pu être récupérée par les Arméniens. Il y a donc des luttes féroces et permanentes dans cette zone, que ne nous rapportent pas nos différentes sources. AI-Moufaddal nous laisse entrevoir cet état des choses en mentionnant la réoccupation rapide des places perdues en 1297 par les Arméniens. Ces derniers massacrent les contingents musulmans 374 • Il est très difficile de suivre l'évolution des possessions militaires de cette région. Entre 1293 et 1304, par exemple, Tell-HamdoCln change au moins trois fois de mains. Devant les énormes difficultés militaires rencontrées par leur vassal, les Mongols, en butte à des problèmes internes, brillent par leur absence.
L'Euphrate Après le Djayhân qui constitue la frontière cilicomamloûke, c'est un autre fleuve, l'Euphrate, qui représente les limites des États syrien et mongol. L'espionnage L'Euphrate représente la zone d.e contact en~~e les, deu~ puissances adverses. Par cette dernIère est faclhté 1 envoI d'espions, de part et d'autre du fleuve. ~es hommes so~t chargés d'amasser des informations, de désmformer ~t parfol~ même de commettre des assassinats. Pour les pénodes qUI précèdent le règne de Ghâzân, nous avons bon nombre de renseignements qui doivent être encore d'actualité à son
m
ID, Ibid, § 155, p. 28; AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamloulu, op. cil.• fase. Il, p. 560-561.
176
374
ID, ibid, fase. Il, p. 603. 177
s ARMÉNIIlNS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
""'" uem . Les Mamloûks s'appuient sur un réseau déjà ancien '''l'...q Le . ,
bien structuré, qui remonte à Ba~bars.. tissu nécessaire à l'espionnage est représen~, ~our 1 e.ss.entlel, ~ar la, ~op~lation locale: celle-ci, par motivatIon religIeuse, al?c 1. EmpIre de l'Islam. II Y a bien sûr d'autres moyens pour et~e mformé: le plus aisé est de questionner les mar<;,hands qUI ~ravers~nt la frontière avec leurs caravanes. II y a meme des espIOns qUI sont découverts dans l'entourage du roi d'Arménie. Signc que cette infiltration est toujours vivace, le sultan Mouhammad al-Nâsir se vante, dans la lettre qu'il adresse à Ghâzân, de posséder, parmi les plus proches courtisans du Khan, des espions qui le renseignent sur ses faits et gestes376 • II nous apparaît néanmoins surprenant que le sultan pavoise au sujet de l'existence d'un tel réseau aussi bien placé, s'il a jamais existé. En effet, si ce qu'il dit est vrai, par ses révélations, il perd son informateur et tous les avantages dont il tire parti. Si nous prenons cet aspect, il faut alors se fier à la version d'Al-Nouwayrî qui ne mentionne pas ce passage dans la lettre qu'il nous a transmise. En effet, nous ne voyons pas quel intérêt peut bien avoir al-Nâsir à divulguer ainsi la présence d'espions. Peut-être le sultan essaye-t-il de déstabiliser Ghâzân et son gouvernement en instaurant un climat de suspicion au sein de la cour mongole? Même si cette version d'al-Moufaddal peut être remise en cause, elle révèle, en échange, le très fort réseau d'espionnage mamloûk en terre mongole.
ln R. AMITAI-PRESS, Mongol,y and Mameluks, op. cit" p. 139-155. Voir aussi l'article de Reuven AMITAI, "Mamhik Espionage among Mongols and Franks", Aslon and Afr/can Studle,l' 22, 1988, p, 173-181, que nous n'avons ru consulter. 76 AL-MOUFADDAL, Histoire des sullans mamlouks, op. cit,. fasc, III, p.67. Dans la lettre que nous rapporte AL-NOUWA YRI,-cité par M, D'OHSSON, Hi.Ylolre des Mongo/~', op. cil., t. IV, p, 295-309-, il n'y a pas un tel passage.
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LI! CONFUT MlurAlaf.
Nous. avons ~rès peu de renseignements ayant trait au système d'JOfo~atl~n mon~ol en territoire mamloûk. Peut-être que, en éta?~ m~JOs mu;nse, Il est a~ssi plus efficace? C'est une vieille tra?I~IO~ ms~~ree par GengIs Khan et qui a, depuis Ion, toujours ete tres prisee par ses successeurs. De son côté il est possible que Ghâzân s'appuie sur des sujets persans, ou 'même mongols, infiltrés. Cela semble toutefois peu probable car le réseau de relations nécessaire à toute entreprise de renseignement nous apparaît comme difficile à établir. Les Mongols restent les tombeurs de Bagdad, le fléau de Dieu. La conversion de Ghâzân la~sse tro~ sceptique, elle ne permet pas de pens~r. que les populatJO~s synennes et égyptiennes acceptent de partIcIper et de soutemr un quelconque tissu relationnel. NouS pouvons donc, à titre de simple hypothèse, supposer que la base du réseau mongol est établie à partir des communautés chrétiennes orientales. En effet, tant les nestoriens que les jacobites comptent des fidèles de part et d'autre de la frontière et sont, qui plus est, arabophones. Ces relations peuvent être très anciennes et remonter, pourquoi pas, à Hoûlâgoû, Il-Khan très favorable aux chrétiens. Si tel est le cas, les exactions religieuses du début du règne de Ghâzân ont ralenti l'activité, et la méfiance est apparue. À quoi bon soutenir un souverain musulman moins tolérant que leur maître actuel? En effet, avant ces événements, nous pouvons estimer que, dans l'esprit des chrétiens résidant en Syrie, une domination mongole où toutes les religions sont égales vaut mieux qu'un statut de dhimmi sous autorité mamloûke. Ce sentiment semble encore valable sous Ghâzân, et ce, malgré sa conversion. Le Khan donne à nouveau toutes les garanties de tolérance, au moins plus que ce que les sultans du Caire proposent. De plus, les différentes communautés attendent en retour une générosité accrue du souverain, en remerciement du soutien chrétien. Redisons que tout ceci n'est qu'une supposition, mais c'est peut-être une voie à explorer et qui peut apparaître comme tout à fait normale, par analogie avec le réseau mamloük, qui s'appuie sur des musulmans.
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b Le CONFLIT MILITAIRI!
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
L'activité d'espionnage de Gh~ân est attestée par un fait que nouS rapporte al_Djazarî377 • A D~mas, ~es marchands persans sont pris à parti~ par la population qUI les accuse de collecter des informatiOns. Cette anecdote r~vèle donc l'existence de ces pratiques par le Khan, car ce n est p~s par simple phobie que les habitants agressent ce.s marchands, Il doit y avoir des antécédents. Les Mongols emplOl~nt donc les mêmes méthodes de renseignement que leurs adversaires. Le renforcement des positions C'est par l'Euphrate que, de part et ~'autre, sont lancées les troupes chargées de l'invasion ou du pillage. Cette zone de contact est également une zone de combat. La gestion militaire de cette frontière par les différents sultans mamloûks varie du tout au tout. Kalawoûn, en 1283, décide de renforcer sa frontière syrienne orientale et s'attache donc à la rénovation des forteresses 378 • De plus, afin d'assurer la sécurité de cette région, est instaurée une démonstration militaire annuelle le long de l'Euphrate. Celle-ci est toujours d'actualité au temps d'al-Nâsir et de Ghâzân, puisqu'elle fait Rartie des recommandations du kâdî de Mossoul, Ziya al-din 79. Nous pouvons, sans grand risque d'erreur, supposer que ces forteresses auraient été d'une toute première importance en 1299, lors de l'avance de Ghâzân. Elles l'auraient été, car le fils et successeur de Kalawoûn, alAshraf Khalil, démantèle, quelques années plus tard, son réseau de places fortes, tant en Syrie qu'en Égypte, comme nous l'avons vu. D'un autre côté, certaines sont restaurées, notamment les citadelles d'Alep et de Damas38o , mais non pas
AL-DJAZARi, Chronique, op. cir., § 50S, p. 82-83. M. CANARD, ''Traité'', art. cU., p. 246. 179 AL-MOUF ADDA L, Histoire des sultans mamloulGs, op. cit., fase. Ill, p. 49 ; AL-NOUWA YRÎ, eité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 293-294. 380 AL-DJAZARî, Chronique; op. cit., § 52, p. 10 et § 54, p. Il. 177 378
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les enceintes. Au cours de sa campagne, Ghâzân ne prend d'assaut aucune de ces deux villes. La situation du Khan est toute différente, la rive gauche de l'Euphrate est ~ép~urvue de fortific~tions. Elles ne sont plus que des ruines, aneantles par la conquete de 1258-1260 et jamais reconstruites. Le seul moyen, pour Ghâzân, d'affirmer ses droits dans ces régions e~t ,de, renforc~r la présence militaire mongole. En effet, son autonte n est pas Incontestée. Aussi envoie-t-il des troupes dans ces différentes provinces, afin d'assurer un meilleur contrôle et une protection plus efficace contre les incursions syriennes. Ghâzân et son ministre, Rashid al-Din, rétablissent donc le système de / 'iktâ' : ils décident de concéder des terres aux soldats, qui ont ainsi pour devoir de les gérer, tout en continuant à remplir leurs obligations au sein de "arméeJ81 • Il s'agit d'une réforme à la fois administrative et militaire qui a des conséquences politiques, par une plus grande affirmation de la souveraineté mongole. Quant aux répercussions sur la population, la présence de corps de troupes plus nombreux assure une protection plus efficace des régions frontalières de la Syrie, peut-être même que la concentration armée dans le Rofun et le Diyâr Bakr a pour but, autant que possible, de dissuader les Mamloûks de porter leurs offensives sur la Cilicie. En effet, le temps de réaction est plus court de la part des Mongols, les auteurs d'un raid éventuel pouvant alors se retrouver face à un détachement mongol venu prêter assistance au vassal arménien. Les escarmouches Contrairement à la guerre permanente qui oppose Mamloûks et Arméniens, c'est un conflit larvé qui met aux prises Ghâzân et les différents sultans du Caire qui se succèdent. Ainsi, en 1299, Mouhammad al-Nâsir apporte son soutien à Soulâmîsh dans sa révolte. Il espère bien, par là, déstabiliser le pouvoir de Ghâzân. De même, les Karâmânides reconnaissent la 181
C. CAHEN, art. "lktâ''', El, t.lll, p. 1116. 181
D LE CONFLIT MILITAIRE
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
SoulàmÎsh382 • Abandonné par ses troupes suzerame e . d fu' énéral se retrouve contraint e Ir en Syrie mongo1es, 1e g n' il se replie par 1a C'I" 1 ICle, en passant par lta d è aupr s u su , ,. . ' L troupes arméniennes n interviennent pas pour Bahasna. es . 1 S ' lUI' fiourmt . des AI-Nâsir l'accueil e en yne, révolté attaquer 1e · . '11 ulâmÎsh repart de Damas avec qUinze ml e hommes so Id ats. S0 ., , . 1 h' d t e syriens383 • Son armée reconstltuee, meme SI e c Iffre d: :~~:Ze mille - repris par al-Moufaddal - semble fantaisiste, de lancer son attaque Sou làml'sh repasse par la Cilicie avant . d'A é' , 'm Une fois encore « le roi rm me .n osa pas le Rou 1 dans e · . 384 terdire parce qu'il n'en avait pas le pouvOIr» . Nous 1UI..m , '1' . d ' ' ns là un signe de la faiblesse ml ltalre u royaume armemen : avoeffet le souverain de Sis n'a pas 1es moyens d'"Intervemr en , ' est d' envergure. etait contre cette révolte, même si cel l e-ci
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contredit les sources arméniennes qui n'ont de ~es~e de magnifier la puissance royale, notamment lors de la VictOire de 1299. Comment se fait-il, alors, que Hét'oum II ne cherche pas à s'interposer? Est-ce parce que ses troupes sont trop peu nombreuses pour rendre un succès trop hypothétique ? Po~rtant, son armée est mobilisée, puisqu'une campagne est prevue à cette époque. Est-ce plutôt alors pour économiser sa capacité militaire? Après tout, il s'agit d'une affaire intérieure au khanat, et les Arméniens n'ont pas à s'en occuper, d'autant plus que leur appareil militaire est déjà bien suffisamment mis à contribution par les Mamloûks. La vérité est à mi-chemin entre les deux: la Cilicie, même si elle a les troupes, ne peut pas se permettre de les engager dans un combat rude, à la victoire incertaine, où bon nombre de ses soldats risquent de périr. Toutes les forces sont bandées contre les Mamloûks et, même si la présence de soldats syriens peut justifier une intervention, il s'agit d'un problème que Ghâzân doit régler lui-même; d'ailleurs, il n'a donné 382
aucune recommandation à Hét'oum II. Le 27 avril 1299, la révolte est écrasée dan~ le sang. Soulâmîsh se replie vers la syrie en passa~t, une fOIS de plu~, par le «;ritoire cilicien. Cette fois l'adversaire est largement a la portee des Arméniens qui a~uent les débris de l'armée révoltée. SoulâmÎsh est livré au Khan par le roi d'Arménie. Ainsi, l'espoir du sultan de voir Ghâzân déstabilisé et, par conséquent, s'éloigner le danger qui plane sur la Syrie, est, finalement, déçu. Au contraire, le souverain mongol est très mécontent de l'aide apportée par Mouhammad al-Nâsir aux révoltés, et il prépare une expédition , '11es385 . de represal Cette même année, un raid de pillage est mené par des troupes syriennes dans la région de Mârdîn. Officiellement, c'est cette attaque qui suscite véritablement le COUITOUX de Ghâzân. , ce qu "1 " ' C'est du mOins 1 ecnt au su1tan386 . Il c..aut certamement replacer ce raid dans le cadre de la révolte de Soulâmîsh. En effet, par une razzia dans le Diyâr Bakr, Ghâzân se trouve avec deux foyers d'agitation sur ses frontières occidentales. Ainsi nous pouvons recouper les raisons officielles de l'attaque du Khan contre la Syrie: si l'aide mamloûke à Soulâmîsh et l'attaque syrienne sur Mârdîn sont liées, il s'agit pour Ghâzân d'ordonner des représailles contre al-Nâsir. Il mentionne Mârdîn dans sa lettre, afin de se placer en position d'agressé et non d'agresseur; au contraire, il passe sous silence l'épisode de Soulâmîsh afin de ne pas montrer par un écrit, qui est un support qui reste, qu'il doit affronter des révoltes internes, marques d'une certaine faiblesse, qui d'ailleurs ne lui permettent pas de se replacer comme agressé. Pourtant, de son côté aussi, Ghâzân prend des initiatives. Ces dernières n'ont souvent pas l'ampleur souhaitée par le
AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fasc. Il,
f..83623 . ID., p. 627.
Gestes des Chiprois, op. cit., § 598, p. 845. AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamloulcs, op. cit., fasc. m, p.43 ; AL-NOUWAYRÎ, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 288.
l8S
386
3114 Gestes des Chiprois, op. cit, , § 596, p. 845 : « Le roy d'Ennenie ne l'oza contredire, pour ce qu'il n'en avoit le poier».
182
183
s ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
. . ar exemple la révolte de Soulâmîsh annule une souveraiO. p . ' 't' franco-mongole en passe de réussir. A Beyrouth, un coopera iOn d' é 1 t 387 À débarquement franc échoue, Ispers ~ar es ven s . l'origine, l'action est coordonn~e ad~ebc 1 attaque terrestrd~ de Ghâzân. Il est question, là, d'un reel e arquement, et n.on une . 1 ttaque maritime contre un port. Trente navires sont simp e a ., t t h · és chacun ayant à son bord de SIX a sep cen sommes. Ce a1Ign t, donc pas moins de dix hUit . ml'11 e so Id at s qUi.s, appretent " on ne s . S· SI" "h à débarquer quand leurs navires chaVirent. 1 ou amis ne se révolte pas, nous pouvons imaginer face à quel danger le sultanat mamloûk se serait trouvé. En son .temps, Baybars est parfaitement conscient de ce danger et Klrtay al-Kha~nad~rî nous rapporte pour l'an~ée 1271-1272 que. [Baybars] est mq~let pour lui-même, pour l'Egypte, pour la Syne et pour. ses a~ees. Il se dit que si les Francs l'attaquent par Alexandne, Damiette ou Acre il doit craindre que les Mongols ne veuillent l'attaquer par l'e;t. Sa position doit être de négocier avec les deux .
parties.
388
Il ne semble pas cependant que cette offensive, avortée à la suite de la révolte de Soulâmîsh, soit la première tentative de Ghâzân; en effet, en 1298, une attaque est lancée contre la Syrie. Seul al-Djazarî nous en parle: il mentionne la mobilisation générale des troupes de Damas, et même des mamloûks royaux, afin de faire face à la menace mongole 389 . Celle-ci est écartée, en raison de la foudre qui s'est abattue sur l'armée de Ghâzân. Selon cet historien, son « dessein avait été d'attaquer la Syrie ». Lors de ces deux tentatives avortées, l'une à cause des intempéries, l'autre à cause de Soulâmîsh, il est plus que probable que les contingents arméniens sont convoqués, puisqu'il est question d'invasion et non de raid. Or, si les l87 AL-DJAZARî, Chronique, op. cit., § 509, p. 83 ; AL-MOUFADDAL, Histoire des su/tans mam/ouks, op. cit., fasc. Il, p. 628-629. l88 R. AMlTAI-PRESS, Mongols and Mameluks, op. cit., p. 102. l89 AL-DJAZARI, Chronique, op. cit., § 482, p. 75.
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troupes arméniennes sont mobilisées, cela signifie que toute la force armée de Hét'oum II est sur le pied de guerre. Le fait "1 1" "h qu 1 ne puisse s ,opposer a'S ou . amis quand ce dernier traverse son 1 territoire r~m~t a ors vlg~ureUsem~?t en cause les capacités militaires am SI que les quahtés guemeres des Arméniens.
Les auxiliaires chrétiens Les avantages pour les chrétiens Pour les chrétiens, tout au moins ceux qui ont réussi à préserver une certaine indépendance, l'alliance militaire avec les Mongols de Perse apporte certains avantages. En cela, il faut tout de même nettement distinguer la Cilicie de la Géorgie: cette dernière voit ses avantages réduits à une peau de chagrin nous y reviendrons. ' L'intérêt de l'alliance mongole est surtout visible pour la Cilicie. Elle est entrée dans la vassalité sous Hét'oum le" qui envoie, dans un premier temps, son frère, le connétable Sembat, à la cour de Güyük (1246-1248). Le prince arménien nous a laissé une lettre, écrite à Samarkand, datée du 7 février 1248 et adressée au roi Henri le, de Chypre, dans laquelle nous pouvons lire différents aSRects de la situation en Perse quelque trente ans après l'invasion 90. Puis Hét'oum va lui-même auprès du Grand Khan Mongke, afin de faire en personne acte de soumission. Par un très grand sens politique, le roi de Cilicie a réalisé tous les avantages qu'il peut retirer d'un tel acte, notamment sur le plan militaire. De toutes les façons, le choix est simple pour le royaume arménien: la soumission ou la mort. Hét'oum le, n'est pas en mesure de résister à la moindre agression mongole. Il a obtenu la sécurité: désormais sous l'autorité d'un même maître, le souverain chrétien n'a plus à craindre les attaques venues d'Asie Mineure sur la frontière nord de son territoire. En effet, les Saldjoûkides de Roûm, depuis leur défaite au Kose Dagh, 390 J.
RICHARD, "Lettre du connétable 5mbat", art. cit., p. 683-696. 185
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
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'rons de Sébaste, en 1243, sont soumis à la dans 1es envl , . gole Le dernier affrontement remonte a 1246, le . .' d PUissance mon venger des bt ' t de Bâtoû l'autorisatIOn e se sultan, . Olen . ne l'ont pas soutenu dans sa 1utte contre les Armeniens qUi . , tenus des confins de l'A' sie. Des contmgents conqueran s v , '1" . 391 L S Id' 'k'd '1' . t meAme participe a InvaSIOn . 392 es a JOU 1 es CI lClens on . k 1 . 1 ne semble 'autorité du Khan de Klptcha l us d sont onc so . les différents gouverneurs mongols SOient pas . que " C '1 fu 1" ement hostiles aux Armeniens. ertes, 1 s re sent à 1err prises leur aide à la CI'1"ICle 1ors des conlfontatlOns &: • partlcu · p1uSleurs e . ., d It M'Ad ' Mamloûks. Outre l'anlmoslte u su an a sou, c est avec 1es 1 . t l' . t le représentant du pouvoir mongo , qUi a oute autonté, surtou . f: d br' . qui décide de ne pas intervenir. en aveur u royaume c etlen. Peut-rre e par absence de consignes de la, part ., des Il-Khans? ,. . qu'il en soit la frontière nord est securisee car, meme SI QUOI , d tensions existent, il est impossl'ble au su1tan saId'~oûk'd 1e d~Sttaquer la Cilicie. Cette dernière peut donc libérer des troupes da:s l'affrontement qui l'oppose aux ~amloûks. D~ ~ême, face aux Kârâmânides, les Arméniens dOivent recounr a la force armée, pour calmer les velléités 0rfensiv.es des Tu~c?man~. ~a menace est éteinte pour un temps a la sUite de la severe defalte que lui inflige Hét'oum 1er vers 126239~. Cep~ndant, s~us Ghâzân ceux-ci se font de nouveau agreSSifs, mais leur action est limi~ée par l'autorité mongole. Pourtant, en 1293, Madj al394 A dîn ibn-Kârâmân et ses troupes prennent Alaya . u tournant du XIIIe siècle, nous ne pouvons plus parler de sécurité militaire assurée par les Mongols. Les avantages les plus visibles et les plus importants pour la Cilicie se situent sur le front syrien. Les Arméniens, l~rs de la conquête, récupèrent de nombreuses places fortes, assorties KIRAKOS DE GANDZAK, "Les Mongols", art, cit., p. 484-485 ; Grigor d'AKNER, "History", art. cit., chap. VI, p. 309-311. 392 C. CAHEN, Turquie, op. cit., p. 232. 393 C. MUT AFIAN, Cilicie, op. cit., p. 436. 394 AL-DJAZARÎ, Chronique, op. cit., § 163, p. 29.
de leurs territoires. À plusieurs reprises, ils bénéficient d'important gains, territo~iaux, qu'ils perdent puis reprennent ... C'est ainsi ,~ue, a. la sUite d~ l'offensive du sultan Lâdjîn, en 1298, ils reInvestlsse~t ce~aInes. forteresses 395 . Nous pouvons supposer que cette actIOn s est faite avec un soutien militaire de la part des Mongols. En effet, il paraît peu probable que le roi d'Arménie dispose de la puissance suffisante pour réoccuper des places qu'il a ~erd~es face à ses adversaires. Pourtant, sous Ghâzân, cette sl~.at.lOn change: l'~ffaiblissement politique et militaire de la CiliCie et la conversIOn du Khan à l'islam font que le royaume chrétien ne récupère que très peu des positions qui lui ont été confiées quelques années auparavant. Après la victoire de Ghâzân sur Mouhammad al-Nâsir, nous voyons le découpage effectué par le Khan en Syrie396 : celle-ci est divisée en trois provinces. Le partage de ce territoire correspond aux gouvernorats confiés aux émirs transfuges, Kiptchak et Baktimour. De fait, les places fortes du nord de la Syrie, de même que celles de Cilicie, ne sont pas rendues au souverain arménien. Ce dernier retire des avantages territoriaux dérisoires, _ Tell-Hamdoûn -, voire nuls, pour prix de sa participation à l'expédition militaire. Son royaume ne s'est pas considérablement agrandi comme cela a été le cas sous son grand-père. Peut-être Ghâzân ne considère-t-il plus les Arméniens comme suffisamment aptes à défendre ces points stratégiques? En effet, les Mamloûks ont porté des coups terribles à la Cilicie, réduisant sensiblement les capacités militaires du royaume. Les Arméniens se sont montrés incapables de conserver ces places d'une importance capitale. Vainqueur, Ghâzân sait qu'il lui est interdit de les perdre à nouveau, s'il veut inscrire son action dans la durée. À la décharge des soldats arméniens, il faut reconnaître que leur tâche est rendue pratiquement impossible par les Mongols,
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AL-MOUF ADDAL, Histoire des sultans mamloulcs. op. cit., fase. Il,
~. 603. 96 WASSÂF, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cil.. t.IV, p.256.
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s LE CONFLIT MILITAIRE
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
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. derniers se désintéressent plus ou moins des affaires pUisque"ces n et en tout cas, n "env01ent pas de renforts pour de la reglo , br' . D' . 1 arde confiée au vassal c etlen. un autre côté ces soutenir a g i . .' forteresses sont situées, pour la p upart, e~ terntOlre à . t' n confessionnelle musulmane. Peut-etre sont-eUes domma ., 10 d s mains arméniennes pour des consl'd"eratlOns d'ordre retlrees e t ' ,. politique? Le Khan laisse le gouvernemen a un emlr syrien, dans la zone directement en contact avec le royaume kt 'mour Ba l, l' . f: . arménien397. Ghâzân escompte pa.r a mieux aire accepter la d mination mongole. Les Armémens sont donc exclus de la s~atégie militaire et ce, ~u'ils le désirent. ou non. Nous po~v~ns pposer que, à la sUIte de la trahIson des deux emlrs, ~ét'oum II s'est empressé de réinvestir ces forteresses, aidé en cela par la proximité géographique et aussi par le fait que le départ de Kiptchak et de Baktimour ne sous-entend pas celui des contingents mongols stationnés dans ces places et chargés d'en assurer la garde. Les sources sont muettes sur ce point et il serait intéressant d'avoir la confirmation de cette hypothèse, même si, de toutes manières, le repli arménien s'est effectué assez vite. La réoccupation mamloûke n'a pas dû être immédiate, mais a pu se réaliser progressivement en remontant du sud, par Damas, vers le nord. La résistance doit être farouche dans la région d'Alep et il n'est pas dit que la totalité des forteresses soient réoccupées instantanément; en effet, al-Nâsir ne reprend Tell-Hamdoûn qu'en 1304. Les Mongols, de leur côté, tirent un avantage certain de la situation de leur vassal arménien. Ce dernier leur permet, en effet, d'entretenir des relations diplomatiques avec l'Occident. Or, nous avons vu précédemment l'attachement porté par Ghâzân à ces échanges. Les ambassades transitent par le grand port de l'Ayas; de même, c'est à partir de celui-ci que s'effectue une grande partie du trafic commercial, avec les produits venus AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fase. II, p.654.
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de Chine par la route de la soie. Il s'agit donc d'un nœud' 1 . d' 1 . a a fois économique et Ip omatlque. La Cilicie en tire donc d , L 1" es intérêts reels. es lalso~s avec l '~urope ne doivent pas s'interrompre et le Khan d01t, par consequent, ménager son allié dans un premier temps, lors des persécutions religieuses puis l ' '1 ' ,e protéger. L.'Ayas es t ~ccu~ee ~ uSle~rs fois par les Mamloûks qui font sUIvre leur ~nse d un mcendle de la ville. Aussi, après le désastre de Mard] al-Souffar, en 1303, Ghâzân accorde-t-il mille cavaliers au roi d'Arménie, afin d'assurer la protection de son royaume 398 • Le but du souverain, outre la défense de son vassal toujours fidèle, est de maintenir ouverte cette voie de liaison avec l'Occident, dans la perspective d'une alliance qu'il projette de mener à bien. Le rôle stratégique de l'Ayas n'est que faiblement concurrencé par celui de Trébizonde, l'autre grand port. Cette voie est empruntée le plus souvent par les marchands italiens, génois et vénitiens pour la plupart, à travers leurs comptoirs de Crimée et de la mer Noire. Le trajet est plus long et plus difficile par cette route, c'est pourquoi l'Ayas lui est préféré. Pour sa part, la Géorgie, plus turbulente, ne bénéficie pas des marques d'attention que son rôle stratégique pourrait lui faire espérer. Ceci relève tout d'abord des données historiques: le royaume géorgien est considéré par les Mongols comme un territoire de conquête; d'ailleurs, un gouverneur est nommé pour représenter le pouvoir de Tabrîz. Cette guerre n'est pas achevée par la soumission de la reine Roussoudane, mais il n'en reste pas moins que l'incorporation à l'empire a déjà débuté. La situation est donc, dès l'origine, différente de celle de la Cilicie: cette dernière s'est soumise avant qu'il ne soit trop tard, c'est à dire avant qu'elle ne soit attaquée. La situation des Géorgiens est très dure: levées de troupes, fortes impositions. De plus, les révoltes des différents rois ou seigneurs, notamment arméniens, font que le pouvoir HAYTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre III, ehap. XLIII, p. 204, p. 324, trad. C. DELUZ, p. 854.
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ainsi qu'Arghoûn méfie de son « allié». C'est 399 1 mongo semise à mort de Dlmltn . . . II, en 1289 . L' 11-Khan n'est .. , "1' ordonne la 'ncu de sa culpablhte, malS 1 s assure de son pas conval . ' . ce en l'exécutant: la victIme ne rIsque plus de participer Gh mnocen d , elconque révolte. Il en va e meme sous azan : les a une qu . , 1 différentes révoltes de David VIII attIrerent sur s?n peup e une tion de plus en plus dure de la part des maltres mongols, d" A" occupa . ne peuvent se permettre de per re cette regIOn. mSI, de qUI , fi d' l" , plus en plus de troupes sont envoyees, a .m assurer a securIte du royaume. Leur passage provoque Immanquablement des déprédations, de même ~u'une nouvelle charge pour la population, qui doit entre!em~ ce~ ho~es et leurs montures. La Géorgie n'a rien de partlcu.her ,a e~pere~ comm~ avant~ge,. car elle se trouve loin du terram d actIOn ou les gams temtonaux sont susceptibles d'être opérés: la Syrie. En effet, I.e royaume se trouve à la frontière des khanats de Perse et de Klptchak, deux adversaires de puissance équivalente et dont il est impossible, pour l'un comme pour l'autre, d,e c?mpter ~t;acher le ~oindre espace sans un contrôle sur les defiles controles par la pUIssance géorgienne. Ghâzân, tout comme ses prédécesseurs, se sert comme d'un rempart de ces puissantes montagnes. Bien qu'éloignés du théâtre des opérations militaires qui ont lieu en Syrie, les différents rois sont contraints de participer à toutes les campagnes militaires mongoles, mais sans aucune contrepartie, si ce n'est le droit de vivre. Nous le voyons, les avantages retirés par les chrétiens orientaux sont minces. Ceux de / 'u/us sont sujets mongols et, en tant que tels, ont le même statut que tout autre habitant de la Perse mongole. Quant aux deux principaux alliés chrétiens, leur situation se dégrade peu à peu. Elle n'a jamais été vraiment bonne pour la Géorgie, mais la Cilicie doit, pour sa part, se rattacher à ce suzerain mongol, son seul véritable soutien, pour résister à la pression mamloûke, ce qui explique ses sacrifices, au nom de cette alliance. A
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Les devoirs militaires
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M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 404, p. 606. 190
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La situ~tion gé~graphi~ue des deux royaumes chrétiens crée des devoIrs, supple~entalres pour ces derniers. De leur côté, les communautes c~rétIenn~s du khanat sont astreintes, comme toute autre, au ser:lce arme. « Les habitants de l'Arménie sont appelés de noms dIvers, selon la région qu'ils habitent. Ce sont de bons guerriers, à cheval ou à pied. Ils chevauchent et s'habillent comme les Tartares, car ils ont longtemps été sous leur domination »400. Il est question, ici, des Arméniens de Grande Arménie, mais il n'y a aucune raison pour que les autres communautés fassent exception. Or, le statut de dhimmi interdit de porter les armes, selon la loi musulmane. Outre l'envoi de troupes, les Ciliciens et les Géorgiens ont également la responsabilité de ~éfendre certains espaces géographiques sensibles des domames de Ghâzân. Les défilés proches du royaume armemen sont des points stratégiques, tout à la fois militaires, politiques et économiques. Sur le plan militaire tout d'abord: face aux attaques mamloûkes, la Cilicie sert d' « État tampon», pour reprendre un terme anachronique. Elle a pour fonction, même si celle-ci n'est pas explicitement définie, de protéger l'Asie Mineure sous domination mongole, c'est à dire le territoire du Roûm. Sous Abaka, le sultan Baybars, lors de sa dernière expédition militaire, a conquis cette zone pour peu de temps. Les c~rétiens n'ont pu résister à l'offensive des troupes mamloûkes. A Elbistan, l'armée mongolo-arméno-géorgienne est décimée, le 15 avril 1277 ; de nombreux soldats chrétiens ont trouvé la mort sur le champ de bataille. Sur trois mille Géorgiens, seuls mille auraient survécu; de leur côté, cinq mille
HAYTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre l, chap.IX, p.128, p. 268, trad. C. DELUZ, p. 814. « La gent qui habitent en la terre d'Errnenie sont nomées par divers nons, selonc les contrées où il habitent, e sunt à cheval e à pié bones genz d'armes. De chevaus e de vestures sivent la manière des Tartars, car long temps ont esté desouz luer seignorie ».
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Mongols auraient péri 401 . Nous voyons .do.nc que des contingents 't' s sont stationnés dans des temtOlres mongols afin d'en chre len . "1 r la protection ou, tout du moms, qu 1 s sont appelés en assure 'd tt . renfort des troupes cantonnees ans. ce e provmce. Cette . asion est rendue possible par la trahison du gouverneur du IllV ' est mis . a, mort par Roûm le Pervâneh Mou'în al- d'm. C e d emler Abak~ quand le souverain réalise Qu'aucun des hommes sous " 1 d' , ,·401 l'autorité de Mou III a - III n a pen Ainsi il incombe aux vassaux chrétiens d'assurer la sécurité de la marche nord-occidentale de /'u/us de Ghâzân. C'est ce qui se passe lors de la révolte de Soulâmîsh : ce dernier, afin de rallier la Syrie, doit traverser le royaume d'Arménie, ce qu'il fait à l'aller. En voulant passer une seconde fois, il est vaincu par des troupes arméno-mongoles, à la grande joie du Khan qui voit arriver l'homme, chargé de fers. La Géorgie, quant à elle, contrôle un autre axe d'une importance capitale: les passages du Caucase. Par sa surveillance, elle protège les Mongols de Perse contre toute tentative d'attaque de la part des Mongols de Kiptchak. La passe de Darband, notamment, a une éminente valeur stratégique et il revient au roi de Géorgie d'en assurer la protection. Ces troupes chrétiennes sont accompagnées de contingents du Khan, d'une part en raison de l'importance de ce passage et de la menace que fait planer l'u/us de Tokto'a et, d'autre part, du fait du statut de la Géorgie. Cette dernière est en partie militairement conquise et des troupes mongoles s'y trouvent stationnées, conformément aux accords conclus avec la reine Roussoudane403. À ce service de gardefrontière s'ajoute bien évidemment l'envoi de contingents militaires pour soutenir le Khan dans ses expéditions. C'est dans E.-A. WALLIS BUDGE trad., The Chronography of Gregory Abû '1 Faraj, op. cit., p. 457. 402 M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 391, p. 588; E.-A. WALLIS BUDGE trad., The Chronography of Gregory Abû '1 Faraj, op. cit., p.456458 ; C. CAHEN, Turquie, op. cit., p. 265. 403 K. SALlA, Géorgie, op. cit., p. 224-225.
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ce but qu'Arghoûn Âkâ reçoit pour charge le recensement des territoires mongols de Perse. En 1243, il est désigné comme commissaire civil pour l'Iran; en 1254, Mongke lui confie l'évaluation des capacités des différentes provinces404 . Il doit donc déterminer, outre le taux d'imposition, le niveau de mobilisation de troupes da~s to~tes les parties du khanat, ainsi que la solde. Selon ses estimatIOns, la Géorgie doit fournir un soldat pour dix personnes travaillant de bonnes terres ; au total ce sont neuf toûmans, soit quatre-vingt-dix mille hommes, qui sont exigés du royaume chrétien pour la participation aux offensives militaires. Ce taux d'un dixième correspond à celui appliqué dans l'empire, aux sujets du Khan. Stép'annos Orbêlian nous apgrend que les Etats d'Abaka renferment quinze millions d'âmes 5: si nous comptons que chaque famille est composée d'au moins quatre membres, et si nous appliquons le taux de un dixième, nous obtenons une armée de trois cents à quatre cents mille hommes sous Ghâzân. Il semble alors peu vraisemblable que la Géorgie aligne quatre-vingt-dix mille combattants, ou alors, c'est que le taux de mobilisation est très supérieur à celui appliqué dans le khanat même. Ce nombre de quatre-vingt-dix mille reste d'ailleurs théorique, puisqu'un toûman représente un nombre idéal de dix mille, mais qui n'est pas systématique. À l'époque de Ghâzân, quarante ans se sont écoulés depuis le recensement, la Géorgie est constamment restée sur le pied de guerre, son territoire s'est appauvri et sa population a dû baisser dans de fortes proportions. Les Géorgiens sont toujours convoqués avant chaque expédition contre les Mamloûks, de même dans les affrontements qui opposent la Perse au Kiptchak. Cependant, certains de ces contingents sont affectés à la défense des défilés du nord, associés aux troupes mongoles. En effet, en 1299, Ghâzân envoie dans chaque zone sensible de son territoire KIRAKOS DE GANDZAK, "Les Mongols", art. cit., p.461 ; Grigor d'AKNER, "History", art. cit., chap. X, p. 325 ; M.-F. BROSSET, Histoire, ~. cil., § 364, p. 550. l M.-F. BROSSET éd., Histoire de la Siounie par Stéphanos Orbélian. op. cil., p. 234-235.
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des soldats chargés de renforcer la défense des frontières et ce, afin d'éviter toute attaque de revers.
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Ces quatre-vingt-dix mille hom~es exigé~ de la Géorgie peuvent être comparés aux effectifs four~lls" ~ar le roi d 'Arménie. Selon différentes sources, ceux-cI s elevent entre . d' cinq mille et dix mille hommes, vOire .IX-h' Ult T?I'11e406.' Il nous apparaît donc surprenant qu 'un~ ~elle dlsprop~rtlOn .exlste entre les deux principaux acteurs chretiens et ce, meme SI la Géorgie est nettement plus peuplée que la Cilicie. Par ailleurs, les Arméniens sont très certainement installés à l'intérieur des forteresses récupérées en Syrie du Nord, ce qui diminue leurs effectifs, mais dans des proportions moindres que pour les Géorgiens dans les défilés. La Géorgie est donc touchée dans ses forces vives puisque, sous Ghâzân, elle s'avère incapable d'aligner quatre vingt dix mille hommes que Hoûlâgoû, en son temps, était en droit d'exiger. Nous ne pouvons avancer de chiffre, mais il semble qu'une fourchette comprise entre vingt et trente mille soldats peut contenir le nombre exact des effectifs géorgiens au sein de l'armée mongole. Nous imaginons sans peine les ravages endurés par ce territoire et nous comprenons alors aussi aisément les raisons des révoltes, qui entraînent immanquablement la répression et qui aggravent encore la situation. De son côté, la Cilicie supporte, depuis de nombreuses années, les attaques incessantes de ses ennemis. Les effectifs militaires de Hét'oum II en ont subi les conséquences et sont donc nettement moins nombreux qu'au temps de son grand-père, d'autant plus qu'il ne dispose pas de moyens efficaces pour gonfler le nombre de ses troupes, à la différence des Mamloûks qui achètent leurs futurs soldats. Cependant, au travers des sources arméniennes, nous pouvons constater la motivation de
guerriers qui n'ont pas perdu leur illusion de chasser les ces . avec l"d Marnl oûks de Syne, al e des Mongols. En opposition totale, nous trouvons la lassitude des Géorgiens. La valeur de ces contingents Quelle est la valeur de ces auxiliaires? Si nous nous en tenons aux sources arméniennes et géorgiennes, la haute capacité militaire des chrétiens, de même que leur ardeur au combat, en font des soldats recherchés. Pour ces derniers, il s'agit d'un honneur insigne qui leur est fait de combattre en première ligne407 . Ce sont d'ailleurs eux qui amènent la victoire et non pas les troupes mongoles! Il est très intéressant de noter que les sources a~én!ennes ne, ~entionnent jamais Ja p~ésence des contingents georglens, et reclproquement. Sous Je regne de Ghâzân, cette image est entièrement fausse comme elle J'a été, dans une moindre mesure, trente ans auparavant. Nous constatons tout d'abord que les troupes arméniennes sont positionnées sur J'aile droite de J'année mongol e408 ; les chroniqueurs en tirent un grand prestige. En effet, dans la mentalité médiévale franque, qui influence les Arméniens, les meilleurs effectifs sont disposés à droite. Au contraire, nous savons que les Mongols placent toujours les soldats les plus faibles sur leur droite, afin que leur aile gauche soit la plus puissante possible jour faire face à l'aile droite adverse, la plus forte elle aussi40 . Il s'agit donc là d'un profond malentendu entre les sources et la réalité des choses. Qui plus est, il y a une régression sensible de la valeur militaire des soldats arméniens, due, nous pensons, à la trop grande
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AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit.. fase.Ill,
Rashid AL-DÎN, eité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 239; 5MBAT, chronique, op. cil., p. 657 et 663.
ft·0867HA . YTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre Ill, ehap. XXXII, p. 183, p. 311, trad. C. DELUZ, p. 845; E.-A. WALLIS BUDGE trad., The Chronography o/Gregory Abû" Faraj, op. cit., p. 464. 409 M.-F . BROSSET, Histoire, op. cit., § 339-340, p. 519.
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Itiplication des conflits. En effet, la Cilicie est en guerre mu 'd quasi permanente et, au fur et a me~ure .es . pertes, il y a inévitablement une baisse des effectifs, amSI que de leur moyenne d'âge et, par conséquent, de l'expérience. Cette moindre qualité se retrouve au travers des propos de divers auteurs, comme Jacques de Molay, grand maître du Temple, il " 410 D ' , Marco est vrai plutôt hostl'1eaux A rmemens . e son cote, Polo, qui, lui, peut être considéré comme un témoin impartial, confirme ce jugement, puisqu'il estime qu'ils ont été de bons guerriers, mais qu'ils sont maintenant chétifs, vils et qu'ils ne pensent qu'à boire et à manger411 • De plus, quelques années auparavant, les hommes de Hét'oum 1er sont disposés sur l'aile gauche pour affronter le sultan de Roûm412 . Peut-être est-ce en raison de leur valeur mais, beaucoup plus vraisemblablement, du fait des pertes envisagées, car les contingents chrétiens se trouvent opposés aux soldats les plus puissants de l'adversaire. Sous Ghâzân, il y a également de nombreuses victimes, mais l'impératif est de gagner la bataille et il dispose donc des soldats mongols. De leur côté, les Arméniens de Grande Arménie sont intégrés dans les contingents mongols comme des troupes à part entière et ne sont pas mentionnés lors des relations des batailles. Nous savons tout de même que en 1301, le prince zak'aride Chahenchah II traverse l'Euphrate en compagnie de Ghâzân413 • Toutefois, tout comme les autres chrétiens orientaux, les Arméniens sont inclus dans le terme générique de Mongols. Ils semblent cependant avoir conservé une certaine valeur414 • Cité par C. MUTAFIAN, Royaume arménien, op. cit., p. 76 : « Il y en a peu [des soldats arméniens] qui ne sont pas prêts à la fuite dès qu'ils voient s'approcher l'ennemi.>>. 411 Marco POLO, Le devisement du monde, op. cit., Livre I, Chap. XX, p. 63. 412 p 309 . 413 Grigor d' AKNER, "History", art. cit. ' chap.VI ,. C.•MUTAFIAN, "Le siècle mongol (1220-1320), planche de salut ou coup de grace ?" dans R.-H. KEVORKIAN dir., Arménie entre Orient et Occident, trois mille ans de civilisation, Bibliothèque nationale de France Paris 1996, Il. 174-183, ici p. 182. ' , al4 HA YTHON, La Flore des Histoires, op. cit., Livre l, chap. IX, p. 128268, trad. C. DELUZ, p. 814. 410
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De leur côté, les Géorgiens sont, eux aussi, les troupes les plus valeureuses disponibles dans l'armée du Khan et, pour cela, ils sont profondém.ent respectés. Animés d'un esprit evaleresque, au sens OCCIdental du terme, ils font toujours face ch . , ,. 415 0 à l'ennemi, qUItte a. penr '. ,r, une no~velle fois, nous onstatons que la pOSItion attnbuee aux contmgents géorgiens cur le champ de bataille ne correspond pas véritablement à ce ~ue nous ra~portent les sources. ~ins~ ~Is sont placés au centre et à l'aile drOite: cette double repartltlOn semble, par ailleurs, indiquer que leur nombre est plus élevé que celui des guerriers fournis par la Cilicie. Nous venons de voir ce qu'il en est pour l'aile droite. Le centre, pour sa part, répond à une caractéristique toute autre dans la disposition tactique traditionnelle des Mongols. En effet, Gengis Khan, qui a organisé l'armée, attribue le centre aux troupes en qui il a le moins confiance. Ces dernières, placées au centre et en première ligne, n'ont aucune possibilité de fu~t~ ou de trahiso~, puisqu'elles sont immédiatement SUIVIes par des contmgents mongols qui n'hésitent pas à les exterminer sans pitié416 . Or Ghâzân, pénétré de l'Histoire mongole, suit les préceptes de son aïeul. Partant, nouS pouvons supposer que la répartition en deux corps différents, outre des effectifs plus nombreux, révèle aussi une «disposition de confiance». Ainsi, certains princes géorgiens ou arméniens, traditionnellement fidèles, sont placés sur l'aile droite afin de les préserver. Ces mêmes motifs expliquent peutêtre la place des contingents ciliciens, toujours fidèles. Le centre est la zone où se concentrent les plus grosses pertes: les troupes y sont plus nombreuses, les combats plus acharnés. Les soldats chrétiens, qui ne coûtent presque rien, sont des troupes qui peuvent être sacrifiées, aussi sont-ils placés en première ligne. Donc, soit ils reçoivent de plein fouet le choc initial de l'attaque adverse, soit c'est à eux que revient « l'honneur» de mener la première offensive face à des troupes 415
M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 386, p. 581. RICHARD, "Causes", art. cit., p. 113.
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aguerries, qui ne sont pas encore fatiguées par. le combat. Dans cette partie de la bataiJ1e, les pert~s sont, très I~portantes et ce ont autant de soldats mongols qUI sont epargnes. Nous voyons ~ue ce qui est une positio? i~terprétée comme 'pres~igieuse par les chrétiens4J7 n'est en faIt fIen de cela d.ans 1 espnt du maître mongol. Toutefois, un argument p~alde en faveur des Géorgiens: aucune critique n'est émise contre leur valeur militaire par des observateurs extérieurs, et il semble que leur aptitude au combat se soit mieux maintenue que cene des guerriers de Cilicie. D'un autre cô~é, une certaine rivalité christiano-chrétienne existe. En effet, II est surprenant que dans les sources arméniennes, nous ne trouvions aucune mention des soldats géorgiens et réciproquement. Nous ne saurions en expliquer la raison.
L'AFFRONTEMENT
La campagne de 1299 Le chemin de l'invasion Sous le règne de Ghâzân, le point culminant de 1'hostilité entre les deux grands États rivaux que sont, d'une part, le khanat de Perse et, d'autre part, le sultanat mamloûk, correspond à la campagne dirigée contre la Syrie par les Mongols, durant l'hiver 1299-1300. Ghâzân prépare cette offensive minutieusement4I8 • À une première tentative avortée, au début de l'année 1299, en raison de la révolte de Soulâmîsh, fait suite cene menée à la fin de cette même année, au mois de décembre. Il y a continuité, et les événements qui ont éclaté dans le Roûm n'ont eu comme conséquence que le décalage du moment où l'expédition est
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deux attaques de l'année 1299, il nous 1ancée. Au travers. de ces d"l 1 . est permis de vOl.r en etaI a VOle de l'invasion choisie par Ghâzân. Ce dernIer renoue avec de grands mouvements qui , 'tendent sur de vastes espaces, afin d'attaquer ses adversaires s : plusieurs fronts. Le souverain doit très certainement avoir à sU " ex~mplaIre. ' dKh" l'esprit la conquete u warazm par Gengis Khan ui a divisé son armee en trOIs corps, afin d'encercler et de qerrer ses ennemis comme dans un étau. Ghâzân divise donc son s I '. armée en deux; a premlere attaque par le nord, quant à la seconde, elle traverse l'Euphrate à Dja'bar, selon toute vraisemblance. L'objectif est de prendre en tenaille toute la région d'Alep, où se t:ou".e conce~tré l'ense~ble des défenses militaires de la Syne, a la sUlte du demantèlement des forteresses effectué sous le sultan al-Ashraf Khalîl. Ghâzân prend la tête de se~ troupes, traverse l'Euphrate le 7 décembre 1299 à Dja'bar, pomt de passage sur le fleuve, situé un peu au sud d'Alep. Dans un deuxième temps, il remonte sur cette ville avant de redescendre sur Damas. Ce sont ses troupes qui ont la charge de prendre la Syrie; celles venant du nord, c'est-à-dire qui traversent la Cilicie sont, quant à elles, sans doute destinées à soumettre les fortifications mamloûkes, afin de ne pas laisser de points d'appui ennemis derrière l'armée mongole. Dans une première intention, les contingents géorgiens sont, semble-t-il, prévus pour l'attaque par le nord. Mais, dès l'origine non solidaires de Soulâmîsh, ils rejoignent Ghâzân et se trouvent donc auprès de lui. Par ce choix stratégique, les troupes syriennes se trouvent face à deux fronts; elles sont seules, l'armée égyptienne n'étant pas encore arrivée. De plus, elles sont divisées, puisque le gouverneur de la province d'Alep doit défendre la Syrie du Nord alors que, dans un même temps, ceux du sud doivent faire face au gros de l'armée mongole mené par Ghâzân.
M.-F. BROSSET, Histoire. op. cit., § 363, p. 549. AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks. op. cil., rase. III,
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1 r offensive. C'est un petit corps de troupe, peut-être neuf e?Ue hommes, à la tête duquel se trouve Ghâzân en personne ml. a''fronte l'assaut. Le reste de l'armée est stationné à l'arrière', ~~ . hommes et chevaux se reposent. Le début de la bataille est oUsez difficile à démêler: les sources nous parlent d'une charge 8Srutal de flèches enflammées qui s'éteignent du fait de la b e, . 425 distance, de mann~qutns .. :. . De toutes les façons, quels que soient les préparatIfs (projectIles enflammés, mannequins), les Mamloûks ouvrent le combat, contrairement à leur habitude face 1 'lque par l ' qu'un corps peu aux Mongols426 . C eCI. s'exp e faIt nombreux leur fait face, ce qui les incite à presser l'attaque avant que la totalité de l'armée de Ghâzân soit regroupée; de plus, cette faible opposition ne )ustifie pas l'emploi d'un quelconque subte~uge. Au contraire de cette première phase, plutôt obscure, qUI se conclut par un assaut lancé par la cavalerie de al-Nâsir, la seconde phase du combat est relatée de manière unanime. Ghâzân a apporté la victoire à ses hommes. Devant le péril, il ordonne la « démonte» de sa troupe. Par cette manœuvre, il obtient un plein succès. Cette technique militaire consiste à se servir des chevaux comme d'un rempart, ~our s'y abriter pendant que les hommes décochent des flèches 4 7. Cette tactique est traditionnelle pour les Mongols, qui n'hésitent pas à «démonter» lorsque le combat tourne en leur défaveur, ainsi dans une bataille contre le Khwârazm-Shâh Djalâl al-run à Elbistan, ou encore à Homs, en 1281 428 • Les Mamloûks, pour leur part, combattent jusqu'à la mort, et il n'y a pas d'exemple de « démonte ». Ghâzân a tenu le choc et a permis au reste de
Cette attaque est pourtant loin d'être une surprise, puisque de nombreuses alertes sont données4l9 • De plus, avec l'aide de leurs signaux de feu ou de fumée, utilisés pour annoncer l'arrivée des troupes mongoles, les relations entre la Syrie et l'Égypte sont constantes. En effet, al-Birâ et al-Rahba « sont en communication avec la Citadelle de la Montagne au Caire, de façon que ce qui s'est produit le matin sur l'Euphrate, est connu le soir au Caire; ce qui s'est produit le soir y est connu le matin »420. Ainsi l'intervention de Mouhammad al-Nâsir est-elle rapide. Il a eu le temps de se préparer et d'accourir défendre la Syrie; aussi, Ghâzân recherche-t-il l'affrontement et ne s'attarde-t-il pas au siège d'Alep ou de Hamâ421 • La bataille Les deux armées se rencontrent donc dans une plaine, dans les environs de Homs, le 22 décembre 1299. Les troupes mamloûkes, fortes de quelque vingt mille cavaliers422 , sont arrivées dès le 3 décembre à Damas. Elles se sont donc reposées, alors que leurs adversaires sont épuisés par une longue marche. Nous ne comprenons alors pas pourquoi l'armée est découragée et a le pressentiment de la défaite 423 • Les quelques soixante mille hommes 424 de Ghâzân et leurs montures sont à bout de force et le Khan décide donc de leur accorder un jour de repos supplémentaire. Les Mamloûks saisissent l'occasion pour lancer 41Y AL-OJAZARI, Chronique, op. cil., § SIS, p. 84; AL-MOUFADOAL, Histoire de.f JUllans mamlou/(,y, op. cil.. fase. Il, p. 622. 411J AL-KALKASHANOl, Syrie, op. cil., p. 258. ;: M. O',?HSSON, !fi.Yloi,:e des Mongols, op; cil., t. IV, p. 229-230. ID., Ihid., p. 235. Les Ge.Yles parlent de SOixante dix mille hommes, § 606, ".847. m AL-MAKRizl. cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cil., t. IV, p. 232. 4U R. RÙHR1CHT, "Sur les batailles de Hims (1281 et 1299)", AOL l, 1881, p. 633-652, ici p. 644-645 ; M. O'OHSSON. Hislolre des Mongols, op. cit., 1. IV, p. 229, cNtime à quatre-vingt dix mille hommes la totalité des troupes deOh4zAn.
HA YTHON, La Flore des Histoires, op. cit.. Livre III, chap. XXXIX, p.192, p. 316, trad. C. DELUZ, p. 849; AL-MOUFAODAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fase. Il, p. 634; 5MBAT, Chronique, op. cit., p.658 (pour cet auteur, les troupes du roi d'Arménie sont les premières à lancer ('attaque) ; R. ROHRICHT, "Hims", art. cit., p. 645. 426 R. AMITAI-PRESS, Mongols and Mameluks, op. cit., p. 222. 427 Gestes des Chiprois, op. cit., § 602, p. 846 : «Car il mist pié a terre et coumanda a toute sa gent ausi a faire [com] lisses de lors bestes, si que les Turs ne se porent enbatre entre Vaus. » 428 R. AMITAI-PRESS, Mongols and Mameluks, op. cit., p. 223. 425
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
son année de se rassembler. L'aile droite, commandée par Koutloûshâh, charge mais est mise en déroute par l'aile gauche égyptienne. Pour leur part, le centre et la droite de l'armée sultanienne ne résistent pas à la charge mongole et sont mis en fuite429 • Toutes les sources favorables aux Mongols portent Ghâzân au pinacle pour avoir, dans un premier temps, admirablement résisté à l'assaut ennemi et permis à son armée de se regrouper et, dans un second temps, pour avoir amené ses hommes à la victoire finale, par sa présence d'esprit. Haython, qui a assisté à la bataille, est le plus dithyrambique à l'égard du Khan43o. D'un autre côté, le sultan, dans sa lettre, nie la présence du souverain mongol sur le champ de bataille43 I, tout comme le continuateur du connétable Sembat, qui attribue une large part, pour ne pas dire la totalité de la victoire, au roi d'Arménie. Ce dernier serait allé chercher Ghâzân, en train d'écouter de la musique sous sa tente pendant que ses troupes se débandaient ! Ce n'est qu'après que le Khan serait intervenu432 ! Les sources pro-mamloûkes expliquent la défaite par le fait que l'armée du sultan n'ose pas se battre contre des musulmans433 • Se pose maintenant la question de connaître le rôle exact des auxiliaires chrétiens dans cette victoire. Aucun renseignement particulier ne nous est fourni sur les chrétiens orientaux du khanat qui, nous l'avons déjà dit, sont intégrés dans le terme générique de « Mongols ». Ce dernier regroupe à la fois les Mongols proprement dit, les Tadjiks (les Persans), les
ArJJ1éniens de Grande Arménie, les communautés syriaques, tant toriennes que jacobites, ou toute autre minorité. La présence nes " t lel e aUSSI,. attestée, , et JI. semble es, de S troupes georgtennes • b 434 'elles ont vaillamment corn attu . Il est en revanche ::aucoup plus difficile de déterminer le rôle exact joué par le roi d'Arménie et, par là, par ses troupes. Si le continuateur de Sembat attribue un rôle prédominant à Hét'oum II, il n'en reste pas moins que ~~ pr~sence sur le cha~p de bata~lle est douteuse. Trop souvent, 1 mexlstence de la momdre mention du souverain annénien pendant le combat, de la part de Haython, est attribuée à l'animosité qui oppose les deux hommes435 . Cependant, d'autres sources confirment l'absence du roi de Cilicie. Ainsi, Rashîd al_dîn436 , lui aussi très bien informé, nous dit que Hét'oum II est arrivé en retard sur le lieu de l'affrontement. Nous ne pouvons donc réduire le silence de Haython à une simple hostilité vis-à-vis de son cousin. Et ce d'autant plus que Haython signale la présence des contingents annéniens lors de l'expédition de 1303437 • Selon le ministre persan, Hét'oum II arrive en compagnie des troupes du Roûm, avec cinq mille hommes. Un argument qui plaide en cette faveur nous vient du récit de la poursuite du sultan. Les troupes de Ghâzân. épuisées, sont incapables de pourchasser l'armée en déroute. « Ce fut là véritablement une grâce divine. Car si ce prince [Ghâzân] avait continué sa marche, tous les soldats égyptiens eussent péri jusqu'au dernier »438. La poursuite ne doit débuter que quelques jours après439 • Pour leur part, les chroniqueurs annéniens nous annoncent que ce sont les troupes de Hét'oum II, accompagnées
429 Rash"d A " et AL-MAKRIZI, " " cités par M. D'OHSSON, Histoire des 1 L-DIN Mongols, op. cit., t. IV, p. 236-237. 430 HAYTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XL, p. 195, E' 317-318, trad. C. DELUZ, p. 850. 31 AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit.,fasc. III, E· 68. 32 5MBAT, Chronique, op. cit., p. 658-660. 433 Ibn TAYMIVYA, Lettre à un roi croisé, op. cit., p. 176-177.
BROSSET, Histoire, op. cit., § 421, p. 631. MUTAFIAN, "Héthoum de Korykos", art. cit., p. 167. 436 Rashîd AL-DÏN, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cil., t.IV,p.239. 437 HAYTHON, La Flore des histoires, op. cil., Livre III, chap. XLIV, f' 205-206, p. 326, trad. C. DELUZ, p. 853-854. 38 AL-MAKRÎZÎ, cité par C. MUTAFIAN, Cilicie, op. cit., p. 463. 439 Selon M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 421, p.631, Ghizin ne commence la poursuite que le quatrième jour, ce ~ui peut laisser supposer que les troupes arméniennes arrivent trois ou quatre JOurs en retard.
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434 M.-F. 435 C.
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d ca valiers mongols sous les ordres de MoCllây, qui Sont . du su 1tan440 . A'IOSI. 1cs so . Id'at é mens ' s arm he ées de la poursuIte c arg . l'é à 1 ~ " • 1 0 subissent pas les dIfficultés 1 es a latlgue. r, SI. les ~erméni~ns sont présents sur le champ de bataille, ils sont rtal'nement bien plus épuisés que les Mongols: leur marche a ce plus longue, plus diffici!c et, afiI.n de rCJolO " d re à temps été Ghâzân pour l'affrontement, JI faut faIre forcer la cadence des étapes journalières. Il apparaît donc comme très peu convaincant qu'Hét'oum Il se trouvc dans les environs de Homs le 23 décembre 1299. Pourtant,le continuateur de Sem bat n'hésite pas à nous dire que la poursuite est interrompue par le roi de Cilicie dans la localité de Doli, située non loin du Cairc44 1 ! Nous pouvons mettre cn doute les dires d'un tel informateur sur les événements survenus pendant le combat.
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La vérité peut être obtenue en combinant le fait que le souverain arménien arrive quelques jours en retard avec le fait qu'il est bien chargé de la poursuite. Ses troupes sont beaucoup plus fraîches, elles sont donc chargées par Ghâzân de pourchasser le sultan mamloClk, puisque ses hommes sont moins fatigués (ils n'ont pas eu à affronter le combat, et sont donc plus aptes à mener à bien la poursuite). De même, le Khan compte sur ces contingents pour la bataille: peut-être est-ce une des raisons de sa décision d'attendre une journée, et leur absence lui a fait cruellement défaut. C'est donc une manière pour Ghâzân de faire participer ces troupes à la victoire, tout en leur donnant une tâche ingrate. En conclusion, la présence des Arméniens de Cilicie sur le champ de bataille nous apparaît comme hautement improbable! Homs est une victoire éclatante pour Ghâzân ; toutefois, les pertes sont énormes, quelque quatorze mille morts. Celles-ci SM BAT, Chronique. op. cI/.• p. 657 ; HA YTHON, La Flore des his/olres. ~. ctt., Livre III, chap. XL, p. 194, p. 318, trad. C. DELUZ, p. 850. 1 5MBAT, Chronique. op. clt.• p. 657. 440
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. blent d'ailleurs si élevées qu'il pense tout d'abord à une lUI sem 442 E f:~ 1 . . des MamloClks . n e let, a grande spéclahté des IUse ttants mongols est la fuite simulée. Cette tactique consiste com·badevant l'ennemI: . ce1" Ut-CI est a1ors amené à poursuivre les àfu Irds et se trouve entratn • é b vers une em uscade où son armée :r~xterminée, avec des pertes mini~a~es pou.r le~ Mo~gols443. Les morts sont nombreux des deux cotes, quOI qu en dIsent les rces mamloClkes 444 . Nous n'avons pas plus de précision sur SOU ertes subles . par 1es d é ' nous pouvons eux arm es, maIs 1es P 1 " raisonnablement supposer que es vIctImes chrétiennes atteignent un nombre élevé. L'occupation de la Syrie
A la suite de cette victoire, Ghâzân étend sa domination sur l'ensemble de la Syrie, les troupes de MoCllây poussent jusqu'à Ghaza. Les Mongols ont donc avancé jusqu'à la frontière égyptienne. Le Khan ordonne à son général de soumettre à son autorité les différentes places situées entre Ghaza et Damas. Cette occupation est tout de même lâche, car nous voyons que, fidèles à leurs habitudes, les Mongols laissent stationner leurs troupes à Damas, se contentant de chevauchées dans les territoires conquis, afin de faire reconnaître leur souveraineté. Ici aussi, Ghâzân reprend cette mauvaise tradition et ce, malgré l'instauration rapide d'un nouveau gouvernement. Des troupes pénètrent à Jérusalem et à Hébron, où elles commettent de nombreux massacres, tant parmi la population chrétienne que musulmane445 . Dans sa lettre du 3 octobre 1301, al·Nâsir mentionne les exactions des contingents chrétiens, arméniens et géorgiens, qui violent, s'enivrent et pénètrent dans W AL.NOUWA YRî, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols. op. clt.• I.IV, p. 239. 44! Voir à ce sujet Marco POLO, Devisement du monde, op. cit.. Livre l,
chap. LXXI, p. 160. 444 Ibn TA YMIYY A, Letlre à un roi croisé. op. cil.. p. 176.177; AL~OUFADDAL, His/oire des sultans mamlouks. op. cit.• fase. Ill, p. 69-70. ID,lbid, fase. II, p. 667.
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À4 Hébron, une croix 1es mosqu ées en état d'impureté. , 46 , 1 est•même . ommet de la mosquée d Abraham . De eur coté, les mise au s . 'llé U mosquées de la Ville sainte sont, elles aUSSI, SOUI es. n aspect intéressant de ces événements ré,sid~ dans la présence ?U non du roi de Cilicie. En effet, son pelennage, que re~endlque avec fiorce le moine uniteur Nersês Balianents, contll1uateur . h' de . la chronique de Sembat, n'est pas certifié. Po~~ certall1s Ist~n.ens, 1 fanatisme de l'Union avec la papauté qu II1carne ce religieux e , é permet d'émettre de fortes réserves quant a ~on entr e à Jérusalem 447 • Cependant, nous allons avancer certal~s argum~nts qui plaident en faveur du pèlerinage du souverall1 armémen. Tout d'abord, reprenons un aspect chronologique et événementiel. Moûlây et Hét'oum II sont détachés à la poursuite du sultan; le général mongol reçoit pour mission de soumettre à l'autorité mongole cet espace compris entre Damas et Ghaza. Celle-ci est établie lors de la remontée vers le nord, et nous voyons tout de même malle roi d'Arménie laisser le privilège de libérer Jérusalem à cet infidèle. De plus, dans la Ville sainte, la population musulmane semble souffrir plus intensément que les chrétiens des exactions commises par les troupes. Les lieux de culte musulmans sont saccagés. Or, les Mongols sont convertis à l'islam et sont sans doute sincères dans leur foi. Ce ne sont donc pas eux qui perpètrent les crimes à Jérusalem, mais bien les contingents arméniens et géorgiens, à la tête desquels se trouve certainement Hét'oum II. Les Mongols, musulmans, s'attaquent de leur côté aux chrétiens, ce qui explique la présence de victimes des deux confessions. Enfin, un dernier argument réside dans la tradition orale: monsieur Gérard Dédéyan nous a rapporté l'existence, de nos jours, à Jérusalem, de chrétiens melkites, descendants d'Arméniens et qui revendiquent Hét'oum II pour ancêtre. Par le biais de cette recherche de filiation, nous pouvons entrevoir la vraisemblance 446 ID., ibid, fasc.III, p. 70-71; AL-NOUWAYRî, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 297. 447 C. MUTAFIAN, "Héthoum de Korykos", art. cit., p. 167.
sage du roi de Cilicie dans la Ville sainte, de son dUI p.aSage mais aussi du retentissement de celui-ci auprès des enn , hé' 448 Pè'fférentes communautés c r tiennes . Il nous semble donc dl 1 continuateur de Sembat, tout en partant d'un fait réel, que e . l'é ' t H 't' II ' enjolive et grossit ~e.ne.ml eln. èle .oum est entre dans Jérusalem, peut-ê~r~l Y, lalt-I es p. erll1ages et célèbre-t-il le It chrétien, mais 1 n y reste certall1ement pas deux semaines; ~Ues~ ~alement absolument faux que Ghâzân lui confie la Ville sainte . Les exactions chrétiennes Un fait qui, lui, est bien attesté, réside dans les exactions commises par les troupes chrétiennes à l'encontre des musulmans. Ici, le rôle central revient sans aucun doute au roi de Cilicie. Ce dernier, poussé par un esprit de revanche puissant, maltraite la population syrienne, afin de lui faire payer le prix du mal causé à son royaume. Il désire abattre sa colère sur Damas, mais Kiptchak ne lui accorde que al-Sâlihiyya, ainsi que deux autres petits bourgs, Mézet et Daria45o . Tout est mis à sac, les femmes et les enfants sont menés en esclavage, les hommes passés au fil de l'épée, le bétail est pris. Rashîd al-din attribue ces exactions « à des palefreniers, aux Annéniens, aux Géorgiens et à des renégats », les coupables sont donc clairement désignés, même s'il s'agit, pour le ministre, de décharger Ghâzân de toute responsabilité. Les sévices sont tels que Ibn Taymiyya va se plaindre au grand shaykh Nizam al-din Mahmoûd ibn 'Ali al-Shaybani, qui rassemble des hommes et chasse les persécuteurs de la montagne451 . Les troupes chrétiennes sont donc dispersées par une milice damasquine; 448 S.SCHEIN, "Non-event", art. cit., p.805-819. L'auteur montre le retentissement de la victoire de Ghâzân en Occident. 449 5MBAT, Chronique, op. cit., p. 660. IlO WASSÂF, cité par M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, ~,2S3. AL-MOUFAOOAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fase. II, p.655 ; Ibn TA YMIYYA, Lettre à un roi croisé, op. cit., p. 41.
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Le reflux mongol
cependant, beaucoup de mal est déjà fait, puisque quelque dix mIlle personnes sont emmenées en captivitë52 et que, là où la fureur des chrétiens s'est abattue, il ne reste plus que des ruines. Par ailleurs, rien n'interdit de penser que des atrocités ne sont pas commises dans d'autres localités. En effet, Kiptchak gouv~~eur de ?amas pour Ghâzân, attribue al-Sâlihiyya au~ Armemens, maIs ces derniers ne se sont pas limités aux bourgades lai.ssées à leur discrétion par l'émir syrien: ainsi nous avons connaIssance des exactions perpétrées à Jérusalem et ~a~as. Ces deux villes, par leur importance, voient ces mClde?ts rapportés, mais, pour les petits villages, il n 'y a aucun doute a aVOIr quant à l'attitude des soldats chrétiens à leur égard. L'occupation mongole en Syrie n'est donc pas affe . et s "a~ere pa~lcu . 1"lerement douloureuse pour les populationsrrme qui s~ .vOIent dIrectement menacées et contraintes à payer de vent~ble~ rançons. En effet, Damas s'est engagée à payer une contnbutlOn de cent foûmans d'or ou d'un million de d'mars , ; au tot l ' a , ce sont trOIs cent millions six cent mille dirhams qui s t n versés dans le trésor de Ghâzân. À cela s'ajoutent les °t charg " ~ teren es es qUI pesent sur la population: celle-ci doit fournir d plus de vingt mille chevaux armes, des étoffes, des c,h~meaux. ~e plus, elle dOIt entretenir la cour de Ghâzân de Klptchak et des généraux mongols453 . D'es l' ongme .. l'a 1 hotel . Presence mongole est mal vécue et n'en est que plus faible.
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Les causes du départ de Ghâzân
À la suite de sa victoire, Ghâzân reprend très vite le chemin de la Perse. Il quitte Damas le 4 février 1300 et traverse l'Euphrate à Dja'bar, le 16 février454 . Des questions se posent quant à la raison de son départ. Pour certains, le Khan et son armée se trouvent face à de graves problèmes de ravitaillement455 . En prévision de ces problèmes logistiques, Ghâzân aurait ordonné à ses soldats de prendre des provisions pour six mois. La Syrie ne peut supporter une telle concentration d'hommes et de chevaux. Ainsi cette recommandation du souverain a pour double avantage de rendre inopérante la pratique de la terre brûlée, tout en ne se rendant pas dépendant des pâturages et de l'eau dont dispose la Syrie. Toutefois, cette disposition adoptée par Ghâzân peut-être interprétée comme une réplique à l'incendie des récoltes. En effet, al-Kalkashandî nous rapporte que « les Tartares ont coutume d: ne pas faire d~ provision de fourrage pour leurs chevaux, mais de le~r don~er a paître ce qui pousse sur le sol. Quand le sol a des mOIssons, lis y passent; quand il est stérile, ils s'en détournent »456. Il est donc beaucoup plus question, pour Ghâzân, de pouvoir faire tra~:rser ses troupes dans les régions frontalières, que de conquenr la Syrie en autosuffisance alimentaire et, ainsi, rester indifférent aux aspects lo~istiques de la Syrie. En eff:t, madame Reuven Amitai-Preiss4 7 avance de très convamcants arguments, remettant en cause l'influence de ces problèmes techniques pendant la campagne de Ghâzân. El~e note q~e les Mon~ols ont à leur disposition les greniers à grams des vtlles conquises. En M D'OHSSON Histoire des Mongols, op. cil., t. IV, p. 257. D' MORGAN ':The Mongols in Syria 1260-1300", dans P.-W. EDBURY éd., Crusade and Settlement, University èollege Cardiff Press, 1985, p. 231-
454 455
AL
452M D'OHS . . des Mongols, op. cit., t. IV P 253 453 MA SP!'J, I!I~tolre - KRIZI, cIte par M D'OHSSON H: . , . . t.IV, p. 254; AL-MOUFADDAL H' t . '.J IsIOIre des Mongols, op. cit., fasc. Il, p. 662. ' IS olre ues sultans mamlouks, op. cit., 208
235. 456 AL-KALKASHANDÎ, Syrie, op. cil., p. 2 6 3 . . 28 457 R. AMITAI-PRESS, Mongols and Mameluks, op. Cil., p. 226-2 . 209
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outre, il n'y a d'incendie des récoltes ni dans le centre ni dans le nord de la Syrie. De même, pendant la campagne de 129?-1300, l'armée du Khan n'exploite pas les zones herbeuses du LIban, de la côte syrienne, de la plaine de Jezreel, ainsi que de la vallée du Jourdain. Tout ceci montre bien que la cause du départ de Ghâzân ne dépend pas d'une simple question d'intendance; toutefois, il n'est pas totalement indifférent à ces considérations puisque, selon Rashid al-din, sa retraite est due à l'approche de la saison chaude. Il est vrai que tous ces problèmes sont pris en compte par le souverain mongol. Cependant, pour l'historien Haython, ce serait une attaque des Mongols du khanat de Djaghatay dans les provinces orientales du Fârs et du Kirmân qui aurait provoqué le retrait précipité de Syrie du souverain458 • Ce fait peut être soutenu lorsque nous comparons la vitesse de marche des troupes du Khan d'abord au cours de l'attaque, puis au moment de leur repli. Nous sommes parfaitement conscient des critiques que peut susciter une telle approche mais, encore une fois, il s'agit pour nous d'étayer notre supposition, tout en tentant de l'illustrer le mieux possible 459 • Ainsi, dans la première phase de l'offensive, les troupes mongoles mettent cinq jours pour aller de Dja'bar à Alep, soit une cadence d'environ vingtcinq à trente-cinq kilomètres par jour. Dans la deuxième partie de l'expédition, nous voyons que l'armée effectue le trajet séparant Alep de Homs en onze jours soit, cette fois, une vitesse de plus de trente-cinq kilomètres par jour. Or, si nous observons la rapidité du retrait de Ghâzân, nous constatons qu'il met onze jours pour parcourir le chemin séparant Damas de Dja'bar, c'est à dire une cadence de plus de soixante kilomètres par jour! Ainsi, si son repli dépend de considérations logistiques, il ne lui est pas toutefois nécessaire d'imprimer à son armée un rythme encore plus rapide que lors d'une opération militaire. Ce retour 458
HA YTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XLI, p. 196,
59
Nous nous sommes ici fondé sur les dates établies par M. D'OHSSON,
E' 319, trad. C. DELUZ, p. 851.
.' ne dépend pas d'un manque d'approvisionnement, préCIPIté Nous disposons donc là un argument, avec d l'avons vu. d d' nous réserves qui s'imposent, en faveur es Ires e toutes les C dant qu'ont fait les troupes envoyées par Haytho n . ePlenKi~ân et le Fârs ? Ce dernier a bien senti le e '1 d' é Ghâzân dans . UI' sque avant de lancer son attaque, 1 a ISpoS , . Le . daoger ventr, ptl'en dans ces deux provmces. souveram . des soldats en sou . au dépourvu non par l'attaque, maIs par ' . '11 h it donc pns para d He-ci Ce sont quelque dIX ml e ommes que l'ampleur e . ce our 'piller les régions orientales de /'u/us de envOIe p é Douwâ 460 c' me'me si ce raid d'envergure repr sente un Toutelol S, "1 Perse . , les importantes déprédatIons dont 1 est .' bl é 1 probleme par r e l '1 n'en constitue pas pour autant une venta e responsab e, 1 p .. Ghâzân l'intégrité territoriale du khanat. eut-e re mena~r pou~'té de l'ampleur de cette attaque? A-t-il, par crainte s',est-I mfU1~écédant une offensive de plus grande impo~nce, d un eéssa. p l'adage' « mieux vaut prévenir que guénr»? préfér SUIvre . . , , Tout n'est pas clair dans ce retraIt de Ghazan.
.
1 roi de Cilicie. CelUI-CI troupes mongoles en ass~ste, ~ne. no~~ ea dé" été le cas en 1260, avec Hoûlâgoil, et pleme VIctOIre. e a d~Ab k Hét'oum Il se retrouve dans le en 1280 sous le règne a~.. 'est résenté à son grandmême cas de figure que celuél qUI s lou' kPe après la bataille de , . à ère L'arm e mam 't suffi à Ghâzân de pousser un peu père, pUIS son. P.i Homs, est détrUIte; 1 auraI. f ses espoirs de conquêtes. e qu'il ne le peut pas: plus son offensive pour ~olr abo~ Ir Cependant, il ne l'a pas fait, peuI~e~~t Ps~~i de lourdes pertes et d'fficultés à protéger leur rappelons-nous que les Mongo. que, de plus, ils éprouvent les plr~s tl de conquérir l'ensemble l'esprit de Hét'oum Il vassal arménien; alors, pour ce qUI eds . . l ' ks pourtant ans l 'hose n'apparaît pas comme des temtolfes mam ou .... trouve contraint de se et de la plupart des chrétlens~ . a. c impossible. Mais le roi de Clltcle se re
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Histoire des Mongols, op. cit., t. IV. Il est le seul à avoir regroupé toutes les
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l 'P cit t IV. p. 269. M. D'OHSSON, Histoire des Mongo s,o. ..'
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ET AUTRES CHRBTIIlNS O'ORIIlNT SOUS LA OOMINATION MONGOLE
contenter d'une occupation de la Syrie qu'il sait par expéri~nce éphémère. Il se dépêche donc de se rembourser d~ mal subI par son royaume sur les populations syriennes. Il se laIsse aller Il son fanatisme religieux en massac~ant les musulmans et se paye. au sens premier du terme par le pIllage, les rançons et la reductton en esclavage. Les troupes d'occupation Ghâzân, malgré son départ, laisse en Syrie des con~ingents militaires, à la tête desquels se trouvent successIvement Koutloûshâh, puis Moûlây. Le premier quitte assez vite le terrain, puisqu'il se replie à son tour, onze jours après le Khan. Il emmène avec lui des soldats, affaiblissant ainsi les défenses mongoles en Syrie. L'armée laissée sur place passe de vingtquatre mille hommes41> 1 sous KoutloOshâh Il vingt-mille après son départ. Quant à Moûlây, il se replie le 30 mars 1300, ainsi que les auxiliaires chrétiens. Ces derniers sont toujours présents sur le théâtre des opérations. Il est hors de question, pour les Mongols, de laisser au roi de Cilicie la garde d'un territoire aussi vaste et d'aussi grande importance que la Syrie. Hét'oum Il n'est pas assez puissant pour conserver militairement la conquête. De plus, le prince chrétien ne peut pas réussir Il s'imposer politiquement du fait de l'inimitié qui existe entre la Cilicie et la Syrie, ainsi que des positions ultrareligieuses adoptées par le roi de Sis. Jamais Hét'oum Il n'est laissé seul en Syrie: après le départ de KoutloOshâh, c'est à MoOlây que revient la charge de gouverneur militaire, Hét'oum Il n'ayant qu'un rôle secondaire. Il y a donc comme un partage entre Mongols et Arméniens. En effet, les deux pouvoirs sont superposés pour assumer la mission de protéger la conquête contre les MamloOks. Le pays n'est pas totalement pacifié, li reste des points de résistance: les commandants de places fortes 461 AL-NOUWAYRI et AL-MAKRlsr. citc!s par M. O'OHSSON, HI~/olre du Mongols, op. clt.• t. IV. p. 256.
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en Syrie refusent de les céder Il Ghâzân ou Il ses repré . ' sentanlll malgré les ./lrmâm qUI leur sont envoyés. Le plus sy b l' .. . m olque , t d des mouvemen s oppOsitIon vIent de la citadelle d 0 •. 1 Ok 1 cama•. Dans 1e regl~l1~ mam 0 • e gouverneur de la citadelle de Damas est dlstlllct du gouverneur de la ville mêm Il .• 1 1 . . e. e.t déSIgne par e su tan et est donc partlcuhèrement oUa hé A personne. A·IIlSI,. 'AI. am a 1-d'ln Ardjawâllh, qui a creçuu lia le gouvernement de la citadelle de Damas en 1291-1292462 1 , d M h d ,sous e règne du firere ~ ou am ma al-Nâsir, fnit son devoir et refuse de céder ln Citadelle. Des négocintions sont tout d' b d . A d' Il h . ft or ouve~tes,. maIs r Jawtl~ rejette toutes les demandes, en premier lIeu celle des émirs transfuges, Kiptchak et Baktimo r p~is celle des notables de. Dama~4I1.l. Un siège très dur est do~~ mIs en place; la populatron VOIt ses biens réquisitionnés dix mille chev~ux sont .confisqu.és, et ,un impôt de guerre est ·fixé. Les marches dc la VIlle !lont Imposes, de même que les habitants fortunés se voient contraints de payer une capitation t' ,4114 L I sd 'etrulsent . , supp lemen Ulrc . es M ongo les quartiers des alentours. afin d'installer les machines nécessaires au siège de la citadelle. La ville, en ébullition, fait alors l'objet d'exactions ce qui est en complètc contradiction avec les promesses de GhA~An. Les chroniqueurs musulmans se font l'écho de ces événements. 118 nous parlent des Mongols, mais il faut lire chrétiens tant Arméniens que Géorgiens. En effet, ces auxiliaires, à I~ tête desquels sc trouve Hét'oum Il, profitent de l'hostilité et du climat de la capitale syrienne pour déclencher les persécutioml dont ils rêvent. Outre les destructions, les spoliations et lell mauvais traitements, la population voit ses lieux de culte profanés. La grande mosquée al-Akabiyya est incendiée46 ', du vin est, par ai lieurs, consommé dans la grande mosquée des Oumayyades. Le collège al-' Adiliyya est, lui aussi, la proie delJ AL-OJAZAR1. Chronique, op. cil., § 55, p. Il. AL-MOUFAOOAL, HI,Ylolre deN Nullana mamlouM, op. cil., falc.lI, 1'&4646.647. ID., Ibid. p. 6~6.6~7. 46l ID., Ibid. p. 658. 46l
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ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
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mes 466 • Nous le voyons, ce sont les mêmes débordements a :musulmans que ceux constatés à Jérusalem et, ici aussi, il ne eut s'agir d'une action orchestrée par les Mongols. Ils peuvent ~tre responsables des spoliation~, de prélève~ents d'im~ôts, mais certainement pas de destructIOns ou de SOUIllures des lieux de culte musulmans. Cependant-cela est surprenant-, ils autorisent ces exactions et les chrétiens ne sont pas inquiétés. Dans l'enchevêtrement assez confus de ce que nous rapporte alMoufaddal, nous pouvons voir qu'il situe les débordements chrétiens entre le départ de Ghâzân et celui de Koutloûshâh, c'est-à-dire pendant que ce dernier a l'autorité sur la ville. Nous " 1467 : avons vu précédemment 1,ascen dance chre't'lenne du genera peut-être cela explique-t-il que les Mongols ne réagissent pas devant des faits qui ne devraient pas les laisser insensibles. Or, pendant que Moûlây détient le pouvoir en Syrie, il n'y a plus de mentions de persécutions; ce dernier est un véritable musulman, il n'est d'ailleurs même pas d'origine mongole, et il n'est en aucun cas question pour lui de laisser continuer les ravages commis par les chrétiens. Les Arméniens se vengent donc, une fois de plus, sur la population syrienne des souffrances endurées par leur pays dans la lutte contre le sultan mamloûk du Caire. Selon al-Makrîzî, cent mille personnes périrent à Damas 468 • Ces débordements se font en toute impunité et personne n'est là pour stopper ou même canaliser cette violence. Même Kiptchak, qui a reçu Damas dans sa juridiction, n'intervient pas. Ceci tend à confirmer que les chrétiens sont protégés par une autorité plus importante que celle de l'émir, Koutloûshâh.
À qui la Syrie? Après sa victoire, Ghâzân répartit les conquêtes. Wassâf nous apprend que la Syrie est divisée en trois provinces, al10., ibid, p. 659. Voir supra, p. 65-66. 468 AL-MAKRIZÎ, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t.IV,p.254.
Makrîzî et al-Moufaddal nous renseignent sur les émirs qui obtiennent les différents gouvernements 469 . Contrairement à l'habitude prise par ses prédécesseurs, Ghâzân ne confie pas la garde des forteresses du Nord à la Cilicie. Cette dernière doit se contenter de quelques places fortes stratégiques sur sa frontière orientale, comme Tell-Hamdoûn. La faiblesse militaire du royaume chrétien est mise en lumière par les restitutions successives opérées en faveur des Mamloûks, qui se sont accélérées depuis 1292. Aussi le Khan ne confie-t-il pas le gouvernement des villes qui contrôlent les routes menant à l'Anatolie. Cependant, rien n'interdit la présence des troupes arméniennes en soutien des contingents mongols. C'est une armée arméno-mongole qui est chargée de conquérir les places fortes situées au nord d'Alep. Il n'est donc pas impossible que certains corps de troupes se retrouvent attachés à la garde et au contrôle de ces fortifications. Ainsi la Syrie n'est-elle pas laissée aux chrétiens orientaux. Ce sont les émirs transfuges qui reçoivent la charge d'administrer le pays. Ceux-ci, musulmans, favorisent de préférence leurs coreligionnaires. Cette inclination est toutefois compensée par la présence de contingents chrétiens qui assurent, pour leur part, la sécurité de leurs compagnons de foi. Quelles que soient les raisons qui ont poussé Ghâzân à ne rien attribuer à ses vassaux arméniens, qu'elles soient politiques ou religieuses, il est certain que la faiblesse militaire dans laquelle est tombé le royaume de Cilicie est un élément déterminant dans la décision adoptée par le Khan. De même, malgré les promesses faites, nous pouvons nous demander si Ghâzân a vraiment l'intention de céder une partie de ses conquêtes à la chrétienté latine. Après tout, les royaumes occidentaux n'ont en aucune manière participé à la victoire. Pourtant, cette dernière est ~eut-être bien définitive, puisque l'armée du sultan n'est plus4 • Le danger d'un retour mamloûk
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Voir supra, p. 187. Gestes des Chiprois. op. cit., § 605, p. 846, rapportent que le sultan rentre au Caire avec quinze cavaliers. Ce nombre est très certainement faux, mais il
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our le moment écarté; quel besoin y a-t-il de céder semble, P '." . terres à des souverains qUI n ont pns aucun nsque? d es "1 d . Pourtant, le Khan, par l'ambassade qu 1 a ~esse aux p~l~ces ' ens promet la restitution de la Terre samte aux chretiens, europe , . H 'l' ,471 A' . . ots d'une alliance franco-mongole depUIs ou agou . Insl, ~~: envoyé, Isoi le Pisan, se voit-il attribuer, dans un~ bulle du 20 septembre 1300, le statut de gou~erne,ur d~ I~ Syne et de la Palestine472 . Isol a, en outre, la miSSIOn d administrer ces terres, puis de les restituer aux Occidentaux quand ceux-ci se présenteront. Cependant, ce fait s'.ac~orde ,m.al avec la répartition effectuée en Syrie entre ,les d~fferents ,eJ~urs. ,~ou~nt, il n'est pas impossible que, dans 1 es~nt de Ghazan" ~ mtentI.on de restituer la Palestine ne soit pas presente. Les chretiens latms récupèrent Jérusalem, reconstituent un roya~me et, par là, soutiennent les Mongols dans leur lutte. QUI plus est, leur position ainsi établie les place aux avant postes: ils sont les premiers à recevoir le choc des assauts mamlouks et servent donc de tampon protecteur aux territoires sous la domination du Khan. Un tel État ne peut revenir qu'aux Européens, les seuls dont l'alliance peut pennettre d'envisager une victoire contre l'ennemi égyptien. Les Annéniens de Cilicie et, plus encore, les autres communautés chrétiennes orientales, n'ont pas les capacités militaires requises pour faire fléchir un adversaire à l'année si puissante. Cette hypothèse, qui repose à la fois sur des questions d'ordre politique et d'ordre militaire, dépend étroitement de cette dernière. En effet, si cette supposition s'avère exacte, la Cilicie, avec une année beaucoup plus forte, n'aurait aucun mal à s'imposer comme l'intermédiaire obligatoire des chrétiens en Syrie. Il n'en est rien, et le reflux des troupes mongoles tue dans l'œuf ce projet de coopération.
Le rétablissement rnamloûk Anéantie lors de la bataille de Homs, l'année du sultan mamloûk est rapidement remise sur pied. Mal accueillies par la population, les troup~s égyptienn~s sont insultées et maltraitées. Des décisions énergiques sont pnses. Elles sont impopulaires: en effet, au prélèvement de taxes extraordinaires et à la réalisation d'emprunts473 s'ajoute le sentiment de l'inutilité de telles mesures. Les soldats mamlouks ont été défaits une première fois par leur adversaire mongol. Pourquoi n'en serait-il pas de même lors du prochain affrontement? L'année sultanienne est en ordre de marche dès le début de février 1300 et al-Nâsir peut lancer une contre offensive sur un territoire abandonné par les Mongols. Seuls vingt mille soldats du Khan, auxquels il faut rajouter les contingents chrétiens, sont stationnés en Syrie. Sous les ordres de Moûlây, ces troupes se replient sans combattre. La récupération de la Syrie est d'autant plus aisée pour al-Nâsir que Kiptchak trahit son nouveau maître pour revenir auprès du sultan. Pour les sources chrétiennes, c'est cette trahison qui contraint les Mongols à se retirer de Syrie. En effet, la défection de l'émir entraîne le soulèvement de la population, que Ghâzân a refusé de mettre à mort474 • De leur côté, les historiens musulmans sont plus précis au sujet de cette révolte: nous voyons une politique toute personnelle de Kiptchak, teintée d'un fort pragmatisme, puisqu'il fait constamment en sorte de se trouver dans le camp du vainqueur. Par exemple il se proclame sultan de Syrie, puis demande aux notables de reconnaître par serment la souveraineté de Ghâzân (deuxième jour de Radjab) pour, deux semaines plus tard, se rendre à la cour de al-Nâsir, afin de lui prêter hommage
illustre la catastrophe militaire subie par les Mamloûks. AL-MAKRÎZÎ, cité c. MUTAFlAN, Cilicie, op. cit., p. 463. 71 J. RICHARD, "Continuité", art. cit., p. 56-69. 472 J. RICHARD, "!sol le Pisan", art. cit., p. 189.
AL-MAKRÎZÎ, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 262. 474 Gestes des Chiprois, op. cit., § 611-612, p. 847-848 ; HAYTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XLI, p. 196, p. 320, trad. C. DELUZ, p. 851.
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(quinzième jour de Radjab~475. JI. e.st difficil~ de dégager les véritables intentions de l'émir, maIs Il est certam que ~on retour auprès du sultan mamloflk est une des causes du replI mong?1. Cette reconquête est l'occasion, pour le~ musulmans, de faIre payer aux chrétiens les actes commIs pendant la courte domination mongole.
LA DÉSILLUSION
Des tentatives infructueuses Préparation de nouvelles expéditions Ghâzân, après la perte de la Syrie, ne s'avoue pas vaincu et décide de renouveler l'expérience: il avertit de nouveau ses alliés et en appelle une fois de plus à J'Occident.ll propose une offensive pour J'année suivante.Le khan envoie un message au roi de Chypre pour lui signaler son désir d'attaquer à nouveau la Syrie pendant l'hiver 1300-1301. Il demande donc au souverain . 476 Gh'azan , ainsi qu'à tous les Francs de se ren dre en C1'I'ICle. quitte Tabrîz en septembre 1300, soit seuJement huit mois après son retrait. La question se pose: prépare-t-il moins bien ses expéditions que ses prédécesseurs? En effet, depuis Gengis Khan, les Mongols préparent avec minutie leurs offensives. De nombreuses années séparent la décision de l'attaque et le moment de son application. Il faut établir le réseau d'espionnage, déterminer les stratégies afin de remporter une victoire facile sans subir de pertes trop lourdes. Or, nous voyons Ghâzân, au travers des sources, prévoir des offensives pour l'hiver 1300-1301, puis de nouveau en 1303. Les échéances sont donc courtes, notamment pour une coordination avec les
chrétiens d'Occident. D'ailleurs, en novembre 1300, les Chypriotes débarquent à Rouwâd, ~uis ~77 Tortose, et se retrouvent seuls face aux troupes synennes alors que leur action doit être menée de concert avec les Mongols. Le débarquement est un échec et les soldats chrétiens se replient sur Rouwâd. Certes, le terrain n'est plus inconnu des Mongols, la Syrie subit leurs ~ttaques. dep~is 125? avec Hoûlâgoü. L'échéance pour la mIse sur pIed dune expedition est donc plus brève. La victoire de 1299 est sans doute aidée par la préparation minutieuse que Ghâzân y a porté, au dire même du sultan. Il met deux ans à rassembler ses troupes, il convoque les chrétiens et fait verser une solde478 • Ce n'est pas du tout le cas pour l'année 1301 puisqu'il ne s'écoule que quelques mois entre les deux offensives. Pour sa part, l'expédition de 1303 semble établie avec attention. Les rois chrétiens reçoivent leur convocation afin qu'ils se rendent au lieu de rendez-vous déterminé par le Khan. Ils ont ainsi le temps de lever leur armée. L'action entre Mongols et chrétiens orientaux est coordonnée mais reste à l'initiative de Ghâzân. L'attaque de 1301 : raid ou invasion? Les événements militaires de 1301 posent un problème de détermination. Il nous apparaît que l'offensive des troupes mongoles sur la Syrie correspond plus à un raid qu'à une invasion proprement dite. Tout d'abord, cette expédition peut être reliée au reflux des mois de février-mars 1300. C'est ainsi que Koutloflshâh se rend en Cilicie pour récupérer les troupes arméniennes de Hét'oum 11479 . Le général attaque par Antioche pendant que Ghâzân traverse l'Euphrate. Nous constatons donc que la voie de l'offensive emprunte les deux mêmes chemins que lors de l'invasion de 1299. Cependant, le Khan se contente 477
ID. ibid., § 621, p. 849.
m AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fase. III,
478 AL-MOUF ADDAL,
~.
f' 67.
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660-669. Gestes des Chiprois, op. cit., § 620, p. 849.
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Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fase. Ill,
Gestes des Chiprois, op. cit., § 622, p. 850.
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simplement de traverser le fleuve: il ~st devant Alep le.6 janvi~r 1301 et se replie de nouveau le 3 févner 1301. PourquOi ce reph, alors que Ghâzân n'a pas encore affronté al-Nâsir? Pour Haython, le souverain mongol est tombé malade48o ; de leur côté, les sources pro-mamloûkes insistent sur les mauvaises conditions climatiques. Quoi qu'il en soit, pour une raison ou une autre, Ghâzân se retire et transforme son expédition en un simple raid d'envergure. Les pluies torrentielles qui s'abattent sur la Syrie interdisant au sultan de porter secours aux trou~es de ce pays, al-Nâsir est contraint de repartir pour l'Égypte4 1. Pourtant, les Mongols ne semblent en aucune manière gênés par les intempéries. En effet, ces dernières empêchent le bon fonctionnement de l'intendance d'une armée régulière, telle celle des Mamloûks. De même, les Mongols, tout en continuant à se ravitailler sur le terrain, ont désormais besoin d'une certaine assistance logistique, du fait de l'évolution de leur armée sous l'influence d'un Etat sédentaire comme la Perse. Cependant, il n'y a rien de comparable dans l'organisation militaire des deux adversaires. Les Arméniens de Cilicie, de même que les Géorgiens, sont présents: ils participent à l'expédition aux côtés de Koutloûshâh et se retrouvent bientôt seuls avec celui-ci. Or, les soldats chrétiens ont besoin d'une certaine intendance et, pourtant, ils ne paraissent pas souffrir d'un manque quelconque. Il s'agit donc bien là d'un raid qui ne met pas enjeu des troupes régulières, ce qui limite la nécessité de se ravitailler. Les Mongols ravagent la région d'Alep durant près de trois mois482, sans rencontrer de résistance. Or un raid ne s'embarrasse pas de toute une logistique, puisque son principe même réside dans sa 480
rapidité. La pluie ne peut que nuire à l'efficacité d'une telle action et non pas mettre en danger la vie des hommes au même niveau que celui d'une armée régulière. C'est pourquoi les pillages se poursuivent longtemps: il n'y a plus d'adversaire. Qui plus es~, en ~ 299-1300, .les Mongols ne font pas, ou font très peu de pnsonmers. La Syne conquise, ils ne cherchent pas à faire des ,esclaves, s~ contentant « simple!"ent» de rançonner et de derober les biens de la population. A tel point que Hét'oum Il est co~traint d~ restituer les personnes capturées. De même, la populatIon synenne qui s'est réfugiée dans les monts des environs d'Antioche n'a pas vu les Mongols. Forte de cette expérience, elle se réfugie de nouveau dans ces montagnes où, cette fois, elle est attaquée et capturée. Aussi bien le bétail que la population sont pris. Il y a tant de prisonniers qu'un seul se vend dix dirhams 483. Il s'agit donc bien là d'un raid, et non pas d'une invasion visant à étendre la domination de Ghâzân sur la Syrie. Le roi de Cilicie joue à nouveau un rôle important dans le déroulement de ces événements. En effet, il participe activement à l'expédition avec ses troupes ; il se laisse aller à ses désirs de vengeance et détruit tout ce qu'il trouve. Hét'oum Il tient, en outre, une place considérable dans la capture des esclaves. Depuis longtemps, les rois de Cilicie pratiquent ce trafic: des accords ont, par exemple, été signés en 1288 avec Gênes. La République marchande se trouve exemptée du paiement des droits relatifs aux esclaves. « Le prince de Sis en acheta un nombre énorme; on en chargea des navires, et on les envoya par mer dans le pays des Francs»484 En réaction, les Mamloûks attaquent le rOlaume arménien en juillet 1302, le pillent, et prennent Sis48 • Une fois rassasiées, les troupes menées par Koutloûshâh retournent dans leurs pays respectifs, chargées de leur butin. Les intempéries ne sont pas achevées, et
HA YTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, ehap. XLI, p. 199,
E320, trad. C.DELUZ, p. 852.
81 Aboû I-FIDÂ, Autobiographie, op. cit., p. 172; AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fase. III, p. 34. 482 Aboû I-FIDÂ, Autobiographie, op. cit., p. 172; M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit. § 421, p. 632, parle de six mois.
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483
AL-MOUFADDAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit.• fase. III,
C· 36. 84
ID., ibid.
485 Aboû
I-FIDÂ, Autobiographie, op. cit., p. 172.
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c'est l'occasion pour les historiens égyptiens de souligner . par 1es cava1·lers mongo 1s486 . l'importance des pertes subles Mardj al-Souf/ar
Les forces en présence En 1303, Ghâzân lance une nouvelle campagne contre la Syrie487 . Il est bien question ici d'un désir de conquête, puisque l'armée alignée par Ghâzân est nombreuse, peut-être cinquante mille hommes en comptant les auxiliaires arméniens et géorgiens488 . Les effectifs en jeu sont certainement plus importants que lors du raid de 1301 : en effet, le biographe du patriarche nous signale les offensives de 1299-1300 et de 1303, tout en omettant de nous parler de l'attaque intermédiaire. Un corps de troupes de douze mille hommes, certainement des éclaireurs, est battu par les soldats de Syrie septentrionale, commandés par l'ancien sultan Kitbougha à la fin mars489 . Cependant, ces derniers se trouvent contraints de se replier. Il s'agit, en fait, d'un détachement placé sous les ordres du gouverneur de Tripoli, Esen Demir le Géorgien, qui surprend les Mongols et libère ainsi six mille prisonniers turcomans 490 • Une fois de plus, Ghâzân ne dirige pas les opérations: il stoppe sa marche à Dir 'Iesir et repasse l'Euphrate le 2 avril 1303 491 • Selon Haython, la cause en est une attaque sur la frontière
486 AL-MOUFAOOAL, Histoire des sultans mamlouks, op. cit., fasc. III, p.36. 487 HAYTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XLII, p. 199, ~ 321, trad. C. OELUZ, p. 852. 8 M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 330. 489 Aboû I-FIDÂ, Autobiographie, op. cit., p. 172-173. 4W M. O'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 328-329. 491 ID., ibid., p. 328.
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rientale du khanat de Perse492 . Nous n'avons aucun moyen d ovérifier cette afIrmatlOn fi· de l'h·Istonen . arménien: peut-être est-e ce la vérité, peut-être le khan est-il malade, ou peut-être est-ce le signe d'un intérêt secondaire pour les affaires de Syrie? Le commandement es~ ~onc confié à son fidèle général Koutloûshâh. ,~eIUi-cl ,est. acc?mp~gné des contingents chrétiens, armemen et georglen. L armee mongole est forte de ·11 h ommes 493 ,en mcluant . près de quarante ,ml.e les auxiliaires de Cilicie et de Georgie. Nous ne devons faire aucun cas des affirmations du continuateur de la chronique du connétable Sembat, qui parle de dix-huit mille hommes réunis par 494 Hét'oum II C'est donc à nouveau une coalition christiano-mongole qui affronte les troupes du sultan. Ces dernières sont particulièrement motivées. Trois raisons peuvent expliquer cet état d'esprit. Premièrement, les Mamloûks n'ont pas encore véritablement vaincu les soldats de Ghâzân et il s'agit pour eux d'une question d'amour-propre. Deuxièmement, ils ne peuvent se permettre de concéder une seconde défaite consécutive, qui peut s'avérer décisive. En effet, la remise sur pied de l'armée a nécessité d'énormes sacrifices de la part de la population, cette dernière ayant déjà fait part de son fort mécontentement à la suite de la défaite de Homs, en 1299. Enfin, troisième raison les musulmans, tant de Syrie que d'Égypte, connaissent le 'sort réservé aux populations, aussi bien par les Mongols que par les chrétiens. Ils ont encore à l'esprit les deux expéditions précédentes de Ghâzân, durant lesquelles les Syriens ont été particulièrement malmenés. Pour leur part, les chrétiens espèrent une nouvelle victoire, celle-ci, définitive, assurant ainsi la survie de l'Église chrétienne en Syrie et surtout celle du royaume arménien de Cilicie.
492
HAYTHON, La Flore des histoires, op. cil., Livre III, chap. XLII, p. 200, C. OELUZ, p. 852. 493 494 ID., p. 201, p. 3~2, trad. p ..853. 5MBAT, Chromque, op. CIl., p. 663. p. 321, trad.
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L'erreur tactique Les historiens chrétiens nous ~arlent d'une grave erreur tactique de la part de Koutloûshâh45 . Le général po~e, selon eux, l'entière responsabilité de l'échec. Il re~se ~e. te~lr compte mlhtalre, auquel des re co mmandations avisées de son conseIl d' . . 1 rtient le roi de Cilicie. C'est une tra Itton prIse par es AIA A H 't' 1er appa différents Il-Khans puisque, déjà sous Hou agou, e oum 496 d " t ' 1 1 fait part de son opinion ; cette ernlere es, par al eurs, recherchée. Koutloûshâh refuse de faire reposer .les troupes et ordonne l'offensive contre l'ennemi. Le premIer assaut est donné le 20 avril 1303 497 , l'aile droite égyptienne est assaillie et prend la fuite. Malgré de I,lombre~ses pe~es, les Mamloûks campent sur leur position. A la nUlt tomb.ee, les .Mon~ols .se replient sur une colline. Dès lors, la siruat~on deVIent diffiCile pour ces derniers car ils se tro~~ent en~erc~es par l~s troupe~ du sultan. Qui plus est, les condItIOns chmattques tres mauvaIses · d'I' font que les eaux sont gonflées sous les p1Ules 1 u~len?es 498 . Les Mongols sont pris au piège. Dans le but de les detrUlre, alNâsir fait ouvrir un passage, afin que ces derniers s'y engouffrent. Esen Demir le Géorgien écarte ses troupes. Koutloûshâh et ses hommes se précipitent dans la brèche et sont taillés en pièces. Les rares soldats qui parviennent à s'échapper tentent de traverser la rivière et s'enlisent dans le bourbier créé par les eaux. Des soldats égyptiens assaillent ces troupes démunies. C'est une véritable déroute: selon Moûkhwând, les Mamloûks ont fait dix mille prisonniers et se sont emparés de vingt mille chevaux. De plus, Titta, Sounatây et Kinshoû - trois
,499 A' . 1 ' érauX- sont captures . « mSI es Tartares s'en retournèrent gen lfi '. 'ncUS, non par es orces ennemies, mais par la malchance et val d'" 500 les mauvaises eClSlons.» .
Le désastre La défaite de Mardj al-Souffar est une réelle catastrophe. Toutes les troupes mongoles sont anéanties. Les rares survivants racontent le malheur qui s'est abattu sur eux. Pour Hét'oum II, la siruation est encore plus préoccupante. En effet, malgré ses pertes, le kh~nat de Perse. ~~ peu~ être menacé par les Mamloûks. C est donc la CIliCie qUI a tout à craindre des représailles du sultan. ~es soldats arméniens sont décimés. Certes, il ne reste pas cmq cents combattants sur les dix-huit mille levés par Hét'oum II, comme l'affirme Nersês Balianents, continuateur de la chronique du connétable Sembat50I . Même si les données rapportées par le chroniqueur sont erronées, elles n'en illustrent pas moins la catastrophe que représente cet échec pour le royaume chrétien. La Cilicie est touchée dans ses forces vives et, désormais, ses effectifs militaires sont considérablement réduits. Hét'oum II se trouve confronté à une situation critique. Les dégâts sont tels qu'il ne peut espérer tenir tête efficacement aux Mamloûks. Devant les doléances du roi arménien, Ghâzân attribue à son vassal mille cavaliers chargés d'assurer la défense de ses frontières 502 • « Le roi d'Arménie rentra dans son pays, mais ne put guère prendre de repos car, cette année-là, le sultan envoya presque chaque mois quantité de gens d'armes qui parcouraient la terre d'Arménie, ravageant
5MBAT, Chronique, op. cil. p. 663; HAYTHON, La Flore des histoires, cit., Livre III, chap. XLII, p. 201, p. 323, trad. C. DELUZ, p. 854. 4 HA YTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XX, p. 170, 1'9301, trad. C. DELUZ; p. 838. 7 Aboû I-FIDÂ, Autobiographie, op. cit., p. 173 ; M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 331. 498 Aboû I-FIDÂ, Autobiographie, op. cit., p. 173.
MOÛKHWÂND, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. N, p. 334-335. 500 HAYTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre Ill, chap. XLII, p. 203, p. 324, trad. C. DELUZ, p. 854: « Et sic accidit quod, non propter inimicorum potenciam, sed casu et male consilio, confusi ad propria remearunt. » 501 5MBAT, Chronique, op. cit., p. 663. 502 HAYTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre Ill, chap. XLIll, p. 204, p. 324, trad. C. DELUZ, p. 854.
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LE CONFLIT MILITAIRE
Ghlizlin, un défenseur des chrétiens? tout, Surtout la plaine, et le royaume fut dans un état pire que jamais »503. Au travers des sources et des études qu'il nous a été donné de consulter, nous ne pouvons pas donner une estimati.on des pertes géor~iennes. Cependant, la présence de ces contmgents est attestée 5'04. Au retour de ses troupes, Ghâzân laisse éclater sa colère. II est furieux contre ses généraux, certainement moins pour la défaite que pour la manière dont ses Aho~mes ont ~té massacrés. Le principal accusé est Koutloushah, le fidele compagnon d'armes du Khan. En effet, c'est lui qui est responsable des mauvais choix tactiques qui ont amené la défaite. Selon les sources mamloûkes, Koutloûshâh échappe de peu à la mort et doit subir une punition avilissante. Toutes les personnes présentes, qui sont très nombreuses, passent devant lui à tour de rôle et lui crachent dessus 505 • Tous les généraux sans exception reçoivent, pour leur part, la bastonnade. Koutloûshâh est exilé dans le Gîlân. Ghâzân décide, comme il l'a promis au roi de Cilicie, de préparer une nouvelle expédition. Son intention était de la diriger en personne.
503 ID., ibid., chap. XLIV, p. 205, p. 325, trad. p. 855 : « Rex vero Armenie ad terram suam rediit, sed postquam ibi applicuit, parum habuit de quiete. Nam per totum ilium annum, fere mense quolibet, soldanus transmisit magnam copiam armatorum, qui totum regnum depredabantur et precipue planiciem cursitabant, dampna vero non modica inferendo. Et nescitur r:f1num Armenie tantam habuisse molestiam temporibus retroactis. ». 5 M.-F. BROSSET, Histoire, op. cit., § 422, p. 634 ; HA YTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XLII, p. 203, p. 324, trad. C. DELUZ, g.854. 05 AL-MAKRÎSî, cité par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., t. IV, p. 339.
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L'obsession de Ghâzân pour la Syrie Tout le long de son règne, Ghâzân ne semble avoir qu'une seule idée en tête: conquérir la Syrie. Cette volonté est permanente, « puisqu'il pense tous ~es jour~ à nUi,re au sulta~ et aux Sarrasins »506. De plus, ce désir est alimente par le rOi de Cilicie. Ce dernier voit dans le souverain mongol une ultime chance de se débarrasser du danger mamloûk. C'est pourquoi . ft uence Hét'oum II n'a de cesse de relancer le Khan 507 . Cette m du roi d'Arménie est parfaitement vraisemblable, mais n'a en aucun cas l'importance que veut bien lui accorder le continuateur du connétable Sembat. Celui-ci place dans la bouche de Hét'oum Il des reproches d'une virulence extrême. Nous pouvons douter du fait que Ghâzân accepte de se laiss~r parler de cette manière, surtout de la part d'un vassal. Ce serait Hét'oum Il lui-même qui aurait poussé le Khan à intervenir sur le front syrien. Ce dernier, par respect et considération envers le roi chrétien, aurait accepté de lancer ses troupes à l'assaut de la Syrie! Or, Ghâzân est avant tout un Mongol, c'est-à-dire un souverain qui prend ses décisions seul, tout en écoutant les conseils de son entourage. De plus, nous savons ce qu'il en est de son respect pour le roi arménien, avec son soutien lors des querelles politi~ues survenues ~ntre I~~ ~ifférents frè.re~ de la famille royale 50 • Le rôle du rOi de CiliCie est donc limité aux plaintes qu'il adresse à son seigneur, celles-ci faisant le plus souvent suite aux attaques successives dont est victime son pays. Hét'oum II peut également faire part de son expérience au plan militaire; en effet, lors des différentes expéditions, il fait partie
506 Gestes des Chiprois, op. cit., § 594, p. 844 : « qu'i ne pensast tous jours de fcrever le soudan et les Sarazins. » 07 5MBAT, Chronique, op. cit., p. 661 et p. 663-664. 508 Voir supra, p. 120-125.
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LE CONFLIT MILITAIRE ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
. du conseil de En aucun cas cependant 1'1' n a pu aVOIr une autorité telle que Ghâzân lance une attaque à sa simple demande. Toutefois, même si ceci est totalement impossible, il est certain au contraire que le Khan a à cœur d'assurer la protection de son vassal. Pour que le royaume arménien ne souffre pas trop des agressions mamloûkes, et donc qu'il soit en état d'assurer la protection de l'Asie Mineure et des provinces orientales de l'Euphrate, il faut que Ghâzân porte ses efforts sur la Syrie, afin de soulager la charge qui pèse sur la Cilicie. Ce sont donc des considérations de stratégie militaire et de prestige personnel qui poussent le Khan à intervenir dans le théâtre d'opération syrien, et non pas un quelconque esprit de générosité et de reconnaissance à l'égard de son vassal chrétien. guerre 509 .
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Ghâzân, un protecteur des chrétiens de Perse Pouvons-nous considérer Ghâzân comme le dernier protecteur des chrétiens de la Perse mongole? Il est difficile de répondre à cette question. En effet, l'attitude du Khan est en permanence imprégnée de considérations étatiques supérieures. Les communautés chrétiennes du khanat bénéficient d'une protection de par la tolérance religieuse dont fait preuve le souverain. Il suit en cela le statut de la dhimma et non plus la liberté religieuse inscrite dans le Yasa de Gengis Khan. De son côté, le royaume géorgien essaye de se dégager de la tutelle de Tabrîz, comme le prouvent les révoltes successives de David VIII. Ces dernières attirent sur son pays la répression mongole, avec tout de même de sérieuses tentatives de médiation, où le représentant de Ghâzân accorde à chaque fois les gages de sécurité exigés5lO . Une fois de plus, la question porte essentiellement sur le royaume arménien de Cilicie. Des
509
HAYTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XLII, p. 201,
E' 322, trad. C. DELUZ, p. 853. 10 M.-F.
BROSSET, Histoire, op. cit., § 412, p. 619.
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C. MUTAFIAN, Royaume arménien, op. cit., p. 71. HA YTHON, La Flore des histoires, op. cit., Livre III, chap. XXVIII, p. 177, p. 307, trad. C.DELUZ, p. 842.
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problèmes se posent à nous pour pouvoir affirmer avec conviction que Ghâzân est le dernier protecteur des Annéniens 511 • Certes, le Khan participe activement à la lutte contre les Mamloûks. Mais est-il véritablement animé d'intenti?ns pro~ectrices à l'~gard de la Cilicie, ou est-ce plutôt par espnt guen:ler et. conqu~rant? Sur les trois campagnes qui marquent son regne, Ii se retire une première fois et ne participe que de très loin aux deux suivantes. En outre, tout le long de son gouvernement, le royaum~ arménien est soumis aux attaques incessantes de ses ennemis. Or, Ghâzân ne réagit pas avec vigueur devant les agressions dont est victime son vassal. Tout comme Abaka, il est distrait par d'autres soucis5l2 . Il n'intervient jamais en 1298, en 1302 ou encore en 1303 et 1304. Hét'oum II se retrouve seul pour affronter la violence de la réaction mamloûke à la suite de Mardj al-SoutTar. Le Khan accorde bien mille cavaliers, tous frais payés, au roi, mais qu'est-ce que mille hommes devant des assauts incessants? En effet, ces derniers deviennent à la fois de plus en plus nombreux et de plus en plus puissants, et causent de plus en plus de dégâts. À la décharge de Ghâzân, il est vrai qu'il meurt peu après et que nous ne pouvons savoir qu'elle aurait été sa réaction devant la recrudescence des raids contre son vassal. Quoi qu'il en soit, à la vue de la capacité militaire du khanat de Perse et des pertes arméniennes lors de l'expédition de 1303, le Khan doit pouvoir faire un geste plus important en direction de la Cilicie. Pour notre part, nous ne pensons pas que mille cavaliers représentent, pour quelqu'un comme Ghâzân, une marque d'attention particulière à l'égard des Arméniens. Il est seigneur et doit assurer la protection de son vassal. Pourtant, exception faite de cette troupe de mille hommes, nous ne voyons rien qui soit entrepris par le souverain mongol en faveur du royaume arménien: ni intervention directe, ni allégement des exigences. Nous ne pouvons pas interpréter la campagne de 1299-1300
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comme une réaction aux pertes importantes subies par les Arméniens en 1298, tout d'abord parce que l'attaque est programmée avant -le sultan parle de deux ans de préparation513 _, et parce que, en outre, dans les diverses autres raisons avancées par les sources, il n'est fait nulle part mention d'une quelconque volonté de porter secours à la Cilicie. Pourtant, par intérêt purement pragmatique, Ghâzân tient à protéger le royaume arménien, pour que ce dernier soit suffisamment fort pour constituer un État tampon efficace. Aussi essaye-t-il de neutraliser l'action des Turcomans karâmânides contre les terres de Hét'oum II. II se montre soucieux de la protection de ces dernières, mais ce n'est en aucun cas sa priorité. D'ailleurs, si tel est le cas, pourquoi le souverain arménien recherche-t-il à tout prix l'alliance occidentale? C'est bien la confirmation que l'aide apportée à Hét'oum II n'est pas suffisante, que Ghâzân ne désire pas la lui fournir ou qu'il n'en a pas la possibilité514 • Peut-on par là parler de Ghâzân comme d'un protecteur des Arméniens? Nous ne le pensons pas. Pour notre part, il est avant tout question, pour le souverain mongol, d'assurer sa victoire. Le désir du Khan de porter ses attaques sur la Syrie revient surtout pour ce dernier à agrandir ses domaines. Dans le testament que nous a transmis Rashîd al-dîn, nous voyons que le souverain ne juge pas la frontière avec les Mamloûks comme définitive, puisqu'il donne ses instructions pour tous ses « États héréditaires, depuis le fleuve Arnoyé jusqu'à la frontière occidentale! ))515.
nouveau en une repris.e de l'avance mongole contre les Mamlouks et les contmgents chrétiens en profitent . Il' pour commettr~ des exactIOns. n ~n est rien: les expéditions de 1301, maIs . 'surtout de1 1303, rument définitivement les chances d'une VIctOIre mongo e. Avec cet épisode militaire, la Cilicie et le khanat de Perse se retrouvent affaiblis, tandis que le sulta t mamloûk sort à la fois plus. fort militairement et plus glori:x aUX yeux de la populatIon musulmane. Ainsi l'entente christiano-mongole se conclut sur un nouveau constat d'échec.
Tout comme celles de ses prédécesseurs, les initiatives de Ghâzân se soldent par un échec complet. À la suite de la victoire de Homs, en 1299, les chrétiens orientaux espèrent de 513
AL-MOUFADDAL, Histoire . des sultans mamlouks, op. cit., fasc. III, 6
~. 7.
J. RICHARD, "Concile" art CI't p 35 Rashld AL-DÎN, CIté par M. D'OHSSON, Histoire des Mongols, op. cit., UV, p. 351. 14
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CONCLUSION GÉNÉRALE Les rapports entre les Mongols et les chrétiens orientaux n'ont pas fondamentalement changé sous le règne de Ghâzân. Hormis les premières années de son pouvoir, marquées par des persécutions religieuses encore jamais vues jusque là, le Khan maintient la ligne directrice de ses prédécesseurs. Il ménage donc, dans son khanat, les minorités religieuses, chrétiennes et juives, tout en restant attentif aux besoins de ses vassaux. Toutefois, son attitude est désormais dictée par les principes de l'islam. Les chrétiens orientaux, tout du moins ceux qui se trouvent sous la domination directe des Mongols de Perse, sont considérés comme des Gens du Livre bénéficiant de la dhimma et étant soumis à un pouvoir musulman contraignant. Cependant, outre son esprit extrêmement ouvert, Ghâzân est conscient de la nécessité de préserver les différentes communautés chrétiennes présentes dans ses États. Celles-ci sont des soutiens traditionnels du pouvoir et, de plus, elles peuvent jouer un rôle non négligeable lors des avances faites par Ghâzân en direction de l'Occident. Hét'oum II n'envoie-t-il pas des ambassades dans toute l'Europe pour demander le soutien des Francs? De plus, il ne faut pas surestimer l'acculturation des Mongols dans les territoires sous la domination de Ghâzân ; l'élément chrétien, bien que très affaibli, n'en demeure pas moins encore vivant parmi la noblesse mongole. Le rôle des chrétiens orientaux tend pourtant à s'effacer au sein du khanat de Perse. Ils ne profitent plus d'une situation religieuse avantageuse, leur poids politique est désormais des plus minimes. Seul persiste encore leur rôle militaire: l'envoi de contingents chrétiens permet au Khan de gonfler les effectifs qu'il aligne en Syrie et compense en partie l'absence des
CONCLUSION ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
nombreux corps de troupes nécessaires à la défense des frontières nord et orientale. Il s'agit cependant, ici, des deux royaumes chrétiens, la Cilicie :t la Géor~ie, et .non p.as des chrétiens orientaux du khanat meme, pour 1 essentIel syrIaques. Ces derniers n'ont plus rien qui puisse pencher en leur faveur, ils ont perdu le soutien religieux, leur influence en politique, à la fois intérieure et extérieure, et n'ont pas de rôle essentiel au plan militaire. L'importance, sur ce point, des soldats chrétiens est de moins en moins grande. Ce sont des alliés, mais ils ne sont en aucun cas indispensables aux Mongols, même s'ils sont un complément apprécié, car à la fois utile et peu coûteux. Leur présence sur le champ de bataille n'est pas nécessaire pour vaincre l'ennemi. En 1299, Ghâzân ne remporte-t-il pas la victoire sur les Mamloûks en l'absence des troupes arméniennes menées par Hét'oum II ? Leur rôle est toutefois profitable et leur présence appréciée, puisque le Khan cherche à les satisfaire en fermant les yeux sur les débordements commis en Syrie. Ghâzân maintient donc les axes majeurs des relations mongolo-chrétiennes traditionnelles, tout comme il a conservé la politique franque de ses prédécesseurs. Il ouvre cependant, dans ses domaines, la voie de l'islamisation totale des élites mongoles. Profondément mongol, il s'impose suffisamment tôt pour stabiliser la nouvelle situation religieuse de son ulus. Mais le virage est pris, l'islam sort définitivement vainqueur de la lutte qui l'a opposé au christianisme. Ce que Ghâzân a l'intelligence et la présence d'esprit de respecter, à savoir les origines chrétiennes de nombreuses tribus mongoles, ses successeurs ne l'auront pas. C'est le cas d'Oldjeytü, qui se révèle être un musulman fanatique. De même, Ghâzân s'appuie sur les chrétiens orientaux, et plus particulièrement sur le royaume arménien de Cilicie, pour mener à bien sa politique extérieure hostile,au sultanat mamloûk. Il tente de s'appuyer sur les deux grands Etats chrétiens de la région, vassaux du khanat de Perse. En ~éorgie, il remplace David VIII; en Cilicie, il confirme le vaInqueur des luttes fratricides pour la conquête du 234
trône. Malgré quelques changements et évolutions dans les relations entre Tabrîz et les deux capitales chrétiennes, Sis et Tbilissi, l'attitude générale de Ghâzân à leur égard n'a pas profondément évolué par rapport à celle de ses prédécesseurs. Sous Oldjeytü, au contraire, le roi arménien Lewon III et le grand bar?n Hét'oum, l'ancien roi H~t'?um Il, puis le souverain de GéorgIe, trouvent la mort, assaSSInes sur ordre de généraux mongols mécontents. Cette coïncidence, pour le moins surprenante, indique, selon toute vraisemblance, un retournement de la position du khanat de Perse vis-à-vis de ses deux vassaux. Au plan militaire, la paix conclue entre les Mongols et les Mamloûks en 1323 met définitivement fin aux espoirs des chrétiens orientaux, plus pa.T!iculièrement arméniens, d'assister un jour à la restauration d'Etats chrétiens en Terre sainte. Le règne de Ghâzân est un tournant essentiel dans les relations mongolo-chrétiennes, non pas sous son pouvoir même, mais beaucoup plus sous ses successeurs. Sa conversion à l'islam établit de nouveaux rapports que son intelligence politique et sa hauteur de vue permettent de conserver intacts dans les grandes lignes. Son règne peut véritablement être considéré comme le dernier acte, le baissé de rideau de la collaboration et de l'entente mongolo-chrétienne dans cette région. À sa mort, le II mai 1304, la Cilicie se retrouve désormais totalement seule pour affronter les Mamloûks et les Karâmânides. Malgré un dernier sursaut en 1305, avec une victoire à l'Ayas, les Arméniens sont désormais dans une situation des plus délicates. Pour sa part, la Géorgie va recouvrer son indépendance et sa grandeur sous Ghiorgi V le Brillant. Quant aux communautés syriaques, elles sont presque vouées à l'extinction. Au terme de notre recherche, certaines questions restent en suspens. Elles sont trop complexes pour pouvoir. être éclairées de manière totalement perspicace dans un travail de maîtrise, du fait de la contrainte du temps; elles exigent, de 235
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
plus, la consultation de nombreuses autres sources qui nous sont restées inaccessibles. Quelle sorte d'islam pratique réellement Ghâzân ? Les spécialistes se disputent encore pour déterminer avec exactitude la place des différentes influences religieuses qui se sont exercées sur lui. Quelle est véritablement la politique du Khan à l'égard des communautés chrétiennes orientales présentes dans son u/us? Quelle est la part objective de l'acculturation mongole au sein du khanat de Perse? Ghâzân peut-il être considéré comme un protecteur de la Cilicie, ou bien plutôt comme un suzerain ayant exploité au maximum les ressources de son vassal? Pour quelles raisons a-t-il morcelé politiquement la Géorgie? Quel est son véritable désir en ce qui concerne sa présence en Syrie; souhaite-t-il restituer la Terre sainte aux Francs si ces derniers se présentent?
CHRONOLOGIE 1220 : Défaite géorgienne face aux Mongols. 1222-1245: Roussadane, reine de Géorgie. 1225 : Victoire mongole sur les fils du Khwârazm-Sbâh. Les fils du Khwârazm-Shâh battent les Arméniens à Garni. 9 mars 1226 : Djalâl al-dîn prend Tbilissi. Hiver 1227-1228 : Bataille de Bolnisi. 1241 : Invasion de la Hongrie. 1243 : Arghoûn Âkâ désigné comme le nouveau commissaire civil pour l'ensemble des territoires mongols d'Iran. 26 juin 1243 : Kôse Dagh. 1243 : Conquête du sultanat saldjoûkide de Roûm.
Nous le voyons, de nombreuses questions restent encore à explorer plus profondément pour avoir des certitudes, et non plus des impressions. La complexité de Ghâzân en fait un sujet de recherche passionnant qui nécessite de faire appel à tous les renseignements disponibles.
1244: Soumission d'Hét'oum 1er , roi de Cilicie. Soumission de l'atabeg de Mossoul, Badr al-dÎn Lou' Lou'. 1246: Attaque du sultanat saldjoûkide de Roûm contre les Arméniens, avec l'autorisation des Mongols. 1248-1250: Voyage du connétable Sembat auprès de Güyük.
Quoi qu'il en soit, Ghâzân est le dernier des souverains mongols de Perse à prendre en considération l'existence des chrétiens orientaux dans ses États et ce, dans ses différentes o?entatio~s, qu'elles soient religieuse, politique ou militaire. C est aUSSI un des plus grands.
Décembre 1248 : Ambassade mongole adressée à saint Louis. 1249-1250: Révolte en Géorgie, puis les choses se calment 1254: Hét'oum 1er part à la cour de Môngke. Recensement mongol qui détermine que la Géorgie doit fournir une armée de 90 000 hommes. 1256: Prise d'Alamut par les Mongols. 15 février 1258 : Prise de Bagdad. 1258 : Cens évalué en Géorgie à 500 dÎnârs par personne taxée. Les Arméniens occupent Marach. 1259: Conquête de la Haute Mésopotamie et de la Syrie par Hoûlâgoû.
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CHRONOLOOIE ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE "
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25 janvier 1260 : Prise d'Alep. 17 aoOt 1260 : Prise et sac de Sidon. 3 septembre 1260 : 'Ayn Djâloût. 1260-1277: Baybars, sultan mamloûk. Automne 1260: Traité de paix entre Hoûlâgoil et Michel VIII Paléologue. 10 décembre 1260 : Bataille de Homs. 1261 : Baybars fait rebâtir les forteresses de Syrie détruites par les Mongols. Bahasnâ, Darbsâk données aux Arméniens par les Mongols. 1262 : Ambassade de Hoillâgoû bloquée en Syrie. 20 novembre 1262: Première purge du dîwân. 1263/1264 : Proposition de paix d'Hét'oum le, rejetée par Baybars. 1264: Changement d'attitude de Rome à l'égard des Mongols. Bulgares et Mongols de kiptchaks attaquent l'Empire byzantin. Fin décembre 1264-février 1265 : Offensive mongole sur a1-Bira. Juin-juillet 1265 : Prise par les Mamloûks de al-Rahba (récupérée avant 1280). 1265 : Mort d'Hoûlâgoû. 1266: Hét'oum le, fortifie le défilé de Darbsâk. Expédition de Baybars contre la Cilicie. 25 aoOt 1266 : Défaite arménienne de Mari. 1268 : Lettre d'Abaka au pape Clément V. 18 mai 1268 : Prise d'Antioche. Mai 1268 : Prise de Baghras. 1269-1289: Lewon II, roi de Cilicie. Octobre 1270 : Mort d'Hét'oum le, 1271 : Échec du débarquement mamloilk à Chypre. 4 décembre 1271 : Naissance de Ghâzân.
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1272 : Échec mongol devant al-Bira. Mai 1273 : Prise de Kaynoûk par les Mamloi\ks. 1274 : Concile de Lyon. Ambassade mongole en Occident. pervâne du Roûm envoie des messages à Baybars. 1275 : Attaque mamloûke sur la Cilicie. 1276: Ambassade mongole menée par Jean et Jacques Vassalli. Victoire arménienne à Marach, mort du connétable Sembat. 15 avril 1277 : Défaite mongole à Elbistan. 27 avril 1277 : Repli mamloük. 1277 : Mort de Baybars. 1278/9 : Incursions mamloûkes en Cilicie. 1279-1290 : Kalawoûn, sultan mamloûk. 29 octobre 1281 : Bataille de Homs. 2 novembre 1281 : Marcus devient patriarche des nestoriens sous le nom de Mar YâhbaIlahâ III. 1281 : Abaka donne le sceau cruciforme à Mar Yâbballahâ III. 1 avril 1282 : Mort d'Abaka. 1283: Kalawoûn renforce sa frontière du côté de l'Euphrate. 16 aoOt 1284 : Mort de Takoûdâr-Ahmad. 7 mai 1285: Trêve de dix ans conclue entre la Cilicie et les Mamloûks. 1185 : Raid de pillage dans la région d'Irbil. 1286 : Raid de pillage sur Mossoul. Ambassade d'Arghoûn menée par Rabban Sauma. 1288 : La Cilicie accorde un privilège aux Génois: ils ne payent pas les droits relatifs aux esclaves. L'Église d'Orient et son catholicos sont considérés par Nicolas IV comme dans l'union avec l'Église de Rome.
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CHRONOLOGIE ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
5 octobre 1295 : Entrée solennelle de Ghâzân à Tabrîz.
12 mars 1289 : Mise à mort de Dimitri II.
octobre 1295 : Édit de persécution de Nawrouz.
7 avril 1289 : Prise de Tripoli. Juillet 1289 : Ambassade du pape avec à sa tête Jean de Monte Corvino. 1289 : Ambassade d'Arghoûn avec à sa tête Buscarello Ghisolfi.
3 novembre 1295 : Ghâzân est intronisé, il prend le titre de sultan. et le nom de Mahmoûd.
1289-1295 : Révolte de Nawroûz.
1296-15 janvier 1299 : Lâdjîn sultan mamloûk.
28 décembre 1289: Nicolas IV augmente la liste des «denrées prohibées». 1289-1290: Toute la classe vizirale formée sous Abaka supprimée.
1296: Révoltes de Sougây et Baroulây, puis d'Arslan.
10 novembre 1291 : Mort de Kalawoûn.
Mars-juillet 1296: Ghâzân rétablit dans ses honneurs et dignités Mar Yâhballahâ III.
1291 : Épizootie qui frappe les troupeaux de l'Irak arabe, du Diyâr Bakr et du Khourâsân. 7 mars 1291: Mort d'Arghoûn. 17 juin 1291 : Prise d'Acre.
1295 : La horde d'Oirats passe l'Euphrate. 1295-1296 : Épidémie et disette en Égypte.
Sadr al-din Hâlidî rappelé (à contrecœur) par Ghâzân. Après mars 1296 : Fin des persécutions.
1297 (Carême) : Pillage de Marâgha. Usurpation de Sembat, Sembat devient roi de Cilicie. 10 février-14 septembre 1297 : Siège de la citadelle d'Irbil.
1292 : Sadr al-din Hâlidi appelé par Gaykhâtoû. Juin 1292 : Prise de Horomkla (Kalât al-Roûm).
13 août 1297 : Exécution de Nawroûz.
1293-1307 : Grigor VII d'Anazarbe, catholicos arménien.
Fin octobre-début novembre 1297 : Révolte de David VIII, roi de Géorgie. 1 novembre 1297 : Adoption du turban par Ghâzân.
1293 : Cession de Bahasnâ, Marach et Tell-Hamdoûn.
Hiver 1297-1298 : Mar Yâhballahâ III passe l'hiver avec Ghâzân.
1293-1311 : David VIII, roi de Géorgie.
Hét'oum II laisse le trône à son frère T'oros. 1293-1294: AI-Nâsir, sultan mamloûk (premier règne).
18 juin 1298 : Prise de Tell-Hamdoûn par les Égyptiens.
1294 : Hét'oum II retrouve le trône.
Août 1298 : Fin du siège de Nadjîma, pendant lequel Il châteaux forts sont abandonnés aux Égyptiens.
« Tant les nobles que le petit peuple, tous étaient devenus musulmans ».
1298 : Tribut de la Cilicie doublé par les Mamloûks.
Décembre 1294-novembre 1296 : Kitbougha, sultan mamloûk. 21 avril 1295 : Mort de Gaykhâtoû. 12 mai 1295: Boniface VIII repromulgue l'interdiction de commerce avec les Sarrasins. (19 ou fin) juin 1295 : Conversion de Ghâzân à l'islam.
Édit de Ghâzân rendant le sceau volé au patriarche. David VIII refuse de se rendre auprès de Ghâzân. Kostandin renverse Sembat. Kostandin envoie une ambassade au sultan Mamloûk. Rashîd al-din à la tête des affaires.
Été 1295-été 1296 : Ghâzân entièrement dominé par Nawroûz.
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CHRONOLOGIE
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
30 mars 1300 : Moûlây se replie. 8 avril 1300 : Nom du sultan de nouveau dans la prière à Damas.
14 janvier 1299 : Kiptchak, Baktimour, al-Baki et 'Azaz partent
18 mai 1300 : Lettre de Jacques Il d'Aragon à Ghâzân.
pour la Perse. 1299 : Accueil des quatre émirs syriens.
16 septembre 1300: Départ de Koutloûshâh à la tête de l'avantgarde pour la Syrie. 20 septembre 1300: Bulle de B~)Diface VIII interdisant le commerce de certaines denrées avec l'Egypte.
Février 1299 : AI-Nâsir remonte sur le trône. 1299 : Nouvelle révolte de David VIII, il est remplacé par son frère Ghiorghi V. Mouvements mongols vers la Syrie, projet d'invasion avorté par la révolte de Soulâmîsh. 27 avril 1299 : Révolte de Soulâmîsh écrasée. 16 octobre 1299 : Ghâzân quitte Tabrîz. 21 octobre 1299 : Lettre de Ghâzân au roi de Chypre, aux maîtres généraux du Temple et de l'Hôpital pour rejoindre l'expédition.
30 septembre 1300 : Ghâzân quitte Tabrîz. 28 octobre 1300: Le sultan quitte Le Caire avec l'armée d'Égypte. Novembre 1300 : Une armée croisée passée de Chypre à Rouwâd débarque à Tortose pour rejoindre l'armée mongole. 1300 : Ghâzân rétablit un nouveau système administratif. Buscarello Ghisolfi remet à Ghâzân une lettre de Boniface VIII.
Fin novembre 1299 : Deuxième ambassade à Chypre.
6 janvier 1301 : Ghâzân devant Alep.
7 décembre 1299 : Ghâzân passe l'Euphrate. 12 décembre 1299 : Ghâzân devant Alep.
Après le 19 janvier 1301 : Pillages et captures dans les monts des environs d'Antioche.
23 décembre 1299 : Bataille de Homs.
3 février 1301 : Retraite de Ghâzân.
1299 : Fârs envahit par les troupes de Douwâ.
29 juin 1301 : Abdication d'Hét'oum II en faveur de Lewon.
2 janvier 1300 : Lecture de la proclamation de Damas
22 août 1301 : Arrivée au Caire de l'ambassade de Ghâzân
(rédigée le 30 décembre).
(lettre datée de fin mai).
Entrée de Ghâzân à Damas.
19 décembre 1301 : Arrivée de l'ambassade égyptienne
9 janvier 1300: Pillage de al-Sâlihiyya par les troupes arméniennes.
(lettre du 3 octobre).
2 février 1300 : Diplôme d'investiture de Ghâzân qui attribue à l'émir Kiptchak le titre de gouverneur dans les provinces d'Alep, Hamah, Shayzar, Baghras, Antioche, Kalât al-Roûm et Bahasnâ.
14 mars 1302: Début de l'ère ilkhanienne.
4 février 1300 : Départ de Ghâzân. 14 février 1300 : Départ de Koutloûshâh. Début février 1300 : Armée égyptienne à nouveau opérationnelle. Mars 1300 : Ghâzân envoie une lettre à Chypre pour préparer une attaque en hiver.
242
1301-1308: Wakhtang III, roi de Géorgie. 12 avril 1302 : Lettre de Ghâzân à Boniface VIII. 1302 : Lettre de Mar Yâhballahâ III à Boniface VIII, lui affrrmant son adhésion à l'unité de la foi et la reconnaissance de la primauté pontificale. Début juillet 1302: Attaque mamloûke contre la Cilicie qui a refusé de payer le tribut. 26 septembre 1302 : Prise de l'île de Rouwâd par les Mamloûks. 243
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Bibliographie Sources arméniennes
1302-1304 : Venise passe des traités avec le sultan et les émirs de Syrie. 18 avril 1303 : Kitbougha évacue Damas devant l'avance mongole. 19 avril 1303 : Armée de KoutIoûshâh campe devant Damas. 21-22 avril 1303 : Mardj al-Souffar. Septembre 1303: Andronic II Paléologue accepte l'offre des services de la Compagnie des Catalans. 1303 : Ambassade de Ghâzân à Paris. Tremblement de terre en Syrie et en Égypte. 1304: Expédition mamloûke contre la Cilicie, prise de TellHamdoûn. Il mai 1304 : Mort de Ghâzân. 18 mai 1304 : Lettre de Mar Yâhballahâ III au pape. Début juin 1305 : Lettre de Oldjeytü à Philippe le Bel. 1305 : Les Arméniens ne payent pas le tribut; raid mamloûk. 18 juillet 1305 : Bataille de l' Ayas. 1307: Assassinat du grand baron Hét'oum et de Lewon III ainsi que d'une quarantaine de hauts personnages arméniens. 1312: Échec de l'offensive mongole. 13 novembre 1317 : Mort de Mar Yâhballahâ III. 1323: Paix conclue entre le sultanat mamloûk et le khanat de Perse.
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INDEX DES NOMS DE PERSONNES
Abaka 29, 34_35,38-41,44,66,89,101,129,133,137,144,156,165.191193,21 1,229 Afrâsiyâb 85 . • •Alam al-din ArdJawash 213 AI_AshrafKhalîlI1 7,162,175-176,180,199 Aldjigiday 109 Amaury de Lusignan 25 Andronic II 144 Arghoûn 34,36,38,47,49-50,52-53,102-103,106,111,141, 153,165,190 Arghoûn Âkâ 63,140,193 Arslân 85 Baktimour 104, 187-188,213 BaItoû 163 Baroulây 85 Bâtoû 141,155-156,186 Baybars 34,117,129,137-138,143,152,172-173,178,184,191 Baybars Djâshnikîr 163 Baydou 20,35,44,53,55,64,67,70-71,77,84,146.160-161 Benoit XI 89 Berke 51,143,149,155 Boniface VIII 89,103-104,108,114,126-127 Boûloûghân Khâtoûn 161 Buscarello Ghisolfi 103-104,111 Chahenchah II 196 Clément V 25 David VI Narinn 36 David VII Oulou 139 David VIII 31,55,57,139-142,156,158,163,190,228,234 Denha 1er 82,93 Dimitri II 35,52,66,141,190 Djebe 139 Djoûtchî-Kazar 85,155 Dokoûz Khâtoûn 16,39,95,155,173 Douwâ 154,211 Edouard d'Angleterre 115 Esen Demir 222,224 Fakhr al-Din 66,96,149 Frédéric II 22
Index des noms de personnes ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Gaykhâtoû 54,76,94,144,146,150 Gengis Khan 14_15,38,51,59,77,85,88,92,153,155,179,197,199,218, 228 Ghiorghi V 139,235 Ghiorghi Lacha 139 Grégoire X 119 Grigor VII d'Anazarbe 99,123 Guillaume de Rubrouck 17-18,60 Güyük 24,185 Henri 1er de Chypre 22,185 Henri II de Chypre 103,126 Hét'oum 1er 24-25,34,57,134,137-138,171,172,175,185-186,196, 224 Hét'oum II 23-24,53-54,61,64,70-71,75-77,97-99,106-108,114,118125,127,134-135,137-138,157-158,166,168, 173-175, 182-183, 185, 188,203204,206-207,211-213,219,221,223,225,227,229-235 Hoû1âgoû 15-16,34,38,59,63,69,83,96,102,109-110, 144, 153-156,165166,171,179,194,211,216,219,224 Ibn Taymiyya 59,166-167 Iso11e Pisan 103-104,127,216 Jacques II d'Aragon 116 Jacques d'Arles-sur-Tech 99,107 Jacques de Molay 196 Jean de Giblet 21 Jean de Plan Carpin 17-18 Jésusabran 38 KalawoÛD 128-131,162,165,180 Kamâl al-dîn 'Abd al-Rahrnân 33,51,165 Karmagi 152 Kay Khousraw 85 Khôdja 'Azîz 34 Kinshoû 224 Kitbougha 160-162,222 Kostandin II de Césarée 98,123-124 Koubilây 85,153-154 Koutlough Igadjî 38 Koutlough-Khôdja 154 Koutloûshâh 35,41,64-66,79,140-142,202,212,214,219-224,226 252
Koutouy Khâtoûn 38 Lâdjln 21,59,161-162,187 Lewon I124,52,99,106,118,122,128,\30,133-134,137,172,176 Lewon JIl125,235 Louis IX \02-129 Madj al-dîn ibn-Kârâmân 186 Mahmoûd 149 Makhika 89,166 AI-Malik al-Nâsir Youssoûf 132 Mangoû Timoûr 130,154 Mankoûtamour 163 AI-Mansoûr 152 Mar Yâhballahâ III 20,37,42,60,62,71-72,74-76,82-83,86-95,99100,102,106-108,114,146 Mas'oûd 151,186 AI-Mâwardi 35 Michel VIII Paléologue 143 Môngke 63,88-90,140,153-154,171,185,193 Mouhammad al-Nâsir 21-22,27,29,56,116,159,163-166,168,178,180183,187-188,200-201,205,213,217,220,224 Mou'in al-dln 192 Moûlây 203,205-206,212,217 AI-Mousta'sim 166 AI-Moutawakkil 68 Nadjib al-dawla al-Kahhal al-Yahoudi 96 Nadjm al-din 166 Nakbâyeh 152 Nasr al-din 82,87 Nawroûz 18,35,40-41,45-47,49,55,61 ,63-67,73,75-76,79-82,84,95,146147,154,163 Nicolas IV 38,102,106-107,114 Nicolas Falcon 25 Nizam al-din Mahmoûd ibn' Alî al-Shaybani 207 Noûrln Âkâ 41,64-65 Oldjeytü 29-30,38,48-49,54,103,111,158,234-235 Othmân 80 'Oumar 58,68,166 Philippe le Be1103,III,114-1l5 253
.'
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Rabban Sauma 35,38,42,71,99,102,104,109,114 Rashid al-din 96,148-150,160,181,203,210,229 Rita 120 Roussoudane 139,189,192 Sa'd al-dawla 34 Sâdi 152 Sadoun 35,66,79 Sadr al-din Hâlidi,I50 Sadr al-din Ibrâhim 46 Safi al-din Ardabîlî 46 Saladin 149 Salâr al-MansoOrî 163 Sayf al-dîn ai-Bliki 161 Sayf al-dîn •Azaz 161 Sayfal-dîn Baktimour al-Silahdâr 161 Sayfal-dîn Kiptchak 104,161 Sembat 24,120-124,135 Shenak al-TimoOr 81,87 Siméon d'Ani 38 Sorkoktani Beki 38,90 Sougây 85 Soulâmîsh 28,150,163,181-185,192,198,199 Sounatây 224 Stép'annos IV 175 Sübetey 139 TakoOdâr 33,35,37,50-53,55,66-67,77,85,165 Tamerlan 81 Tarakây Küregen 160-161 Thamar 35,66,79 Titta 224 Tokto'a 141,155,192 Tolouy 38 T'oros 23,120-125 Tougashar 163 Vasil T'at'ar 122 Wakhtang III 139,142 Zâhid Gilânî 46-47 Zakari 152 Ziya al-din 18
INDEX DES NOMS DE LIEUX
Acre 18,106,117,184 Adharbaydjân 41,63,67,78-79,81,132-133,155 'Adjloun 104 AI-' Arish 104 Alaya 175,186 AI-Birâ 200 Alep 83,104,175,180,188,199-200,210,215,220 Alexandrie 184 AI-Rahba 200 AI-Sâlihiyya 97,207-208 Amanus 118,173-174 ÂmoO Daryâ 155 Anatolie 145,151,191,215 Ankara 144 Antioche 41,104,173,219,221 Araxe 80 ArrAn 155 Ashir Dagh 175 Asie 25,102,186 Adît 161 'Ayn DjâloOt 132-133 Ayntâb 172 Bagdad 15-16, 20,59,69,72-74,78,82,87,93-95,133,166,172,179 Baghrâs 104,173-174 Bahasnâ 53,104,172,175-176,182 Ba'lbek 104 Bartella 74 Beyrouth 184 Bordeaux 102 Bosphore 143-145 Caucase 156-157,192 Chine 38,42,85,98, Il 0,153,189 Chypre 22-23,25,113,117,126-127,218 Cilicie 15,23-27,52-54,62,70,75,77-79,98-99,106-1 07,11 0-113,115,117119,122-126,128-140,151-152, 157-160,163,168-169, 171-176,181-182,185187,189,194,196-199,203-204,206-207,211-212,215-217,219-230,234-236 Constantinople 120-121,124,143-145 Crimée 145,156,189 Damas 21-22,29,48,56,58-59,82,104,132,137,162,165167,175,180,182,184,188,199-200,205-209,213-214 Damiette 184
254
Index des noms de lieux ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Darband 158,192 Darbsâk 171,173,175 Daria 207 Derbend 174 Dir 'lesir 222 Diyâr Bakr 141,151-152,159-160,176,183 Dja'bar 199,209-210 Djaghatay 40,51,154,158,210 Djayhân 174-177 Doli 204 Dourdoun Dagh 175 Égypte 21,23,26,28,48,52,96,104,125-126,132-133,135, 146,157,161,163165,173,180,184,200,220,223 Elbistan 152,191,201 Euphrate 15,104,113,152,160-161,176-177,180-181,196,199200,209,219,222,228 Fârs 42,143,154-155,157,210-211 Florence 18 Gaza 205-206 Gênes 126,221 Géorgie 15,31 ,34-35,52,55,57,66,79,113,138-143,155,157,163,185,189190,192-194,223,234-236 Gîlân 226 Gladzor 54 Hamadân 72,74,162 Hamah 26,104,200 Hamoûs 176 Harrân 21,151 Hébron 205 Herat42,66 Ho~s 21,23-24,27,51,104,130,133,200,204,210-211,217,223,230 Horomkla 53,98,107,119-120,131,174-175 Inde 40,157 Irak 19 Iran 7,19,85,102,143,154,193 Irbil 72-74,82-83,86,93,152 Ispahan 133 Jérusalem 22,24,109-110,171,205-208,214,216 256
Jezree1210 Jourdain 210 Kanli Dagh 175 Karakoroum 24,122,171 Karkîsiyâ 151 Kaschmîr 40 Khanbalik 98,153 Khataï 40 Khôdja Dagh 175 Khourâsân 15,40,42,47,50-51,79,150,154 Khwârazm 199 Kiptchak 154-158,190,192-193 Kinnân 149,154-155,157,211 Konya 57,144 Korykos 25 Kose Dagh 185 Kour 156 L'Ayas 130,173,188-189,235 Le Caire 116_117,130-133,135,138,145,159,165,176,179,200,204.214 Lérida 116 Liban 210 Lyon 119 Malatya 174 Marach 24,171-172,177 Marâgha 20,64,70-71,73-76,81-83.86-87,89,92,94,107,155 Mârdîn 130,152,183 Mardj al-Souffar 189,222,225,229 Mati 34,174 Marw42 Marzabân 175 Mâzandarân 40 Mer Égée 143-144 Mer Noire 143,145,189 Mézet207 Mossoul 35,72,74,93,96,133,149,152,180 Moûghân 94 Mshâpoûr42 Nadjîma 176-177 Nakhidjevan 80 Nil 143 NîshâpOÛT 66 257
ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Palestine 104.156.216 Paris 102 Perse 13_14.18.20-21.26.28.30.37.45.52.54.65,79,85,87,101, 103105.118.127.131_132.134-136,138,141,143-146,149.153.155,157158.162.169,185, 190, 193.198.209.211.220,223,225.228-229.233,236 Poitiers 25 Ra'bân 175 Rahba 104 Rayy 40 Rome 98_100.102_103,106,108-110.123-124.127,133,136 Rouwâd (île de) 126.219 Russie 141.143-144.149,155-156 Sa1amiyya 104 Samarkand 24,59.185 Saray 141.145 Sébaste 186 Shayzar 104 Shîh a1-Hadîd 175 Sicile 102 Sis 98,107.113,122.124,131,159.173-175.182,212,221,235 Syrie 21,23,26-29,31,52,103-104-105,109-111,116-118, 127-128, 131134,136.138,143,145,150-152,154-157,159-161, 164-166, 168, 171-172, 174176.180-181-184,187,190, 192-195, 198-200,205,208-223,226-228,233234.236 Tabrîz 53.71-75.78,81,93,103,105,113,127,131133,135,138,141,151.153,159,165,169,189,218,228,235 Tadjikistan 42 Tangout38 Tbilissi 113,235 Tell-Hamdoûn 175-177,187-188,215 Tigre 78 Tortose 126,219 Transoxiane 134,154 Trébizonde 189 Tripoli 222
TABLE DES MATIERES AVANT-PROPOS .......................................................................................
7
PREFACE ...............................................................................................
9
INTRODUCTION ........................................................................................ /3
PRESENTATION DES SOURCES ................................................................ 17 LES SOURCES CONCERNANT LES QUESTIONS MILITAIRES ..........................
22
Les sources arméniennes ..................................................................... 23 Un cas particulier: la Géorgie ........................................................... 3/
1 - UNE SITUATION RELIGIEUSE AMBIGUË .............................................. 33 LA CONVERSION DE GHAZAN..................................................................
33
La place du christianisme et de I·islam ....................................................... 33 Un rôle de plus en plus important de l'islam ......................................... 33 Ghâzân, son enfance .............................................................................. 38 Les influences religieuses ...................................................................... 41 La conversion de Ghâzân ........................................................................... 44
La lutte contre Baydou .......................................................................... 44 La conviction réelle de Ghâzân ............................................................. 45 La place de la religion ................................................................................ 50 La conversion de Takoûdâr rejetée ........................................................ 50 Les titulatures ........................................................................................ 55 L'attitude de Ghâzân à Damas .............................................................. 58 L'adoption du turban ............................................................................. 61 LE FANATISME RELIGIEUX DU DEBUT DU REGNE .....................................
63
L'émir Nawroûz ......................................................................................... 63 Biographie ............................................................................................. 63 Son rôle dans la prise de pouvoir .......................................................... 64 La disgrâce de l'émir Nawroûz ............................................................. 65 Les musulmans. excessifs vis-à-vis des chrétiens ....................................... 67 Les édits de persécution ........................................................................ 67
Ukraine 73.81
Un rôle actif de Hét'oum II ? ................................................................ 70
Venise 126-127
Un retour au calme progressif .................................................................... 78
Yarkand 42
Les limites territoriales de la persécution .............................................. 78 258
Les conversions ..................................................................................... 80
Table des matières ARMÉNIENS ET AUTRES CHRÉTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONGOLE
Quelques dérapages .......................... ·........................ ·.... ···· .................. · 81 LE RETOUR A LA TOLERANCE. « TOLERANCE MONGOLE» ? ..................... 84
Le pouvoir de Ghâzân s'est affermi.. .......................................................... 84 Le « réveil » de Ghâzân........................................................................ · 84 Tolérance réelle de Ghâzân ................................................................... 85 Le retour à l'honneur du patriarche nestorien ............................................. 87
1
1
1 1
La dislocation de l'entente arméno-mongole ............................................ 125 L·embargo ........................................................................................... 125 La trêve de 1285 .................................................................................. 128 Une moindre confiance en la puissance mongole ................................ 132 Les autres alliés chrétiens ......................................................................... 138 La Géorgie, un vassal turbulent ........................................................... 138 L'Empire byzantin .............................................................................. 143
L'obtention d'exemptions ..................................................................... 87
LE KHANAT DE PERSE FACE A DE NOMBREUX PROBLEMES ..................... 146
L'obtention de dignités ................................ ·.... ·.......... ·...... ·..........·.. ··· .. 89
La politique intérieure de Ghâzân ............................................................. 146
La construction de la nouvelle résidence patriarcale ............................. 94
La nécessité du rétablissement des finances ........................................ 146
Ghâzân ménage les chrétiens ...................................................................... 95
Une occupation plus effective des territoires occidentaux .................. 1S1
Les chrétiens. des collaborateurs traditionnels du pouvoir mongoL ..... 95
Un contexte international difficile ............................................................ 1S3
Le rôle des chrétiens orientaux dans les rapports avec la papauté ......... 97
L'indépendance vis-à-vis du Grand Khan de Khanbalik ..................... 153
Il - LES CHRÉTIENS ORIENTAUX, DES ALLIÉS POLITIQUEMENT TROP
Les menaces des autres khanats mongols ............................................ IS4
FAIBLES .................................................................................................. 101
Ghâzân ne peut pas disposer de toutes ses forces pour combattre en Syrie
LA RECHERCHE DE L 'ALLIANCE OCCIDENTALE...................................... 101
............................................................................................................ 157
Les ambassades ........................................................................................ 101
L'adversaire: les Mamloilks .................................................................... 159
Ghâzân reprend la politique de ses prédécesseurs ............................... 101
Un pragmatisme politique de part et d'autre ....................................... 159
L'appui des chrétiens orientaux .......................................................... 106
Les luttes politiques ............................................................................. 162
Les propositions mongoles ....................................................................... 109
Lutte d'influence entre Mongols et Mamloftks ................................... 164
La restitution de Jérusalem et de la Terre sainte.................................. 109
lU - LE CONFLIT MILITAIRE .................................................................. 171
La proposition d'un soutien logistique ................................................ III
LEFACEA FACE................................................................................... 171
Des efforts de coordination ................................................................. 112
La Cilicie face aux Mamloilks .................................................................. 171
Les réactions de l'Occident ...................................................................... 114
Les récupérations territoriales ............................................................. 171
La sensibilité des papes pour la croisade ............................................. 114
L'acharnement mamloilk..................................................................... 172
Une indifférence générale ................................................................... 115 Quelques propositions ......................................................................... 115 LESALLIESENORlENT ......................................................................... ll7
La Cilicie, un vassal affaibli ..................................................................... 117 Les conséquences de la chute de la Terre sainte.................................. 117 Hét'oum II, un roi politiquement faible ............................................... 118 Les luttes politiques............................................................................. 120
260
La cession et la perte de places fortes stratégiquea .............................. 175 L'Euphrate ................................................................................................ 177 L'espionnage ....................................................................................... 177 Le renforcement des positions ............................................................. l80 Les escarmouches................................................................................ 181 Les auxiliaires chrétiens ........................................................................... 185 Les avantages pour les chrétiens ......................................................... 185
261
ARMÉNIENS BT AUTRES CHRéTIENS D'ORIENT SOUS LA DOMINATION MONOOLB
Le. devoir. militaire........................................................................... 191 La valeur de ce. continaentl ............................................................... 195 L ·AFFRONTEMENT................................................... •........ · .......... ·· ...... 198 La campagne de 1299 ........................................·..........·.......... ·............ ·.. · 198
Le chemin de l'inva.ion ...................................................................... 198 La bataille ............................................................................................ 200 L'occupation de la Syrie ..................................................................... 205 Lei exactions chrétiennel ..............................................·· .. ·...... ·.. ·....... 207 Le renux mongol ...................................................................................... 209 Lei CaUBe8 du départ de Gh4z4n .......................................................... 209 Lestroupcs d'occupation .................................................................... 212
A qui la Syrie 1......................................................... ·.......................... 214 Le rétabli8sement mamloQk ....................................................... ·...... ·.. 217
LA DESILLUSION ............... ................................................................... 2J 8 De8 tentatives infructueuses ..................................................................... 218 Préparation de nouvelles expéditions .................................................. 218 L'attaque de 1301 : raid ou invasion 1 ................................................ 219 Mardj al-Souffar ....................................................................................... 222 Les forces en présence ......................................................................... 222 L'erreur tactique .................................................................................. 224 Le désa8tre .......................................................................................... 225 GhAzAn, un défenseur des chrétiens 1 ....................................................... 227 L'obsession de Ghftzftn pour la Syrie .................................................. 227 Ghftzftn, un protecteur des chrétiens de Perse ...................................... 228
CONCLUSION GÉNÉRALE ........................................................................ 233 CHRONOLOGIE ......................................................................................... 237 BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................... 245
INDEX DES NOMS DE PERSONNES................................................................ 2S1 INDEX Db'S NOMS DE LIEUX........................................................................... 255 TABLE Dt'S MATIERES .................... ............................................... 259
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v' 262
Achev~ d'imprimer en juin 2007 sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery 58500 Clamecy Dépôt légal: juin 2007 Num~ro d'impression: 705176
Imprimé en France
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